Titre : La Lanterne : journal politique quotidien
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-04-06
Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 avril 1885 06 avril 1885
Description : 1885/04/06 (A9,N2907). 1885/04/06 (A9,N2907).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7500863w
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/06/2012
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PARIS
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JOURNAL POLITIQUE
QUOTIDIEN
UN NUMÉRO ': 5 CENTIMES
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SIX MOIS. 12 Fa.
UN AN. 24 FR.
NEUVIÈME ANNÉE. - NUMÉRO 2907
Lundi 6 avril 1885
17 germinal en 93
LA CRISE MINISTERIELLE
NOUVELLE COMBINAISON - M. BRISSON
m NOUVEAU H
Les auteurs du brigandage politique
dont la France commence à se fatiguer
sonsidérablement sont habiles, mais
poltrons. Les responsabilités les épou-
vantent et, n'osant agir eux-mômes à
visage découvert, ils vont chercher ail-
leurs des complices irresponsables.
Voilà comment s'explique l'interven-
tion d'un personn; ^e nouveau : le Sénat
qui vient d'entrer en scène dans cette
indécente comédie du sauvetage de M.
Ferry.
Ceux de la bande qui siègent au Pa-
lais Bourbon n'osaient pas prendre sur
eux cette opération que la haine publi-
que, dont M. Ferry jouit si complète-
ment, rend éminemment dangereuse à
.l'approche des élections.
Ces pleutres veulent bien être crimi-
nels, mais à la condition de n'être pas
responsables. Au scrutin secret, ils se-
raient vaillants. Mais, quand il faut si-
gner son vote, ces honnêtes gens s'éva-
nouissent de pour. ,
Voilà Dourcruoi les chefs de la horde
ont pensé qu'il convenait de passer la
parole au Sénat qui, n'ayant peu ou pas
d'électeurs, c'est-à-dite n'ayant rien à
craindre, est capable de tout oser.
Et le Sénat, avec joie, s'est empressé
d'accepter, et même de revendiquer,
cette honorable mission. Il s'agit > d'ar-
rêter les ministères en formation, com-
me on arrête les diligences au passage
et de faire main-basse sur les porte-
feuilles comme on extirpe les bourses
des voyageurs.
L'opération ne pouvant sans danger
se faire au coin du quai, c'est au coin
des bosquets qu'on va là faire. Cartou-
che transporte son champ de bataille
du pont de la Concorde au Luxem-
bourg : « Attention ! Je ministère Gons-
» tans va passer. Sentinelles, à vos
» escopettes ! En joue : Feu ! »
Et de même qu'avant-hier, après l'é-
chec de M. de Freycinet, — amené par
la retraite savante et perfide de MM.
jSpuller et Sarrien, — M. Thomson de-
mandait à la Chambre une manifesta-
tion en faveur de M. Ferry, de même
hier, après la retraite non moins sa-
vante et non moins perfide de MM. Hé-
rault et Sarrien, M. d'Audiffret-Pasquier
propose au Sénat une interpellation
dont M. Ferry doit être le héros.
C'était, tout indiqué. Le nom même
du compère donne à l'incident toute sa
portée. Cette machination opportuniste
est une manœuvre orléaniste. Nous
n'en doutions pas. M. Ferry au pou-
voir, c'est tout bénéfice pour les princes
d'Orléans. Si ce n'est sa complicité, du
moins ses fautes les servent.
Puis. pour le Sénat, ennemi de la dé-
mocratie, l'occasion est bonne. Usurper
sur la souveraineté nationale, quel plai-
sir ! Mettre la .main sur une partie de
la puissance politique, quel rêve ! Le
Sénat « rétablissant » les ministères,
après avoir conquis le droit de « réta-
blir» les crédits. Quelle victoire !-Après
avoir restauré les chanoines, restaurer
M. Ferry ! C'est toute une révolution
qu'il y a là dedans !
Nous n'attendions pas moins .d'une
assemblée que sa nature même et son
origine ont prédestinée à n'être jamais
que l'ennemie de la République et de la
démocratie. Et nous ne sommes point
fâchés que, confiante dans son irres-
ponsabilité, la.« Chambre haute ), prenne
part à cette bagarre.
Avant que les électeurs prennent en
main leur grand balai, nous sommes
bien aise que tout ce qu'il y a de pourri
en France ait eu l'occasion de se faire
sentir.
On nettoiera tout du même coup.
■ — ■■ Il ■»! .111 ! ■ L Il "I," 1
LA GRISE
On sait que, dans la soirée d'avant-hier, M.
Constans avait définitivement accepté la mis-
sion de former un cabinet.
Nous avons rendu compte de ses premières
démarches auprès de M. de Frcycinct et de
M, Brisson.
Dans la matinée d'hier, M. Constans avait
presque réussi à formor un cabinet dans le-
quel MM. Sarrien et Hérault devaient repré-
senter la gauche républicaine.
Dans la journée, MM. Hérault et Sarrien se
retiraient.
M. Constans a fiit alors une nouvelle dé-
marche auprès de M. de Freycinet, qui a par <~
-c décider. Il était convenu que M. de Freyci-
net prendrait les aftaires étrangères et choi-
sirait le ministre des finances.
A sept heur s du soir, le ministère était
fait — do. moins on le croyait — et il se com-
posait comme suit :
Président du conseil et
Affaires étrangères de Freycinet
Intérieur , - Constans
Guerre Gén. Boulanger
Marine Amir. Bourgeois
Justice Floquet
Travaux publics Allain-Targé
Finances - X.
Commerce Turquet
Instruction publique Lockroy
Agriculture. Hervé - Mangon
Postes et Télégraphes Naquet
Le ministre des finances devait être pré-
senté par M. de Freycinet. M. Sarrien atten-
dait, au coin de l'avenue Marigny, qu'on vînt
le prendre.
Cependant, au Palais-Bourbon, des démar-
ches pressantes avaient été faites aunrès de
M. Brisson. Après M. Constans, MM. Flo-
quet et Allain-Targé l'avaient adjuré, de la
façon la plus instante, de passer par dessus
les considérations personnelles, et dé prendre
conseil de son patriotisme.
Puis, M. Clémenceau, dit-on, îv plus vive-
ment encore insisté, Dans la Chambra un
courant se dessinait dans ce sens. Amis et
ennemis se rencontraient pour pousser M.
Brisson par les épaules ; les uns, parce qu'ils
ont confiance en lui, les autres parce qu'ils
espèrent l'user et se débarrasser d'un concur-
rent qui les gêne.
*
* *
En même temps, au Sénat comme à la
Chambre — et chez M. de Freycinet — les op-
portunistes travaillaient activement. Leur co-
lère était vive, parce qu'ils voyaient M. Cons-
tans sur le point de réussir. On savait que le
télégraphe venait d'apporter l'acceptation de
M. le général Boulanger. Il était temps d'opé-
rer quelque grande manoeuvre pour couper
court à ce succès menaçant.
* *
La séance du Sénat n'a pas eu d'autre but.
En même temps qu'on pesait directement et
personnellement sur M. de Freycinet, on se
servait du Sénat comme d'une menace. On
lui montrait la résurrection possible de M.
Ferry, la chute prochaine, immédiate, du mi-
nistère Constans. „
*
* *
M. de Frèycinet, dont l'hésitation et la timi-
dité sont les défauts favoris, s'est laissé ~int A
mider par ces manifestations. Il s'est rendu
chez M. le président de la République et lui
a déclaré que, quant à lui, il croyait que la
base du ministère devait être dans l'Union
républicaine :
M. de Freycinet abdiquait devant les exi-
gences et les menaces de la bande Ferry !
*
* *
M. Constans a pris tout de suite sa décision.
Devant cette retraite — par trop prudente —
de M. de Freycinet et du ministre des finan-
ces qu'il devait amener, M. Constans a com-
pris que les gens de l'Union républicaine lui
barreraient absolument le chemin et qu'il se.
rait abandonné s'il voulait accepter la lutte.
D'ailleurs, puisque M. Brisson ne se refu-
sait plus absolument, M. Constans qui, tout
d'abord, avait commencé par s'adresser à lui,
ne pouvait hésiter à résilier en sa faveur le
mandat qu'il tenait de M. Grévy.
Aussi, dans la soirée, vers les dix heures,
M. Constans, accompagné de plusieurs de ses
collaborateurs. MM. Floquet, Allain-Targé, etc.,
se rendait à l'Elysée et, après avoir fait connaî-
tre son désistement, il insistait, et le plus
vivement possible, auprès de M. Grévy pour
que M. Brisson fût chargé de constituer un
cabinet,
M. le président de la République répondit
qu'en effet c'était le seul parti à prendre et M.
Brisson a été appelé à l'Elysée.
*
* *
C'est ce matin à neuf heures que M. Bris-
son se rendra chez le président de la Républi-
que.
*
» *
-' Voilà, pour le moment, où en sont les cha-
ses. Cependant, il est un point qu'il faut dé.
gager, afin que le public puisse comprendre
les événement dont nous avons donné les
principales péripéties :
Au fond, ce qu'on se dispute, c'est la direc-
tion des élections ; c'est la présidence de la
République.
L'Union républicaine - la bande Ferry —<
veut tenir les urnes.
M. Ferry, déjà maître du Sénat, veut tenir
la Chambre future pour se faire élire succes-
seur de M. Grévy.
Si M. de Freycinet n'ose pas ça risquer
dans un ministère désagréable à l'Un on ré-
publicaine, c'est que M. de Freycinet ne veut
pas compromettre sa candidature éventuelle à
la présidence de la République.
Si l'Union républicaine — sans compter les
autres — pousse M. Brisson ai pouvoir, et si
M. Brisson a si longtemps refusé de s'y lais-
FEUILLETON DU • 6 AVRIL 1885
44
ÉVÂ LA FOLLE
XIX
Coeur à prendre
(Suite)
Mme de Brémontville riposta d'un ton
sec.
— N'ayez crainte, lorsque je veux me
faire aimer, on m'aime. Vous en savez bien
quelque chose.
— ( Oh! moi, si vous voulez, je vous adore
tout de suite.
— Voyons, voyons, soyez raisonnable,
nous parlons de choses sérieuses.
— Moi, j'avais des circonstances atté-
nuantes.
— Lesquelles ?
— Quand je vous ai rencontrée,,mon cœur
était à prendre, tandis que celui de votre
Robert. 1.
- est pris, n'est-ce pas ?
— Tout juste.
— Mon cher, à l'heure qu'il est, soyez
certain que M. Robert de Montval doit
avoir une bien triste opinion de cette petite
sotte d'Eva.
— Oui, la scène que nous avons jouée en-
semble ! scène que nous avons jouée en-,
- Et la lettre ?
— Quaile lettre?
- Celle de l'Ecloppé.
— Tiens, c'est vrai; je n'y pensais plus.
L'a-t-il reçue?
— De ce matin ; oui.
— Qu'en a-t-il dit?
— Nous le saurons demain, car je suis
bien sûre qu'il viendra m'en parler ce soir.
— Ah ! ah ! il vient donc chez vous le
soir, ce pauvre amoureux sauvage.
— Quelquefois !
— Et, pour l'amour de Dieu, qu'en faites-
vous?
— Je l'apprivoise.
- Allons, tant mieux! mais il est bien
dur de lutter contre un premier amour.
Mme de Brémontville se mit à rire.
— Avez-vous vu peindre un volet? deman-
da-t-elle à Jean de La Brève.
Il répondit machinalement, mais tout à
fait interloqué :
— Oui.
— On le passe d'abord en rouge, puis en
vert.
— Parfaitement; c'est pour que la seconde
couche tienne.
— Et bien, le premier amour, c'est la cou-
che rouge; il f aut en badigeonner le cc&ur
pour que le second soit solide. ,.
— Alors, Eva, c'est le badigeonnage, de-
manda Jean d'un air narquois.
— Et moi la couleur définitive ; vous l'a-
vez dit, répondit Mme de Brémontville sur
le même ton.
— Espérons que ce sera bon teint.
— Pourvu que ça tienne jusqu'au moment
où M. le maire viendra vernir, c'est bien
suffisant.
— Et après ?
— Après, mon cher, tout cela dépend de
la façon dont on entretiendra le volet.
Et elle ajouta en lui tendant la main :
— Mais en voilà assez sur l'art de peindre
les contrevents. N'oubliez pas de vous en-
tendre avec TEclopé pour ce qui concerne
ces péronnelles de Martin. Jean de La Brève
promit de s'en occuper et prit congé.
Il n'était pas parti depuis une heure que
Robert de Montval entrait.
La Houssotte était bien renseignée. Ro-
bert avait reçu la fausse lettre d'Eva, et
tout bouleversé, anéanti, l'âme brisée, il
venait chercher auprès de Mme de Brémont-
ville un peu de courage.
Les hommes, même amoureux, choisis-
sent toujours de préférence les jolies fem-
mes comme consolatrices.
C'est parfois dangereux.
Quand elle le vit si ému, si triste, elle se
remit à jouer le rôle qu'elle avait déjà joué
la première fois, et cela si hypocritement,
que malgré lui son beau cousin lui fit sa
confession complète.
Elle l'écoutait tranquille, ayant l'air de
s'intéresser à sa douleur, à ses déceptions,
a ce grand chagrin d'amour qu'il lui con-
fiait, faisait exprès de le gronder un peu
comme un enfant, le traitant comme un ma*
lade qu'un amour nouveau guérira.
Mais au fond elle se disait, toute fière du
succès entrevu :
— Le cœur est vide ; à la première occa-
sion, je m'y installerai.
Pour cette fois, elle se contenta de la
plaindre et s'efforça de lui prouver qu'Eva
était une simple coureuse qui ne valait pas
la peine d'être pleurée par un galant homme.
Lorsqu'il lui montra la lettre qu'il croyait
écrite par sa fiancée, elle n'en manifesta au-
cun étonnement.
— Il fallait s'y attendre, dit-elle, vous
avez entendu ici même un de mes amis ju-
ger cette petite. Voilà bien la preuve de ce
qu'il disait. Consolez-vous, la perte que
vous faites n'est pas grande.
— Je croyais en elle.
— Vous l'oublierez vite.
— Je l'espère.
— Il le faut.
— Je n'en ai pas moins bien durement
souffert ; la blessure est profonde.
— Blessure d'amour-propre; ça se cica-
trisera vite.
— Ce sera long.
— Mais non, ou vous aidera à vous soi-
gner. Vous verrez que la convalescence ne
tardera pas.
— jeat la guérison complète?
— Elle viendra à son tour. Vous vous ma-
rierez.
- C'est un remède, dit-il en souriant.,
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NEUVIÈME ANNÉE. - NUMÉRO 2907
Lundi 6 avril 1885
17 germinal en 93
LA CRISE MINISTERIELLE
NOUVELLE COMBINAISON - M. BRISSON
m NOUVEAU H
Les auteurs du brigandage politique
dont la France commence à se fatiguer
sonsidérablement sont habiles, mais
poltrons. Les responsabilités les épou-
vantent et, n'osant agir eux-mômes à
visage découvert, ils vont chercher ail-
leurs des complices irresponsables.
Voilà comment s'explique l'interven-
tion d'un personn; ^e nouveau : le Sénat
qui vient d'entrer en scène dans cette
indécente comédie du sauvetage de M.
Ferry.
Ceux de la bande qui siègent au Pa-
lais Bourbon n'osaient pas prendre sur
eux cette opération que la haine publi-
que, dont M. Ferry jouit si complète-
ment, rend éminemment dangereuse à
.l'approche des élections.
Ces pleutres veulent bien être crimi-
nels, mais à la condition de n'être pas
responsables. Au scrutin secret, ils se-
raient vaillants. Mais, quand il faut si-
gner son vote, ces honnêtes gens s'éva-
nouissent de pour. ,
Voilà Dourcruoi les chefs de la horde
ont pensé qu'il convenait de passer la
parole au Sénat qui, n'ayant peu ou pas
d'électeurs, c'est-à-dite n'ayant rien à
craindre, est capable de tout oser.
Et le Sénat, avec joie, s'est empressé
d'accepter, et même de revendiquer,
cette honorable mission. Il s'agit > d'ar-
rêter les ministères en formation, com-
me on arrête les diligences au passage
et de faire main-basse sur les porte-
feuilles comme on extirpe les bourses
des voyageurs.
L'opération ne pouvant sans danger
se faire au coin du quai, c'est au coin
des bosquets qu'on va là faire. Cartou-
che transporte son champ de bataille
du pont de la Concorde au Luxem-
bourg : « Attention ! Je ministère Gons-
» tans va passer. Sentinelles, à vos
» escopettes ! En joue : Feu ! »
Et de même qu'avant-hier, après l'é-
chec de M. de Freycinet, — amené par
la retraite savante et perfide de MM.
jSpuller et Sarrien, — M. Thomson de-
mandait à la Chambre une manifesta-
tion en faveur de M. Ferry, de même
hier, après la retraite non moins sa-
vante et non moins perfide de MM. Hé-
rault et Sarrien, M. d'Audiffret-Pasquier
propose au Sénat une interpellation
dont M. Ferry doit être le héros.
C'était, tout indiqué. Le nom même
du compère donne à l'incident toute sa
portée. Cette machination opportuniste
est une manœuvre orléaniste. Nous
n'en doutions pas. M. Ferry au pou-
voir, c'est tout bénéfice pour les princes
d'Orléans. Si ce n'est sa complicité, du
moins ses fautes les servent.
Puis. pour le Sénat, ennemi de la dé-
mocratie, l'occasion est bonne. Usurper
sur la souveraineté nationale, quel plai-
sir ! Mettre la .main sur une partie de
la puissance politique, quel rêve ! Le
Sénat « rétablissant » les ministères,
après avoir conquis le droit de « réta-
blir» les crédits. Quelle victoire !-Après
avoir restauré les chanoines, restaurer
M. Ferry ! C'est toute une révolution
qu'il y a là dedans !
Nous n'attendions pas moins .d'une
assemblée que sa nature même et son
origine ont prédestinée à n'être jamais
que l'ennemie de la République et de la
démocratie. Et nous ne sommes point
fâchés que, confiante dans son irres-
ponsabilité, la.« Chambre haute ), prenne
part à cette bagarre.
Avant que les électeurs prennent en
main leur grand balai, nous sommes
bien aise que tout ce qu'il y a de pourri
en France ait eu l'occasion de se faire
sentir.
On nettoiera tout du même coup.
■ — ■■ Il ■»! .111 ! ■ L Il "I," 1
LA GRISE
On sait que, dans la soirée d'avant-hier, M.
Constans avait définitivement accepté la mis-
sion de former un cabinet.
Nous avons rendu compte de ses premières
démarches auprès de M. de Frcycinct et de
M, Brisson.
Dans la matinée d'hier, M. Constans avait
presque réussi à formor un cabinet dans le-
quel MM. Sarrien et Hérault devaient repré-
senter la gauche républicaine.
Dans la journée, MM. Hérault et Sarrien se
retiraient.
M. Constans a fiit alors une nouvelle dé-
marche auprès de M. de Freycinet, qui a par <~
-c décider. Il était convenu que M. de Freyci-
net prendrait les aftaires étrangères et choi-
sirait le ministre des finances.
A sept heur s du soir, le ministère était
fait — do. moins on le croyait — et il se com-
posait comme suit :
Président du conseil et
Affaires étrangères de Freycinet
Intérieur , - Constans
Guerre Gén. Boulanger
Marine Amir. Bourgeois
Justice Floquet
Travaux publics Allain-Targé
Finances - X.
Commerce Turquet
Instruction publique Lockroy
Agriculture. Hervé - Mangon
Postes et Télégraphes Naquet
Le ministre des finances devait être pré-
senté par M. de Freycinet. M. Sarrien atten-
dait, au coin de l'avenue Marigny, qu'on vînt
le prendre.
Cependant, au Palais-Bourbon, des démar-
ches pressantes avaient été faites aunrès de
M. Brisson. Après M. Constans, MM. Flo-
quet et Allain-Targé l'avaient adjuré, de la
façon la plus instante, de passer par dessus
les considérations personnelles, et dé prendre
conseil de son patriotisme.
Puis, M. Clémenceau, dit-on, îv plus vive-
ment encore insisté, Dans la Chambra un
courant se dessinait dans ce sens. Amis et
ennemis se rencontraient pour pousser M.
Brisson par les épaules ; les uns, parce qu'ils
ont confiance en lui, les autres parce qu'ils
espèrent l'user et se débarrasser d'un concur-
rent qui les gêne.
*
* *
En même temps, au Sénat comme à la
Chambre — et chez M. de Freycinet — les op-
portunistes travaillaient activement. Leur co-
lère était vive, parce qu'ils voyaient M. Cons-
tans sur le point de réussir. On savait que le
télégraphe venait d'apporter l'acceptation de
M. le général Boulanger. Il était temps d'opé-
rer quelque grande manoeuvre pour couper
court à ce succès menaçant.
* *
La séance du Sénat n'a pas eu d'autre but.
En même temps qu'on pesait directement et
personnellement sur M. de Freycinet, on se
servait du Sénat comme d'une menace. On
lui montrait la résurrection possible de M.
Ferry, la chute prochaine, immédiate, du mi-
nistère Constans. „
*
* *
M. de Frèycinet, dont l'hésitation et la timi-
dité sont les défauts favoris, s'est laissé ~int A
mider par ces manifestations. Il s'est rendu
chez M. le président de la République et lui
a déclaré que, quant à lui, il croyait que la
base du ministère devait être dans l'Union
républicaine :
M. de Freycinet abdiquait devant les exi-
gences et les menaces de la bande Ferry !
*
* *
M. Constans a pris tout de suite sa décision.
Devant cette retraite — par trop prudente —
de M. de Freycinet et du ministre des finan-
ces qu'il devait amener, M. Constans a com-
pris que les gens de l'Union républicaine lui
barreraient absolument le chemin et qu'il se.
rait abandonné s'il voulait accepter la lutte.
D'ailleurs, puisque M. Brisson ne se refu-
sait plus absolument, M. Constans qui, tout
d'abord, avait commencé par s'adresser à lui,
ne pouvait hésiter à résilier en sa faveur le
mandat qu'il tenait de M. Grévy.
Aussi, dans la soirée, vers les dix heures,
M. Constans, accompagné de plusieurs de ses
collaborateurs. MM. Floquet, Allain-Targé, etc.,
se rendait à l'Elysée et, après avoir fait connaî-
tre son désistement, il insistait, et le plus
vivement possible, auprès de M. Grévy pour
que M. Brisson fût chargé de constituer un
cabinet,
M. le président de la République répondit
qu'en effet c'était le seul parti à prendre et M.
Brisson a été appelé à l'Elysée.
*
* *
C'est ce matin à neuf heures que M. Bris-
son se rendra chez le président de la Républi-
que.
*
» *
-' Voilà, pour le moment, où en sont les cha-
ses. Cependant, il est un point qu'il faut dé.
gager, afin que le public puisse comprendre
les événement dont nous avons donné les
principales péripéties :
Au fond, ce qu'on se dispute, c'est la direc-
tion des élections ; c'est la présidence de la
République.
L'Union républicaine - la bande Ferry —<
veut tenir les urnes.
M. Ferry, déjà maître du Sénat, veut tenir
la Chambre future pour se faire élire succes-
seur de M. Grévy.
Si M. de Freycinet n'ose pas ça risquer
dans un ministère désagréable à l'Un on ré-
publicaine, c'est que M. de Freycinet ne veut
pas compromettre sa candidature éventuelle à
la présidence de la République.
Si l'Union républicaine — sans compter les
autres — pousse M. Brisson ai pouvoir, et si
M. Brisson a si longtemps refusé de s'y lais-
FEUILLETON DU • 6 AVRIL 1885
44
ÉVÂ LA FOLLE
XIX
Coeur à prendre
(Suite)
Mme de Brémontville riposta d'un ton
sec.
— N'ayez crainte, lorsque je veux me
faire aimer, on m'aime. Vous en savez bien
quelque chose.
— ( Oh! moi, si vous voulez, je vous adore
tout de suite.
— Voyons, voyons, soyez raisonnable,
nous parlons de choses sérieuses.
— Moi, j'avais des circonstances atté-
nuantes.
— Lesquelles ?
— Quand je vous ai rencontrée,,mon cœur
était à prendre, tandis que celui de votre
Robert. 1.
- est pris, n'est-ce pas ?
— Tout juste.
— Mon cher, à l'heure qu'il est, soyez
certain que M. Robert de Montval doit
avoir une bien triste opinion de cette petite
sotte d'Eva.
— Oui, la scène que nous avons jouée en-
semble ! scène que nous avons jouée en-,
- Et la lettre ?
— Quaile lettre?
- Celle de l'Ecloppé.
— Tiens, c'est vrai; je n'y pensais plus.
L'a-t-il reçue?
— De ce matin ; oui.
— Qu'en a-t-il dit?
— Nous le saurons demain, car je suis
bien sûre qu'il viendra m'en parler ce soir.
— Ah ! ah ! il vient donc chez vous le
soir, ce pauvre amoureux sauvage.
— Quelquefois !
— Et, pour l'amour de Dieu, qu'en faites-
vous?
— Je l'apprivoise.
- Allons, tant mieux! mais il est bien
dur de lutter contre un premier amour.
Mme de Brémontville se mit à rire.
— Avez-vous vu peindre un volet? deman-
da-t-elle à Jean de La Brève.
Il répondit machinalement, mais tout à
fait interloqué :
— Oui.
— On le passe d'abord en rouge, puis en
vert.
— Parfaitement; c'est pour que la seconde
couche tienne.
— Et bien, le premier amour, c'est la cou-
che rouge; il f aut en badigeonner le cc&ur
pour que le second soit solide. ,.
— Alors, Eva, c'est le badigeonnage, de-
manda Jean d'un air narquois.
— Et moi la couleur définitive ; vous l'a-
vez dit, répondit Mme de Brémontville sur
le même ton.
— Espérons que ce sera bon teint.
— Pourvu que ça tienne jusqu'au moment
où M. le maire viendra vernir, c'est bien
suffisant.
— Et après ?
— Après, mon cher, tout cela dépend de
la façon dont on entretiendra le volet.
Et elle ajouta en lui tendant la main :
— Mais en voilà assez sur l'art de peindre
les contrevents. N'oubliez pas de vous en-
tendre avec TEclopé pour ce qui concerne
ces péronnelles de Martin. Jean de La Brève
promit de s'en occuper et prit congé.
Il n'était pas parti depuis une heure que
Robert de Montval entrait.
La Houssotte était bien renseignée. Ro-
bert avait reçu la fausse lettre d'Eva, et
tout bouleversé, anéanti, l'âme brisée, il
venait chercher auprès de Mme de Brémont-
ville un peu de courage.
Les hommes, même amoureux, choisis-
sent toujours de préférence les jolies fem-
mes comme consolatrices.
C'est parfois dangereux.
Quand elle le vit si ému, si triste, elle se
remit à jouer le rôle qu'elle avait déjà joué
la première fois, et cela si hypocritement,
que malgré lui son beau cousin lui fit sa
confession complète.
Elle l'écoutait tranquille, ayant l'air de
s'intéresser à sa douleur, à ses déceptions,
a ce grand chagrin d'amour qu'il lui con-
fiait, faisait exprès de le gronder un peu
comme un enfant, le traitant comme un ma*
lade qu'un amour nouveau guérira.
Mais au fond elle se disait, toute fière du
succès entrevu :
— Le cœur est vide ; à la première occa-
sion, je m'y installerai.
Pour cette fois, elle se contenta de la
plaindre et s'efforça de lui prouver qu'Eva
était une simple coureuse qui ne valait pas
la peine d'être pleurée par un galant homme.
Lorsqu'il lui montra la lettre qu'il croyait
écrite par sa fiancée, elle n'en manifesta au-
cun étonnement.
— Il fallait s'y attendre, dit-elle, vous
avez entendu ici même un de mes amis ju-
ger cette petite. Voilà bien la preuve de ce
qu'il disait. Consolez-vous, la perte que
vous faites n'est pas grande.
— Je croyais en elle.
— Vous l'oublierez vite.
— Je l'espère.
— Il le faut.
— Je n'en ai pas moins bien durement
souffert ; la blessure est profonde.
— Blessure d'amour-propre; ça se cica-
trisera vite.
— Ce sera long.
— Mais non, ou vous aidera à vous soi-
gner. Vous verrez que la convalescence ne
tardera pas.
— jeat la guérison complète?
— Elle viendra à son tour. Vous vous ma-
rierez.
- C'est un remède, dit-il en souriant.,
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