Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1914-03-22
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 22 mars 1914 22 mars 1914
Description : 1914/03/22 (Numéro 16221). 1914/03/22 (Numéro 16221).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7153457
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
DIMANCHE 22 MARS 1914
Quatre-vingt-unième année. — 16.221.
Seines „ |
N" .
DIMANCHE 22 MARS 1914
ABONNEMENTS
PARIS ETRANGER
' et Départeneau (Union postais)
Un an.. ......... 25 îr. 36 fr.
Six mois ........ 13 » 49 •
Trois mois 7 • 10 #
LE NUMÉRO î 10 centimes
Les mandats et bons de poste
doivent être adressés
& M. l'Administrateur
DIEU PROTÈGE LA FRANCE /
7tu milieu des factions de toute espèce, vous n'appartenons
çu'à l Église et à la Pairie.
Louis VEUILLOT : Programme de l'Univers (1842)
ADHRÏST8ATO & RËIUCTIOI :
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■ DÉPÔT A ROME : ts, PUCï D3 la £K2sï3
Les manuscrits non insérés ne tant pas setuiut
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TÉLÉPHONE 751-55
SOMMAIRE
C ette ff.hmiï... — 0. Lecigne.
L a journée d'hier.
C arnet du D imanche : La mort tragique de
labbe Mercalli. — H.-G. Fromm.
M. llEsai B azire rfxidive . — Jacques Roca-
. ; -fort. ' ■■
-L 'affaike rochetre-curxack-monis : A la Com
mission d'enqiiéli ; Séance de -ce malin, séance
d'hier.
PARIS, 21 MARS 1914
Cette femme
— ; —-x-
C'est entendu : Mme Caillaux est
absoute par le R. P. Thalamas !
L'homme qui insulta la sainte Pucelle
exalte la bacchante ensanglantée. Il est
logique avec lui-même : le blasphème
contre l'héroïsme se conclut naturelle
ment par l'apologie de l'assassinat.
• .'S ;.^V, ïv '~ ir c écrit .quo ce régime ne
noo:-) itTustié* rien, sin^st des motifs de
fierté. Thiers avait prédit qu'il finirait
dans la boue. Il n'avait point prévu
qu'il y aurait du sang mêlé à cette boue
et qu'un législateur se lèverait pour dire
à la mégère rouge : « Vous en avez tué
un, bravo !»
Si bir "habitué que l'on soit sous la
troisiôn République à ces visions chro
niques, régulières, de la .bête humaine
en liberté, on demeure stupide à cer
tains jours. L'horreur et l'ignominie
dépassent la mesure normale. On se de
mande si l'on, dort ou si l'on veille, si
ces monstres qui surgissent soudain
sont bien des êtres réels et non pas des
larves f 3 cauchemar. On se demande
surtout' ù cela sort, de quelle ména
gerie ces fauves se sont évadés pour dé
chirer et pour dévorer.
" La première République lança dans
la rue ses vierges de Messidor, sa « tri
coteuse » en loques, la prostituée saoule
de. sang et d'alcool,- qui glapissait der
rière.la charrette et jusque sur les mar
ches de l'échafaud. La troisième Répu
blique est plus élégante : elle a conduit
sa tricoteuse chez les grands couturiers,
elle lui a mis un manteau d'astrakan
sur les épaules, toutes les fourrures,
toutes les parures ; elle lui a planté une
magnifique aigrette au sommet du cha
peau ; elle lui à donné un riche man
chon pour cacher son browning et ses
belles'mains blanches. Mais l'âme est
restée pareille, une âme où il n'y a plus
que des instincts et des. appétits, des
audaces sans nom, des vices sans nom
bre, la soif du sang, l'effronterie dans
là boue, je ne sais quel hideux mélange
qui est un défi à tous'les psychologues
et a tous les moralistes.
Mme Caillaux n'avait même pas un
nom "à donner au commissaire de po
lice, car le nom qu'elle porte ne lui ap
partient pas. Elle est la sœur de celle
à qui le Maître disait : « Tu as eu cinq
maris et celui que tu as maintenant
n'est pas le tien ! » La bohème de
l'amour, la vagabonde des foyers transi
toires avait fait du mariage une façon
de bail à l'année. Et cela ne scandalisait
personne autour d'elle : M. Poincaré
avait mis son nom de témoin au bas du
Contrat sacrilège. Lourde de crimes, lé
gère de remords, elle s'en allait ainsi
a travers le monde. Elle dînait dans les
ambassades et je suis sûr qu'elle regar
dait parfois vers l'Elysée. Elle se disait :
it' Si Jo est fidèle, si je suis fidèle à Jo,
il n'est pas impossible que je sois bien-
tôt- reine de France. Seulement, sept ans
de mariage c'est bien long ! ! » Et elle
ié tait songeuse en pensant à quels sacri
fices nous obligent parfois les ambitions
à longue échéance.
' * -
Sa conscience d'ailleurs ne lui repro
chait rien. Elle était une belle fleur
poussée sur le fumier laïque. Sa mo
rale n'abondait point en impératifs ca
tégoriques. Un principe la dominait et
3a résumait : « Vi.vre sa vie, ardemment,
librement ! » Ni les vieilles traditions,
Ini les antiques préjugés n'encombraient
icette conscience ; elle contenait juste ce
jque contiennent les manuels de l'épo
que, ni plus, ni moins:de vagues abs
tractions, de flottantes généralités, quel
ques préceptes dont on ferait plus facile
ment des vers à mettre autour d'un mir
liton que des axiomes à produire des hé
ros. Rien ne l'obligeait en somme. Avait-
'elle une âme ? Elle ne savait point. Il lui
Suffisait d'avoir une belle tête. Avait-
'elle un Dieu ? Elle ne savait point. Il
lui suffisait d'avoir, pour quelques
gours au moins, un mari illustre et qui
était le dieu des jacobins^ Jo était sa
règle, son idéal, sa sanction. Et tout le
monde sait que Jo avait mis dans Je cer
cueil paternel tout son catéchisme et
Itout son décalogue.
■ Sinistre figure que celle de Jo 1 Apos-
ïat de son baptême, renégat des tradi
tions familiales, Jo dresse au-dessus de
îa foule contemporaine un visage à la,
Méphisto. Nargue à Dieu 1 Nargue, au
pays ! Nargue a l'histoire ! Sans scru- r
pules, sans pudeur, le ploutocrate dé
magogue-fait le vide partout afin de
mieux remplir ses poches. Il n'y a puur
lui ni lois divines ni lois humaines, ni
droits . acquis ni biens. respectables. Il
méprise pour .mieux " exploiter ; il ex
ploite en méprisant, en dédaignant, en
ricanant. Nulle injure né l'atteint, nulle
plainte ne le touche : il-pille, il vole,
il écrase, couvrant ses brigandages
d'une rhétorique hargneuse et boursi-
ootière. Il évoque à l'esprit ces podes
tats du drame romantique aux dents
longues, aux mains rouges, aux doigts
griffus, et dont le règne serait intermi
nable s'ils ne s'empêtraient dans la robe
de quelque courtisane.
La malheureuse regardait vers Jo.
Cela lui était bien égal que Vivian! pro
menât son éteignoir parmi les astres
du ciel. Jo lui servait d'étoile ; elle n'en
demandait pas d'autre. Sa seule douleur
était que l'on doutât de la conscience de
Jo. Elle disait : « C'est le plus honnête
homme du monde ! » Elle avait oublié
de lui apprendre qu'il ne faut pas con
fondre l'honnêteté avec le succès et que
la . vertu n'est pas en raison directe du
nombre des crimes impunis.
* *
L'an dernier, une revue illustrée la
représentait accoudée aux coussins d'un
divan profond, un livre à la main. Cette
femme lisait. Elle eût voulu sans doute
que toute la littérature ancienne et mo
derne ne fût qu'un long discours de Jo.
Elle se résignait tout de même à des
excursions en dehors du Journal offi
ciel , des annales du Congrès de Pau ou
des banquets de Mamers. Elle lisait.
Elle allait au théâtre : les Dangeau de
la démocratie signalaient, sa présence
aux «premières » et décrivaient sa toi
lette.
Mon Dieu! que de coups de pistolet
elle a entendus au théâtre et dans les
romans du jour ! Les dramaturges et les
romanciers à la mode sont de force
(moyenne sur la grammaire et les règles
de l'art, mais ils sont de première force
au pistolet. Neuf sur dix des cas de
conscience se tranchent aujourd'hui par
un petit bruit sec et une chute sur les
planches. « Elle me résistait, je l'ai as
sassinée », disait jadis l'Antony de Du--
mas. Nos casuistes contemporains ne
sont pas plus embarrassés. « Tue-la ! »
disait l'autre Dumas. « Tue-le ! Tue-
les ! », c'est la morale des Bernstein,
des Croisset, des Blum, des Bloch, des
Lévy, de tous les bouchers hébreux qui
ont fait du théâtre français une façon
d'abattoir talmudique. Les agrégés de
l'avenir auront un magnifique sujet de
thèse pour le doctorat dans ce simple
titre : « De l'usage de la poudre dans le
drame et la comédie d'hier. » V ou^vous
opposez à, un jtnariage. : on vous tue !"
Vous ne voulez pas ùii divorce : on vous
tue! Vous défendez votre honneur con
tre un flibustier ": il vous tue ! Vous em
poignez un voleur, vous arrêtez un as
sassin : vous êtes tué à coup sûr ! Hugo
abusait du flacon de Locuste, du poi
gnard et du billot : le revolver a sup
primé cet arsenal pour les morts trop
simples. C'est bien plus dramatique
l'éclair dans La coulisse, le coup de fou
dre, l'acteur qui tombe, les bras éten
dus, avec un grand cri...
Elle lisait, elle était une accoutumée
des théâtres. Tous les soubresauts de
violence et de révolte plaisaient à cette
sombre détraquée. Elle n'avait aucune
résistance à leur opposer, car elle incar
nait le régime et l'époque : elle était un
total de toutes les tares, une résultante
de toutes les négations, un paquet de
nerfs à la merci des émotions et des
impressions. Nul respect de soi, nuil res
pect des autres, un être qui est capable
de tout si vous excitez sa colère et si
vous armez sa main.
Or, il lui parut Un jour que le Figaro
menaçait sa fortune. On défublait Jo de
son masque hautain. L'âme de roche
n'était qu'une âme de... rochette, quel
que chose de fragile et qui s'effrite au
moindre, choc. Le héros tournait au ca
botin. Trois ou quatre personnages sur
gissaient tour à tour des ténèbres de ce
génie : l'un mentait à la tribune, l'autre
corrompait les- juges, un troisième li
vrait la patrie. Jo s'écroulait. Elle eut
un frisson pour elle-même.
Alors elle sortit. Elle héla une auto.
Deux stations sur la route : une chez
l'armurier, une sur le trottoir du Fi
garo. M. Caknette parut : elle tira.
0 misérables rhéteurs, ô cuistres de
loges et de tribune, vous qui raclez les
baptêmes et qui saccagez les conscien
ces, ne vous voilez point la face !
Cette femme, c'est vous qui l'avez
faite ; ce browning, c'est vous qui
l'avez chargé ; ce journaliste, c'est vous
qui l'avez tué !
C. LECIGNE.
W JOURNEE D'HIER
- - -
Paris a fait, hier, à Gaston Calmette,
assassiné par Mme Caillaux, des funé
railles .grandioses. Tout se serait passé jus- ,
qu'à la.fin dans 1-e plus grand calme -si la'
police n'avait reçu l'ordre de profiter du
rassemblement des patriotes, qiii protes
taient contre un -crime «dieux, pour es
sayer d'interrompre 'la carrière de quel
ques-uns. Le coup de revolver tiré par un
agent provocateur fpt le signal des char
ges opérées par la police, sabre au clair,
avec ime brutalité inouïe. L© gouverne
ment trouve bonne, évidemment, La mé
thode employée par la femme de l'ex-mi-
nistre des Finances pour se débarrasser de
•ses ennemis. •
' Pendant que se déroulaient ces événe
ments, le déballage du. linge sale — oh !
d'une partie seulement ! — du régime laï
que commençait .au Pallais-Bourbon.
Dtes dépositions d© MM. Monis, Caillaux,
Fabre, Bidault de l'Isle, .reçues hier par la
Commission d'enquête, il ressort nette
ment, avec une aveuglante clarté : 1 # que
M. Monis, étant président du Conseil, a
parfaitement donné l'ordre au procureur
général d'obtenir la remise du procès Ro
chette; 2° qui© M. Monis afit ainsi pour faire
plaisir à M.- Caillaux; 3° que M. Bidault de
l'Isle avait dit le contraire d© la vérité à la
Commission d'enquête de 1912: 4° que M;
Caillaux (déposition de M. Fabre) redoutait
la publication du procès-verbal. de M.
Eabre.
Quelles que puissent être les déclara
tions qu'entendra encore la Commission
d'enquête, la cause est entendu© et la vé--
rité établie.
Il mous reste à préciser un petit fait qui
avait soulevé hier au Palais-Bourbon, et
même au Sénat, une certaine émotion.
. On racontait partout que M. Jules De-
lahaye, qui fait partie de la Commission
d'enquête, avait, après ifca déposition de
M. Caillaux, serré Ja main de l'ex-ministre
des Finances, en lui disant qu'il considé
rait comme très correcte sa conduite dans
l'affaire Rochette.
M. Jules Delahaye, -auquel nous avons
demandé ce qu'il y avait de vrai dans ces
bruits, nous a répondu : « Je n'ai pas
adressé -la parole à M. Caillaux ; je n© lui
ai pas dit un mot. Quant à la poignée de
main, je la lui .ai donnée, mais voici com
ment : M. Caillaux, après sa déposition,
a fait le tour de la table et présenté la main
à tous les commissaires ; il me "la tendit
comme aux autres; à ce moment, et après
une certaine hésitatioln, je pensai que
j'étais le juge de cet homme et que je ne
devais donc montrer à son égard ni haine
ni passion ; et je pris sa main. »
La haute conscience et la magnifique in
transigeance de M. Jules Delahaye sont
tellement connues et ; appréciées 'à la
Chambre que îles amis de M. Caillaux
triomphaient de cet incident complètement
dénaturé.
$ous devions rétablir les faits: M.Jules
Delahaye n'a pas entendu absoudre M.
Caillaux.
Voir la « DERNIÈRE HEURE »
[en 3" page
Carnet du Dimanche
. .
L'Univers a annoncé la mort tragique de
l'abbé Mercalli, professeur de physique et
directeur de l'Observatoire du Vésuve.
Cette nouvelle, si attristante pour les
sciences, me rappelle une autre mort tout
aussi tragique ; celle du bon roi Stanislas,
roi de Pologne et duc de Lorraine.
Installé au château de la Malgrange, aux
portes de Nancy, Stanislas, grand-père de
trois de nos rois, se rendit le 2 février 1766
au célèbre sanctuaire de Notre-Dame de
Bon-Secours, voisin de cette maison de
plaisance des ducs de Lorraine. Il y fit ses
dévotions de la Chandeleur et. séjourna,
plus longtemps que de coutume près du
caveau qu'il avait choisi pour sa sépulture.
Il s'en excusa auprès du gentilhomme de
service et lui dit que la mort récente de
plusieurs souverains lui avait fait penser
que, sous peu, il serait trois pieds. plus
bas. Il ajouta qu'il était le doyen de tous
les souverains de l'Europe, qu'il avait
perdu deux fois, sa couronne, qu'il avait
échappé à plusieurs attentats, tentés conf
ire sa vie. « Il ne me manquerait, ajouta-
t-il, après avoir essuyé tous les dangers,
que d'être brûlé. »
Hélas ! Trois jours après cette visite à
Notre-Dame de Bon-Secours, il tomba, au
palais de Lunéville, dans le feu de sa che
minée, la main gauche sur des charbons
ardents ; il n'eut pas la force d'appeler
au secours et souffrit des douleurs horri
bles dont l'excès lui ôta le sentiment. Re
levé par les domestiques, on constata qu'il
avait les doigts de la main gauche calcinés
et une plaie qui, depuis la joue, s'étendait
jusqu'au genou. L'agonie fut longue et
douloureuse, car le malheureux roi ne ren
dit le dernier soupir que le 23 février 1766.
Il était âgé de quatre-vingt-huit ans.
Je rappelle cet incident parce que l'in
fortuné abbé Mercalli a également péri par
le feu, à la suite d'un accident causé, dans,
sa modeste chambre, par une lampe ren
versée.
En juin 1912, j'ai fait aux lecteurs "de
l'Univers le récit d'une ascension au Vésu-,
ve, à l'occasion du laquelle j'eus l'honneur
d'être présenté à l'abbé Mercalli. Mon récit
contenait le passage suivant :
u Ayant parlé d l'abbé Mercalli 'des dan-
« gers continuels courus pour son existen-
« ce sur les flancs de la terrible montagne,
« il me dit que, se sentant dans la main de
« Dieu, il était prêt à sacrifier sa vie au
« service de la science. »
Et voilà qu'il a péri par les flammes,
mais non pas par celles du Vésuve ! Cette
mort est une perte énorme pour la science.
L'abbé Mercalli est— chose digne de re
marque — compatriote de Pline le Jeune.
Il fut professeur de sciences naturelles au
séminaire de Monza, le séminaire diocé
sain de Milan, installé dans cette antique
cité du couronnement des rois lombards.
Consacrant chaque année ses vacances à
des voyages d'études, il acquit bientôt une
grande expérience et une grande autorité
fin matière de sciences, naturelles, tellurj*■
ques . ci sismographiques. Il . fut appelé
dans Aa province de Grenade, lors des ter-
nblcs'commotions lelluriques qui désolé-
rent, il y a quelques années, le versant
méridional de la Sierra Nevada d'Andalou
sie. Sa réputation et sa notoriété s'étendi
rent jusqu'au Japon. L'Observatoire de To-
kio a, récemment, envoyé à Naples deux
savants physiciens •japonaû'pour recourir
aux lumières scientifiques de ce modeste
ecclésiastique lombard.
L'abbé Mercalli était--le digne successeur
du célèbre physicien Melloni, lequel fut
le premier directeur de l'Observatoire
construit sur les flancs du Vésuve, en
1845, sous le règne du roi Ferdinand II de
Naples. Le distingué physicien et prêtre
lombard marchait sur les traces des non
moins célèbres physiciens Palmieri et
Matteucci, ses prédécesseurs immédiats.
Oui! il faut se sentir dalis la main de
Dieu — comme me le disait le tant re
gretté abbé Mercalli, dans la matinée du
mardi 21 mai 1912 -- pour affronter la
mort qui menace de si près et constam
ment celui qui. accepte pour demeure le
flanc du Vésuve. Pour connaître toute la
portée de ces dangers, il faut avoir lu ce
qu'en dit le si illustre compatriote de
l'abbé Mercalli, -Pline le Jeune. Il nous a
laissé dans son VI" livre le récit de la
'mort de son oncle et sa fuite avec sa mère,
lors, de la terrible éruption du Vésuve du
Si août de l'an 79 de l'ère chrétienne.
Mais le nom de l'abbé Giuseppe Mer
calli ne sera pas non plus oublié dans
l'histoire de la célèbre et tragique monta
gne, dont les plumes de Strabon et Dion
Cassius nous ont fourni les premières don
nées.
H.-G. F komm.
Échos
M. le procureur général
M. Victor Fabre, procureur général^ est
l'homme du jour. Hier, il a démoli à la
lois Momis, Caillaux et Bidault de l'Isle.
Quelle énergie dans cet homme ! disaient
les membres de la Commission. Oui, mais
oe qu'on me croirait i>as, c'est que, en son
privé, l'homme est doux et presque timide.
Originaire d'Aix-en-Provence, M. 1© procu
reur général est demeuré Provençal dans
l'âme. Sa maison est pleine des bea-ux
meubles d'Arles et sa. bibliothèque de livres
sur l'histoire de la Provence et d'oeuvres
d'écrivains -provençaux. Hier soir, pour sa
reposer de la Commission d'enquête, il a
•peut-être lu quelques paees d© Mistral...
La Grande Quinzaine
* du « Printemps »
Cette fête annuelle de la Mode, adoptée
par toutes les élégantes, s'étendra cette an
née, du lundi 23 mars au lundi 6 avril. Par
la variété, l'abondance et l'extraordinaire
bon marché des occasions offertes à tous
les rayons, la Quinzaine 1914 surpassera
encore les précédentes. Elle s'ouvrira de
main par la Fête des Fleurs, gracieuse
tradition du « Printemps «.
Nos lectrices trouveront à notre dernière
page d'indication de cinq grandes expo
sitions, d'une durée de trois jours chacu
ne, que comporte la Quinzaine du « Prin
temps ».
-- C f.rcamon.
IH bdi I Bazire reclve
Nos lecteurs se rappellent qu'à la suite
d'une longue campagne d'injures et de ca
lomnies menée contre moi, en, juillet 1912,
par M. Henri Bazire dans la Libre Parole,
j'avais envoyé au gérant de ce journal, con
formément à la loi, ma réponse documentée
pour y être publiée. M. Henri Bazire s'y
refusa. J© saisis alors la justice, et, à la
date du 26 février 1913, la neuvième Cham
bre condamna pour refus d'insertion la
Libre Parole à une amende, à des domma
ges-intérêts et aux dépens, en observant
dans ses attendus que la réponse de M. Ro-
cafort ne contenait rien qui fût de nature à
légitimer un refus d'insertion.
M. Bazire fit appel, ce qui lui valut une
confirmation pure et simple par la Cour du
jugement dis la neuvième Chambre.
..En. sortant de l'audience, quelqu'un qui
touche de près à la dit à notre avocat : Entendez-moi bien, vous
n'aurez de nous ni argent ni insertion !
Ce qui eut lieu. M. Henri Bazire, qui con
naît son métier, ayant pris la précaution de
ne signer ses injures que de ses initiales
II. B., et la loi ne connaissant pas les ini
tiales, il n'y avait pas de moyen légal de le
poursuivre personnellement. 11 nous mettait
devant son gérant. Pauvre diable! Voyez-
vous un journal comme l'Univers s'acliar-
nant après un gérant ?...
Et quant à découvrir cruelle était la So
ciété de la Libre Parole, impossible.
Enfin, après force recherches, nous
croyons aujourd'hui, nous supposons avoir
trouvé. Donc, le 24 février dernier, j'ai fait
signifier de nouveau par huissier à la Libre
Parole d'avoir à insérer ma réponse, qui
aura bientôt deux ans de date. M. Henri
Bazire a refusé une fois de plus d'insérer,
et je viens d'assigner de nouveau le gérant
pour le délit, et M. Henri Macé, gérant de la
Société en commandite propriétaire de la
Libre Parole, pour la responsabilité civile.
M. Henri Bazire, en sa qualité d© catho
lique, sait qu'il ne se battra pas. En sa
qualité d'avocat, il sait rendre sa personne
©t son journal insaisissables. Et derrière
ces deux sécurités, il injurie, injurie, pen
dant des jours et des jours... Si la justice
condamne son journal et qu'on le lui jette
à la figure, au moyen d'une rectriction
mentale, il soutient que cela ne le con
cerne pas. Il y a beaucoup de libres pen
seurs et d© francs-maçons qui ne vou
draient pas pour eux de ce jeu-là. M.
Henri Bazire est un « chrétien d'élite »,
président honoraire de la Jeunesse Catho
lique et orateur attitré de nos congrès dio
césains. Au Congrès de Paris, l'an dernier,
il fit verser des larmes en parlant de la
•fraternité entre catholiques. Et en ce mo
ment même, les deux tiers du clergé de
la Vendée s'évertuent pour procurer iusa
siège législatif à ce noble paladin.
• J acguea R ocafobt,.
L'Affaire Rochette - isnis - Caillaux
A. TLtA. COMMISSION D'ENQUÊTE
v 'jl t ijrlritlr w »wuvuxrj-l njuw ij ^- u-u-i- n-r
SéssgËQ© de ce msiiiis
Déposition de M. Lescouvé, procureur de la République
La commission d'enquête sur l'affaire
Rochette a repris ses travaux ce matin, à
neuf heures.
M. Lescouvé, procureur de la Républi
que, est introduit.
M. Jaurès. — Veuillez dire ce que vous
avez su des incidents relatifs à la remise
de l'affaire.
M. Lescouvé. — Le seul point sur lequel
je puis fournir des renseignements est ce
lui qui a trait à la remise de l'affaire Ro
chette dans des conditions anormales et
exceptionnelles. Elle avait été fixée au
27 avril
■ Nous étions tous, au Palais, pressés d'en
finir avec cette affaire. Quand une affaire
a été fixée dans ces conditions, il faut des
circonstances exceptionnelles pour en ob
tenir la remise.
Quand fin mars, ou courant avril, j'ap
pris que l'affaire allait être remise pour
fixation après vacations, je n'ai d'abord at
taché à ce bruit aucune confiance. Je crus
cependant devoir m'enquérir de la véracité
de la nouvelle auprès du procureur gé
néral.
Quelle ne fut pas ma stupéfaction d'ap
prendre ce que vous avez entendu de la
bouche du procureur général !
J'ignorais l'entretien qui avait eu lieu en
tre le procureur général et le président du
Conseil. Ma conviction intime et profonde
est que si la remise a été accordée, si le
procureur général y a consenti, s'il l'a pour
ainsi dire sollicitée, c'est qu'un incident
s'est passé au-dessus de lui.
Cette conviction est celle du Palais tout
entier.. Vous aie trouverez pas dans le
monde des magistrats ©t des avocats quel
qu'un qui vienne vous dire qu'il n'a pas
connu l'existence du fameux procès-ver
bal qui a été lu à la tribune. C'était parmi
nous le secret de Polichinelle.
Ma conviction, que des instructions ont
été données au procureur général, je ne
l'ai pas trouvée seulement dans la sincé
rité, le trouble de sa parole, mais dans les
conversations de tous les collaborateurs du
procureur général.
M. Bloch Laroque a-été tenu au courant.
M 0 Maurice Bernard n'a jamais caché
que cette remis© avait été demandée-pour
obéir au désir du président du Conseil et
du ministre des Finances.
Ma conviction est, peut-être, plus basée
encore sur l'attitude de M. le procureur gé
néral pendant toute l'affaire Rochette.
Cette affaire a été l'oeuvre du procureur
général. Il a toujours déclaré que Rochette
devait être poursuivi et condamné. <
11 a fait constamment un effort pour
aboutir à un résultat.
Comment voulez-vOus qu'au moment de
toucher au but, il ait abandonné la ligne
de conduite qu'il avait suivie jusqu'à oe
jour pour souscrire à une Ternis© qui de
vait permettre à Rochette de continuer ses
opérations ?
On est en face du dilemme suivant. : ou
le procureur général est .devenu fou, — on
ï'à dit au Palais — ou il a reçu de l'argent
— personne n'y a cru — ou il a reçu des
ordres.
Sachant ce oui s'est passé, je vous ap
porte l'expression d'un© conviction sincère.
M. Jaurès. — Avez-vous, dans vos conver
sations avec M. le -procureur général, eu
l'impression qu'il avait reçu -un ordre ?
M. Lescouvé. —J'en ai eu plus que
l'impression. J'ai eu l'affirmation du
■procureur général qu'il avait reçu des ins
tructions.
M. Jaurès. — Est-il normal que le pro
cureur général reçoive d'un autre ministre
que le garde des sceaux des instructions
formelles ?
M. Lescouvé. — En droit, non ! Mais en
faiti...
M. Jaurès. — Ne s'est-on pas étonné, au
Palais, que le procureur général n'ait pas
opposé à ces instructions un non possu-
mus ? .
M. Fabre vous a-t-il parlé du procès-
verbal ?
M. Lescouvé. — Parfaitement.
M. Jaurès. — A quelle date ?
M. Lescouvé. — Je suis presque certain
qu'il n>e ,m'a pas parlé de la rédaction de
son procès-verbal dans la conversation qui
a suivi la remise. J'ai eu d'autres conver
sations avec le procureur général. J'ai
connu, dans fles premiers jours du mois
d'avril, certainement, l'existence du pro
cès-verbal. L© procureur général ne me l'a
pas communiqué.
M. Jaurès. — L'a-t-il communiqué à d'au
tres?
M. Lescouvé. — Je ne connais personne
en dehors de M. BLoch-Laroque. Je sais
aussi qu'il a dit .aux membres de la Cham
bre des appels qu'il avait adressé une
note.
M. André Lefèvre. — Un ministre, pour
donner des ordres au procureur général
ou à un président d© Chambre, a-t-il be
soin de se servir d'une formule impérative?
Donne-t-il un ordre ou des instructions ?
M. Lescouvé . — Non. Ou le fonctionnaire
refuse, ou il accepte. Mais il ne demande
jamais d'ordres écrits.
M. André Lefèvre. — Le procureur géné
ral ne pouvait-il pas être influencé par le
fait que la demande émanait du ministre
dtes Finances ?
M. Lescouvé. — Certainement.
M. Ilaudos. — A partir de quel moment
l'existence du procès-verbal est-elle deve
nue, au Palais, le secret de Polichinelle ?
M. Lescouvé. — Presque immédiatement.
Cela se disait entre magistrats et entre
avocats.
M. Jaurès. —- Quelle impression a donnée
la dénégation que M. Bidault de l'Isle a
opposée à toute intervention du procureur
général auprès de lui ?
M. Lescouvé. —Personne n'a . compris.
M. Jaurès, — D'après vous, c'est le ml*
nistre des Finances qui aurait prié M*
Maurice Bernard de demander la remise.
M. Lescouvé. — J'ai toujours compris
céla.
J'ai des relations extrêmement sui
vies avec M® Bernard. J'ai parlé très
souvent de l'affaire avec lui. Il a été ques
tion entre lui et moi de la remis© et des
conditions où elle avait été .demandée ©t
obtenue.
Il m'a dit que le gouvernement avait fait
une démarche auprès du procureur géné
ral et que cette remise n'avait pas été de
mandée pour les convenances de 'l'aiv-oeat.
M. Jaurès. — M® Bernard a-t-il fait une
démarche -près du ministre des finances ?
M. Lescouvé. — Ma conviction est que
la démarche a été faite près d© M® Maurioa
Bernard par le ministre des finances.
■M. Paul Meunier. — Est-il à votre con
naissance que M 6 Bernard ait fait une
démarche auprès du procureur général à
la suite du refus de M. Bidault de l'Isle ?
M.. Lescouvé. — Je sais que M. Bidault
de l'Isle lui a refusé une remisa; j© ne
suis pas au .courant de ta démarche dont
vous parlez.
. M. A. liesse. — Rochette n'avait-il pas
aussi intérêt à la remise de l'affaire?
M. Lescouvé. — Un inculpé a toujours
intérêt à cela.
M. liesse. — Rochette a faitee qu'il a pu
pour obtenir une remise.
M. Lescouvé. — Ce n'est pas douteux.
M. liesse. —- N'y a-t-il pas eu des cas
déjà où le Parquet a fait des réquisitions
écrites ?
M. Lescouvé. — J'ai été pendant dix-ans
substitut à la Seine. Je n'ai jamais vu de
réquisitions écrites.
M. Paul Meunier. — M. Fabre vous-a-
t-il dit qu'il avait rencontré une résistance
du fait de M. Bidault de l'Isle, quand il a
demandé la remise?
M. Lescouvé. — Je ne me souviens pas.
Je sais qu'il ne m'a pas dit avoir tait appel
aux sentiments d'affection que 'pouvait
avoir pour lui M. Bidault de l'Isle.
M. Berry. — Quel délai Rochette aurait-
il obtenu, s'il s'était borné à faire défaut?
M. Lescouvé. — L'affaire était fixée au
27 avril, et si Rochette avait fait défaut,
on aurait néanmoins pu faire venir l'affai
re avant les vacances judiciaires.
M. Ceccaldi. — Dans les affaires finan
cières, saisit-on le ministre des Finances?
M. Lescouvé. — Il y a eu des questions
financières au Parquet au sujet desquel
les le ministre des Finances a été tenu au
courant.
M. Ceccaldi. — A l'origine de l'affaire, le
ministre des Finances a-t-il été mis au cou
rant?
M. Lescouvé. — Je ne me le rappelle pas.
Il est possible qu'il l'ait été.
M. Ceccaldi. — Le procureur général
vous a-t-il fait connaître les entretiens qu'il
avait eus avec le garde des sceaux, au dé
but de l'information?
M. Lescouvé. — Oui. Mais je ne puis
pas," à cinq ans de distance, m'en rappeler,
les termes. J'ai été mêlé aux préoccupa
tions du procureur général et du procureur
de là République.
M. Lescouvé se retire.
Déposition de M. Laurence
M. Laurence, avocat général, est intro
duit.
M. Jaurès. — Que s avez-vous sur les in
cidents relatifc à la remise de l'affaire
Rochette?
M. Laurence. — Ni par la confidence
du procureur général,, ni par les confiden
ces de ceux qui l'aonrochent, je n'ai jamais
su si 1e procureur général était allé chez le
président du Conseil ni s'il avait reçu des
instructions.
Voici ce que je sais :
En avril ou mai 1911, j'avais été désignéj
pour remplacer M. Corentin-Guyot qui était
allé dans le Finistère.
Je suis arrivé à la Chambre des appelé
correctionnels avant midi. Le cabinet die
M. Bidault de l'Isle était ouvert. J'y suis
entré. M. Bidault de l'Isle me dit : « Vous
ne venez pas pour l'affaire Rochette? » Je
dis : « Non ! je n'en connais irien. » Il m'a
dit ou© le procureur général insistait pour
obtenir la remise. Lé gouvernement la dé
sirait ou l'exigeait. .
Il a ajouté : « J'ai tiré d'affaire notre
procureur général. » Voilà pourquoi jesuis
sorti du Cabinet et je suis rentré à la
Chambre, où j'ai siégé.
Il y a quarante-huit heures! que le pro
cureur général sait ce qu© je iviens de dire
à la Commission. Il y a trois jour que mes
proches le savent.
J'avais des relations courtoises avec M.
Bidault de l'Isle. Je me suis dit : « Si je
me tais, je pourrai être utile à M. Bidault
de l'Isle, mais je vais nuire au procureur
général. »
Voilà pourquoi j© me suis résolu à aller
trouver, -avant-hier, le procureur général
pour lui dire que j'étais prêt à donner mon
témoignage.
M. Jaurès. — Si M. Bidault de l'Isle avait
objecté au procureur général qu'il lui était
impossible d'accorder la remise, aurait-il
mis le procureur dans une situation diffi
cile ?
M. Lawrence. — Quand le ministère pu
blic demande une remise pour une affaira
urgente, il est assez rare que le président'
refuse. ■
En m© disant qu'il tirait d'affaire le pro
cureur général, je crois que M. Bidault a'
compris que le gouvernement avait exigé
du procureur général la remise de l'af
faire, '
(Voir la suite en Dernière. Heurè$:
Quatre-vingt-unième année. — 16.221.
Seines „ |
N" .
DIMANCHE 22 MARS 1914
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SOMMAIRE
C ette ff.hmiï... — 0. Lecigne.
L a journée d'hier.
C arnet du D imanche : La mort tragique de
labbe Mercalli. — H.-G. Fromm.
M. llEsai B azire rfxidive . — Jacques Roca-
. ; -fort. ' ■■
-L 'affaike rochetre-curxack-monis : A la Com
mission d'enqiiéli ; Séance de -ce malin, séance
d'hier.
PARIS, 21 MARS 1914
Cette femme
— ; —-x-
C'est entendu : Mme Caillaux est
absoute par le R. P. Thalamas !
L'homme qui insulta la sainte Pucelle
exalte la bacchante ensanglantée. Il est
logique avec lui-même : le blasphème
contre l'héroïsme se conclut naturelle
ment par l'apologie de l'assassinat.
• .'S ;.^V, ïv '~ ir c écrit .quo ce régime ne
noo:-) itTustié* rien, sin^st des motifs de
fierté. Thiers avait prédit qu'il finirait
dans la boue. Il n'avait point prévu
qu'il y aurait du sang mêlé à cette boue
et qu'un législateur se lèverait pour dire
à la mégère rouge : « Vous en avez tué
un, bravo !»
Si bir "habitué que l'on soit sous la
troisiôn République à ces visions chro
niques, régulières, de la .bête humaine
en liberté, on demeure stupide à cer
tains jours. L'horreur et l'ignominie
dépassent la mesure normale. On se de
mande si l'on, dort ou si l'on veille, si
ces monstres qui surgissent soudain
sont bien des êtres réels et non pas des
larves f 3 cauchemar. On se demande
surtout' ù cela sort, de quelle ména
gerie ces fauves se sont évadés pour dé
chirer et pour dévorer.
" La première République lança dans
la rue ses vierges de Messidor, sa « tri
coteuse » en loques, la prostituée saoule
de. sang et d'alcool,- qui glapissait der
rière.la charrette et jusque sur les mar
ches de l'échafaud. La troisième Répu
blique est plus élégante : elle a conduit
sa tricoteuse chez les grands couturiers,
elle lui a mis un manteau d'astrakan
sur les épaules, toutes les fourrures,
toutes les parures ; elle lui a planté une
magnifique aigrette au sommet du cha
peau ; elle lui à donné un riche man
chon pour cacher son browning et ses
belles'mains blanches. Mais l'âme est
restée pareille, une âme où il n'y a plus
que des instincts et des. appétits, des
audaces sans nom, des vices sans nom
bre, la soif du sang, l'effronterie dans
là boue, je ne sais quel hideux mélange
qui est un défi à tous'les psychologues
et a tous les moralistes.
Mme Caillaux n'avait même pas un
nom "à donner au commissaire de po
lice, car le nom qu'elle porte ne lui ap
partient pas. Elle est la sœur de celle
à qui le Maître disait : « Tu as eu cinq
maris et celui que tu as maintenant
n'est pas le tien ! » La bohème de
l'amour, la vagabonde des foyers transi
toires avait fait du mariage une façon
de bail à l'année. Et cela ne scandalisait
personne autour d'elle : M. Poincaré
avait mis son nom de témoin au bas du
Contrat sacrilège. Lourde de crimes, lé
gère de remords, elle s'en allait ainsi
a travers le monde. Elle dînait dans les
ambassades et je suis sûr qu'elle regar
dait parfois vers l'Elysée. Elle se disait :
it' Si Jo est fidèle, si je suis fidèle à Jo,
il n'est pas impossible que je sois bien-
tôt- reine de France. Seulement, sept ans
de mariage c'est bien long ! ! » Et elle
ié tait songeuse en pensant à quels sacri
fices nous obligent parfois les ambitions
à longue échéance.
' * -
Sa conscience d'ailleurs ne lui repro
chait rien. Elle était une belle fleur
poussée sur le fumier laïque. Sa mo
rale n'abondait point en impératifs ca
tégoriques. Un principe la dominait et
3a résumait : « Vi.vre sa vie, ardemment,
librement ! » Ni les vieilles traditions,
Ini les antiques préjugés n'encombraient
icette conscience ; elle contenait juste ce
jque contiennent les manuels de l'épo
que, ni plus, ni moins:de vagues abs
tractions, de flottantes généralités, quel
ques préceptes dont on ferait plus facile
ment des vers à mettre autour d'un mir
liton que des axiomes à produire des hé
ros. Rien ne l'obligeait en somme. Avait-
'elle une âme ? Elle ne savait point. Il lui
Suffisait d'avoir une belle tête. Avait-
'elle un Dieu ? Elle ne savait point. Il
lui suffisait d'avoir, pour quelques
gours au moins, un mari illustre et qui
était le dieu des jacobins^ Jo était sa
règle, son idéal, sa sanction. Et tout le
monde sait que Jo avait mis dans Je cer
cueil paternel tout son catéchisme et
Itout son décalogue.
■ Sinistre figure que celle de Jo 1 Apos-
ïat de son baptême, renégat des tradi
tions familiales, Jo dresse au-dessus de
îa foule contemporaine un visage à la,
Méphisto. Nargue à Dieu 1 Nargue, au
pays ! Nargue a l'histoire ! Sans scru- r
pules, sans pudeur, le ploutocrate dé
magogue-fait le vide partout afin de
mieux remplir ses poches. Il n'y a puur
lui ni lois divines ni lois humaines, ni
droits . acquis ni biens. respectables. Il
méprise pour .mieux " exploiter ; il ex
ploite en méprisant, en dédaignant, en
ricanant. Nulle injure né l'atteint, nulle
plainte ne le touche : il-pille, il vole,
il écrase, couvrant ses brigandages
d'une rhétorique hargneuse et boursi-
ootière. Il évoque à l'esprit ces podes
tats du drame romantique aux dents
longues, aux mains rouges, aux doigts
griffus, et dont le règne serait intermi
nable s'ils ne s'empêtraient dans la robe
de quelque courtisane.
La malheureuse regardait vers Jo.
Cela lui était bien égal que Vivian! pro
menât son éteignoir parmi les astres
du ciel. Jo lui servait d'étoile ; elle n'en
demandait pas d'autre. Sa seule douleur
était que l'on doutât de la conscience de
Jo. Elle disait : « C'est le plus honnête
homme du monde ! » Elle avait oublié
de lui apprendre qu'il ne faut pas con
fondre l'honnêteté avec le succès et que
la . vertu n'est pas en raison directe du
nombre des crimes impunis.
* *
L'an dernier, une revue illustrée la
représentait accoudée aux coussins d'un
divan profond, un livre à la main. Cette
femme lisait. Elle eût voulu sans doute
que toute la littérature ancienne et mo
derne ne fût qu'un long discours de Jo.
Elle se résignait tout de même à des
excursions en dehors du Journal offi
ciel , des annales du Congrès de Pau ou
des banquets de Mamers. Elle lisait.
Elle allait au théâtre : les Dangeau de
la démocratie signalaient, sa présence
aux «premières » et décrivaient sa toi
lette.
Mon Dieu! que de coups de pistolet
elle a entendus au théâtre et dans les
romans du jour ! Les dramaturges et les
romanciers à la mode sont de force
(moyenne sur la grammaire et les règles
de l'art, mais ils sont de première force
au pistolet. Neuf sur dix des cas de
conscience se tranchent aujourd'hui par
un petit bruit sec et une chute sur les
planches. « Elle me résistait, je l'ai as
sassinée », disait jadis l'Antony de Du--
mas. Nos casuistes contemporains ne
sont pas plus embarrassés. « Tue-la ! »
disait l'autre Dumas. « Tue-le ! Tue-
les ! », c'est la morale des Bernstein,
des Croisset, des Blum, des Bloch, des
Lévy, de tous les bouchers hébreux qui
ont fait du théâtre français une façon
d'abattoir talmudique. Les agrégés de
l'avenir auront un magnifique sujet de
thèse pour le doctorat dans ce simple
titre : « De l'usage de la poudre dans le
drame et la comédie d'hier. » V ou^vous
opposez à, un jtnariage. : on vous tue !"
Vous ne voulez pas ùii divorce : on vous
tue! Vous défendez votre honneur con
tre un flibustier ": il vous tue ! Vous em
poignez un voleur, vous arrêtez un as
sassin : vous êtes tué à coup sûr ! Hugo
abusait du flacon de Locuste, du poi
gnard et du billot : le revolver a sup
primé cet arsenal pour les morts trop
simples. C'est bien plus dramatique
l'éclair dans La coulisse, le coup de fou
dre, l'acteur qui tombe, les bras éten
dus, avec un grand cri...
Elle lisait, elle était une accoutumée
des théâtres. Tous les soubresauts de
violence et de révolte plaisaient à cette
sombre détraquée. Elle n'avait aucune
résistance à leur opposer, car elle incar
nait le régime et l'époque : elle était un
total de toutes les tares, une résultante
de toutes les négations, un paquet de
nerfs à la merci des émotions et des
impressions. Nul respect de soi, nuil res
pect des autres, un être qui est capable
de tout si vous excitez sa colère et si
vous armez sa main.
Or, il lui parut Un jour que le Figaro
menaçait sa fortune. On défublait Jo de
son masque hautain. L'âme de roche
n'était qu'une âme de... rochette, quel
que chose de fragile et qui s'effrite au
moindre, choc. Le héros tournait au ca
botin. Trois ou quatre personnages sur
gissaient tour à tour des ténèbres de ce
génie : l'un mentait à la tribune, l'autre
corrompait les- juges, un troisième li
vrait la patrie. Jo s'écroulait. Elle eut
un frisson pour elle-même.
Alors elle sortit. Elle héla une auto.
Deux stations sur la route : une chez
l'armurier, une sur le trottoir du Fi
garo. M. Caknette parut : elle tira.
0 misérables rhéteurs, ô cuistres de
loges et de tribune, vous qui raclez les
baptêmes et qui saccagez les conscien
ces, ne vous voilez point la face !
Cette femme, c'est vous qui l'avez
faite ; ce browning, c'est vous qui
l'avez chargé ; ce journaliste, c'est vous
qui l'avez tué !
C. LECIGNE.
W JOURNEE D'HIER
- - -
Paris a fait, hier, à Gaston Calmette,
assassiné par Mme Caillaux, des funé
railles .grandioses. Tout se serait passé jus- ,
qu'à la.fin dans 1-e plus grand calme -si la'
police n'avait reçu l'ordre de profiter du
rassemblement des patriotes, qiii protes
taient contre un -crime «dieux, pour es
sayer d'interrompre 'la carrière de quel
ques-uns. Le coup de revolver tiré par un
agent provocateur fpt le signal des char
ges opérées par la police, sabre au clair,
avec ime brutalité inouïe. L© gouverne
ment trouve bonne, évidemment, La mé
thode employée par la femme de l'ex-mi-
nistre des Finances pour se débarrasser de
•ses ennemis. •
' Pendant que se déroulaient ces événe
ments, le déballage du. linge sale — oh !
d'une partie seulement ! — du régime laï
que commençait .au Pallais-Bourbon.
Dtes dépositions d© MM. Monis, Caillaux,
Fabre, Bidault de l'Isle, .reçues hier par la
Commission d'enquête, il ressort nette
ment, avec une aveuglante clarté : 1 # que
M. Monis, étant président du Conseil, a
parfaitement donné l'ordre au procureur
général d'obtenir la remise du procès Ro
chette; 2° qui© M. Monis afit ainsi pour faire
plaisir à M.- Caillaux; 3° que M. Bidault de
l'Isle avait dit le contraire d© la vérité à la
Commission d'enquête de 1912: 4° que M;
Caillaux (déposition de M. Fabre) redoutait
la publication du procès-verbal. de M.
Eabre.
Quelles que puissent être les déclara
tions qu'entendra encore la Commission
d'enquête, la cause est entendu© et la vé--
rité établie.
Il mous reste à préciser un petit fait qui
avait soulevé hier au Palais-Bourbon, et
même au Sénat, une certaine émotion.
. On racontait partout que M. Jules De-
lahaye, qui fait partie de la Commission
d'enquête, avait, après ifca déposition de
M. Caillaux, serré Ja main de l'ex-ministre
des Finances, en lui disant qu'il considé
rait comme très correcte sa conduite dans
l'affaire Rochette.
M. Jules Delahaye, -auquel nous avons
demandé ce qu'il y avait de vrai dans ces
bruits, nous a répondu : « Je n'ai pas
adressé -la parole à M. Caillaux ; je n© lui
ai pas dit un mot. Quant à la poignée de
main, je la lui .ai donnée, mais voici com
ment : M. Caillaux, après sa déposition,
a fait le tour de la table et présenté la main
à tous les commissaires ; il me "la tendit
comme aux autres; à ce moment, et après
une certaine hésitatioln, je pensai que
j'étais le juge de cet homme et que je ne
devais donc montrer à son égard ni haine
ni passion ; et je pris sa main. »
La haute conscience et la magnifique in
transigeance de M. Jules Delahaye sont
tellement connues et ; appréciées 'à la
Chambre que îles amis de M. Caillaux
triomphaient de cet incident complètement
dénaturé.
$ous devions rétablir les faits: M.Jules
Delahaye n'a pas entendu absoudre M.
Caillaux.
Voir la « DERNIÈRE HEURE »
[en 3" page
Carnet du Dimanche
. .
L'Univers a annoncé la mort tragique de
l'abbé Mercalli, professeur de physique et
directeur de l'Observatoire du Vésuve.
Cette nouvelle, si attristante pour les
sciences, me rappelle une autre mort tout
aussi tragique ; celle du bon roi Stanislas,
roi de Pologne et duc de Lorraine.
Installé au château de la Malgrange, aux
portes de Nancy, Stanislas, grand-père de
trois de nos rois, se rendit le 2 février 1766
au célèbre sanctuaire de Notre-Dame de
Bon-Secours, voisin de cette maison de
plaisance des ducs de Lorraine. Il y fit ses
dévotions de la Chandeleur et. séjourna,
plus longtemps que de coutume près du
caveau qu'il avait choisi pour sa sépulture.
Il s'en excusa auprès du gentilhomme de
service et lui dit que la mort récente de
plusieurs souverains lui avait fait penser
que, sous peu, il serait trois pieds. plus
bas. Il ajouta qu'il était le doyen de tous
les souverains de l'Europe, qu'il avait
perdu deux fois, sa couronne, qu'il avait
échappé à plusieurs attentats, tentés conf
ire sa vie. « Il ne me manquerait, ajouta-
t-il, après avoir essuyé tous les dangers,
que d'être brûlé. »
Hélas ! Trois jours après cette visite à
Notre-Dame de Bon-Secours, il tomba, au
palais de Lunéville, dans le feu de sa che
minée, la main gauche sur des charbons
ardents ; il n'eut pas la force d'appeler
au secours et souffrit des douleurs horri
bles dont l'excès lui ôta le sentiment. Re
levé par les domestiques, on constata qu'il
avait les doigts de la main gauche calcinés
et une plaie qui, depuis la joue, s'étendait
jusqu'au genou. L'agonie fut longue et
douloureuse, car le malheureux roi ne ren
dit le dernier soupir que le 23 février 1766.
Il était âgé de quatre-vingt-huit ans.
Je rappelle cet incident parce que l'in
fortuné abbé Mercalli a également péri par
le feu, à la suite d'un accident causé, dans,
sa modeste chambre, par une lampe ren
versée.
En juin 1912, j'ai fait aux lecteurs "de
l'Univers le récit d'une ascension au Vésu-,
ve, à l'occasion du laquelle j'eus l'honneur
d'être présenté à l'abbé Mercalli. Mon récit
contenait le passage suivant :
u Ayant parlé d l'abbé Mercalli 'des dan-
« gers continuels courus pour son existen-
« ce sur les flancs de la terrible montagne,
« il me dit que, se sentant dans la main de
« Dieu, il était prêt à sacrifier sa vie au
« service de la science. »
Et voilà qu'il a péri par les flammes,
mais non pas par celles du Vésuve ! Cette
mort est une perte énorme pour la science.
L'abbé Mercalli est— chose digne de re
marque — compatriote de Pline le Jeune.
Il fut professeur de sciences naturelles au
séminaire de Monza, le séminaire diocé
sain de Milan, installé dans cette antique
cité du couronnement des rois lombards.
Consacrant chaque année ses vacances à
des voyages d'études, il acquit bientôt une
grande expérience et une grande autorité
fin matière de sciences, naturelles, tellurj*■
ques . ci sismographiques. Il . fut appelé
dans Aa province de Grenade, lors des ter-
nblcs'commotions lelluriques qui désolé-
rent, il y a quelques années, le versant
méridional de la Sierra Nevada d'Andalou
sie. Sa réputation et sa notoriété s'étendi
rent jusqu'au Japon. L'Observatoire de To-
kio a, récemment, envoyé à Naples deux
savants physiciens •japonaû'pour recourir
aux lumières scientifiques de ce modeste
ecclésiastique lombard.
L'abbé Mercalli était--le digne successeur
du célèbre physicien Melloni, lequel fut
le premier directeur de l'Observatoire
construit sur les flancs du Vésuve, en
1845, sous le règne du roi Ferdinand II de
Naples. Le distingué physicien et prêtre
lombard marchait sur les traces des non
moins célèbres physiciens Palmieri et
Matteucci, ses prédécesseurs immédiats.
Oui! il faut se sentir dalis la main de
Dieu — comme me le disait le tant re
gretté abbé Mercalli, dans la matinée du
mardi 21 mai 1912 -- pour affronter la
mort qui menace de si près et constam
ment celui qui. accepte pour demeure le
flanc du Vésuve. Pour connaître toute la
portée de ces dangers, il faut avoir lu ce
qu'en dit le si illustre compatriote de
l'abbé Mercalli, -Pline le Jeune. Il nous a
laissé dans son VI" livre le récit de la
'mort de son oncle et sa fuite avec sa mère,
lors, de la terrible éruption du Vésuve du
Si août de l'an 79 de l'ère chrétienne.
Mais le nom de l'abbé Giuseppe Mer
calli ne sera pas non plus oublié dans
l'histoire de la célèbre et tragique monta
gne, dont les plumes de Strabon et Dion
Cassius nous ont fourni les premières don
nées.
H.-G. F komm.
Échos
M. le procureur général
M. Victor Fabre, procureur général^ est
l'homme du jour. Hier, il a démoli à la
lois Momis, Caillaux et Bidault de l'Isle.
Quelle énergie dans cet homme ! disaient
les membres de la Commission. Oui, mais
oe qu'on me croirait i>as, c'est que, en son
privé, l'homme est doux et presque timide.
Originaire d'Aix-en-Provence, M. 1© procu
reur général est demeuré Provençal dans
l'âme. Sa maison est pleine des bea-ux
meubles d'Arles et sa. bibliothèque de livres
sur l'histoire de la Provence et d'oeuvres
d'écrivains -provençaux. Hier soir, pour sa
reposer de la Commission d'enquête, il a
•peut-être lu quelques paees d© Mistral...
La Grande Quinzaine
* du « Printemps »
Cette fête annuelle de la Mode, adoptée
par toutes les élégantes, s'étendra cette an
née, du lundi 23 mars au lundi 6 avril. Par
la variété, l'abondance et l'extraordinaire
bon marché des occasions offertes à tous
les rayons, la Quinzaine 1914 surpassera
encore les précédentes. Elle s'ouvrira de
main par la Fête des Fleurs, gracieuse
tradition du « Printemps «.
Nos lectrices trouveront à notre dernière
page d'indication de cinq grandes expo
sitions, d'une durée de trois jours chacu
ne, que comporte la Quinzaine du « Prin
temps ».
-- C f.rcamon.
IH bdi I Bazire reclve
Nos lecteurs se rappellent qu'à la suite
d'une longue campagne d'injures et de ca
lomnies menée contre moi, en, juillet 1912,
par M. Henri Bazire dans la Libre Parole,
j'avais envoyé au gérant de ce journal, con
formément à la loi, ma réponse documentée
pour y être publiée. M. Henri Bazire s'y
refusa. J© saisis alors la justice, et, à la
date du 26 février 1913, la neuvième Cham
bre condamna pour refus d'insertion la
Libre Parole à une amende, à des domma
ges-intérêts et aux dépens, en observant
dans ses attendus que la réponse de M. Ro-
cafort ne contenait rien qui fût de nature à
légitimer un refus d'insertion.
M. Bazire fit appel, ce qui lui valut une
confirmation pure et simple par la Cour du
jugement dis la neuvième Chambre.
..En. sortant de l'audience, quelqu'un qui
touche de près à la
n'aurez de nous ni argent ni insertion !
Ce qui eut lieu. M. Henri Bazire, qui con
naît son métier, ayant pris la précaution de
ne signer ses injures que de ses initiales
II. B., et la loi ne connaissant pas les ini
tiales, il n'y avait pas de moyen légal de le
poursuivre personnellement. 11 nous mettait
devant son gérant. Pauvre diable! Voyez-
vous un journal comme l'Univers s'acliar-
nant après un gérant ?...
Et quant à découvrir cruelle était la So
ciété de la Libre Parole, impossible.
Enfin, après force recherches, nous
croyons aujourd'hui, nous supposons avoir
trouvé. Donc, le 24 février dernier, j'ai fait
signifier de nouveau par huissier à la Libre
Parole d'avoir à insérer ma réponse, qui
aura bientôt deux ans de date. M. Henri
Bazire a refusé une fois de plus d'insérer,
et je viens d'assigner de nouveau le gérant
pour le délit, et M. Henri Macé, gérant de la
Société en commandite propriétaire de la
Libre Parole, pour la responsabilité civile.
M. Henri Bazire, en sa qualité d© catho
lique, sait qu'il ne se battra pas. En sa
qualité d'avocat, il sait rendre sa personne
©t son journal insaisissables. Et derrière
ces deux sécurités, il injurie, injurie, pen
dant des jours et des jours... Si la justice
condamne son journal et qu'on le lui jette
à la figure, au moyen d'une rectriction
mentale, il soutient que cela ne le con
cerne pas. Il y a beaucoup de libres pen
seurs et d© francs-maçons qui ne vou
draient pas pour eux de ce jeu-là. M.
Henri Bazire est un « chrétien d'élite »,
président honoraire de la Jeunesse Catho
lique et orateur attitré de nos congrès dio
césains. Au Congrès de Paris, l'an dernier,
il fit verser des larmes en parlant de la
•fraternité entre catholiques. Et en ce mo
ment même, les deux tiers du clergé de
la Vendée s'évertuent pour procurer iusa
siège législatif à ce noble paladin.
• J acguea R ocafobt,.
L'Affaire Rochette - isnis - Caillaux
A. TLtA. COMMISSION D'ENQUÊTE
v 'jl t ijrlritlr w »wuvuxrj-l njuw ij ^- u-u-i- n-r
SéssgËQ© de ce msiiiis
Déposition de M. Lescouvé, procureur de la République
La commission d'enquête sur l'affaire
Rochette a repris ses travaux ce matin, à
neuf heures.
M. Lescouvé, procureur de la Républi
que, est introduit.
M. Jaurès. — Veuillez dire ce que vous
avez su des incidents relatifs à la remise
de l'affaire.
M. Lescouvé. — Le seul point sur lequel
je puis fournir des renseignements est ce
lui qui a trait à la remise de l'affaire Ro
chette dans des conditions anormales et
exceptionnelles. Elle avait été fixée au
27 avril
■ Nous étions tous, au Palais, pressés d'en
finir avec cette affaire. Quand une affaire
a été fixée dans ces conditions, il faut des
circonstances exceptionnelles pour en ob
tenir la remise.
Quand fin mars, ou courant avril, j'ap
pris que l'affaire allait être remise pour
fixation après vacations, je n'ai d'abord at
taché à ce bruit aucune confiance. Je crus
cependant devoir m'enquérir de la véracité
de la nouvelle auprès du procureur gé
néral.
Quelle ne fut pas ma stupéfaction d'ap
prendre ce que vous avez entendu de la
bouche du procureur général !
J'ignorais l'entretien qui avait eu lieu en
tre le procureur général et le président du
Conseil. Ma conviction intime et profonde
est que si la remise a été accordée, si le
procureur général y a consenti, s'il l'a pour
ainsi dire sollicitée, c'est qu'un incident
s'est passé au-dessus de lui.
Cette conviction est celle du Palais tout
entier.. Vous aie trouverez pas dans le
monde des magistrats ©t des avocats quel
qu'un qui vienne vous dire qu'il n'a pas
connu l'existence du fameux procès-ver
bal qui a été lu à la tribune. C'était parmi
nous le secret de Polichinelle.
Ma conviction, que des instructions ont
été données au procureur général, je ne
l'ai pas trouvée seulement dans la sincé
rité, le trouble de sa parole, mais dans les
conversations de tous les collaborateurs du
procureur général.
M. Bloch Laroque a-été tenu au courant.
M 0 Maurice Bernard n'a jamais caché
que cette remis© avait été demandée-pour
obéir au désir du président du Conseil et
du ministre des Finances.
Ma conviction est, peut-être, plus basée
encore sur l'attitude de M. le procureur gé
néral pendant toute l'affaire Rochette.
Cette affaire a été l'oeuvre du procureur
général. Il a toujours déclaré que Rochette
devait être poursuivi et condamné. <
11 a fait constamment un effort pour
aboutir à un résultat.
Comment voulez-vOus qu'au moment de
toucher au but, il ait abandonné la ligne
de conduite qu'il avait suivie jusqu'à oe
jour pour souscrire à une Ternis© qui de
vait permettre à Rochette de continuer ses
opérations ?
On est en face du dilemme suivant. : ou
le procureur général est .devenu fou, — on
ï'à dit au Palais — ou il a reçu de l'argent
— personne n'y a cru — ou il a reçu des
ordres.
Sachant ce oui s'est passé, je vous ap
porte l'expression d'un© conviction sincère.
M. Jaurès. — Avez-vous, dans vos conver
sations avec M. le -procureur général, eu
l'impression qu'il avait reçu -un ordre ?
M. Lescouvé. —J'en ai eu plus que
l'impression. J'ai eu l'affirmation du
■procureur général qu'il avait reçu des ins
tructions.
M. Jaurès. — Est-il normal que le pro
cureur général reçoive d'un autre ministre
que le garde des sceaux des instructions
formelles ?
M. Lescouvé. — En droit, non ! Mais en
faiti...
M. Jaurès. — Ne s'est-on pas étonné, au
Palais, que le procureur général n'ait pas
opposé à ces instructions un non possu-
mus ? .
M. Fabre vous a-t-il parlé du procès-
verbal ?
M. Lescouvé. — Parfaitement.
M. Jaurès. — A quelle date ?
M. Lescouvé. — Je suis presque certain
qu'il n>e ,m'a pas parlé de la rédaction de
son procès-verbal dans la conversation qui
a suivi la remise. J'ai eu d'autres conver
sations avec le procureur général. J'ai
connu, dans fles premiers jours du mois
d'avril, certainement, l'existence du pro
cès-verbal. L© procureur général ne me l'a
pas communiqué.
M. Jaurès. — L'a-t-il communiqué à d'au
tres?
M. Lescouvé. — Je ne connais personne
en dehors de M. BLoch-Laroque. Je sais
aussi qu'il a dit .aux membres de la Cham
bre des appels qu'il avait adressé une
note.
M. André Lefèvre. — Un ministre, pour
donner des ordres au procureur général
ou à un président d© Chambre, a-t-il be
soin de se servir d'une formule impérative?
Donne-t-il un ordre ou des instructions ?
M. Lescouvé . — Non. Ou le fonctionnaire
refuse, ou il accepte. Mais il ne demande
jamais d'ordres écrits.
M. André Lefèvre. — Le procureur géné
ral ne pouvait-il pas être influencé par le
fait que la demande émanait du ministre
dtes Finances ?
M. Lescouvé. — Certainement.
M. Ilaudos. — A partir de quel moment
l'existence du procès-verbal est-elle deve
nue, au Palais, le secret de Polichinelle ?
M. Lescouvé. — Presque immédiatement.
Cela se disait entre magistrats et entre
avocats.
M. Jaurès. —- Quelle impression a donnée
la dénégation que M. Bidault de l'Isle a
opposée à toute intervention du procureur
général auprès de lui ?
M. Lescouvé. —Personne n'a . compris.
M. Jaurès, — D'après vous, c'est le ml*
nistre des Finances qui aurait prié M*
Maurice Bernard de demander la remise.
M. Lescouvé. — J'ai toujours compris
céla.
J'ai des relations extrêmement sui
vies avec M® Bernard. J'ai parlé très
souvent de l'affaire avec lui. Il a été ques
tion entre lui et moi de la remis© et des
conditions où elle avait été .demandée ©t
obtenue.
Il m'a dit que le gouvernement avait fait
une démarche auprès du procureur géné
ral et que cette remise n'avait pas été de
mandée pour les convenances de 'l'aiv-oeat.
M. Jaurès. — M® Bernard a-t-il fait une
démarche -près du ministre des finances ?
M. Lescouvé. — Ma conviction est que
la démarche a été faite près d© M® Maurioa
Bernard par le ministre des finances.
■M. Paul Meunier. — Est-il à votre con
naissance que M 6 Bernard ait fait une
démarche auprès du procureur général à
la suite du refus de M. Bidault de l'Isle ?
M.. Lescouvé. — Je sais que M. Bidault
de l'Isle lui a refusé une remisa; j© ne
suis pas au .courant de ta démarche dont
vous parlez.
. M. A. liesse. — Rochette n'avait-il pas
aussi intérêt à la remise de l'affaire?
M. Lescouvé. — Un inculpé a toujours
intérêt à cela.
M. liesse. — Rochette a faitee qu'il a pu
pour obtenir une remise.
M. Lescouvé. — Ce n'est pas douteux.
M. liesse. —- N'y a-t-il pas eu des cas
déjà où le Parquet a fait des réquisitions
écrites ?
M. Lescouvé. — J'ai été pendant dix-ans
substitut à la Seine. Je n'ai jamais vu de
réquisitions écrites.
M. Paul Meunier. — M. Fabre vous-a-
t-il dit qu'il avait rencontré une résistance
du fait de M. Bidault de l'Isle, quand il a
demandé la remise?
M. Lescouvé. — Je ne me souviens pas.
Je sais qu'il ne m'a pas dit avoir tait appel
aux sentiments d'affection que 'pouvait
avoir pour lui M. Bidault de l'Isle.
M. Berry. — Quel délai Rochette aurait-
il obtenu, s'il s'était borné à faire défaut?
M. Lescouvé. — L'affaire était fixée au
27 avril, et si Rochette avait fait défaut,
on aurait néanmoins pu faire venir l'affai
re avant les vacances judiciaires.
M. Ceccaldi. — Dans les affaires finan
cières, saisit-on le ministre des Finances?
M. Lescouvé. — Il y a eu des questions
financières au Parquet au sujet desquel
les le ministre des Finances a été tenu au
courant.
M. Ceccaldi. — A l'origine de l'affaire, le
ministre des Finances a-t-il été mis au cou
rant?
M. Lescouvé. — Je ne me le rappelle pas.
Il est possible qu'il l'ait été.
M. Ceccaldi. — Le procureur général
vous a-t-il fait connaître les entretiens qu'il
avait eus avec le garde des sceaux, au dé
but de l'information?
M. Lescouvé. — Oui. Mais je ne puis
pas," à cinq ans de distance, m'en rappeler,
les termes. J'ai été mêlé aux préoccupa
tions du procureur général et du procureur
de là République.
M. Lescouvé se retire.
Déposition de M. Laurence
M. Laurence, avocat général, est intro
duit.
M. Jaurès. — Que s avez-vous sur les in
cidents relatifc à la remise de l'affaire
Rochette?
M. Laurence. — Ni par la confidence
du procureur général,, ni par les confiden
ces de ceux qui l'aonrochent, je n'ai jamais
su si 1e procureur général était allé chez le
président du Conseil ni s'il avait reçu des
instructions.
Voici ce que je sais :
En avril ou mai 1911, j'avais été désignéj
pour remplacer M. Corentin-Guyot qui était
allé dans le Finistère.
Je suis arrivé à la Chambre des appelé
correctionnels avant midi. Le cabinet die
M. Bidault de l'Isle était ouvert. J'y suis
entré. M. Bidault de l'Isle me dit : « Vous
ne venez pas pour l'affaire Rochette? » Je
dis : « Non ! je n'en connais irien. » Il m'a
dit ou© le procureur général insistait pour
obtenir la remise. Lé gouvernement la dé
sirait ou l'exigeait. .
Il a ajouté : « J'ai tiré d'affaire notre
procureur général. » Voilà pourquoi jesuis
sorti du Cabinet et je suis rentré à la
Chambre, où j'ai siégé.
Il y a quarante-huit heures! que le pro
cureur général sait ce qu© je iviens de dire
à la Commission. Il y a trois jour que mes
proches le savent.
J'avais des relations courtoises avec M.
Bidault de l'Isle. Je me suis dit : « Si je
me tais, je pourrai être utile à M. Bidault
de l'Isle, mais je vais nuire au procureur
général. »
Voilà pourquoi j© me suis résolu à aller
trouver, -avant-hier, le procureur général
pour lui dire que j'étais prêt à donner mon
témoignage.
M. Jaurès. — Si M. Bidault de l'Isle avait
objecté au procureur général qu'il lui était
impossible d'accorder la remise, aurait-il
mis le procureur dans une situation diffi
cile ?
M. Lawrence. — Quand le ministère pu
blic demande une remise pour une affaira
urgente, il est assez rare que le président'
refuse. ■
En m© disant qu'il tirait d'affaire le pro
cureur général, je crois que M. Bidault a'
compris que le gouvernement avait exigé
du procureur général la remise de l'af
faire, '
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