Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1914-03-21
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 mars 1914 21 mars 1914
Description : 1914/03/21 (Numéro 16220). 1914/03/21 (Numéro 16220).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
SAMEDI 21 MARS 1914
Quatre-vingt-unième année, t - 16.220.
Dépôt Lé ci" '
»• èmr
SAMEDI 21 MARS 1914
"1U14
•7TT.
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& M. l'Administrateur
DIEU PROTÈGE LA FRANCE /
Xu milieu des factions de toute espèce. vous tj'appartenons
çu'à l'Église et à la Pairie.
Lodis VEU1LL0T : Programme de l'Univers (1842)
SOMMAIRE
Ï.F. DISCOURS VlVIi.Nl A' LA "LlGOfi DE L'KXSKIGNE-
mext . — Jacques Rocafort.
La Russie outhodoxë conire l'Autriche catho
lique. . .....
i.e scandale.
Au joen le jour.: Celui qu'on martyrisa:M. Sa
vage Landor. • ■
La Cosiaissios o'esoi'âi-e sur l'affaire RO
chette.
La Vie religieuse : Le sacre de Mgr Quilliet à
■Lille.
Feuilleton : A travers les Revues.
PARIS; 20 MARS 1914
Le iGirs liïiii
,x
Ça été, je le reconnais, uns manifes
tation importante et pleine de sens,: ce
banquet offert par la Ligue de l'En-sei-,
gnement en l'honneur de son président,
M. Dessqyé, rapporteur à là Chambre
de la loi qui vient d'être- votée sur la .dé
fense laïque. Autour de lui, de nom
breux parlementaires de tous les. partis
de gauche, et surtout les anciens mi
nistres de l'instruction publique qui
avaient présenté ou soutenu des projets
analogues, MM. Briand, Cruppi, Laf-
ferre, Steeg, Guist'hau, Barthou, sans
oublier la présence de Mime Jules
Ferry et de Mme Paul Bert. Cette as
semblée n'avait pas été formée au ha
sard, elle représentait le passé et le pré
sent d'une grande idée, la suite inin
terrompue d'un long" effort, toujours
dans le même sens, une victoire sé
rieuse de la laïcité. Elle faisait fraterni
ser ensemble des personnalités les plus
opposées à d'autres points de vue,
M. Briand et M. Caillaux, M. Barthou
et M. René Renoult, dans l'affirmation
d'une seule et unique doctrine scolaire,
que l'actuel ministre de l'instruction pu
blique, M. Viviani, s'est proposé de rap
peler et de définir-
il l'a fait à sa manière, qui est que
l'école d'Etat représente la liberté de pen
ser en face de l'école privée, entendez ca
tholique* qui représente la liberté de
-croire. L'Eglise, qui ne peut souffrir
(qu'on affranchisse la pensée de per
sonne, fait là guerre à. l'école libéra
trice, et, par delà, à la République, qui
lahsoutient et en est soutenue. De là Ira
intrigues cléricales du 16 et du 24 mai
contre les ministres les plus modérés
tels que M. Thiers et M. Du-faure ; de
là les agressions actuelles, en Bretagne
et ailleurs, contre les maîtres et les ma
nuels. M. Viviani n'a pas seulement re
mercié M. Dessoye d'avoir procuré à
l'Etat de nouveaux moyens de défense,
il a sonné le réveil des. énergies démo
cratiques pour la. continuation d'une
œuvre qui ne doit pas plus finir que
l'incompatibilité, qui est absolue, entre
l'esprit républicain, fondé sur îa liberté,
et le cléricalisme, essentiellement into
lérant et autoritaire.
-, J'admets, sans en rougir, que l'Eglise
ne soit pas la liberté de penser, et ce
n'est pas moi qui ai jamais fait des cri
tiques contre l'école laïque au nom de
la liberté. Je laisse nos libéraux, prê
tres ou laïcs, s'engager seuls dans cette
impasse. Mais depuis quand, demande-
Tai -je à M. Viviani, l'école publique
nous a-t-elle été donnée pour l 'école de
la libre pensée? Où a-t-il vu que ses
fondateurs, à commencer par Jules
Ferry, l'aient jamais définie publique
ment dans les termes où il lui a plu de
le faire? Moi, en revanche, que de tex
tes je pourrais citer, programmes, cir
culaires, instructions, discours de toutes
sortes, et que de fois je les ai cités ici !
et MM. Groussau et Piou à la tribune !
pour démentir M. Viviani d'une ma
nière si décisive, qu'il ne pourrait rien
répondre quant au fond, réduit à la né
cessité de s'évader en explications laté
rales, soit qu'il répète comme jadis :
Mensonges opportunistes, soit que,
comme aujourd'hui, il ose dresser con-
i/z'e notre, accumulation de preuves une
.pauvre petite phrase isolée de Jules
Ferry sur le libéralisme universitaire !
Jules Ferry, en neutralisant l'école
au point de vue des confessions reli
gieuses, a déclaré publiquement, et à
plusieurs reprises, qu'il entendait en
fermer la porte à la liberté de panser
philosophique ; que le spiritualisme,
rien que le spiritualisme, y serait la
doctrine morale enseignée ; qu'il lui pa
raissait paradoxal de supposer qu'un
jour ce serait une autre ; et en consé
quence il a inscrit en tête du pro
gramme Dieu et les devoirs envers Dieu.
Les arrière-pensées de Jules Ferry, s'il
en a eu, ne m'importent pas. Voilà ce
qu'il a dit et ce qu'il a promis. On n'a
pas besoin d'avoir dans quelqu'un une
confiance extrême pour tenir à ce qu'il ob
serve les engagements qu'il a pris. Les
engagements de 1882 ont été si .peu de
la libre pensée qu'ils furent exactement
le contraire, un véritable dogmatisme,
non p.lus confessionnel, mais philoso
phique ; Dieû juge et législateur des
consciences ; un Dieu personnel et non
pas un Dieu-môt, comme l'insinue au
jourd'hui ce sophiste de M. Buisson ;
car, qu'est-ce qu'auraient signifié des
devoirs envers un mot?
Mais cela ne plut pas à la franc-ma
çonnerie. Les programmes - à peine ré
digés, elle commença une opposition
plus ou moins sournoise, jusqu'au jour
où levant le masque elle émit formelle
ment le vœu dè la suppression des de
voirs envers Dieu. Le voici : .
L'Assemblée générale émet le. voeu que.
les programmes de l'enseignement pri
maire cessent d'ôtre «m coiitr&dictïon avec
la loi du 28 mnrs ; 1882, spar laquelle le Par
lement a refusé d'admettre dans ces pro
grammes l'enseignement des devoirs en
vers Dieu et que la loi de 1882 soit apoii-
quée intégralement. ^ t .
C'était au convent de 189G. Depuis,, la
campagne n'a jamais cessé, confiée prin
cipalement à sa. filiale favorite, la Ligue
de l'enseignement. Dès 1901, celle-ci,
dans son congrès annuel, demandait la
fin de la « métaphysique » à l'école.
Après la loi de 'séparation, en 1905, elle
s'enhardit, les congrès de Biarritz et
d'Angers furent de véritables prêches
antipapistes, une apothéose préméditée
des Droits de l'homme; isur les ruines
du Syllabus. Au congrès de 1911, le mi
nistre de l'instruction publique, M.
Steeg, prononça sa phrase fameuse
« l'école sans Dieu », et en 1913 M. Bar
thou déclara à la tribune que les insti
tuteurs feraient bien de s'abstenir d'en
seigner les devoirs envers lui. Les lois
que M: Dessoye vient de faire voter ne
sont pas autre chose que des moyens de
défense pour que ce changement de ré
gime s'opère sans trop de difficultés.
L'oeuvre trentenaire de la Ligue de
l'enseignement, la voilà, et je com
prends qu'on ait songé à la fêter au mo
ment où elle se couronne de succès.
Mais ne confondons pas : ce n'est pas
l'œuvre de 1882, celle de Jules Ferry
homme public et ministre, c'est l'œuvre
maçonnique par excellence, celle de la
Ligue de l'enseignement, reconnaissance
à ceci que les derniers points fixes de
la croyance maintenus en .1852, les vé
rités fondamentales de la religion natu
relle, ont été emportés par l'esprit, anar
chiste et nihiliste qui est au fond de la
maçonnerie. C'est peut-être cela que
M. Viviani appelle la liberté de penser.
En ce cas, il s'est montré injuste vis-
à-vis de l'Eglise en rabaissant sa résis
tance à je ne sais quel appétit de domi
nation, quelle entreprise- d'exploitation
de la croyance. L'Eglise s'honore devant
toutes les races civilisées- à défendre
comme elle le fait les principes essen
tiels, fixes, universels, de la tête et de
la conscience humaines. Elle se défend
elle-même, il est vrai, puisque ces prin
cipes sont le fondement de ses dogmes
particuliers ; elle ne s'en fait pas moins,
dans cette circonstance comme dans
tant d'autres, l'avocate et la tutrice d'un
bien commun à tous les enfants
d'Adam, du bien le plus haut et qui
leur confère leur spéciale dignité.,
Jacques ROCAFORT. "
La Russie orthodoxe
contre l 'Autriche catholique
U.n haut personnage russe qu'on ne
nomme .pas,, ce qui vaut d'ailleurs mieux
pour ea réputation de diplomate, a fait au
Novoié Vremia des déclarations qui sont
non seulement surprenantes, mais encore
dénuées d'opportunité et (même de bon
sens à im degré extraordinaire.
■Pour cette personnalité russe, un rema
niement de la carte d'Europe, à la mort
■du vénérable empereur François-Joseph,
résoudrait le plus facilement du monde
tous les problèmes. L'Autriche serait par
tagée, l'Allemagne annexant les provinces
germaniques, la Russie prenant la Galicie,
et l'Italie Tries te, tandis que la Bohême,
la Hongrie, les provinces slaves auraient
une existence autonome, ou-, selon leurs
affinités, se grouperaient avec d'autres
peuples. La France,, ipou-r 'avoir laissé ces
choses s'accomplir, .recevrait l'Alsace-Lor-
raine. Une Triple-Alliance, que notre pays
formerait avec la Russie et l'Allemagne,
consoliderait et consacrerait ce vaste sys
tème de compensations...
Nous sommes surpris qu'un journal qui
fait- autorité comme le Novoié Vremia ait
accueilli -de pareils propos. Ces « anticipa
tions », comme dit l'Anglais Wells, sur
l'avenir européen sont lordinairement le
fait dé diplomates improvisés qui brillent
dans les dîners en ville. Cependant, si ces
vues sont négligeables en elles-mômes
(d'autant, plus négligeables que tous ces
plans ne 6ont que des redites), il faut en
tenir compte dans Aa mesure où elles peu
vent servir de symptôme.
L'hostilité du monde russe à l'égard de
l'Autriche n'a fait que grandir depuis
quelques années. Et cette hostilité n'a pas
seulement des origines politiques, mais en
core des prétextes religieux. La haine du
catholicisme, qui s'est manifestée en Rus
sie daçs ces derniers temps avec une vi
gueur nouvelle, et qui est allée jusqu'à la
persécution, est un facteur important et
auquel il faut prêter attention. L'Autriche
est une grande puissance catholique, et,
I>our cette raison, un. grand centre d'at
traction de l'Europe orientale. Voilà ce qui
éveille et 1-a jalousie de î'orthodoxie et les
susceptibilités du panslavisme. Voilà' ce
gui dicte des propos aussi inconsidérés que
ceux dont le ..Novoié Vremukjs'est fait
l'écho. : - ' ■ "f,
Par ".là force des choses, la France, tout
alliée qu'elle soit à la Russiè, se trouve-
d'accord sut bien des points avec. l'Autre
('lie, tout alliée que l 'Autriche soit de l'Al
lemagne. C'est la politique blanche qui
s'impose : à la République ( 'anticléricale
■alîe-œême quand, par exemple, M. Dou-
mergue si voit contraint de rendre, hom
mage à Sa Majesté Apostolique. Mais ces
hommages sont d'un platonisme presque
dérisoire. Gomment, en effet, un gouverne
ment qui fait la guerre à l'Eglise et qui ne
veut même;pas connaître le Saint-Siège fe-
rait-rr utilement une diplomatie d 'entente
avec les peuples catholiques ? _ .
Le scandale
La démission de M. Monis, que les
amis du ministère voulaient seulement
temporaire, est définitive. Il n'en pou
vait être autrement. C'est îe soir même
du jour où M.. Barthou lut à la triburie
de la Chambre le procès-verbal du pro
cureur général Fabre que le ministre de
la' Marine, convaincu aux yeux de tous
d'avoir manqué à son devoir, aurait dû
démissionner, sans an mot. Il nous eût
évité , le spectacle toujours pénible d'un
homme aux cheveux blancs, assis au
bans du gouvernement, se débattant
contre la vérité qui l'écrasait, se déci
dant, après de longues hésitations, à des
démentis qui rendaient un son abomi
nablement faux, consentant enfin à com
paraître comme accusé devant une Com
mission d'enquête... Un homme à la
mer : n'en parlons plus. Laissons les
radicaux enterrer leurs cadavres. ■ - s
Quant à savoir quel est le politicien,
fourni par les Loges, qui ramassera le
portefeuiIla. de M. Monis, peu nous
chaut. Inutile de faire remarquer que
le gouvernement ne pensera pas un mo
ment aux intérêts de la marine. Les an
timilitaristes honteux dont se compose
le parti radical, les vieux complices des
André et des Peiletan ne songent, en pa
reille occurrence, qu'à satisfaire des ap
pétits personnels et des exigences, poli
tiques. ■ ■■■--<•■ "" i
Mais, quel que soit l'élu, on peut se
demander quelle est désormais la situa
tion de ce ministère qui, coup sur ciouip,
voit deux de ses membres les plus im
portants. obligés de s'en ailler. On les
remplace, évidemment^ et comme la
couteau de J-eannot, dont successivement
toutes les parties étaient changées et qui
r as fait toujours le couteau de Jeannot-,
c'est toujours le ministère Doumergue.
Mais quelle figure fait-il devant le pays?
Et même devant la Chambre ? Que re
présente aujourd'hui ce ramassis de
médiocrités qui n'a plus comme pro
gramme que l'anticléricalisme le plus
grossier ? Si la Chambre était capable
d'écouter la voix du pays, elle aurait
déjà poussé ce ministère à la poubelle
ave? les confetti salis de la Mi-Carême.
Mais peut-être n'est-il pas mauvais
que le pays puisse contempler pendant,
quelque temps ces éteigneurs d'étoiles,
ces pontifes du rôgim-e laïque, ces pa
rangons de la morale indépendante et
de la libre -pansée, se démenant avec
désespoir dans les flots de boue et de
sang qui les étouffent.
Il faut même regretter que le Sénat
ait refusé à M. Jaurès, président de la
Commission d'enquête, les pouvoirs
qu'il demandait. Le gouvernement eût
été heureux-qu'on les lui accordât, car
il était sûr de trouver dans le leader so
cialiste, son protecteur, l'homime dis
posé à satisfaire ses vengeances. M. Jau
rès, de par la volonté du Sénat,_ ne
pourra pas faire arrêter et perquisition
ner selon son bon plaisir.
Regrettons-le encore une fois. Pour la
beauté suprême du régime laïque, il eût
été bon que la France contemplât ce
spectacle : M. Jaurès, l'ennemi déclaré
de la société bourgeoise, promu Grand
Juge et Grand Inquisiteur de la Répu-
bliaue 1 *" - "
Mais une consolation nous reste. Hier,
les membres du Comité "exécutif du
mrti radical se sont rendus chez
M. Caillaux pour lui apporter le témoi
gnage de leur dévouement. Et M. Cail
laux a répondu qu'il restait sur la brè
che pour la défense de la République.
■ C'est donc que M. Caillaux demeure
le président du Comité'Exécutif !
I>e Comité Exécutif! Quel son sinis
tre, à de certains jours, rendent certains
mots !
Fou? les Elections
ABONNEMENTS DE PROPAGANDE
En raison de l'importance 'des prochai
nes élections législatives, nous avons dé-
cidé de créer des abonnements de propa
gande.
Ces abonnements partiront r de n'importe
quelle date et seront servis au prix réduit
de 1 fr. 80 par mois. _ _ l ;
Ceux de nos amis 'désirant aider r à cette
propagande n'auront qu'à nous envoyer le
montant des abonnements qu'ils désirent
faire servir, en nous indiquant les noms et
adresses des personnes qui doivent en pro
fiter. ■
Ils peuvent, aussi nous envoyer simple
ment l'argent en se reposant sur nous pour
la distribution des abonnements.
N.-B. — Pour arrêter les malentendus
qui se sont déjà produits, nous croyons
utile de spécifier que nous n'acceptons, au
prix 'de i fr. 50, que. des abonnements li
mités 'à un mois^
Au jour le jour
Celui qu'-on martyrisa
M. Savage ]Lz.ndor
■ Ce soir, vendredi, à la Sorbonne, M. Sa
vage Landor doit raconter le voyage de
22.000 kilomètres qu'il vient d'accomplir à
travers le Brésil. Ce voyage, dont S.600 ki
lomètres furent parcourus à travers des
terres réputées jusqu'ici impénétrables, et
qui dura quinze mois, exigeait une. énergie
rare. ■ • -, •-
M. Savage Zandôr l'effectua avec cinq
serviteurs mulâtres et im nègre. Il dimeù-
ra -seize-jours, sans manger, dans une im
mense forêt où l'en ne trouvait ni un ani
mal ni un fruit qui pussent servir d'alimen
tation aux voyageurs agonisants. Et de ce
voyage si pénible, M. Savage Landor, rap
porte des documents concernant des gise
ments d'or, d'argent et de diamant et,
choses plus précieuses pour la science, il
rapporte nombre d'observations géodési-
vques, géologiques, botaniques ét huit cents
1photographies qui nous révèlent ce qu'est
ce merveilleux » centre » Amérique qu'il a
ouvert aux• investigations modernes. ■
■'.'Mais- qui pouvait douter de l'énergie de-
cet homme si l'on se souvient qu'il• y a
dix-sept ans il osa pénétrer dans les ré
gions interdites du ï'hibet, et qu'il en re
vint martyrisé, mais non décourage?
On oublie trop cette épopée qui montre
jusqu'à quel degré peut s'élever l'énergie
humaine.
Donc, vers la p.n du dis-neuvième siè
cle-, M. Savage Landor annonça, hautement
que, sans- escorté, il allait explorer le'pays-
des lamas. On lui fît savoir que, s'il y pé
nétrait, il aurait la tête caupép. Qu'impor
tait à cet homme : il partit avec trente por
teurs indigènes et, pour empêcher qu'on ne
l'arrêtât aux frontières du Thibet mysté
rieux, où sa venue était annoncée, il fran
chit, pour commencer, un col. de 6.000 mè
tres d'altitude et tomba ainsi au cœur du
pays.
Il était bientôt reconnu., signalé et, de
Lhassa, des cavaliers arrivaient à sa ren
contre. Alors, ses porteurs, redoutant les
supplicesv l'abandonnèrent- ■
Il ne lui,resta que deux fidèles serviteurs
et trois yacks, grâce auxquels la petite ex
pédition éthappa aux poursuites des cava
liers thibétains en suivant le faite des
montagnes ; en se terrant le jour, en marr
ehant la nuit,
- On avançait, mais dans quelle direc
tion?.Dans celle de Lhassa, la ville fer
mée, c'est-à-dire vers le danger et; vers la
mort.
Au cours de cette marche, Savage Lan
dor découvrit les sources principales du
fleuve Brabamapoutra. Il était, à ce mo
ment, à plusieurs centaines de kilomètres
de son point de départ. Il allait toucher la
ville interdite, mais la faim tenaillait les
entrailles des trois hommes, et ils durent
sortir de l'ombre des ravins pour aller, au
milieu d'un campement thibétain, essayer
d'échanger contre quelques vivres une par
tie de l'or qu'ils portaient.
On fit, d'abord, bon accueil aux voya
geurs, et on leur proposa des chevaux
qu'on leur remettrait le lendemain. Ce n'é
tait que duplicité! Le lendemain, tandis
tfue Savage Landor examinait les cour
siers, il fut saisi par derrière, ainsi que ses
deux compagnons. Au bout de vingt minu
tes d'une lutte sauvage, tous trois étaient
ligotés, immobilisés. L'explorateur vit pil-
ter ses bagages, briser ses clichés, anéan
tir ses documents.
• A ce moment, pour dompter l'énergie de
l'Occidental, on commença par soumettre
aitx tortures ses deux fidèles serviteurs.
■' L'un d'eux, Chanden-Sing, reçut deux
cent coups de cravache, puis on procéda à
l'interrogatoire du voyageur.
f La raison de la déférence que l'on témoi
gnait envers lui était la crainte des repré
sailles anglaises.
<<< On demanda donc à Savage Landor de
déclarer qu'il avait été entraîné au Thibet
par ses deux guides,et que ceux-ci l'avaient
iilcité à violer le secret de la région
et des temples. On lui. déclara que, s'il voû
tait faire, devant témoins, cet aveu, il se
rait reconduit à la frontière de l'Hindous-
• tan .' ■■•...
A . cette proposition, Savage Landor ré
pondit par un sourire. : :
v, Chanden-Sing, qui savait quel sort lui
était réservé si son maître acceptait la dé
livrance, au prix d'une trahison, lui criait
pourtant en langue hindoustane :
r— Monsieur, monsieur, laissez-les me
tuer. Je suis votre fidèle serviteur. Laissez-
les' me tuer et retournez vers vos père et
mèrebien-aimés.
Les soldats et les lamas se consultèrent,
et, voyant qu'il était impossible d'intimi
der ce blanc, l'un d'eux lui asséna un coup
terrible sur la tête. Salvagc Landor tomba,
sans pousser un cri. Il n'était pas évanoui.
On le traîna devant une sorte de tribunal
on. le condamna à mort, puis, on le traî
na sur le lieu de l'exécution, multipliant,
■avec ùne sauvagerie tout orientale, les pré
paratifs. -
D'abord, on fit passer devant lui, à plu
sieurs reprises t le bourreau, maniant un
immense sabre à deux tranchants, le fai
sant tournoyer sur la tête de la victime,
semblant tout prêt à accomplir sa besogne,
puis se reculant.
, Ensuite des tortionnaires firent rougir
un fer, et le passèrent •devant les yrux de
l'Européen.
. Celui-ci, devant de telles tortures,' resta
impassible. Alors les Thibétains lui di
rent : " Puisque vous ne craignez pas la
mort, vous allez souffrir pendant votre
vie. »
Ce fut atvrs le supplice'lchl, 'comme le
pratiquent les Chiywis. On attacha le pa
tient sur une roue, on l'écartèla et, pen
dant vingt-quatre heures,on le laissa ainsi,
les nerfs tendus à se rompre_ Plus tard, on
lui arracha un ongle avec un poignard.
La férocité asiatique fut vaincue. Des or
dres vinrent de Lhassa de ne pas mettre à
mort les prisonniers. La crainte des colon
nes anglaises qui s*avançaienl et qui al
laient entrer dans-ces régions fut la cause
de ce revirement. On reconduisit Savage
Landor et ses deux serviteurs vers la fron
tière. Mais avec quels raffinements de bar
barie pour des hommes épuisés par les pri-
- rations et les souffrances : à cheval sur des
selles de- bois, les mains liées derrière le
dos, à petites, journées.
' On fit, lors-de la rencontre avec la colon
ne anglaise, commandée par le docteur
Wilson, une photographie de l'héroïque ex
plorateur. Elle est caractéristique et évo-
que.ee que peut, sur le visage d'un homme,
la souffrance physique combattue par une
indomptable courage-
Pendant plusieurs années, l'homme qui
avait'accompli un tel exploit resta couché
sur un lit de douleur. Il s'en releva pour
rêver d'abord, accomplir ensuite de. nou
velles explorations.
Cest un de ceux que l'on peut qualifier
de « professeur d'énergie ».
Saint-Roman.
Éehos
•M- Monis et les..confetti
C'est un MArdi-Gras que-M. Monis avait
formé le cabinet qu'il présida, et qui ne
dura que trois mois-; on se rappelle l'acci
dent terrible qui marqua ce ministère : M.
Berteaux y trouva la mort, et M. Monis
fut grièvement blessé.
C'est un jour de Mi-Carême, transformé
à tort en jour de carnaval, que M. Monis,
redevenu ministre, a démissionné.
Désormais, quand il verra arriver les
confetti, M. Monis fera bien de rester chez
lui.
La devise
Nombre de nos confrères s'étonnent de
voir que Mme Caillaux, à la prison de
Saint-Lazare, -bénéficie, d'un ■' traitement
tout de faveur.
Sans parier de l'aménagement de sa pis-
tole — car la faveur de décorer les murs
d'une prison fut déjà:'accordée à une autre
inculpée — on .relève ses entrevues, dans
le cabinet, du directeur, avec son mari, ce
qui est contraire à tous les'règlements.
•Mais, ceux qui se plaignent de ces dif
férences de traitement ont la consolation
■cls lire, sut la porte de la prison : Liberté,
Egalité, Fraternité j trois mots qui son
nent étrangement, surtout en cette occur
rence.
Cercamon.
La Conûi
•X»
LA SEANCE DE CE MATIN
Ce matin, la commission d'enquête
sur l'affaire Rochette s'est réunie à la
Chambre.
Voici le procès-verbal de cette séance :
Présidence de M. Jaurès
Audition de M. Monis
M. Monis, ancien président du, Conseil,
est introduit.
M le président demande à M. Monis s'il
est intervenu dans l'affaire en question.
M. Monis. — Au mois de mars, dans les
quinze premiers jours de mon ministère,
je reçus la visite de M. le ministre des fi
nances qui me dit qu'il avait de la grati
tude pour un avocat à qui il serait agréa
ble de lui procurer l'occasion d'une deman
de de renvoi sollicitée par lui au sujet de
l'affaire Rochette.
Il ajouta que si le renvoi était refusé, il
ferait une plaidoirie retentissante, faisant
allusion à des émissions qui n'avaient ja
mais été poursuivies.
Il dit qu'il y avait à cela un intérêt po
litique. Je me suis renseigné auprès du
procureur général à ce sujet-
Au cours de mon ministère, j'ai été ap
pelé à entrer. 011 rapport avec lui.
Je lui ai exposé comment la demande
avait été présentée.
* Je lui ai demandé quelle sna-it l'influence
du .renvoi sur la procédure. Je n'entendais
pas ainsi porter atteinte à son action. Je
visais, en parlant ainsi, toutes les solu
tions possibles.
M. le procureur général me répendit que
le renvoi ne pourrait avoir aucune in
fluence sur les pcv.rsuites. Il a ajouté ce
pendant que le renvoi serait mal interprété.
J'ai .dit alois :
Il faut converser avec M. le président de
la Chambre des appels. Vovez-le. Suivez son
avis. Donc pas de pression.
M. le procureur général m'a -parlé aima
blement. En nie quittant, il est entré chez
mon lils, qui était chef de cahinet. Il est
resté à causer vingt minutes avec lui, l'as
surant de l'estime et de l'admiration qu'il
avait- pour moi, a-t-il dit.
La date de ce petit incident est fixée par
ce point , que mon fils ne connaissait pas
le procureur général. C'est à la première
visite du procureur général que cette ren
contre a eu lieu. Quelques jours se passent.
M. le procureur général revient rae voir et
me dit que « M. le président est d'avis d'ac
corder le renvoi », et que le renvoi sera ac
cordé à l'audience du 27 avril pour une
date que j'ai oubliée, mais qui était très
éloignée.
Je le lui fis remarquer. Le Procureur gé
néral répliqua que c'était un effet du rôle
ÀBMISTM™ & RÉDACTION i
Paris, 19, rua des Sainta-Pères {VI 0 arronj 1 »
DÉPÔT A ROME : 68, PLACE DB LA 3IIÏSBY»
Ces manuscrits non insérés ne sont pas renduî
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AUX BUREAUX DIT JOUHÎIAt.
19, ruo des Saints-Pèras
ET SOCIÉTÉ DE PUBLICITÉ RELIGIEU33
6, place de la Bourse
TÉLÉPHONE 751-55
de la cour de Paris. Il se retira. Je n'ai ja
mais entendu parler de l'affairé depuis.
J'ai complètement oublié de reparler de
l'incident à M. Caillaux. 11 no m'en a ja
mais reparlé non 'plus.
M. du Mesnil du Rappel me demanda ce
jour si M. Caillaux m'avait parlé de la de
mande de renvoi de M* Maurice Bernard. f
Cette demande se place entre les visites
de M. le procureur générai: Elle n'a eu au
cun effet sur le renvoi.
J'ai fait un acte purement administratif
en parlant de la demande de renvoi.
Il serait- inadmissible qu'on eût songé
a se servir de ses pouvoirs administratifs'
pour obtenir une prescription.
Je suis tombé du pouvoir et- j'ai' dû faire
-une lorigue convalescence à la campagne;-- >
Revenu plus tard ù Paris, j'ai trouvé dans
les- journaux- mention du procès-verbal
dressé par, je procureur général."J'ai été
incrédule. ~ ' — c .
Mandé devant, votre Commission, " j'ai
T-époiidu qu'c-He n'avait pas juridiction sur
moi, que ces faits étaient couverts par lè
secret professionnel.
On voulait me faire dire les conversa
tions que j'ai eues avec M. Caillaux. Je
m'y suis refusé.
: Le lendemain du jour où la Chambre
eut connais'san-cï des conclusions de la.'
Commission, : j'ai rencontré M. Briand au
-Sénat, je.-l'ai prié de se procurer des expli
cations auprèj du procureur général sûr,
la note dont on parlait.
M. Briand s'est montré év-asif.
J 'ai emporté l'impression que M. Briand
■n'avait pas le document.
Lorsque M. Jaurès a expliqué la remis®
de l'affaire à la Chambre, vendredi, je suis
allé trouver M. Bienvenu-Martin et je l'ai
prié de faire rechercher s'il y avait- une
pièce de ce genre.
On n'en trouva .pas au ministère.
Je lui demandai quelles étaient les expli
cations du procureur général. J'en ai le
résumé, .
M. Je procureur général aurait dit à M.
Bienvenu-Martin qu'il avait un carnet sur
lequel il notait quotidiennement ce qu'il
faisait. Quand M. Briand est arrivé au
pouvoir, il l'a fait venir et.lui a reproché
d'avoir consenti le renvoi.
Pour se justifier, la procureur général a
dit qu'il avait des notes faisant foi de son.
entrevue avec le président du Conseil.
M. Briand a deman'dé à voir ces notes :
une copie en a été faite, puis a été remise
à M. Briand. J'ai l'impression que le do-
curnent n'a été créé qu'à cette date,
Le procureur général a. dû rédiger le do
cument pour.se couvrir.
Le document s'intitule procès-verbal. Ce
n'est pas un procès-verbal., lin procès-ver
bal ne vaut que par la contradiction des
faits qui sont portés sur l'original. Jamais
je n'ai reçu copie de ce document, que je
n'ai pas connu. ù
Si le procureur général avait eu le moin
dre do»ute au sujet de la conversation que
j'avais eue avec lui, il m'aurait écrit une
lettre pour-me dire qu'il avait rempli ce.
qu'il a appelé « un ordre ".Ainsi il n'aurait
pas craint la contradiction, conformément
à la pratique des choses.
Le document porte copie. •
Je demande l'original, qui seul peut
avoir une valeur et qui fixera sur le point
de savoir s'il a été dressé le 22 mars 1911.
Je trouve dans le premier alinéa la
preuve que le document intervint après
les événements.
• Le procureur général a fait donner l'or
dre d'accorder le renvoi le 27 avril à une
date qui serait i!ïostérie«re à août et sep
tembre.
Je ne connais aucune de ces dates. C'est
à sa seconde visite que-le procureur géné
ral m'a fait connaître la date à laquelle le
renvoi serait prononcé ainsi que la date
de la remise.
Contrairement à ce que le procureur gé
néral affirme, il n'a pas élevé la moindre
protestation.
j'avais le -droit de lui demander ce que
je lui avais demandé. Il a paru dans I©
Matin une communication qui émane du
procureur général. Il déclare n'avoir cédé,
à la -demande du gouvernement que parce
que los intérêts de la justice étaient res
pectés. Y a-t-il humiliation ?
M. Monis fait ressortir la contradiction
entre le document publié dans le Matin et
les termes du procès-verbal au sujet de.
la cause de Ihuniiliation dont se plaint le
procureur général. Dans l'un, il l'attribue
aux ordres donnés ; dans l'autre, à la ré
flexion de M. du Mesnil ; dans l'un, il la
place à la deuxième visite, au-30 mars ;
dans l'autre, à la première visite, au
22 mars.
M. Monis discute successivement les di
vers paragraphes du procès-verbal du pro
cureur général. Il dit qu'il n'a pas vu -sur
le visage du procureur général les reflets
d'âme qui dénotaient un violent combat in
térieur ; il ignore -à quelles violences mo
rales M. le procureur.,général a pu s'aban
donner.
Si le renvoi a présenté des difficultés,
ajoute M. Monis, s'il a été refusé une pre
mière fois, si les conseillers ont été d'avis
de le -refuser, c'était le 30 mars qu'on au
rait dû nie Je fa.iTe 'Connaître. Il ne m'en a
jamais été rien dit.
Je trouve, singulier que le procureur gé
néral ait le souci d3 noter dans ce procès-
verbal de notre conversation cette circons
tance que M. Du Mesnil était dons l'anti
chambre. Est-ce un soupçon qu'on veut
jeteir ? Comment qualifier un visiteur qui
peut avoir la pensée de noter la présence
d'un personnage que le hasard lui *ïait
rencontrer ?
Ce document est entièrement subjectif. Il
note des impressions et des émotions qui aa
se sont jamais manifestées d'une façon ex
térieure. - ,
On ne m'a jamais tenu au courant de ces
incident3 auxquels ils se réfère. S'il y a eu
des choses étranges on r. fait connaître. Si on m'en avait parlé, je
les aurais soumises à une enquête.
M. Jaurès. — Je ne comprends pas les
intérêts politiques qui vous étaient allégués
par M; Caillaux pour le renvoi de l'affaire
Rochette. "
Enfin, ces piéoccupr.tions donnaient-elles
à l'affaire Rochette un intérêt .politique ? - ,
La Chambre s'était oiiiue des interven
tions qui se seraient, produites dans la preï-:
mière partie de l'affairg Roçhgtte. Une soj
Quatre-vingt-unième année, t - 16.220.
Dépôt Lé ci" '
»• èmr
SAMEDI 21 MARS 1914
"1U14
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DIEU PROTÈGE LA FRANCE /
Xu milieu des factions de toute espèce. vous tj'appartenons
çu'à l'Église et à la Pairie.
Lodis VEU1LL0T : Programme de l'Univers (1842)
SOMMAIRE
Ï.F. DISCOURS VlVIi.Nl A' LA "LlGOfi DE L'KXSKIGNE-
mext . — Jacques Rocafort.
La Russie outhodoxë conire l'Autriche catho
lique. . .....
i.e scandale.
Au joen le jour.: Celui qu'on martyrisa:M. Sa
vage Landor. • ■
La Cosiaissios o'esoi'âi-e sur l'affaire RO
chette.
La Vie religieuse : Le sacre de Mgr Quilliet à
■Lille.
Feuilleton : A travers les Revues.
PARIS; 20 MARS 1914
Le iGirs liïiii
,x
Ça été, je le reconnais, uns manifes
tation importante et pleine de sens,: ce
banquet offert par la Ligue de l'En-sei-,
gnement en l'honneur de son président,
M. Dessqyé, rapporteur à là Chambre
de la loi qui vient d'être- votée sur la .dé
fense laïque. Autour de lui, de nom
breux parlementaires de tous les. partis
de gauche, et surtout les anciens mi
nistres de l'instruction publique qui
avaient présenté ou soutenu des projets
analogues, MM. Briand, Cruppi, Laf-
ferre, Steeg, Guist'hau, Barthou, sans
oublier la présence de Mime Jules
Ferry et de Mme Paul Bert. Cette as
semblée n'avait pas été formée au ha
sard, elle représentait le passé et le pré
sent d'une grande idée, la suite inin
terrompue d'un long" effort, toujours
dans le même sens, une victoire sé
rieuse de la laïcité. Elle faisait fraterni
ser ensemble des personnalités les plus
opposées à d'autres points de vue,
M. Briand et M. Caillaux, M. Barthou
et M. René Renoult, dans l'affirmation
d'une seule et unique doctrine scolaire,
que l'actuel ministre de l'instruction pu
blique, M. Viviani, s'est proposé de rap
peler et de définir-
il l'a fait à sa manière, qui est que
l'école d'Etat représente la liberté de pen
ser en face de l'école privée, entendez ca
tholique* qui représente la liberté de
-croire. L'Eglise, qui ne peut souffrir
(qu'on affranchisse la pensée de per
sonne, fait là guerre à. l'école libéra
trice, et, par delà, à la République, qui
lahsoutient et en est soutenue. De là Ira
intrigues cléricales du 16 et du 24 mai
contre les ministres les plus modérés
tels que M. Thiers et M. Du-faure ; de
là les agressions actuelles, en Bretagne
et ailleurs, contre les maîtres et les ma
nuels. M. Viviani n'a pas seulement re
mercié M. Dessoye d'avoir procuré à
l'Etat de nouveaux moyens de défense,
il a sonné le réveil des. énergies démo
cratiques pour la. continuation d'une
œuvre qui ne doit pas plus finir que
l'incompatibilité, qui est absolue, entre
l'esprit républicain, fondé sur îa liberté,
et le cléricalisme, essentiellement into
lérant et autoritaire.
-, J'admets, sans en rougir, que l'Eglise
ne soit pas la liberté de penser, et ce
n'est pas moi qui ai jamais fait des cri
tiques contre l'école laïque au nom de
la liberté. Je laisse nos libéraux, prê
tres ou laïcs, s'engager seuls dans cette
impasse. Mais depuis quand, demande-
Tai -je à M. Viviani, l'école publique
nous a-t-elle été donnée pour l 'école de
la libre pensée? Où a-t-il vu que ses
fondateurs, à commencer par Jules
Ferry, l'aient jamais définie publique
ment dans les termes où il lui a plu de
le faire? Moi, en revanche, que de tex
tes je pourrais citer, programmes, cir
culaires, instructions, discours de toutes
sortes, et que de fois je les ai cités ici !
et MM. Groussau et Piou à la tribune !
pour démentir M. Viviani d'une ma
nière si décisive, qu'il ne pourrait rien
répondre quant au fond, réduit à la né
cessité de s'évader en explications laté
rales, soit qu'il répète comme jadis :
Mensonges opportunistes, soit que,
comme aujourd'hui, il ose dresser con-
i/z'e notre, accumulation de preuves une
.pauvre petite phrase isolée de Jules
Ferry sur le libéralisme universitaire !
Jules Ferry, en neutralisant l'école
au point de vue des confessions reli
gieuses, a déclaré publiquement, et à
plusieurs reprises, qu'il entendait en
fermer la porte à la liberté de panser
philosophique ; que le spiritualisme,
rien que le spiritualisme, y serait la
doctrine morale enseignée ; qu'il lui pa
raissait paradoxal de supposer qu'un
jour ce serait une autre ; et en consé
quence il a inscrit en tête du pro
gramme Dieu et les devoirs envers Dieu.
Les arrière-pensées de Jules Ferry, s'il
en a eu, ne m'importent pas. Voilà ce
qu'il a dit et ce qu'il a promis. On n'a
pas besoin d'avoir dans quelqu'un une
confiance extrême pour tenir à ce qu'il ob
serve les engagements qu'il a pris. Les
engagements de 1882 ont été si .peu de
la libre pensée qu'ils furent exactement
le contraire, un véritable dogmatisme,
non p.lus confessionnel, mais philoso
phique ; Dieû juge et législateur des
consciences ; un Dieu personnel et non
pas un Dieu-môt, comme l'insinue au
jourd'hui ce sophiste de M. Buisson ;
car, qu'est-ce qu'auraient signifié des
devoirs envers un mot?
Mais cela ne plut pas à la franc-ma
çonnerie. Les programmes - à peine ré
digés, elle commença une opposition
plus ou moins sournoise, jusqu'au jour
où levant le masque elle émit formelle
ment le vœu dè la suppression des de
voirs envers Dieu. Le voici : .
L'Assemblée générale émet le. voeu que.
les programmes de l'enseignement pri
maire cessent d'ôtre «m coiitr&dictïon avec
la loi du 28 mnrs ; 1882, spar laquelle le Par
lement a refusé d'admettre dans ces pro
grammes l'enseignement des devoirs en
vers Dieu et que la loi de 1882 soit apoii-
quée intégralement. ^ t .
C'était au convent de 189G. Depuis,, la
campagne n'a jamais cessé, confiée prin
cipalement à sa. filiale favorite, la Ligue
de l'enseignement. Dès 1901, celle-ci,
dans son congrès annuel, demandait la
fin de la « métaphysique » à l'école.
Après la loi de 'séparation, en 1905, elle
s'enhardit, les congrès de Biarritz et
d'Angers furent de véritables prêches
antipapistes, une apothéose préméditée
des Droits de l'homme; isur les ruines
du Syllabus. Au congrès de 1911, le mi
nistre de l'instruction publique, M.
Steeg, prononça sa phrase fameuse
« l'école sans Dieu », et en 1913 M. Bar
thou déclara à la tribune que les insti
tuteurs feraient bien de s'abstenir d'en
seigner les devoirs envers lui. Les lois
que M: Dessoye vient de faire voter ne
sont pas autre chose que des moyens de
défense pour que ce changement de ré
gime s'opère sans trop de difficultés.
L'oeuvre trentenaire de la Ligue de
l'enseignement, la voilà, et je com
prends qu'on ait songé à la fêter au mo
ment où elle se couronne de succès.
Mais ne confondons pas : ce n'est pas
l'œuvre de 1882, celle de Jules Ferry
homme public et ministre, c'est l'œuvre
maçonnique par excellence, celle de la
Ligue de l'enseignement, reconnaissance
à ceci que les derniers points fixes de
la croyance maintenus en .1852, les vé
rités fondamentales de la religion natu
relle, ont été emportés par l'esprit, anar
chiste et nihiliste qui est au fond de la
maçonnerie. C'est peut-être cela que
M. Viviani appelle la liberté de penser.
En ce cas, il s'est montré injuste vis-
à-vis de l'Eglise en rabaissant sa résis
tance à je ne sais quel appétit de domi
nation, quelle entreprise- d'exploitation
de la croyance. L'Eglise s'honore devant
toutes les races civilisées- à défendre
comme elle le fait les principes essen
tiels, fixes, universels, de la tête et de
la conscience humaines. Elle se défend
elle-même, il est vrai, puisque ces prin
cipes sont le fondement de ses dogmes
particuliers ; elle ne s'en fait pas moins,
dans cette circonstance comme dans
tant d'autres, l'avocate et la tutrice d'un
bien commun à tous les enfants
d'Adam, du bien le plus haut et qui
leur confère leur spéciale dignité.,
Jacques ROCAFORT. "
La Russie orthodoxe
contre l 'Autriche catholique
U.n haut personnage russe qu'on ne
nomme .pas,, ce qui vaut d'ailleurs mieux
pour ea réputation de diplomate, a fait au
Novoié Vremia des déclarations qui sont
non seulement surprenantes, mais encore
dénuées d'opportunité et (même de bon
sens à im degré extraordinaire.
■Pour cette personnalité russe, un rema
niement de la carte d'Europe, à la mort
■du vénérable empereur François-Joseph,
résoudrait le plus facilement du monde
tous les problèmes. L'Autriche serait par
tagée, l'Allemagne annexant les provinces
germaniques, la Russie prenant la Galicie,
et l'Italie Tries te, tandis que la Bohême,
la Hongrie, les provinces slaves auraient
une existence autonome, ou-, selon leurs
affinités, se grouperaient avec d'autres
peuples. La France,, ipou-r 'avoir laissé ces
choses s'accomplir, .recevrait l'Alsace-Lor-
raine. Une Triple-Alliance, que notre pays
formerait avec la Russie et l'Allemagne,
consoliderait et consacrerait ce vaste sys
tème de compensations...
Nous sommes surpris qu'un journal qui
fait- autorité comme le Novoié Vremia ait
accueilli -de pareils propos. Ces « anticipa
tions », comme dit l'Anglais Wells, sur
l'avenir européen sont lordinairement le
fait dé diplomates improvisés qui brillent
dans les dîners en ville. Cependant, si ces
vues sont négligeables en elles-mômes
(d'autant, plus négligeables que tous ces
plans ne 6ont que des redites), il faut en
tenir compte dans Aa mesure où elles peu
vent servir de symptôme.
L'hostilité du monde russe à l'égard de
l'Autriche n'a fait que grandir depuis
quelques années. Et cette hostilité n'a pas
seulement des origines politiques, mais en
core des prétextes religieux. La haine du
catholicisme, qui s'est manifestée en Rus
sie daçs ces derniers temps avec une vi
gueur nouvelle, et qui est allée jusqu'à la
persécution, est un facteur important et
auquel il faut prêter attention. L'Autriche
est une grande puissance catholique, et,
I>our cette raison, un. grand centre d'at
traction de l'Europe orientale. Voilà ce qui
éveille et 1-a jalousie de î'orthodoxie et les
susceptibilités du panslavisme. Voilà' ce
gui dicte des propos aussi inconsidérés que
ceux dont le ..Novoié Vremukjs'est fait
l'écho. : - ' ■ "f,
Par ".là force des choses, la France, tout
alliée qu'elle soit à la Russiè, se trouve-
d'accord sut bien des points avec. l'Autre
('lie, tout alliée que l 'Autriche soit de l'Al
lemagne. C'est la politique blanche qui
s'impose : à la République ( 'anticléricale
■alîe-œême quand, par exemple, M. Dou-
mergue si voit contraint de rendre, hom
mage à Sa Majesté Apostolique. Mais ces
hommages sont d'un platonisme presque
dérisoire. Gomment, en effet, un gouverne
ment qui fait la guerre à l'Eglise et qui ne
veut même;pas connaître le Saint-Siège fe-
rait-rr utilement une diplomatie d 'entente
avec les peuples catholiques ? _ .
Le scandale
La démission de M. Monis, que les
amis du ministère voulaient seulement
temporaire, est définitive. Il n'en pou
vait être autrement. C'est îe soir même
du jour où M.. Barthou lut à la triburie
de la Chambre le procès-verbal du pro
cureur général Fabre que le ministre de
la' Marine, convaincu aux yeux de tous
d'avoir manqué à son devoir, aurait dû
démissionner, sans an mot. Il nous eût
évité , le spectacle toujours pénible d'un
homme aux cheveux blancs, assis au
bans du gouvernement, se débattant
contre la vérité qui l'écrasait, se déci
dant, après de longues hésitations, à des
démentis qui rendaient un son abomi
nablement faux, consentant enfin à com
paraître comme accusé devant une Com
mission d'enquête... Un homme à la
mer : n'en parlons plus. Laissons les
radicaux enterrer leurs cadavres. ■ - s
Quant à savoir quel est le politicien,
fourni par les Loges, qui ramassera le
portefeuiIla. de M. Monis, peu nous
chaut. Inutile de faire remarquer que
le gouvernement ne pensera pas un mo
ment aux intérêts de la marine. Les an
timilitaristes honteux dont se compose
le parti radical, les vieux complices des
André et des Peiletan ne songent, en pa
reille occurrence, qu'à satisfaire des ap
pétits personnels et des exigences, poli
tiques. ■ ■■■--<•■ "" i
Mais, quel que soit l'élu, on peut se
demander quelle est désormais la situa
tion de ce ministère qui, coup sur ciouip,
voit deux de ses membres les plus im
portants. obligés de s'en ailler. On les
remplace, évidemment^ et comme la
couteau de J-eannot, dont successivement
toutes les parties étaient changées et qui
r as fait toujours le couteau de Jeannot-,
c'est toujours le ministère Doumergue.
Mais quelle figure fait-il devant le pays?
Et même devant la Chambre ? Que re
présente aujourd'hui ce ramassis de
médiocrités qui n'a plus comme pro
gramme que l'anticléricalisme le plus
grossier ? Si la Chambre était capable
d'écouter la voix du pays, elle aurait
déjà poussé ce ministère à la poubelle
ave? les confetti salis de la Mi-Carême.
Mais peut-être n'est-il pas mauvais
que le pays puisse contempler pendant,
quelque temps ces éteigneurs d'étoiles,
ces pontifes du rôgim-e laïque, ces pa
rangons de la morale indépendante et
de la libre -pansée, se démenant avec
désespoir dans les flots de boue et de
sang qui les étouffent.
Il faut même regretter que le Sénat
ait refusé à M. Jaurès, président de la
Commission d'enquête, les pouvoirs
qu'il demandait. Le gouvernement eût
été heureux-qu'on les lui accordât, car
il était sûr de trouver dans le leader so
cialiste, son protecteur, l'homime dis
posé à satisfaire ses vengeances. M. Jau
rès, de par la volonté du Sénat,_ ne
pourra pas faire arrêter et perquisition
ner selon son bon plaisir.
Regrettons-le encore une fois. Pour la
beauté suprême du régime laïque, il eût
été bon que la France contemplât ce
spectacle : M. Jaurès, l'ennemi déclaré
de la société bourgeoise, promu Grand
Juge et Grand Inquisiteur de la Répu-
bliaue 1 *" - "
Mais une consolation nous reste. Hier,
les membres du Comité "exécutif du
mrti radical se sont rendus chez
M. Caillaux pour lui apporter le témoi
gnage de leur dévouement. Et M. Cail
laux a répondu qu'il restait sur la brè
che pour la défense de la République.
■ C'est donc que M. Caillaux demeure
le président du Comité'Exécutif !
I>e Comité Exécutif! Quel son sinis
tre, à de certains jours, rendent certains
mots !
Fou? les Elections
ABONNEMENTS DE PROPAGANDE
En raison de l'importance 'des prochai
nes élections législatives, nous avons dé-
cidé de créer des abonnements de propa
gande.
Ces abonnements partiront r de n'importe
quelle date et seront servis au prix réduit
de 1 fr. 80 par mois. _ _ l ;
Ceux de nos amis 'désirant aider r à cette
propagande n'auront qu'à nous envoyer le
montant des abonnements qu'ils désirent
faire servir, en nous indiquant les noms et
adresses des personnes qui doivent en pro
fiter. ■
Ils peuvent, aussi nous envoyer simple
ment l'argent en se reposant sur nous pour
la distribution des abonnements.
N.-B. — Pour arrêter les malentendus
qui se sont déjà produits, nous croyons
utile de spécifier que nous n'acceptons, au
prix 'de i fr. 50, que. des abonnements li
mités 'à un mois^
Au jour le jour
Celui qu'-on martyrisa
M. Savage ]Lz.ndor
■ Ce soir, vendredi, à la Sorbonne, M. Sa
vage Landor doit raconter le voyage de
22.000 kilomètres qu'il vient d'accomplir à
travers le Brésil. Ce voyage, dont S.600 ki
lomètres furent parcourus à travers des
terres réputées jusqu'ici impénétrables, et
qui dura quinze mois, exigeait une. énergie
rare. ■ • -, •-
M. Savage Zandôr l'effectua avec cinq
serviteurs mulâtres et im nègre. Il dimeù-
ra -seize-jours, sans manger, dans une im
mense forêt où l'en ne trouvait ni un ani
mal ni un fruit qui pussent servir d'alimen
tation aux voyageurs agonisants. Et de ce
voyage si pénible, M. Savage Landor, rap
porte des documents concernant des gise
ments d'or, d'argent et de diamant et,
choses plus précieuses pour la science, il
rapporte nombre d'observations géodési-
vques, géologiques, botaniques ét huit cents
1photographies qui nous révèlent ce qu'est
ce merveilleux » centre » Amérique qu'il a
ouvert aux• investigations modernes. ■
■'.'Mais- qui pouvait douter de l'énergie de-
cet homme si l'on se souvient qu'il• y a
dix-sept ans il osa pénétrer dans les ré
gions interdites du ï'hibet, et qu'il en re
vint martyrisé, mais non décourage?
On oublie trop cette épopée qui montre
jusqu'à quel degré peut s'élever l'énergie
humaine.
Donc, vers la p.n du dis-neuvième siè
cle-, M. Savage Landor annonça, hautement
que, sans- escorté, il allait explorer le'pays-
des lamas. On lui fît savoir que, s'il y pé
nétrait, il aurait la tête caupép. Qu'impor
tait à cet homme : il partit avec trente por
teurs indigènes et, pour empêcher qu'on ne
l'arrêtât aux frontières du Thibet mysté
rieux, où sa venue était annoncée, il fran
chit, pour commencer, un col. de 6.000 mè
tres d'altitude et tomba ainsi au cœur du
pays.
Il était bientôt reconnu., signalé et, de
Lhassa, des cavaliers arrivaient à sa ren
contre. Alors, ses porteurs, redoutant les
supplicesv l'abandonnèrent- ■
Il ne lui,resta que deux fidèles serviteurs
et trois yacks, grâce auxquels la petite ex
pédition éthappa aux poursuites des cava
liers thibétains en suivant le faite des
montagnes ; en se terrant le jour, en marr
ehant la nuit,
- On avançait, mais dans quelle direc
tion?.Dans celle de Lhassa, la ville fer
mée, c'est-à-dire vers le danger et; vers la
mort.
Au cours de cette marche, Savage Lan
dor découvrit les sources principales du
fleuve Brabamapoutra. Il était, à ce mo
ment, à plusieurs centaines de kilomètres
de son point de départ. Il allait toucher la
ville interdite, mais la faim tenaillait les
entrailles des trois hommes, et ils durent
sortir de l'ombre des ravins pour aller, au
milieu d'un campement thibétain, essayer
d'échanger contre quelques vivres une par
tie de l'or qu'ils portaient.
On fit, d'abord, bon accueil aux voya
geurs, et on leur proposa des chevaux
qu'on leur remettrait le lendemain. Ce n'é
tait que duplicité! Le lendemain, tandis
tfue Savage Landor examinait les cour
siers, il fut saisi par derrière, ainsi que ses
deux compagnons. Au bout de vingt minu
tes d'une lutte sauvage, tous trois étaient
ligotés, immobilisés. L'explorateur vit pil-
ter ses bagages, briser ses clichés, anéan
tir ses documents.
• A ce moment, pour dompter l'énergie de
l'Occidental, on commença par soumettre
aitx tortures ses deux fidèles serviteurs.
■' L'un d'eux, Chanden-Sing, reçut deux
cent coups de cravache, puis on procéda à
l'interrogatoire du voyageur.
f La raison de la déférence que l'on témoi
gnait envers lui était la crainte des repré
sailles anglaises.
<<< On demanda donc à Savage Landor de
déclarer qu'il avait été entraîné au Thibet
par ses deux guides,et que ceux-ci l'avaient
iilcité à violer le secret de la région
et des temples. On lui. déclara que, s'il voû
tait faire, devant témoins, cet aveu, il se
rait reconduit à la frontière de l'Hindous-
• tan .' ■■•...
A . cette proposition, Savage Landor ré
pondit par un sourire. : :
v, Chanden-Sing, qui savait quel sort lui
était réservé si son maître acceptait la dé
livrance, au prix d'une trahison, lui criait
pourtant en langue hindoustane :
r— Monsieur, monsieur, laissez-les me
tuer. Je suis votre fidèle serviteur. Laissez-
les' me tuer et retournez vers vos père et
mèrebien-aimés.
Les soldats et les lamas se consultèrent,
et, voyant qu'il était impossible d'intimi
der ce blanc, l'un d'eux lui asséna un coup
terrible sur la tête. Salvagc Landor tomba,
sans pousser un cri. Il n'était pas évanoui.
On le traîna devant une sorte de tribunal
on. le condamna à mort, puis, on le traî
na sur le lieu de l'exécution, multipliant,
■avec ùne sauvagerie tout orientale, les pré
paratifs. -
D'abord, on fit passer devant lui, à plu
sieurs reprises t le bourreau, maniant un
immense sabre à deux tranchants, le fai
sant tournoyer sur la tête de la victime,
semblant tout prêt à accomplir sa besogne,
puis se reculant.
, Ensuite des tortionnaires firent rougir
un fer, et le passèrent •devant les yrux de
l'Européen.
. Celui-ci, devant de telles tortures,' resta
impassible. Alors les Thibétains lui di
rent : " Puisque vous ne craignez pas la
mort, vous allez souffrir pendant votre
vie. »
Ce fut atvrs le supplice'lchl, 'comme le
pratiquent les Chiywis. On attacha le pa
tient sur une roue, on l'écartèla et, pen
dant vingt-quatre heures,on le laissa ainsi,
les nerfs tendus à se rompre_ Plus tard, on
lui arracha un ongle avec un poignard.
La férocité asiatique fut vaincue. Des or
dres vinrent de Lhassa de ne pas mettre à
mort les prisonniers. La crainte des colon
nes anglaises qui s*avançaienl et qui al
laient entrer dans-ces régions fut la cause
de ce revirement. On reconduisit Savage
Landor et ses deux serviteurs vers la fron
tière. Mais avec quels raffinements de bar
barie pour des hommes épuisés par les pri-
- rations et les souffrances : à cheval sur des
selles de- bois, les mains liées derrière le
dos, à petites, journées.
' On fit, lors-de la rencontre avec la colon
ne anglaise, commandée par le docteur
Wilson, une photographie de l'héroïque ex
plorateur. Elle est caractéristique et évo-
que.ee que peut, sur le visage d'un homme,
la souffrance physique combattue par une
indomptable courage-
Pendant plusieurs années, l'homme qui
avait'accompli un tel exploit resta couché
sur un lit de douleur. Il s'en releva pour
rêver d'abord, accomplir ensuite de. nou
velles explorations.
Cest un de ceux que l'on peut qualifier
de « professeur d'énergie ».
Saint-Roman.
Éehos
•M- Monis et les..confetti
C'est un MArdi-Gras que-M. Monis avait
formé le cabinet qu'il présida, et qui ne
dura que trois mois-; on se rappelle l'acci
dent terrible qui marqua ce ministère : M.
Berteaux y trouva la mort, et M. Monis
fut grièvement blessé.
C'est un jour de Mi-Carême, transformé
à tort en jour de carnaval, que M. Monis,
redevenu ministre, a démissionné.
Désormais, quand il verra arriver les
confetti, M. Monis fera bien de rester chez
lui.
La devise
Nombre de nos confrères s'étonnent de
voir que Mme Caillaux, à la prison de
Saint-Lazare, -bénéficie, d'un ■' traitement
tout de faveur.
Sans parier de l'aménagement de sa pis-
tole — car la faveur de décorer les murs
d'une prison fut déjà:'accordée à une autre
inculpée — on .relève ses entrevues, dans
le cabinet, du directeur, avec son mari, ce
qui est contraire à tous les'règlements.
•Mais, ceux qui se plaignent de ces dif
férences de traitement ont la consolation
■cls lire, sut la porte de la prison : Liberté,
Egalité, Fraternité j trois mots qui son
nent étrangement, surtout en cette occur
rence.
Cercamon.
La Conûi
•X»
LA SEANCE DE CE MATIN
Ce matin, la commission d'enquête
sur l'affaire Rochette s'est réunie à la
Chambre.
Voici le procès-verbal de cette séance :
Présidence de M. Jaurès
Audition de M. Monis
M. Monis, ancien président du, Conseil,
est introduit.
M le président demande à M. Monis s'il
est intervenu dans l'affaire en question.
M. Monis. — Au mois de mars, dans les
quinze premiers jours de mon ministère,
je reçus la visite de M. le ministre des fi
nances qui me dit qu'il avait de la grati
tude pour un avocat à qui il serait agréa
ble de lui procurer l'occasion d'une deman
de de renvoi sollicitée par lui au sujet de
l'affaire Rochette.
Il ajouta que si le renvoi était refusé, il
ferait une plaidoirie retentissante, faisant
allusion à des émissions qui n'avaient ja
mais été poursuivies.
Il dit qu'il y avait à cela un intérêt po
litique. Je me suis renseigné auprès du
procureur général à ce sujet-
Au cours de mon ministère, j'ai été ap
pelé à entrer. 011 rapport avec lui.
Je lui ai exposé comment la demande
avait été présentée.
* Je lui ai demandé quelle sna-it l'influence
du .renvoi sur la procédure. Je n'entendais
pas ainsi porter atteinte à son action. Je
visais, en parlant ainsi, toutes les solu
tions possibles.
M. le procureur général me répendit que
le renvoi ne pourrait avoir aucune in
fluence sur les pcv.rsuites. Il a ajouté ce
pendant que le renvoi serait mal interprété.
J'ai .dit alois :
Il faut converser avec M. le président de
la Chambre des appels. Vovez-le. Suivez son
avis. Donc pas de pression.
M. le procureur général m'a -parlé aima
blement. En nie quittant, il est entré chez
mon lils, qui était chef de cahinet. Il est
resté à causer vingt minutes avec lui, l'as
surant de l'estime et de l'admiration qu'il
avait- pour moi, a-t-il dit.
La date de ce petit incident est fixée par
ce point , que mon fils ne connaissait pas
le procureur général. C'est à la première
visite du procureur général que cette ren
contre a eu lieu. Quelques jours se passent.
M. le procureur général revient rae voir et
me dit que « M. le président est d'avis d'ac
corder le renvoi », et que le renvoi sera ac
cordé à l'audience du 27 avril pour une
date que j'ai oubliée, mais qui était très
éloignée.
Je le lui fis remarquer. Le Procureur gé
néral répliqua que c'était un effet du rôle
ÀBMISTM™ & RÉDACTION i
Paris, 19, rua des Sainta-Pères {VI 0 arronj 1 »
DÉPÔT A ROME : 68, PLACE DB LA 3IIÏSBY»
Ces manuscrits non insérés ne sont pas renduî
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AUX BUREAUX DIT JOUHÎIAt.
19, ruo des Saints-Pèras
ET SOCIÉTÉ DE PUBLICITÉ RELIGIEU33
6, place de la Bourse
TÉLÉPHONE 751-55
de la cour de Paris. Il se retira. Je n'ai ja
mais entendu parler de l'affairé depuis.
J'ai complètement oublié de reparler de
l'incident à M. Caillaux. 11 no m'en a ja
mais reparlé non 'plus.
M. du Mesnil du Rappel me demanda ce
jour si M. Caillaux m'avait parlé de la de
mande de renvoi de M* Maurice Bernard. f
Cette demande se place entre les visites
de M. le procureur générai: Elle n'a eu au
cun effet sur le renvoi.
J'ai fait un acte purement administratif
en parlant de la demande de renvoi.
Il serait- inadmissible qu'on eût songé
a se servir de ses pouvoirs administratifs'
pour obtenir une prescription.
Je suis tombé du pouvoir et- j'ai' dû faire
-une lorigue convalescence à la campagne;-- >
Revenu plus tard ù Paris, j'ai trouvé dans
les- journaux- mention du procès-verbal
dressé par, je procureur général."J'ai été
incrédule. ~ ' — c .
Mandé devant, votre Commission, " j'ai
T-époiidu qu'c-He n'avait pas juridiction sur
moi, que ces faits étaient couverts par lè
secret professionnel.
On voulait me faire dire les conversa
tions que j'ai eues avec M. Caillaux. Je
m'y suis refusé.
: Le lendemain du jour où la Chambre
eut connais'san-cï des conclusions de la.'
Commission, : j'ai rencontré M. Briand au
-Sénat, je.-l'ai prié de se procurer des expli
cations auprèj du procureur général sûr,
la note dont on parlait.
M. Briand s'est montré év-asif.
J 'ai emporté l'impression que M. Briand
■n'avait pas le document.
Lorsque M. Jaurès a expliqué la remis®
de l'affaire à la Chambre, vendredi, je suis
allé trouver M. Bienvenu-Martin et je l'ai
prié de faire rechercher s'il y avait- une
pièce de ce genre.
On n'en trouva .pas au ministère.
Je lui demandai quelles étaient les expli
cations du procureur général. J'en ai le
résumé, .
M. Je procureur général aurait dit à M.
Bienvenu-Martin qu'il avait un carnet sur
lequel il notait quotidiennement ce qu'il
faisait. Quand M. Briand est arrivé au
pouvoir, il l'a fait venir et.lui a reproché
d'avoir consenti le renvoi.
Pour se justifier, la procureur général a
dit qu'il avait des notes faisant foi de son.
entrevue avec le président du Conseil.
M. Briand a deman'dé à voir ces notes :
une copie en a été faite, puis a été remise
à M. Briand. J'ai l'impression que le do-
curnent n'a été créé qu'à cette date,
Le procureur général a. dû rédiger le do
cument pour.se couvrir.
Le document s'intitule procès-verbal. Ce
n'est pas un procès-verbal., lin procès-ver
bal ne vaut que par la contradiction des
faits qui sont portés sur l'original. Jamais
je n'ai reçu copie de ce document, que je
n'ai pas connu. ù
Si le procureur général avait eu le moin
dre do»ute au sujet de la conversation que
j'avais eue avec lui, il m'aurait écrit une
lettre pour-me dire qu'il avait rempli ce.
qu'il a appelé « un ordre ".Ainsi il n'aurait
pas craint la contradiction, conformément
à la pratique des choses.
Le document porte copie. •
Je demande l'original, qui seul peut
avoir une valeur et qui fixera sur le point
de savoir s'il a été dressé le 22 mars 1911.
Je trouve dans le premier alinéa la
preuve que le document intervint après
les événements.
• Le procureur général a fait donner l'or
dre d'accorder le renvoi le 27 avril à une
date qui serait i!ïostérie«re à août et sep
tembre.
Je ne connais aucune de ces dates. C'est
à sa seconde visite que-le procureur géné
ral m'a fait connaître la date à laquelle le
renvoi serait prononcé ainsi que la date
de la remise.
Contrairement à ce que le procureur gé
néral affirme, il n'a pas élevé la moindre
protestation.
j'avais le -droit de lui demander ce que
je lui avais demandé. Il a paru dans I©
Matin une communication qui émane du
procureur général. Il déclare n'avoir cédé,
à la -demande du gouvernement que parce
que los intérêts de la justice étaient res
pectés. Y a-t-il humiliation ?
M. Monis fait ressortir la contradiction
entre le document publié dans le Matin et
les termes du procès-verbal au sujet de.
la cause de Ihuniiliation dont se plaint le
procureur général. Dans l'un, il l'attribue
aux ordres donnés ; dans l'autre, à la ré
flexion de M. du Mesnil ; dans l'un, il la
place à la deuxième visite, au-30 mars ;
dans l'autre, à la première visite, au
22 mars.
M. Monis discute successivement les di
vers paragraphes du procès-verbal du pro
cureur général. Il dit qu'il n'a pas vu -sur
le visage du procureur général les reflets
d'âme qui dénotaient un violent combat in
térieur ; il ignore -à quelles violences mo
rales M. le procureur.,général a pu s'aban
donner.
Si le renvoi a présenté des difficultés,
ajoute M. Monis, s'il a été refusé une pre
mière fois, si les conseillers ont été d'avis
de le -refuser, c'était le 30 mars qu'on au
rait dû nie Je fa.iTe 'Connaître. Il ne m'en a
jamais été rien dit.
Je trouve, singulier que le procureur gé
néral ait le souci d3 noter dans ce procès-
verbal de notre conversation cette circons
tance que M. Du Mesnil était dons l'anti
chambre. Est-ce un soupçon qu'on veut
jeteir ? Comment qualifier un visiteur qui
peut avoir la pensée de noter la présence
d'un personnage que le hasard lui *ïait
rencontrer ?
Ce document est entièrement subjectif. Il
note des impressions et des émotions qui aa
se sont jamais manifestées d'une façon ex
térieure. - ,
On ne m'a jamais tenu au courant de ces
incident3 auxquels ils se réfère. S'il y a eu
des choses étranges on r.
les aurais soumises à une enquête.
M. Jaurès. — Je ne comprends pas les
intérêts politiques qui vous étaient allégués
par M; Caillaux pour le renvoi de l'affaire
Rochette. "
Enfin, ces piéoccupr.tions donnaient-elles
à l'affaire Rochette un intérêt .politique ? - ,
La Chambre s'était oiiiue des interven
tions qui se seraient, produites dans la preï-:
mière partie de l'affairg Roçhgtte. Une soj
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