Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1914-02-02
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 février 1914 02 février 1914
Description : 1914/02/02 (Numéro 16180)-1914/02/03. 1914/02/02 (Numéro 16180)-1914/02/03.
Description : Note : un seul numéro pour lundi et mardi. Note : un seul numéro pour lundi et mardi.
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
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Identifiant : ark:/12148/bpt6k715305v
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
tUNDl 2 & MARDI 3 FÉVRIER 1914
Quatre-vingt-unième année. —> 16.180,
C.-f.
I
A
LUNDI 2 & MARDI 3 FÉVRIER 1914
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Louis VEUILLOT : Programme de l'Univers (1842)
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. Paris, 19, rue des SainU-Pères (VI* arrontf')
DÉPÔT A ROME : 68, fucb DE LA HCiERttl
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AUX BUREAUX DU JOURNAL
19, rue des Saints-Pères
ET SOCIÉTÉ DE PUBLICITÉ RELIGIEUSE
6, plaoe de la Bourse
TÉLÉPHONE 751-55
SOMMAIRE
;1814. L e .P apr. l 'E mpereur, la nation. — Gus
tave Gautherot.
L k discours os M. C aillaux. .
Au .Jouit le jour : La Tour penchée de Pise.
fîmisoN a l 'A cadémie. — Comte Catta.
L tîttjib dis H ollande. — Batavus.
L a V is religieuse : Le Cardinal Gcnnari. t ~
H.-G. Fromm.
F euilllto.n : Le Théâtre et les Livres. — Féli
cien Pascal.
PARIS, 2 FEVRIER 1914
1
Le Pape,
l 'Empereur, la Nation
>x
Taine a écrit dans les Origines de la
'France contemporaine, ce livre que tout
■jeune Français devrait lire et méditer
entre le baccalauréat et le service mili
taire _ •
« Si prodigieux que soit sou génie
.— [le génie de Napoléon I er ], — si per
sévérante que soit sa volonté, si heu
reuses que soient ses attaques, il n'a et
: rie peut avoir contre tes nations et les
églises que des succès temporaires. Les
grandes forces historiques et morales
échappent à ses prises. Il a b^au frap
per : leur écrasement les ranime, elles
se redressent sous sa main. »
Impossible de caractériser plus puis
samment le régime impérial 1 Ce fut une
gigantesque, épopée dont les gloires mi
litaires décoreront à jamais nos dra
peaux, mais elles resteront, en quelque
sorte, en marge de notre histoire,
comme en marge de l'histoire euro
péenne. Fils de la Révolution, imbu de
principes qu'il consacra — pour notre
malheur—en couvrant de pourpre
triomphale l'anarchie profonde provisoi
rement domptée par son génial despo
tisme, Napoléon ne fut point le restau
rateur de la patrie mutilée ; il faut même
dire que si son œuvre politique a em
pêché, depuis un siècle, la suprême dis
solution, oe fut à l'aide d'artifices qui ont
retardé d'aùtant l'application des véri
tables remèdes.
'Oui, les « forces-historiques et mora
les >> — enfin renaissantes dans les
âmes - lui ont échappé, et, parmi ces
forces, Ma plus grande de toutes : la
force spirituelle, l'idée religieuse, la Vé
rité catholique, divinement représentée
par le. Souverain Ponticat.
;.Si le Pape et l'Empereur, selon
l'image — d'ailleurs forcée — du poète,
sont les ! deux moitiés de Dieu », Na
poléon a brisé lui-même cette sublime
"dualité eu /oulant, dans ison fol orgueil,
tout confondre en sa personne et repré
senter Dieu à lui tout seul. Il n'a point
été l'Empereur Très Chrétien, qui agirait
pii prétendre succéder, par les droits de
la victoire, aux Rois Très Chrétiens.
Il désirait entourer son autorité
'd' « une sorte de respect divin ». Il ne
.fallait point alors sacrifier le Droit lui-
même à la force brutale. — « Ils gardent
l'âme et me jettent un cadavre », s'êcria-
t-il un jour, furieux, en constatant les
effets de la lutte, nouvelle qu'il osait me
ner contre le sacerdoce ; comme si
l'Eglise pouvait vivre sans liberté!
•
* *
Cependant,répondron, Napoléon 1 er eut
ÏC mérite de rétablir en France la paix
^religieuse : il signa le Concordat, se fit
sacrer à Notre-Dame par le Pape, et,
après les impudences de la Révolution,
at>rès les saturnales de la « Raison », ce
iut un immense bienfait.
Croit-on que l'Empereur qui, le 2 dé-
'cëmbre 1804, — se croyant sans doute
plus grand que Charlemagne ou que
Louis XIV, — prévint le geste du Sou
verain Pontife et se couronna lui-même,
.'était prêt' à remplir la mission d'a Evê-
yjiuc du dehors »? On se tromperait
étrangement ! Cette mission auguste, il
m'en comprenait pas les devoirs. Sans
aller jusqu'à dire qu'il n'embrassait son
nival que pour l'étouffer, on peut affir
mer que c'était pour le domestiquer,
pour réduire en servitude, sous son
scéptre sacrilège, ce Souverain des âmes
ïïuï avait pourtant « trouvé la France à
genoux sur son passage », et dont l'em
pire spirituel n'avait d'autres bornes que
2'univers.
Par les articles organiques , il avait,
Sès le début, outrageusement violé la
(foi du traité : la « liberté des cultes »
proclamée était une k liberté » jacobine
iqui, invoquant le gallicanisme comme
les Constituants avaient invoqué les cou
tumes de la « primitive Eglise », trans
formait le clergé de France en une lé
gion de fonctionnaires.
Aussi bien, ne cacha-t-il point ses des
seins. Il alla jusqu'à charger « ses » évê-
Hues d'ajouter à leurs catéchismes un
'chapitre spécial inculquant aux enfants
le culte dont ils devaient entourer le
ffKPjvel Auguste, Quant au Pape, il se
yait le chef de ces « préfets violets », et,
Ppur s'en rendre maître, pour diriger
par son intermédiaire tous les évêques
dç l'Europe, il voulut lé reléguer à l'om
bre des Tuileries. Il rêva de faire de
Paris une Rome napoléonienne, et 'les
archives pontificales, jetées pêle-mêle
dans des centaines de chariots, vinrent
échouer — pour quelques mois — dans
nos archives nationales.
C'est alors que Pie VII, dépossédé de
la Ville Eternelle, captif à Savone, puis
à Fontainebleau, montra qu'il y avait
quelque chose de plus invincible que la
Grande Armée : la conscience catholi
que, surtout lorsqu'elle se confond avec
celle du Vicaire du Christ.
L'Empereur eut beau chercher à le cir
convenir par d'habiles flatteries ; il eut
beau le menacer et l'abreuver d'humilia
tions : les « vicaires capitulaires » — qui
devaient remplacer les évêques indoci
les — ne restèrent que des agents gou
vernementaux sans autorité, et le colosse
fut ébranlé avant qu'eut faibli la
constance surnaturelle du vieillard pri
sonnier.
Certes, il «in coûte cruellement'à notre
patriotisme de raviver de tels souvenirs,
puisque l'épée de Napoléon 1" fut aussi
î'épée de la France. Mais l'empereur; en
tant qu'ennemi du Pape, ne fut point
l'empereur des Français, du imoins de
l'immense majorité d'entre eux.
Les relations historiques que nos Se
maines religieuses viennent de publier
le prouvent surabondamment : en jan
vier-février 1814, de Fontainebleau à Or
léans, à Toulouse et à Nice, nos aïeux
étaient toujours « à genoux sur le pas
sage » du Souverain Pontife.
« Faites partir cette nuit et avant cinq
heures du matin le Pape pour se rendre
à Savone, avait écrit l'Empereur au pré
fet de police Savary, le 21 janvier... Que
le voyage soit déguisé... L'adjudant du
palais dira qu'il le mène à Rome... Ar
rivé à Savone, le Pape y sera traité
comme précédemment. »
Vaines précautions ! A Fontainebleau
même, un immense concours de peuple
s'était pressé pour aclamer Pie VII. Sa
chantson persécuteur — que l'on « maudis
sait », — les fidèles s'étaient cotisés, et,
la veille de Noël, on avait trouvé pour
lui 50.000 francs dans la seule ville d'Or
léans.
Le cortège pontifical était modeste :
un aumônier (Mgr Bertalozzi), un ca-
mérier, un médecin, deux valets, un
inspecteur des postes, un colonel de gen
darmerie; Lagorsse — qui renseignait
Savary, selon l'expression de M. Wels-
chinger, « en sous-officier, qui a fait
vaille que vaille quelques lectures ».
Mais les populations, averties par ces
mystérieux courants d'informations qui
accompagnent les grands événements, se
chargèrent de le compléter î
Les habitants des villages étaient
genoux aux bords des routes. A Pifehi-
viers, les troupes « se mutinèrent » pour
forcer 'leurs chefs à leur laisser « voir
le Pape ». A Orléans, le commandant
Cunietti, Corse et franc-maçon, resta à
sa fenêtre, la pipe au bec, le bonnet
de police sur la tête, mais la multitude
se prosterna tandis que par la portière
entr'ouverte de sa voiture le Pape « bé
nissait la bonne ville, de tout son
cœur ». Dans le Midi, ému par l'affec
tueuse vénération des braves gens qui se
pressaient autour de lui pour baiser ses
pieds sacrés, il ne put, dit-on, retenir ce
ori de joie : « Quanta fides in Gallia,
qu'elle est grande la Foi de la France 1 »
Et cela était d'autant plus frappant crue,
depuis un quart de siècle, avait été plus
complète la rupture des traditions na
tionales.
A Nice, — car il serait superflu de
multiplier ici ces anecdotes, — la mai
son qu'occupait la princesse Pauline
Borghèse, sœur de l'Empereur, resta,
contre l'attente populaire, « silencieuse
et close » ; on cria alors : « Coupez les
traits ! » et la voiture fut traînée ou plu
tôt portée par la foule jusqu'à la cathé
drale. Les marins présents jetaient en
l'air leurs bérets, et les juifs eux-mê
mes durent illuminer leurs maisons.
Démonstrations politiques autant
qu'ovations religieuses, a-t-on dit : mais
précisément; oe fait prou/ve à quel point
Napoléon I OT avait desservi sa propre
cause en croyant attacher un Pape au
char de sa fortune aussi instable que
prodigieuse.
Trois mois après, il abdiquait à Fon
tainebleau, dans le palais qui avait
servi de prison à Pie VII. Sans doute
les clochers, — dont les joyeux caril
lons avaient, à travers la France entière,
fêté la délivrance du Pape, — virent-ils
encore passer, rapide, le vol de l'Aigle.
Mais on sait sur quel rocher perdu alla
bientôt se briser sa carrière.
Devant l'Empereur abattu, le Pape,
délivré, oublia Le passé, et pria le gou
vernement anglais d'adoucir la captivité
de Sainte-Hélène. Lorsqu'il fut mort,
Pie VII autorisa, à Rome, un service de
Requiem pour le signataire du Concor
dat.
Gustave GAUTHEROT,
Professeur aux Facultés libres
de Paris,
Le discours
de M. Caillaux
; «X- : —• '
M. Caillaux est aidé, Mer, & M amers,
prononcer son •apologie. Devant un certain
nombre d'électeurs de sa circonscription
qu'il! retient 'attachés à sa fortune et qui
forment sa clientèle d'obligés, il s'est tout
à son aise tressé des couronnes. II n'avait
à. craindre aucune contradiction de ceux
qui -^écoutaient. Il est probable qu'il lui
sera plus difficile de triompher à la Cham
bre. Il le sait si bien, qu'il retarde le plus
possibte l'heure où il aura à'défendre et
son budget et ses projets de réformes.
De son discours d'hier, on peut dire que
c'est surtout .un discours électoral, où les
déclamations remplacent le raisonnement
et les affirmastions audacieuses la discus
sion.
Passons sur la première partie de ce dis
cours, «ù M. Caillaux, pour toucher Ses
âmes sensibles de la Sarthie, se pose en
victime. Allons vite où il sle donne l'air de
panier sérieusement
L'air seulement. Car vraiment, pariant
tout d'abord de la situation difficile qui
luâ avait été laissée — qu'il avait été fort
heureux d'accepter — poiM*quoi feint-il de
croire, et pourquoi dit-il que l'on n'a pas
pensé à faire précéder ou 'accompagner
les mesures .nécessaires à la défense natio
nale du vote des moyens finanuciers qu'el
les exigeaient ? On y a si bien pensé qu'on
s'y est refusé. M. Jaurès l'avait demandé.
Tous des adversaires de la toi de trois ans
votèrent sa proposition. C'était, en effet,
ett M. Caillaux le sait bien, l'ajournement
indéfini de la réforme militaire. Or, celle-
ci était urgente. M. Cai'il-aux lui-même re
connaît que cet effort était commandé par
« les, impérieuses nécessités d© la défense
nationale ». Alors le plus sage n'était-il
pas d'accomplir l'effort sans tarder et
d'examiner la note ensuite ?
Et voici M. Caillaux devant cette note.
On croit qu'il va s'expliquer sur les moyens
qu'il! a trouvés pour. S'a solder, eit, avant
tout, sur la façon dont il a (réglé l'exer
cice 1914. Aucunement. Il aurait été obli
gé, le malheureux, de ïeeoruiaître qu'avec
tout son génie, devant lequel se pâment
les gens de iLa mie de Valois, il n'avait fait
que reprendre, à peu près tel quel, le pro
jet de 'budget de M. Clwles Dumont. H
glose donc. Il se garde bien surtout de
relever le reproche qui lui a été fait de
rouvrir 3es comptes spéciaux que l'on
croyait condamnés pour toujours. Parmi
toutes les critiques qui lui ont été adres
sées, il n'en retient qu'une, ©elle "qui a
trait à son système des emprunts échelon
nés. Il croit y .répondre en disant : « Réu
nir immédiatement les fonds nécessaires
(pour couvrir 'les dépenses qui doivent se
répartir sur .un certain nomibre d'exerci
ces. c'est tout simplement imposer au con
tribuable des intérêts inutiles, lui infliger
le paiement de quelques dizaines de mil
lions. » M. Caillaux a abusé de la candeur
de se® auditeurs de Mamers, Il sait très
bien, en effet, que si l'emprunt de 1.100
miHjlians que demandait le ministère pré
cédent avait été voté, les souscripteurs
il "a,liraient pas été forcément obligés de
verser immédialternent, en une seule fois,
le total de leurs souscriptions. Les fonds
n'auraient été appelés 'que par tranches.
Et cette procédure aurait eu pour résul
tat de dégager tout de suite le marché,
de donner l'essor au/x affaires arrêtées de
puis plus d'un .an, de «le délivrer de la gêne
qui le paralyse toujours, de le libérer en
fin de l'obsession de ces emprunts d'Etat,
qui, si le système de M. -Caillaux l'emporte
définitivement, vont affiler s'échelonnant de
six mois en six mois.
Au surplus, ce n'est pas devoir porté
l'emprunt à 1.800 millions que l'on repro
che à M. Caillaux : c'est d'être arrivé à
reconnaître l'emprunt nécessaire après
.avoir laissé entendre soi-même et laissé
dire par ses amis que les difficultés finan
cières actuelles pouvaient être résolues
sans emprunt ; .après avoir enfin repoussé
liamendement Emmanuel Brousse, qui
portait l'emprunt de 1.100 à 1.300 millions.
. M. Cailllaux, dans la suite de son dis
cours, a fait deux déclarations qui méri
tent d'être retenues.
, La première, c'est qu'il n'entend pas éli
miner l'impôt indirect des recettes de
l'Etat. On s'en doutait. Mais, a-t-il ajouté,
il. n'étendra pas le champ de son action
tant que l'impôt direct me sera pas égale
ment .réparti entre les citoyens. M. Cail
laux avoue ainsi que le réforme fiscale
qu'il .rêve n'empêchera nullement dans
l'avenir une 'augmentation des impôts in
directe. Cela est bon à savoir, d'autant
plus que socialistes et radicaux ont tou
jours affirmé que iLes ressources de l'im -i
■pôt sur le revenu, nous garantissaienti
contre tout .relèvement de ces taxes déjà
si lourdes. t
M. Caillaux déclare, en outre, qu'il veut
« .agencer les taxes de teille façon que celui
qui est au bas.de l'échelle ne soit pas aug
menté ». Ah ! Mais on leur promettait jus
qu'ici de les dégrever, à ceux qui sont au'
bas de l'échelle ! Dégrever et ne pas aug
menter, cela fait deux. Bon aveu à retenir.
Le « mot de la fin », M. Caillaux l'a mis
au commencement de son discours en as
surant ses électeurs qu'il continuerait « le
bon combat » contre « les menées cléri
cales ». Où donc voit-il des menées cléri
cales dans la question financière ? Que
viennent faire 'là-dedans les cléricaux, li
sons les catholiques ? M. Caillaux ne va
tout de même pas les rendre responsables
du déficit ? Lui et ses amis ont supprimé I
le budget des cultes, volé les biens, des Con
grégations, fait main basse sur les biens
d'Eglise, ravi jusqu'à l'argent laissé par
les morts pour lips messes ; ils obligent les
catholiques à pàyer à ..la fols les institu
teurs iàïques 'dont ils ne veulent pas et
les éducateurs qu'ils veulent pour leurs
enfants ; ils refusent de laisser Les élèves
pauvres des écdlies libres participer aux
secours de la icaisse dès écoles, et ils vien
nent parler de menées cléricales à propos
de leurs embarras financiers ! Attendons-
nous, un de ces jours, à ce que M. Cail
laux nous accuse d'avoir vendu le Congo
à l'Allemagne.
Au jour le jour
La Tour penchée de Pise
Les journaux annonçaient ces jours-ci
que la fameuse tour penchée de Pise, à
force de pencher, menaçait de s'écrouler et
qu'une commission d'ingénieurs, à la tête
de laquelle se trouvait le professeur Ricci,
directeur, général des Beaux-Arts, avait
conseillé de prendre des mesures pour évi
ter la destruction de ce monument.
La tour penchée de Pise est âgée de sept
siècles et demi environ. Elle a le droit de
ne plus être très solide.
Sur la même place de Pises'élèvent trois
monuments dont chacun suffirait presque
à illustrer une ville, même une ville ita-
liennne : le Campo-Santo, la cathédrale de
l'Assomption et la Torre pendante ou Cam
panile torto qui est le clocher de cette ma
gnifique église.
Elevée par Orlando, consul de Pise, qui
s'était distingué dans une guerre contre les
Sarrasins, la cathédrale de l'Assomption,
dédiée à la Vierge, fui bâtie de 1063 à 1092
par deux des principaux architectes du
temps, Buschetlo et Rinaldo. .Elle a cinq
nefs soutenues par soixante-quatorze énor
mes colonnes de marbre grec et de por
phyre. Ses trois portes furent exécutées
d'après les dessins de Jean de Bologne par
sept de ses élèvee, Francavttle, Tacca,- An
tonio Susini, Orazio Mocchi, Giovanni deU'
Opéra, Fra, Domenico Portigiani et Gre-
gorio Pagani. Sur une des plinthes est re
présenté, très visible, un rhinocéros, et cela
est d'autant plus curieux à signaler que
Jusqu'en 17f9, où un animal de cette es
pèce pairut dans une ménagerie, les rhino
céros, en'France, passèrent pour des mons
tres fabuleux, inventés par des voyageurs
trop pourvus d'imagination. Ces merveil
leuses portes de Jean de Bologne étaient
considérées par le petit peuple de Pise
comme celles du temple de Jérusalem.
Cette légende avait pour origine un fait
historique. Il est certain que, vers Van 1100,
on voyait sur un des côtés de la cathédrale
une porte en bronze, avec - des ciselures
d'argent, qui a,vait été donnée aux Pisans
par Godsfroid de Bouillon.
A quelque distancé de la cathédrale, sui
vant la coutume des architectes italiens de
celte époque, le clocher uu campanile fui
commencé en 117i sur les dessins de Guil
laume d'inspruk. Bonano Buocci et Tom-
maso de Pise le terminèrent. On a remar
qué qu'il ressemble à la tour de Babel telle
qu'elle figuré sur les anciennes Bibles, et
telle que la représentèrent, avant la décou
verte de l'imprimerie, les enlumineurs de
manuscrits. C&tl'e ressemblance est très
probablement voulue.
La tour penchée s'élève à une hauteur de
soixante mètres environ. Sept rangs de co
lonnes en marbre blanc la divisent en au
tant d'étages, et un escalier intérieur de
cent quatre-vingt-treize marches permet
d'accéder jusqu'au sommet, d'où l'on jouit
d'une vue merveilleuse.
Si de ce sommet, à un endroit détermi
né, on fait tomber un fil à plomb, on cons
tate que la tour penche d'environ cinq mè
tres.
Pour expliquer cette particularité, sa
vants et voyageurs ont cherché les raisons
les plus bizarres. Une des plus extraordi
naires est celle que donne le Père Labat,
Un dominicain qui visita l'Italie dans les
premières années du dix-huitième siècle
« On prétend, dit-il, que l'architecte qui
a bâti leur tour penchante l'avait fait à
dessein de leur faire connaître (omx Pi
sans) que leur République était aussi prête
à tomber, à cause de ses divisions, qu'une
maison qui penche est prêle à se renver
ser. n
' La tour penchée de Pise bénéficie d'une
exceptionnelle réputation, mais elle n'est
pas la seule de son espèce. Il y a des tours
penchées en Angleterre, à Bridge-North et
au château de Corfe. Il y en a deux à Bo
logne, l'Asinella, ainsi nommée parce
qu'elle fut bâtie par Gérard Asinelù), en
1110, et la Garisenda, de deux années
fnoins ancienne, que Dante a immorta
lisée eh la comparant au géant Antée qui
ie baisse pour recouvrer ses forces. Dans
Ifis environs de Pise même, il existe une
tour penchée, le campanile de l'église
Santa-Maria degli Scalzi, église fort cu
rieuse, qui fit partie d'un couvent de Bé
nédictins et qui date du douzième siècle.
Malgré l'opinion de Vasari, de Soufflot,
de La Condamine, de Bernouilli, de La-
lande, etc., qui tiennent pour l'affaiblisse
ment du terrain, il est aujourd'hui absolu
ment démontré que l'inclinaison du célè
bre campanile, comme celle de la plupart
des autres monuments du même genre,
moins connus, est un tour de force d'ar
chitecte —- mais quelque habile que soit
un architecte, le temps vient à bout, tôt
ou tard, de son œuvre, et voilà pourquoi
la tour penchée de Pisé menace ruine.
' {Saint-Roman»
Éehos
Paul Déroulède
Notre confrère G. de Maizière racontait
hier dans le Gaulois un trait de généro
sité de Déroulède,trop beau pour que nous
ne nous en fassions pas l'écho.
Un jour que notre confrère allait voir
DéroulèdJa dans sa villa de Saint-Sébas
tien, il le trouva en proie à une violente
et légitime colère contre un misérable
petit journaliste qui, dans sa feuille de
chou, l'avait lâchement insulté... à longue
distance.
—Je le connais, lui dit le rédacteur du
Gaulois. C'est un malheureux, qui, sou
vent, n'a pas de pain à donner à ses en
fants...
Le lendemain, Déroulède confiait à notre
confrère, qui rentrait à Paris, une enve
loppe fermée, en le chargeant de la faire
parvenir à l'adresse de celui qui l'avait in
sulté. Le pli contenait un billet de mille
francs.
*
* *
La candidature à l'Académie fut offerte
à Paul Déroulède en 1908, et il était à peu
près sûr de son élection. Il répondit à M.
Maurice Barrés, qui était son parrain, la
lettre suivante :
Langély, 5 juillet 1908.
Eh bien! noh, ami Barrés, si vraisembla
bles due vous paraissent mes chances et si
démonstratif que soit votre pointage, votre
insistance, qui me touche, ne me convainc
pas.
Vous isavez pourtant si je la place haut dans
mon estime et dans mon respect. l'Académie ?
— Non, mes amis, non je ne veux rien être.
Ainsi chantait notre vieux Béranger ;
Humble écolier de cet illustre maître,
J'ai sa devise et n'en veux pas changer...
Je veux pouvoir répondre à qui peut croire
Que l'intérêt m'entraîne ou me corrompt:
Mon intérêt, c'est la Franca et sa gloire;
Je ne suis, moi, qu'un sonneur de clairon. -
Ma place n'est pas parmi votre élite, elle
est dans la foule. Je puis m'en tenir à l'écart
plus ou moins longuement, mais je dois tou
jours être prêt à reprendre contact avec elle.
D'autant qu'elle n'est ni aussi ingrate, ni
aussi aveugle qu'on veut bien Je dire ; seule
ment, elle ne reconnaît ses serviteurs que
lorsqu'elle les retrouve tels qu'elle les a
quittés.
L'habit à palmes vertes et I'épée à poignée
de nacre me transformeraient trop.-
Les ressources de M. Caillaux
M. Caillaux, en quête de ressources, a
donné des ordres très sévères aux inspec
teurs de l'enregistrement, et compte sur
les amendes qu'ils infligeront pour équili
brer son budget.
On sait que des commerçante de Meamx
ont été frappés de 500.000 francs d'amende
pour n'avoir pas mis de timbres-quittan
ces sur le livre de reçus d'un voiturier.
A Dijon, on a également infligé 500.000
francs d'amende (c'est un prix fait) à des
négociants qui n'ont pas timbré les ordres
de livraisons de marchandises donnés par
eux aux docks de Bourgogne.
Mais la rentrée n'ira pas toute seule,car
les commerçants prétendent qu'en don
nant un ordre ils ne savaient pas si celui-
ci serait exécuté ; et ils prétendent considé
rer les ordres donnés comme des factures
non passibles du timbre.
Pour être sûr de toucher d'un côté, le
fonctionnaire de M. Caillaux vient d'impo
ser l'amende à ceux qui ont reçu les mar
chandises, et qui ont émargé sur le livre
des Docks sans apposer de timbre, soit en
core 500.000 francs de rentrées espérées.
M; Caillaux va se faire des amis.
Cebcamon.
Donec dies est
Bergson à l'Académie
On ne pourra jamais assez le répéter
dans nos miMeux catholiques : Que l'on
puisse voir un de ces jours Bergson à
l'Académie, c'est là un scandale et une
folie.
Personne ne nie 4 M. Bergson son- talent
très réel, quand il s'agit d'observations
psychologiques délicates. Mais quand il
faut bâtir une métaphysique, il déraisonne
complètement, et, en d'autres temps, ii
n'aurait pas trouvé .un auditeur.
Il est virai qu'il en est tout autrement
aujourd'hui. Mais les cubistes et les fous
qui déshonorent actuellement tous les au
tres arts humains n'ont-iîis pas, eux aussi,-
connu la vogue, et sont-ils moins fous
pour cela? Tout ce grand succès leur vient
du désarroi actuel, et, dans quelques cent
ans, si la France est encore la France,nos
petits-neveux rougiront sans doute que de
telles aberrations aient un jour régné dans
leur pays.
Miais s'il n'est pas extraordinaire que les
fous se plaisent à des folies, encore fau
drait-il que 'les sages ne les imitent pas.
S'il est un malheur plus grand que la vo
gue de Bergson, c'est bien que des hom
mes graves le prennent au sérieux.
Dites à n'importe quelle personne de bon
sens que Bergson prétend au titre de phi
losophe pour avoir inventé une faculté
nouvelle de l'esprit, que le jeu de l'intelli
gence humaine n'est, d'après lui, qu'un
artifice matériel et grossier, que les choses
durent avant d'être, que le passé subsiste
intégralement dans le présent, à supposer
que vous parveniez à formuler de telles
propositions de façon intelligible, vous êtes
assuré de provoquer la plus légitime stu
péfaction.
Eh bien ! les catholiques, qui n'arrivent
qu'à grand'peine à organiser .um enseigne
ment de la philosophie, et qui, l'ayant or
ganisé, ont le plus grand soin de n'en ja
mais suivre les cours ; eux qui, par con
séquent, ont toutes sortes de chances pour
passer en les ignorant auprès des graves
objections qui doivent naître inévitable^
ment du développement constant des scien
ces, ils s'évertuent gravement à démontrer
que le bergsonisme comporte de nombreu
ses difficultés et que, finalement, c'est une
doctrine condamnable et périlleuse,.
En vérité, non, oe n'est pas une doctrine,
c'est une fantaisie, et encore fort incohé
rente. Aussi, l'attitude normale d'hommes
de bon sens devrait bien être plutôt de
s'en moquer et de passer à des questions
plus importantes. Il n'en manque certes
paa
Comte Catta.
; . '
LETTRE DE HOLLANDE
Pacifisme international et militarisme
hollandais, t - La piraterie littéraire
et la Convention de Berne.
Aboblition de la concurrence
déloyale.
Là Haye, 31 janvier.
Que nos lecteurs ne s'attendent pas à
trouver ici une Chronique du pacifisme. Le
pacifisme préoccupe, en effet, fort peu le
peuple hollandais. A l'époque des congrès et'
des conférences, on en parle beaucoup et
en termes très favorables. Ne faut-il pas
être aimable envers les touristes, quelqu'ils
soient ? En période ordinaire, le pacifisme
est relégué à i'arrière-plan de l'opinion hol
landaise.
Cette semaine cependant une nouvelle as
sez importante est à enregistrer. Grâce à
la libéralité die divers capitalistes, le pro
jet d'Institut de droit international va potu,
voir être réalisé. La Haye deviendra, de 'a
sorte, un centre unique pour les étudiants
de droit international. Le mode d'organisa
tion de l'institution projetée n'est pas en
core précisé. Ferait-on appel à des profes
seurs étrangers pour donner des cours tem
poraires^ ou créera-it-on un corps ensei
gnant fixe ? Naturellement cette dernière so
lution a la préférence de la plupart des ju
ristes néerlandais. Il est certain que, dans
oe cas, la part la plus large leur reviendrait
aùtomaitiquemeht.
La question de la laneue d'enseignement
a déjà fait couler beaucoup d'encre dans les
journaux hollandais. Donnera-t-on à cha
que professeur le droit de se servir de sa
langue maternelle? Il est, en effet, impos
sible de songer au néerlandais dont la dif
fusion mondiale est trop restreinte. On s'ar
rêtera très probablement au français. L'ex
périence a trop démontré 4 la Haye les in
convénients de l'emploi simultané de trois
langues (anglais, français, allemand.)
Ne oraittons pas le sujet de la paix in
ternationale sans signaler que le palais
inauguré à la fin d'août continue à recevoir
en moyenne mille visiteurs par semaine.
Critiquez tant que vous voudrez sa destina
tion. Il constitue pour La Haye un embel
lissement, une curiosité de plus. Et c'est
pourquoi nous n'en dirons jamais beaucoup
de mal.
- . • . • * * •
,Xes Hollandais — même ceux qui visi
tent le Palais de la Paix et assistent aux
fêtes 'pacifistes — ne perdent pas de vue les
dures nécessités mondiales. Des cris d'alar
me retentissent qui trouvent de nombreux
échos dans une nation comblée de richesses
et quasi dépourvue de moyens de défense.
La Néerlande proprement dite èst loin
d'êtae en mesure de résister à une grande
nation européenne. Quant à ses merveil
leuses colonies, elles sont, pour ainsi dire,
à la merci du premier glouton venu. Que;
faire ? « Rien, répondent de placides pa
triotes ; nous ne pouvons pas suivre les
grandes nations dans leur course aux ar
mements ; même en donnant le maximum
de notre effort, nous ne serons jamais en
état de nous mesurer avec ces colosses qui
s'appellent l'Angleterre, la France, l'Alle
magne, les Etats-Unis ou le Japon ; inuti
le die gaspiller notre argent à construire des
navires de guerre ridicules à oôté des super-
dreadnougfîts ; la jalousie des puissances
nous garantit suffisamment et notre indé
pendance et la possession de notre domaine
colonial ».
L'argument a longtemps triomphé : on se
laisse si facilement persuader qu'il n'est
■pas nécessaire de délier les cordons de la
bourse et d'envoyer ses fils à la caserne.
Mais aujourd'hui, un changement marqué
se produit dans l'opinion. On se rend com
pte qu'il est plus sage de se fier à sa dé«
fense .personnelle que d'abandonner son
sort aux compétitions des puissances. Ces
puissances ne sont-elles pas capables de
trouver à l'occasion d'excellentes raisons
pour se partager à l'amiable un butin trop
aisé ?
Une association importante : « Onze Vloot»"
(Notre Flotte) s'est donné la tâche difficile
de conquérir les Hollandais à la conception
d'un© défense maritime réelle. Les résultats
de sa .propagande sont déjà sensibles. Lé
gouvernement entend assurer d'une maniè
re efficace la possession des Indes :
Indie verloren, rampspoed geboren, les
Indes perdues, le désastre sera accompli
Tel est aujourd'hui le mot d'ordre des pa
triotes hollandais. Et voilà pourquoi, au
pavs du pacifisme, nous assistons au ré
veil de cette combativité crui fit jadis des
Pays-Bas les rivaux heureux des principa
les nations européennes.
*
• •
Il s'est accompli l'an dernier une révolu
tion pacifique dans la librairie hollandaise :
le gouvernement a adhéré à la Convention
de Berne réglementant la propriété littérai
re. Ce ne fut pas commode à faire accep
ter...
La piraterie a été longtemps de mode dans
la librairie hollandaise. Elle arviait si bien
acquis droit de cité qu'elle ne scandalisait
personne. Jugulée par des traités, en ce
qui concerne les œuvres originales, elle se
rattrapait sur les traductions. Les traduc
teurs, hollandais se livraient tranquillement
à une facile et lucrative industrie et fai
saient ainsi une concurrencé désespérante
aux littérateurs de leur propre pays. Rare-?
ment et comme à regret daignaient-ils si
gnaler que l'ouvrage traduit était de M. X
ou Y. La mention : «traduit de l'anglais »,
par exemple, leur suffisait.
La situation est aujourd'hui modifiée,
mais Hes éditeurs ont jusqu'à la fin de 1914
pour écouler leur stoks devenus illégaux.
Déjà ce délai leur apparaît insuffisant et
ils se démènent pour en obtenir la prolon
gation. Leur chambre syndicale vient d'a
dresser urne supplique au ministre. Il est à'
souhaiter qu'aucune atteinte ne soit portés
à la loi qui a supprimé eu Hollande vue lis
Quatre-vingt-unième année. —> 16.180,
C.-f.
I
A
LUNDI 2 & MARDI 3 FÉVRIER 1914
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PARIS ETRANGER
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Un flïi 25 fr. 36 fr*
Six mois-, . . . . i . . 13 i> 19 » " •
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DIEU PROTÈGE LA FRANCE /
Xn milieu des factions de toute espèce, vous n' appartenons
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Louis VEUILLOT : Programme de l'Univers (1842)
ÀDÏÏIMSTMTIOJ 4 RÉD1CTI01 :
. Paris, 19, rue des SainU-Pères (VI* arrontf')
DÉPÔT A ROME : 68, fucb DE LA HCiERttl
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AUX BUREAUX DU JOURNAL
19, rue des Saints-Pères
ET SOCIÉTÉ DE PUBLICITÉ RELIGIEUSE
6, plaoe de la Bourse
TÉLÉPHONE 751-55
SOMMAIRE
;1814. L e .P apr. l 'E mpereur, la nation. — Gus
tave Gautherot.
L k discours os M. C aillaux. .
Au .Jouit le jour : La Tour penchée de Pise.
fîmisoN a l 'A cadémie. — Comte Catta.
L tîttjib dis H ollande. — Batavus.
L a V is religieuse : Le Cardinal Gcnnari. t ~
H.-G. Fromm.
F euilllto.n : Le Théâtre et les Livres. — Féli
cien Pascal.
PARIS, 2 FEVRIER 1914
1
Le Pape,
l 'Empereur, la Nation
>x
Taine a écrit dans les Origines de la
'France contemporaine, ce livre que tout
■jeune Français devrait lire et méditer
entre le baccalauréat et le service mili
taire _ •
« Si prodigieux que soit sou génie
.— [le génie de Napoléon I er ], — si per
sévérante que soit sa volonté, si heu
reuses que soient ses attaques, il n'a et
: rie peut avoir contre tes nations et les
églises que des succès temporaires. Les
grandes forces historiques et morales
échappent à ses prises. Il a b^au frap
per : leur écrasement les ranime, elles
se redressent sous sa main. »
Impossible de caractériser plus puis
samment le régime impérial 1 Ce fut une
gigantesque, épopée dont les gloires mi
litaires décoreront à jamais nos dra
peaux, mais elles resteront, en quelque
sorte, en marge de notre histoire,
comme en marge de l'histoire euro
péenne. Fils de la Révolution, imbu de
principes qu'il consacra — pour notre
malheur—en couvrant de pourpre
triomphale l'anarchie profonde provisoi
rement domptée par son génial despo
tisme, Napoléon ne fut point le restau
rateur de la patrie mutilée ; il faut même
dire que si son œuvre politique a em
pêché, depuis un siècle, la suprême dis
solution, oe fut à l'aide d'artifices qui ont
retardé d'aùtant l'application des véri
tables remèdes.
'Oui, les « forces-historiques et mora
les >> — enfin renaissantes dans les
âmes - lui ont échappé, et, parmi ces
forces, Ma plus grande de toutes : la
force spirituelle, l'idée religieuse, la Vé
rité catholique, divinement représentée
par le. Souverain Ponticat.
;.Si le Pape et l'Empereur, selon
l'image — d'ailleurs forcée — du poète,
sont les ! deux moitiés de Dieu », Na
poléon a brisé lui-même cette sublime
"dualité eu /oulant, dans ison fol orgueil,
tout confondre en sa personne et repré
senter Dieu à lui tout seul. Il n'a point
été l'Empereur Très Chrétien, qui agirait
pii prétendre succéder, par les droits de
la victoire, aux Rois Très Chrétiens.
Il désirait entourer son autorité
'd' « une sorte de respect divin ». Il ne
.fallait point alors sacrifier le Droit lui-
même à la force brutale. — « Ils gardent
l'âme et me jettent un cadavre », s'êcria-
t-il un jour, furieux, en constatant les
effets de la lutte, nouvelle qu'il osait me
ner contre le sacerdoce ; comme si
l'Eglise pouvait vivre sans liberté!
•
* *
Cependant,répondron, Napoléon 1 er eut
ÏC mérite de rétablir en France la paix
^religieuse : il signa le Concordat, se fit
sacrer à Notre-Dame par le Pape, et,
après les impudences de la Révolution,
at>rès les saturnales de la « Raison », ce
iut un immense bienfait.
Croit-on que l'Empereur qui, le 2 dé-
'cëmbre 1804, — se croyant sans doute
plus grand que Charlemagne ou que
Louis XIV, — prévint le geste du Sou
verain Pontife et se couronna lui-même,
.'était prêt' à remplir la mission d'a Evê-
yjiuc du dehors »? On se tromperait
étrangement ! Cette mission auguste, il
m'en comprenait pas les devoirs. Sans
aller jusqu'à dire qu'il n'embrassait son
nival que pour l'étouffer, on peut affir
mer que c'était pour le domestiquer,
pour réduire en servitude, sous son
scéptre sacrilège, ce Souverain des âmes
ïïuï avait pourtant « trouvé la France à
genoux sur son passage », et dont l'em
pire spirituel n'avait d'autres bornes que
2'univers.
Par les articles organiques , il avait,
Sès le début, outrageusement violé la
(foi du traité : la « liberté des cultes »
proclamée était une k liberté » jacobine
iqui, invoquant le gallicanisme comme
les Constituants avaient invoqué les cou
tumes de la « primitive Eglise », trans
formait le clergé de France en une lé
gion de fonctionnaires.
Aussi bien, ne cacha-t-il point ses des
seins. Il alla jusqu'à charger « ses » évê-
Hues d'ajouter à leurs catéchismes un
'chapitre spécial inculquant aux enfants
le culte dont ils devaient entourer le
ffKPjvel Auguste, Quant au Pape, il se
yait le chef de ces « préfets violets », et,
Ppur s'en rendre maître, pour diriger
par son intermédiaire tous les évêques
dç l'Europe, il voulut lé reléguer à l'om
bre des Tuileries. Il rêva de faire de
Paris une Rome napoléonienne, et 'les
archives pontificales, jetées pêle-mêle
dans des centaines de chariots, vinrent
échouer — pour quelques mois — dans
nos archives nationales.
C'est alors que Pie VII, dépossédé de
la Ville Eternelle, captif à Savone, puis
à Fontainebleau, montra qu'il y avait
quelque chose de plus invincible que la
Grande Armée : la conscience catholi
que, surtout lorsqu'elle se confond avec
celle du Vicaire du Christ.
L'Empereur eut beau chercher à le cir
convenir par d'habiles flatteries ; il eut
beau le menacer et l'abreuver d'humilia
tions : les « vicaires capitulaires » — qui
devaient remplacer les évêques indoci
les — ne restèrent que des agents gou
vernementaux sans autorité, et le colosse
fut ébranlé avant qu'eut faibli la
constance surnaturelle du vieillard pri
sonnier.
Certes, il «in coûte cruellement'à notre
patriotisme de raviver de tels souvenirs,
puisque l'épée de Napoléon 1" fut aussi
î'épée de la France. Mais l'empereur; en
tant qu'ennemi du Pape, ne fut point
l'empereur des Français, du imoins de
l'immense majorité d'entre eux.
Les relations historiques que nos Se
maines religieuses viennent de publier
le prouvent surabondamment : en jan
vier-février 1814, de Fontainebleau à Or
léans, à Toulouse et à Nice, nos aïeux
étaient toujours « à genoux sur le pas
sage » du Souverain Pontife.
« Faites partir cette nuit et avant cinq
heures du matin le Pape pour se rendre
à Savone, avait écrit l'Empereur au pré
fet de police Savary, le 21 janvier... Que
le voyage soit déguisé... L'adjudant du
palais dira qu'il le mène à Rome... Ar
rivé à Savone, le Pape y sera traité
comme précédemment. »
Vaines précautions ! A Fontainebleau
même, un immense concours de peuple
s'était pressé pour aclamer Pie VII. Sa
chant
sait », — les fidèles s'étaient cotisés, et,
la veille de Noël, on avait trouvé pour
lui 50.000 francs dans la seule ville d'Or
léans.
Le cortège pontifical était modeste :
un aumônier (Mgr Bertalozzi), un ca-
mérier, un médecin, deux valets, un
inspecteur des postes, un colonel de gen
darmerie; Lagorsse — qui renseignait
Savary, selon l'expression de M. Wels-
chinger, « en sous-officier, qui a fait
vaille que vaille quelques lectures ».
Mais les populations, averties par ces
mystérieux courants d'informations qui
accompagnent les grands événements, se
chargèrent de le compléter î
Les habitants des villages étaient
genoux aux bords des routes. A Pifehi-
viers, les troupes « se mutinèrent » pour
forcer 'leurs chefs à leur laisser « voir
le Pape ». A Orléans, le commandant
Cunietti, Corse et franc-maçon, resta à
sa fenêtre, la pipe au bec, le bonnet
de police sur la tête, mais la multitude
se prosterna tandis que par la portière
entr'ouverte de sa voiture le Pape « bé
nissait la bonne ville, de tout son
cœur ». Dans le Midi, ému par l'affec
tueuse vénération des braves gens qui se
pressaient autour de lui pour baiser ses
pieds sacrés, il ne put, dit-on, retenir ce
ori de joie : « Quanta fides in Gallia,
qu'elle est grande la Foi de la France 1 »
Et cela était d'autant plus frappant crue,
depuis un quart de siècle, avait été plus
complète la rupture des traditions na
tionales.
A Nice, — car il serait superflu de
multiplier ici ces anecdotes, — la mai
son qu'occupait la princesse Pauline
Borghèse, sœur de l'Empereur, resta,
contre l'attente populaire, « silencieuse
et close » ; on cria alors : « Coupez les
traits ! » et la voiture fut traînée ou plu
tôt portée par la foule jusqu'à la cathé
drale. Les marins présents jetaient en
l'air leurs bérets, et les juifs eux-mê
mes durent illuminer leurs maisons.
Démonstrations politiques autant
qu'ovations religieuses, a-t-on dit : mais
précisément; oe fait prou/ve à quel point
Napoléon I OT avait desservi sa propre
cause en croyant attacher un Pape au
char de sa fortune aussi instable que
prodigieuse.
Trois mois après, il abdiquait à Fon
tainebleau, dans le palais qui avait
servi de prison à Pie VII. Sans doute
les clochers, — dont les joyeux caril
lons avaient, à travers la France entière,
fêté la délivrance du Pape, — virent-ils
encore passer, rapide, le vol de l'Aigle.
Mais on sait sur quel rocher perdu alla
bientôt se briser sa carrière.
Devant l'Empereur abattu, le Pape,
délivré, oublia Le passé, et pria le gou
vernement anglais d'adoucir la captivité
de Sainte-Hélène. Lorsqu'il fut mort,
Pie VII autorisa, à Rome, un service de
Requiem pour le signataire du Concor
dat.
Gustave GAUTHEROT,
Professeur aux Facultés libres
de Paris,
Le discours
de M. Caillaux
; «X- : —• '
M. Caillaux est aidé, Mer, & M amers,
prononcer son •apologie. Devant un certain
nombre d'électeurs de sa circonscription
qu'il! retient 'attachés à sa fortune et qui
forment sa clientèle d'obligés, il s'est tout
à son aise tressé des couronnes. II n'avait
à. craindre aucune contradiction de ceux
qui -^écoutaient. Il est probable qu'il lui
sera plus difficile de triompher à la Cham
bre. Il le sait si bien, qu'il retarde le plus
possibte l'heure où il aura à'défendre et
son budget et ses projets de réformes.
De son discours d'hier, on peut dire que
c'est surtout .un discours électoral, où les
déclamations remplacent le raisonnement
et les affirmastions audacieuses la discus
sion.
Passons sur la première partie de ce dis
cours, «ù M. Caillaux, pour toucher Ses
âmes sensibles de la Sarthie, se pose en
victime. Allons vite où il sle donne l'air de
panier sérieusement
L'air seulement. Car vraiment, pariant
tout d'abord de la situation difficile qui
luâ avait été laissée — qu'il avait été fort
heureux d'accepter — poiM*quoi feint-il de
croire, et pourquoi dit-il que l'on n'a pas
pensé à faire précéder ou 'accompagner
les mesures .nécessaires à la défense natio
nale du vote des moyens finanuciers qu'el
les exigeaient ? On y a si bien pensé qu'on
s'y est refusé. M. Jaurès l'avait demandé.
Tous des adversaires de la toi de trois ans
votèrent sa proposition. C'était, en effet,
ett M. Caillaux le sait bien, l'ajournement
indéfini de la réforme militaire. Or, celle-
ci était urgente. M. Cai'il-aux lui-même re
connaît que cet effort était commandé par
« les, impérieuses nécessités d© la défense
nationale ». Alors le plus sage n'était-il
pas d'accomplir l'effort sans tarder et
d'examiner la note ensuite ?
Et voici M. Caillaux devant cette note.
On croit qu'il va s'expliquer sur les moyens
qu'il! a trouvés pour. S'a solder, eit, avant
tout, sur la façon dont il a (réglé l'exer
cice 1914. Aucunement. Il aurait été obli
gé, le malheureux, de ïeeoruiaître qu'avec
tout son génie, devant lequel se pâment
les gens de iLa mie de Valois, il n'avait fait
que reprendre, à peu près tel quel, le pro
jet de 'budget de M. Clwles Dumont. H
glose donc. Il se garde bien surtout de
relever le reproche qui lui a été fait de
rouvrir 3es comptes spéciaux que l'on
croyait condamnés pour toujours. Parmi
toutes les critiques qui lui ont été adres
sées, il n'en retient qu'une, ©elle "qui a
trait à son système des emprunts échelon
nés. Il croit y .répondre en disant : « Réu
nir immédiatement les fonds nécessaires
(pour couvrir 'les dépenses qui doivent se
répartir sur .un certain nomibre d'exerci
ces. c'est tout simplement imposer au con
tribuable des intérêts inutiles, lui infliger
le paiement de quelques dizaines de mil
lions. » M. Caillaux a abusé de la candeur
de se® auditeurs de Mamers, Il sait très
bien, en effet, que si l'emprunt de 1.100
miHjlians que demandait le ministère pré
cédent avait été voté, les souscripteurs
il "a,liraient pas été forcément obligés de
verser immédialternent, en une seule fois,
le total de leurs souscriptions. Les fonds
n'auraient été appelés 'que par tranches.
Et cette procédure aurait eu pour résul
tat de dégager tout de suite le marché,
de donner l'essor au/x affaires arrêtées de
puis plus d'un .an, de «le délivrer de la gêne
qui le paralyse toujours, de le libérer en
fin de l'obsession de ces emprunts d'Etat,
qui, si le système de M. -Caillaux l'emporte
définitivement, vont affiler s'échelonnant de
six mois en six mois.
Au surplus, ce n'est pas devoir porté
l'emprunt à 1.800 millions que l'on repro
che à M. Caillaux : c'est d'être arrivé à
reconnaître l'emprunt nécessaire après
.avoir laissé entendre soi-même et laissé
dire par ses amis que les difficultés finan
cières actuelles pouvaient être résolues
sans emprunt ; .après avoir enfin repoussé
liamendement Emmanuel Brousse, qui
portait l'emprunt de 1.100 à 1.300 millions.
. M. Cailllaux, dans la suite de son dis
cours, a fait deux déclarations qui méri
tent d'être retenues.
, La première, c'est qu'il n'entend pas éli
miner l'impôt indirect des recettes de
l'Etat. On s'en doutait. Mais, a-t-il ajouté,
il. n'étendra pas le champ de son action
tant que l'impôt direct me sera pas égale
ment .réparti entre les citoyens. M. Cail
laux avoue ainsi que le réforme fiscale
qu'il .rêve n'empêchera nullement dans
l'avenir une 'augmentation des impôts in
directe. Cela est bon à savoir, d'autant
plus que socialistes et radicaux ont tou
jours affirmé que iLes ressources de l'im -i
■pôt sur le revenu, nous garantissaienti
contre tout .relèvement de ces taxes déjà
si lourdes. t
M. Caillaux déclare, en outre, qu'il veut
« .agencer les taxes de teille façon que celui
qui est au bas.de l'échelle ne soit pas aug
menté ». Ah ! Mais on leur promettait jus
qu'ici de les dégrever, à ceux qui sont au'
bas de l'échelle ! Dégrever et ne pas aug
menter, cela fait deux. Bon aveu à retenir.
Le « mot de la fin », M. Caillaux l'a mis
au commencement de son discours en as
surant ses électeurs qu'il continuerait « le
bon combat » contre « les menées cléri
cales ». Où donc voit-il des menées cléri
cales dans la question financière ? Que
viennent faire 'là-dedans les cléricaux, li
sons les catholiques ? M. Caillaux ne va
tout de même pas les rendre responsables
du déficit ? Lui et ses amis ont supprimé I
le budget des cultes, volé les biens, des Con
grégations, fait main basse sur les biens
d'Eglise, ravi jusqu'à l'argent laissé par
les morts pour lips messes ; ils obligent les
catholiques à pàyer à ..la fols les institu
teurs iàïques 'dont ils ne veulent pas et
les éducateurs qu'ils veulent pour leurs
enfants ; ils refusent de laisser Les élèves
pauvres des écdlies libres participer aux
secours de la icaisse dès écoles, et ils vien
nent parler de menées cléricales à propos
de leurs embarras financiers ! Attendons-
nous, un de ces jours, à ce que M. Cail
laux nous accuse d'avoir vendu le Congo
à l'Allemagne.
Au jour le jour
La Tour penchée de Pise
Les journaux annonçaient ces jours-ci
que la fameuse tour penchée de Pise, à
force de pencher, menaçait de s'écrouler et
qu'une commission d'ingénieurs, à la tête
de laquelle se trouvait le professeur Ricci,
directeur, général des Beaux-Arts, avait
conseillé de prendre des mesures pour évi
ter la destruction de ce monument.
La tour penchée de Pise est âgée de sept
siècles et demi environ. Elle a le droit de
ne plus être très solide.
Sur la même place de Pises'élèvent trois
monuments dont chacun suffirait presque
à illustrer une ville, même une ville ita-
liennne : le Campo-Santo, la cathédrale de
l'Assomption et la Torre pendante ou Cam
panile torto qui est le clocher de cette ma
gnifique église.
Elevée par Orlando, consul de Pise, qui
s'était distingué dans une guerre contre les
Sarrasins, la cathédrale de l'Assomption,
dédiée à la Vierge, fui bâtie de 1063 à 1092
par deux des principaux architectes du
temps, Buschetlo et Rinaldo. .Elle a cinq
nefs soutenues par soixante-quatorze énor
mes colonnes de marbre grec et de por
phyre. Ses trois portes furent exécutées
d'après les dessins de Jean de Bologne par
sept de ses élèvee, Francavttle, Tacca,- An
tonio Susini, Orazio Mocchi, Giovanni deU'
Opéra, Fra, Domenico Portigiani et Gre-
gorio Pagani. Sur une des plinthes est re
présenté, très visible, un rhinocéros, et cela
est d'autant plus curieux à signaler que
Jusqu'en 17f9, où un animal de cette es
pèce pairut dans une ménagerie, les rhino
céros, en'France, passèrent pour des mons
tres fabuleux, inventés par des voyageurs
trop pourvus d'imagination. Ces merveil
leuses portes de Jean de Bologne étaient
considérées par le petit peuple de Pise
comme celles du temple de Jérusalem.
Cette légende avait pour origine un fait
historique. Il est certain que, vers Van 1100,
on voyait sur un des côtés de la cathédrale
une porte en bronze, avec - des ciselures
d'argent, qui a,vait été donnée aux Pisans
par Godsfroid de Bouillon.
A quelque distancé de la cathédrale, sui
vant la coutume des architectes italiens de
celte époque, le clocher uu campanile fui
commencé en 117i sur les dessins de Guil
laume d'inspruk. Bonano Buocci et Tom-
maso de Pise le terminèrent. On a remar
qué qu'il ressemble à la tour de Babel telle
qu'elle figuré sur les anciennes Bibles, et
telle que la représentèrent, avant la décou
verte de l'imprimerie, les enlumineurs de
manuscrits. C&tl'e ressemblance est très
probablement voulue.
La tour penchée s'élève à une hauteur de
soixante mètres environ. Sept rangs de co
lonnes en marbre blanc la divisent en au
tant d'étages, et un escalier intérieur de
cent quatre-vingt-treize marches permet
d'accéder jusqu'au sommet, d'où l'on jouit
d'une vue merveilleuse.
Si de ce sommet, à un endroit détermi
né, on fait tomber un fil à plomb, on cons
tate que la tour penche d'environ cinq mè
tres.
Pour expliquer cette particularité, sa
vants et voyageurs ont cherché les raisons
les plus bizarres. Une des plus extraordi
naires est celle que donne le Père Labat,
Un dominicain qui visita l'Italie dans les
premières années du dix-huitième siècle
« On prétend, dit-il, que l'architecte qui
a bâti leur tour penchante l'avait fait à
dessein de leur faire connaître (omx Pi
sans) que leur République était aussi prête
à tomber, à cause de ses divisions, qu'une
maison qui penche est prêle à se renver
ser. n
' La tour penchée de Pise bénéficie d'une
exceptionnelle réputation, mais elle n'est
pas la seule de son espèce. Il y a des tours
penchées en Angleterre, à Bridge-North et
au château de Corfe. Il y en a deux à Bo
logne, l'Asinella, ainsi nommée parce
qu'elle fut bâtie par Gérard Asinelù), en
1110, et la Garisenda, de deux années
fnoins ancienne, que Dante a immorta
lisée eh la comparant au géant Antée qui
ie baisse pour recouvrer ses forces. Dans
Ifis environs de Pise même, il existe une
tour penchée, le campanile de l'église
Santa-Maria degli Scalzi, église fort cu
rieuse, qui fit partie d'un couvent de Bé
nédictins et qui date du douzième siècle.
Malgré l'opinion de Vasari, de Soufflot,
de La Condamine, de Bernouilli, de La-
lande, etc., qui tiennent pour l'affaiblisse
ment du terrain, il est aujourd'hui absolu
ment démontré que l'inclinaison du célè
bre campanile, comme celle de la plupart
des autres monuments du même genre,
moins connus, est un tour de force d'ar
chitecte —- mais quelque habile que soit
un architecte, le temps vient à bout, tôt
ou tard, de son œuvre, et voilà pourquoi
la tour penchée de Pisé menace ruine.
' {Saint-Roman»
Éehos
Paul Déroulède
Notre confrère G. de Maizière racontait
hier dans le Gaulois un trait de généro
sité de Déroulède,trop beau pour que nous
ne nous en fassions pas l'écho.
Un jour que notre confrère allait voir
DéroulèdJa dans sa villa de Saint-Sébas
tien, il le trouva en proie à une violente
et légitime colère contre un misérable
petit journaliste qui, dans sa feuille de
chou, l'avait lâchement insulté... à longue
distance.
—Je le connais, lui dit le rédacteur du
Gaulois. C'est un malheureux, qui, sou
vent, n'a pas de pain à donner à ses en
fants...
Le lendemain, Déroulède confiait à notre
confrère, qui rentrait à Paris, une enve
loppe fermée, en le chargeant de la faire
parvenir à l'adresse de celui qui l'avait in
sulté. Le pli contenait un billet de mille
francs.
*
* *
La candidature à l'Académie fut offerte
à Paul Déroulède en 1908, et il était à peu
près sûr de son élection. Il répondit à M.
Maurice Barrés, qui était son parrain, la
lettre suivante :
Langély, 5 juillet 1908.
Eh bien! noh, ami Barrés, si vraisembla
bles due vous paraissent mes chances et si
démonstratif que soit votre pointage, votre
insistance, qui me touche, ne me convainc
pas.
Vous isavez pourtant si je la place haut dans
mon estime et dans mon respect. l'Académie ?
— Non, mes amis, non je ne veux rien être.
Ainsi chantait notre vieux Béranger ;
Humble écolier de cet illustre maître,
J'ai sa devise et n'en veux pas changer...
Je veux pouvoir répondre à qui peut croire
Que l'intérêt m'entraîne ou me corrompt:
Mon intérêt, c'est la Franca et sa gloire;
Je ne suis, moi, qu'un sonneur de clairon. -
Ma place n'est pas parmi votre élite, elle
est dans la foule. Je puis m'en tenir à l'écart
plus ou moins longuement, mais je dois tou
jours être prêt à reprendre contact avec elle.
D'autant qu'elle n'est ni aussi ingrate, ni
aussi aveugle qu'on veut bien Je dire ; seule
ment, elle ne reconnaît ses serviteurs que
lorsqu'elle les retrouve tels qu'elle les a
quittés.
L'habit à palmes vertes et I'épée à poignée
de nacre me transformeraient trop.-
Les ressources de M. Caillaux
M. Caillaux, en quête de ressources, a
donné des ordres très sévères aux inspec
teurs de l'enregistrement, et compte sur
les amendes qu'ils infligeront pour équili
brer son budget.
On sait que des commerçante de Meamx
ont été frappés de 500.000 francs d'amende
pour n'avoir pas mis de timbres-quittan
ces sur le livre de reçus d'un voiturier.
A Dijon, on a également infligé 500.000
francs d'amende (c'est un prix fait) à des
négociants qui n'ont pas timbré les ordres
de livraisons de marchandises donnés par
eux aux docks de Bourgogne.
Mais la rentrée n'ira pas toute seule,car
les commerçants prétendent qu'en don
nant un ordre ils ne savaient pas si celui-
ci serait exécuté ; et ils prétendent considé
rer les ordres donnés comme des factures
non passibles du timbre.
Pour être sûr de toucher d'un côté, le
fonctionnaire de M. Caillaux vient d'impo
ser l'amende à ceux qui ont reçu les mar
chandises, et qui ont émargé sur le livre
des Docks sans apposer de timbre, soit en
core 500.000 francs de rentrées espérées.
M; Caillaux va se faire des amis.
Cebcamon.
Donec dies est
Bergson à l'Académie
On ne pourra jamais assez le répéter
dans nos miMeux catholiques : Que l'on
puisse voir un de ces jours Bergson à
l'Académie, c'est là un scandale et une
folie.
Personne ne nie 4 M. Bergson son- talent
très réel, quand il s'agit d'observations
psychologiques délicates. Mais quand il
faut bâtir une métaphysique, il déraisonne
complètement, et, en d'autres temps, ii
n'aurait pas trouvé .un auditeur.
Il est virai qu'il en est tout autrement
aujourd'hui. Mais les cubistes et les fous
qui déshonorent actuellement tous les au
tres arts humains n'ont-iîis pas, eux aussi,-
connu la vogue, et sont-ils moins fous
pour cela? Tout ce grand succès leur vient
du désarroi actuel, et, dans quelques cent
ans, si la France est encore la France,nos
petits-neveux rougiront sans doute que de
telles aberrations aient un jour régné dans
leur pays.
Miais s'il n'est pas extraordinaire que les
fous se plaisent à des folies, encore fau
drait-il que 'les sages ne les imitent pas.
S'il est un malheur plus grand que la vo
gue de Bergson, c'est bien que des hom
mes graves le prennent au sérieux.
Dites à n'importe quelle personne de bon
sens que Bergson prétend au titre de phi
losophe pour avoir inventé une faculté
nouvelle de l'esprit, que le jeu de l'intelli
gence humaine n'est, d'après lui, qu'un
artifice matériel et grossier, que les choses
durent avant d'être, que le passé subsiste
intégralement dans le présent, à supposer
que vous parveniez à formuler de telles
propositions de façon intelligible, vous êtes
assuré de provoquer la plus légitime stu
péfaction.
Eh bien ! les catholiques, qui n'arrivent
qu'à grand'peine à organiser .um enseigne
ment de la philosophie, et qui, l'ayant or
ganisé, ont le plus grand soin de n'en ja
mais suivre les cours ; eux qui, par con
séquent, ont toutes sortes de chances pour
passer en les ignorant auprès des graves
objections qui doivent naître inévitable^
ment du développement constant des scien
ces, ils s'évertuent gravement à démontrer
que le bergsonisme comporte de nombreu
ses difficultés et que, finalement, c'est une
doctrine condamnable et périlleuse,.
En vérité, non, oe n'est pas une doctrine,
c'est une fantaisie, et encore fort incohé
rente. Aussi, l'attitude normale d'hommes
de bon sens devrait bien être plutôt de
s'en moquer et de passer à des questions
plus importantes. Il n'en manque certes
paa
Comte Catta.
; . '
LETTRE DE HOLLANDE
Pacifisme international et militarisme
hollandais, t - La piraterie littéraire
et la Convention de Berne.
Aboblition de la concurrence
déloyale.
Là Haye, 31 janvier.
Que nos lecteurs ne s'attendent pas à
trouver ici une Chronique du pacifisme. Le
pacifisme préoccupe, en effet, fort peu le
peuple hollandais. A l'époque des congrès et'
des conférences, on en parle beaucoup et
en termes très favorables. Ne faut-il pas
être aimable envers les touristes, quelqu'ils
soient ? En période ordinaire, le pacifisme
est relégué à i'arrière-plan de l'opinion hol
landaise.
Cette semaine cependant une nouvelle as
sez importante est à enregistrer. Grâce à
la libéralité die divers capitalistes, le pro
jet d'Institut de droit international va potu,
voir être réalisé. La Haye deviendra, de 'a
sorte, un centre unique pour les étudiants
de droit international. Le mode d'organisa
tion de l'institution projetée n'est pas en
core précisé. Ferait-on appel à des profes
seurs étrangers pour donner des cours tem
poraires^ ou créera-it-on un corps ensei
gnant fixe ? Naturellement cette dernière so
lution a la préférence de la plupart des ju
ristes néerlandais. Il est certain que, dans
oe cas, la part la plus large leur reviendrait
aùtomaitiquemeht.
La question de la laneue d'enseignement
a déjà fait couler beaucoup d'encre dans les
journaux hollandais. Donnera-t-on à cha
que professeur le droit de se servir de sa
langue maternelle? Il est, en effet, impos
sible de songer au néerlandais dont la dif
fusion mondiale est trop restreinte. On s'ar
rêtera très probablement au français. L'ex
périence a trop démontré 4 la Haye les in
convénients de l'emploi simultané de trois
langues (anglais, français, allemand.)
Ne oraittons pas le sujet de la paix in
ternationale sans signaler que le palais
inauguré à la fin d'août continue à recevoir
en moyenne mille visiteurs par semaine.
Critiquez tant que vous voudrez sa destina
tion. Il constitue pour La Haye un embel
lissement, une curiosité de plus. Et c'est
pourquoi nous n'en dirons jamais beaucoup
de mal.
- . • . • * * •
,Xes Hollandais — même ceux qui visi
tent le Palais de la Paix et assistent aux
fêtes 'pacifistes — ne perdent pas de vue les
dures nécessités mondiales. Des cris d'alar
me retentissent qui trouvent de nombreux
échos dans une nation comblée de richesses
et quasi dépourvue de moyens de défense.
La Néerlande proprement dite èst loin
d'êtae en mesure de résister à une grande
nation européenne. Quant à ses merveil
leuses colonies, elles sont, pour ainsi dire,
à la merci du premier glouton venu. Que;
faire ? « Rien, répondent de placides pa
triotes ; nous ne pouvons pas suivre les
grandes nations dans leur course aux ar
mements ; même en donnant le maximum
de notre effort, nous ne serons jamais en
état de nous mesurer avec ces colosses qui
s'appellent l'Angleterre, la France, l'Alle
magne, les Etats-Unis ou le Japon ; inuti
le die gaspiller notre argent à construire des
navires de guerre ridicules à oôté des super-
dreadnougfîts ; la jalousie des puissances
nous garantit suffisamment et notre indé
pendance et la possession de notre domaine
colonial ».
L'argument a longtemps triomphé : on se
laisse si facilement persuader qu'il n'est
■pas nécessaire de délier les cordons de la
bourse et d'envoyer ses fils à la caserne.
Mais aujourd'hui, un changement marqué
se produit dans l'opinion. On se rend com
pte qu'il est plus sage de se fier à sa dé«
fense .personnelle que d'abandonner son
sort aux compétitions des puissances. Ces
puissances ne sont-elles pas capables de
trouver à l'occasion d'excellentes raisons
pour se partager à l'amiable un butin trop
aisé ?
Une association importante : « Onze Vloot»"
(Notre Flotte) s'est donné la tâche difficile
de conquérir les Hollandais à la conception
d'un© défense maritime réelle. Les résultats
de sa .propagande sont déjà sensibles. Lé
gouvernement entend assurer d'une maniè
re efficace la possession des Indes :
Indie verloren, rampspoed geboren, les
Indes perdues, le désastre sera accompli
Tel est aujourd'hui le mot d'ordre des pa
triotes hollandais. Et voilà pourquoi, au
pavs du pacifisme, nous assistons au ré
veil de cette combativité crui fit jadis des
Pays-Bas les rivaux heureux des principa
les nations européennes.
*
• •
Il s'est accompli l'an dernier une révolu
tion pacifique dans la librairie hollandaise :
le gouvernement a adhéré à la Convention
de Berne réglementant la propriété littérai
re. Ce ne fut pas commode à faire accep
ter...
La piraterie a été longtemps de mode dans
la librairie hollandaise. Elle arviait si bien
acquis droit de cité qu'elle ne scandalisait
personne. Jugulée par des traités, en ce
qui concerne les œuvres originales, elle se
rattrapait sur les traductions. Les traduc
teurs, hollandais se livraient tranquillement
à une facile et lucrative industrie et fai
saient ainsi une concurrencé désespérante
aux littérateurs de leur propre pays. Rare-?
ment et comme à regret daignaient-ils si
gnaler que l'ouvrage traduit était de M. X
ou Y. La mention : «traduit de l'anglais »,
par exemple, leur suffisait.
La situation est aujourd'hui modifiée,
mais Hes éditeurs ont jusqu'à la fin de 1914
pour écouler leur stoks devenus illégaux.
Déjà ce délai leur apparaît insuffisant et
ils se démènent pour en obtenir la prolon
gation. Leur chambre syndicale vient d'a
dresser urne supplique au ministre. Il est à'
souhaiter qu'aucune atteinte ne soit portés
à la loi qui a supprimé eu Hollande vue lis
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