Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1914-02-01
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 70622 Nombre total de vues : 70622
Description : 01 février 1914 01 février 1914
Description : 1914/02/01 (Numéro 16179). 1914/02/01 (Numéro 16179).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k715304g
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
V
l)ïtfANCH£ l« tévftIÉft 1911
■ j'i
(jaatre vingt-uniêmô à&nêe. #■16.179/ >
==Ds
Seine y
W o ■
X24A.
fèlHANCHE 1" FÉVRIER 1914
Kg0m
ABONNEMENTS
' PARIS ÉTRANGER
M Diptnttoeiil» ((luira potultt
^tfll tH 2B fr« -
Six mois 13 ■ te »
ffreis aïola....... 7 • 10 »
LS NUMERO î .10. centimes
L*a mandata et bons de posta
doivent être adressés
fc M. FAdmlnlstrateur
SOMMAIRE
tEs TiEMOMnANCES DE M. LS CHANOINE Ga UDEAU.
•> C. Lecigne.
La vjîbttk sur l'affaibb Poutiloff : Le sort db
l -A luance franco-russe.
Carx6t ou Dimanche : "Napoléon et Goethe. —
' > H.-G, Fromm.
L' Ame héroïque de Déroulède, — C. Lecigne.
La Vie religieuse i Le passage de S. S. Pie VU
dans le ilidi de la France.
FEUti-LmoN : Chronique littéraire. — A. de La
i Valette-Monbrun.
PARIS, 31 JANVIER 1914
Les Remontrances
deiieehanoineBaudeau
. . ./ —- •><' -— ■ .
Ici, à l'Univers, nous avons tous le
plus grand respect pour la personne et
..pour l'œuvre de M. le chanoine Gau-
: deau. Il fut des nôtres durant une année.
'Nous ne l'avons pas oublié plus qu'il ne
-l 'a^oubiiè toi-même.: Ce: n'est pas à nous
^qu'iï s'adresse, je suppose, quand il
'écrit : « Je supplie qu'on me pardonne
^4'ayoir à indiquer ici un journal dans
' lequel militent, en faveur de la vérité
^catholique, de vaillantes bonnes volon-
Sfésr-quî est encouragé par un bon nom
bre d'évêques, et surtout qui est attaqué,
Nie la façon souvent la plus odieuse et la
jipl 'us injuste,, par lès modernisants et les
"libéraux ennemis de l'Eglise. » (La Foi
'^catholique, "K. II, 72, p.- 441.) Notre mo
destie a seule à souffrir d'un tel éloge,
^venant d'une telle pluine, et les blessu-
.reë faites à la modestie sont celles qu'on
;-pardonne le plus facilement.
Cet article de M. le chanoine Gaudeau
•noys avait échappé. On ne peut tout lire,
îmêaxe ce qu'on devrait lire avant tout.
11 nous est signalé de différents côtés.
s '0n n'imagine -pas la foule de gens qui
's'intéressent à nous, et ceux qui nous
iv-eulent du bien sont presque aussi
chauds que ceux qui nous veulent diu
mal. - ■'
4 * '
Dans l'espèce; l'article de M. le cha-
.aao.tfie .Gaudeau a surtout fait plaisir .aux.
"ennemis de YUnivérs. Décapité de ses
premières lignes, — celles que je viens
'de citer, — il devient une arme entre les
ànains de -ceux pour qui notre ancien col
laborateur n'était ep-çore hier qu'un sim-
iplfe. « boulé-dogue de l'orthodoxie ».
/Comme il faut peu de chose , tout de
-meme pour, que -le plomb vil se trans
forme en or pur î te alchimistes libé
raux et démocratiques ont seuils le secret
îiie ces transmutations soudaines.
;.i ; '■ ■ " . ■ 1 ' t . ■ "
IhLa raison de cette métamorphose est
d'ailleurs très simple. La voici :
I^M. le chanoine Gaudeau, après avoir
.rendu hommage à Y Univers, tance ver
sement le directeur - pour l'article du
fl4? décembre :■ Le Livre et le Geste de
SMourras ; Je né m'offense point'de cette
l 'intervention : M.'le chanoine Gaudeau
est. un ancien du sacerdoce, un théolo-
jgiên de grande valeur, un écrivain de
ttafent," un incorruptible gardien de la
[foi ; à tous .ces titres, il a le droit de con-
vtr^Iet ce: que j'écris et de me redresser
si.jé me trompe. Il est de ceux à qui il
jest permis de dire : Maître, sans s'hu
milier et sans « demander presque par-
Son ». •
' Pourquoi donc est-il si fâché que j'aie
josé donner ce titre à Mourras? M. le
chanoine Gaudeau est un homme heu
reux ; il ne sait pas ce que, nous au
tres, nous avons souffert à l'heure où
son expérience acquise et la discipline
de la Compagnie de Jésus le proté
geaient contre les contagions délétères.-
■II.y a quinze ans, M. le chanoine Ga/u-
^deau n'avait pas encore allumé son
'flambeau. Les revues, les journaux, la
/presse catholique presque tout entière
pous étourdissaient de dithyrambes à la
démocratie. L'Univers lui-même s'ou-
/vr'àit à la prose dé M. Lemire et de
M. Marc Sangnier. La voix doctrinale
^d'Auguste Roussel et d'Arthur Loth était
jcouverte par l'immense tumulte de ce
festival assourdissant. Les isolés sont fa
cilement des timides ; nous avions peur
ide nous tromper parce que nous f aisions
aine petite bande à'part.
Pour nous maintenir dans le 'droit
fchemin, nous: avions la tradition de
4'Eglise et nos livres de théologie. Mais
ion se moquait de nous quand nous par
lions de tradition et M. le chanoine Gau-
tteau ne saura jamais combien il était
inconvenant d'apporter une raison théo-
Ïogiqnedaïis une discussion d'idées, ;
Nous : avions les enseignements de
îvéon XÎII : ils étaient déformés à plai-
isir par les commentateurs d'anticham-
[br? ou.dô rédaction. On était traité do
iu rêfractarre » pour le seul fait do. dou
bler lai tant soit peu du droit divin de la
faémoûraiâe et des hautes fantaisies.
iTexégés«sur lesquelles on l'étayait. .
T Ah ! Monsieur le Chanoine, je vous le
répète • tous êtes un homme heureux.
JVbus n'avez jamais eu besoin de secours
JetranRBrB et de la bonne parole d'un pas-
jeani généreux. Il y a des gratitudes dont
'fe sens vous échappe et dont l'accent
*- la « psalmodie ». comme vous dites
DIEU PROTÈGE LA FRANCE /
7!m milieu des factions de toute espèce, vous 0'appartenez»
qu'à l'Église et à la Patrie.
Louis VEUILLQT : Programme de i'Untver» (18425
IBMjiSTMÔÎI 4 RtD VCTïOl : .
Part», 19, rue de» Salnt«*Pèm (¥î« arrond')
DÉPÔT A ROME i M, fU(S OB U gipKY)
tei manuscrits non inséré i nt sont pas rendus
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
19, rua des SalnU-Père»
ET SOCIÉTÉ DE PUBLICITÉ RELIGISU99
8, placo do la Bourse
TÉLÉPHONE 751*55
avec Tm' safcasmev — ' vous scâridaïlseV
C'est qùè vous avez toujours -été sûr de
vous-même. « Les gens sans défaut sont
terribles : on -ne .sait par où les. pren
dre », disait .à peu près Louis Veuillot.
Vous avez toujours; été sans lacune et
vous ne pouvez comprendre le bien que
nous ont fait tel article politique de Ch.
Maurras et telle même de ses études lit
téraires. Oui,' « maître », il le fut pour
quelques-uns à un moment' donné,
— non pas, certes, le maître à qui l'on
se donne sans réserve et dont on accepte
la leçon tout entière, mais u>n maître tout
de même parce que, pour une heure au
moins, il eut notre main dans la sienne
et qu'au. tournant de la route il nous
empêcha de nous perdre dans la forêt
sombre où tant de nos frères s'égaraient.
« L'exagération est le mensonge des
honnêtes gens », écrivait J. de Maistre.
Monsieur le Chanoine, -laissez les hon
nêtes gens exagérer un peu en parlant
de M. Ch. Maurras. L'excès de la recon
naissance n'est ni un péché ni une er
reur théologique. Il comporte peut-être
un peu d' « humilité intellectuelle »,
mais un acte d'humilité n'est pas un
acte d'humiliation, et vous .me pardon :
nerez de ne confier à- personne ni 1-e so'ui
de planter d-es bornes à ma grati tude ni
le souci de veiller sur ma . dignité per
sonnelle ou-ma fierté sacerdotale.
*
* *
Au reste, M. le chanoine' Gaudeau
tombe un peu lui-même dans... le men
songe des honnêtes gens. Il exagère. Il
avoue qu'il s'est « senti blessé dans la
fierté de sa foi » en entendant un prê
tre « demander pardon à ce Maître
d'avoir jeté au feu un de'ses livre s ,ù
causé d'une tache d'encre impie ». Et il
me fait remarquer avec beaucoup d'élo
quence que « les impiétés formelles ont
été très nombreuses & travers toute l'oeu
vre », que « la tache sombre, hideuse
de l'athéisme... demeure tout entière au
fond, à la base de tout ».
Mon Dieu! on pourrait peut-être dis
cuter ceci et je ne vois pas bien, par
exemple, comment la politique reli
gieuse de Ch.- • -Maurras est à base
d'athéisme. Pourquoi ne pas - admettre
qu^il y a des iliogismes chez Maurras
comme chez la plupart des-'hommes ?
Mais je ne veux pas entreprendre' avec
M. le chanoine Gaudeau une querelle
d'où je sortirais nécessairement vaincu.
Je commence par où Jacob termina sa
lutte contre l'ange : je me meis à ge-
noux et j'implore une bénédiction.
Il me semble seulement que nous ne
parlons pas l'un et l'autre la même lan
gue. M. le chanoine Gaudeau est ua
théologien et qui pèse les mots dans la
balance du sanctuaire. S'il était 'un -peu
plus familier avec notre idiome à nous,
les semi-profanes entachés d'une cer
taine culture littéraire," il saurait.que
nous avons à notre usage un las de figu
res malheureuses : celle-ci désigne la
partie pour le tout et celie-ià sacrifie
quelquefois à la courtoisie ce que la pen
sée peut avoir" en soi de trop absolu,
c'est-à-dire de brutal. Je les enseigne a
mes étudiants, je leur recommande de
ne pas en abuser ; mais de temps à au
tre il m'arrive à moi-rrfême d'en user dis
crètement. Un pur théologien est un
censeur cruel pour' nous notre dialecte
n'est pas tout à'fait le sien et c'est no
tre infériorité. Que voulez-vous que je
dise? 'Ml lé chanoine Gaudeau a -raison'
de veiller à ce que saint Paul appelait le
verbum sanum, ir.reprehenlibUe ; et moi
j'ai tort d'apporter en des lignes qui doi
vent passer sous ses yeux certains soucis
de la nuance ou simplement de la cour
toisie dont en vérité le gain ne vaut pas
l'effort.
Je n'insiste pas. Je me permets cepen
dant de faire remarquer à M. le cha
noine Gaudeau que le choix des mots est
quelquefois nécessaire au respect de la
vérité. Où donc a-t-il vu que je « de
mande pardon » à Ch. Maurras d'avoir
jeté au feu son Anthinéa ? Voici mon
texte : « Maître, vous ne m'en voudrez-
pas d'avoir jeté au feu le livre où se
trouve cette tache-(d'impiété) et d'avoir
souhaité qu'un jour ou l'autre, le plus
tôt possible, vous le détruisiez vous-
même. » Depuis quand lé « vous ne m 'en
voudrez pas » équivaut-il à un pardon
demandé, à une absolution implorée 1.
Et, sous prétexté de garder à notre foi
sa fierté -naturelle, nous est-il interdit
de parler français ou, comme disait l'au
tre, de nous servir de la langue que nous
avons dans la bouche ? • - -
M. le chanoine s'est aperçu,qu'il lisait
en s'aidant d'une loupe grossissante et
qu'à vouloir me. prendre en défaut il
finissait par se mettre lui-même en
faute. Il a voulu réparer, mais un peu
trop tard à mon avis et pas tout à fait
non plus. Le reproche qu'il me fait est
inscrit à la page 441 ; or, à la page 488,
à la fin d'un article sur le Déclin du
Bergsanisme, il introduit une note ainsi
conçue : « Au lieu d e :-En entendant ce
-prêtre demander pardon il faut lire :
demander presque pardon... » C'est ici,
Monsieur le Chanoine, que je pourrais
prendre le ton de la psalmodie et
m'àmuser à vos dépens; Vous avouez
presque l'erreur et vous demandez pres
que pardon. C'est presque de la loyauté
et presque de l'humilité, mais,* rejetée si
loin dans le fascicule et presque invisi
ble à l!œil nu, cette petite note est des
tinée à passer presque inaperçue. - Les
libéraux et les démocrates qui sont pres-
auç_ fiers d« vous depuis quelques jours
né 'sont pas allés jusqu'à l'a page 488, et
ils ont, — non pas pn^r/itc, — mais tout
il fait supprimé cette rectification. En
somme, c'est prrsiixc comme si elle
n'existait point et A r ous devez avoir sur
votre conscience de censeur de' vagues^
regrets qui ' sans doute ressemblent*
presque à un remords...
* -
* . *
La moralité del'incident est que M. le
chanoine Gaudeàu a mieux à faire qu'à
chercher-une épinglç dan» une meule de
paille et à crier qu'il l'a presque trou
vée. Qimr.ihi'tw bonus dornnlat Home-
rus... To'.i- 'es grands hommes ont de
ces di-su-ai-lious, de ce? demi-sommeils,
mais ce n'i-st pas ' cela qui fait leur
gloire. On nous accuse parfois nous au
tres, les adversaires du catholicisme li
béral, d'être des esprits tatillons et vé-
tillards ; on se trompe presque toujours,
pas toujours cependant.
Monsieur le Chanoine, vous ne m'en
voudrez pas de vous avoir dit, simple
ment et respectueusement, ce que je
viens de vous dire. Et quand j'écris :
« Vous tin m'en voudrez pas , » cela ne
signifie point que je vous demande par
don, m presque , ni tout à fait, ni même
lé moins du monde.- :
C. LECIGNE.
. La vérité
sur l'affaire Poutiloff
Le sort (Se l'alliance franco-russe
Nous savons aujourd'hui ce qu'il con
vient de penser de .l'affaire Poutiloff. Il est
devenu évident que ta combinaison Krupp
a • failli se réaliser. Ou assure même que
le : Creusot a vu le moment où il n'aurait
tfue -vingt-quatre heures avant de se-trou
ver devant le fait accompli..'
Impuissant à obtenir directement du
gouvernement, russe qu'il refusât cette sa
tisfaction à J'AHrnî.ignc, Je.gouvernement
de la République a dû se résoudre à recou
rir à un éclat public, lin ^'adressant à
l'opinion française.on était certain, en ef
fet, d'intimider la Piussie, qui est sur le
point de placer en France un emprunt de
six M-nts millions, pour les besoins .de ses
rhenvitis de fer, ■ ■ • •
iAinsi : s'explique-t-on que le gouverne
ment. russe ait dojuié satisfaction à la
l^rance. Krupp ne construira pas chez
Poutiloff une artillerie dont nous avons
fourni le modèle. Mais Krupp, sorti par
la' porte, ne rentrera-t-il pas par la fenê
tre? La preuve est faite aujourd'hui que
l'influence allemande est plus que jamais
puissante en liussie... . ■ , ■ ■
P.cste l'alliance franco-russe. Une al
liance qui est traversée d'incidents aussi
brutaux et aussi déconcertants que l'inci
dent Poutiloff, quelle garantie peut-elle of
frir? Quand' deux alliés doivent recourir
ii: la mena'/e pour régler leurs affaires
■ dlintérôts, quelle confiance peut-on . avoir
dans leur communauté d'idées et de sen-,
timents ? Partout s'élève Ja menace de
voir la "France, après avoir usé les seules
amitiés possibles, se -retrouver seule en
Etimpe, en. face do l'empire allemand.
Ainsi s'explique la panique dont le Parle
ment "est saisi depuis deux jours. Ainsi se
justifie l'inquiétude du pays.
Carnet du Dimanche
Napoléon et Grœthe
La célébration du centenaire de la ba
taille de Leipzig de 1813 a été, en Allema
gne, accompagnée d'une foule de réminis
cences historiques et militaires, publiées
dans les -périodiques les plus divers.
Aucun d'eux, pourtant, n% évoqué le
souvenir des relations entre Napoléon et
Goethe, quoique ce dernier passe, aux yeux
de nombreux Allemands, comme le plus
grand Allemand des temps modernes. . .
Cet oubli est évidemment dû au fait que
Gœlhc fut un des admirateurs les plus fer
vents du génie de Napoléon. Le duc de
Saxe-Wcimar, un des nombreux princes
allemands présents au Congrès d'Erfurt
en 180S, y avait fart venir Goethe, son mi
nistre d'Etal. Le duc, qui Jaisait partie de
la Confédération du Rhin, y joua un rôle
assez effacé parmi lés vassaux dé Napo
léon. L'Annuaire des Bibliophiles alle-
mands . (1905-1906) publie à ce- sujet une
lettre adressée à Fritz von Stein. On y rai-
conte qu'à l'arrivée du roi de Wurtem
berg la garde du palais où Napoléon était
descendu s'apprêtait à saluer le souverain
souabe 'pur-un triple roulement de tam
bour, lorsque l'officier de garde cria:
« Taises-vous, ce nïest qu'un roi ! »
Napoléon marquait fort peu de préve
nances aux divers princes"allemands ve
nus à Erfurt. Il fut plus aimable pour
deux célébrités littéraires' : Wieland et
Gœthe. Ce dernier fut reçu le 2 octobre
4S08 par Napoléon. L'empereur était à ta
ble, en compagnie de Talleyrandt et 4e
Daru. Napoléon le fixa à son entrée dans
la salle à manger et lui dit : « Vous êtes
un homme! n La conversation fut ce
qu'elle pouvait être entre deux si grands
génies, pourtant si différents l'un de l'au
tre. ■ ■■■ - •
Quatre- jours après celte première au*
dieuce* il v eut bal paré à la résidence de
Napoléon. Gœthe y parut. L'empereur,
après aqoir échangé quelques paroles avec
le tsar Alexandre, alla directement vers
Gœthe pour lui parler de l'art dramatique
et l'inviter à venir à Paris, Puis, avant de
quilier Erfurt, Napoléon nojnma Gœthe
chevalier de la Légion d'honneur.
La lettre de remerciements de Gœthe,
adressée à Laplace, grand chancelier, da
tée. du 12 novembre 1808, et rédigée en
français, se trouve aux Archives de l'an
cien hôtel du prince de ■ Salm-Kyrbourg,
l'actuelle chancellerie de la Légion d'hon
neur. Gœthe y parle de Napoléon dans les
termes les plus enthousiastes.
Quatre ans après, il se trouva, en juil
let 1812; aux eaux de Karlsbad en même
temps que l'empereur et l'impératrice
d'Autriche, beau-père et belle-mère de Na
poléon. Il leur offrit des stances sur leur
fille Marie-Louise, dans lesquelles Napo
léon était célébré d'une façon dithyram
bique.
Un tel homme n'était pas fait pour se
laisser en Indurr dans un courant contrai
re, dés la nouvelie du désastre de Moscou.
El il n'était pus le sent, dans ce cas, dans
les milieux. classiques littéraires de Wei-
7n ar. •
l'tt-'-ditHotnale- français, qui mourut à
Paris, presque'- nonagénaire, le 21 mai 1858,
Nicolas Rousseau,- comte de Saint-Aignan,
plénipot.evi?'.« /re. français dans les diverses
cours saxonne.?, connut intimement ces
milieux. H crut pouvoir juger le peuple al
lemand de itil2niar.
Dans un rapport daté du 3 août 1812, il
dit : ■ ■ :
« Les Allemands sont une juiliori douce,
apal -hiquc et religieuse. Si on les laisse s'oc
cuper de m-êluphijxique, de discussions lit
téraires,d'idées inijsl'KiueSjde franc-maçon
nerie et de magnétisme, cela leur suffit.
C'est sur ces objets que se dirigent tous les
.esprits qui s'élèvent au-dessus de la classe
médiocre, plus-ttovibr.euse ici,, je crois, que
partout ailleurs. »
La-veille de la dernière coalition générale
le duc de. Wcimar, ayant foi dans la desti-
née de Napoléon, demanda au comte de
Saint-Aignan si dans les . changements
qu'il présumait que la pacification générale'
produirait en Allemagne il ne pouvait pas
espérer que Nagrâce d augmenta ses Etats ou l'élévation
de lu Maison ducale de Saxe-Weimar.
r L'enh elien entre le duc de Saxe-Weimar
et \e. coiïite de Saint-Aki.nan eut lieu le-
16 juin ISIS. Comme, le. ministre de France
était ancien éc'uyer de Napoléon, le duc
comptait beaucoup sur cette influence. • Il
demandait simplement le comté de Blan-
kenhaijn, ancienne enclave .de l'Electoral
eclcsiastiquc des princés-élecleurs-archevê-
ques de 3Tayevce', ainsi qvè la ville d'Er
furt et.-son UUrilowe, également enclaves
de la même prinçhpusité ecclésiastique,
c'esl-à-dire un larriloirc catholique aussi
étendu qu'un' département j tançais moyen.
De plus, il demandait d'avoir la supréma
tie sur les autres lignes ducales de Saxe et
une pari à la succession de Golha.
Le. comte de Saint-Aignan relate dans
son rapport, adressé au duc de Bassano,
ce qui sujl :
« Il n'a d'autre raison à alléguer en sa
faveur, m'a-t-il dit,.que la volonté de l'em
pereur qui peut bien intervertir l'ordre de
celte succession dans la Maison de Saxe-
Gotha, si bon lui semble. Ces prétendions
et d'autres encore, qui sont si -démesurées
que je n'en parle même pas à Votre Excel
lence, prouvent que ce. prince a bien de
l'inconséquence -dans :.sa -conduite et qu'il
y a encore plus de maladresse que de. mau
vaises intentions.dans tout ce qu'il fait. »
Pendant ce lemps4à, Gœthe s 'était retiré
dans une petite, station balnéaire. Il ne re
vint à W(dinar que vers la fin du irwis
d'août 1813-. Ayant eu. à loger le. général au
trichien comte Coiloredo, celui -ci lui re
procha de porter encore les insig7ies de la
Légion, d'honneur. Gœthe répondit, non
sans noblesse : « Ce n'est pas une raison
de renoncer é une distinction, donnée par
un grand- souvera'm, parce qu'il a perdu
une bataille ! »
.Lors de. la levée, en masse après lès jour
nées de Leipzig tout le duché de Saxe-Wei
mar n'avait à enregistrer que trente-deux
volontaires. Gœthe, en sa qualité de minis
tre, refusa aux jeunes, employés de l'Etat
de leur rendra leur, situation après la cam
pagne.
Les Pères Baunigarten et Aloys Stock-
niann, de la Compagnie de Jésus, racon
tent dans leur Vie de Gœthe (Fribourg et
Strasbourg, 1913, chez Hcrder) que le fds.
de Gœthe voulut s'enrôler comme volon-'
taire, inais que son père, ne le permit pas.
«. Gœlhc, disent les deux auteurs, ne le
permit pas; on pourrait l'excuser.en.remar
quant-que -c'était -.son enfant unique, mais
en soxnm.e le fait, prouve que Gœthe n'était
guère animé d'un esprit élevé de patrio*
tisr/w cl d'alrné{iation. »
Comme il fallait caser le jeune, homme
quelque, part, pour qu'il né fût pas la risée
de Weiinar, il fut envoyé à la Légation de
Weimar à Francfort, auprès du prince-
primat, où il répandit, d'après. Charlotte
von Stein, de l'eTicre aù lieu de sang. Et
lorsqu'on célébra à Weimar. par un Te
Deum l'entrée dés alliés à Paris; Gœthe,
ministre d'Etal, fut, grâce ' à un rhuma
tisme aigu, dispensé, d'assister à la céré
monie. Le rhumatisme ne cessa que. le
30 mars de l'année suivante. El alors ce
même Gœihe fit jou&r un lever de rideau :
I^e réveil d'Epiménide. C'était du patrio-
tisinc post festuai, . .
H.-G. FBOMM.
L'Ame héroïque
de Déroulède
" —
Dans le troisième volume de son ou
vrage, Du Dilettantisme à l'Action , M. le
chanoine Lecigne esquisse le portrait du
héros qui vient de mourir.
Nos lecteurs seront heureux qu'on leur
mette sous les yeux quelques pages de
cette étude consacrée à la fois au soldat,
au poète et à l'homme politique.
Il serait peut-être monotone d© suivre
Paul Déroulèdes pas à pas, à travers son
épopée militaire. Elle ne nous sera qu'une
occasion de peindre son âme.
On connaît sa physionomie ; elle est po
pulaire. La taille est élevée, svelte, presque
effilée, .ooimmie la lance d© nos dragons. On
dirait que la nature s'est essayée en un
symbole et qu'elle a voulu mettre dans la
forme extérieure de l'homme q.ujelqu-e chose
de ce « sursu-m », de ces aspirations ailées,
de cet élan vers les régions supérieures
qui caractérisant sa poésie. La tête monte,
très belle, très fine ; elle s'en va très haut,
au-dess us du terre à terre et die toute prose,
comme une strophe de Lamartine ou... com
me un couplet de Déroulède. Il est lyrique
de la tète aux .pieds ; il est lyrique... jus
qu'au nez. Car, il n'a pas seulement l'âme
de Cyrano ; a en a aussi le nez paradoxal.
J'ai lu qu'un jour le sculpteur Frémiet vou
lut le consoler de ce cap anguleux qui dé
core son visage. Il lui offrit un fragment
de statue tombale qui reproduisait exacte
ment la forme et i&s dimensions de 'son nez,
et il -lui affirma que tous les chevaliers du
xiii" 3 siècle avaient .le profil taillé sur ce
modèle. Le rapprochement ne manquait
pas de vérité; -M. Paul Déroulède ressuscite
parmi nous les paladins d'autrefois. Je ne
suis pais sûr que die nez en bec d'aigle soit
nécessairement l'emMèrrfâ extérieur de
l'âme héroïque. Il serait, en tout cas, chez
M. Pauît Déroulède, une enseigne qui ne
ment point.
Au moral, un mot le résume. C'est un
enthousiaste. Il n'est pas de ces hoimmi&s
complexes qu'on ne peut réduire à quel
ques traits dominant^ sa,m les mutiler.
Ceux qui agissent sous d'influence' d'une
grande passion, qui s'obstinent à vouloir
une 'chose, à la vouloir fortement et uni
quement, se prêtent .plus facilement que
d'autres, par l'unité mêm-s de ieur vie, à
ce procédé de synthèse qui .est la condition
même du portrait. M. Paul Déroulède est
donc un-enthousiaste. Tâchons de Je re
trouver à l'armée de Châlons. C'est sur le
champ, dé bataille qu'il va se révéler à
nous. Son jeune "frère André n'a que dix-
sept ans et il réclame à son tour l'honneur
de ;couri-r à la frontière. Mm© Déroulède
hésite d'aibord, et puis, en digne mère de
ces deux héiros, elle consent. EiEe fait plus,
die conduit elle-même son enfant à l'ar
mée. Malade, le coeur navré, >ei'.ile prend le
chcsnin de Reims, avec son .petit soldat qui
a l'air d'un enfant de choeur. Elle rejoint
l'aîné .au village de la" Neuville-en-l'ou-rne.
Efiile le chercha des yeux dams la cohue
des zouaves, 0lle lie" «ijonnut : avec sa
■haute faillie et sa chéchia rouge, il avait
l'air -d'un grand .coquelicot parmi les blés.
Et'il y eut 3à des scènes sublimes, dignes
die tenter à la -lois 3a. ilyve d'iwi poète -et
le pinceau d'un grand peintre. Dans la pe
tite chambre d'auberge où cette mère a
installé ses ffis pour un jour, elle leur de
mande de se reposer un peu, de prendre,
comme effile dit, « un peu de sommeil pour
celui qui va leur manquer bientôt ». Ils
-stendorment, et, quand ife rouvrent les
yeux, i.'s Aperçoivent à leur chevet, les
yeux fixés sur eux, le visage baigné de ïar-
nies, les mains •crispées sur le bois du lit
pour ne pas tomber. Et ils pleurent avec
elle ; elle les arrête, eille les fait mettre à
genoux, .elie leuir dit®: « Meis enfants,prions
pour la France ! » —. « Prière imuette, —
écrit Déroulède, — où nos lèvres ne remuè
rent pas, mais où l'angoisse et l'espoir de
trois cœurs français montèrent en un seul
éja-n jusqu'à Dieu. » Quelques jours plus
taid, sur le champ de bataille de Sedan,
André reçoit une balle en pleine poitrine.
Paul de met sur ses épaulLes, le trains à
t'ambul-ance,l'accompagne jusqu'à Bruxel
les... et vaincu, captif de iLa parole donnée,
il prend le chemin de Berlin et se consti
tue prisonnier de guerre.
L'héroïsme de Dédoulède n'a rien de ba
nal. Il me paraît un merveilleux exemplai
re d© ce panache que M. Edmond Rostand
n'a pas inventé, mais qu'il a défini « l'es
prit de la bravoure ». Les deux choses se
mélangent chez le vaincu de Sedan : c'est
un héros, et sur son front il a ce quelque
chose qui monte, qui remue, qui frissonne
dans l'air et qui est gai comme un rayon
de soleil : c'est le panache. Regardez plu
tôt. Piendiant que son frère se guérit len
tement de sa blessure, Paul Déroulède gé
mit sur la paille humide d'une casemate.
Il garde là toutes ses fiertés, toutes ses au
daces, tout son esprit. Le commandant de
la place, très au courant de la langue
française, surveille sa correspondance. Un
beau jour, il tombe sur cette phrase : « Je
suis profondément malheureux, au milieu
de oes troupeaux de Prussiens. » Il manda
Déroulède et lui fit observer que les sol
dats allemands formaient une troupe et
non pas un troupeau. « Je vois avec plai
sir, lui répondit Paul, que vous saisissez
toutes les nuances de la langue françai
se. » On le renvoya dans un cachot étudier
toutes les nuances... do la langue alle
mande. Mais le prisonnier s'évade sous la
houppelande d'un Juif polonais, diminue
son nez sous d'énormes . lune.ttes, gagne
la frontière, traverse la Bohême, l'Autri
che, l'Italie. A quelques jours de là, il ar
rivait à Tours et sonnait à la porte de
Gambetta. « Que venez-vous faire ici? »
]ui demande 3® dictateur. — Offrir une se
conde fois ma peau ! » réplique le zouave.
Gambetta l'envoie à l'armée de l'Est et le
nomme capitaine; Déroulède n'accepte que
le grade de sous-lieutenant. Il fait coudre
son galon sur la pelisse du Juif polonais
et, avec plus d'audace que jamais, il se
rue à la bataille, à la tête de sa compa
gnie de turcos.
A l'armée de l'Est, il est partout où il y
a un coup de main à donner, et un coup
Be feu à recevoir. C'est miracle .qu'il
échappe à la mort. Il déploie sur la route
sanglante qui va de Bourges à la grotte
de Covatan toutes les qualités qui seront
bientôt le secret de son ascendant sur la
foule. II fait songer à ces vieux Celtes qui
allaient au devant du péril, la poitrine
découverte, comme s'ils avaient rougi de
le reconnaître. Ses turcos le suivent, ar
dents et fanatiques, comme s'il les condui
sait à la guerre sainte. Us l'appellent « le
grand Parisien ». Ils lui disent : « Quoi ti
faire, ma lieutenant ? », et ils vont au feu,
à la baïonnette, par bonds, en criant,
heureux d'un cigare qu'il leur donne ou
d'un sourire qu'il leur accorde. Les ou
vriers de Paris diront un jour de Dériou-
lède : « Celui-là, nous sommes prêts à le
suivre, car nous savons qu'il sera le pre
mier à se faire casser la tête. » En une
langue différente, c'est à peu près ainsi
que raisonnent les turcos de l'armée de
l'Est.
11 est impossible de refuser son admira
tion au héros de Montbéiia.rd. Pourtant on
est inquiet sur ses pas ; : i-l va ti'op vite ; il
court, il voie, il dévore l'espace, là où il
faudrait parfois des lenteurs et des pruden
ces. Il avoue de lui-même : « Je hais le fu
tur de tous les verbes ». C'est un défaut
chez ' un homme qui sera demain le chef
d'un parti et qui aura l'ambition de conduis
re les foules. Le but est-là, fixe, attirant ;
il faut louvoyer pour l'atteindre ; dl y a des
hailtes et des courbes qui s'imposent, une
certaine stratégie dont il ne faut pas se dé
partir sous peine de risquer le dénouement.
M. Paul Déroulède va droit devant lui ; la
poudre l'éc-hauffe, te grise. Il est déjà sur
îes champs de bataillé ce qu'il sera un jouir
dans les luttes politiques. Au soir de Mont-
béliard, le commandant Lanes lui serre, la
main et île propose pour la croix d'honneur,
mais il ajoute aussitôt : « Course trop ra
pide ; attaque poussée trop loin ; trop peu
de souci de la vie des hommes ; plus de
chance que ée sagesse; témérité n'est pas
courage ». Ce sera souvent la même anti
que des opérations, après les batailles li
vrées par M. Paul Déroulède.
Et pourtant il est- impossible de refuser
son admiration à cet homme qui a tant de
courage à la fois et tant d'esprit, qui sait
mettre dans l'héroïsme tant de noblesse mê
lée à de si bonne grâce. Un trait Je peint
sous le double aspeot de sa physionomie.
Le jour où Mac-Mahon entre à Paris, Dé
roulède commanda un bataillon de Veraail-
lais. Une banricade l'arrête dans la rue. Ses
hommes hésitent ; P. Déroulède marche
seul. A cinquante mètres une femme fait
feu sur lui ; il- ne bronche pas. Un second
coup de feu retentit: il avance toujours.
Enfin, il est debout sur la barricade, il ins
pecte tranquillement la rue, s'assure qu'elle
est libre ; et, s'inclinant avec une grâce de
geiutihomme -devant la pétroleuse stupéfai
te:: « Madame, dit-i ! l, je voudrais-vous fé
liciter, mais vous tirez si mal ! » Et il fait
avancer ses hommes.
Il semble qu'il a été créé -et mis au mon
de ipour démontrer à la France que les hé*
ros de Corneille nie sont pas pris dans l'ir-.
■réel, qu'ils sont au moins des êtres possi
bles, à certaines heures et dans certaines
conditions. Il fait les gestes, il dit les mots
qu'on voit et qu'on ©ntend seulement dans
les légendes et dans tes tragédies. Je ne
Il'admire pas en bloc et sans contrôle ;
mais, lorsque je vois quelqu'un sourire de
/lui, ÏL me froisse comme s'il riait die ce
qu'il y a de -plus 'beiau dans l'âme natio
nale et de ce qu'il y .a de plus noble dam
'lie caractère français.
C. LECIGNE.
Échos
Paul Déroulèd
Déroulède étant en exil, à Saint-Sébas
tien, rossa un jour un agent qui, à sou
gré, l'épiait de trop près.
Le gouverneur lui en fit reproche.
—■ Soit, répondit 'Déroulède, je ne re
commencerai pas, mais qu'on se tienne à
cent mètres de moi.
Le lendemain, il recommença. Nouvelles
observations du gouverneur, auquel il
montra sa canne :
— Si ©lie a cent mètres, dit-il, je recon-i
nais mes torts.
»
* *
Ayant repris du service, après son éva
sion des geôles allemandes, Paul Dérou
lède prit part à la répression de la Com
mune. Il le fit avec humanité.
Pendant les journées de Mai, conduisant
un détachement, il frappe un jour à la
porte du logement d'un fédéré. Celui-ci!
était occupé à arracher les bandes rouges:
de son pantalon. Son sabre et son livret
militaire traînaient encore sur son lit.
— Comment ! dit Déroulède à l'homme.
Vous avez été soldat et vous tirez sur des
Français ! Car c'est vous qui nous forcez
à faire cette guerre !
— Pardon, interrompt le fédéré, en bal
butiant, ce livret n'est pas à moi, il est à!
mon cousin.
— Ah ! fit Déroulède en le regardant
dans les yeux. Eh bien ! dites à votre cou
sin qu'avec des bandes de pantalon è,
moitié arrachées, ce sabre sous ce lit, ce
livret sur cette cheminée et votre nez noir,
de poudre, il y a plus qu'il n'en faut pour
le faire fusiller si je voulais. Dites ça de
ma paTt à votre cousin.
Et Déroulède laissa la vie à l'insurgé,
qui raconta, plus tard, cette anecdote.
*'
* *
Il est vrai que, blessé à l'épaule, et trans
porté sur une civière, il vit arriver vers
\ui une femme du peuple qui criait :
— C'est mon mari !
Et Déroulède, souriant et indulgenï, r&
pondit .
— Des maris comme ça, la petite mère^
on t'en fichera!...
»
-. * •
Sous ce litre : « Choses vues », l'Action
française nous doime l'anecdote suivante :
Hier; M. Alfred Dreyfus, accompagné d'un
colonel .d'artillerie en ténue — un colonel
de-même race que lui —passait dievant
la gaie Saint-Lazare, au moment où Les
camelots vendaient la Patrie encadrée def
deuil et annonçait la mort de Déroulède»
Les deux compères ricanent. Quel front*
mage au grand patriote 1
C ebc AMORi
l)ïtfANCH£ l« tévftIÉft 1911
■ j'i
(jaatre vingt-uniêmô à&nêe. #■16.179/ >
==Ds
Seine y
W o ■
X24A.
fèlHANCHE 1" FÉVRIER 1914
Kg0m
ABONNEMENTS
' PARIS ÉTRANGER
M Diptnttoeiil» ((luira potultt
^tfll tH 2B fr« -
Six mois 13 ■ te »
ffreis aïola....... 7 • 10 »
LS NUMERO î .10. centimes
L*a mandata et bons de posta
doivent être adressés
fc M. FAdmlnlstrateur
SOMMAIRE
tEs TiEMOMnANCES DE M. LS CHANOINE Ga UDEAU.
•> C. Lecigne.
La vjîbttk sur l'affaibb Poutiloff : Le sort db
l -A luance franco-russe.
Carx6t ou Dimanche : "Napoléon et Goethe. —
' > H.-G, Fromm.
L' Ame héroïque de Déroulède, — C. Lecigne.
La Vie religieuse i Le passage de S. S. Pie VU
dans le ilidi de la France.
FEUti-LmoN : Chronique littéraire. — A. de La
i Valette-Monbrun.
PARIS, 31 JANVIER 1914
Les Remontrances
deiieehanoineBaudeau
. . ./ —- •><' -— ■ .
Ici, à l'Univers, nous avons tous le
plus grand respect pour la personne et
..pour l'œuvre de M. le chanoine Gau-
: deau. Il fut des nôtres durant une année.
'Nous ne l'avons pas oublié plus qu'il ne
-l 'a^oubiiè toi-même.: Ce: n'est pas à nous
^qu'iï s'adresse, je suppose, quand il
'écrit : « Je supplie qu'on me pardonne
^4'ayoir à indiquer ici un journal dans
' lequel militent, en faveur de la vérité
^catholique, de vaillantes bonnes volon-
Sfésr-quî est encouragé par un bon nom
bre d'évêques, et surtout qui est attaqué,
Nie la façon souvent la plus odieuse et la
jipl 'us injuste,, par lès modernisants et les
"libéraux ennemis de l'Eglise. » (La Foi
'^catholique, "K. II, 72, p.- 441.) Notre mo
destie a seule à souffrir d'un tel éloge,
^venant d'une telle pluine, et les blessu-
.reë faites à la modestie sont celles qu'on
;-pardonne le plus facilement.
Cet article de M. le chanoine Gaudeau
•noys avait échappé. On ne peut tout lire,
îmêaxe ce qu'on devrait lire avant tout.
11 nous est signalé de différents côtés.
s '0n n'imagine -pas la foule de gens qui
's'intéressent à nous, et ceux qui nous
iv-eulent du bien sont presque aussi
chauds que ceux qui nous veulent diu
mal. - ■'
4 * '
Dans l'espèce; l'article de M. le cha-
.aao.tfie .Gaudeau a surtout fait plaisir .aux.
"ennemis de YUnivérs. Décapité de ses
premières lignes, — celles que je viens
'de citer, — il devient une arme entre les
ànains de -ceux pour qui notre ancien col
laborateur n'était ep-çore hier qu'un sim-
iplfe. « boulé-dogue de l'orthodoxie ».
/Comme il faut peu de chose , tout de
-meme pour, que -le plomb vil se trans
forme en or pur î te alchimistes libé
raux et démocratiques ont seuils le secret
îiie ces transmutations soudaines.
;.i ; '■ ■ " . ■ 1 ' t . ■ "
IhLa raison de cette métamorphose est
d'ailleurs très simple. La voici :
I^M. le chanoine Gaudeau, après avoir
.rendu hommage à Y Univers, tance ver
sement le directeur - pour l'article du
fl4? décembre :■ Le Livre et le Geste de
SMourras ; Je né m'offense point'de cette
l 'intervention : M.'le chanoine Gaudeau
est. un ancien du sacerdoce, un théolo-
jgiên de grande valeur, un écrivain de
ttafent," un incorruptible gardien de la
[foi ; à tous .ces titres, il a le droit de con-
vtr^Iet ce: que j'écris et de me redresser
si.jé me trompe. Il est de ceux à qui il
jest permis de dire : Maître, sans s'hu
milier et sans « demander presque par-
Son ». •
' Pourquoi donc est-il si fâché que j'aie
josé donner ce titre à Mourras? M. le
chanoine Gaudeau est un homme heu
reux ; il ne sait pas ce que, nous au
tres, nous avons souffert à l'heure où
son expérience acquise et la discipline
de la Compagnie de Jésus le proté
geaient contre les contagions délétères.-
■II.y a quinze ans, M. le chanoine Ga/u-
^deau n'avait pas encore allumé son
'flambeau. Les revues, les journaux, la
/presse catholique presque tout entière
pous étourdissaient de dithyrambes à la
démocratie. L'Univers lui-même s'ou-
/vr'àit à la prose dé M. Lemire et de
M. Marc Sangnier. La voix doctrinale
^d'Auguste Roussel et d'Arthur Loth était
jcouverte par l'immense tumulte de ce
festival assourdissant. Les isolés sont fa
cilement des timides ; nous avions peur
ide nous tromper parce que nous f aisions
aine petite bande à'part.
Pour nous maintenir dans le 'droit
fchemin, nous: avions la tradition de
4'Eglise et nos livres de théologie. Mais
ion se moquait de nous quand nous par
lions de tradition et M. le chanoine Gau-
tteau ne saura jamais combien il était
inconvenant d'apporter une raison théo-
Ïogiqnedaïis une discussion d'idées, ;
Nous : avions les enseignements de
îvéon XÎII : ils étaient déformés à plai-
isir par les commentateurs d'anticham-
[br? ou.dô rédaction. On était traité do
iu rêfractarre » pour le seul fait do. dou
bler lai tant soit peu du droit divin de la
faémoûraiâe et des hautes fantaisies.
iTexégés«sur lesquelles on l'étayait. .
T Ah ! Monsieur le Chanoine, je vous le
répète • tous êtes un homme heureux.
JVbus n'avez jamais eu besoin de secours
JetranRBrB et de la bonne parole d'un pas-
jeani généreux. Il y a des gratitudes dont
'fe sens vous échappe et dont l'accent
*- la « psalmodie ». comme vous dites
DIEU PROTÈGE LA FRANCE /
7!m milieu des factions de toute espèce, vous 0'appartenez»
qu'à l'Église et à la Patrie.
Louis VEUILLQT : Programme de i'Untver» (18425
IBMjiSTMÔÎI 4 RtD VCTïOl : .
Part», 19, rue de» Salnt«*Pèm (¥î« arrond')
DÉPÔT A ROME i M, fU(S OB U gipKY)
tei manuscrits non inséré i nt sont pas rendus
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
19, rua des SalnU-Père»
ET SOCIÉTÉ DE PUBLICITÉ RELIGISU99
8, placo do la Bourse
TÉLÉPHONE 751*55
avec Tm' safcasmev — ' vous scâridaïlseV
C'est qùè vous avez toujours -été sûr de
vous-même. « Les gens sans défaut sont
terribles : on -ne .sait par où les. pren
dre », disait .à peu près Louis Veuillot.
Vous avez toujours; été sans lacune et
vous ne pouvez comprendre le bien que
nous ont fait tel article politique de Ch.
Maurras et telle même de ses études lit
téraires. Oui,' « maître », il le fut pour
quelques-uns à un moment' donné,
— non pas, certes, le maître à qui l'on
se donne sans réserve et dont on accepte
la leçon tout entière, mais u>n maître tout
de même parce que, pour une heure au
moins, il eut notre main dans la sienne
et qu'au. tournant de la route il nous
empêcha de nous perdre dans la forêt
sombre où tant de nos frères s'égaraient.
« L'exagération est le mensonge des
honnêtes gens », écrivait J. de Maistre.
Monsieur le Chanoine, -laissez les hon
nêtes gens exagérer un peu en parlant
de M. Ch. Maurras. L'excès de la recon
naissance n'est ni un péché ni une er
reur théologique. Il comporte peut-être
un peu d' « humilité intellectuelle »,
mais un acte d'humilité n'est pas un
acte d'humiliation, et vous .me pardon :
nerez de ne confier à- personne ni 1-e so'ui
de planter d-es bornes à ma grati tude ni
le souci de veiller sur ma . dignité per
sonnelle ou-ma fierté sacerdotale.
*
* *
Au reste, M. le chanoine' Gaudeau
tombe un peu lui-même dans... le men
songe des honnêtes gens. Il exagère. Il
avoue qu'il s'est « senti blessé dans la
fierté de sa foi » en entendant un prê
tre « demander pardon à ce Maître
d'avoir jeté au feu un de'ses livre s ,ù
causé d'une tache d'encre impie ». Et il
me fait remarquer avec beaucoup d'élo
quence que « les impiétés formelles ont
été très nombreuses & travers toute l'oeu
vre », que « la tache sombre, hideuse
de l'athéisme... demeure tout entière au
fond, à la base de tout ».
Mon Dieu! on pourrait peut-être dis
cuter ceci et je ne vois pas bien, par
exemple, comment la politique reli
gieuse de Ch.- • -Maurras est à base
d'athéisme. Pourquoi ne pas - admettre
qu^il y a des iliogismes chez Maurras
comme chez la plupart des-'hommes ?
Mais je ne veux pas entreprendre' avec
M. le chanoine Gaudeau une querelle
d'où je sortirais nécessairement vaincu.
Je commence par où Jacob termina sa
lutte contre l'ange : je me meis à ge-
noux et j'implore une bénédiction.
Il me semble seulement que nous ne
parlons pas l'un et l'autre la même lan
gue. M. le chanoine Gaudeau est ua
théologien et qui pèse les mots dans la
balance du sanctuaire. S'il était 'un -peu
plus familier avec notre idiome à nous,
les semi-profanes entachés d'une cer
taine culture littéraire," il saurait.que
nous avons à notre usage un las de figu
res malheureuses : celle-ci désigne la
partie pour le tout et celie-ià sacrifie
quelquefois à la courtoisie ce que la pen
sée peut avoir" en soi de trop absolu,
c'est-à-dire de brutal. Je les enseigne a
mes étudiants, je leur recommande de
ne pas en abuser ; mais de temps à au
tre il m'arrive à moi-rrfême d'en user dis
crètement. Un pur théologien est un
censeur cruel pour' nous notre dialecte
n'est pas tout à'fait le sien et c'est no
tre infériorité. Que voulez-vous que je
dise? 'Ml lé chanoine Gaudeau a -raison'
de veiller à ce que saint Paul appelait le
verbum sanum, ir.reprehenlibUe ; et moi
j'ai tort d'apporter en des lignes qui doi
vent passer sous ses yeux certains soucis
de la nuance ou simplement de la cour
toisie dont en vérité le gain ne vaut pas
l'effort.
Je n'insiste pas. Je me permets cepen
dant de faire remarquer à M. le cha
noine Gaudeau que le choix des mots est
quelquefois nécessaire au respect de la
vérité. Où donc a-t-il vu que je « de
mande pardon » à Ch. Maurras d'avoir
jeté au feu son Anthinéa ? Voici mon
texte : « Maître, vous ne m'en voudrez-
pas d'avoir jeté au feu le livre où se
trouve cette tache-(d'impiété) et d'avoir
souhaité qu'un jour ou l'autre, le plus
tôt possible, vous le détruisiez vous-
même. » Depuis quand lé « vous ne m 'en
voudrez pas » équivaut-il à un pardon
demandé, à une absolution implorée 1.
Et, sous prétexté de garder à notre foi
sa fierté -naturelle, nous est-il interdit
de parler français ou, comme disait l'au
tre, de nous servir de la langue que nous
avons dans la bouche ? • - -
M. le chanoine s'est aperçu,qu'il lisait
en s'aidant d'une loupe grossissante et
qu'à vouloir me. prendre en défaut il
finissait par se mettre lui-même en
faute. Il a voulu réparer, mais un peu
trop tard à mon avis et pas tout à fait
non plus. Le reproche qu'il me fait est
inscrit à la page 441 ; or, à la page 488,
à la fin d'un article sur le Déclin du
Bergsanisme, il introduit une note ainsi
conçue : « Au lieu d e :-En entendant ce
-prêtre demander pardon il faut lire :
demander presque pardon... » C'est ici,
Monsieur le Chanoine, que je pourrais
prendre le ton de la psalmodie et
m'àmuser à vos dépens; Vous avouez
presque l'erreur et vous demandez pres
que pardon. C'est presque de la loyauté
et presque de l'humilité, mais,* rejetée si
loin dans le fascicule et presque invisi
ble à l!œil nu, cette petite note est des
tinée à passer presque inaperçue. - Les
libéraux et les démocrates qui sont pres-
auç_ fiers d« vous depuis quelques jours
né 'sont pas allés jusqu'à l'a page 488, et
ils ont, — non pas pn^r/itc, — mais tout
il fait supprimé cette rectification. En
somme, c'est prrsiixc comme si elle
n'existait point et A r ous devez avoir sur
votre conscience de censeur de' vagues^
regrets qui ' sans doute ressemblent*
presque à un remords...
* -
* . *
La moralité del'incident est que M. le
chanoine Gaudeàu a mieux à faire qu'à
chercher-une épinglç dan» une meule de
paille et à crier qu'il l'a presque trou
vée. Qimr.ihi'tw bonus dornnlat Home-
rus... To'.i- 'es grands hommes ont de
ces di-su-ai-lious, de ce? demi-sommeils,
mais ce n'i-st pas ' cela qui fait leur
gloire. On nous accuse parfois nous au
tres, les adversaires du catholicisme li
béral, d'être des esprits tatillons et vé-
tillards ; on se trompe presque toujours,
pas toujours cependant.
Monsieur le Chanoine, vous ne m'en
voudrez pas de vous avoir dit, simple
ment et respectueusement, ce que je
viens de vous dire. Et quand j'écris :
« Vous tin m'en voudrez pas , » cela ne
signifie point que je vous demande par
don, m presque , ni tout à fait, ni même
lé moins du monde.- :
C. LECIGNE.
. La vérité
sur l'affaire Poutiloff
Le sort (Se l'alliance franco-russe
Nous savons aujourd'hui ce qu'il con
vient de penser de .l'affaire Poutiloff. Il est
devenu évident que ta combinaison Krupp
a • failli se réaliser. Ou assure même que
le : Creusot a vu le moment où il n'aurait
tfue -vingt-quatre heures avant de se-trou
ver devant le fait accompli..'
Impuissant à obtenir directement du
gouvernement, russe qu'il refusât cette sa
tisfaction à J'AHrnî.ignc, Je.gouvernement
de la République a dû se résoudre à recou
rir à un éclat public, lin ^'adressant à
l'opinion française.on était certain, en ef
fet, d'intimider la Piussie, qui est sur le
point de placer en France un emprunt de
six M-nts millions, pour les besoins .de ses
rhenvitis de fer, ■ ■ • •
iAinsi : s'explique-t-on que le gouverne
ment. russe ait dojuié satisfaction à la
l^rance. Krupp ne construira pas chez
Poutiloff une artillerie dont nous avons
fourni le modèle. Mais Krupp, sorti par
la' porte, ne rentrera-t-il pas par la fenê
tre? La preuve est faite aujourd'hui que
l'influence allemande est plus que jamais
puissante en liussie... . ■ , ■ ■
P.cste l'alliance franco-russe. Une al
liance qui est traversée d'incidents aussi
brutaux et aussi déconcertants que l'inci
dent Poutiloff, quelle garantie peut-elle of
frir? Quand' deux alliés doivent recourir
ii: la mena'/e pour régler leurs affaires
■ dlintérôts, quelle confiance peut-on . avoir
dans leur communauté d'idées et de sen-,
timents ? Partout s'élève Ja menace de
voir la "France, après avoir usé les seules
amitiés possibles, se -retrouver seule en
Etimpe, en. face do l'empire allemand.
Ainsi s'explique la panique dont le Parle
ment "est saisi depuis deux jours. Ainsi se
justifie l'inquiétude du pays.
Carnet du Dimanche
Napoléon et Grœthe
La célébration du centenaire de la ba
taille de Leipzig de 1813 a été, en Allema
gne, accompagnée d'une foule de réminis
cences historiques et militaires, publiées
dans les -périodiques les plus divers.
Aucun d'eux, pourtant, n% évoqué le
souvenir des relations entre Napoléon et
Goethe, quoique ce dernier passe, aux yeux
de nombreux Allemands, comme le plus
grand Allemand des temps modernes. . .
Cet oubli est évidemment dû au fait que
Gœlhc fut un des admirateurs les plus fer
vents du génie de Napoléon. Le duc de
Saxe-Wcimar, un des nombreux princes
allemands présents au Congrès d'Erfurt
en 180S, y avait fart venir Goethe, son mi
nistre d'Etal. Le duc, qui Jaisait partie de
la Confédération du Rhin, y joua un rôle
assez effacé parmi lés vassaux dé Napo
léon. L'Annuaire des Bibliophiles alle-
mands . (1905-1906) publie à ce- sujet une
lettre adressée à Fritz von Stein. On y rai-
conte qu'à l'arrivée du roi de Wurtem
berg la garde du palais où Napoléon était
descendu s'apprêtait à saluer le souverain
souabe 'pur-un triple roulement de tam
bour, lorsque l'officier de garde cria:
« Taises-vous, ce nïest qu'un roi ! »
Napoléon marquait fort peu de préve
nances aux divers princes"allemands ve
nus à Erfurt. Il fut plus aimable pour
deux célébrités littéraires' : Wieland et
Gœthe. Ce dernier fut reçu le 2 octobre
4S08 par Napoléon. L'empereur était à ta
ble, en compagnie de Talleyrandt et 4e
Daru. Napoléon le fixa à son entrée dans
la salle à manger et lui dit : « Vous êtes
un homme! n La conversation fut ce
qu'elle pouvait être entre deux si grands
génies, pourtant si différents l'un de l'au
tre. ■ ■■■ - •
Quatre- jours après celte première au*
dieuce* il v eut bal paré à la résidence de
Napoléon. Gœthe y parut. L'empereur,
après aqoir échangé quelques paroles avec
le tsar Alexandre, alla directement vers
Gœthe pour lui parler de l'art dramatique
et l'inviter à venir à Paris, Puis, avant de
quilier Erfurt, Napoléon nojnma Gœthe
chevalier de la Légion d'honneur.
La lettre de remerciements de Gœthe,
adressée à Laplace, grand chancelier, da
tée. du 12 novembre 1808, et rédigée en
français, se trouve aux Archives de l'an
cien hôtel du prince de ■ Salm-Kyrbourg,
l'actuelle chancellerie de la Légion d'hon
neur. Gœthe y parle de Napoléon dans les
termes les plus enthousiastes.
Quatre ans après, il se trouva, en juil
let 1812; aux eaux de Karlsbad en même
temps que l'empereur et l'impératrice
d'Autriche, beau-père et belle-mère de Na
poléon. Il leur offrit des stances sur leur
fille Marie-Louise, dans lesquelles Napo
léon était célébré d'une façon dithyram
bique.
Un tel homme n'était pas fait pour se
laisser en Indurr dans un courant contrai
re, dés la nouvelie du désastre de Moscou.
El il n'était pus le sent, dans ce cas, dans
les milieux. classiques littéraires de Wei-
7n ar. •
l'tt-'-ditHotnale- français, qui mourut à
Paris, presque'- nonagénaire, le 21 mai 1858,
Nicolas Rousseau,- comte de Saint-Aignan,
plénipot.evi?'.« /re. français dans les diverses
cours saxonne.?, connut intimement ces
milieux. H crut pouvoir juger le peuple al
lemand de itil2
Dans un rapport daté du 3 août 1812, il
dit : ■ ■ :
« Les Allemands sont une juiliori douce,
apal -hiquc et religieuse. Si on les laisse s'oc
cuper de m-êluphijxique, de discussions lit
téraires,d'idées inijsl'KiueSjde franc-maçon
nerie et de magnétisme, cela leur suffit.
C'est sur ces objets que se dirigent tous les
.esprits qui s'élèvent au-dessus de la classe
médiocre, plus-ttovibr.euse ici,, je crois, que
partout ailleurs. »
La-veille de la dernière coalition générale
le duc de. Wcimar, ayant foi dans la desti-
née de Napoléon, demanda au comte de
Saint-Aignan si dans les . changements
qu'il présumait que la pacification générale'
produirait en Allemagne il ne pouvait pas
espérer que Na
de lu Maison ducale de Saxe-Weimar.
r L'enh elien entre le duc de Saxe-Weimar
et \e. coiïite de Saint-Aki.nan eut lieu le-
16 juin ISIS. Comme, le. ministre de France
était ancien éc'uyer de Napoléon, le duc
comptait beaucoup sur cette influence. • Il
demandait simplement le comté de Blan-
kenhaijn, ancienne enclave .de l'Electoral
eclcsiastiquc des princés-élecleurs-archevê-
ques de 3Tayevce', ainsi qvè la ville d'Er
furt et.-son UUrilowe, également enclaves
de la même prinçhpusité ecclésiastique,
c'esl-à-dire un larriloirc catholique aussi
étendu qu'un' département j tançais moyen.
De plus, il demandait d'avoir la supréma
tie sur les autres lignes ducales de Saxe et
une pari à la succession de Golha.
Le. comte de Saint-Aignan relate dans
son rapport, adressé au duc de Bassano,
ce qui sujl :
« Il n'a d'autre raison à alléguer en sa
faveur, m'a-t-il dit,.que la volonté de l'em
pereur qui peut bien intervertir l'ordre de
celte succession dans la Maison de Saxe-
Gotha, si bon lui semble. Ces prétendions
et d'autres encore, qui sont si -démesurées
que je n'en parle même pas à Votre Excel
lence, prouvent que ce. prince a bien de
l'inconséquence -dans :.sa -conduite et qu'il
y a encore plus de maladresse que de. mau
vaises intentions.dans tout ce qu'il fait. »
Pendant ce lemps4à, Gœthe s 'était retiré
dans une petite, station balnéaire. Il ne re
vint à W(dinar que vers la fin du irwis
d'août 1813-. Ayant eu. à loger le. général au
trichien comte Coiloredo, celui -ci lui re
procha de porter encore les insig7ies de la
Légion, d'honneur. Gœthe répondit, non
sans noblesse : « Ce n'est pas une raison
de renoncer é une distinction, donnée par
un grand- souvera'm, parce qu'il a perdu
une bataille ! »
.Lors de. la levée, en masse après lès jour
nées de Leipzig tout le duché de Saxe-Wei
mar n'avait à enregistrer que trente-deux
volontaires. Gœthe, en sa qualité de minis
tre, refusa aux jeunes, employés de l'Etat
de leur rendra leur, situation après la cam
pagne.
Les Pères Baunigarten et Aloys Stock-
niann, de la Compagnie de Jésus, racon
tent dans leur Vie de Gœthe (Fribourg et
Strasbourg, 1913, chez Hcrder) que le fds.
de Gœthe voulut s'enrôler comme volon-'
taire, inais que son père, ne le permit pas.
«. Gœlhc, disent les deux auteurs, ne le
permit pas; on pourrait l'excuser.en.remar
quant-que -c'était -.son enfant unique, mais
en soxnm.e le fait, prouve que Gœthe n'était
guère animé d'un esprit élevé de patrio*
tisr/w cl d'alrné{iation. »
Comme il fallait caser le jeune, homme
quelque, part, pour qu'il né fût pas la risée
de Weiinar, il fut envoyé à la Légation de
Weimar à Francfort, auprès du prince-
primat, où il répandit, d'après. Charlotte
von Stein, de l'eTicre aù lieu de sang. Et
lorsqu'on célébra à Weimar. par un Te
Deum l'entrée dés alliés à Paris; Gœthe,
ministre d'Etal, fut, grâce ' à un rhuma
tisme aigu, dispensé, d'assister à la céré
monie. Le rhumatisme ne cessa que. le
30 mars de l'année suivante. El alors ce
même Gœihe fit jou&r un lever de rideau :
I^e réveil d'Epiménide. C'était du patrio-
tisinc post festuai, . .
H.-G. FBOMM.
L'Ame héroïque
de Déroulède
" —
Dans le troisième volume de son ou
vrage, Du Dilettantisme à l'Action , M. le
chanoine Lecigne esquisse le portrait du
héros qui vient de mourir.
Nos lecteurs seront heureux qu'on leur
mette sous les yeux quelques pages de
cette étude consacrée à la fois au soldat,
au poète et à l'homme politique.
Il serait peut-être monotone d© suivre
Paul Déroulèdes pas à pas, à travers son
épopée militaire. Elle ne nous sera qu'une
occasion de peindre son âme.
On connaît sa physionomie ; elle est po
pulaire. La taille est élevée, svelte, presque
effilée, .ooimmie la lance d© nos dragons. On
dirait que la nature s'est essayée en un
symbole et qu'elle a voulu mettre dans la
forme extérieure de l'homme q.ujelqu-e chose
de ce « sursu-m », de ces aspirations ailées,
de cet élan vers les régions supérieures
qui caractérisant sa poésie. La tête monte,
très belle, très fine ; elle s'en va très haut,
au-dess us du terre à terre et die toute prose,
comme une strophe de Lamartine ou... com
me un couplet de Déroulède. Il est lyrique
de la tète aux .pieds ; il est lyrique... jus
qu'au nez. Car, il n'a pas seulement l'âme
de Cyrano ; a en a aussi le nez paradoxal.
J'ai lu qu'un jour le sculpteur Frémiet vou
lut le consoler de ce cap anguleux qui dé
core son visage. Il lui offrit un fragment
de statue tombale qui reproduisait exacte
ment la forme et i&s dimensions de 'son nez,
et il -lui affirma que tous les chevaliers du
xiii" 3 siècle avaient .le profil taillé sur ce
modèle. Le rapprochement ne manquait
pas de vérité; -M. Paul Déroulède ressuscite
parmi nous les paladins d'autrefois. Je ne
suis pais sûr que die nez en bec d'aigle soit
nécessairement l'emMèrrfâ extérieur de
l'âme héroïque. Il serait, en tout cas, chez
M. Pauît Déroulède, une enseigne qui ne
ment point.
Au moral, un mot le résume. C'est un
enthousiaste. Il n'est pas de ces hoimmi&s
complexes qu'on ne peut réduire à quel
ques traits dominant^ sa,m les mutiler.
Ceux qui agissent sous d'influence' d'une
grande passion, qui s'obstinent à vouloir
une 'chose, à la vouloir fortement et uni
quement, se prêtent .plus facilement que
d'autres, par l'unité mêm-s de ieur vie, à
ce procédé de synthèse qui .est la condition
même du portrait. M. Paul Déroulède est
donc un-enthousiaste. Tâchons de Je re
trouver à l'armée de Châlons. C'est sur le
champ, dé bataille qu'il va se révéler à
nous. Son jeune "frère André n'a que dix-
sept ans et il réclame à son tour l'honneur
de ;couri-r à la frontière. Mm© Déroulède
hésite d'aibord, et puis, en digne mère de
ces deux héiros, elle consent. EiEe fait plus,
die conduit elle-même son enfant à l'ar
mée. Malade, le coeur navré, >ei'.ile prend le
chcsnin de Reims, avec son .petit soldat qui
a l'air d'un enfant de choeur. Elle rejoint
l'aîné .au village de la" Neuville-en-l'ou-rne.
Efiile le chercha des yeux dams la cohue
des zouaves, 0lle lie" «ijonnut : avec sa
■haute faillie et sa chéchia rouge, il avait
l'air -d'un grand .coquelicot parmi les blés.
Et'il y eut 3à des scènes sublimes, dignes
die tenter à la -lois 3a. ilyve d'iwi poète -et
le pinceau d'un grand peintre. Dans la pe
tite chambre d'auberge où cette mère a
installé ses ffis pour un jour, elle leur de
mande de se reposer un peu, de prendre,
comme effile dit, « un peu de sommeil pour
celui qui va leur manquer bientôt ». Ils
-stendorment, et, quand ife rouvrent les
yeux, i.'s Aperçoivent à leur chevet, les
yeux fixés sur eux, le visage baigné de ïar-
nies, les mains •crispées sur le bois du lit
pour ne pas tomber. Et ils pleurent avec
elle ; elle les arrête, eille les fait mettre à
genoux, .elie leuir dit®: « Meis enfants,prions
pour la France ! » —. « Prière imuette, —
écrit Déroulède, — où nos lèvres ne remuè
rent pas, mais où l'angoisse et l'espoir de
trois cœurs français montèrent en un seul
éja-n jusqu'à Dieu. » Quelques jours plus
taid, sur le champ de bataille de Sedan,
André reçoit une balle en pleine poitrine.
Paul de met sur ses épaulLes, le trains à
t'ambul-ance,l'accompagne jusqu'à Bruxel
les... et vaincu, captif de iLa parole donnée,
il prend le chemin de Berlin et se consti
tue prisonnier de guerre.
L'héroïsme de Dédoulède n'a rien de ba
nal. Il me paraît un merveilleux exemplai
re d© ce panache que M. Edmond Rostand
n'a pas inventé, mais qu'il a défini « l'es
prit de la bravoure ». Les deux choses se
mélangent chez le vaincu de Sedan : c'est
un héros, et sur son front il a ce quelque
chose qui monte, qui remue, qui frissonne
dans l'air et qui est gai comme un rayon
de soleil : c'est le panache. Regardez plu
tôt. Piendiant que son frère se guérit len
tement de sa blessure, Paul Déroulède gé
mit sur la paille humide d'une casemate.
Il garde là toutes ses fiertés, toutes ses au
daces, tout son esprit. Le commandant de
la place, très au courant de la langue
française, surveille sa correspondance. Un
beau jour, il tombe sur cette phrase : « Je
suis profondément malheureux, au milieu
de oes troupeaux de Prussiens. » Il manda
Déroulède et lui fit observer que les sol
dats allemands formaient une troupe et
non pas un troupeau. « Je vois avec plai
sir, lui répondit Paul, que vous saisissez
toutes les nuances de la langue françai
se. » On le renvoya dans un cachot étudier
toutes les nuances... do la langue alle
mande. Mais le prisonnier s'évade sous la
houppelande d'un Juif polonais, diminue
son nez sous d'énormes . lune.ttes, gagne
la frontière, traverse la Bohême, l'Autri
che, l'Italie. A quelques jours de là, il ar
rivait à Tours et sonnait à la porte de
Gambetta. « Que venez-vous faire ici? »
]ui demande 3® dictateur. — Offrir une se
conde fois ma peau ! » réplique le zouave.
Gambetta l'envoie à l'armée de l'Est et le
nomme capitaine; Déroulède n'accepte que
le grade de sous-lieutenant. Il fait coudre
son galon sur la pelisse du Juif polonais
et, avec plus d'audace que jamais, il se
rue à la bataille, à la tête de sa compa
gnie de turcos.
A l'armée de l'Est, il est partout où il y
a un coup de main à donner, et un coup
Be feu à recevoir. C'est miracle .qu'il
échappe à la mort. Il déploie sur la route
sanglante qui va de Bourges à la grotte
de Covatan toutes les qualités qui seront
bientôt le secret de son ascendant sur la
foule. II fait songer à ces vieux Celtes qui
allaient au devant du péril, la poitrine
découverte, comme s'ils avaient rougi de
le reconnaître. Ses turcos le suivent, ar
dents et fanatiques, comme s'il les condui
sait à la guerre sainte. Us l'appellent « le
grand Parisien ». Ils lui disent : « Quoi ti
faire, ma lieutenant ? », et ils vont au feu,
à la baïonnette, par bonds, en criant,
heureux d'un cigare qu'il leur donne ou
d'un sourire qu'il leur accorde. Les ou
vriers de Paris diront un jour de Dériou-
lède : « Celui-là, nous sommes prêts à le
suivre, car nous savons qu'il sera le pre
mier à se faire casser la tête. » En une
langue différente, c'est à peu près ainsi
que raisonnent les turcos de l'armée de
l'Est.
11 est impossible de refuser son admira
tion au héros de Montbéiia.rd. Pourtant on
est inquiet sur ses pas ; : i-l va ti'op vite ; il
court, il voie, il dévore l'espace, là où il
faudrait parfois des lenteurs et des pruden
ces. Il avoue de lui-même : « Je hais le fu
tur de tous les verbes ». C'est un défaut
chez ' un homme qui sera demain le chef
d'un parti et qui aura l'ambition de conduis
re les foules. Le but est-là, fixe, attirant ;
il faut louvoyer pour l'atteindre ; dl y a des
hailtes et des courbes qui s'imposent, une
certaine stratégie dont il ne faut pas se dé
partir sous peine de risquer le dénouement.
M. Paul Déroulède va droit devant lui ; la
poudre l'éc-hauffe, te grise. Il est déjà sur
îes champs de bataillé ce qu'il sera un jouir
dans les luttes politiques. Au soir de Mont-
béliard, le commandant Lanes lui serre, la
main et île propose pour la croix d'honneur,
mais il ajoute aussitôt : « Course trop ra
pide ; attaque poussée trop loin ; trop peu
de souci de la vie des hommes ; plus de
chance que ée sagesse; témérité n'est pas
courage ». Ce sera souvent la même anti
que des opérations, après les batailles li
vrées par M. Paul Déroulède.
Et pourtant il est- impossible de refuser
son admiration à cet homme qui a tant de
courage à la fois et tant d'esprit, qui sait
mettre dans l'héroïsme tant de noblesse mê
lée à de si bonne grâce. Un trait Je peint
sous le double aspeot de sa physionomie.
Le jour où Mac-Mahon entre à Paris, Dé
roulède commanda un bataillon de Veraail-
lais. Une banricade l'arrête dans la rue. Ses
hommes hésitent ; P. Déroulède marche
seul. A cinquante mètres une femme fait
feu sur lui ; il- ne bronche pas. Un second
coup de feu retentit: il avance toujours.
Enfin, il est debout sur la barricade, il ins
pecte tranquillement la rue, s'assure qu'elle
est libre ; et, s'inclinant avec une grâce de
geiutihomme -devant la pétroleuse stupéfai
te:: « Madame, dit-i ! l, je voudrais-vous fé
liciter, mais vous tirez si mal ! » Et il fait
avancer ses hommes.
Il semble qu'il a été créé -et mis au mon
de ipour démontrer à la France que les hé*
ros de Corneille nie sont pas pris dans l'ir-.
■réel, qu'ils sont au moins des êtres possi
bles, à certaines heures et dans certaines
conditions. Il fait les gestes, il dit les mots
qu'on voit et qu'on ©ntend seulement dans
les légendes et dans tes tragédies. Je ne
Il'admire pas en bloc et sans contrôle ;
mais, lorsque je vois quelqu'un sourire de
/lui, ÏL me froisse comme s'il riait die ce
qu'il y a de -plus 'beiau dans l'âme natio
nale et de ce qu'il y .a de plus noble dam
'lie caractère français.
C. LECIGNE.
Échos
Paul Déroulèd
Déroulède étant en exil, à Saint-Sébas
tien, rossa un jour un agent qui, à sou
gré, l'épiait de trop près.
Le gouverneur lui en fit reproche.
—■ Soit, répondit 'Déroulède, je ne re
commencerai pas, mais qu'on se tienne à
cent mètres de moi.
Le lendemain, il recommença. Nouvelles
observations du gouverneur, auquel il
montra sa canne :
— Si ©lie a cent mètres, dit-il, je recon-i
nais mes torts.
»
* *
Ayant repris du service, après son éva
sion des geôles allemandes, Paul Dérou
lède prit part à la répression de la Com
mune. Il le fit avec humanité.
Pendant les journées de Mai, conduisant
un détachement, il frappe un jour à la
porte du logement d'un fédéré. Celui-ci!
était occupé à arracher les bandes rouges:
de son pantalon. Son sabre et son livret
militaire traînaient encore sur son lit.
— Comment ! dit Déroulède à l'homme.
Vous avez été soldat et vous tirez sur des
Français ! Car c'est vous qui nous forcez
à faire cette guerre !
— Pardon, interrompt le fédéré, en bal
butiant, ce livret n'est pas à moi, il est à!
mon cousin.
— Ah ! fit Déroulède en le regardant
dans les yeux. Eh bien ! dites à votre cou
sin qu'avec des bandes de pantalon è,
moitié arrachées, ce sabre sous ce lit, ce
livret sur cette cheminée et votre nez noir,
de poudre, il y a plus qu'il n'en faut pour
le faire fusiller si je voulais. Dites ça de
ma paTt à votre cousin.
Et Déroulède laissa la vie à l'insurgé,
qui raconta, plus tard, cette anecdote.
*'
* *
Il est vrai que, blessé à l'épaule, et trans
porté sur une civière, il vit arriver vers
\ui une femme du peuple qui criait :
— C'est mon mari !
Et Déroulède, souriant et indulgenï, r&
pondit .
— Des maris comme ça, la petite mère^
on t'en fichera!...
»
-. * •
Sous ce litre : « Choses vues », l'Action
française nous doime l'anecdote suivante :
Hier; M. Alfred Dreyfus, accompagné d'un
colonel .d'artillerie en ténue — un colonel
de-même race que lui —passait dievant
la gaie Saint-Lazare, au moment où Les
camelots vendaient la Patrie encadrée def
deuil et annonçait la mort de Déroulède»
Les deux compères ricanent. Quel front*
mage au grand patriote 1
C ebc AMORi
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 71.06%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 71.06%.
- Collections numériques similaires Clément Janin Noël Clément Janin Noël /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Clément Janin Noël" or dc.contributor adj "Clément Janin Noël")Exposition Bernard Naudin : Pavillon de Marsan, 1912 / Union centrale des arts décoratifs ; [introd. de Clément-Janin] /ark:/12148/bpt6k323578w.highres Coups d'oeil sur Paris / Clément-Janin ; illustrés de 84 compositions de Charles Heymann ; dont 21 eaux-fortes originales et 63 dessins gravés sur bois par P.-E. Vibert /ark:/12148/bpt6k15223292.highres
- Auteurs similaires Clément Janin Noël Clément Janin Noël /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Clément Janin Noël" or dc.contributor adj "Clément Janin Noël")Exposition Bernard Naudin : Pavillon de Marsan, 1912 / Union centrale des arts décoratifs ; [introd. de Clément-Janin] /ark:/12148/bpt6k323578w.highres Coups d'oeil sur Paris / Clément-Janin ; illustrés de 84 compositions de Charles Heymann ; dont 21 eaux-fortes originales et 63 dessins gravés sur bois par P.-E. Vibert /ark:/12148/bpt6k15223292.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k715304g/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k715304g/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k715304g/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k715304g/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k715304g
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k715304g
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k715304g/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest