Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1904-01-13
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 janvier 1904 13 janvier 1904
Description : 1904/01/13 (Numéro 13087). 1904/01/13 (Numéro 13087).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7116787
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi 13 J anvêer 1904
Edition quotidien». 18,087
Mercrôdi 13 Janvier 1904
" ÉDITI ON QUOTID IENNE
P&RIS ÉTRANGER
et déroutements _ (union postale)
Un an 25 » 36 »
Six mois .13 » 19 »
Trois mois 7 » 10 »
' Les abonnements partent des 1 er etl6.de chaque mois
.UN NUMÉRO i TParis «Se Départements 10 cent.
v / • „ . —-
BUREAUX Paris, rue Cassette, 17 (VI e arr.)
On. s'abonne à Rome, place du Gcsù, 8
ÉDITION SEMI-QUOT IDIENNE v*.;
PARIS "ÉTRANGER c
ET DÉPARTEMENTS • "(UNION POSTALE)
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Un an.'.13 »
Six mois ' 7 .»
Trois .mois..... ; 4 »
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ET
LE MONDE
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Le3 abonnements partent des 1" et 16 de' ebague moi*
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressas
• r ' • ' i i , 4 . „ .J" *
■; î ANNONCES .. % ,
MM. LAGRANGE', CERF et C>°r G, place de la Bourses
PAKIS, 12 JANVIER 1904
, SQMA14ÏRE "
M. 'Delsor, le député
. alsacien H. Csm.
&a politique des af-
faires F. V.
La semaine spor
tive . ' Jacques C lbrval.
Feuilleton : - Bal
lanche G eoffroy de G rand -
maison.
BuHeSin. ■— Nouvelles de Rome. — An
joot le Jour. — M- l'abbé Loisy. —
L'expulsion de M. l'sbbé Delsor. — A la
Semaine deCambrai. — L'ailaire Cornu-
lier-Lucinière. — La musique sacrée. —
Lee congrégations, — La liberté de la
presso. — Informations politiques et
parlementaires. — La mort de la prin
cesse Mathilde. — Le banquet du com
merce et de l'industrie. — Le discours de
M. Combes. --Congrès des municipalités
scialistes. — En Extrême-Orient. —
Etranger. —- A travers la presse. —Les
grèves. — Vols sacrilèges. — Lettres,
soienoes et arts. —Institut catholique
de Paris. — Cours et conférences. —
Echos de partout. — La neuvaine de
Sainte Geneviève. — Néorologie. — Tri-
- bunaux. — Nouvelles diverses. — Cb-
lenlrier. — Bourse et bulletin finan
cier,.— Dernière heure
M. DELSOR -■
LE DÉPUTÉ ALSACIEN
L'incident de Lunéville prend lès
proportions d'un grand événement
politique. Une interpellation est dé
posée à la Chambre, et samedi le
Sillon convoque une réunion de pro
testation. L'Alsace sera heureuse
de recevoir l'écho de l'indignation
soiilevée par l'ukase du préfet de
Nancy. M, Delsor est une des per
sonnalités les plus sympathiques,
les plus populaires, les plus aimées
d'Alsace. Il porte au cœur un dou
ble amour, l'amour 4© son pays, et
l'amour de sa foi. Sa vie tout entière
s'est passée au service de l'un et de
l'autre. Il n'a jamais connu d'autre
ambition. Il saura la garder intacte
jusqu'à la. mort. Dans l'enseigne
ment comme dans le ministère, dans
la presse comme dans la vie publi
que, il a consacré sa parole et sa
plumé à. la défense des plus nobles
©t dos -plus saintes libertés.- L'Alsace
lui en est reconnaissante. Elle com
prend que, si ce n'est pas la voie
qui conduit aux postes élevés, c'est
sûrement le chemin de l'honneur et
de la dignité. '
- M. Delsor est député de la cir
conscription d'Ersteia-Molsheim qui
l'a envoyé à la Chambre de Berlin
avec une écrasante majorité. Il fait
partie de ce. groupe alsacien formé
pour revendiquer l'autonomie de!
notre petite patrie, chargé de dé
fendre nos droits et nos libertés. Il
vient de déposer sur les bureaux de
la Chambre une motion tendant à
faire nommer les députés de notre ;
délégation provinciale par le suffrage,
universel et à assurer à notre pays
les mêmes droits que les autres!
■Etats de l'empire. Il a contribué
dans une large mesure à l'abolition {
de la dictature, toujours prêt à pro- ;
tester contre les atteintes infligées
à nos libertés, toujours prêt à se|
porter là où il y a le plus de danger !
a recevoir des coups.
Les droits et les libertés qu'il dé
fend à la tribune de Berlin et dans
les réunions publiques, il les reven- ]
dique avec plus d'ardeur et plus de f
talent encore .dans la presse. Il est ?
le fondateur de la Revue catholique »
cVAlsace,qui, depuis près de. trente
années, jouit d'une considération
toujours croissante. C'est dans cette
Revue qu'il publie ces- bulletins po
litiques tant remarquas, bien pen^
«éSj -bien ''écrirs,"lmarqués dé* son"
cachet. Un de ces bulletins lui a
valu trois mois de prison. Il les a
passés à Mulhouse méditant dans sa
cellule sur les moyens de se rendre
encore plus utile à son pays.
Depuis près de trois ans il a fondé,
avec un groupe d'amis politiques, le
Volksbote de Strasbourg. C'est de
toutes ; les feuilles politiques d'Al
sace la plus militante, la plus éner
gique, la plus actuelle. Aimé des
uns, craint des autres v estimé de
tous, le journal de M.. Delsor est un
modèle du genre, par ses allures
martiales, par sa science de bon
aloi, par son système de renseigne
ments, par le dévouement et la
science pratique de ses collabora
teurs. Que de belles batailles livrées
le long des derniers dix-huit mois !
Que de splendides - bulletins de vic
toires à son actif !
En Alsace, les catholiques ont
maintenu partout leur situation.
Dieu.sait au prix de, quels efforts!
Ils sont depuis de longues années à
la tête du mouvement social. Nulle
part l'œuvre des cercles ne brille
d!un si vif éclat; les réunions publi
ques, les conférences, les réunions
populaires sont à l'ordre du jour.
Nous avons nos orateurs, nos chefs,
nos soldats, et ces orateurs parlent
toujours devant de nombreux audi
toires, et ces chefs sont toujours en
tourés de troupes d'élite, et ces sol
dats sont toujours prêts aux rudes
combats. M. Delsor est. un de nos
orateurs les plus populaires, un de
nos chefs les mieux suivis, un de nos
plus vaillants soldats.
Il ne sait jamais jse dérober à nos
invitations;il ne refuse jamais de se
jeter dans la mêlée et son épéé est
toujours au service des humbles et
des petits.
Il aurait aimé redire quelques-uns
de ces accents aux Alsaciens de
Lunéville, leur parler, dans l'inti
mité, de leur foi et de leurs croyan
ces, leur rappeler quelques pieux
souvenirs de la patrie, leur parler
de la douce Alsace, de sa fidélité
à son Dieu, Et il a dù refouler dans
son cœur blessé ces nobles senti
ments, expulsé, du sol français et
conduit aux frontières comme un
criminel.
IL est rentré à Marlenheim, dans
sa petite paroisse,.- accompagné des
regrets et du respect de tous les
gens de bien. Il y continuera son la
beur et son dévouement, sans espoir
de monter plus haut. Ce pendant le
préfet de, l'expulsion ira sans doute
porter dans un poste plus élevé lé
"stigmate de son infamie. Il l'aura
bien mérité !
II. Cetty.
; —:—+ : —
VULLETIPC
C'est aujourd'hui que rentrent les
Chambres, en session ordinaire.
■ Au Sénat s la nomination du bureau
ne donnera lieu à aucun incident ; M.
Fallières est président inamovible..
. Au Palais-Bourdon, le Bloc se comp
tera sur le nom de M. Brisson qui pa
raît ne pas devoir obtenir cependant
tous les suffrages des frères et amis.
. M. Combes a prononcé. hier un
« grand discours » au banquet du com
merce et de l'industrie ; il a réédité les
habituelles rengaines sur le cléricalis
me, et il a, dans le couplet de la fin,
recommandéchaudement pour aujour
d'hui la candidature Bris son.
Prenez mon ours : reste â connaître
le degré d'enthousiasme avec lequel on
le prendra.
Une information de /'Agence Havas
annonce que le conseil d'enquête,réuni
pour statuer sur le général de Cornu-
lier-Lucinière, s'est^ro^omé c(^Urele&
vœux du ministre de là guerre.
L'incident survenu entre la France■*
et le Brésil est résolu d'amicale façon;
à la suite d'un échange de notes entre
le gouvernement brésilien et notre min
nistre à Rio-de-Janeiro, le modus Vi
vendi commercial est rétabli.
Les nouvelles d'Extrême-Orient sont,
plus rassurantes^ ; la Russie 'fait d'ap
préciables concessions en ce qui touche^
la Corée, et l'impression, même en An
gleterre, est à la paix.
Les déclarations de M. Balfour, sur,
ce point, doivent être signalées.
En Espagne, l'opinion publique blâ-k
me, en majorité, la campagne de mee
tings contre le nouvel archevêque dé
Valence ; trois orateurs arrêtés dans;
ces meetings ont été remis en liberté,
Le comité des généraux et des ami
raux va déposer un projet relatif àv
l'escadre. H
- La cour de Serbie, devant la grève à
peu près généra le des ministres è tran-.
gers, a décidé qu'il n'y aurait pas de ré
ception pour le jour de Van (ancien
style) •
Au Somaliland, lés Anglais ont tué
un millier d'hommes au mullah ; ils
ont perdu deux officiers et 0 nt -il ■ sol
dats blessés. -
NOUVELLES DE ROME
On télégraphie de Rome :
Rome, ii Janvier.
Le Pape a reçu l'évêque d'Orléans.
__ ; :. ; r —
li POLITIQUE ET LES AFFAIRES
Il existe un « Comité républicain
du commerce et de l'industrie »,
dont la fonction paraît consister à
peu près uniquement à proclamer
sa fervente admiration pour le mi
nistère. Hier soir, il avait l'honneur
de traiter M. Combes et d'être ad
mis à lui offrir l'encens. Son prési
dent, un certain. Mascuraud, qui
prétend se donner pour le repré
sentant du commerce national, en
pérorant dè.la politique avec tout le
génie habituel au café du Commerce,
a promu notre petit président du
conseil au rang de grand homme. A
quoi M. Combes a répondu par un
long discours, où il a clairement
laissé voir que le Mascuraud lui pa
raissait homme de sens et de goût.
M. Combes étant proconsul, il
convient de critiquer ses manifes
tations oratoires ou tout au moins
verbeuses ; et c'est pourquoi nous
devons dire un mot de son discours
d'hier soir: Mais, quand nos lecteurs
en auront parcouru le texte, ils es
timeront peut-être avec nous que ce
serait perdre son temps que de si
gnaler cette harangue officielle au
trement que pour en constater le vide
et l'insipidité.
Proclamer que tout est pour le
mieux, que la France n'a jamais
été ni plus glorieuse, ni plus pros
père, ni plus tranquille; affirmer
que ce bonheur. et cette grandeur
sont dus au génie de M. Combes, en
dépit des manœuvres éhontées d'une
opposition sans scrupule, — opposi
tion qu'il faut combattre avec achar
nement,bien qu'elle soit écrasée sans
retour, — ce sont là des exercices, de
médiocre intérêt, dont la galerie est
lasse, et qui n'ont d'autre importance
que de démontrer à nouveau l'étroi-
tesse et la pauvreté • d'esprit de M.
Combes.
Aussi n'aurions-nous rien déplus
à dire de ce discours banal et fiel
leux, lardé de plaisanteries bas
ses et lourdes, si M. Combes n'a
vait jagérà propos d'y introduire
Le président du conseil a chaude
ment félicité le « Comité républicain
du commerce et de l'industrie » de
savoir allier fort ingénieusement la
politique et les affaires.
A vrai dire, l'expression n'est pas
nouvelle ; mais tout le monde sera
d'accord -pour trouver que, dans la
bouche du père d'Edgar Combes,
elle est particulièrement heureuse.
F. V.
Aïï JOUR LE JOUE
Il y a déjà vingt ans—à l'époque de l'af
faire Wilson— feu Francis Magnàrd écri
vait que la création d'un nouveau minis-<
1ère s'imposait : celui des Recommanda-*
tions et Faveurs.
; Nous avons fait du chemin depuis lors.
Les députés sont tellement assaillis par
les solliciteurs qu'ils ont prié la questure
de leur faire établir des formules de re
commandations qu'ils n'auront qu'à signer.
Mais, comme il y a deux catégories d'é
lecteurs : ceux que l'on ménage et ceux
que Ton berne, nos honorables ont com
mandé deux sortes de formulaires. Le
premièr-— dit l'Eclair qui divulgue oe
piquant détail — le premier sur papier
grand format, le format spécial dit papier
ministre, est la lettre banale en sa solen
nité ; il est ainsi disposé :
République française ' . \
CHAMBRE ' ' -
DES DÉPUT&S * " ;
— Paris, le i90
Monsieur le ministre,
' J'ai l'honneur de vous recommander :
Veuilles agréer, monsieur le ministre,
l'asmrance de ma haute considération. !
L'autre est moins solennel, moins pom
peux ; mais, comme on va le voir, infini
ment plus pressait; le format est plus pe
tit et, par suite, plus intime, plus fami
lier^ ,, ,
■■■?■République française,.
chambre
dbs députk8
190
• Paris, le
' ' Monsieur le ministre,
J'ai l'honneur d'appeler d'une façon
toute spéciale votre bienveillante attention
sur
' ■ .'î '
Veuilles agréer, monsieur le ministre,
l'assurance de ma haute considération.
Les députés vont encore maugréer con
tre les indiscrétions de là presse; quant
£ïtx s,olUulteurs, les voilà ijlen et dû
ment avertis. Qu'ils n'acceptent que le se
cond formulaire I ... .
Les Américains poussrent décidémentun
peu loin l'amour des excentricités sensa
tionnelles.
Témoin cette nouvelle : on annonce qu'à
l'exposition de Saint-Louis, qui aura liéu
cette année, les vêtements des malheu
reux souverains de Serbie, assassiné»
dans des circonstances encore présentes à
toutes les mémoires, seront sans doute
exhiMS. En même temps, on verra diffé
rents bijoux dont l'un fut offert à la reine
par Nicolas II ainsi qu'une robe historique
faite sur un modèle suranné et que la:
malheureuse Draga " portait dans les
grandes cérémonies.
Chacun sait que Robinson Crusoë a
existé et l'on n'ignore pas davantage que
c'était, en réalité un matelot, André Sel-
kirk, qu'un naufrage avait jeté sur l'île de
Juan-Fernandez: Mais on connaît moins
celui quia délivré Robinson, et le per
sonnage mérite pourtant quelque atten
tion. -
C'était un médecin de Bristol, nommé
Thomas Dower, que la tarëntule des
aventures piqua certain jour, à ce point
qu'il planta là ses malades, prit une lettre
de corsaire et s'embarqua avec plusieurs
amis.
Il passa par hasard. en 1709, à l'île
Juan-Fernandez recueillit Selkirk, dont il
fit. son second, puis il continua ses voya
ges. ^ --
Deuf ans après,« "Robinson ». avait
amassé de quoi terminer en rentier, et
dans son pays, une existence qu'il avait
failli finir moins bourgeoisement.
On parle à l'heure actuelle d'élever à
Thomas Dower une statue qu'il aurait
mieux méritée que bien d'autres.
Petit dialogue « rosse ».
— Il: parait que ce pauvre X.., depuis sa
déconfiture, s'est mis à boire ?
— Oui, et sa femme à lui faire des
scènes. ■ ;.. .
— De sorte que le mari se grise....
— Et la femme s'aigrit. ,
M L'ABBE LOISY
Dans son étude : Critiqué"et Tra
dition, Mgr l'archevêque d'Albi parle
des travaux de M. l'abbé Loisy.
Voici son appréciation : .
' Loin de nous de confondre avec lés ra
tionalistes • l'auteur de L'Evangile et
VEgVlse. Est-ce à dire, cependant, que M.
Loisy, qui a si bien montré la faiblesse de
leurs systèmes, soit lui-même sans repro-
ohe ? Nous ne le prétendons pas. On l'ae-
«iise d'avoir remplacé un système par un
autre système, d'avoir substitué une phi
losophie à une autre philosophie, de s'être
placé pur un terrain trop étroit et de n'a
voir pas complété son esquisse par l'ex
posé intégral du christianisme. Son
but était différent; commë il le déclarait
lui-même dès son introduction ; mais sans
doute, ne l'a-t-il pas assez montré dans le
cours de ses discussions. Ceux qui le con
naissent et savent quels grands services il
peut rendre à l'Eglise par sa science in
contestée, comptent bien, surtout en rai
son des malentendus dont il serait puéril
de dissimuler l'importance, que chez lui,
le'critique ne se séparera ni de l'apolo
giste, ni du théologien. .
M. Loi^y n'ignore aucune des sources
de la vérité, bien qu'il n'ait puisé qu'à
quelques-unes. S'il ne trouve pas dans les
Synoptiques tout ce qu'on y a mis, il sait
que ce qu'on y a mis existe quelque part
et possède une réalité objective : c'est
l'ensemble des vérités chrétiennes. Il ne
les trouve pas où on les place quelque
fois : il les retrouve ailleurs, sans qu'il
en manque une seule ; il sait que si la cri-,
. tique a des droits, — et elle en a beau
coup, — la pensée chrétienne incarnée
dans la tradition vivante a aussi-les
siens.
Au bas de cette page vient cette
note :
Ces pages étaient à la composition
quand a paru la notification ' faite à S.
Em. le cardinal de Paris de la condamna
tion des ouvrages de M. Loisy. Nous nous
en voudrions d'ajouter à la peine de l'au
teur, dont nul plus que nous n'apprécie
la science et'le talent. Nul doute qu'il ne
dissipe les nuages amoncelés autour de
son nom et ne s'incline avec respect de
vant les décisions de l'autorité reli
gieuse.
Il faut espérer que M. Loisy en-,
tendra ce langage.
—;—; «—,—:
L'EXPULSION DE L'ABBÉ DELSOR
meeting de protestation
Nous insérons avec empressement
la communication suivante :
Paris, 12 janvier.
Monsieur le directeur, ;
Il y a plus de trente ans, nous -perdions
l'Alsace-Lorraine. Aujourd'hui, on éxpuise
un de ses députés du sol français. M. l'abbé
Delsor est chassé comme étranger parle
préfet de Meurthe-et-Moselle. Après le
désastre, c'est l'outrage.
Il importe que. Paris désavoue de si
odieux procédés. et . qu'une semblable-in
jure ne passe .pas au milieu de l'indiffé
rence populaire. "
Aussi, le samedi'16 janvier à 8 h. 1|2 du
soir, organisons-nous, à l'hôtel des Socié
tés savantes, 8, rue Danton, «ne grande
réunion publique,' sous la présidence t
M. Keller, ancien député ' de l'Alsace, ce-.
lui-là même , qui, au nom de tpus ses col
lègues des provinces .annexées, lut, à
l'Assemblée nationale, l'éloquente protes
tation dont, il y a quelques semaines en
core, le conseil municipal votait l'affi
chage dans toutes lès écoles publiques de
Paris.
M. Marc Sangnier, président du Sillon,
fera une conférence sur : « La France^ et
l'Alsace-Lorraine.»
Nous comptons, monsieur le directeur,
que vous voudrez bien inviter chaleureu
sement tous vos lecteurs et tous vos amis
à s'associer à cette si nécessaire et si pa
triotique protestation. •' • * •
Veuillez croire, monsieur le directeur,
à nos sentiments respectueux et les meil
leurs.
L e « S illon
AU mmi BEIMEUSE» m CAMBRAI
Nous sommes vraiment très sur
pris dé n'avoir pas vu, dans la Se
maine religieuse de Cambrai, même
un seul mot d'allusion au Bref par
lequel Sa Saintëté Pie X:> nous : »
donné le précieux ét important té
moignage officiel de sa s satisfac
tion. ' \ ' : ' :
Pour une feuille^ qui: se-vante de
renseigner mieux ' que nulle autre
ses lecteurs surtout ce qui concerne
Rome et les directions romaines,
l'oubli, — c'en ést un, évidemment,
~ paraîtra étrange. .
mnm comur-lmmêbs
Comme on l'avait annoncé, le con"
seil d'enquête, saisi de l'affaire du
général de Cornulier-Lucinière,. s'est
réuni hier, et, d'après' une note de
l'officieuse Agence Bavas, il a émis,
par trois voix contre deux, ; un
« avis défavorable» à la mise en re
traite d'office du général. Il est vrai,
que d'autres notes disent que le con-»
seil d'enquête n'a pas fait connaître
son avis, qu'on ne saurai qu'après
la rentrée du ministre de la guerre»
Une autre version, celle du Gaiv»
lois, affirme que c'est à l'unani
mité et au scrutin secret que le con
seil d'enquête s'est prononcé contre
la mise à la retraite du général.
Comme l'avait dit le général, il 3
refusé de se présenter devant le con
seil d'enquête, dont il nie avec rai
son être justiciable. D'ailleurs, qu'estr
il besoin de décider s'il doit ou non.
être mis à la retraite, puisqu'il est
affirmé qu'il a de lui-même réclamé-
sa mise à la retraite?
LA MUSIQUE SACRÉE
La Sacrée Congrégation des Rites, par
ordre du- Saint-Père, a rendu le décret
suivant, dans lequel il est déclaré que le
récent Motu proprio sur la musique sa
crée,doit être le Code juridique en pa
reille matière, tout privilège ou toute
exemption étant révoqués. Sa Sainteté
permet ensuite que l'on conserve les for
mes plus récentes de chant liturgique
dans les églises où elles furent introdui
tes, jusqu'à ce qu'il leur soit substitué,
aussitôt que possible, le chant grégorien,
avec un texte conforme aux anciens ma
nuscrits et dûment, approuvé: : , ,
DÉCRET « URB1S ET ORBIS »
Notre . Très Saint-Père Pie X
Pape, dans son Motii proprio du
22 novembre 1903, sous -la forme
d'une Instruction concernant la mu
sique sacrée , a heureusement res
tauré le vénérable chant grégorien,
conforme aux manuscrits authenti
ques, suivant l'antique tradition
des Eglises. En même temps, les
principales prescriptions tendant à
FEUILLETON DE L' UNIVERS
- - do iS -ja-.vibr 1004
BALLANCHB
Claude de Saint -Martin, l'illuminé qui
"eut quelque vogue à la fin des dernières
belles années du XVIIP siècle, s'intitulait
le philosophe, inconnu. Pour d'autres
raisons, ce qualificatif conviendrait assez
iien àBallanche: sss livres n'atteignirent
qu'un petit nombre d'amis, ses disciples
ont été rares, et sa mémoire demeure en
tourée d'une vapeur que lo feu mystique
de ses écrits a amassée sur son nom.
A tous égards, il mérite mieux, Un
mouvement de sympathie s'accentue vers
ce travailleur désintéressé, par certains
côtés précurseur des catholiques dé
voués aux questions sociales ; dès qu'on
ïie l'ignore plus, on demeure attaché à
cette « belle âme pleine de parfums à
'peine soupçonnés », au dire do son ami
Ampère, et l'on se souvient des vers de
"Brizeux : .
Comœo un platooicion, dans ea tunique blanche
Replié çur lni-même, ain6i vivait Ballanche,
Mystérieux penseur, calme et triste fe la fois.
Personne n'aura plus travaillé à cette
justification posthume, à cette réhabilita
tion littéraire et philosophique que M.
Charles Huit ; le livre qu'il vient de con
sacrer à la vie ot aux œuvres de son maî
tre demeuré une captivante révélation.
Sous une forme lumineuse, il a su mettre
à la portée de tous un fond qui, par en
droits, s'évanouissait dans les ténè
bres.
Primitivement attiré par les affinités
du sol natal vers un compatriote, il est
assez vite devenu son disciple (il ne récu
sera pas ce titre que je lui décerne un peu
bénévolement), et il nous oblige à. confes
ser combien il eût été dommage de lais
ser dans un discrédit sans cause cet ou
blié (1).
Pour expliquer la tournure mélancoli
que de l'esprit de Pierre Ballanche, on ne
manquerait pas de prétextes.
Il naquit d'une humble famille, son
père était imprimeur dans la rue des
Trois-Carreaux, au fond d'un des quatiers
les plus sombres de Lyon, —la cité des
brouillards. Sa santé demeura chétive et
son adelesceoce maladive ; il n'eut guère
de bons souvenirs de son enfance, de la
quelle on l'entendit rarement parler.
Il avait dix-sept ans aux jours de la
Terreur, particulièrement sanglante à
Lyon. Son esprit en devint songeur, avide
de solitude, capable d'en savourer les
fruits sans parfum.
Son àme étant bonne, l'amertume ne
l'envahissait pas ; il donnait aux pires
événements des conclusions rassurantes,
avec un penchant vçrs l'aménité ; ses
méditations sur lui-même ne le rendaient
pas égoïste; il demeurait « sensible »,
plus 'heureux, bien qu'il eût vingt ans,
de songer que de vivre, et digne d'appré
cier un mot prononcé bien des années
après lui : « Nos plus belles aventures ce
sont nos pensées. » On n'est donc point
surpris, quand pour la première fois il
(i) La vie et les œuvres de Ballanche,
par C. Huit, in 8°. Librairie Vitte, 19Q4.
prend la plume, de le voir avant tout de
mander conseil à son cœur. En 1801,11
publia une étude sur le Sentiment consi
déré dans ses rapports avec la littéra
ture et les arts.
Tout écrivain, au fond, ne fait qu'un li
vre en sa vie, et ce sont les privilégiés
des lettres ceux qui attachent leur nom
'à un snjet ou à une histoire.
Sans donnër toute sa mesure à vingt-cinq
ans,Ballanche venait de tracer à son insu
le programme de sa carrière littéraire, et
il prononçait en sourdine, mais en même
temps que Chateaubriand, ces mots re
tentissants de religion et de poésie que le
Génie du christianisme allait porter aux
âmes anxieuses, froissées par les réalités
brutales de la : Révolution.
Ses relations avec le grand homme da
tent de ces jours-là. Elles furent la gloire
et la joie de son existence.- Elles devinrent
bientôt- assez intimes pour faire entre?
prendre de concert une excursion dans
les Alpes; et lorsque René s'embarqua
pour le voyage de Palestine, c'est à Bal
lanche qu'il confiale soin de se rendre à Ve
nise chercher Mme de Chateaubriand afin
de la ramener en France.
• L'obligeance apparaît comme l'une des
notes maîtresses de la nature de Ballan
che ; elle caractérise ses liens avec les
membres d'une petite « Société litté
raire » lyonnaise, amidtiœ et lîtteris,
où il rencontrait Ampère, de Gerando,
Camille Jordan, Dugas-Montbel, à qui il
fut toujours fidèle d'une affection que
ceux-ci rendaient sans compter à un com
pagnon modeste et courtois.
Et c'est parce qu'il faut que toute chose
vertueuse traîne après elle son ombre,
que cette mobilité serviablo de BallancHe
mérita .dans les Mémoires d'outre• tombe,
la boutade — peu reconnaissante "— de
Chateaubriand : « Il allait partout où on
le menait sans qu'il y eût la moindre
affaire. »
Au moins, avait-il « l'affaire » de ses
amitiés, et quand il pénétra dans l'inti
mité do Mmo Récamier, ce fut pour tou
jours.
Cette nature méditative j paisible,, d'un
commerce d'entière douceur, ne trouvait
rien pour se. plaire dans les événements
belliqueux de l'empire. A l'heure où Bo
naparte prenait la couronne, il écrivait la
Lettre d'un jeune homme sur le passage
de Pie VII à Lyon, et aux joues où Napo
léon couvrait de cadavres les plaines de
Wagram, il lisait à l'Académie lyonnaise
une allégorie sur La mort d'un Platoni
cien.
A ce citoyen pacifique, bien qu'il igno
rât la politique, le retour des Bourbons
fut don& comme une revanche, et la Res
tauration lui ouvrit, dânô la paix publi-
qviefcette existence de. philosophique la
beur qu'il mena jusqu'à son dernier jour.
Ayant perdu son père, Ballanche li
quida la maison de commerce, quitta
Lyon, vint à-Paris et s'alla loger rue de
Sèvres, en face de l'Abbaye-aux-Bois, tout
proche Mme Récamier.
11 avait, en 1812, fait la connaissance
de cette femme célèbre; il demeura tout
aussitôt conquis. Cette nature droite, cet
esprit jeune, ce cœur romanesque dans sa
candeur déborda d'enthousiasme; au pre
mier jour, ses accents sont montés au ton
du lyrisme : « Vous êtes une poésie en
tière! Vous êtes la poésie même. » Il de
meurait en extase devant cet exemple
presque unique d'une vertu féminine qui
cédait au désir de plaire tout en triom
phant du péril de succomber. Dans ce sa
lon de l'Abbaye-aux-Bois, il était naturel^
et se sentait à son aise; la maîtresse
du logis n'étant occupée, la remarque est
de Sainte-Beuve, « qu'à donner des occa
sions à l'esprit des autres.» On s'y nour
rissait de la fieur des choses.
Chaque jour Ballanche arrivait, hôte
assidu, heureux d'un commerce agréable,
montrant une physionomie égale et pai
sible, « n'ayant aucune situation à défen
dre, il n'avait à redouter aucune disgrâce,
et la Fortune, l'ayant à peu près oublié
dans la distribution de ses faveurs, sem
blait s'être interdit du même coup de
lui faire sentir le poids souvent cruel'de
ses caprices. »
Mme Récamier lui demeura toujours une
mnse, un soutien et une consolatrice. Son
admiration pour elle se changea en gra
titude, ou mieux il mêlait les deux senti
ments au point de les confondre. « Si mon
nom me survit, lui disàit-il, je serai nom
mé le philosophe de l'Abbaye-aux-Bois, et
ma philosophie sera considérée comme
inspirée par vous. »
C'est excès de modestie ; Ballanche fut
bien lui-même j et ses théories, en vérité,:;
ne présentent aucun caractère féminin.
Leur inspiration seule dans des apolo
gues gracieux — un don qui vient des im
mortels—marque une forte étude dè l'anti-.
quité, un commerce assidu avec les meil
leurs des auteurs païens, principalement
Homère. Cemme ses modèles, Ballanche
possède un style harmonique et doux, au
rythme monotone, d'un tour raffiné,parce
: qu'il poursuit la recherche de la grandeur,
et garde la préoccupation constante de la
a noblesse », dernier écho du genre qu'a
vait illustré Buffon et-point répudié l'au
teur des Martyrs. Epris de la beauté de
la langue, amoureux de la pureté des*
formes, il demeure étrangerà la vivacité
des couleurs,et on ne voit guère mieux à
assimiler son mode littéraire qu'à la fac
ture grise et d'une ligne glaciale des fres
ques de son compatriote Puvis .de Cha«
vannes.Dans la nature,paysages et mohu-
ments l'intéressent relativement peu ; il
cherche, à leur ombre, à rassembler des
déductions philosophiques plus qu'à re
cueillir les sensations qu'ils inspirent»
Il en faisait simplèmènt l'aveu :
«Je suis un pauvre faiseur de récits.
Je regarde sans appuyer le regard, sans
chercher à me rendre compte à moi-mè»
même. Les impressions que je reçois s'as
socient toujours aux sentiments'que j'ai
déjà, aux pensées qui sont en moi. Ces
ruines, ces paysages, cette Imer et ce ciol
c'est la voix du passé, c'est la voix de l'a
venir. Ce que je vois ici, ce que. j'ai va
ailleurs, ce que je sais; ce que je devine,
c'est toujours l'ensemble et la suite des
destinées humaines. »
Aussi analysait-il les conséquenees "des
faits plus qu'il ne poursuivait leur exac
titude. Il ne fut point un érudit ét il lie ;
possédait pas ce que nous appellerions
une« méthode scientifique»; son goût
lui faisait étudier les traditions où sa cri
tique demeurait assez courte; il avait
moins de raison que de sentiment.
" L'histoire religieuse l'intéressait parti
culièrement, il comprenait le rôle mo
ral et social de la défense des âges
chrétiens, il disait que c'était là la tâche
du XIX e siècle; il voulait qu'avec des pro
cédés rajeunis on expliquât les lois assi
gnées par Dieu à son ouvrage.' En pré
sence des négations sans preuves et sans
résultats, il était prêt à conclure, cin
quante ans avant d'autres, à la « faillite
de la scieces ».
Edition quotidien». 18,087
Mercrôdi 13 Janvier 1904
" ÉDITI ON QUOTID IENNE
P&RIS ÉTRANGER
et déroutements _ (union postale)
Un an 25 » 36 »
Six mois .13 » 19 »
Trois mois 7 » 10 »
' Les abonnements partent des 1 er etl6.de chaque mois
.UN NUMÉRO i TParis «Se Départements 10 cent.
v / • „ . —-
BUREAUX Paris, rue Cassette, 17 (VI e arr.)
On. s'abonne à Rome, place du Gcsù, 8
ÉDITION SEMI-QUOT IDIENNE v*.;
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ET DÉPARTEMENTS • "(UNION POSTALE)
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Un an.'.13 »
Six mois ' 7 .»
Trois .mois..... ; 4 »
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5 50
ET
LE MONDE
"5
Le3 abonnements partent des 1" et 16 de' ebague moi*
/ " • * • ' , "* • v ' , 1 • ' *■'
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressas
• r ' • ' i i , 4 . „ .J" *
■; î ANNONCES .. % ,
MM. LAGRANGE', CERF et C>°r G, place de la Bourses
PAKIS, 12 JANVIER 1904
, SQMA14ÏRE "
M. 'Delsor, le député
. alsacien H. Csm.
&a politique des af-
faires F. V.
La semaine spor
tive . ' Jacques C lbrval.
Feuilleton : - Bal
lanche G eoffroy de G rand -
maison.
BuHeSin. ■— Nouvelles de Rome. — An
joot le Jour. — M- l'abbé Loisy. —
L'expulsion de M. l'sbbé Delsor. — A la
Semaine deCambrai. — L'ailaire Cornu-
lier-Lucinière. — La musique sacrée. —
Lee congrégations, — La liberté de la
presso. — Informations politiques et
parlementaires. — La mort de la prin
cesse Mathilde. — Le banquet du com
merce et de l'industrie. — Le discours de
M. Combes. --Congrès des municipalités
scialistes. — En Extrême-Orient. —
Etranger. —- A travers la presse. —Les
grèves. — Vols sacrilèges. — Lettres,
soienoes et arts. —Institut catholique
de Paris. — Cours et conférences. —
Echos de partout. — La neuvaine de
Sainte Geneviève. — Néorologie. — Tri-
- bunaux. — Nouvelles diverses. — Cb-
lenlrier. — Bourse et bulletin finan
cier,.— Dernière heure
M. DELSOR -■
LE DÉPUTÉ ALSACIEN
L'incident de Lunéville prend lès
proportions d'un grand événement
politique. Une interpellation est dé
posée à la Chambre, et samedi le
Sillon convoque une réunion de pro
testation. L'Alsace sera heureuse
de recevoir l'écho de l'indignation
soiilevée par l'ukase du préfet de
Nancy. M, Delsor est une des per
sonnalités les plus sympathiques,
les plus populaires, les plus aimées
d'Alsace. Il porte au cœur un dou
ble amour, l'amour 4© son pays, et
l'amour de sa foi. Sa vie tout entière
s'est passée au service de l'un et de
l'autre. Il n'a jamais connu d'autre
ambition. Il saura la garder intacte
jusqu'à la. mort. Dans l'enseigne
ment comme dans le ministère, dans
la presse comme dans la vie publi
que, il a consacré sa parole et sa
plumé à. la défense des plus nobles
©t dos -plus saintes libertés.- L'Alsace
lui en est reconnaissante. Elle com
prend que, si ce n'est pas la voie
qui conduit aux postes élevés, c'est
sûrement le chemin de l'honneur et
de la dignité. '
- M. Delsor est député de la cir
conscription d'Ersteia-Molsheim qui
l'a envoyé à la Chambre de Berlin
avec une écrasante majorité. Il fait
partie de ce. groupe alsacien formé
pour revendiquer l'autonomie de!
notre petite patrie, chargé de dé
fendre nos droits et nos libertés. Il
vient de déposer sur les bureaux de
la Chambre une motion tendant à
faire nommer les députés de notre ;
délégation provinciale par le suffrage,
universel et à assurer à notre pays
les mêmes droits que les autres!
■Etats de l'empire. Il a contribué
dans une large mesure à l'abolition {
de la dictature, toujours prêt à pro- ;
tester contre les atteintes infligées
à nos libertés, toujours prêt à se|
porter là où il y a le plus de danger !
a recevoir des coups.
Les droits et les libertés qu'il dé
fend à la tribune de Berlin et dans
les réunions publiques, il les reven- ]
dique avec plus d'ardeur et plus de f
talent encore .dans la presse. Il est ?
le fondateur de la Revue catholique »
cVAlsace,qui, depuis près de. trente
années, jouit d'une considération
toujours croissante. C'est dans cette
Revue qu'il publie ces- bulletins po
litiques tant remarquas, bien pen^
«éSj -bien ''écrirs,"lmarqués dé* son"
cachet. Un de ces bulletins lui a
valu trois mois de prison. Il les a
passés à Mulhouse méditant dans sa
cellule sur les moyens de se rendre
encore plus utile à son pays.
Depuis près de trois ans il a fondé,
avec un groupe d'amis politiques, le
Volksbote de Strasbourg. C'est de
toutes ; les feuilles politiques d'Al
sace la plus militante, la plus éner
gique, la plus actuelle. Aimé des
uns, craint des autres v estimé de
tous, le journal de M.. Delsor est un
modèle du genre, par ses allures
martiales, par sa science de bon
aloi, par son système de renseigne
ments, par le dévouement et la
science pratique de ses collabora
teurs. Que de belles batailles livrées
le long des derniers dix-huit mois !
Que de splendides - bulletins de vic
toires à son actif !
En Alsace, les catholiques ont
maintenu partout leur situation.
Dieu.sait au prix de, quels efforts!
Ils sont depuis de longues années à
la tête du mouvement social. Nulle
part l'œuvre des cercles ne brille
d!un si vif éclat; les réunions publi
ques, les conférences, les réunions
populaires sont à l'ordre du jour.
Nous avons nos orateurs, nos chefs,
nos soldats, et ces orateurs parlent
toujours devant de nombreux audi
toires, et ces chefs sont toujours en
tourés de troupes d'élite, et ces sol
dats sont toujours prêts aux rudes
combats. M. Delsor est. un de nos
orateurs les plus populaires, un de
nos chefs les mieux suivis, un de nos
plus vaillants soldats.
Il ne sait jamais jse dérober à nos
invitations;il ne refuse jamais de se
jeter dans la mêlée et son épéé est
toujours au service des humbles et
des petits.
Il aurait aimé redire quelques-uns
de ces accents aux Alsaciens de
Lunéville, leur parler, dans l'inti
mité, de leur foi et de leurs croyan
ces, leur rappeler quelques pieux
souvenirs de la patrie, leur parler
de la douce Alsace, de sa fidélité
à son Dieu, Et il a dù refouler dans
son cœur blessé ces nobles senti
ments, expulsé, du sol français et
conduit aux frontières comme un
criminel.
IL est rentré à Marlenheim, dans
sa petite paroisse,.- accompagné des
regrets et du respect de tous les
gens de bien. Il y continuera son la
beur et son dévouement, sans espoir
de monter plus haut. Ce pendant le
préfet de, l'expulsion ira sans doute
porter dans un poste plus élevé lé
"stigmate de son infamie. Il l'aura
bien mérité !
II. Cetty.
; —:—+ : —
VULLETIPC
C'est aujourd'hui que rentrent les
Chambres, en session ordinaire.
■ Au Sénat s la nomination du bureau
ne donnera lieu à aucun incident ; M.
Fallières est président inamovible..
. Au Palais-Bourdon, le Bloc se comp
tera sur le nom de M. Brisson qui pa
raît ne pas devoir obtenir cependant
tous les suffrages des frères et amis.
. M. Combes a prononcé. hier un
« grand discours » au banquet du com
merce et de l'industrie ; il a réédité les
habituelles rengaines sur le cléricalis
me, et il a, dans le couplet de la fin,
recommandéchaudement pour aujour
d'hui la candidature Bris son.
Prenez mon ours : reste â connaître
le degré d'enthousiasme avec lequel on
le prendra.
Une information de /'Agence Havas
annonce que le conseil d'enquête,réuni
pour statuer sur le général de Cornu-
lier-Lucinière, s'est^ro^omé c(^Urele&
vœux du ministre de là guerre.
L'incident survenu entre la France■*
et le Brésil est résolu d'amicale façon;
à la suite d'un échange de notes entre
le gouvernement brésilien et notre min
nistre à Rio-de-Janeiro, le modus Vi
vendi commercial est rétabli.
Les nouvelles d'Extrême-Orient sont,
plus rassurantes^ ; la Russie 'fait d'ap
préciables concessions en ce qui touche^
la Corée, et l'impression, même en An
gleterre, est à la paix.
Les déclarations de M. Balfour, sur,
ce point, doivent être signalées.
En Espagne, l'opinion publique blâ-k
me, en majorité, la campagne de mee
tings contre le nouvel archevêque dé
Valence ; trois orateurs arrêtés dans;
ces meetings ont été remis en liberté,
Le comité des généraux et des ami
raux va déposer un projet relatif àv
l'escadre. H
- La cour de Serbie, devant la grève à
peu près généra le des ministres è tran-.
gers, a décidé qu'il n'y aurait pas de ré
ception pour le jour de Van (ancien
style) •
Au Somaliland, lés Anglais ont tué
un millier d'hommes au mullah ; ils
ont perdu deux officiers et 0 nt -il ■ sol
dats blessés. -
NOUVELLES DE ROME
On télégraphie de Rome :
Rome, ii Janvier.
Le Pape a reçu l'évêque d'Orléans.
__ ; :. ; r —
li POLITIQUE ET LES AFFAIRES
Il existe un « Comité républicain
du commerce et de l'industrie »,
dont la fonction paraît consister à
peu près uniquement à proclamer
sa fervente admiration pour le mi
nistère. Hier soir, il avait l'honneur
de traiter M. Combes et d'être ad
mis à lui offrir l'encens. Son prési
dent, un certain. Mascuraud, qui
prétend se donner pour le repré
sentant du commerce national, en
pérorant dè.la politique avec tout le
génie habituel au café du Commerce,
a promu notre petit président du
conseil au rang de grand homme. A
quoi M. Combes a répondu par un
long discours, où il a clairement
laissé voir que le Mascuraud lui pa
raissait homme de sens et de goût.
M. Combes étant proconsul, il
convient de critiquer ses manifes
tations oratoires ou tout au moins
verbeuses ; et c'est pourquoi nous
devons dire un mot de son discours
d'hier soir: Mais, quand nos lecteurs
en auront parcouru le texte, ils es
timeront peut-être avec nous que ce
serait perdre son temps que de si
gnaler cette harangue officielle au
trement que pour en constater le vide
et l'insipidité.
Proclamer que tout est pour le
mieux, que la France n'a jamais
été ni plus glorieuse, ni plus pros
père, ni plus tranquille; affirmer
que ce bonheur. et cette grandeur
sont dus au génie de M. Combes, en
dépit des manœuvres éhontées d'une
opposition sans scrupule, — opposi
tion qu'il faut combattre avec achar
nement,bien qu'elle soit écrasée sans
retour, — ce sont là des exercices, de
médiocre intérêt, dont la galerie est
lasse, et qui n'ont d'autre importance
que de démontrer à nouveau l'étroi-
tesse et la pauvreté • d'esprit de M.
Combes.
Aussi n'aurions-nous rien déplus
à dire de ce discours banal et fiel
leux, lardé de plaisanteries bas
ses et lourdes, si M. Combes n'a
vait jagérà propos d'y introduire
Le président du conseil a chaude
ment félicité le « Comité républicain
du commerce et de l'industrie » de
savoir allier fort ingénieusement la
politique et les affaires.
A vrai dire, l'expression n'est pas
nouvelle ; mais tout le monde sera
d'accord -pour trouver que, dans la
bouche du père d'Edgar Combes,
elle est particulièrement heureuse.
F. V.
Aïï JOUR LE JOUE
Il y a déjà vingt ans—à l'époque de l'af
faire Wilson— feu Francis Magnàrd écri
vait que la création d'un nouveau minis-<
1ère s'imposait : celui des Recommanda-*
tions et Faveurs.
; Nous avons fait du chemin depuis lors.
Les députés sont tellement assaillis par
les solliciteurs qu'ils ont prié la questure
de leur faire établir des formules de re
commandations qu'ils n'auront qu'à signer.
Mais, comme il y a deux catégories d'é
lecteurs : ceux que l'on ménage et ceux
que Ton berne, nos honorables ont com
mandé deux sortes de formulaires. Le
premièr-— dit l'Eclair qui divulgue oe
piquant détail — le premier sur papier
grand format, le format spécial dit papier
ministre, est la lettre banale en sa solen
nité ; il est ainsi disposé :
République française ' . \
CHAMBRE ' ' -
DES DÉPUT&S * " ;
— Paris, le i90
Monsieur le ministre,
' J'ai l'honneur de vous recommander :
Veuilles agréer, monsieur le ministre,
l'asmrance de ma haute considération. !
L'autre est moins solennel, moins pom
peux ; mais, comme on va le voir, infini
ment plus pressait; le format est plus pe
tit et, par suite, plus intime, plus fami
lier^ ,, ,
■■■?■République française,.
chambre
dbs députk8
190
• Paris, le
' ' Monsieur le ministre,
J'ai l'honneur d'appeler d'une façon
toute spéciale votre bienveillante attention
sur
' ■ .'î '
Veuilles agréer, monsieur le ministre,
l'assurance de ma haute considération.
Les députés vont encore maugréer con
tre les indiscrétions de là presse; quant
£ïtx s,olUulteurs, les voilà ijlen et dû
ment avertis. Qu'ils n'acceptent que le se
cond formulaire I ... .
Les Américains poussrent décidémentun
peu loin l'amour des excentricités sensa
tionnelles.
Témoin cette nouvelle : on annonce qu'à
l'exposition de Saint-Louis, qui aura liéu
cette année, les vêtements des malheu
reux souverains de Serbie, assassiné»
dans des circonstances encore présentes à
toutes les mémoires, seront sans doute
exhiMS. En même temps, on verra diffé
rents bijoux dont l'un fut offert à la reine
par Nicolas II ainsi qu'une robe historique
faite sur un modèle suranné et que la:
malheureuse Draga " portait dans les
grandes cérémonies.
Chacun sait que Robinson Crusoë a
existé et l'on n'ignore pas davantage que
c'était, en réalité un matelot, André Sel-
kirk, qu'un naufrage avait jeté sur l'île de
Juan-Fernandez: Mais on connaît moins
celui quia délivré Robinson, et le per
sonnage mérite pourtant quelque atten
tion. -
C'était un médecin de Bristol, nommé
Thomas Dower, que la tarëntule des
aventures piqua certain jour, à ce point
qu'il planta là ses malades, prit une lettre
de corsaire et s'embarqua avec plusieurs
amis.
Il passa par hasard. en 1709, à l'île
Juan-Fernandez recueillit Selkirk, dont il
fit. son second, puis il continua ses voya
ges. ^ --
Deuf ans après,« "Robinson ». avait
amassé de quoi terminer en rentier, et
dans son pays, une existence qu'il avait
failli finir moins bourgeoisement.
On parle à l'heure actuelle d'élever à
Thomas Dower une statue qu'il aurait
mieux méritée que bien d'autres.
Petit dialogue « rosse ».
— Il: parait que ce pauvre X.., depuis sa
déconfiture, s'est mis à boire ?
— Oui, et sa femme à lui faire des
scènes. ■ ;.. .
— De sorte que le mari se grise....
— Et la femme s'aigrit. ,
M L'ABBE LOISY
Dans son étude : Critiqué"et Tra
dition, Mgr l'archevêque d'Albi parle
des travaux de M. l'abbé Loisy.
Voici son appréciation : .
' Loin de nous de confondre avec lés ra
tionalistes • l'auteur de L'Evangile et
VEgVlse. Est-ce à dire, cependant, que M.
Loisy, qui a si bien montré la faiblesse de
leurs systèmes, soit lui-même sans repro-
ohe ? Nous ne le prétendons pas. On l'ae-
«iise d'avoir remplacé un système par un
autre système, d'avoir substitué une phi
losophie à une autre philosophie, de s'être
placé pur un terrain trop étroit et de n'a
voir pas complété son esquisse par l'ex
posé intégral du christianisme. Son
but était différent; commë il le déclarait
lui-même dès son introduction ; mais sans
doute, ne l'a-t-il pas assez montré dans le
cours de ses discussions. Ceux qui le con
naissent et savent quels grands services il
peut rendre à l'Eglise par sa science in
contestée, comptent bien, surtout en rai
son des malentendus dont il serait puéril
de dissimuler l'importance, que chez lui,
le'critique ne se séparera ni de l'apolo
giste, ni du théologien. .
M. Loi^y n'ignore aucune des sources
de la vérité, bien qu'il n'ait puisé qu'à
quelques-unes. S'il ne trouve pas dans les
Synoptiques tout ce qu'on y a mis, il sait
que ce qu'on y a mis existe quelque part
et possède une réalité objective : c'est
l'ensemble des vérités chrétiennes. Il ne
les trouve pas où on les place quelque
fois : il les retrouve ailleurs, sans qu'il
en manque une seule ; il sait que si la cri-,
. tique a des droits, — et elle en a beau
coup, — la pensée chrétienne incarnée
dans la tradition vivante a aussi-les
siens.
Au bas de cette page vient cette
note :
Ces pages étaient à la composition
quand a paru la notification ' faite à S.
Em. le cardinal de Paris de la condamna
tion des ouvrages de M. Loisy. Nous nous
en voudrions d'ajouter à la peine de l'au
teur, dont nul plus que nous n'apprécie
la science et'le talent. Nul doute qu'il ne
dissipe les nuages amoncelés autour de
son nom et ne s'incline avec respect de
vant les décisions de l'autorité reli
gieuse.
Il faut espérer que M. Loisy en-,
tendra ce langage.
—;—; «—,—:
L'EXPULSION DE L'ABBÉ DELSOR
meeting de protestation
Nous insérons avec empressement
la communication suivante :
Paris, 12 janvier.
Monsieur le directeur, ;
Il y a plus de trente ans, nous -perdions
l'Alsace-Lorraine. Aujourd'hui, on éxpuise
un de ses députés du sol français. M. l'abbé
Delsor est chassé comme étranger parle
préfet de Meurthe-et-Moselle. Après le
désastre, c'est l'outrage.
Il importe que. Paris désavoue de si
odieux procédés. et . qu'une semblable-in
jure ne passe .pas au milieu de l'indiffé
rence populaire. "
Aussi, le samedi'16 janvier à 8 h. 1|2 du
soir, organisons-nous, à l'hôtel des Socié
tés savantes, 8, rue Danton, «ne grande
réunion publique,' sous la présidence t
M. Keller, ancien député ' de l'Alsace, ce-.
lui-là même , qui, au nom de tpus ses col
lègues des provinces .annexées, lut, à
l'Assemblée nationale, l'éloquente protes
tation dont, il y a quelques semaines en
core, le conseil municipal votait l'affi
chage dans toutes lès écoles publiques de
Paris.
M. Marc Sangnier, président du Sillon,
fera une conférence sur : « La France^ et
l'Alsace-Lorraine.»
Nous comptons, monsieur le directeur,
que vous voudrez bien inviter chaleureu
sement tous vos lecteurs et tous vos amis
à s'associer à cette si nécessaire et si pa
triotique protestation. •' • * •
Veuillez croire, monsieur le directeur,
à nos sentiments respectueux et les meil
leurs.
L e « S illon
AU mmi BEIMEUSE» m CAMBRAI
Nous sommes vraiment très sur
pris dé n'avoir pas vu, dans la Se
maine religieuse de Cambrai, même
un seul mot d'allusion au Bref par
lequel Sa Saintëté Pie X:> nous : »
donné le précieux ét important té
moignage officiel de sa s satisfac
tion. ' \ ' : ' :
Pour une feuille^ qui: se-vante de
renseigner mieux ' que nulle autre
ses lecteurs surtout ce qui concerne
Rome et les directions romaines,
l'oubli, — c'en ést un, évidemment,
~ paraîtra étrange. .
mnm comur-lmmêbs
Comme on l'avait annoncé, le con"
seil d'enquête, saisi de l'affaire du
général de Cornulier-Lucinière,. s'est
réuni hier, et, d'après' une note de
l'officieuse Agence Bavas, il a émis,
par trois voix contre deux, ; un
« avis défavorable» à la mise en re
traite d'office du général. Il est vrai,
que d'autres notes disent que le con-»
seil d'enquête n'a pas fait connaître
son avis, qu'on ne saurai qu'après
la rentrée du ministre de la guerre»
Une autre version, celle du Gaiv»
lois, affirme que c'est à l'unani
mité et au scrutin secret que le con
seil d'enquête s'est prononcé contre
la mise à la retraite du général.
Comme l'avait dit le général, il 3
refusé de se présenter devant le con
seil d'enquête, dont il nie avec rai
son être justiciable. D'ailleurs, qu'estr
il besoin de décider s'il doit ou non.
être mis à la retraite, puisqu'il est
affirmé qu'il a de lui-même réclamé-
sa mise à la retraite?
LA MUSIQUE SACRÉE
La Sacrée Congrégation des Rites, par
ordre du- Saint-Père, a rendu le décret
suivant, dans lequel il est déclaré que le
récent Motu proprio sur la musique sa
crée,doit être le Code juridique en pa
reille matière, tout privilège ou toute
exemption étant révoqués. Sa Sainteté
permet ensuite que l'on conserve les for
mes plus récentes de chant liturgique
dans les églises où elles furent introdui
tes, jusqu'à ce qu'il leur soit substitué,
aussitôt que possible, le chant grégorien,
avec un texte conforme aux anciens ma
nuscrits et dûment, approuvé: : , ,
DÉCRET « URB1S ET ORBIS »
Notre . Très Saint-Père Pie X
Pape, dans son Motii proprio du
22 novembre 1903, sous -la forme
d'une Instruction concernant la mu
sique sacrée , a heureusement res
tauré le vénérable chant grégorien,
conforme aux manuscrits authenti
ques, suivant l'antique tradition
des Eglises. En même temps, les
principales prescriptions tendant à
FEUILLETON DE L' UNIVERS
- - do iS -ja-.vibr 1004
BALLANCHB
Claude de Saint -Martin, l'illuminé qui
"eut quelque vogue à la fin des dernières
belles années du XVIIP siècle, s'intitulait
le philosophe, inconnu. Pour d'autres
raisons, ce qualificatif conviendrait assez
iien àBallanche: sss livres n'atteignirent
qu'un petit nombre d'amis, ses disciples
ont été rares, et sa mémoire demeure en
tourée d'une vapeur que lo feu mystique
de ses écrits a amassée sur son nom.
A tous égards, il mérite mieux, Un
mouvement de sympathie s'accentue vers
ce travailleur désintéressé, par certains
côtés précurseur des catholiques dé
voués aux questions sociales ; dès qu'on
ïie l'ignore plus, on demeure attaché à
cette « belle âme pleine de parfums à
'peine soupçonnés », au dire do son ami
Ampère, et l'on se souvient des vers de
"Brizeux : .
Comœo un platooicion, dans ea tunique blanche
Replié çur lni-même, ain6i vivait Ballanche,
Mystérieux penseur, calme et triste fe la fois.
Personne n'aura plus travaillé à cette
justification posthume, à cette réhabilita
tion littéraire et philosophique que M.
Charles Huit ; le livre qu'il vient de con
sacrer à la vie ot aux œuvres de son maî
tre demeuré une captivante révélation.
Sous une forme lumineuse, il a su mettre
à la portée de tous un fond qui, par en
droits, s'évanouissait dans les ténè
bres.
Primitivement attiré par les affinités
du sol natal vers un compatriote, il est
assez vite devenu son disciple (il ne récu
sera pas ce titre que je lui décerne un peu
bénévolement), et il nous oblige à. confes
ser combien il eût été dommage de lais
ser dans un discrédit sans cause cet ou
blié (1).
Pour expliquer la tournure mélancoli
que de l'esprit de Pierre Ballanche, on ne
manquerait pas de prétextes.
Il naquit d'une humble famille, son
père était imprimeur dans la rue des
Trois-Carreaux, au fond d'un des quatiers
les plus sombres de Lyon, —la cité des
brouillards. Sa santé demeura chétive et
son adelesceoce maladive ; il n'eut guère
de bons souvenirs de son enfance, de la
quelle on l'entendit rarement parler.
Il avait dix-sept ans aux jours de la
Terreur, particulièrement sanglante à
Lyon. Son esprit en devint songeur, avide
de solitude, capable d'en savourer les
fruits sans parfum.
Son àme étant bonne, l'amertume ne
l'envahissait pas ; il donnait aux pires
événements des conclusions rassurantes,
avec un penchant vçrs l'aménité ; ses
méditations sur lui-même ne le rendaient
pas égoïste; il demeurait « sensible »,
plus 'heureux, bien qu'il eût vingt ans,
de songer que de vivre, et digne d'appré
cier un mot prononcé bien des années
après lui : « Nos plus belles aventures ce
sont nos pensées. » On n'est donc point
surpris, quand pour la première fois il
(i) La vie et les œuvres de Ballanche,
par C. Huit, in 8°. Librairie Vitte, 19Q4.
prend la plume, de le voir avant tout de
mander conseil à son cœur. En 1801,11
publia une étude sur le Sentiment consi
déré dans ses rapports avec la littéra
ture et les arts.
Tout écrivain, au fond, ne fait qu'un li
vre en sa vie, et ce sont les privilégiés
des lettres ceux qui attachent leur nom
'à un snjet ou à une histoire.
Sans donnër toute sa mesure à vingt-cinq
ans,Ballanche venait de tracer à son insu
le programme de sa carrière littéraire, et
il prononçait en sourdine, mais en même
temps que Chateaubriand, ces mots re
tentissants de religion et de poésie que le
Génie du christianisme allait porter aux
âmes anxieuses, froissées par les réalités
brutales de la : Révolution.
Ses relations avec le grand homme da
tent de ces jours-là. Elles furent la gloire
et la joie de son existence.- Elles devinrent
bientôt- assez intimes pour faire entre?
prendre de concert une excursion dans
les Alpes; et lorsque René s'embarqua
pour le voyage de Palestine, c'est à Bal
lanche qu'il confiale soin de se rendre à Ve
nise chercher Mme de Chateaubriand afin
de la ramener en France.
• L'obligeance apparaît comme l'une des
notes maîtresses de la nature de Ballan
che ; elle caractérise ses liens avec les
membres d'une petite « Société litté
raire » lyonnaise, amidtiœ et lîtteris,
où il rencontrait Ampère, de Gerando,
Camille Jordan, Dugas-Montbel, à qui il
fut toujours fidèle d'une affection que
ceux-ci rendaient sans compter à un com
pagnon modeste et courtois.
Et c'est parce qu'il faut que toute chose
vertueuse traîne après elle son ombre,
que cette mobilité serviablo de BallancHe
mérita .dans les Mémoires d'outre• tombe,
la boutade — peu reconnaissante "— de
Chateaubriand : « Il allait partout où on
le menait sans qu'il y eût la moindre
affaire. »
Au moins, avait-il « l'affaire » de ses
amitiés, et quand il pénétra dans l'inti
mité do Mmo Récamier, ce fut pour tou
jours.
Cette nature méditative j paisible,, d'un
commerce d'entière douceur, ne trouvait
rien pour se. plaire dans les événements
belliqueux de l'empire. A l'heure où Bo
naparte prenait la couronne, il écrivait la
Lettre d'un jeune homme sur le passage
de Pie VII à Lyon, et aux joues où Napo
léon couvrait de cadavres les plaines de
Wagram, il lisait à l'Académie lyonnaise
une allégorie sur La mort d'un Platoni
cien.
A ce citoyen pacifique, bien qu'il igno
rât la politique, le retour des Bourbons
fut don& comme une revanche, et la Res
tauration lui ouvrit, dânô la paix publi-
qviefcette existence de. philosophique la
beur qu'il mena jusqu'à son dernier jour.
Ayant perdu son père, Ballanche li
quida la maison de commerce, quitta
Lyon, vint à-Paris et s'alla loger rue de
Sèvres, en face de l'Abbaye-aux-Bois, tout
proche Mme Récamier.
11 avait, en 1812, fait la connaissance
de cette femme célèbre; il demeura tout
aussitôt conquis. Cette nature droite, cet
esprit jeune, ce cœur romanesque dans sa
candeur déborda d'enthousiasme; au pre
mier jour, ses accents sont montés au ton
du lyrisme : « Vous êtes une poésie en
tière! Vous êtes la poésie même. » Il de
meurait en extase devant cet exemple
presque unique d'une vertu féminine qui
cédait au désir de plaire tout en triom
phant du péril de succomber. Dans ce sa
lon de l'Abbaye-aux-Bois, il était naturel^
et se sentait à son aise; la maîtresse
du logis n'étant occupée, la remarque est
de Sainte-Beuve, « qu'à donner des occa
sions à l'esprit des autres.» On s'y nour
rissait de la fieur des choses.
Chaque jour Ballanche arrivait, hôte
assidu, heureux d'un commerce agréable,
montrant une physionomie égale et pai
sible, « n'ayant aucune situation à défen
dre, il n'avait à redouter aucune disgrâce,
et la Fortune, l'ayant à peu près oublié
dans la distribution de ses faveurs, sem
blait s'être interdit du même coup de
lui faire sentir le poids souvent cruel'de
ses caprices. »
Mme Récamier lui demeura toujours une
mnse, un soutien et une consolatrice. Son
admiration pour elle se changea en gra
titude, ou mieux il mêlait les deux senti
ments au point de les confondre. « Si mon
nom me survit, lui disàit-il, je serai nom
mé le philosophe de l'Abbaye-aux-Bois, et
ma philosophie sera considérée comme
inspirée par vous. »
C'est excès de modestie ; Ballanche fut
bien lui-même j et ses théories, en vérité,:;
ne présentent aucun caractère féminin.
Leur inspiration seule dans des apolo
gues gracieux — un don qui vient des im
mortels—marque une forte étude dè l'anti-.
quité, un commerce assidu avec les meil
leurs des auteurs païens, principalement
Homère. Cemme ses modèles, Ballanche
possède un style harmonique et doux, au
rythme monotone, d'un tour raffiné,parce
: qu'il poursuit la recherche de la grandeur,
et garde la préoccupation constante de la
a noblesse », dernier écho du genre qu'a
vait illustré Buffon et-point répudié l'au
teur des Martyrs. Epris de la beauté de
la langue, amoureux de la pureté des*
formes, il demeure étrangerà la vivacité
des couleurs,et on ne voit guère mieux à
assimiler son mode littéraire qu'à la fac
ture grise et d'une ligne glaciale des fres
ques de son compatriote Puvis .de Cha«
vannes.Dans la nature,paysages et mohu-
ments l'intéressent relativement peu ; il
cherche, à leur ombre, à rassembler des
déductions philosophiques plus qu'à re
cueillir les sensations qu'ils inspirent»
Il en faisait simplèmènt l'aveu :
«Je suis un pauvre faiseur de récits.
Je regarde sans appuyer le regard, sans
chercher à me rendre compte à moi-mè»
même. Les impressions que je reçois s'as
socient toujours aux sentiments'que j'ai
déjà, aux pensées qui sont en moi. Ces
ruines, ces paysages, cette Imer et ce ciol
c'est la voix du passé, c'est la voix de l'a
venir. Ce que je vois ici, ce que. j'ai va
ailleurs, ce que je sais; ce que je devine,
c'est toujours l'ensemble et la suite des
destinées humaines. »
Aussi analysait-il les conséquenees "des
faits plus qu'il ne poursuivait leur exac
titude. Il ne fut point un érudit ét il lie ;
possédait pas ce que nous appellerions
une« méthode scientifique»; son goût
lui faisait étudier les traditions où sa cri
tique demeurait assez courte; il avait
moins de raison que de sentiment.
" L'histoire religieuse l'intéressait parti
culièrement, il comprenait le rôle mo
ral et social de la défense des âges
chrétiens, il disait que c'était là la tâche
du XIX e siècle; il voulait qu'avec des pro
cédés rajeunis on expliquât les lois assi
gnées par Dieu à son ouvrage.' En pré
sence des négations sans preuves et sans
résultats, il était prêt à conclure, cin
quante ans avant d'autres, à la « faillite
de la scieces ».
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