Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1902-11-25
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 novembre 1902 25 novembre 1902
Description : 1902/11/25 (Numéro 12683). 1902/11/25 (Numéro 12683).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS < ÉTRANGER
» DÉPARTEMENTS (UNION POSTAIS)
On &n.itttuit fis ■■ ■ w. 33 a
Six mois 13 » 19 »
Trois mois...., 7 » 10 »
&sa abonnements partent des 1" et 18 de chaque mois
UN NUMÉRO : Paris & Départements 10 cent.
SUREAUX : Paris, rue Cassette, 17 (VI*arr.)
Oa l'abonne à Rome, place du Gesd, I
15 T
LE MONDE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNH
PARIS ÉTRANGER
Kï DÉPARTEMENTS (UNION POSTALE)
On an 13 » 20 *>
Six mois...... 7 » il »
Trois mois 4 » 5 50
Les abonnements partent des 1" et 16 de oliaq.ne mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont aàrestfl ''
ANNONCES
MM. LAGRANGÉ, CERF et G ie , 6, place de la B oum#*'
PARIS, 24 NOVEMBRE 1902
SOMMAIRE
Rameurs........... P ierre V euiuqv.
Le projet de loi de
M. Chaamié A. de L apparent.
Çà et là : « La Meu«
se »... F iulnçoib V euiuoi»
lLa semaine sportive J acques C &ERVAl.
Nouvelles agricoles A. de V iluers de
i' I sle- A dam.
Causerie littéraire:
M. EaaiLo Oiuvler. E bmqnd Ë irê.
Bulletin. — Au Conseil d'Etat. — Au jour
le jour. — Outragea à l'armée. — Un
peu de justice. — Fermeture» d'écoles et
manifestations. — Les congrégations.
— Informations politiques et parle
mentaires. — L'Action . libérale popu*
- laire. — Fêtes et réunions. — L'affaire
Boulaine-Andrieu. — L'affaire Humbert-
Grawford. — Etranger. — A travers la
pressé. — Les grèves. — La question
ouvrière. — Les anarchistes. — Echos
de partout. — Institut catholique de
Paris. — Cours et conférences. —> Chro
nique religieuse. — Pour l'avent.
Chrétiennes paroles. — Nécrologie. —
En province. — Collision de trains. —
Nouvelles diverses. — Calendrier. •—
Bourse et bulletin financier. — Dernière
heure. -
RUMEURS
On s'agite, paraît-il. Des oppor
tunistes jusqu'à présent fidèles au
ministère, et même des radicaux
; s'inquiètent et se fatiguent. Ils
commencent à trouver que M. Com
bes est décidément d'une insuffi
sance lamentable. Ce chef ne sait
accommoder qu'un plat; encore se
deiîiande-t on s'il pourra jamais le
servir à point. Persécuter les reli
gieux, c'est parfait; mais quoi, tou
jours ce pâté d'anguilles, sur le
menu, et quand on l'apporte aux
convives affamés qui l'ouvrent d'un
couteau avide, quel mécompte I,». Â
peu près rien que la croûte ; les an
guilles se sont presque toutes
. échappées encore une fois.
Ën attendant, la Chambre va ter
miner sa deuxième sj&ssion, et pas
de budget, des fibânces qui s'en
-vont â vau l'eau, une politique ex
térieure qui diminue notre pres
tige" un peu plus chaque jour, un
malaise intérieur qui s'accroît, les
réformes sociales indéfiniment re
mises. On se moque du pays. Nos
opportunistes et radicaux ne voient
aucun mal à cela, tant que le pays
reste la bonne dupe des sectaires et
jacobins. Mais quelques semaines
encore de ce jeu, et les électeurs
vont s'en rendre compte ; il faut
aviser.
Voilà ce que murmurent, dit-on,
certains clairvoyants de la gauche.
Leurs yeux s'ouvrent sur la solli
citation de leurs oreilles, et celles-
ci ont écouté les propos de quatre
ou cinq ambitieux, depuis trop long
temps privés de portefeuilles à leur
gré. N'est-il pas grand temps, par
exemple, que M. Doumer rede
vienne ministre ? ,
On signale d'autres intrigues.
Vont elles se nuire, vont-elles s'u
nir? Que veut M. Rouvier? La po
litique de M. Combes et le voisi
nage de M. Pelletan ne sauraient
lui plaire. Il est entré dans ce ca
binet, — on l'a compris,"- poùÊ se
rendre possihi- nouveau . A pré-
sent qu'ils l'ont accepté, soutenu,
les radicaux et même lés socialistes
n'oseront plus guère, au nom de la
moralité publique, le déclarer indi
gne du pouvoir* Mais le tninistère
âfetuel ne doit être, à ses yeux,
qu'un marche-pied. Le plan de M.
Rouvier n'est-il pas de .nbus _ac-
fcùlër à l'éfoprunt ? Qiiànd il en fau
fila venir là, et qu'il y aura ur
gence : Jê ne pèux point, dira-t-
il, risquer l'emprunt dans les con-
çUtiohs présentes. L'alliance du ca
binet avec les socialistes alarme
trop les intérêts. Voyez plutôt les
cours de la Bourse. Il faut modifier
l'orientation politique ; changement
de direction : oblique au centre!. ..
Et le tour sera joué.
.— Part à deuxl... se réserve sans
doute de dire M. Doumer. Et peut-
être même prétendra-t-il, ayant
gros appétit,, à la part du lion.
Tels sont les bruits qui circulent.
Certainement, il y a des intrigues.
Il y en a toujours; moins qu'on ne
le dit, plus qu'on ne le sait. Neuf,
fois sur dix, elles n'aboutissent
pas, ou tournent au profit d'un troi
sième larron. Il est très possible
que nous n'ayons point .de sitôt un
cabinet Doumer. Cependant, il n'est
pas impossible qu'un cabinet Dou
mer arrive assez prochainement au
pouvoir.
Que serait-il, ce cabinet, que fe
rait-il? Son chef, qui voudrait mar
quer, — ce n'est pas douteux, —
aurait la prétention de nous appor
ter du neuf. A l'extérieur, dit-.cn,
la France prendrait une attitude
moins passive, plus fière. Voilà qui
ne semble pas très difficile, et ces
rumeurs, ces assurances concor
dent avec la campagne qui se mène
présentement contre M. Delcassé.
Par là, M Doumer se concilierait
les nationalistes.
A l'intérieur, surprise et change
ment considérables. Le ministère
s'aviserait de se mettre à l'oeuvre,
tout de bon, pour tenir enfin les
promesses de réformes. Il néglige
rait le reste, et sans désavouer ses
prédécesseurs, il ne considérerait
S oint comme sa. principale besogne
e persécuter la religion. Ce M.
Doumer a des idées vraiment ori
ginales. Il revient de nos posses
sions d'Extrême-Orient ; l'état de
son cerveau doit s'expliquer par le
climat des colonies.
Peut-être qu'il s'explique aussi
par la situation politique .et parle
mentaire. L'ancien gouverneur de
l'Indo-Chine est sûr de n'avoir pas
l'appui des socialistes; l'attitude
des Jaurès et sous-Jaurès le prouve
assez. Déficit, à l'extrême-gauche,
d'au meins. quatre-vingts voix. Il
faudra que M. Doumer les rattrape
autre part. Les nationalistes, qui ne
rallieront peut-être pastoUSj et qui
ne seront pas très sûrs, ne suffi
raient point à combler le trou.
Alors, où s'adresser pour avoir
le supplément nécessaire? Aux
modérés.
Les modérés viendront si le nou
veau président du conseil* si le
nouveau cabinet se montrent moins
sectaires que les gouvernants ac
tuels. Ils feront bien de venir, et
toû8 les libéraux, totls les bons
Français, tous nos amis devraient
les imiter, sans hésitation.
Mais, entendons^nous : donnant,
donnant ; c'est la grande règle
en politique, et le Centre alle
mand nous offre encore sur ce
point l'exemple à suivre. Si de
main, dans quelques semaines ou
dans quelques mois, un ministère
arrive au pouvoir qui veuille se
consacrer à ces réformes écono
miques, financières et sociales tant
de fois promises, -—eh bien, qu'on
l'aide 1 une caisse des retraites ou
vrières, une caisse contre, le chô
mage, une autre contre les acci
dents: le travailleur les aura, grâce
au ministère et grâce à nous. On
établira même un sage impôt sur
le revenii. Et les grosses courses
consentiront à quelque sacrifice.
MaiSj en-revanche, la liberté de
l'enseignement devra rester sauve,
et les sectaires ne feront plus sans
frein la loi.
Pierre V euillot.
WLLETIfrÇ
Pas de harangue ministérielle à si
gnaler dans la journée d'hier \ M. Chau-
mié présidait à Paris la distribution des
prix à la Société de propagation das
langues étranqères, pendant que MM.
Mougeot et Bérard inauguraient dans
l'Ain une société d'agriculture.'
A la Chambré, l'ordre du jour porte
la vérification des opérations électorales
de la première circonscription de Li-
bourne et de la deuxième circonscrip«
tion de Montbrison.
Le Sénat, on le sait, ne siégera que
demain.
Le conseil des ministres espagnol a
décidé hier d'activer les travaux parle
mentaires, et notamment de faire dési
gner au plus tôt la commission qui doit
étudier Vaccord avec le Vatican au
sujet du budget des cultes. -
Le ministre de lâ justice a fait ressor
tir ia nécessité de discuter le projet de
loi sur les associations et sur les congrè'
gâtions religieuses»
Ën Portugal, k l'occasion de l'arrivée
À Lisbonne de V escadre anglaisé, un
journal fait remarquer que l'amirauté
de la Grande-Bretagne connaît mieux
que les Portugais la situation du port.
Plusieurs journaux ont été saisis pour
avoir fait des commentaires asset vifs
sur le voyage du roi de Portugal en An
gleterre ; Vun d'eux, 0 Mùndô, déclarait
que la mdnarchie portugaise, recon
naissant son insiàbihtè, fait à l'Angle
terre des concessions pour prolonger sa
vie.
En Autriche-Hongrie, le ministre M.
de Kœrber, parlant à une réunion d'in
dustriels, a dit que les intérêts écono
miques de la population ne doivent pas
être touchés, même par les luttes les
plus violentes des partis.
Hier, le peuple, suisse, par 252,176
suffrages contre 78,938. a approuvé un
article autorisantlaconfédération à sub
ventionner une école primaire sous là
réserve de la souveraineté s cantonale
dans le domaine de l'enseignement po
pulaire '
En Angleterre, grande manifestation,
à Hyde-Parh, contre le projet sur l'en
seignement qui met les écoles de pro
vince k la merci du clergé anglican en
attendant qu'il en soit de même pour les
écoles de Londres.
AU CONSEIL D'ÉTAT
Le Matin publie cette note évi
demment officieuse :
- , « ' • - . . *
On sait que le gouvernement a de
mandé au Conseil d'Etat de modifier le
règlement d'administration publique que
cette assemblée a élaboré pour assurer
l'application de la loi sur le contrat d'as
sociation.
Cette modification a pour objet de re
médier aux difficultés inextricables qui
résultent de la rédaction adoptée par le
Conseil d'Etat pour l'article 21 du règle
ment d'administration publique.
De cet article il résultait l'obligation
pour le gouvernement de Eoumettre au
Parlement les projets de refua aussi bien
que d'autorisation pour les coagrégaîions
religieuses — obligation qui créait des
obstacles insurmontables en l'état actuel
des choses.
D'accord avec la commission parle
mentaire des associations, le gouverne'
ment a proposé au Conseil d'Etat de mo
difier l'article 21.
• Actuellement, cet.article 21 du règle
ment du 16 août 1901 porte que le gou
vernement soumet au Parlement les pro
jets de loi tendant soit à accorder soit à
refuser l'autorisation::
C'est cette rédaction qui est la source
des difficultés qu'on cherche actuelle
ment à éviter. Car elle oblige à soumet
tre à chaque Chambre les projets néga*
tifs aussi bien que leB projeta affirma-
tifs.". :
Le système nouveau qui est à l'étude
consisterait à rédiger l'article 21 sous
cette forme :
Le ministre... « soumet aux Chambres
les demandes d'autorisation formées par
les congrégations en leur donnant la
forme de projets de loi. »
Nous croyons savoir que deux sections
du Conseil d'Etat ont déjà examiné la
modification proposée et ont donné un
avis favorable.
L'assemblée générale du Conseil d'E«
tat sera saisie cette semaine de la ques
tion, et tout porte à croire qu'elle la ré
glera dans le sens préconisé par le gou
vernement.
Aussitôt que le gouverneftent'aura été
avisé officiellement de la décision du
Conseil d'Etat, le président du conseil
soumettra à la Chambre les soixante et
une demandes d'autorisation formulées
par leB congrégations religieuses d'hom
mes.
Bien entendu, dans l 'exposé des motifB
des projets législatifs, le gouvernement
fera connaître Bon avis affirmatif ou né
gatif pour chacune de ces congréga
tions.
Malgré le caractère officieux du
Matin, nous attendrons, pour ap
précier le nouvel avis du Conseil
d'Etat, de le connaître.
Nous ne voulons pas croire, avant
de l'avoir vu, qu'il suffise au gou
vernement de dire au Conseil d'E
tat : « Changez d'avis, ». — pour que
le Conseil d'Etat, sans répliquer,
modifie son opinion.
AU JOUE LE JOUR
On sait que nos gouvernants, à force
de ne plus savoir où caser leurs proté
gés, finissent par oonfier à n'importe qui
des fonctions qui réclament des aptitu
des, absolument techniques.
Maintenant^ ce sont les bibliothèques
et les archives qui Bdnt menacées.
Aussi, un certain nombrede savants,
de professeurs et de bibliothécaires, ap
partenant aux opinions les plus diverses,
entre autres MM. Paul Viollet, membre
de l'Institut A. Molinier, Lot, bibliothé
caire de la Sorbônne, Mazerollô, Lelong,
Lazard, Bournon, etc., se sont-ils réunis
et ont ils décidé la formation d'un a Co
mité de défense scientifique ».
Le but de ce oomité sera d'empêcher
la nomination « de personnalités dont les
relations politiques sont leB seuls titres »
aux fonctions où deB connaissances tech
niques tout à fait particulières sont né
cessaires.
Le nouveau comité a nommé une com
mission permanente de eix membreB qui
sera chargée de lui signaler et de préve
nir * les nominations regrettables ».
L'initiative eBt bonne et courageuse.
Mais ces messieurs réussiront-ils à tenir
en respect la meute des quémandeurs
pourvus d'une influence électorale, et ne
verrons-nous pas, bien des fois encore,
la plaee des calculateurs attribuée aux
danseurs?
* *
S'il faut en croire une dépêche adres
sée de ïurin su Vélo, Victor-Emma
nuel III, avant la naissance de la petite
princesse, était à bord de son yacht lors
qu'il reçut la dépêche lui anongant que la
reine Hélène était souffrante. Le roi mit
aussitôt le cap sur le petit port de Lo«
rente, où l'attendait son automobile.
La mer était extrêmement agitée et en
approchant de la côte, il se rendit compte
qu'il lui était impossible de débarquer.
Le roi se mit alors à. la mer et gagna
la côte à la nage.
On constata que, s'il n'avait pris im-
médiatement cette détermination, il ne
serait pas arrivé à temps au Quirinal
pour assister à l'entrée en ce monde de
la princeBse Mafalda.
-• m
• .a
M. Jaubert, directeur de l'Observa
toire de la Tour Saint Jacques, déclaré
que la physionomie météorologique de
cette fin d'année paraît comparable à
celle de 1894-1895.
Cet hiver, on s'en Bouvient, fut très
rigoureux. La Seine charria de la glace à
partir du 13 janvier, et du 10 au
24 février, elle fut complètement obs
truée.
A propos des eaux de la Seine, peji de
gens connaissent une particularité inté
ressante.
Ceux qui habitent, à Paris, la rive
droite de la Seine ne sont point au bord
de la Seine. Ils sont au bord de la Marne.
Les deux cours d'eau, en effet, ne se mé
langent pas immédiatement.. Dans toute
la traversée de Paris, il est possible de
les distinguer, et c'est au pont de la Con
corde Beulement que la fusion des deux
cours d'eau commence à s'opérer.
Comme conséquence, l'eau est un peu
plus froide sur la rive droite que Bur la
rive gauche.
mm
Ce qui ennuie les uns fait toujours
plaisir à d'autres.
C 'est ainsi que, depuis une semaine,.
leB marchands de charbon sont dans la
joie.
Mais, en même temps, on recommence
à Bignaler un abus traditionnel chez
beaucoup de membres de cette utile
corporation.
Un sac de charbon, nul ne l'ignore, Be
résigne difficilement à atteindre le poids
convenu. ...
D'autre part, peu de clients sont en
mesure de faire peser devant eux le corn
bustible qu'ils achètent.
Si quelques-uns, plus méfiants, se dé'
cident à le faire, il n'est pas rare de voir
le bon « bougnat » repondre, du ton le
plus naturel du monde : « Ah 1 chi vous
le faites peger, che chera plus cher 1 »
Effectivement, ce n'est plus de jeu.
Voilà une matière sur laquelle la po
lice, qui fait tant de choseB inutiles et
parfois nuisibles, devrait bien exercer
son activité.
Il faut rendre cette justioe à M. Cor
nette, commissaire de polioe du quar
tier Saint ^Georges, que quelques exem
ples salutaires ont été faits par Bes
soins. *"
Ce magistrat a arrêté dans la rue quel
ques porteurs de charbon, les priant de
retourner avec lui chez lç patron, et de
peser le sac en sa présence.
Les sacs de 50 kilos présentaient gé
néralement des déficits variant de deux
à sept kilos.
Mais six procès -verbaux seulement
ont été dreBBés. C 'eBt bien peu. Avec si
peu de mésaventures, bougra lia chance
du bénéfice est encore bonne à courir.
Les petites rosseries.
•— Où es-tu allé te promener hier ?
— Au Jardin des Plantes.
— Et tout le monde va bien", danB ta
famille ?
11 PROJET Di LOI 1 M. iAUlll
Opinions.
M. A. de Lapparent, membre de
l'Institut,à qui nous avions demandé
son opinion sur le projet de loi
concernant l'enseignement secon
daire, veut bien nous écrire la lettre
suivante:
Paris, 23 novembre.
Monsieur le rédacteur en chef,
Vous avez bien voulu me demander
mon avis sur le projet de loi relatif à
l'enseignement .Becondaire. Au premier'
moment, j'avais pensé qu'il me faudrait
en examiner les articles l'un après l'au
tre, et vous dire les observations qu'ils
pourraient me suggérer.
Mais,, en.vérité, cela me .paraît bien
inutile. Nous ne vivons pas dans un temps
normal, où leB lois soient la sauvegarde
des honnêtes gens. De même que, soub
couleur de légiférer si^r les associations,
on a fait une loi exclusivement dirigée
contre les sociétés religieuses, ainsi
c'eBt contre l'enseignement libre chré
tien que le nouveau projet est conçu. Les
dispositions qu'il édicté n'ont d'autre
but que de l'enfermer dans une camisole
de force qui l'empêche de respirer, par-
toutoù on ne jugera pas plus opportun de le
supprimer simplement. ^
Peu importent les intentions de ceux
qui ont rédigé la loi. Qu'on Be sou
vienne de oe qui s'est passé il y a vingt
ans. Quanti la clause de moralité a été
introduite dans les règlements relatifs.à
l'enseignement libre, n'importe qui eût
protesté avec indignation contre la pen
sée que cette clause pût viser autre
chose crue la conduite privée des direc
teurs. Quelques mois après, on l'inter
prétait contre une école dont le ohef
n'avait pas déclaré un de ses collabora-
teurs comme congréganiste.
Ainsi en sera-t-il du certifioat péda
gogique, destiné à devenir un simple
billet de confession, que contresigne
raient les Loges.
Si quelque article parait ouvrir çà et
là une fissure, par laquelle un semblant
de liberté pourrait Be gliBser, soyez sûr
qu'au moment voulu un ministre saura
toujours s'excuser d'avoir mal compris
la loi, tout comme M. Waldeck-Rous-
Beau a humblement confessé son erreur
devant les injonctions de MM. Jacqûin
et Dumay. Quelles garanties peuvent of
frir, sôit une magistrature avant tout
préoccupée d'écarter ce qui pourrait
compromettre les gens du bloc, soit un
Conseil d'Etat dont le chef, à la présen
tation du premier janvier, a tenu à dé
clarer que le Conseil « se préoccupait
toujours de saisir la pensée gouverne
mentale »?
Lorsqu'en 1698 Louis XIV fit une en^
quête, pour aviser aux moyens d'amé
liorer la situation créée par la révocation
de l'édit de Nantes, un prélat intransi
geant avait imaginé une solution très
simple : l'Eglise excommunierait les hé
rétiques et les tièdes ; alors le roi, faisant
sienne la sentence, retirerait aux excom
muniés le droit d'acquérir,de vendre et de
tester. .■ . ; .■
Heureusement pour la liberté, la France
était alors en monarchie. Louis XIV ne
goûta pas cette solution. Aujourd'hui,
c est le Grand-Orient qui excommunie,
et le pouvoir faisant eienne l'excommu
nication, retire à ceux qu'elle frappe tout
autre droit que celui de payer à eux seuls
tous les impôts de leurs concitoyens.
Les pornographes, les défroqués et les
bohèmes peuvent agir à leur aise. A eux
la rue; à eux les places et les faveurs.
Quant aux hommes qui ont gardé le culte
de la morale et de la discipline, et cher-
chént 'à l'entretenir dans les honnêteB ;
familles qu'ils ont fondées, leur sort est
de Bubir une législation pire que celle
des établissements insalubres, dange
reux et incommodes. L'amende, la pri
son et la confiscation, voilà ce qu'on leur
fait entrevoir de tous côtés.
Ainsi l'a voulu le suffrage universel,
dans un pays qui jamais n'a bu com
prendre ni la liberté ni la tolérance. Il
n'y a plus qu'à espérer en la justice di
vine. En attendant, ceux qui, par incu
rable naïveté, ou par un goût immodéré
pour l'utopie, ont livré la place à nos
maîtres du jour, peuvent mesurer main
tenant la profondeur de l'abîme qu'ils
ont contribué à creuser-
Agréez, monsieur le rédacteur en chef,
l'assurance de mes sentiments les plus
distingués.
A. ce L apparent.
Çà et là
« EÂ MEUSE V(l) - :
Ce livre est, à coup sûr, un des plus
exquis, des plus pénétrants, que nous
ayons lus. Si l'on, croit que l'éloge eBt
exagéré, qu 'on le contrôle en faisant con
naissance avec l 'ouvrage I On y gagnera
de passer quelques heures délicieuses, et
nous y gagnerons qu'on nous rendra jus
tice.
Le développement d'une âme enfan
tine, encadrée dans une étude de mœurs
villageoises et ouvrières, et Burtout dans
un tableau de paysage, — voilà tout le
sujet du volume.
Mais ce tableau de paysage est brossé
avec une délicatesse incroyable et une
couleur intense. N oub commençons par
lui, puisque austi bien l'auteur, en le
prenant pour titre, a paru lui donner le
premier rang. M. J. Beller est un amou
reux de la Meuse ; il la déroule à travers
tout Bon livre ; elle y porte la fraîcheur
et la vie, comme au sein des campagnes
qui bordent ses rives. On sent qu'il a dû
passer de longs jours à la contempler, à
l'écouter, je dirais même à causer avec
elle ; il la connaît à fond, il a reçu ses
confidences. Il a noté le chant de -seB
ondes et les mille nuances que ^mirent
dans ses eaux l'aurore et le crépuscule,
le flamboiement du grand jour et leclair-
obscur de la nuit. Nous suivons avec ses
yeux le vol en flèche ou en rond des oi?
seaux familiers du fleuve;avec ses mains
nous éoartons les roseaux de ses bords,
nous fouillons les buissons qui plongent
leurs racines dans son cours, nous cueil
Ions les fleurs semées dans les prairies
qui se fécondent à la caresse de ses va
gues. Il se rencontre, en ceB paysages,
qui s'épanchent doucement et largement,
comme des nappes liquides, des pages
délicieusement fraîches et poétiques.
Mais M. J. Beller n'est pas un pur des
criptif. Il donne , à «on grand fleuve, une
grande âme. Ce n 'est plus seulement le
miroir mobile où se reflètent le ciel, les
arbreB et leB champs; c'est la grande
artère qui répand la vie parmi les con
trées qu 'elle traverse.
Et ceB contrées, nous les voyons vivre,
à leur tour. Après les rêveries solitaires,
où l'on se berce au fil du courant qui
s'enfuit ou au clapotement discret deB
flots mourant BUr la berge, on eBt
brusquement lancé en pleine activité
laborieuse. Voici les mariniers qui,
paisiblement, descendënt la rivière, et
qui, pluB lentement, la remontent pour
rentrer au logis, leur campagne ache
vée. Quelles pittoresques disputes en
tre les deux grands-pères, le paysan,
âpre et sentencieux, plein de mépris pour
ces fainéants qui ne travaillent pas le
sol, et le riverain, brusque et bon en
fant, pour qui mener leB pénicheB .estla
vie plus douoe et le plus beau métier. Et
quelle disorète et poignante émotion
dans les derniers jours du vieux batelier
qui, ruiné par une faillite, obligé de
ehercher pour vivre un labeur de ter
rien, ne peut pas se résoudre à quitter
Bon fleuve et finit par y mourir !
Mais, autour du logis des mariniers,
tout un village B 'anime ; il se remplit de
maisons, dominées par le vieux château
grave et Bolitaire endormi dans Bon
»rand paro et par la lourde usine aux
murs gris, toute ronflante, grinçante et
fumante. Et les maisons se peuplent
d'habitants qui vont et viennent, agis
sent et parlent. Au milieu de tous ces
personnages, la vie circule, des drames
se déroulent, des physionomies s'accu
sent en relief; c'est le curé droit et vigou
reux,le propriétaire de bateaux rude et mal
payant, le financier politique qui gruge
[es économies des simples, etc., etc.
Puis, un beau jour, le canon, — car l'ac
tion se noue vers la fin de l'Empire et Be
termine au lendemain de la guerre, —
un beau jour, le canon vient déohirer
tous ces frais paysages, éventrer deB
maisons paisibles et travailleuses, épar
piller ces villageois tranquilles...
Or, tous ces tableaux champêtres et
tous ces hommes et tous ces événements
se concentrent et se réfléchissent dans
l 'âme d'un enfant. L 'épanouissemènt de
cette âme enfantine eBt le chef-d'œuvre
de l 'auteur. Il y révèle une psychologie
auBBi profonde et aussi fine que sa poé
sie s'affirmait, dans les tableaux, péné
trante et colorée.
Le fils du marinier laisse cpuler Bon
enfanoe au long du fleuve, qu'il aime
avec passion. Il s'oublie des heures en
tières à regarder les flots pousser les
flots, à l'infini. La Meuse est sa grande
étude et Bon seul plaisir. Les prés, étoi-
lés de fleurs, qui se baignent dans la ri
vière, leB arbrisseaux, chargés de nids,
qui penchent leur tête au -dessus du cou
rant, lui procurent des joies, des décou
vertes et des récréations toujours nou
velles. Aussi,l'enfant, comme un « petit
loup », reste-t-il un peu sauvage, éloigné
des jeux de ses camarades, enfermé dans
son amour égoïste et solitaire. Il n'a
d'autre ambition que de promener sa'vie
tout entière, au fil de l 'eau, sur les pé
niches.
Mais les circonstances l'arrachent à sa !
contemplation. Au sortir de l'école, il
doit, danB un atelier de la ville voisine, ;
apprendre à gagner péniblement son ;
p ain . En même temps, le bon curé du j
village essaie de dériver sur les hom- s
mes les trésors profonds de tendresse
que ce brave petit cœur épanchait sur j
leB choses. Et, peu à peu, par une lente ;
évolution dont un résumé brutal ne sau
rait exprimer la gradation presque. in- ;
(1) La Meuse, par J.|Beller. Imprimerie de
la Croix du Nord, 15, rue d'Angleterre, à
Lille.
sensible et doucement nuancée, le a pe
tit loup », sans oublier ses premiers
amiSj les eaux } les buissons, les fleurs et
les oiseaux, se prend à chérir aussi des
camarades. Un jour, il sacrifie pour l'un
d'eux sa place à l'atelier ; une autre fois,
il en pousse un autre au confessionnal.
Et, bientôt, cette âme enfantine élargit
encore Bes affections ; elle embras&fi en
même temps tous les anciens compa
gnons de l'école et tous ceux de l'atelier ;
un puissant désir de faire du bien à tou|
la pénètre et la soulève. Et, dans ce cœur
autrefois presque sauvage et Bans amour
du prochain, la vocation sacerdotale
pointe, émerge et grandit...
On voudrait poursuivre encore et voir
s'épanouir cette âme exquise d'adoles
cent... Mais l'auteur s'arrête au seuil du
petit séminaire et il faut bien, aveo re
gret, fermer le livre.
Du moins, gardons-le près de nous,
pour nous y rafraîchir et nous y retrem
per !
François V euillot.
: ' ♦ :. : ■ . j
LETTRES DE BELGIQUE
20 novembre.
L'attentat contre le roi. — La rentrée du
Parlement.
Tout s'efface aujourd'hui devant l'at
tentat criminel de Gennaro Rubino.
Au retour d'un service funèbre célébré
à Sainte-Gudule en mémoire de nos deux
premières reines, Léopold II a été l'ob
jet d'une tentative "d'assassinat de la
part de l'anarchiste italien dont le nom
précède. Par suite d'on ne Bait trop
quelle méprise ou circonstance fortuite,
le coup de feu s'est égaré sur un carrosse
où ne se trouvair aucun membre de la
famille royale, et par bonheur, tout le
dégât s'est limité au b.ris d'une glace par
la balle du revolver. Les deux hauts di
gnitaires qui occupaient cette voiture
l'ont échappé belle, car l'un d'eux a été
presque frôlé par le projectile, que l'os a
retrouvé.dans les capitonnages.
Un ou deux autres coups se sont per
dus 5 l'assassin a été presque instanta
nément désarmé par la foule et remis à
la police.
Rubino, comme on le sait, ne cache
pas qu'il en voulait à la vie du roi, et ne
manifeste aucun regret, si ce n'est d'a
voir manqué son but. Il ajoute d'ailleur?
qu'il n'a en vue, d'une manière générale,
que les hauts représentants de l'autorité,
auxquels il ne pardonne pas de vivre
dans l'opulence, tandis que tant de
malheureux crèvent de faim.
Pour remettre les choses au point, il
faut néanmoins remarquer que l'attentat
coïncide avec une campagne d'invectiveB
entreprise par le Peuple, organe des so
cialistes belges, contre Léopold II, cam
pagne où leB plus basses injures le dis
putent aux plus odieuses imputations ;
il constitue donc la suite d'une série d'at
tentats de ce genre, dont le plus récent
est celui qui visa, il y a tantôt deux mois,
M. Carton de Wiart, secrétaire particu
lier du roi.
Ces attentats nè peuvent -ils pas être
considérés comme une revanche des ré
volutionnaires, furieux de l'écheo que
leurs tentatives insurrectionnelles du dé
but de l'année ont Bubi ?
' C'est une chose à peu près établie
par les enseignements de l'histoire con
temporaine, que leB faits de ce genre,
c'est-à-dire les coupa de main dirigéB
contre les personnes revêtues d'une
haute fonotion ou ayant un rang émi-
nent, constituent en quelque sorte le
diagnostic de la révolution comprimée.
Lorsque leB clubs se taisent ou complo
tent en Bilence, leB assassins plus ou
moins politiques entrent en scène. Nos
Vaillant, nos Caserio, nos Ozolgosz, nos
Rubino, sont les continuateurs deB
Fieschi et des Orsini. On aurait tort de
s'arrêter à leurs poses héroïques ou sim
plement bravaches. L'assassinat, d#
quelque prétexte qu'il se colore, n'est ja
mais qu'un crime.
L 'indignation a été profonde et la ré
probation unanime. Rien n'est remar
quable comme la spontanéité et l'inten
sité des acclamations qui retentirent en
guiBe de protestation, aussitôt après
l 'attentat. Dans cette foule si mêlée et si
compacte,qui se pressait Bur le parcours
du cortège royal, il se trouvait des gens ~
de toute eBpèce et de toute opinion, et,
en grand nombre assurément, des ci
toyens qui donnent leur suffrage au parti
socialiste. Rien ne les disposait à l 'en
thousiasme; ils restaient Bilencieux, tout
en étant respectueux. Il a suffi d'une étin
celle pour faire éclater les témoignages
de fidélité et d 'attachement à la personne
royale.
Le peuple belge n 'est point fort expan-
sif, mais quand il exprime ses sentiments
et sa volonté, il sait le faire d'une fa-
çon significative. Et voyez comment il
procède : pas la moindre, panique mais
deB cris de colère contre l'assassin, des
menaces de mort, des cannes levées, des
tentatives pour lui faire un mauvais
parti, au point que la troupe a dû proté
ger le misérable. Et puis, quand ce der
nier a été coffré, chacun s 'en est retourné
à sa besogne, comme si jamais rien n'a
vait menacé les deBtinéeB de la nation.
Pour qu'il en fût ainsi, il fallait une belle
confiance en l'avenir et une rare posses
sion de soi-même.
Avant tout, remercions la Providence
de nous avoir préservés d'un malheur.
Jamais, depuis que la Belgique est indé
pendante, un fait pareil ne s'était pro
duit. Léopold I" a régné trente-quatre
ans, et Léopold II règne depuis trente-
PARIS < ÉTRANGER
» DÉPARTEMENTS (UNION POSTAIS)
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont aàrestfl ''
ANNONCES
MM. LAGRANGÉ, CERF et G ie , 6, place de la B oum#*'
PARIS, 24 NOVEMBRE 1902
SOMMAIRE
Rameurs........... P ierre V euiuqv.
Le projet de loi de
M. Chaamié A. de L apparent.
Çà et là : « La Meu«
se »... F iulnçoib V euiuoi»
l
Nouvelles agricoles A. de V iluers de
i' I sle- A dam.
Causerie littéraire:
M. EaaiLo Oiuvler. E bmqnd Ë irê.
Bulletin. — Au Conseil d'Etat. — Au jour
le jour. — Outragea à l'armée. — Un
peu de justice. — Fermeture» d'écoles et
manifestations. — Les congrégations.
— Informations politiques et parle
mentaires. — L'Action . libérale popu*
- laire. — Fêtes et réunions. — L'affaire
Boulaine-Andrieu. — L'affaire Humbert-
Grawford. — Etranger. — A travers la
pressé. — Les grèves. — La question
ouvrière. — Les anarchistes. — Echos
de partout. — Institut catholique de
Paris. — Cours et conférences. —> Chro
nique religieuse. — Pour l'avent.
Chrétiennes paroles. — Nécrologie. —
En province. — Collision de trains. —
Nouvelles diverses. — Calendrier. •—
Bourse et bulletin financier. — Dernière
heure. -
RUMEURS
On s'agite, paraît-il. Des oppor
tunistes jusqu'à présent fidèles au
ministère, et même des radicaux
; s'inquiètent et se fatiguent. Ils
commencent à trouver que M. Com
bes est décidément d'une insuffi
sance lamentable. Ce chef ne sait
accommoder qu'un plat; encore se
deiîiande-t on s'il pourra jamais le
servir à point. Persécuter les reli
gieux, c'est parfait; mais quoi, tou
jours ce pâté d'anguilles, sur le
menu, et quand on l'apporte aux
convives affamés qui l'ouvrent d'un
couteau avide, quel mécompte I,». Â
peu près rien que la croûte ; les an
guilles se sont presque toutes
. échappées encore une fois.
Ën attendant, la Chambre va ter
miner sa deuxième sj&ssion, et pas
de budget, des fibânces qui s'en
-vont â vau l'eau, une politique ex
térieure qui diminue notre pres
tige" un peu plus chaque jour, un
malaise intérieur qui s'accroît, les
réformes sociales indéfiniment re
mises. On se moque du pays. Nos
opportunistes et radicaux ne voient
aucun mal à cela, tant que le pays
reste la bonne dupe des sectaires et
jacobins. Mais quelques semaines
encore de ce jeu, et les électeurs
vont s'en rendre compte ; il faut
aviser.
Voilà ce que murmurent, dit-on,
certains clairvoyants de la gauche.
Leurs yeux s'ouvrent sur la solli
citation de leurs oreilles, et celles-
ci ont écouté les propos de quatre
ou cinq ambitieux, depuis trop long
temps privés de portefeuilles à leur
gré. N'est-il pas grand temps, par
exemple, que M. Doumer rede
vienne ministre ? ,
On signale d'autres intrigues.
Vont elles se nuire, vont-elles s'u
nir? Que veut M. Rouvier? La po
litique de M. Combes et le voisi
nage de M. Pelletan ne sauraient
lui plaire. Il est entré dans ce ca
binet, — on l'a compris,"- poùÊ se
rendre possihi- nouveau . A pré-
sent qu'ils l'ont accepté, soutenu,
les radicaux et même lés socialistes
n'oseront plus guère, au nom de la
moralité publique, le déclarer indi
gne du pouvoir* Mais le tninistère
âfetuel ne doit être, à ses yeux,
qu'un marche-pied. Le plan de M.
Rouvier n'est-il pas de .nbus _ac-
fcùlër à l'éfoprunt ? Qiiànd il en fau
fila venir là, et qu'il y aura ur
gence : Jê ne pèux point, dira-t-
il, risquer l'emprunt dans les con-
çUtiohs présentes. L'alliance du ca
binet avec les socialistes alarme
trop les intérêts. Voyez plutôt les
cours de la Bourse. Il faut modifier
l'orientation politique ; changement
de direction : oblique au centre!. ..
Et le tour sera joué.
.— Part à deuxl... se réserve sans
doute de dire M. Doumer. Et peut-
être même prétendra-t-il, ayant
gros appétit,, à la part du lion.
Tels sont les bruits qui circulent.
Certainement, il y a des intrigues.
Il y en a toujours; moins qu'on ne
le dit, plus qu'on ne le sait. Neuf,
fois sur dix, elles n'aboutissent
pas, ou tournent au profit d'un troi
sième larron. Il est très possible
que nous n'ayons point .de sitôt un
cabinet Doumer. Cependant, il n'est
pas impossible qu'un cabinet Dou
mer arrive assez prochainement au
pouvoir.
Que serait-il, ce cabinet, que fe
rait-il? Son chef, qui voudrait mar
quer, — ce n'est pas douteux, —
aurait la prétention de nous appor
ter du neuf. A l'extérieur, dit-.cn,
la France prendrait une attitude
moins passive, plus fière. Voilà qui
ne semble pas très difficile, et ces
rumeurs, ces assurances concor
dent avec la campagne qui se mène
présentement contre M. Delcassé.
Par là, M Doumer se concilierait
les nationalistes.
A l'intérieur, surprise et change
ment considérables. Le ministère
s'aviserait de se mettre à l'oeuvre,
tout de bon, pour tenir enfin les
promesses de réformes. Il néglige
rait le reste, et sans désavouer ses
prédécesseurs, il ne considérerait
S oint comme sa. principale besogne
e persécuter la religion. Ce M.
Doumer a des idées vraiment ori
ginales. Il revient de nos posses
sions d'Extrême-Orient ; l'état de
son cerveau doit s'expliquer par le
climat des colonies.
Peut-être qu'il s'explique aussi
par la situation politique .et parle
mentaire. L'ancien gouverneur de
l'Indo-Chine est sûr de n'avoir pas
l'appui des socialistes; l'attitude
des Jaurès et sous-Jaurès le prouve
assez. Déficit, à l'extrême-gauche,
d'au meins. quatre-vingts voix. Il
faudra que M. Doumer les rattrape
autre part. Les nationalistes, qui ne
rallieront peut-être pastoUSj et qui
ne seront pas très sûrs, ne suffi
raient point à combler le trou.
Alors, où s'adresser pour avoir
le supplément nécessaire? Aux
modérés.
Les modérés viendront si le nou
veau président du conseil* si le
nouveau cabinet se montrent moins
sectaires que les gouvernants ac
tuels. Ils feront bien de venir, et
toû8 les libéraux, totls les bons
Français, tous nos amis devraient
les imiter, sans hésitation.
Mais, entendons^nous : donnant,
donnant ; c'est la grande règle
en politique, et le Centre alle
mand nous offre encore sur ce
point l'exemple à suivre. Si de
main, dans quelques semaines ou
dans quelques mois, un ministère
arrive au pouvoir qui veuille se
consacrer à ces réformes écono
miques, financières et sociales tant
de fois promises, -—eh bien, qu'on
l'aide 1 une caisse des retraites ou
vrières, une caisse contre, le chô
mage, une autre contre les acci
dents: le travailleur les aura, grâce
au ministère et grâce à nous. On
établira même un sage impôt sur
le revenii. Et les grosses courses
consentiront à quelque sacrifice.
MaiSj en-revanche, la liberté de
l'enseignement devra rester sauve,
et les sectaires ne feront plus sans
frein la loi.
Pierre V euillot.
WLLETIfrÇ
Pas de harangue ministérielle à si
gnaler dans la journée d'hier \ M. Chau-
mié présidait à Paris la distribution des
prix à la Société de propagation das
langues étranqères, pendant que MM.
Mougeot et Bérard inauguraient dans
l'Ain une société d'agriculture.'
A la Chambré, l'ordre du jour porte
la vérification des opérations électorales
de la première circonscription de Li-
bourne et de la deuxième circonscrip«
tion de Montbrison.
Le Sénat, on le sait, ne siégera que
demain.
Le conseil des ministres espagnol a
décidé hier d'activer les travaux parle
mentaires, et notamment de faire dési
gner au plus tôt la commission qui doit
étudier Vaccord avec le Vatican au
sujet du budget des cultes. -
Le ministre de lâ justice a fait ressor
tir ia nécessité de discuter le projet de
loi sur les associations et sur les congrè'
gâtions religieuses»
Ën Portugal, k l'occasion de l'arrivée
À Lisbonne de V escadre anglaisé, un
journal fait remarquer que l'amirauté
de la Grande-Bretagne connaît mieux
que les Portugais la situation du port.
Plusieurs journaux ont été saisis pour
avoir fait des commentaires asset vifs
sur le voyage du roi de Portugal en An
gleterre ; Vun d'eux, 0 Mùndô, déclarait
que la mdnarchie portugaise, recon
naissant son insiàbihtè, fait à l'Angle
terre des concessions pour prolonger sa
vie.
En Autriche-Hongrie, le ministre M.
de Kœrber, parlant à une réunion d'in
dustriels, a dit que les intérêts écono
miques de la population ne doivent pas
être touchés, même par les luttes les
plus violentes des partis.
Hier, le peuple, suisse, par 252,176
suffrages contre 78,938. a approuvé un
article autorisantlaconfédération à sub
ventionner une école primaire sous là
réserve de la souveraineté s cantonale
dans le domaine de l'enseignement po
pulaire '
En Angleterre, grande manifestation,
à Hyde-Parh, contre le projet sur l'en
seignement qui met les écoles de pro
vince k la merci du clergé anglican en
attendant qu'il en soit de même pour les
écoles de Londres.
AU CONSEIL D'ÉTAT
Le Matin publie cette note évi
demment officieuse :
- , « ' • - . . *
On sait que le gouvernement a de
mandé au Conseil d'Etat de modifier le
règlement d'administration publique que
cette assemblée a élaboré pour assurer
l'application de la loi sur le contrat d'as
sociation.
Cette modification a pour objet de re
médier aux difficultés inextricables qui
résultent de la rédaction adoptée par le
Conseil d'Etat pour l'article 21 du règle
ment d'administration publique.
De cet article il résultait l'obligation
pour le gouvernement de Eoumettre au
Parlement les projets de refua aussi bien
que d'autorisation pour les coagrégaîions
religieuses — obligation qui créait des
obstacles insurmontables en l'état actuel
des choses.
D'accord avec la commission parle
mentaire des associations, le gouverne'
ment a proposé au Conseil d'Etat de mo
difier l'article 21.
• Actuellement, cet.article 21 du règle
ment du 16 août 1901 porte que le gou
vernement soumet au Parlement les pro
jets de loi tendant soit à accorder soit à
refuser l'autorisation::
C'est cette rédaction qui est la source
des difficultés qu'on cherche actuelle
ment à éviter. Car elle oblige à soumet
tre à chaque Chambre les projets néga*
tifs aussi bien que leB projeta affirma-
tifs.". :
Le système nouveau qui est à l'étude
consisterait à rédiger l'article 21 sous
cette forme :
Le ministre... « soumet aux Chambres
les demandes d'autorisation formées par
les congrégations en leur donnant la
forme de projets de loi. »
Nous croyons savoir que deux sections
du Conseil d'Etat ont déjà examiné la
modification proposée et ont donné un
avis favorable.
L'assemblée générale du Conseil d'E«
tat sera saisie cette semaine de la ques
tion, et tout porte à croire qu'elle la ré
glera dans le sens préconisé par le gou
vernement.
Aussitôt que le gouverneftent'aura été
avisé officiellement de la décision du
Conseil d'Etat, le président du conseil
soumettra à la Chambre les soixante et
une demandes d'autorisation formulées
par leB congrégations religieuses d'hom
mes.
Bien entendu, dans l 'exposé des motifB
des projets législatifs, le gouvernement
fera connaître Bon avis affirmatif ou né
gatif pour chacune de ces congréga
tions.
Malgré le caractère officieux du
Matin, nous attendrons, pour ap
précier le nouvel avis du Conseil
d'Etat, de le connaître.
Nous ne voulons pas croire, avant
de l'avoir vu, qu'il suffise au gou
vernement de dire au Conseil d'E
tat : « Changez d'avis, ». — pour que
le Conseil d'Etat, sans répliquer,
modifie son opinion.
AU JOUE LE JOUR
On sait que nos gouvernants, à force
de ne plus savoir où caser leurs proté
gés, finissent par oonfier à n'importe qui
des fonctions qui réclament des aptitu
des, absolument techniques.
Maintenant^ ce sont les bibliothèques
et les archives qui Bdnt menacées.
Aussi, un certain nombrede savants,
de professeurs et de bibliothécaires, ap
partenant aux opinions les plus diverses,
entre autres MM. Paul Viollet, membre
de l'Institut A. Molinier, Lot, bibliothé
caire de la Sorbônne, Mazerollô, Lelong,
Lazard, Bournon, etc., se sont-ils réunis
et ont ils décidé la formation d'un a Co
mité de défense scientifique ».
Le but de ce oomité sera d'empêcher
la nomination « de personnalités dont les
relations politiques sont leB seuls titres »
aux fonctions où deB connaissances tech
niques tout à fait particulières sont né
cessaires.
Le nouveau comité a nommé une com
mission permanente de eix membreB qui
sera chargée de lui signaler et de préve
nir * les nominations regrettables ».
L'initiative eBt bonne et courageuse.
Mais ces messieurs réussiront-ils à tenir
en respect la meute des quémandeurs
pourvus d'une influence électorale, et ne
verrons-nous pas, bien des fois encore,
la plaee des calculateurs attribuée aux
danseurs?
* *
S'il faut en croire une dépêche adres
sée de ïurin su Vélo, Victor-Emma
nuel III, avant la naissance de la petite
princesse, était à bord de son yacht lors
qu'il reçut la dépêche lui anongant que la
reine Hélène était souffrante. Le roi mit
aussitôt le cap sur le petit port de Lo«
rente, où l'attendait son automobile.
La mer était extrêmement agitée et en
approchant de la côte, il se rendit compte
qu'il lui était impossible de débarquer.
Le roi se mit alors à. la mer et gagna
la côte à la nage.
On constata que, s'il n'avait pris im-
médiatement cette détermination, il ne
serait pas arrivé à temps au Quirinal
pour assister à l'entrée en ce monde de
la princeBse Mafalda.
-• m
• .a
M. Jaubert, directeur de l'Observa
toire de la Tour Saint Jacques, déclaré
que la physionomie météorologique de
cette fin d'année paraît comparable à
celle de 1894-1895.
Cet hiver, on s'en Bouvient, fut très
rigoureux. La Seine charria de la glace à
partir du 13 janvier, et du 10 au
24 février, elle fut complètement obs
truée.
A propos des eaux de la Seine, peji de
gens connaissent une particularité inté
ressante.
Ceux qui habitent, à Paris, la rive
droite de la Seine ne sont point au bord
de la Seine. Ils sont au bord de la Marne.
Les deux cours d'eau, en effet, ne se mé
langent pas immédiatement.. Dans toute
la traversée de Paris, il est possible de
les distinguer, et c'est au pont de la Con
corde Beulement que la fusion des deux
cours d'eau commence à s'opérer.
Comme conséquence, l'eau est un peu
plus froide sur la rive droite que Bur la
rive gauche.
mm
Ce qui ennuie les uns fait toujours
plaisir à d'autres.
C 'est ainsi que, depuis une semaine,.
leB marchands de charbon sont dans la
joie.
Mais, en même temps, on recommence
à Bignaler un abus traditionnel chez
beaucoup de membres de cette utile
corporation.
Un sac de charbon, nul ne l'ignore, Be
résigne difficilement à atteindre le poids
convenu. ...
D'autre part, peu de clients sont en
mesure de faire peser devant eux le corn
bustible qu'ils achètent.
Si quelques-uns, plus méfiants, se dé'
cident à le faire, il n'est pas rare de voir
le bon « bougnat » repondre, du ton le
plus naturel du monde : « Ah 1 chi vous
le faites peger, che chera plus cher 1 »
Effectivement, ce n'est plus de jeu.
Voilà une matière sur laquelle la po
lice, qui fait tant de choseB inutiles et
parfois nuisibles, devrait bien exercer
son activité.
Il faut rendre cette justioe à M. Cor
nette, commissaire de polioe du quar
tier Saint ^Georges, que quelques exem
ples salutaires ont été faits par Bes
soins. *"
Ce magistrat a arrêté dans la rue quel
ques porteurs de charbon, les priant de
retourner avec lui chez lç patron, et de
peser le sac en sa présence.
Les sacs de 50 kilos présentaient gé
néralement des déficits variant de deux
à sept kilos.
Mais six procès -verbaux seulement
ont été dreBBés. C 'eBt bien peu. Avec si
peu de mésaventures, bougra lia chance
du bénéfice est encore bonne à courir.
Les petites rosseries.
•— Où es-tu allé te promener hier ?
— Au Jardin des Plantes.
— Et tout le monde va bien", danB ta
famille ?
11 PROJET Di LOI 1 M. iAUlll
Opinions.
M. A. de Lapparent, membre de
l'Institut,à qui nous avions demandé
son opinion sur le projet de loi
concernant l'enseignement secon
daire, veut bien nous écrire la lettre
suivante:
Paris, 23 novembre.
Monsieur le rédacteur en chef,
Vous avez bien voulu me demander
mon avis sur le projet de loi relatif à
l'enseignement .Becondaire. Au premier'
moment, j'avais pensé qu'il me faudrait
en examiner les articles l'un après l'au
tre, et vous dire les observations qu'ils
pourraient me suggérer.
Mais,, en.vérité, cela me .paraît bien
inutile. Nous ne vivons pas dans un temps
normal, où leB lois soient la sauvegarde
des honnêtes gens. De même que, soub
couleur de légiférer si^r les associations,
on a fait une loi exclusivement dirigée
contre les sociétés religieuses, ainsi
c'eBt contre l'enseignement libre chré
tien que le nouveau projet est conçu. Les
dispositions qu'il édicté n'ont d'autre
but que de l'enfermer dans une camisole
de force qui l'empêche de respirer, par-
toutoù on ne jugera pas plus opportun de le
supprimer simplement. ^
Peu importent les intentions de ceux
qui ont rédigé la loi. Qu'on Be sou
vienne de oe qui s'est passé il y a vingt
ans. Quanti la clause de moralité a été
introduite dans les règlements relatifs.à
l'enseignement libre, n'importe qui eût
protesté avec indignation contre la pen
sée que cette clause pût viser autre
chose crue la conduite privée des direc
teurs. Quelques mois après, on l'inter
prétait contre une école dont le ohef
n'avait pas déclaré un de ses collabora-
teurs comme congréganiste.
Ainsi en sera-t-il du certifioat péda
gogique, destiné à devenir un simple
billet de confession, que contresigne
raient les Loges.
Si quelque article parait ouvrir çà et
là une fissure, par laquelle un semblant
de liberté pourrait Be gliBser, soyez sûr
qu'au moment voulu un ministre saura
toujours s'excuser d'avoir mal compris
la loi, tout comme M. Waldeck-Rous-
Beau a humblement confessé son erreur
devant les injonctions de MM. Jacqûin
et Dumay. Quelles garanties peuvent of
frir, sôit une magistrature avant tout
préoccupée d'écarter ce qui pourrait
compromettre les gens du bloc, soit un
Conseil d'Etat dont le chef, à la présen
tation du premier janvier, a tenu à dé
clarer que le Conseil « se préoccupait
toujours de saisir la pensée gouverne
mentale »?
Lorsqu'en 1698 Louis XIV fit une en^
quête, pour aviser aux moyens d'amé
liorer la situation créée par la révocation
de l'édit de Nantes, un prélat intransi
geant avait imaginé une solution très
simple : l'Eglise excommunierait les hé
rétiques et les tièdes ; alors le roi, faisant
sienne la sentence, retirerait aux excom
muniés le droit d'acquérir,de vendre et de
tester. .■ . ; .■
Heureusement pour la liberté, la France
était alors en monarchie. Louis XIV ne
goûta pas cette solution. Aujourd'hui,
c est le Grand-Orient qui excommunie,
et le pouvoir faisant eienne l'excommu
nication, retire à ceux qu'elle frappe tout
autre droit que celui de payer à eux seuls
tous les impôts de leurs concitoyens.
Les pornographes, les défroqués et les
bohèmes peuvent agir à leur aise. A eux
la rue; à eux les places et les faveurs.
Quant aux hommes qui ont gardé le culte
de la morale et de la discipline, et cher-
chént 'à l'entretenir dans les honnêteB ;
familles qu'ils ont fondées, leur sort est
de Bubir une législation pire que celle
des établissements insalubres, dange
reux et incommodes. L'amende, la pri
son et la confiscation, voilà ce qu'on leur
fait entrevoir de tous côtés.
Ainsi l'a voulu le suffrage universel,
dans un pays qui jamais n'a bu com
prendre ni la liberté ni la tolérance. Il
n'y a plus qu'à espérer en la justice di
vine. En attendant, ceux qui, par incu
rable naïveté, ou par un goût immodéré
pour l'utopie, ont livré la place à nos
maîtres du jour, peuvent mesurer main
tenant la profondeur de l'abîme qu'ils
ont contribué à creuser-
Agréez, monsieur le rédacteur en chef,
l'assurance de mes sentiments les plus
distingués.
A. ce L apparent.
Çà et là
« EÂ MEUSE V(l) - :
Ce livre est, à coup sûr, un des plus
exquis, des plus pénétrants, que nous
ayons lus. Si l'on, croit que l'éloge eBt
exagéré, qu 'on le contrôle en faisant con
naissance avec l 'ouvrage I On y gagnera
de passer quelques heures délicieuses, et
nous y gagnerons qu'on nous rendra jus
tice.
Le développement d'une âme enfan
tine, encadrée dans une étude de mœurs
villageoises et ouvrières, et Burtout dans
un tableau de paysage, — voilà tout le
sujet du volume.
Mais ce tableau de paysage est brossé
avec une délicatesse incroyable et une
couleur intense. N oub commençons par
lui, puisque austi bien l'auteur, en le
prenant pour titre, a paru lui donner le
premier rang. M. J. Beller est un amou
reux de la Meuse ; il la déroule à travers
tout Bon livre ; elle y porte la fraîcheur
et la vie, comme au sein des campagnes
qui bordent ses rives. On sent qu'il a dû
passer de longs jours à la contempler, à
l'écouter, je dirais même à causer avec
elle ; il la connaît à fond, il a reçu ses
confidences. Il a noté le chant de -seB
ondes et les mille nuances que ^mirent
dans ses eaux l'aurore et le crépuscule,
le flamboiement du grand jour et leclair-
obscur de la nuit. Nous suivons avec ses
yeux le vol en flèche ou en rond des oi?
seaux familiers du fleuve;avec ses mains
nous éoartons les roseaux de ses bords,
nous fouillons les buissons qui plongent
leurs racines dans son cours, nous cueil
Ions les fleurs semées dans les prairies
qui se fécondent à la caresse de ses va
gues. Il se rencontre, en ceB paysages,
qui s'épanchent doucement et largement,
comme des nappes liquides, des pages
délicieusement fraîches et poétiques.
Mais M. J. Beller n'est pas un pur des
criptif. Il donne , à «on grand fleuve, une
grande âme. Ce n 'est plus seulement le
miroir mobile où se reflètent le ciel, les
arbreB et leB champs; c'est la grande
artère qui répand la vie parmi les con
trées qu 'elle traverse.
Et ceB contrées, nous les voyons vivre,
à leur tour. Après les rêveries solitaires,
où l'on se berce au fil du courant qui
s'enfuit ou au clapotement discret deB
flots mourant BUr la berge, on eBt
brusquement lancé en pleine activité
laborieuse. Voici les mariniers qui,
paisiblement, descendënt la rivière, et
qui, pluB lentement, la remontent pour
rentrer au logis, leur campagne ache
vée. Quelles pittoresques disputes en
tre les deux grands-pères, le paysan,
âpre et sentencieux, plein de mépris pour
ces fainéants qui ne travaillent pas le
sol, et le riverain, brusque et bon en
fant, pour qui mener leB pénicheB .estla
vie plus douoe et le plus beau métier. Et
quelle disorète et poignante émotion
dans les derniers jours du vieux batelier
qui, ruiné par une faillite, obligé de
ehercher pour vivre un labeur de ter
rien, ne peut pas se résoudre à quitter
Bon fleuve et finit par y mourir !
Mais, autour du logis des mariniers,
tout un village B 'anime ; il se remplit de
maisons, dominées par le vieux château
grave et Bolitaire endormi dans Bon
»rand paro et par la lourde usine aux
murs gris, toute ronflante, grinçante et
fumante. Et les maisons se peuplent
d'habitants qui vont et viennent, agis
sent et parlent. Au milieu de tous ces
personnages, la vie circule, des drames
se déroulent, des physionomies s'accu
sent en relief; c'est le curé droit et vigou
reux,le propriétaire de bateaux rude et mal
payant, le financier politique qui gruge
[es économies des simples, etc., etc.
Puis, un beau jour, le canon, — car l'ac
tion se noue vers la fin de l'Empire et Be
termine au lendemain de la guerre, —
un beau jour, le canon vient déohirer
tous ces frais paysages, éventrer deB
maisons paisibles et travailleuses, épar
piller ces villageois tranquilles...
Or, tous ces tableaux champêtres et
tous ces hommes et tous ces événements
se concentrent et se réfléchissent dans
l 'âme d'un enfant. L 'épanouissemènt de
cette âme enfantine eBt le chef-d'œuvre
de l 'auteur. Il y révèle une psychologie
auBBi profonde et aussi fine que sa poé
sie s'affirmait, dans les tableaux, péné
trante et colorée.
Le fils du marinier laisse cpuler Bon
enfanoe au long du fleuve, qu'il aime
avec passion. Il s'oublie des heures en
tières à regarder les flots pousser les
flots, à l'infini. La Meuse est sa grande
étude et Bon seul plaisir. Les prés, étoi-
lés de fleurs, qui se baignent dans la ri
vière, leB arbrisseaux, chargés de nids,
qui penchent leur tête au -dessus du cou
rant, lui procurent des joies, des décou
vertes et des récréations toujours nou
velles. Aussi,l'enfant, comme un « petit
loup », reste-t-il un peu sauvage, éloigné
des jeux de ses camarades, enfermé dans
son amour égoïste et solitaire. Il n'a
d'autre ambition que de promener sa'vie
tout entière, au fil de l 'eau, sur les pé
niches.
Mais les circonstances l'arrachent à sa !
contemplation. Au sortir de l'école, il
doit, danB un atelier de la ville voisine, ;
apprendre à gagner péniblement son ;
p ain . En même temps, le bon curé du j
village essaie de dériver sur les hom- s
mes les trésors profonds de tendresse
que ce brave petit cœur épanchait sur j
leB choses. Et, peu à peu, par une lente ;
évolution dont un résumé brutal ne sau
rait exprimer la gradation presque. in- ;
(1) La Meuse, par J.|Beller. Imprimerie de
la Croix du Nord, 15, rue d'Angleterre, à
Lille.
sensible et doucement nuancée, le a pe
tit loup », sans oublier ses premiers
amiSj les eaux } les buissons, les fleurs et
les oiseaux, se prend à chérir aussi des
camarades. Un jour, il sacrifie pour l'un
d'eux sa place à l'atelier ; une autre fois,
il en pousse un autre au confessionnal.
Et, bientôt, cette âme enfantine élargit
encore Bes affections ; elle embras&fi en
même temps tous les anciens compa
gnons de l'école et tous ceux de l'atelier ;
un puissant désir de faire du bien à tou|
la pénètre et la soulève. Et, dans ce cœur
autrefois presque sauvage et Bans amour
du prochain, la vocation sacerdotale
pointe, émerge et grandit...
On voudrait poursuivre encore et voir
s'épanouir cette âme exquise d'adoles
cent... Mais l'auteur s'arrête au seuil du
petit séminaire et il faut bien, aveo re
gret, fermer le livre.
Du moins, gardons-le près de nous,
pour nous y rafraîchir et nous y retrem
per !
François V euillot.
: ' ♦ :. : ■ . j
LETTRES DE BELGIQUE
20 novembre.
L'attentat contre le roi. — La rentrée du
Parlement.
Tout s'efface aujourd'hui devant l'at
tentat criminel de Gennaro Rubino.
Au retour d'un service funèbre célébré
à Sainte-Gudule en mémoire de nos deux
premières reines, Léopold II a été l'ob
jet d'une tentative "d'assassinat de la
part de l'anarchiste italien dont le nom
précède. Par suite d'on ne Bait trop
quelle méprise ou circonstance fortuite,
le coup de feu s'est égaré sur un carrosse
où ne se trouvair aucun membre de la
famille royale, et par bonheur, tout le
dégât s'est limité au b.ris d'une glace par
la balle du revolver. Les deux hauts di
gnitaires qui occupaient cette voiture
l'ont échappé belle, car l'un d'eux a été
presque frôlé par le projectile, que l'os a
retrouvé.dans les capitonnages.
Un ou deux autres coups se sont per
dus 5 l'assassin a été presque instanta
nément désarmé par la foule et remis à
la police.
Rubino, comme on le sait, ne cache
pas qu'il en voulait à la vie du roi, et ne
manifeste aucun regret, si ce n'est d'a
voir manqué son but. Il ajoute d'ailleur?
qu'il n'a en vue, d'une manière générale,
que les hauts représentants de l'autorité,
auxquels il ne pardonne pas de vivre
dans l'opulence, tandis que tant de
malheureux crèvent de faim.
Pour remettre les choses au point, il
faut néanmoins remarquer que l'attentat
coïncide avec une campagne d'invectiveB
entreprise par le Peuple, organe des so
cialistes belges, contre Léopold II, cam
pagne où leB plus basses injures le dis
putent aux plus odieuses imputations ;
il constitue donc la suite d'une série d'at
tentats de ce genre, dont le plus récent
est celui qui visa, il y a tantôt deux mois,
M. Carton de Wiart, secrétaire particu
lier du roi.
Ces attentats nè peuvent -ils pas être
considérés comme une revanche des ré
volutionnaires, furieux de l'écheo que
leurs tentatives insurrectionnelles du dé
but de l'année ont Bubi ?
' C'est une chose à peu près établie
par les enseignements de l'histoire con
temporaine, que leB faits de ce genre,
c'est-à-dire les coupa de main dirigéB
contre les personnes revêtues d'une
haute fonotion ou ayant un rang émi-
nent, constituent en quelque sorte le
diagnostic de la révolution comprimée.
Lorsque leB clubs se taisent ou complo
tent en Bilence, leB assassins plus ou
moins politiques entrent en scène. Nos
Vaillant, nos Caserio, nos Ozolgosz, nos
Rubino, sont les continuateurs deB
Fieschi et des Orsini. On aurait tort de
s'arrêter à leurs poses héroïques ou sim
plement bravaches. L'assassinat, d#
quelque prétexte qu'il se colore, n'est ja
mais qu'un crime.
L 'indignation a été profonde et la ré
probation unanime. Rien n'est remar
quable comme la spontanéité et l'inten
sité des acclamations qui retentirent en
guiBe de protestation, aussitôt après
l 'attentat. Dans cette foule si mêlée et si
compacte,qui se pressait Bur le parcours
du cortège royal, il se trouvait des gens ~
de toute eBpèce et de toute opinion, et,
en grand nombre assurément, des ci
toyens qui donnent leur suffrage au parti
socialiste. Rien ne les disposait à l 'en
thousiasme; ils restaient Bilencieux, tout
en étant respectueux. Il a suffi d'une étin
celle pour faire éclater les témoignages
de fidélité et d 'attachement à la personne
royale.
Le peuple belge n 'est point fort expan-
sif, mais quand il exprime ses sentiments
et sa volonté, il sait le faire d'une fa-
çon significative. Et voyez comment il
procède : pas la moindre, panique mais
deB cris de colère contre l'assassin, des
menaces de mort, des cannes levées, des
tentatives pour lui faire un mauvais
parti, au point que la troupe a dû proté
ger le misérable. Et puis, quand ce der
nier a été coffré, chacun s 'en est retourné
à sa besogne, comme si jamais rien n'a
vait menacé les deBtinéeB de la nation.
Pour qu'il en fût ainsi, il fallait une belle
confiance en l'avenir et une rare posses
sion de soi-même.
Avant tout, remercions la Providence
de nous avoir préservés d'un malheur.
Jamais, depuis que la Belgique est indé
pendante, un fait pareil ne s'était pro
duit. Léopold I" a régné trente-quatre
ans, et Léopold II règne depuis trente-
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