Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1902-10-08
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 octobre 1902 08 octobre 1902
Description : 1902/10/08 (Numéro 12635). 1902/10/08 (Numéro 12635).
Description : Note : erreur de numérotation. Note : erreur de numérotation.
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercre di8 Octobre 1902
SdStiea ^noMirasii «■ 12,835
Mertf*ëdi 8 Octobre 1902
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale)
Un an 25 » 86 »
Six mois 13 » 19 »
Trois mois..... 7 » ~ 10 »
Les abonnements partent des 1 er et 16 de chaque mois.
UN NUMÉRO : Paris & Départements 10 cent.
BUREAUX : Paris, rue Cassette, 17 (VI* arr.)
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
EST'
LE MONDE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postalej
Uaan 13 » 20 »
Six mois...... 7 n n »
Trois mois..... 4 n 5 50
Les abonnements partent des 1" et 10 de chaque mol»
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressii 'î
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C ie , 6, place de la B oum»*
NOTES APPEL DE FO&DS
L'assemblée extraordinaire du
5 mai 1902, après avoir constaté que
les actions souscrites en réponse à
notre appel s'élevaient à 2,835, a
voté en conséqueace l'augmentation
provisoire du capital au chiffre de
283,500 francs. En même temps,
elle déclarait que la souscription
demeurait ouverte pour permettre
de placer les 165 actions de 100 fr.
qui restaient à souscrire afin d'ar
river au total de l'augmentation
prévue.
Depuis lors, de nouveaux sous
cripteurs nous sont venus qui ont
pris unë centaine d'actions. Il n'y
en a donc plus qu'une soixantaine à
placer. Nous comptons sur nos
amis pour les prendre. Dès que ce
sera fait, une assemblée portera le
chiffre de l'augmentation au total de
300,000 francs.
PARIS, 7 OCTOBRE 190*
SOMMA1B1
A .u banquet BoassE T jlvsrkis?,.
Çà et là : La garde
municipale de Pa
ri» J. M antenay.
Une fêta à Clichy. E douard A lexandre
La semaine sportive J acques O lekv Ai-
Feu illeton. Notea de ■
vacances.......... C h. H uit.
Bulletin. — Une gaffe. — Jour le
Jeur. — Antimilitarisme. — De quoi se
mêle-til? — M. l'abbé Gayraud. — Une
manifestation politique. — Fermetures
d'écoles et manifestations. — Traite-
ment supprimé. — Laïcisation d'écoles.
— Le breton Interdit. — A Rodez. — in
formation» politiques et pailementaires.
— Le duel Percia- Pollonnais. — Erra
tum. — Le pèlerinage italien à Jérusa
lem. — Nouvelles d'Extrême Orient. —
La paix sud africaine. — Etranger. —
A travers la prefese. — Les grèves. —
Echos de partout. — Chronique reli
gieuse. — Nécrologie. — Tribunaux. —
NpuvelîeB diverses. — Ofclôaâiier. —
Bourse et bulletin financier. '— Dsratèxe
Heoxe. 1
AU BANQUET
Tous les ans, le comité républi
cain du commerce et de l'industrie
fait une manifestation politique et
traite le gouvernement. Au dessert,
quelques ministres paient leur écot
en discours, qui, souvent, ne valent
pas l'ancienne chanson duP'tit ébé
niste. Cette fois la fête a présenté
le caractère d'ùn pique-nique banal
et assommant.
On y reconnaît même plusieurs
traits de cet Assommoir qui fut.le
premier grand succès du romancier
enterré dimanche au milieu des
pompes officielles. Par l'esprit et
parles manières, M. Brisson rap
pelle certains aspects du préten
tieux Madinier, qui travaille dans le
carton; et M. Combes révèle quel
que chose de l'intelligence de Lo-
rilleux, abruti à fabriquer des chaî
nes d'or ; mais il a l'éloquence des
camelots qui vendent des chaînes
de sûreté. Muet et sombre, le finan
cier M. Rouvier laissait deviner ses
préoccupations, identiques à celles
de Coupeau, qui, tout en boustifail-
lant, cherche les moyens de régler
les frais de la noce. Quant à Mes-
Bottes et à Bïbi la Grillade, qui
est-ce qui les représentait le mieux
dans la troupe ministérielle et ma
çonnique?
M. Brisson n'est plus ministre en
fonction ; et il a eu d'ailleurs infini
ment de peine à demeurer député ;
la première fois qu'il prit un porte
feuille, il fut renversé par des mur
mura de stupeur; la secondé fois,
lors de l'affaire Dreyfus, il s'enten
dit apostropher ainsi par M. Cié-
menceau, son allié : « Aussi bête
« que lâche et aussi lâche que
« bête » ; en quoi M. Clémenceau
manquait à la justice, puisque M.
Brisson n'est pas lâche. Pour lè
reste, il a déployé jadis des efforts.
Le 23 mars 1867, devant les Prus
siens victorieux à Sadowa, il com
battait le relèvement de notre sys
tème militaire et proposait de « sé-
« duire les puissances voisines par
« le spectacle de nos libertés ». Son
projet n'ayant pas prévalu, il a re
noncé à chercher des idées et s'est
nourri des seules formules maçon
niques ! Depuis trente-cinq années,
M. Brisson, le séducteur, n'a plus
d'autre besogne que de vociférer du
matin au soir : — Congrégation-
on-on ! Syllabus-u-us ! — S'il avait
hier fait autre chose, on eût éprouvé
de l'inquiétude au sujet de sa santé.
Mais, parce qu'il remplissait son
rôle de pontife-aboyeur, ce n'était
pas une_ raison pour que l'assis
tance fût prise d'enthousiasme.
Alors M. Combes, président du
conseil, s'il vous plaît».a voulu pro
curer aux convives les nobles émo
tions qu'ils étaient venus chercher.
Empoignant le grand jeu, il a pro
digué les ressources de son savoir
et de son éloquence. L'auditoire
empressé a entendu encore,et pen
dant une demi-heure, le refrain qui
venait de résonner sourdement :
« Congrégation-on-on ! Syllabus-u-
us ! »
Les journaux ministériels-drey
fusards-maçonniques (c'est tout un)
en ont ressenti un ennui considéra
ble et- manifeste. Par la façon dont
ils citent le discours, ils montrent
que l'horrible banalité de l'ora
teur (!)jeur inspire une forte confu
sion. De la frénésie, soit; ils ne s'en
plaignent pas ; mais cette prose à
treize sous est véritablement hon
teuse. Est-ce qu'il n'y a plus rien de
mieux? est-ce que c'est la dernière
ressource, cette camelotte ?
Avouons que M, Combes s'est
appliqué. S'efforçantde donner des
arguments, il a opposé auSyllabus
la liberté de la tribune. Procédé
dangereux, car les auditeurs ne
pouvaient manquer de se demander
si elle est si précieuse la tribune
qufsertà des discours de ce style-
là. -
Le ministre a rappelé aussi l'é
poque « ou la contre-révolution
« jetait l'anathème à toutes les li
ft bertés publiques », c'est-à-dire
promulguait le Syllabus. Mais
alors, en 1864, il y, avait trois ans
seulement que M. Combes, sémi
nariste, s'était présenté devant la
Faculté des lettres de Rennes, te-
narit en mains une thèse sur la psy
chologie de saint Thomas. A moins
d'avoir très mal compris les doc
trines qu'il avait étudiées (et en
effet la thèse est d'une rare insigni
fiance), il savait que l'Encyclique
Quanta cura n'innovait en rien.
Banal déjà etne pouvant s'en gué
rir, quoique docteur en Lettres et
en Médecine, M. Combes s'est
rempli de mauvaises résolutions.
Ne pouvant enseigner, il cham
barde ; il est prêt pour n'importe
quel chambardement ; voilà trente
années qu'il s'y prépare ! On lui a
donné une besogne proportionnée à
ses aptitudes. Nous serions in
juste en lui reprochant de ne pas
faire avec toute son application et
tout son talent la seule chose dont
il est capable." . .
Bien entendu, il noua a interdit
de parler de liberté parce que nous
aurions trop de goût pour le mo
nopole. Il dit cela au moment où
lui et son parti n'ont d'autre pro
gramme que de confisquer la li
berté et d'en faire leur chose. Il
nous reproche d'opprimer la jeu
nesse ; et il déclare que désormais la
jeunesse devra penser,- et sans
doute parler, comme M. Brisson et,
comme M. Combes. Il s'est même
offert un pléonasme en faisant al
lusion à un « palladium tutélairë ».
Plusieurs journaux impriment « ti
tulaire » ; et peut être qu'il a dit en
effet « titulaire ».
Ces farces lugubres se déroulent
dans le pays qui fut, dès l'origine,
réputé pour son vigoureux et beau
langage. Du as res pleraque Gallia
industriosissime prosequitur, forti-
ter pugnare et a rgute loqui, disait-on
avant César. '
Il est affreux de bassesse ce mi
nistère, mais jusqu'où remonte la
série de fautes qui l'a engendré ? et
dans quelle, situation effroyable
sommes-nous donc tombés, nous
qui le subissons et qui, longtemps
encore, en subirons l'inv
ble honte?
,'invraisembla-
Eugène T avërnisk
VVLLET1&C
Le fameux discours de M. Combes,
annoncé depuis quelques jours, a. été
prononcé hier soir au banquet du corn«
merce et de l'industrie ; c'est une haran
gue fielleuse et agressive, tout au plus
digne d'une loge maçonnique de chef-
lieu de canton; nous l'apprécions- plus
haut et nous en publions plus loin de
très larges extraits.
Un conseil des ministres s'est tenu ce
matin ; il publie un long communiqué
sur nos différends avec le Siam:
Les généraux boers ont été reçus à
Bruxelles avec un enthousiasme tou~
chant au délire ; ils ont assisté "à un
meeting, ei ont pris tour à tour la pa*
rote ; De Wet, en leur nom , a affirmé
leur loyalisme vis-à-vis de l'Angleterre.
Des télégrammes de. source officieuse
annoncent que la convocation du Reichs-
raih autrichien est imminente.
La Gazette de Francfort dit qu'une
mission spéciale ottomane se rendra pro
chainement à Livadia, auprès de ['em
pereur de Russie ) il est probable qu'à
cette mission sera adjoint un prince de
la famille du sultan.
On signale en Angleterre un courant
d'opinion assez marqué contre le projet
de loi sur l'enseignement.
Le comité général du conseil des Egli-
ses évangéliques aexaminé la question
d'une protestation saus forme de refus
du paiement des impôts affectés à Tins»
truction publique ; ona décidé d'inviter
toutes les personnes résolues à refuser
l'impôt à se faire inscrire.
Le Rigstad danois a ouvert sa session ;
au Folkething, le président et les deux
vice-présidents appartiennent à la g au»
che réformiste ; au Landsthing, le pré-
sident esc un conservateur indépen
dant.
Une dépêche officielle annonce Za cap-
ture de 39 brigands bulgares dans le vi-
layet de Salonique.
Le ministre de la marine japonais au
rait, dû on, élaboré un plan d'accrois
sement de la flotte, comportantpourune
période de six années la construction de
quatre cuirassés et six croiseurs.
UNE GAFFE
La Patrie publiait hier soir la dé
pêche suivante:
Oran, 6 octobre.
Le P. Oliivier, de passage ici, a pro
noncé à la cathédrale un grand sermon
de charité ; il avait pria pour texte « le
Rosaire ». A l'issue du sermon, le com
missaire central a dressé un procès ver
bal au prédicateur pour avoir fait un
sermon public quoique appartenant à une
co?>p-régaiion non autorisée.
Plusieurs journaux reproduisent
ce matin la mêiSS" nouvelle, sans
la commenter, sauf la Voix na
tionale qui dit avec raison :
Faudrô>t-il donc, désormais, avant de
monter en chaire, qu'un religieux aille
demander l'autorisation à un sous-pré
fet, au commissaire de police ou à un
gai de champêtre?
Ces mesquines taquineries, ces persé
cutions grotesques font le plus grand
honneur à ceux qui en sont victimes.
Nous ajouterons une petite obser
vation qui justifiera le titre: Une
gaffe, que nous donnons àcettenote.
De par même la loi de juillet 1901,
les congrégations non autorisées
qui ont fait, en temps utile, leur
demande d'autorisation, conser
vent toute leur liberté jusqu'à dé
cision des Chambres. C'est seule
ment après le rejet de la demande
d'autorisation que, congrégations
dissoutes, elles tomberont sous le
coup de la loi. Or, tout le monde
sait que les Dominicains ont fait
leur demande d'autorisation, et
c'est pour cela qu'à Paris, ils ont
continué leurs offices sans que per
sonne ait l'idée de les troubler.
D -oûc , par un excès de zèle qui ne
s'explique que par une ignorance
absolue de la loi et de la situation
des Dominicains, M. le commis
saire de police d'Oraj},—si laPa trie
a été bien renseignée — a fait une
« gaffe », et le Père Oliivier aura
été justèjment surpris de se voir
« dresser procès-verbal », alors
qu'il avait agi dans la plénitude de
son droit, même en admettant l'in
terprétation que M. Combes prétend
donner à la loi de juillet 1901, et
que jusqu'ici la justice a presque
partout repoussee.
AU JOÏÏE LE JOÏÏR
La Lanterne veut que l'Etat confisque
et socialise... les grands écrivains.
Pourquoi ? parce que les professeurs
deB collèges « cléricaux » se permettent,
par respect pour la pudeur des élèves, de
changer certains mots dans le texte.
a Les œuvres des grands hommes sont
la propriété, non du premier imbécile
qui s'en empare pour les vendre, mais
de la naiion qui devrait conserver sur
elles des âroitg perpétuels. » ■
Ce respect pour le texte des auteurs,
chez nos sectaires, est de fraîche date.
On se rappelle les jolies entorses don
nées à certains vers compromettants de
La Fontaine :
Petit poisson- deviendra grand
Pourvu qu'on lui prête vie.
Avant de faire cette retouche, avait-on
demandé l'autorisation de la « na
tion » ?
...» •
Le village anglais de Pernbmy, dans
le comté de Kent, possède un curé (an
glican) qui joint à son ministère ecclé
siastique des fonctions peu habituées à
ce cumul.
Le révérend H. Sinclair est, dans son
village, capitaine de pompiers ;
IlB'estmême distingué dans plusieurs
incendies.
Le révérend fait faire l'exercice à Bes
hommes très régulièrement.
Le fait est étrange. Il l'aurait été bien
moins pour nos aïeux. On sait qu'à Pa
ris, avant la Révolution, les Capucins
s'étaient fait une spécialité de l'extinc
tion deB incendieB.
»
• a
Nous avons déjà parlé, à plusieurs re
prises, des palinodies de M. Ànatole
France au sujet de M. Emile Zola.
Rappelons encore que M. Anatole
France, le 28 août 1887, publiait dans le
Temps un article où il flétrissait « les
cochonneries de M. Zola ». Il ajoutait
que M. Zola avait écrit « les Géorgiques
de la crapule » ; qu'il avait a comblé la
mesure de l'indécence et de la grossiè*
reté ».
Avant-hier, le même M. Anatole Fran«
ce nous assurait que l'œuvre du roman*
cier était a profondément morale », et ac
cablait le cadavre du pornographe d'une
volée de coups d'encensoir.
Ah ! quelle bonne idée a eu M. Zola de
se mettre à diffamer l'armée et à débla
térer contre les jésuites I Cela vous réha
bilite un homme ; cela sauve tout.
*'
& a
Il y a des veufs originaux; il y a deB
veufs pratiques.
Mais bu I peut-être ne l'est davantage
que certain veuf californien qui, disent
les informations américaines, a vendu
le râtelier de sa première épouse pour
B'aoheter le costume de gala qui doit
servir à son second mariage..
. Les héritiers de la défunte, outrés d'un
tel procédé, ont intenté une action en
justice pou* lui faire rendre le râtelier.
On -assure que les avocats du pays
sont sur les dents.
•
m m
Entre dentistes.
— Mon cher, dernièrement, pour le
compte du gouvernement, je fus chargé
de plomber la dent du Midi.
— Oh ! et moi, le sultan vient de m'en-
voyer une requête pour que je mette un
râtelier aux bouches du Danube.
-MTIMILITARISME
Divers journaux signalent la violente
campagne poursuivie à Limoges contre
le colonel Lacroisade et contre son régi»
ment, le 63° d'infanterie. Ainsi l'Avenir
de la Haute-Vienne publie un portrait du
colonel ainsi conçu :
J'ai va cette énorme brute h cinq ga
lons, brutalement, raidement flanqué sur
son cheval, esant lever les yeux sur le
public.
Le même journal, parlant d'un sous-
officier qui lui déplaît, s'étonne que a pas
un seul réserviste ne lui ait cassé la
g... »; il dit que i c'est pénible à consta
ter » ! Enfin, les officiers sont qualifiés
par lui d'« assassins en culoties rou
ges ».
Et l'Avenir de la Haute-Vienne, jour
nal officieux du préfet Monteil, se dis
tribue à la porte des casernes !
Ils respectent bien l'armée, les amis
du ministère 1
DE QUOI SE_JÊLE-T-IL ?
Les journaux de la Manche nous rap
portent ainsi un conflit que ! M. Dumay
vient de eoulever contre. MgrJJuérard,
évêque de Goutances :
Le presbytère de Valognes ,ayant besoin
depuis fort longtemps d'être reconstruit,des
difficultés se sont élevées entre le conseil
municipal et la fabrique, en sorte qu'on se
peut arriver à cette reconstruction.
M. l'abbé Fossard, curé-archlprêtrede Va»
lognes,, ayant été nommé chanoine à Cau-
tances, le choix de son successeur fut mis
en discussion. Mgr Guérard, voulant amener
les édiles valognais a en finir, déclara qu'il
n'y aurait pas d'archiprêtre à l'église Saict-
Malo de Valognes, tant que le presbytère
de la paroisse n'aurait pas été rebâti.
C'était donc affaire à débattre entre la
municipalité de Valognes et l'évêché, et il
est bien probable que la paroisse allait
avoir son presbytère.Mals M.Dumay ne pou
vait manquer une si belle occasion d'inter
venir.
Le poste du curé doyen de Canisy se
trouvant vacant, Mgr Guérard présenta au
choix du gouvernement le curé de Cam-
bernon.
— line sera pas nommé de curé à Ca<
nlsy, répondit M. Dumay, tant que voua
maintiendrez votre refus de présenter un
candidat à la cure de Valognes.
M. l'abbé Lemaître, curé-doyen de Beau-
mont, vient de mourir. Cette cure restera
également sans titulaire tant que le conflit
soulevé par l'Incident de Valognes n'aura
pas été réglé, et il en sera ainsi pour tou
tes les vacances qui pourraient se produire.
Les choses en sent là.
De quel droit M. Dumay vient-il s'in
gérer dans le différend qui s'élève entre
l'évêché de Coutancea et la municipalité
de Valognes ?
M. L'ABBÉ GtTRiUO
Un repos complet est prescrit
par les médecins à M. l'abbé Gay
raud.
On sait qu'avant les- événements
de Bretagne, M. l'abbé Gayraud
s'était trouvé atteint d'une grande
fatigue. Il a voulu, néanmoins,
aller rejoindre ses électeurs à la
veille des attentats qui se prépa
raient contre eux et qui ont pro
voqué tant d'agitation. Les trois se- «
maines d'émotions et de luttes
continuelles ont aggravé l'état de
sa santé. On exige que M. l'abbé
Gayraud s'abstienne de tout tra
vail et même de la correspondance.
Ce n'est qu'une question de repos,
mais il devra durer un mois envi
ron. L'éloquent et vaillant député
reprendra ensuite dans la lutte la
place ; qui lui appartient et qu'il
occupe avec honneur.
■■
Gà et là
LA GARDE MUNICIPALE DE PARIS
La garde municipale de Paris parait
avoir oublié de fêter son centenaire... Il
y a eu un siècle, samedi dernier, que ce
corps fut formé, en vertu d'un arrêté des
consuls daté du château de Saint-Cloud
le 12 vendémiaire an XI(4 octobre 1802),
signé de Bonaparte et contresigné par
H.-B. Maret '(le futur duc de Bassano),
secrétaire d'État.
La garde était composée de deux régi'
ments à deux bataillons et cinq compa
gnies comprenant, au totql, 2,154 hom
mes, et d'un escadron qui comportait 180
hommes. Ces troupeB étaient chargées
de la surveillanc.e des barrières, des
ports et du service intérieur de la grande
ville. Les cavaliers faisaient les patrouil
les, les rondes et le service d'honneur.
Les conditions d'admission étaient sin
gulièrement rigjureuses: les candidats
devaient avoir trente ans au moins, qua
rante-cinq ans au plus et compter cinq
campagnes « pendant la guerre de la Li
berté » (sic). Le minimum de la taille
était fixé à cinq pieds un pouce- (1 m.
65).
Chaque régiment d'infanterie avait un
costume particulier : les hommes du
premier portaient l'habit vert donbléde
hlanc, la veste et la culotte blanches
avec des guêtres noires ; les parements,
îgntrttetxt les revers rouges. —
Pour les soldats du deuxième régi
ment, l'habit était rouge ; la veste et la-
culotte blanches avec -guêtreB noires ;
les revers", les parements et le collet
verts.
Les uns et les autres étaient coiffés du
bicorne.
Quant aux troupes à cheval, leur habit
était gris de fer avec parements, collet et
revers rouges ; la veste et le pantalon
jaune chamois, avec bottes à l'écuyère.
Ces cavaliers étaient coiffés d'un casque
semblable à celui des dragons.
Nul ne fpouvait être fait officier subal
terne, s'il n'avait occupé un emploi ana
logue dans les troupes de ligne et s'il ne
pouvait fournir la preuve « d'avoir fait
avec honneur les cinq susdites campa
gnes ». Les grades supérieurs n'étaient
accordés qu'à des officiers ayant été, au
moins, capitaines dans l'armée.
L'état-major de chacun des régiments
était ainsi composé : un chef de brigade,
deux chefs de bataillon, un quartier-
maître, un adjudant-major, un tambour-
major, huit musiciens et trois maîtres
ouvriers.
Tous les officiers étaient nommés par
le premier consul, sur la présentation du
préfet de la Seine. Détail curieux : les
soldats n'étaient définitivement admis
qu'après avoir été passés en revue par
ûn des maires de Paris délégué à cet
effet parle préfet.
Ce corps prit le nom de « garde civi
que » du 28 mars au 16 mai 1848, puis
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 8 octobre 1902
NOTES DE VACANCES
Autant par son histoire que par sa to
pographie, le Valais occupe une place à
part entre les vingt-deux cantoas suisses.
Il y a peu de contrées où vieilles tradi
tions et vieux costumes soient restés
plus en honneur. Si l'on y découvre des
ruines, elles sont l'œuvre du temps, non
celle des hommes : et sauf les pillages
accomplis autrefois par les Sarrasins ou
plus près de nous par certains contem
porains de la grande Révolution, le pays
n'a souffert d'aucune secousBe violente.
Ea revanche, l'éoonamiste qui s'inté
resse aux choses du passé et s'irrite des
préjugés toujours subsistants chez cer
tains érudits à l'endroit du moyen âge,
est assuré en feuilletant les archives
communales ou monastiques du canton
de recueillir maint utile et curieux sujet
d'études (1).
Mais, est-il besoin de le dire, d'autres
motifs expliquent i'affluence croissante
des touristes dans ce pays vraiment
privilégié. Tout le long de la grande
artère valaisanne, en remontant le
cours du Rhône depuis le lac de Genève
jusqu'aux glaciers où le second de nos
(l) J'en ai cité jadis un mémorable exem
ple dans le Monde du 1 septembre 1893.
grands flsuves français prend sa source,
luxueux hôtels et coquettes pensions be
sont, depuis un demi-Biècle, multipliés à
l'envi : Morgins, Champéry, OreièreB,
les Mayens de Sion, Loèche, Evolène,
Zinal. Zermatt, l'EggiBchhorn. sont des
noms presque aussi connus aujourd'hui
à l'étranger que ceux de Thoune, d'Inter-
laken et de Lucerne. Parmi ces nom
breuses vallées latérales qui, semblables
aux rameaux d'un chêne robuste, s'ou
vrent au nord et au sud des Alpes valai*
sannes, celles-ci sont pluB gracieuses,
celles-là plus sauvages : chacune a sa
physionomie propre et son charme à
part. D'autres pays, renommés eux aussi
pour leur beauté, ont un aspect pour
ainsi, dire unique : ici au contraire
quelle inépuisable variété ! Autour de
vous, au»dessous de vous, les riches vi
gnobles et les vergers aux fruits succu
lents : au-dessus de vos têtes les sombres
forêts et, plus haut encore, les cimes
sourcilleuses des géants des Alpes, re
vêtus de leurs glaciers et de leurs neiges
éternelles.
Dans le Val d'Iiiiez où je viens de faire
un séjour, cette opposition ou plutôt cette
association inattendue m'a particulière
ment frappé. La chaîne imposante delà
Dent du Midi le domine dans toute sa
longueur, et les alpinistes les plus hardis
trouvent ici de quoi satisfaire leurs plus
fières ambitions et moissonner de nom
breux lauriers. A l'heure cù j'écris ces
lignes, la période des ascensions reten
tissantes étant comme l'été bien près
d'être close, l'on ne m'accusera pas, je
L'espère, de me faire le promoteur im
prudent d'entreprises téméraires. Si l'on
rit à ban droit des touristes peureux qui
tremblent en face de difficultés imaginai»
res, ce n'est pas pour approuver sans ré
serve ceux qui courent au dauger unique
ment parce que c'est le danger s au fond
je Buis avec le journaliste humoristique
qui pour organiser la défense contre l'« Al-
pe homicide» proposai*naguère de limiter
officiellement dans chaque contrée mon
tagneuse les hauteurs qu'il est raisonna
ble de gravir, et de supprimer, dût-on
pour cela les rendre totalement imprati
cables, les passages trop féconds, hélas !
en mortelles catastrophes. Mais n'insis
tons pas sur ce projet de réglementa
tion fantaisiste.
e a
Au fiurplua, l'Alpe, ici surtout, n'est
pas attirante seulement par ses rochers
et BeB précipices. Ailleurs, le voisinage
des montagneB a aisément quelque chose
de mélancolique, ou même de morne et
d'accablant : au baB du vallon, quelques
files de saules ou de peupliers, plus haut
quelques massifs de sapins maigreB dans
les intervalles qui séparent les coulées
pierreuses, voilà toute la parure d'une
terre d'où la vie semble à peu près exi
lée. Ici, le granit et l'ardoise se dissimu
lent sous une perpétuelle végétation :
toutes les pentes, toutes les croupes sont
couvertes de bois et de pâturages, au mi
lieu desquels d'innombrables chalets pi
quent leurs notes claires : des torrents
tombent de roc en roc en cascades d'é
cume, ou des ruisselets au doux mur
mure s'en vont de tous côtés porter,à tra
vers les gazons, la plus agréable fraî
cheur ; mais torrents ou ruisseaux, tout
court, tout ee hâte ; quel contraste avec
nos paisibles rivières de la Normandie,
de la Touraine ou de l'Ile-de-France,
dont les eaux paresseuses traversent
lentement les plaines qui s'étalent sur
leurs deux rives I
Ici encore, peu ou point de routes ré
gulières, de chemins carrossables, ac
cessibles à la bicyclette ou à l'automo
bile : mais d'innombrables sentiers con
tournent tous les côteaux, relient tous
les hameaux, descendent au fond de tou
tes les gorges, grimpent à toutes les hau
teurs : pour les trouver, ne consultez ni
les Joanne ni les Bœdeker ; dans vos
libres promenades vous aurez le plai
sir de les découvrir, avant celui de
les parcourir. Et si après deux ou
trois heures de marehe au grand air
vous vous sentez un appétit qui devient
bien vite dévorant, alorB que le plus pro
che restaurant est à quatre ou six kilo
mètres, frappez sans hésiter à l'une des
cabanes rustiques qui se rencontrent Bur
votre passage ; vous serez re$us à peu
près infailliblement par quelque Philé-
mon ou quelque Baucis dont l'empresse
ment à vous servir ne le cède en rien à
celui du couple modèle chanté «par Ovide
et par La Fontaine.
Hâtons nous d'ajouter que ces popula
tions essentiellement pastorales, atta
chées au sol natal et à ses antiques usa
ges, représentent une race forte et virile
qui a échappé jusqu'ici aux côtés plutôt
fâcheux de la civilisation Dans la région
valaisanne, l'habitant de la plaine, cita
din ou campagnard, n'eBt pas exempt
d'une certaine insouciance : s'agit-il de
remplacer une poutre branlante, de ré
parer une maison délabrée, iin toit qui
tombe de vétusté ? on se hâte lentement,
très lentement même. A la montagne, il
y a sinon plus de prétention et de coquet
terie, du moins plus de goût et d'amour-
propre : neuf eu vieux, le chalet est
mieux bâti, mieux entretenu ; ses fenê
tres et ses balcons ajourés sont très ha
bituellement ornés de plantes grimpan
tes et de fleurs aux brillantes couleurs.
Le chalet l ce nom seul est caractéristi
que d'un certain régime économique, le
quel, comme l'habitation elle-même, a
survécu à toutes leB transformations po
litiques. Voilà une demeure vraiment à
la mesure des gens qui l'occupent, faite
pour eux, d'après leurs besoins et leur
genre d'existence ; un écrivain suisse l'a
définie, avec beaucoup de justesse et non
Bans quelque poésie, a une fleur où
l'homme robuste et droit de nos vallées
a mis sa pensée et quelque chose de son
visage et de son cœur ». Chaque famille
y vit à l'aise et s'y sent chez soi ; ce n'est
pas ici un de ces logis d'emprunt que
l'ouvrier ou l'employé de nos grandes
villes retrouve Bans plaisir et quitte sans
regret. Sous l'auvent avancé, abri pro
tecteur en été contre les ardeurs du so
leil, en hiver contre la pluie et la neige,
il faut voir les dimanches et jours de
fête les joyeuses réunions qui rappro
chent parents et amis 1
• 0
Chez ces pâtres h la vie frugale, la
pauvreté est rare, la misère inconnue
Les terres communales, véritable pro
priété collective, assurent un minimum
de ressources aux moins fortunés. Non
seulement on ne se jalouse pas à la mon
tagne, où la vie est pour tous sévère et
laborieuse : mais on s'aide de toute ma
nière. Les usages ne reflètent pas moins
cette intelligente solidarité que les mœurs
quotidiennes. On m'en citait naguère un
exemple que je me reprocherais de pas
ser bous silence, encore qu'il soit difficile
ou même impossible de l'imiter partout.
Un ressortissant de la commune a-t-il,
par suite de circonstances malheureuses,
la douleur de se voir "dépossédé du
champ et du foyer paternels ? Dans le
domaine communal, ici infiniment étendu,
on lui assigne un espace à défricher, en
même temps qu'on lui donne gratuite-
mert le bois nécessaire pour se cons
truire une habitation; A la seule condi
tion de b 'acquittefrde cette double tâche,
et de ne jamais aliéner son nouveau pa
trimoine, ce colon d'un genre à part en
demeurera, lui et ses descendants, le lé
gitime et unique propriétaire.
De l'économie politique à la morale, la
transition est facile ; j'en profite pour
donner plaoe ici à une autre observation
non moins intéressante.
Le montagnard, chacun le sait, aime
la lutte où se déploie la vigueur de ses
muscles d'acier ; à cette règle les habi
tants du val d'IUiez ne faisaient pas ex
ception, et les anciens du pays se sou
viennent encore des rixes homériques
qui pour le plus futile motif transfor
maient les champs de foires et de mar-
SdStiea ^noMirasii «■ 12,835
Mertf*ëdi 8 Octobre 1902
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale)
Un an 25 » 86 »
Six mois 13 » 19 »
Trois mois..... 7 » ~ 10 »
Les abonnements partent des 1 er et 16 de chaque mois.
UN NUMÉRO : Paris & Départements 10 cent.
BUREAUX : Paris, rue Cassette, 17 (VI* arr.)
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
EST'
LE MONDE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postalej
Uaan 13 » 20 »
Six mois...... 7 n n »
Trois mois..... 4 n 5 50
Les abonnements partent des 1" et 10 de chaque mol»
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressii 'î
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C ie , 6, place de la B oum»*
NOTES APPEL DE FO&DS
L'assemblée extraordinaire du
5 mai 1902, après avoir constaté que
les actions souscrites en réponse à
notre appel s'élevaient à 2,835, a
voté en conséqueace l'augmentation
provisoire du capital au chiffre de
283,500 francs. En même temps,
elle déclarait que la souscription
demeurait ouverte pour permettre
de placer les 165 actions de 100 fr.
qui restaient à souscrire afin d'ar
river au total de l'augmentation
prévue.
Depuis lors, de nouveaux sous
cripteurs nous sont venus qui ont
pris unë centaine d'actions. Il n'y
en a donc plus qu'une soixantaine à
placer. Nous comptons sur nos
amis pour les prendre. Dès que ce
sera fait, une assemblée portera le
chiffre de l'augmentation au total de
300,000 francs.
PARIS, 7 OCTOBRE 190*
SOMMA1B1
A .u banquet BoassE T jlvsrkis?,.
Çà et là : La garde
municipale de Pa
ri» J. M antenay.
Une fêta à Clichy. E douard A lexandre
La semaine sportive J acques O lekv Ai-
Feu illeton. Notea de ■
vacances.......... C h. H uit.
Bulletin. — Une gaffe. — Jour le
Jeur. — Antimilitarisme. — De quoi se
mêle-til? — M. l'abbé Gayraud. — Une
manifestation politique. — Fermetures
d'écoles et manifestations. — Traite-
ment supprimé. — Laïcisation d'écoles.
— Le breton Interdit. — A Rodez. — in
formation» politiques et pailementaires.
— Le duel Percia- Pollonnais. — Erra
tum. — Le pèlerinage italien à Jérusa
lem. — Nouvelles d'Extrême Orient. —
La paix sud africaine. — Etranger. —
A travers la prefese. — Les grèves. —
Echos de partout. — Chronique reli
gieuse. — Nécrologie. — Tribunaux. —
NpuvelîeB diverses. — Ofclôaâiier. —
Bourse et bulletin financier. '— Dsratèxe
Heoxe. 1
AU BANQUET
Tous les ans, le comité républi
cain du commerce et de l'industrie
fait une manifestation politique et
traite le gouvernement. Au dessert,
quelques ministres paient leur écot
en discours, qui, souvent, ne valent
pas l'ancienne chanson duP'tit ébé
niste. Cette fois la fête a présenté
le caractère d'ùn pique-nique banal
et assommant.
On y reconnaît même plusieurs
traits de cet Assommoir qui fut.le
premier grand succès du romancier
enterré dimanche au milieu des
pompes officielles. Par l'esprit et
parles manières, M. Brisson rap
pelle certains aspects du préten
tieux Madinier, qui travaille dans le
carton; et M. Combes révèle quel
que chose de l'intelligence de Lo-
rilleux, abruti à fabriquer des chaî
nes d'or ; mais il a l'éloquence des
camelots qui vendent des chaînes
de sûreté. Muet et sombre, le finan
cier M. Rouvier laissait deviner ses
préoccupations, identiques à celles
de Coupeau, qui, tout en boustifail-
lant, cherche les moyens de régler
les frais de la noce. Quant à Mes-
Bottes et à Bïbi la Grillade, qui
est-ce qui les représentait le mieux
dans la troupe ministérielle et ma
çonnique?
M. Brisson n'est plus ministre en
fonction ; et il a eu d'ailleurs infini
ment de peine à demeurer député ;
la première fois qu'il prit un porte
feuille, il fut renversé par des mur
mura de stupeur; la secondé fois,
lors de l'affaire Dreyfus, il s'enten
dit apostropher ainsi par M. Cié-
menceau, son allié : « Aussi bête
« que lâche et aussi lâche que
« bête » ; en quoi M. Clémenceau
manquait à la justice, puisque M.
Brisson n'est pas lâche. Pour lè
reste, il a déployé jadis des efforts.
Le 23 mars 1867, devant les Prus
siens victorieux à Sadowa, il com
battait le relèvement de notre sys
tème militaire et proposait de « sé-
« duire les puissances voisines par
« le spectacle de nos libertés ». Son
projet n'ayant pas prévalu, il a re
noncé à chercher des idées et s'est
nourri des seules formules maçon
niques ! Depuis trente-cinq années,
M. Brisson, le séducteur, n'a plus
d'autre besogne que de vociférer du
matin au soir : — Congrégation-
on-on ! Syllabus-u-us ! — S'il avait
hier fait autre chose, on eût éprouvé
de l'inquiétude au sujet de sa santé.
Mais, parce qu'il remplissait son
rôle de pontife-aboyeur, ce n'était
pas une_ raison pour que l'assis
tance fût prise d'enthousiasme.
Alors M. Combes, président du
conseil, s'il vous plaît».a voulu pro
curer aux convives les nobles émo
tions qu'ils étaient venus chercher.
Empoignant le grand jeu, il a pro
digué les ressources de son savoir
et de son éloquence. L'auditoire
empressé a entendu encore,et pen
dant une demi-heure, le refrain qui
venait de résonner sourdement :
« Congrégation-on-on ! Syllabus-u-
us ! »
Les journaux ministériels-drey
fusards-maçonniques (c'est tout un)
en ont ressenti un ennui considéra
ble et- manifeste. Par la façon dont
ils citent le discours, ils montrent
que l'horrible banalité de l'ora
teur (!)jeur inspire une forte confu
sion. De la frénésie, soit; ils ne s'en
plaignent pas ; mais cette prose à
treize sous est véritablement hon
teuse. Est-ce qu'il n'y a plus rien de
mieux? est-ce que c'est la dernière
ressource, cette camelotte ?
Avouons que M, Combes s'est
appliqué. S'efforçantde donner des
arguments, il a opposé auSyllabus
la liberté de la tribune. Procédé
dangereux, car les auditeurs ne
pouvaient manquer de se demander
si elle est si précieuse la tribune
qufsertà des discours de ce style-
là. -
Le ministre a rappelé aussi l'é
poque « ou la contre-révolution
« jetait l'anathème à toutes les li
ft bertés publiques », c'est-à-dire
promulguait le Syllabus. Mais
alors, en 1864, il y, avait trois ans
seulement que M. Combes, sémi
nariste, s'était présenté devant la
Faculté des lettres de Rennes, te-
narit en mains une thèse sur la psy
chologie de saint Thomas. A moins
d'avoir très mal compris les doc
trines qu'il avait étudiées (et en
effet la thèse est d'une rare insigni
fiance), il savait que l'Encyclique
Quanta cura n'innovait en rien.
Banal déjà etne pouvant s'en gué
rir, quoique docteur en Lettres et
en Médecine, M. Combes s'est
rempli de mauvaises résolutions.
Ne pouvant enseigner, il cham
barde ; il est prêt pour n'importe
quel chambardement ; voilà trente
années qu'il s'y prépare ! On lui a
donné une besogne proportionnée à
ses aptitudes. Nous serions in
juste en lui reprochant de ne pas
faire avec toute son application et
tout son talent la seule chose dont
il est capable." . .
Bien entendu, il noua a interdit
de parler de liberté parce que nous
aurions trop de goût pour le mo
nopole. Il dit cela au moment où
lui et son parti n'ont d'autre pro
gramme que de confisquer la li
berté et d'en faire leur chose. Il
nous reproche d'opprimer la jeu
nesse ; et il déclare que désormais la
jeunesse devra penser,- et sans
doute parler, comme M. Brisson et,
comme M. Combes. Il s'est même
offert un pléonasme en faisant al
lusion à un « palladium tutélairë ».
Plusieurs journaux impriment « ti
tulaire » ; et peut être qu'il a dit en
effet « titulaire ».
Ces farces lugubres se déroulent
dans le pays qui fut, dès l'origine,
réputé pour son vigoureux et beau
langage. Du as res pleraque Gallia
industriosissime prosequitur, forti-
ter pugnare et a rgute loqui, disait-on
avant César. '
Il est affreux de bassesse ce mi
nistère, mais jusqu'où remonte la
série de fautes qui l'a engendré ? et
dans quelle, situation effroyable
sommes-nous donc tombés, nous
qui le subissons et qui, longtemps
encore, en subirons l'inv
ble honte?
,'invraisembla-
Eugène T avërnisk
VVLLET1&C
Le fameux discours de M. Combes,
annoncé depuis quelques jours, a. été
prononcé hier soir au banquet du corn«
merce et de l'industrie ; c'est une haran
gue fielleuse et agressive, tout au plus
digne d'une loge maçonnique de chef-
lieu de canton; nous l'apprécions- plus
haut et nous en publions plus loin de
très larges extraits.
Un conseil des ministres s'est tenu ce
matin ; il publie un long communiqué
sur nos différends avec le Siam:
Les généraux boers ont été reçus à
Bruxelles avec un enthousiasme tou~
chant au délire ; ils ont assisté "à un
meeting, ei ont pris tour à tour la pa*
rote ; De Wet, en leur nom , a affirmé
leur loyalisme vis-à-vis de l'Angleterre.
Des télégrammes de. source officieuse
annoncent que la convocation du Reichs-
raih autrichien est imminente.
La Gazette de Francfort dit qu'une
mission spéciale ottomane se rendra pro
chainement à Livadia, auprès de ['em
pereur de Russie ) il est probable qu'à
cette mission sera adjoint un prince de
la famille du sultan.
On signale en Angleterre un courant
d'opinion assez marqué contre le projet
de loi sur l'enseignement.
Le comité général du conseil des Egli-
ses évangéliques aexaminé la question
d'une protestation saus forme de refus
du paiement des impôts affectés à Tins»
truction publique ; ona décidé d'inviter
toutes les personnes résolues à refuser
l'impôt à se faire inscrire.
Le Rigstad danois a ouvert sa session ;
au Folkething, le président et les deux
vice-présidents appartiennent à la g au»
che réformiste ; au Landsthing, le pré-
sident esc un conservateur indépen
dant.
Une dépêche officielle annonce Za cap-
ture de 39 brigands bulgares dans le vi-
layet de Salonique.
Le ministre de la marine japonais au
rait, dû on, élaboré un plan d'accrois
sement de la flotte, comportantpourune
période de six années la construction de
quatre cuirassés et six croiseurs.
UNE GAFFE
La Patrie publiait hier soir la dé
pêche suivante:
Oran, 6 octobre.
Le P. Oliivier, de passage ici, a pro
noncé à la cathédrale un grand sermon
de charité ; il avait pria pour texte « le
Rosaire ». A l'issue du sermon, le com
missaire central a dressé un procès ver
bal au prédicateur pour avoir fait un
sermon public quoique appartenant à une
co?>p-régaiion non autorisée.
Plusieurs journaux reproduisent
ce matin la mêiSS" nouvelle, sans
la commenter, sauf la Voix na
tionale qui dit avec raison :
Faudrô>t-il donc, désormais, avant de
monter en chaire, qu'un religieux aille
demander l'autorisation à un sous-pré
fet, au commissaire de police ou à un
gai de champêtre?
Ces mesquines taquineries, ces persé
cutions grotesques font le plus grand
honneur à ceux qui en sont victimes.
Nous ajouterons une petite obser
vation qui justifiera le titre: Une
gaffe, que nous donnons àcettenote.
De par même la loi de juillet 1901,
les congrégations non autorisées
qui ont fait, en temps utile, leur
demande d'autorisation, conser
vent toute leur liberté jusqu'à dé
cision des Chambres. C'est seule
ment après le rejet de la demande
d'autorisation que, congrégations
dissoutes, elles tomberont sous le
coup de la loi. Or, tout le monde
sait que les Dominicains ont fait
leur demande d'autorisation, et
c'est pour cela qu'à Paris, ils ont
continué leurs offices sans que per
sonne ait l'idée de les troubler.
D -oûc , par un excès de zèle qui ne
s'explique que par une ignorance
absolue de la loi et de la situation
des Dominicains, M. le commis
saire de police d'Oraj},—si laPa trie
a été bien renseignée — a fait une
« gaffe », et le Père Oliivier aura
été justèjment surpris de se voir
« dresser procès-verbal », alors
qu'il avait agi dans la plénitude de
son droit, même en admettant l'in
terprétation que M. Combes prétend
donner à la loi de juillet 1901, et
que jusqu'ici la justice a presque
partout repoussee.
AU JOÏÏE LE JOÏÏR
La Lanterne veut que l'Etat confisque
et socialise... les grands écrivains.
Pourquoi ? parce que les professeurs
deB collèges « cléricaux » se permettent,
par respect pour la pudeur des élèves, de
changer certains mots dans le texte.
a Les œuvres des grands hommes sont
la propriété, non du premier imbécile
qui s'en empare pour les vendre, mais
de la naiion qui devrait conserver sur
elles des âroitg perpétuels. » ■
Ce respect pour le texte des auteurs,
chez nos sectaires, est de fraîche date.
On se rappelle les jolies entorses don
nées à certains vers compromettants de
La Fontaine :
Petit poisson- deviendra grand
Pourvu qu'on lui prête vie.
Avant de faire cette retouche, avait-on
demandé l'autorisation de la « na
tion » ?
...» •
Le village anglais de Pernbmy, dans
le comté de Kent, possède un curé (an
glican) qui joint à son ministère ecclé
siastique des fonctions peu habituées à
ce cumul.
Le révérend H. Sinclair est, dans son
village, capitaine de pompiers ;
IlB'estmême distingué dans plusieurs
incendies.
Le révérend fait faire l'exercice à Bes
hommes très régulièrement.
Le fait est étrange. Il l'aurait été bien
moins pour nos aïeux. On sait qu'à Pa
ris, avant la Révolution, les Capucins
s'étaient fait une spécialité de l'extinc
tion deB incendieB.
»
• a
Nous avons déjà parlé, à plusieurs re
prises, des palinodies de M. Ànatole
France au sujet de M. Emile Zola.
Rappelons encore que M. Anatole
France, le 28 août 1887, publiait dans le
Temps un article où il flétrissait « les
cochonneries de M. Zola ». Il ajoutait
que M. Zola avait écrit « les Géorgiques
de la crapule » ; qu'il avait a comblé la
mesure de l'indécence et de la grossiè*
reté ».
Avant-hier, le même M. Anatole Fran«
ce nous assurait que l'œuvre du roman*
cier était a profondément morale », et ac
cablait le cadavre du pornographe d'une
volée de coups d'encensoir.
Ah ! quelle bonne idée a eu M. Zola de
se mettre à diffamer l'armée et à débla
térer contre les jésuites I Cela vous réha
bilite un homme ; cela sauve tout.
*'
& a
Il y a des veufs originaux; il y a deB
veufs pratiques.
Mais bu I peut-être ne l'est davantage
que certain veuf californien qui, disent
les informations américaines, a vendu
le râtelier de sa première épouse pour
B'aoheter le costume de gala qui doit
servir à son second mariage..
. Les héritiers de la défunte, outrés d'un
tel procédé, ont intenté une action en
justice pou* lui faire rendre le râtelier.
On -assure que les avocats du pays
sont sur les dents.
•
m m
Entre dentistes.
— Mon cher, dernièrement, pour le
compte du gouvernement, je fus chargé
de plomber la dent du Midi.
— Oh ! et moi, le sultan vient de m'en-
voyer une requête pour que je mette un
râtelier aux bouches du Danube.
-MTIMILITARISME
Divers journaux signalent la violente
campagne poursuivie à Limoges contre
le colonel Lacroisade et contre son régi»
ment, le 63° d'infanterie. Ainsi l'Avenir
de la Haute-Vienne publie un portrait du
colonel ainsi conçu :
J'ai va cette énorme brute h cinq ga
lons, brutalement, raidement flanqué sur
son cheval, esant lever les yeux sur le
public.
Le même journal, parlant d'un sous-
officier qui lui déplaît, s'étonne que a pas
un seul réserviste ne lui ait cassé la
g... »; il dit que i c'est pénible à consta
ter » ! Enfin, les officiers sont qualifiés
par lui d'« assassins en culoties rou
ges ».
Et l'Avenir de la Haute-Vienne, jour
nal officieux du préfet Monteil, se dis
tribue à la porte des casernes !
Ils respectent bien l'armée, les amis
du ministère 1
DE QUOI SE_JÊLE-T-IL ?
Les journaux de la Manche nous rap
portent ainsi un conflit que ! M. Dumay
vient de eoulever contre. MgrJJuérard,
évêque de Goutances :
Le presbytère de Valognes ,ayant besoin
depuis fort longtemps d'être reconstruit,des
difficultés se sont élevées entre le conseil
municipal et la fabrique, en sorte qu'on se
peut arriver à cette reconstruction.
M. l'abbé Fossard, curé-archlprêtrede Va»
lognes,, ayant été nommé chanoine à Cau-
tances, le choix de son successeur fut mis
en discussion. Mgr Guérard, voulant amener
les édiles valognais a en finir, déclara qu'il
n'y aurait pas d'archiprêtre à l'église Saict-
Malo de Valognes, tant que le presbytère
de la paroisse n'aurait pas été rebâti.
C'était donc affaire à débattre entre la
municipalité de Valognes et l'évêché, et il
est bien probable que la paroisse allait
avoir son presbytère.Mals M.Dumay ne pou
vait manquer une si belle occasion d'inter
venir.
Le poste du curé doyen de Canisy se
trouvant vacant, Mgr Guérard présenta au
choix du gouvernement le curé de Cam-
bernon.
— line sera pas nommé de curé à Ca<
nlsy, répondit M. Dumay, tant que voua
maintiendrez votre refus de présenter un
candidat à la cure de Valognes.
M. l'abbé Lemaître, curé-doyen de Beau-
mont, vient de mourir. Cette cure restera
également sans titulaire tant que le conflit
soulevé par l'Incident de Valognes n'aura
pas été réglé, et il en sera ainsi pour tou
tes les vacances qui pourraient se produire.
Les choses en sent là.
De quel droit M. Dumay vient-il s'in
gérer dans le différend qui s'élève entre
l'évêché de Coutancea et la municipalité
de Valognes ?
M. L'ABBÉ GtTRiUO
Un repos complet est prescrit
par les médecins à M. l'abbé Gay
raud.
On sait qu'avant les- événements
de Bretagne, M. l'abbé Gayraud
s'était trouvé atteint d'une grande
fatigue. Il a voulu, néanmoins,
aller rejoindre ses électeurs à la
veille des attentats qui se prépa
raient contre eux et qui ont pro
voqué tant d'agitation. Les trois se- «
maines d'émotions et de luttes
continuelles ont aggravé l'état de
sa santé. On exige que M. l'abbé
Gayraud s'abstienne de tout tra
vail et même de la correspondance.
Ce n'est qu'une question de repos,
mais il devra durer un mois envi
ron. L'éloquent et vaillant député
reprendra ensuite dans la lutte la
place ; qui lui appartient et qu'il
occupe avec honneur.
■■
Gà et là
LA GARDE MUNICIPALE DE PARIS
La garde municipale de Paris parait
avoir oublié de fêter son centenaire... Il
y a eu un siècle, samedi dernier, que ce
corps fut formé, en vertu d'un arrêté des
consuls daté du château de Saint-Cloud
le 12 vendémiaire an XI(4 octobre 1802),
signé de Bonaparte et contresigné par
H.-B. Maret '(le futur duc de Bassano),
secrétaire d'État.
La garde était composée de deux régi'
ments à deux bataillons et cinq compa
gnies comprenant, au totql, 2,154 hom
mes, et d'un escadron qui comportait 180
hommes. Ces troupeB étaient chargées
de la surveillanc.e des barrières, des
ports et du service intérieur de la grande
ville. Les cavaliers faisaient les patrouil
les, les rondes et le service d'honneur.
Les conditions d'admission étaient sin
gulièrement rigjureuses: les candidats
devaient avoir trente ans au moins, qua
rante-cinq ans au plus et compter cinq
campagnes « pendant la guerre de la Li
berté » (sic). Le minimum de la taille
était fixé à cinq pieds un pouce- (1 m.
65).
Chaque régiment d'infanterie avait un
costume particulier : les hommes du
premier portaient l'habit vert donbléde
hlanc, la veste et la culotte blanches
avec des guêtres noires ; les parements,
îgntrttetxt les revers rouges. —
Pour les soldats du deuxième régi
ment, l'habit était rouge ; la veste et la-
culotte blanches avec -guêtreB noires ;
les revers", les parements et le collet
verts.
Les uns et les autres étaient coiffés du
bicorne.
Quant aux troupes à cheval, leur habit
était gris de fer avec parements, collet et
revers rouges ; la veste et le pantalon
jaune chamois, avec bottes à l'écuyère.
Ces cavaliers étaient coiffés d'un casque
semblable à celui des dragons.
Nul ne fpouvait être fait officier subal
terne, s'il n'avait occupé un emploi ana
logue dans les troupes de ligne et s'il ne
pouvait fournir la preuve « d'avoir fait
avec honneur les cinq susdites campa
gnes ». Les grades supérieurs n'étaient
accordés qu'à des officiers ayant été, au
moins, capitaines dans l'armée.
L'état-major de chacun des régiments
était ainsi composé : un chef de brigade,
deux chefs de bataillon, un quartier-
maître, un adjudant-major, un tambour-
major, huit musiciens et trois maîtres
ouvriers.
Tous les officiers étaient nommés par
le premier consul, sur la présentation du
préfet de la Seine. Détail curieux : les
soldats n'étaient définitivement admis
qu'après avoir été passés en revue par
ûn des maires de Paris délégué à cet
effet parle préfet.
Ce corps prit le nom de « garde civi
que » du 28 mars au 16 mai 1848, puis
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 8 octobre 1902
NOTES DE VACANCES
Autant par son histoire que par sa to
pographie, le Valais occupe une place à
part entre les vingt-deux cantoas suisses.
Il y a peu de contrées où vieilles tradi
tions et vieux costumes soient restés
plus en honneur. Si l'on y découvre des
ruines, elles sont l'œuvre du temps, non
celle des hommes : et sauf les pillages
accomplis autrefois par les Sarrasins ou
plus près de nous par certains contem
porains de la grande Révolution, le pays
n'a souffert d'aucune secousBe violente.
Ea revanche, l'éoonamiste qui s'inté
resse aux choses du passé et s'irrite des
préjugés toujours subsistants chez cer
tains érudits à l'endroit du moyen âge,
est assuré en feuilletant les archives
communales ou monastiques du canton
de recueillir maint utile et curieux sujet
d'études (1).
Mais, est-il besoin de le dire, d'autres
motifs expliquent i'affluence croissante
des touristes dans ce pays vraiment
privilégié. Tout le long de la grande
artère valaisanne, en remontant le
cours du Rhône depuis le lac de Genève
jusqu'aux glaciers où le second de nos
(l) J'en ai cité jadis un mémorable exem
ple dans le Monde du 1 septembre 1893.
grands flsuves français prend sa source,
luxueux hôtels et coquettes pensions be
sont, depuis un demi-Biècle, multipliés à
l'envi : Morgins, Champéry, OreièreB,
les Mayens de Sion, Loèche, Evolène,
Zinal. Zermatt, l'EggiBchhorn. sont des
noms presque aussi connus aujourd'hui
à l'étranger que ceux de Thoune, d'Inter-
laken et de Lucerne. Parmi ces nom
breuses vallées latérales qui, semblables
aux rameaux d'un chêne robuste, s'ou
vrent au nord et au sud des Alpes valai*
sannes, celles-ci sont pluB gracieuses,
celles-là plus sauvages : chacune a sa
physionomie propre et son charme à
part. D'autres pays, renommés eux aussi
pour leur beauté, ont un aspect pour
ainsi, dire unique : ici au contraire
quelle inépuisable variété ! Autour de
vous, au»dessous de vous, les riches vi
gnobles et les vergers aux fruits succu
lents : au-dessus de vos têtes les sombres
forêts et, plus haut encore, les cimes
sourcilleuses des géants des Alpes, re
vêtus de leurs glaciers et de leurs neiges
éternelles.
Dans le Val d'Iiiiez où je viens de faire
un séjour, cette opposition ou plutôt cette
association inattendue m'a particulière
ment frappé. La chaîne imposante delà
Dent du Midi le domine dans toute sa
longueur, et les alpinistes les plus hardis
trouvent ici de quoi satisfaire leurs plus
fières ambitions et moissonner de nom
breux lauriers. A l'heure cù j'écris ces
lignes, la période des ascensions reten
tissantes étant comme l'été bien près
d'être close, l'on ne m'accusera pas, je
L'espère, de me faire le promoteur im
prudent d'entreprises téméraires. Si l'on
rit à ban droit des touristes peureux qui
tremblent en face de difficultés imaginai»
res, ce n'est pas pour approuver sans ré
serve ceux qui courent au dauger unique
ment parce que c'est le danger s au fond
je Buis avec le journaliste humoristique
qui pour organiser la défense contre l'« Al-
pe homicide» proposai*naguère de limiter
officiellement dans chaque contrée mon
tagneuse les hauteurs qu'il est raisonna
ble de gravir, et de supprimer, dût-on
pour cela les rendre totalement imprati
cables, les passages trop féconds, hélas !
en mortelles catastrophes. Mais n'insis
tons pas sur ce projet de réglementa
tion fantaisiste.
e a
Au fiurplua, l'Alpe, ici surtout, n'est
pas attirante seulement par ses rochers
et BeB précipices. Ailleurs, le voisinage
des montagneB a aisément quelque chose
de mélancolique, ou même de morne et
d'accablant : au baB du vallon, quelques
files de saules ou de peupliers, plus haut
quelques massifs de sapins maigreB dans
les intervalles qui séparent les coulées
pierreuses, voilà toute la parure d'une
terre d'où la vie semble à peu près exi
lée. Ici, le granit et l'ardoise se dissimu
lent sous une perpétuelle végétation :
toutes les pentes, toutes les croupes sont
couvertes de bois et de pâturages, au mi
lieu desquels d'innombrables chalets pi
quent leurs notes claires : des torrents
tombent de roc en roc en cascades d'é
cume, ou des ruisselets au doux mur
mure s'en vont de tous côtés porter,à tra
vers les gazons, la plus agréable fraî
cheur ; mais torrents ou ruisseaux, tout
court, tout ee hâte ; quel contraste avec
nos paisibles rivières de la Normandie,
de la Touraine ou de l'Ile-de-France,
dont les eaux paresseuses traversent
lentement les plaines qui s'étalent sur
leurs deux rives I
Ici encore, peu ou point de routes ré
gulières, de chemins carrossables, ac
cessibles à la bicyclette ou à l'automo
bile : mais d'innombrables sentiers con
tournent tous les côteaux, relient tous
les hameaux, descendent au fond de tou
tes les gorges, grimpent à toutes les hau
teurs : pour les trouver, ne consultez ni
les Joanne ni les Bœdeker ; dans vos
libres promenades vous aurez le plai
sir de les découvrir, avant celui de
les parcourir. Et si après deux ou
trois heures de marehe au grand air
vous vous sentez un appétit qui devient
bien vite dévorant, alorB que le plus pro
che restaurant est à quatre ou six kilo
mètres, frappez sans hésiter à l'une des
cabanes rustiques qui se rencontrent Bur
votre passage ; vous serez re$us à peu
près infailliblement par quelque Philé-
mon ou quelque Baucis dont l'empresse
ment à vous servir ne le cède en rien à
celui du couple modèle chanté «par Ovide
et par La Fontaine.
Hâtons nous d'ajouter que ces popula
tions essentiellement pastorales, atta
chées au sol natal et à ses antiques usa
ges, représentent une race forte et virile
qui a échappé jusqu'ici aux côtés plutôt
fâcheux de la civilisation Dans la région
valaisanne, l'habitant de la plaine, cita
din ou campagnard, n'eBt pas exempt
d'une certaine insouciance : s'agit-il de
remplacer une poutre branlante, de ré
parer une maison délabrée, iin toit qui
tombe de vétusté ? on se hâte lentement,
très lentement même. A la montagne, il
y a sinon plus de prétention et de coquet
terie, du moins plus de goût et d'amour-
propre : neuf eu vieux, le chalet est
mieux bâti, mieux entretenu ; ses fenê
tres et ses balcons ajourés sont très ha
bituellement ornés de plantes grimpan
tes et de fleurs aux brillantes couleurs.
Le chalet l ce nom seul est caractéristi
que d'un certain régime économique, le
quel, comme l'habitation elle-même, a
survécu à toutes leB transformations po
litiques. Voilà une demeure vraiment à
la mesure des gens qui l'occupent, faite
pour eux, d'après leurs besoins et leur
genre d'existence ; un écrivain suisse l'a
définie, avec beaucoup de justesse et non
Bans quelque poésie, a une fleur où
l'homme robuste et droit de nos vallées
a mis sa pensée et quelque chose de son
visage et de son cœur ». Chaque famille
y vit à l'aise et s'y sent chez soi ; ce n'est
pas ici un de ces logis d'emprunt que
l'ouvrier ou l'employé de nos grandes
villes retrouve Bans plaisir et quitte sans
regret. Sous l'auvent avancé, abri pro
tecteur en été contre les ardeurs du so
leil, en hiver contre la pluie et la neige,
il faut voir les dimanches et jours de
fête les joyeuses réunions qui rappro
chent parents et amis 1
• 0
Chez ces pâtres h la vie frugale, la
pauvreté est rare, la misère inconnue
Les terres communales, véritable pro
priété collective, assurent un minimum
de ressources aux moins fortunés. Non
seulement on ne se jalouse pas à la mon
tagne, où la vie est pour tous sévère et
laborieuse : mais on s'aide de toute ma
nière. Les usages ne reflètent pas moins
cette intelligente solidarité que les mœurs
quotidiennes. On m'en citait naguère un
exemple que je me reprocherais de pas
ser bous silence, encore qu'il soit difficile
ou même impossible de l'imiter partout.
Un ressortissant de la commune a-t-il,
par suite de circonstances malheureuses,
la douleur de se voir "dépossédé du
champ et du foyer paternels ? Dans le
domaine communal, ici infiniment étendu,
on lui assigne un espace à défricher, en
même temps qu'on lui donne gratuite-
mert le bois nécessaire pour se cons
truire une habitation; A la seule condi
tion de b 'acquittefrde cette double tâche,
et de ne jamais aliéner son nouveau pa
trimoine, ce colon d'un genre à part en
demeurera, lui et ses descendants, le lé
gitime et unique propriétaire.
De l'économie politique à la morale, la
transition est facile ; j'en profite pour
donner plaoe ici à une autre observation
non moins intéressante.
Le montagnard, chacun le sait, aime
la lutte où se déploie la vigueur de ses
muscles d'acier ; à cette règle les habi
tants du val d'IUiez ne faisaient pas ex
ception, et les anciens du pays se sou
viennent encore des rixes homériques
qui pour le plus futile motif transfor
maient les champs de foires et de mar-
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