Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1902-03-01
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 mars 1902 01 mars 1902
Description : 1902/03/01 (Numéro 12420). 1902/03/01 (Numéro 12420).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7110108
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
*' Dépôt laég-al
No_
■Samedi 1 er Mars 1903
fiiitlM (tcttilMii «» 12,420
Samedi 1 er Mars 1902
55
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGES
gï DÉPARTEMENTS {UNION POSTALgJ
Un an.......;. 25 » 36 »...
Six mois...... 13 » 19 »
Trois mois 7 » 10 *•
tes abonnements partent des 1 er et 18 de chaque mois
UN NUMÉRO : Paris & Départements 10 cent,
BUREAUX : Paris, Tue Cassette, 17 (VI* Mr.)
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8,
ET
LE MONDE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNKi
PARIS ÉTRANGER
Cl DÉPARTEMENTS (UNION POSTALE)
Un an 13 » 20 »
Six mois..... 7 » 11 »
Trois mois..... 4 » 5 50
Les abonnements partent des î" et 16 de chaque rnoïe
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui M sont adressé*
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C ie , 6, place de ia Bourse
- PARIS, 28 FÉVRIER 1902
BO'^/jl ayiai n,ia
Renouvellement
partiel............ Pierre Veuilio*.
Après la fête....... G. d 'A.
Çà et là : « Eter
nité » R. Le Gay.
La liberté d'ensei
gnement E. B.
Lettres de Belgique. L.
A. la Chambra J. Mantenat. .
An Sénat..,.. J. Estérac
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — Le
jubilé de Léon XIII. — Au jour le jour, r-
Les congrégations. — Les fêtes de Vic
tor Ilugo. — L'Action libérale. — Infor
mations politiques et parlementaires.
— Au Tonkin. — Les affaires de Chine.
— Les troubles de Baroelone. — La
guerre du Transvaaî. — Etranger. —
Les agriculteurs de France. A travers
la presse. — Lettres, sciences et arts.
— Le centenaire de Victor Ilugo. —
Echos de partout. — Chronique reli»
gleuse. — La passion. — Eglise du Sa-
, cré-Cœur. — Nécrologie. — Tribunaux.
— Nouvelles diverses. — Oiîendrler —
Darcière fcëure. — Tableau et bulletin
de la Bourse.
SS
RENOUVELLEMENT PARTIEL
La Chambre ne songe plus qu'aux
prochaines élections.
Nos députés se rendent compte
que le bagage est léger, avec lequel
ils vont retourner devant le pays.
Où sont notamment les grandes ré
formes économiques, promises avec
tant d'énergie et de solennité ?
A-t-on constitué la caisse des re
traites ouvrières ? A-t-on voté la
loi qui donnera le droit de posséder,
aux syndicats ? On devait aussi al
léger la plus lourde des charges
qui pèsent sur la France, en rédui
sant le temps passé à la caserne.
Est-ce'fait?,.. Nous pourrions con
tinuer longtemps cette énuméra-
tion, -— une énumération d'avorte-
ments.
Moins-values et déficits, voilà ce
qui caractérise la période qu'on
" vient de franchir. Le pays n'a ja
mais été aussi divisé; il s'appau
vrit et il s'inquiète. Fâcheux bilan.
Il y a bien la loi sur les associa
tions ; mais l'effet produit n'est
peut-être pas celui qu'on escomp
tait. Les députés sortants se sen
tent gagnés par l'angoisse. Et alors,
dans l'impuissance d'aboutir, pour
ne pas se présenter devant le suf
frage universel les-mains absolu
ment vides, ils font comme une
réunion publique ou une assemblée
d 'agriculteurs, ils votent des vœux,
à tour de bras. Soi-disant, ils
amorcent ainsi d'importantes ré
formes. En réalité, il ne s'agit que
d 'amorcer l'électeur.
Nous en avons pour tous les
goûts. Les jacobins et les sectaires,
qui sont insatiables, pourraient
trouver qu'on n'en a pas encore
assez fait. Vite, on adopte une ré
solution léguant à la Chambre qui.
va être élue le soin de supprimer la
liberté d'enseignement. Et la dimi
nution des charges militaires? Mo
tion donnant ordre à la législature
prochaine d'établir le service de
deux ans .ou même d'une année,
à son choix. Ainsi de suite. C'est
le cas ou jamais de dire que l'on
se moque âu peuple. Mais nos dé
putés espèrent qu'il ne s'en aper
cevra pas.
Entre temps, comme on discute
le budget, on biffe le crédit destiné
aux treize jours des territoriaux.
Cette période d'instruction est né
cessaire; toutes les autorités com
pétentes sont d'accord là-dessus.
N'importe, beaucoup d'électeurs
seront contents, et voilà qui est
plus nécessaire encore.
D'ailleurs, c'est une économie...
N'ayez crainte, on la compensera
largement. Le Trésor national est
au pillage. Cinq millions pour don
ner des suppléments de vin aux
soldats. Ceux-ci ne votent point,
c'est vrai ; mais leurs parents vo
tent, et les viticulteurs donc ! Les
petits fonctionnaires sont augmen
tés sur toute la ligne. Il suffît
qu'un député le propose : adopté.
Autant d'électeurs pleins de zèle
pour renvoyer à la Chambre ceux
qùi ont amélioré leur sort. Quant
aux contribuables,... ils ne rece
vront leurs feuilles d'imposition
qu'après le scrutin de ballottage.
Tous les quatre ans, il en va de
même. Lorsque la législature ar
rive à son terme, nos représentants
n'ont plus, en mettant leur bulletin
dans l'urne; qu'une préoccupation.
Ce n'est pas de servir le pays au
mieux de ses intérêts, c'est de plaire
aux catégories d'électeurs 4ont l'in
fluence pourra prédominer. Le t*é-
nat émonde un peu le budget de
toutes ces dilapidations ; mais il en.,
reste.
Voyant le mal, un député qui doit
s'appeler M. Josse propose un re
mède : — Qu'on âllonge donc n»tre
mandat d'une couple d'années, dit-
il; nous ne ferons plus .ces folles
largesses, aux dépens du Trésor,
que tous les six ans au, lieu de les
prodiguer tous les quatre ans. Ce
sera toujours cela de gagné...
A quoi l'on objecte, avec raison,
qu'il y en aurait beaucoup trop en
core. Et ici apparaît l'idée du re
nouvellement partiel. Une moitié
de la Chambre, seulement» sou
mise à la réélection, toutes les
deux années. Cette moitié deman
dera qu'on vote les extravagances
que nous voyons accueillies fa
vorablement, ces jours-ci, au Pa
lais-Bourbon. Mais l'autre moitié,
qui ne sera point à la veille de se
retrouver devant l'électeur, gar
dera quelque indépendance, une
certaine mesure, un peu de sa
gesse, et le budget, lui, gardera
son équilibre.
Etes-vous bien sûrs de ce résul
tat ? Moitié contre moitié,cela suf(i-
ra-t-il?On peut éprouver un doute.
Nous demandons, pour plus de ga
rantie, le renouvellement biennal
par tiers avec le mandat de six ans.
Et encore,le mieux serait quele suf
frage universel parvînt à un degré,
d'intelligence et d'instruction qui
lui permît de comprendre, sans
trop de peine, que ce n'est pas un
bon moyen d'enrichir tout le monde
que d'augmenter les dépenses de
chacun. Mais le suffrage universel
pourra-t-il s'élever jusque-là ?
Pierre Veoillot.
BULLETIN(■
La Chambre poursuit, avec lenteur,
la discussion du budget de la guerre.
On a adopté, malgré les protestations
du ministre des finances, deux majora
tionsdeprès de cinq millions chacune,
pour améliorer Vordinaire du soldat, et
repoussé un amendement du citoyen
Vaillant, portant suppression pure et
simple des conseils de guerre.
A ce sujet, un très vif incident a été
soulevé par l'orateur socialiste qui a fait
l'apologie de la Commune.
Ce matin et cet après midi, suite des
chapitres de la guerre.
Au Sénat, le renvoi à la commission
d'un amendement de M. Poirrier sur
la marine marchande, constitue un
grave échec pour le ministre du com
merce ; le vote de la. motion, au fond,
entraînerait la chute du projet.
On connaîtra aujourd'hui les déci
sions de la commission et du gouverne
ment, _
Paris continue à fêler le centenaire
de Victor Ilugo, et l'étranger s'y asso
cie, comme la province, par des céré
monies et par des télégrammes offi
ciels.
Hier après midi, festival à la Sor-
bonne; le soir, réception à l'Hôtel de
Ville.
La mode est aux voyages dans la fa
mille impériale d'Allemagne; après le
prince Henri, dont la réception aux
Etats-Unis est si magnifiquement hos
pitalière, on annonce que le prince hé
ritier va faire un voyage « d'instruc
tion » en Italie.
Au Japon, c'est par une pluie bien
faisante de titres, de croix et de pen
sions, que le mikado; célèbre la signa
ture du fameux traité avec l'Angle
terre.
Le premier ministre, vicomte Kat-
sôura Taro, est élevé au rang de comte,
et le baron Hayashi, ministre à Lon
dres, est fait vicomte. Ce diplomate ob
tient en outre des grâces pécuniaires et
le grand-cordon du . Soleil-Levant.
Le ministre de la justice hellène est
démissionnaire ; il lâche son portefeuille
pour l'épée, et va se battre avec un colo
nel qui l'avaitprovoqué.
Quelque jour peut-être, une opposi
tion trouvera-telle là moyen d'amener
des crises ministérielles.
, Le congrès vénézuélien a ratifié la
réélection du général Castro comme
président pour une nouvelle période de
six années à compter du 20 février.
; Miss Stone est en liberté, grâce à la
rançon américaine, mais le gouverne
ment de son pays entend bien rentrer
dans son argent ; il en réclame la resti
tution à la Turquie, responsable de ses
brigands.
Business is. business ! La Porte a de
trop bonnes raisons pour faire — si l'on
peut dire — la sourde oreille ; elle ré
pond : Allez chez le voisin, adressez-
vous . au Bulgare.
Voilkune « recette » dont il ne sera
que sage, pour. le Trésor américain; de
ne point faire état , dans le prochain
budget.
NOUVELLES DE ROME
La crise ministérielle et sa solution.
Il semblait que la crise ministérielle
n'aurait paB pu se résoudre aussi facile
ment à cause du grand nombre de con
currents aux portefeuilles.
Chaque groupe politique et chaque ré
gion d'Italie voulait son représentant
dans le nouveau ministère.
Il était bien difficile de contenter tout
le monde.
On voulait même exclure absolument
M. Giolitti pour lequel les antipathies
sont'générales.
Les groupes conservateurs de gauche,
représentés par MM. Prinetti {ministre
des affaires étrangères), Di Broglio (mi
nistre des finances) et di Rudini, ne vou
laient plus, dans le ministère, de gauche
constitutionnelle, et au contraire lés
groupes démocratiques tempérés de MM.
Lacava, Finocchiaro.Aprile et Fortis,re
fusaient de soutenir une combinaison de
laquelle ils étaient exclus.
La situation très grave dans laquelle se
trouvait la ville de Turin, menacée alors
d'une grève générale, a fait chianger de
tactiqtfe. Le roi a imposé aux ministres
démissionnaires de rester à leur place
pour le moment. Le ministère se présen
tera donc de nouveau à la Chambre dans
le siafu quo a nie bellum.
L'unique ministre nouveau sera celui
des travaux publics, le comte Giusso
ayant,comme on le sait, donné sa démis
sion parce qu'il était contraire au di
vorce. On dit qu'à cette place Bera nommé
M. Lacava, de la gauche constitutionnelle
tempérée.
L.es troubles en Italie.
Situation grave comme c'était à pré
voir, le parti socialiste sent croître son
audace depuis qu'il à lâché le gouverne
ment. Il avait organisé pour dimanche
passé trois cents meetings dans autant
de villes d'Italie, afin' de discuter une loi
sur le travail des femmes et des enfants
dans les usines.
Le gouvernement avait défendu les
dites réunions dans les villes de Rome,
Naples, Turin et Milan par crainte des
désordres.
Ailleurs les meetings se sont tenus
avec un certain calme.
Mais ce calme-là est plein de menaces
Il peut si vite se changer en tempête !
LE JUBILÉ J1E_ LÉOB XIII
Nous recevons, les dépêches sui
vantes:
Rome, 27 février.
Le Pape a reçu les ministres du Brésil
et de Bolivie, qui lui ont présenté leurs
souhaits pour son jubilé.
Vienne, 27 février.
À l'occasion du jubilé de Léon XIII le
nonce apostolique à Vienne, Mgr Faliani,
donnera, le 3 mars, un grand dîner au
quel sont invités le comte Goluchowski,
ministre des affaires étrangères, le doc
teur de Ilarl, ministre des cultes et de
l'instruction publique, le corps diploma
tique et plusieurs hauts fonctionnaires
du ministère des affaires étrangères.
La Haye, 27 février.
La reine a chargé le général comte
Dumonceau, chef de sa maison militaire
de représenter la cour, comme envoyé
extraordinaire, au jubilé du Pape, lundi,
à Rome. Le corps diplomatique assistera
dimanche à un TeDeum solennel dans
l'église Saint Jacques pour la célébra'
tion de la fête du Pape.
APRÈS LA FÉTE
Tous les journaux, ces jours-ci,
ont publié des articles sur Victor
Ilugo.
Le ton général de ces morceaux
a été celui de l'emphase systémati
que et ds l'apologie absolue.
Opportunistes et socialistes, na
tionalistes et ministériels ont exalté
à l'envi le grand poètes Quelques-
uns, sans souci du ridicule, en ont
fait littéralement un dieu.
Nous savons bien que la chose
était facile. Victor Ilugo a été le
serviteur de tous les partis et son
oeuvre contient de quoi réjouir lé
gitimistes, bonapartistes, républi
cains, patriotes, internationalistes.
Victor Hugo, à un certain moment
de sa carrière, eût réclamé la tête
de Dreyfus ; mais, il y a quatre ans,
c'est lui qui eût remplacé Zola et
lancé le fameux : « J'accuse ! j'ac
cuse ! »
Ce fait seul aurait dû inspirer aux
panégyristes du poète une certaine
modération, d'autant plus qu'au
point de vue exclusivement litté
raire, tout n'est pas parfait, non
plus dans l'oeuvre du poète. Il y a
la part des aussi celle des « ombres ».
Maintenant que les lampions sont
éteints et les tentures décrochées,
nous avons le plaisir de constater
que seuls les publicistes foncière
ment catholiques ont donné la note
juste, et mêlé le louange au blâme
dans les proportions qui conve
naient.
Nous n'avons pas piétiné Hugo ;
nous ne l'avons pas encensé. Nous
avons constaté qu'il fut grand, et
qu'il fît une grande chute. Les idées
abracadabrantes exprimées par le
sénateur de la troisième République
ne nous ont jamais fait oublier les
traits sublimes dont fourmillent les
œuvres du poète, aux diverses pé
riodes de sa production littéraire,
et à travers ses nombreuses pali
nodies.
Qui sait si, pendant ce temps, tel
chroniqueur boulevardier, M. Ca
tulle Mendès —- pour ne nommer
que lui — après avoir épuisé, dans
le panégyrique du « maître » tou
tes les formules de la plus extrava-
fante adoration, n'est pas en train,
ans l'intimité, de « blaguer et de
parodier » le pauvre grand homme,
comme cela se fait tous les jours?
Pauvre Hugo, ceux qui t'admi
rent le plus sincèrement ne sont
pas ceux qui l'ont crié le plus fort
depuis trois jours.
G.B'A.
Aïï JOUE, LE JOUR
L'enthousiasme est une excellente
chose, mais pas trop n'en faut.
Parmi les dépêches transmises par les
agences au sujet des manifestations qu'a
provoquées je centenaire du grand hom
me, figure celle ci :
« Madrid, 27 février.
« Lps journaux publient des télégram
mes de félicitation et de sympathie
échangés entre les télégraphistes espa
gnols et . français à l'occasion du cente
«aire de Victor Hugo. » .
Et les ramasseurs de bouts de cigares
péruviens ont-ils envoyé, pour le même
motif, des télégrammes de félicitations
à leurs camarades français ?
- Une mésaventure piquante vient d'ar
river au maire de Tournus, un ministé
riel de la plus belle eau.
Il y a quelque temps, comme on le
sait, le général André est allé pontifier
dans cette ville (nous ne nous rappelons
déjà plus pourquoi).
A cette occasion, le maire de Tournus
reçut un télégramme portant la signature
de MM. Lemaitre, Coppée et Dausset et
lui déclarant que tous les patriotes
français étaient de cœur avec lui.
' Vite, le maire sauta sur sa meilleure
plume et riposta dare dare, en décla
rant à ces affreux nationalistes qu'il ne
leur reconnaissait paB le droit de parler
au nom des patriotes français.
Là-dessus, on devine les gorges chau
des des journaux ministériels.
Il n'y a qu'un malheur : le télégramme
signé Lemaitre, Coppée et Dausset est
un faux.
L'Intransigeant insinue même que le
maire de Tournus a pu en rédiger le texte
afin de se donner le malin plaisir d'une
fulgurante riposte.
Il est plus probable que ce fidèle servi
teur du ministère a été tout simplement
mystifié.
Il y aurait, si on le voulait bien, un
autre centenaire à célébrer en 1902 : ce
lui d'Alexandre Dumas.
Le célèbre romancier est né en effet le
24 juillet 1802.
On sait la vogue qu'a eue l'auteur des
Trois mousquetaires. Il a même été plus
populaire que Victor Hugo, et une so
ciété « démocratique » lui devrait logi
quement plus d'hommages qu'au poète.
Ce n'est pas que nous y tenions. Nen,
certes ; mais enfin il y a dans le peuple
bien des gens qui ne savent pas ce que
c'est que Victor Ilugo et qui ont lu en
feuilleton les œuvres de l'infatigable
prosateur.
» •
A propos de l'élection de la Muse, un
journal raconte une piquante anec
dote.
Il y a quelques années, à propos des
fêtes du poète original Desrousseaux,
les Lillois convinrent d'élire une Muse.
Chaque votante devait inscrire sur un
bulletin le nom de la candidate de son
choix. Lorsqu'on fit le dépouillement,
chaque ouvrière avait une voix..., cha
cune avait voté pour soi ! -
' -Pour obtenir une majorité, les orga
nisateurs durent décréter que dans le
vote qu'on allait recommencer, chaque
électrice désignerait deux noms diffé
rents. C'«st ainsi que la Muse lilloise fut
élue.
Un vagabond est ramassé, l'autre soir,
dans une rafle de police :
— C'est de ma faute si je suis pincé,
dit-il à l'agent qui l'emmène, car ce ma
tin j'avais été prévenu.
— Comment ça ?
— Dame, mon journal annonçait qu'il
allait y avoir du mouvement dans les
commissariats!
Çà et là
ETERNITE
C'est vraiment une œuvre, une œuvre
de force et de beauté que ce poème Eter
nité signé d'Adolpfee Lacuzon (1). C'est
un poèmè de rêve et d'infinie tendresse
où le Poète voit défiler devant sa pensée
lé cycle des temps, depuis le chaos
Jusqu'à l'irrévocable extinction des races,
et cette vision, il la dépeint, à mesure
Qu'elle se déroule, à la compagne qui
l'écoute en silence et qui eBt comme l'at
testation de la vie à côté du rêve.
} Un poème ne se raconte pas. Des stro
phes détachées peuvent à peine donner
une idée de l'envolée et de la grandeur
de l'inspiration.
C'est d'abord l'affirmation de la per
sonnalité du poète, ses invocations, ses
croyances :
J'invoquerai ton nom comme un plus sùr présage
Pour éveiller la foi qui gît au cœur des hommes,
Présage d humble amour et secret témoignage
De la communion des croyants que nous som-
|mes.
I ( I I i » i i. •«••••* •
Je vois s'ouvrir ton ciel écharpé par la foudre,
Et sur le sol qui tremble aux galops éperdus,
Sous la croix d'un cadavre immolé pour l'ab
soudre.
S'agenouiller le monde avec les bras tendus !
Et mon rSve, évoquant l'exede prophétique,
Cohortes dont l'histoire au sein des épouvantes
Ralliait la légende à son flambeau tragique,
8ur le fond de la nuit vit ces fresques mou-
[vantes;
Alors se concrétise le grandiose pano
rama des âges. D'abord le néant. Vois,
dit le poète,
Ëtc'eBt la nuit toujours, sans aspect et sans
[tache,
Nul souffle n'a frémi ; ni le temps ni le lieu
N'ont d'issue ou de terme en cette, ombre qui
[cache
La puissance effroyable ou le sommeil d'un Dieu.
Et là-bas, sous ce vol séraphique et ceB palmes,
Bi triste dans son nimbe où ses yeux semblent
[clos,
Et de miséricorde étendant ses mains calmes,
C'est Jésus, le plus doux, qui marche sur les
[flots...
Vois sa croix comme un phare éclairer l'étendue,
Et, des vallons d'angoisse où lui dut sangloter,
Entends, jusque son ciel, vers sa douleur tendue,
La prière éternelle au fond des nuits monter...
Et vois, trace qui famé, et rouge sur.les temps
Stridences de buccins, galogs, lueurs d'épées,
Dans un frisson de gloire èt d'étendards flot
• - [tante
Triomphales passer, passer les épopées.
Et rien n'existe "plus, spectre, vestige ou plain-
[tCB
De ce qui fut la vie et les siècles vengés,
Sous l'horreur qui s'épanche à flots des nuits
[éteintes,
Que le mystère et toi — qui vou» interrogez.
Et suivant le déroulement du poème,
les grands faits de l'histoire s'esquissent
en des vers d'une facture remarquable,
où tous les mots peignent ou font penser;
l'avenir même entr'ouvre ses voiles de
vant le poète-prophète jusqu'à ce que ce
lui-ci se rattache enfin à la vie,
Effrayé d'être seul devant l'éternité.
Que nous voilà loin des fadaises de ces
jeunes rimailleurB qui croient avoir fait
œuvre de poète lorsqu'ils ont larmoyé leurs
désespérances en strophes plus ou moins
ronflantes,mais vides 1 L'œuvre de M.La
cuzon, par cela même qu'elle est nourrie
de pensées élevées et s'éploie en une mé
taphysique réfléchie et profonde, est par
fois un peu obscure et voilée. Ce n'est
pas une historiette à narrer dans un sa<
Ion : c'est un livre à lire et à relire,
quand .l'esprit» libéré des soucis journa
liera, s'ouvre aux émotions du beau. Du
reste, Eternité ne s'adresse qu'à une
élite, qui peut tirer, des tableaux par
fois osés que l'humanité a tracés dans le
cours des siècles, une morale immuable
et sereine. *
Adolphe Lacuzon a fait précéder son
poème d'une introduction qui est une
profession de foi littéraire du plus haut
intérêt, aussi sainement déduite qu'ar-
tistement écrite ; il y « exécute » le sym
bolisme de bonne encre ; il y dit son
respect pour l'art vrai de l'écrivain, dé
gagé des contingences du lucre ou de la
vaine gloriole ; sans ostentation et sans
pédanterie, il dit sa conception delà Poé
sie — etil est bien difficile, l'ayant lu,de
ne point partager son avis. v
R. Le Gay.
LA LIBERTÉ D'ENSEIGNEMENT
()) 1 vol. in-16, chez Àlph. Lemerre, 23-31
passage Çhçiseul, Paria,
Chez M. Wallon.
On sait que le Sénat possède une
commission qui s'occupe de la li
berté de l'enseignement dans le but
de la supprimer.
Cette commission doit publier
sous peu un rapport, et, à cette oc
casion, M. Wallon, qui a déposé un
contre-projet,compte prononcer un
discours dont on peut deviner le
sens quand on sait le grand libéral
qu'il a toujours été.
Avoir de lui une critique des pro
jets sectaires et les grandes lignes
de son contre-projet, nous a sem
blé intéressant, nous nous sommes
donc rendu chez I'éminent séna
teur.
M. Wallon nous reçoit très aima
blement dans un grand cabinet de
travail d'où l'on a une vue très gaie
sur le quai Conti et le poat des
. Arts.
Je ne puis rien dire sur mon interven
tion prochaine, à la tribune du Sénat,
nous répond-il. Je suis engagé par le con
tre-projet que j'ai déposé et qui eBt ainsi
conçu :
« Article premier. — L'enseignement
est libre.
« Art. 2. — La liberté de l'enseigne
ment s'exerce selon les conditions de ca
pacité et de moralité déterminées par les
lois et sous la surveillance de l'Etat.
a Cette surveillance s'étend à tous les
établissements d'éducation et d'ensei
gnement sanB aucune exception. »
Ce contre-projet est le texte même de
la Constitution de 1848.
Si ces dispositions, qui n'ont pas été
abrogées par la Constitution de 1875, ne
sont plus regardées comme constitution
nelles, j'ose croire que le Sénat, se refu
sant à répudier les principes des répu
blicains de 1848, voudra en faire une
loi. . . ,■■. . ■■
Donc je ne développerai mes idées
qu'après le dépôt du rapport de la comr
mission. Il est cependant posBible que je
parle plus tôt, car le Sénat peut aborder
d'un moment à l'autre la discussion de
ces graves questions.
Nous demandons alors à M. Wal
lon quelques explications sur la
proposition Béraud :
La proposition Béraud est inconstitu
tionnelle, nous répond il. Je l'ai bien dit
au ministre qui, ma foi, avait tout l'air
de n'en rien savoir. Malgré tout, la pro
position Béraud a réuni le nombre de
voix que l'on sait et a été renvoyée à la
commission.
Le ministre semblait-il alors fa
vorable à la proposition ?
Oh ! réplique M. Wallon, le minis
tre auquel j'avais expliqué le vice de la
proposition n'a rien dit de bien catégo
rique, il est resté sur le terrain de la
neutralité, il n'y a qu'à relire son dis
cours s'en convaincre.
La conclusion de mon entretien
est donc que la proposition Béraud
est inconstitutionnelle et que le con
tre-projet de M. Wallon s'inspire au
contraire de la plus pure tradition
républicaine.
E. B.
LETTRES DE BELGIQUE
24 février 1902.
Le grand débat sur le suffrage universel.
— Les menées séditieuses. — La situa
tion électorale des catholiques à Bruxel
les. — Pour le volontariat.
Les problèmes se rattachant à la con
dition et à l'amélioration du sort des
classes laborieuses n'ont rien perdu de
leur actualité ni de leur urgence. Plu
sieurs restent en suspens et attendron
sans doute encore quelque temps avant
d'être résolus : ceux qui sont résolus ou
qui le seront plus ou moins prochaine
ment, ne le sont où ne le seront peut-être
que d'une façon incomplète en dépit de
la bonne volonté et des efforts deB catho«
liques.
C'est de la Belgique en particulier que
j'entends parler ainsi ; car il ne rentre
point dans le cadre de ces correspon
dances de m'occuper de ce qui se passe
ailleurs.
Mainte fois l'occasion B'est offerte de
faire ces constatations ; le lecteur s'en
souvient à coup sûr, et tout récemment,
nous avons encore souligné le retard ap?
porté à l'examen du projet de loi sur les
accidents du travail dont il eBt question
déjà depuis nombre d'années, puisqu'il
y a quinze ans qu'on en parle d&nBlea
congrès, et au moins huit ans dans les
sphères législatives.
Mais nous attendons toujours, et
rien ne fait prévoir qu'on y aboutisse
prochainement.
A qui la faute ? Les circonstances et le
peu de zèle rencontré dans certains mi
lieux y sont bien pour quelque chose ;
mais la plus grande part de responsabi
lité incombe sans contredit au mauvais
vouloir des démagogues socialistes qui
s'entendent fort bien à agiter toutes ces
questions devant les foules assemblées,
afin de bénéficier des sentiments et des
convoitises qu'ils y allument, mais qui
tiennent avant tout à laisser ces ques
tions indéfiniment ouvertes, afin de pou
voir indéfiniment, les exploiter, en reje
tant sur les pouvoirs et les institutions la
négligence et le retard de la solution.
Ils ont d'ailleurs 1a manie, j'allais dire
la maladie, de tout faire dévier vers la
politique ; la politique telle qu'ils l'enten
dent, eux, c'est-à-dire les déclamations
utopiques, vaines, violentes, et les pro
messes irréalisables ; plus de beurre que
de pain.
C'est à cet ordre de préoccupations
que'se rattachent leurs revendications
en faveur du suffrage universel. A la ri
gueur, et réserve faite de la valeur phi
losophique et morale du système, on
pouvait concevoir une pareille cam
pagne quand nous étions encore sous le
régime du suffrage restreint où six mil
lions d'habitants ne donnaient que cent
quarante mille électeurs. Mais aujour
d'hui que chaque citoyen est électeur,
sauf ceux de moins de 25 ans et les in
dignes,— encore que certain nombre soit
investi d'un droit de suffrage double ou
triple, — ces prétentions confinent à la
haute fantaisie. C'est aussi ce qui ex
plique leur moindre succès.
On ne saura jamais la perte de temps
que cette politique-là inflige aux affai
res sérieuses : mais c'est en vain que
l'on tente de faire valoir cette considé
ration. La race des Gracques est incor
rigible.
La discussion qui se déroule en ce
moment à la Chambre a pris une am
pleur qui mérite d'être remarquée. Du '
moment qu'on en est là et qu'il faut
se résigner à recommencer encore cette
querelle oiseuse, il n'est pas mauvais
qu'au moins on y dise ce qui doit être dit
et que la lumière soit faite sur les points
les plus essentiels.
Ainsi, en premier lieuj remarquons
que la dissidence du groupe libéral mo
déré ou doctrinaire est nettement mar
quée dans les discours de MM. Mullen-
dorf et Hymans.
Le premier, bourgmestre de Verviera
et échevin depuis trente ans, s'est caté
goriquement prononcé contre le suffrage
universel, et la gauehe socialiste en a
hautement manifesté son désappointe
ment.
Quant à M. Hymans, qui aspire à jouer
dans Bon parti leB premiers rôles, et qui
n'est point dépourvu de valeur, au point
de vue littéraire, oratoire et même poli
tique, il s'est rallié, théoriquement, à l'i
dée d'une revision constitutionnelle,mais
en préconisant une nouvelle espèce de
suffrage plural. On se demande s'il vau
drait bien la peine de changer encore une
fois de constitution, pour créer le nou
veau système, et si la parade oratoire
de M. Hymans n'est pas destinée à
masquer une résistance tortueuse et
judaïque qui n'aime pas à se déclarer.
Car pareil Bystème ou rien, c'est à peu
près la même chose.
En voulant satisfaire tout le monde,on
arrive à ne contenter personne. M.
[Iymans l'apprend aujourd'hui à ses :
dépens. MaiB on dit qu'il a cherché sur
tout à se concilier les sympathies des
avancés de son parti, afin d'obtenir sur
la liste une place de faveur qui assure
la pérennité de son mandat et de sa si
tuation parlementaire. Maigre recrue,
alors, pour le suffrage universel !
Voici maintenant encore M. Vander-
velde, qui réclame l'unification du droit
de suffrage, sous la forme du suffrage
universel, mais qui se prononce pour le
suffrage des femmes et pour l'inscrip
tion de la représentation proportionnelle
dans là constitution.
Or, le suffrage des femmes, c'est la
pierre d'achoppement du côté des libé
raux. Ceux-ci n'en veulent à aucun prix;
No_
■Samedi 1 er Mars 1903
fiiitlM (tcttilMii «» 12,420
Samedi 1 er Mars 1902
55
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGES
gï DÉPARTEMENTS {UNION POSTALgJ
Un an.......;. 25 » 36 »...
Six mois...... 13 » 19 »
Trois mois 7 » 10 *•
tes abonnements partent des 1 er et 18 de chaque mois
UN NUMÉRO : Paris & Départements 10 cent,
BUREAUX : Paris, Tue Cassette, 17 (VI* Mr.)
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8,
ET
LE MONDE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNKi
PARIS ÉTRANGER
Cl DÉPARTEMENTS (UNION POSTALE)
Un an 13 » 20 »
Six mois..... 7 » 11 »
Trois mois..... 4 » 5 50
Les abonnements partent des î" et 16 de chaque rnoïe
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui M sont adressé*
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C ie , 6, place de ia Bourse
- PARIS, 28 FÉVRIER 1902
BO'^/jl ayiai n,ia
Renouvellement
partiel............ Pierre Veuilio*.
Après la fête....... G. d 'A.
Çà et là : « Eter
nité » R. Le Gay.
La liberté d'ensei
gnement E. B.
Lettres de Belgique. L.
A. la Chambra J. Mantenat. .
An Sénat..,.. J. Estérac
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — Le
jubilé de Léon XIII. — Au jour le jour, r-
Les congrégations. — Les fêtes de Vic
tor Ilugo. — L'Action libérale. — Infor
mations politiques et parlementaires.
— Au Tonkin. — Les affaires de Chine.
— Les troubles de Baroelone. — La
guerre du Transvaaî. — Etranger. —
Les agriculteurs de France. A travers
la presse. — Lettres, sciences et arts.
— Le centenaire de Victor Ilugo. —
Echos de partout. — Chronique reli»
gleuse. — La passion. — Eglise du Sa-
, cré-Cœur. — Nécrologie. — Tribunaux.
— Nouvelles diverses. — Oiîendrler —
Darcière fcëure. — Tableau et bulletin
de la Bourse.
SS
RENOUVELLEMENT PARTIEL
La Chambre ne songe plus qu'aux
prochaines élections.
Nos députés se rendent compte
que le bagage est léger, avec lequel
ils vont retourner devant le pays.
Où sont notamment les grandes ré
formes économiques, promises avec
tant d'énergie et de solennité ?
A-t-on constitué la caisse des re
traites ouvrières ? A-t-on voté la
loi qui donnera le droit de posséder,
aux syndicats ? On devait aussi al
léger la plus lourde des charges
qui pèsent sur la France, en rédui
sant le temps passé à la caserne.
Est-ce'fait?,.. Nous pourrions con
tinuer longtemps cette énuméra-
tion, -— une énumération d'avorte-
ments.
Moins-values et déficits, voilà ce
qui caractérise la période qu'on
" vient de franchir. Le pays n'a ja
mais été aussi divisé; il s'appau
vrit et il s'inquiète. Fâcheux bilan.
Il y a bien la loi sur les associa
tions ; mais l'effet produit n'est
peut-être pas celui qu'on escomp
tait. Les députés sortants se sen
tent gagnés par l'angoisse. Et alors,
dans l'impuissance d'aboutir, pour
ne pas se présenter devant le suf
frage universel les-mains absolu
ment vides, ils font comme une
réunion publique ou une assemblée
d 'agriculteurs, ils votent des vœux,
à tour de bras. Soi-disant, ils
amorcent ainsi d'importantes ré
formes. En réalité, il ne s'agit que
d 'amorcer l'électeur.
Nous en avons pour tous les
goûts. Les jacobins et les sectaires,
qui sont insatiables, pourraient
trouver qu'on n'en a pas encore
assez fait. Vite, on adopte une ré
solution léguant à la Chambre qui.
va être élue le soin de supprimer la
liberté d'enseignement. Et la dimi
nution des charges militaires? Mo
tion donnant ordre à la législature
prochaine d'établir le service de
deux ans .ou même d'une année,
à son choix. Ainsi de suite. C'est
le cas ou jamais de dire que l'on
se moque âu peuple. Mais nos dé
putés espèrent qu'il ne s'en aper
cevra pas.
Entre temps, comme on discute
le budget, on biffe le crédit destiné
aux treize jours des territoriaux.
Cette période d'instruction est né
cessaire; toutes les autorités com
pétentes sont d'accord là-dessus.
N'importe, beaucoup d'électeurs
seront contents, et voilà qui est
plus nécessaire encore.
D'ailleurs, c'est une économie...
N'ayez crainte, on la compensera
largement. Le Trésor national est
au pillage. Cinq millions pour don
ner des suppléments de vin aux
soldats. Ceux-ci ne votent point,
c'est vrai ; mais leurs parents vo
tent, et les viticulteurs donc ! Les
petits fonctionnaires sont augmen
tés sur toute la ligne. Il suffît
qu'un député le propose : adopté.
Autant d'électeurs pleins de zèle
pour renvoyer à la Chambre ceux
qùi ont amélioré leur sort. Quant
aux contribuables,... ils ne rece
vront leurs feuilles d'imposition
qu'après le scrutin de ballottage.
Tous les quatre ans, il en va de
même. Lorsque la législature ar
rive à son terme, nos représentants
n'ont plus, en mettant leur bulletin
dans l'urne; qu'une préoccupation.
Ce n'est pas de servir le pays au
mieux de ses intérêts, c'est de plaire
aux catégories d'électeurs 4ont l'in
fluence pourra prédominer. Le t*é-
nat émonde un peu le budget de
toutes ces dilapidations ; mais il en.,
reste.
Voyant le mal, un député qui doit
s'appeler M. Josse propose un re
mède : — Qu'on âllonge donc n»tre
mandat d'une couple d'années, dit-
il; nous ne ferons plus .ces folles
largesses, aux dépens du Trésor,
que tous les six ans au, lieu de les
prodiguer tous les quatre ans. Ce
sera toujours cela de gagné...
A quoi l'on objecte, avec raison,
qu'il y en aurait beaucoup trop en
core. Et ici apparaît l'idée du re
nouvellement partiel. Une moitié
de la Chambre, seulement» sou
mise à la réélection, toutes les
deux années. Cette moitié deman
dera qu'on vote les extravagances
que nous voyons accueillies fa
vorablement, ces jours-ci, au Pa
lais-Bourbon. Mais l'autre moitié,
qui ne sera point à la veille de se
retrouver devant l'électeur, gar
dera quelque indépendance, une
certaine mesure, un peu de sa
gesse, et le budget, lui, gardera
son équilibre.
Etes-vous bien sûrs de ce résul
tat ? Moitié contre moitié,cela suf(i-
ra-t-il?On peut éprouver un doute.
Nous demandons, pour plus de ga
rantie, le renouvellement biennal
par tiers avec le mandat de six ans.
Et encore,le mieux serait quele suf
frage universel parvînt à un degré,
d'intelligence et d'instruction qui
lui permît de comprendre, sans
trop de peine, que ce n'est pas un
bon moyen d'enrichir tout le monde
que d'augmenter les dépenses de
chacun. Mais le suffrage universel
pourra-t-il s'élever jusque-là ?
Pierre Veoillot.
BULLETIN(■
La Chambre poursuit, avec lenteur,
la discussion du budget de la guerre.
On a adopté, malgré les protestations
du ministre des finances, deux majora
tionsdeprès de cinq millions chacune,
pour améliorer Vordinaire du soldat, et
repoussé un amendement du citoyen
Vaillant, portant suppression pure et
simple des conseils de guerre.
A ce sujet, un très vif incident a été
soulevé par l'orateur socialiste qui a fait
l'apologie de la Commune.
Ce matin et cet après midi, suite des
chapitres de la guerre.
Au Sénat, le renvoi à la commission
d'un amendement de M. Poirrier sur
la marine marchande, constitue un
grave échec pour le ministre du com
merce ; le vote de la. motion, au fond,
entraînerait la chute du projet.
On connaîtra aujourd'hui les déci
sions de la commission et du gouverne
ment, _
Paris continue à fêler le centenaire
de Victor Ilugo, et l'étranger s'y asso
cie, comme la province, par des céré
monies et par des télégrammes offi
ciels.
Hier après midi, festival à la Sor-
bonne; le soir, réception à l'Hôtel de
Ville.
La mode est aux voyages dans la fa
mille impériale d'Allemagne; après le
prince Henri, dont la réception aux
Etats-Unis est si magnifiquement hos
pitalière, on annonce que le prince hé
ritier va faire un voyage « d'instruc
tion » en Italie.
Au Japon, c'est par une pluie bien
faisante de titres, de croix et de pen
sions, que le mikado; célèbre la signa
ture du fameux traité avec l'Angle
terre.
Le premier ministre, vicomte Kat-
sôura Taro, est élevé au rang de comte,
et le baron Hayashi, ministre à Lon
dres, est fait vicomte. Ce diplomate ob
tient en outre des grâces pécuniaires et
le grand-cordon du . Soleil-Levant.
Le ministre de la justice hellène est
démissionnaire ; il lâche son portefeuille
pour l'épée, et va se battre avec un colo
nel qui l'avaitprovoqué.
Quelque jour peut-être, une opposi
tion trouvera-telle là moyen d'amener
des crises ministérielles.
, Le congrès vénézuélien a ratifié la
réélection du général Castro comme
président pour une nouvelle période de
six années à compter du 20 février.
; Miss Stone est en liberté, grâce à la
rançon américaine, mais le gouverne
ment de son pays entend bien rentrer
dans son argent ; il en réclame la resti
tution à la Turquie, responsable de ses
brigands.
Business is. business ! La Porte a de
trop bonnes raisons pour faire — si l'on
peut dire — la sourde oreille ; elle ré
pond : Allez chez le voisin, adressez-
vous . au Bulgare.
Voilkune « recette » dont il ne sera
que sage, pour. le Trésor américain; de
ne point faire état , dans le prochain
budget.
NOUVELLES DE ROME
La crise ministérielle et sa solution.
Il semblait que la crise ministérielle
n'aurait paB pu se résoudre aussi facile
ment à cause du grand nombre de con
currents aux portefeuilles.
Chaque groupe politique et chaque ré
gion d'Italie voulait son représentant
dans le nouveau ministère.
Il était bien difficile de contenter tout
le monde.
On voulait même exclure absolument
M. Giolitti pour lequel les antipathies
sont'générales.
Les groupes conservateurs de gauche,
représentés par MM. Prinetti {ministre
des affaires étrangères), Di Broglio (mi
nistre des finances) et di Rudini, ne vou
laient plus, dans le ministère, de gauche
constitutionnelle, et au contraire lés
groupes démocratiques tempérés de MM.
Lacava, Finocchiaro.Aprile et Fortis,re
fusaient de soutenir une combinaison de
laquelle ils étaient exclus.
La situation très grave dans laquelle se
trouvait la ville de Turin, menacée alors
d'une grève générale, a fait chianger de
tactiqtfe. Le roi a imposé aux ministres
démissionnaires de rester à leur place
pour le moment. Le ministère se présen
tera donc de nouveau à la Chambre dans
le siafu quo a nie bellum.
L'unique ministre nouveau sera celui
des travaux publics, le comte Giusso
ayant,comme on le sait, donné sa démis
sion parce qu'il était contraire au di
vorce. On dit qu'à cette place Bera nommé
M. Lacava, de la gauche constitutionnelle
tempérée.
L.es troubles en Italie.
Situation grave comme c'était à pré
voir, le parti socialiste sent croître son
audace depuis qu'il à lâché le gouverne
ment. Il avait organisé pour dimanche
passé trois cents meetings dans autant
de villes d'Italie, afin' de discuter une loi
sur le travail des femmes et des enfants
dans les usines.
Le gouvernement avait défendu les
dites réunions dans les villes de Rome,
Naples, Turin et Milan par crainte des
désordres.
Ailleurs les meetings se sont tenus
avec un certain calme.
Mais ce calme-là est plein de menaces
Il peut si vite se changer en tempête !
LE JUBILÉ J1E_ LÉOB XIII
Nous recevons, les dépêches sui
vantes:
Rome, 27 février.
Le Pape a reçu les ministres du Brésil
et de Bolivie, qui lui ont présenté leurs
souhaits pour son jubilé.
Vienne, 27 février.
À l'occasion du jubilé de Léon XIII le
nonce apostolique à Vienne, Mgr Faliani,
donnera, le 3 mars, un grand dîner au
quel sont invités le comte Goluchowski,
ministre des affaires étrangères, le doc
teur de Ilarl, ministre des cultes et de
l'instruction publique, le corps diploma
tique et plusieurs hauts fonctionnaires
du ministère des affaires étrangères.
La Haye, 27 février.
La reine a chargé le général comte
Dumonceau, chef de sa maison militaire
de représenter la cour, comme envoyé
extraordinaire, au jubilé du Pape, lundi,
à Rome. Le corps diplomatique assistera
dimanche à un TeDeum solennel dans
l'église Saint Jacques pour la célébra'
tion de la fête du Pape.
APRÈS LA FÉTE
Tous les journaux, ces jours-ci,
ont publié des articles sur Victor
Ilugo.
Le ton général de ces morceaux
a été celui de l'emphase systémati
que et ds l'apologie absolue.
Opportunistes et socialistes, na
tionalistes et ministériels ont exalté
à l'envi le grand poètes Quelques-
uns, sans souci du ridicule, en ont
fait littéralement un dieu.
Nous savons bien que la chose
était facile. Victor Ilugo a été le
serviteur de tous les partis et son
oeuvre contient de quoi réjouir lé
gitimistes, bonapartistes, républi
cains, patriotes, internationalistes.
Victor Hugo, à un certain moment
de sa carrière, eût réclamé la tête
de Dreyfus ; mais, il y a quatre ans,
c'est lui qui eût remplacé Zola et
lancé le fameux : « J'accuse ! j'ac
cuse ! »
Ce fait seul aurait dû inspirer aux
panégyristes du poète une certaine
modération, d'autant plus qu'au
point de vue exclusivement litté
raire, tout n'est pas parfait, non
plus dans l'oeuvre du poète. Il y a
la part des
Maintenant que les lampions sont
éteints et les tentures décrochées,
nous avons le plaisir de constater
que seuls les publicistes foncière
ment catholiques ont donné la note
juste, et mêlé le louange au blâme
dans les proportions qui conve
naient.
Nous n'avons pas piétiné Hugo ;
nous ne l'avons pas encensé. Nous
avons constaté qu'il fut grand, et
qu'il fît une grande chute. Les idées
abracadabrantes exprimées par le
sénateur de la troisième République
ne nous ont jamais fait oublier les
traits sublimes dont fourmillent les
œuvres du poète, aux diverses pé
riodes de sa production littéraire,
et à travers ses nombreuses pali
nodies.
Qui sait si, pendant ce temps, tel
chroniqueur boulevardier, M. Ca
tulle Mendès —- pour ne nommer
que lui — après avoir épuisé, dans
le panégyrique du « maître » tou
tes les formules de la plus extrava-
fante adoration, n'est pas en train,
ans l'intimité, de « blaguer et de
parodier » le pauvre grand homme,
comme cela se fait tous les jours?
Pauvre Hugo, ceux qui t'admi
rent le plus sincèrement ne sont
pas ceux qui l'ont crié le plus fort
depuis trois jours.
G.B'A.
Aïï JOUE, LE JOUR
L'enthousiasme est une excellente
chose, mais pas trop n'en faut.
Parmi les dépêches transmises par les
agences au sujet des manifestations qu'a
provoquées je centenaire du grand hom
me, figure celle ci :
« Madrid, 27 février.
« Lps journaux publient des télégram
mes de félicitation et de sympathie
échangés entre les télégraphistes espa
gnols et . français à l'occasion du cente
«aire de Victor Hugo. » .
Et les ramasseurs de bouts de cigares
péruviens ont-ils envoyé, pour le même
motif, des télégrammes de félicitations
à leurs camarades français ?
- Une mésaventure piquante vient d'ar
river au maire de Tournus, un ministé
riel de la plus belle eau.
Il y a quelque temps, comme on le
sait, le général André est allé pontifier
dans cette ville (nous ne nous rappelons
déjà plus pourquoi).
A cette occasion, le maire de Tournus
reçut un télégramme portant la signature
de MM. Lemaitre, Coppée et Dausset et
lui déclarant que tous les patriotes
français étaient de cœur avec lui.
' Vite, le maire sauta sur sa meilleure
plume et riposta dare dare, en décla
rant à ces affreux nationalistes qu'il ne
leur reconnaissait paB le droit de parler
au nom des patriotes français.
Là-dessus, on devine les gorges chau
des des journaux ministériels.
Il n'y a qu'un malheur : le télégramme
signé Lemaitre, Coppée et Dausset est
un faux.
L'Intransigeant insinue même que le
maire de Tournus a pu en rédiger le texte
afin de se donner le malin plaisir d'une
fulgurante riposte.
Il est plus probable que ce fidèle servi
teur du ministère a été tout simplement
mystifié.
Il y aurait, si on le voulait bien, un
autre centenaire à célébrer en 1902 : ce
lui d'Alexandre Dumas.
Le célèbre romancier est né en effet le
24 juillet 1802.
On sait la vogue qu'a eue l'auteur des
Trois mousquetaires. Il a même été plus
populaire que Victor Hugo, et une so
ciété « démocratique » lui devrait logi
quement plus d'hommages qu'au poète.
Ce n'est pas que nous y tenions. Nen,
certes ; mais enfin il y a dans le peuple
bien des gens qui ne savent pas ce que
c'est que Victor Ilugo et qui ont lu en
feuilleton les œuvres de l'infatigable
prosateur.
» •
A propos de l'élection de la Muse, un
journal raconte une piquante anec
dote.
Il y a quelques années, à propos des
fêtes du poète original Desrousseaux,
les Lillois convinrent d'élire une Muse.
Chaque votante devait inscrire sur un
bulletin le nom de la candidate de son
choix. Lorsqu'on fit le dépouillement,
chaque ouvrière avait une voix..., cha
cune avait voté pour soi ! -
' -Pour obtenir une majorité, les orga
nisateurs durent décréter que dans le
vote qu'on allait recommencer, chaque
électrice désignerait deux noms diffé
rents. C'«st ainsi que la Muse lilloise fut
élue.
Un vagabond est ramassé, l'autre soir,
dans une rafle de police :
— C'est de ma faute si je suis pincé,
dit-il à l'agent qui l'emmène, car ce ma
tin j'avais été prévenu.
— Comment ça ?
— Dame, mon journal annonçait qu'il
allait y avoir du mouvement dans les
commissariats!
Çà et là
ETERNITE
C'est vraiment une œuvre, une œuvre
de force et de beauté que ce poème Eter
nité signé d'Adolpfee Lacuzon (1). C'est
un poèmè de rêve et d'infinie tendresse
où le Poète voit défiler devant sa pensée
lé cycle des temps, depuis le chaos
Jusqu'à l'irrévocable extinction des races,
et cette vision, il la dépeint, à mesure
Qu'elle se déroule, à la compagne qui
l'écoute en silence et qui eBt comme l'at
testation de la vie à côté du rêve.
} Un poème ne se raconte pas. Des stro
phes détachées peuvent à peine donner
une idée de l'envolée et de la grandeur
de l'inspiration.
C'est d'abord l'affirmation de la per
sonnalité du poète, ses invocations, ses
croyances :
J'invoquerai ton nom comme un plus sùr présage
Pour éveiller la foi qui gît au cœur des hommes,
Présage d humble amour et secret témoignage
De la communion des croyants que nous som-
|mes.
I ( I I i » i i. •«••••* •
Je vois s'ouvrir ton ciel écharpé par la foudre,
Et sur le sol qui tremble aux galops éperdus,
Sous la croix d'un cadavre immolé pour l'ab
soudre.
S'agenouiller le monde avec les bras tendus !
Et mon rSve, évoquant l'exede prophétique,
Cohortes dont l'histoire au sein des épouvantes
Ralliait la légende à son flambeau tragique,
8ur le fond de la nuit vit ces fresques mou-
[vantes;
Alors se concrétise le grandiose pano
rama des âges. D'abord le néant. Vois,
dit le poète,
Ëtc'eBt la nuit toujours, sans aspect et sans
[tache,
Nul souffle n'a frémi ; ni le temps ni le lieu
N'ont d'issue ou de terme en cette, ombre qui
[cache
La puissance effroyable ou le sommeil d'un Dieu.
Et là-bas, sous ce vol séraphique et ceB palmes,
Bi triste dans son nimbe où ses yeux semblent
[clos,
Et de miséricorde étendant ses mains calmes,
C'est Jésus, le plus doux, qui marche sur les
[flots...
Vois sa croix comme un phare éclairer l'étendue,
Et, des vallons d'angoisse où lui dut sangloter,
Entends, jusque son ciel, vers sa douleur tendue,
La prière éternelle au fond des nuits monter...
Et vois, trace qui famé, et rouge sur.les temps
Stridences de buccins, galogs, lueurs d'épées,
Dans un frisson de gloire èt d'étendards flot
• - [tante
Triomphales passer, passer les épopées.
Et rien n'existe "plus, spectre, vestige ou plain-
[tCB
De ce qui fut la vie et les siècles vengés,
Sous l'horreur qui s'épanche à flots des nuits
[éteintes,
Que le mystère et toi — qui vou» interrogez.
Et suivant le déroulement du poème,
les grands faits de l'histoire s'esquissent
en des vers d'une facture remarquable,
où tous les mots peignent ou font penser;
l'avenir même entr'ouvre ses voiles de
vant le poète-prophète jusqu'à ce que ce
lui-ci se rattache enfin à la vie,
Effrayé d'être seul devant l'éternité.
Que nous voilà loin des fadaises de ces
jeunes rimailleurB qui croient avoir fait
œuvre de poète lorsqu'ils ont larmoyé leurs
désespérances en strophes plus ou moins
ronflantes,mais vides 1 L'œuvre de M.La
cuzon, par cela même qu'elle est nourrie
de pensées élevées et s'éploie en une mé
taphysique réfléchie et profonde, est par
fois un peu obscure et voilée. Ce n'est
pas une historiette à narrer dans un sa<
Ion : c'est un livre à lire et à relire,
quand .l'esprit» libéré des soucis journa
liera, s'ouvre aux émotions du beau. Du
reste, Eternité ne s'adresse qu'à une
élite, qui peut tirer, des tableaux par
fois osés que l'humanité a tracés dans le
cours des siècles, une morale immuable
et sereine. *
Adolphe Lacuzon a fait précéder son
poème d'une introduction qui est une
profession de foi littéraire du plus haut
intérêt, aussi sainement déduite qu'ar-
tistement écrite ; il y « exécute » le sym
bolisme de bonne encre ; il y dit son
respect pour l'art vrai de l'écrivain, dé
gagé des contingences du lucre ou de la
vaine gloriole ; sans ostentation et sans
pédanterie, il dit sa conception delà Poé
sie — etil est bien difficile, l'ayant lu,de
ne point partager son avis. v
R. Le Gay.
LA LIBERTÉ D'ENSEIGNEMENT
()) 1 vol. in-16, chez Àlph. Lemerre, 23-31
passage Çhçiseul, Paria,
Chez M. Wallon.
On sait que le Sénat possède une
commission qui s'occupe de la li
berté de l'enseignement dans le but
de la supprimer.
Cette commission doit publier
sous peu un rapport, et, à cette oc
casion, M. Wallon, qui a déposé un
contre-projet,compte prononcer un
discours dont on peut deviner le
sens quand on sait le grand libéral
qu'il a toujours été.
Avoir de lui une critique des pro
jets sectaires et les grandes lignes
de son contre-projet, nous a sem
blé intéressant, nous nous sommes
donc rendu chez I'éminent séna
teur.
M. Wallon nous reçoit très aima
blement dans un grand cabinet de
travail d'où l'on a une vue très gaie
sur le quai Conti et le poat des
. Arts.
Je ne puis rien dire sur mon interven
tion prochaine, à la tribune du Sénat,
nous répond-il. Je suis engagé par le con
tre-projet que j'ai déposé et qui eBt ainsi
conçu :
« Article premier. — L'enseignement
est libre.
« Art. 2. — La liberté de l'enseigne
ment s'exerce selon les conditions de ca
pacité et de moralité déterminées par les
lois et sous la surveillance de l'Etat.
a Cette surveillance s'étend à tous les
établissements d'éducation et d'ensei
gnement sanB aucune exception. »
Ce contre-projet est le texte même de
la Constitution de 1848.
Si ces dispositions, qui n'ont pas été
abrogées par la Constitution de 1875, ne
sont plus regardées comme constitution
nelles, j'ose croire que le Sénat, se refu
sant à répudier les principes des répu
blicains de 1848, voudra en faire une
loi. . . ,■■. . ■■
Donc je ne développerai mes idées
qu'après le dépôt du rapport de la comr
mission. Il est cependant posBible que je
parle plus tôt, car le Sénat peut aborder
d'un moment à l'autre la discussion de
ces graves questions.
Nous demandons alors à M. Wal
lon quelques explications sur la
proposition Béraud :
La proposition Béraud est inconstitu
tionnelle, nous répond il. Je l'ai bien dit
au ministre qui, ma foi, avait tout l'air
de n'en rien savoir. Malgré tout, la pro
position Béraud a réuni le nombre de
voix que l'on sait et a été renvoyée à la
commission.
Le ministre semblait-il alors fa
vorable à la proposition ?
Oh ! réplique M. Wallon, le minis
tre auquel j'avais expliqué le vice de la
proposition n'a rien dit de bien catégo
rique, il est resté sur le terrain de la
neutralité, il n'y a qu'à relire son dis
cours s'en convaincre.
La conclusion de mon entretien
est donc que la proposition Béraud
est inconstitutionnelle et que le con
tre-projet de M. Wallon s'inspire au
contraire de la plus pure tradition
républicaine.
E. B.
LETTRES DE BELGIQUE
24 février 1902.
Le grand débat sur le suffrage universel.
— Les menées séditieuses. — La situa
tion électorale des catholiques à Bruxel
les. — Pour le volontariat.
Les problèmes se rattachant à la con
dition et à l'amélioration du sort des
classes laborieuses n'ont rien perdu de
leur actualité ni de leur urgence. Plu
sieurs restent en suspens et attendron
sans doute encore quelque temps avant
d'être résolus : ceux qui sont résolus ou
qui le seront plus ou moins prochaine
ment, ne le sont où ne le seront peut-être
que d'une façon incomplète en dépit de
la bonne volonté et des efforts deB catho«
liques.
C'est de la Belgique en particulier que
j'entends parler ainsi ; car il ne rentre
point dans le cadre de ces correspon
dances de m'occuper de ce qui se passe
ailleurs.
Mainte fois l'occasion B'est offerte de
faire ces constatations ; le lecteur s'en
souvient à coup sûr, et tout récemment,
nous avons encore souligné le retard ap?
porté à l'examen du projet de loi sur les
accidents du travail dont il eBt question
déjà depuis nombre d'années, puisqu'il
y a quinze ans qu'on en parle d&nBlea
congrès, et au moins huit ans dans les
sphères législatives.
Mais nous attendons toujours, et
rien ne fait prévoir qu'on y aboutisse
prochainement.
A qui la faute ? Les circonstances et le
peu de zèle rencontré dans certains mi
lieux y sont bien pour quelque chose ;
mais la plus grande part de responsabi
lité incombe sans contredit au mauvais
vouloir des démagogues socialistes qui
s'entendent fort bien à agiter toutes ces
questions devant les foules assemblées,
afin de bénéficier des sentiments et des
convoitises qu'ils y allument, mais qui
tiennent avant tout à laisser ces ques
tions indéfiniment ouvertes, afin de pou
voir indéfiniment, les exploiter, en reje
tant sur les pouvoirs et les institutions la
négligence et le retard de la solution.
Ils ont d'ailleurs 1a manie, j'allais dire
la maladie, de tout faire dévier vers la
politique ; la politique telle qu'ils l'enten
dent, eux, c'est-à-dire les déclamations
utopiques, vaines, violentes, et les pro
messes irréalisables ; plus de beurre que
de pain.
C'est à cet ordre de préoccupations
que'se rattachent leurs revendications
en faveur du suffrage universel. A la ri
gueur, et réserve faite de la valeur phi
losophique et morale du système, on
pouvait concevoir une pareille cam
pagne quand nous étions encore sous le
régime du suffrage restreint où six mil
lions d'habitants ne donnaient que cent
quarante mille électeurs. Mais aujour
d'hui que chaque citoyen est électeur,
sauf ceux de moins de 25 ans et les in
dignes,— encore que certain nombre soit
investi d'un droit de suffrage double ou
triple, — ces prétentions confinent à la
haute fantaisie. C'est aussi ce qui ex
plique leur moindre succès.
On ne saura jamais la perte de temps
que cette politique-là inflige aux affai
res sérieuses : mais c'est en vain que
l'on tente de faire valoir cette considé
ration. La race des Gracques est incor
rigible.
La discussion qui se déroule en ce
moment à la Chambre a pris une am
pleur qui mérite d'être remarquée. Du '
moment qu'on en est là et qu'il faut
se résigner à recommencer encore cette
querelle oiseuse, il n'est pas mauvais
qu'au moins on y dise ce qui doit être dit
et que la lumière soit faite sur les points
les plus essentiels.
Ainsi, en premier lieuj remarquons
que la dissidence du groupe libéral mo
déré ou doctrinaire est nettement mar
quée dans les discours de MM. Mullen-
dorf et Hymans.
Le premier, bourgmestre de Verviera
et échevin depuis trente ans, s'est caté
goriquement prononcé contre le suffrage
universel, et la gauehe socialiste en a
hautement manifesté son désappointe
ment.
Quant à M. Hymans, qui aspire à jouer
dans Bon parti leB premiers rôles, et qui
n'est point dépourvu de valeur, au point
de vue littéraire, oratoire et même poli
tique, il s'est rallié, théoriquement, à l'i
dée d'une revision constitutionnelle,mais
en préconisant une nouvelle espèce de
suffrage plural. On se demande s'il vau
drait bien la peine de changer encore une
fois de constitution, pour créer le nou
veau système, et si la parade oratoire
de M. Hymans n'est pas destinée à
masquer une résistance tortueuse et
judaïque qui n'aime pas à se déclarer.
Car pareil Bystème ou rien, c'est à peu
près la même chose.
En voulant satisfaire tout le monde,on
arrive à ne contenter personne. M.
[Iymans l'apprend aujourd'hui à ses :
dépens. MaiB on dit qu'il a cherché sur
tout à se concilier les sympathies des
avancés de son parti, afin d'obtenir sur
la liste une place de faveur qui assure
la pérennité de son mandat et de sa si
tuation parlementaire. Maigre recrue,
alors, pour le suffrage universel !
Voici maintenant encore M. Vander-
velde, qui réclame l'unification du droit
de suffrage, sous la forme du suffrage
universel, mais qui se prononce pour le
suffrage des femmes et pour l'inscrip
tion de la représentation proportionnelle
dans là constitution.
Or, le suffrage des femmes, c'est la
pierre d'achoppement du côté des libé
raux. Ceux-ci n'en veulent à aucun prix;
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