Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-12-24
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 décembre 1901 24 décembre 1901
Description : 1901/12/24 (Numéro 12352). 1901/12/24 (Numéro 12352).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710945q
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
24 Déeembrê 1001
Edition" çuotidienn* » 12,852
/^1SB5 gal>
Mardi 24 Décèmbre 1901 (>■<-. s
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
ET DÉPARTEMENTS (UNION POSTALE)
Ua au 2S » 36 »
Six mois 13 » 19 »
Trois mois.. 7 » 10 >»
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UN NUMÉRO : Paris & Départements 10 cent.
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■jtT
LE MONDE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENKS
TARIS ETRANGER
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Les abonnements partent des 1 er et 18 de chaque mois
l'UMVERS ns répond pas des manuscrits qui lui sont adressé*
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF ot C ie , 6, place do la Bonrsa
Cfaiù,qK« âeaiund* dé eh«ngeîa«Bt
l'adresse doit ttre ftecomp«fDée d*
SO eh UtBhr«*-p»rt».
PARIS, 23 DÉCEMBRE 1901 .
SOMMAIRE
Avertissement...... Pjeriib Veuillot.
Explications Eugène Veuillot.
A la Chambre.,,,. 3. M.
Causerie littéraire:
II. Taine Edmond Biaé.
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — Au
jour le jour. — Lea Semaines reli
gieuses et l'Univers. — Le monument
Baudtn.—A l'Hôtel de Ville. — M. de
Lamarzelle à Lyon. — Fêtes et réunions.
— L'Action libérale. — La guerre du
Tranuvaat. — Lé conflit chilo-argentin .i
— Ecrans??. — La question ouvrière. —
Les anarchistes.— Echosde partout. —
Chronique religieuse. — Nécrologie. ■—
Tribunaux. -7- E11 province. — La se
maine sportive. — ïvoîi'.'eï'.-ss diverses. —
wsiendrisï. — i'emière heure. — Ta-
ileau et bulletin de la Bourse.
ièâiaSro5S5œS$
AVERTISSEMENT
Ayons le courage de le dire. Si
nous n'avions, depuis qu'il est au
pouvoir, rien de plus grave à re
procher au président du. conseil
que d'avoir coupé la parole, hier, à
M. Dausset, devant la statue de
Baudin, nous ne demanderions pas
sa tête. Reconnaissons-le: Baudin,
vivant encore et demeuré fidèle à
ses idées d'il y a cinquante ans, se
rait l'adversaire politique de la ma
jorité du .conseil municipal de Pa
ris. Cette majorité, que M. Dausset
représente, est déroulédiste. Inter
rogez-la sur ce qu'elle pense do la
tentative faite par le che£ des ^Li
gueurs, en 1899, pour entraîner
l'armée dans un coup de force con
tre la constitution républicaine, si
elle n'approuve pas hautement et
complètement M. Dérou'ède, vous
n'obtiendrez pas du moins qu'elle
le blâme. Véritablement, il y aurait
eu quelque chose de... mettons. de
comique, à voir son président célé
brer dans une cérémonie officielle
un homme qui s'est fait tuer par l'ar
mée, en voulant que celle-ci restât
légalement fidèle au régime parle
mentaire. Et c'est en vain que nous
nous efforçons de trouver M. Wal-
deck-Rousseau très coupable d'a
voir empêché cette représenta
tion./ . . •
Le reproche qu'on, doit adres
ser au chef du cabinet, à notre
avis, c'est de ne s'être pas expliqué
en toute franchise. Pourquoi n'a-
t-il pas dit simplement : — Non,
vous ne parlerez point à l'inaugu
ration de cette statue, parce que
vous représentez les tendances plé
biscitaires et césariennes dont le
triomphe, il y a cinquante ans, a
causé la mort de Baudin?... C'eût
été là un langage franc et loyal.
Certes, nous préférons de beaucoup
M. Dausset à M. Waldeck-Rous-
seau, et nous aimerions mieux vi
vre sous le gouvernement du pre
mier que sous celui du second,.
Mais, dans la circonstance, il nous
semble que le président du conseil
des ministres aurait eu,-sur le pré
sident du conseil municipal, l'avan
tage de la justice et de la logi
que. ■ ^ " ■ ■■ '.
Seulement, la justice, la logique,
la franchise, la loyauté, voilà d'an
ciennes connaissances, d'ailleurs
intermittentes, avec lesquelles M.
Waldeck-Rousseau est tout à fait
brouillé depuis trente mois. Ils ont
complètement rompu des relations,
auxquelles manqua toujours l'inti
mité. C'est pourquoi, au lieu d'y
recourir en cette occasion-ci, com
me il le pouvait, le ministre a tenu
justice, logique, franchise et loyauté
à l'écart, par un effet de l'accoutu
mance; C'est un pli qu'il a pris. De
sorte que, si l'attitude du conseil
municipal n'a pas été des plus re
luisantes, celle du pouvoir exécutif,
biaisant et rusant, s'esquivant avec
hâte pendant que tonnaient les cui
vres de la. garde républicaine, à
paru manquer totalement de di
gnité.
Ce n'était pas fait pour rehausser
la cérémonie. Le froid et le brouil
lard lui enlevaient tout agrément
comme tout pittoresque. Les dis
cours lui ont-ils, du moins, donné
un peu d'éclat? . , .
N'insistons, pas sur celui de M.
Fallières. On connaît le talent ora
toire du président de la Chambre
haute. Il aurait su trouver le moyen
d'être banal, même si cela eût été
difficile. On pense qu'il ne s'en est
pas privé. La parole de M. Wal-
deck-Rousseau, élégante, nette et
froide, le. sert à merveille dans les
discussions d'affaires, dans les dé
bats épineux où il faut montrer à
la fois de l'adresse et de l'énergie.
Devant la statue de Baudin, il con
venait d'être sonore, vibrant, avec
un peu de fougue et d'élévation si
l'on pouvait. M. le président du con
seil n'est pas l'homme de cette élo
quence On n'avait pas besoin de
son discours d'hier pour le savoir ;
mais on le sait maintenant de fa
çon plus certaine encore que sa
medi.
Un seul passage de cette haran
gue est vraiment remarquable. L'o
rateur a flétri les politiciens qui
exploitent sans vergogne l'ignorance :
et les passions du suffrage univer
sel. A ces mots, il a couru ; sur la
tribune officielle comme un léger
remous d'effarement. M. Waldeek-
Rousseau avait-il un instant d'ab
sence? Le ministre se croyait-il à
la Chambre, dans un de ces jours
où il a besoin de sa majorité de
droite? On sait qu'en ces occasions-
là, il nè ménage guère les radicaux-
socialistes et les collectivistes. Al
lait-il tenir contre eux des propos
désobligeants ? Cette gêne et cette
crainte n'ont d'ailleurs pas duré.
Non, M. le président du conseil
n'avait point visé ses amis de l'ex-
trême-gauche. Mais il est difficile
de croire qtfô M. le président de là
Chambre n'ait pas, lui, songé di
rectement à eux. Son discours est
le meilleur des trois. Et surtout, il
n'est point banal, erii ce qu'il tire de
l'événement du Deux-Décembre
une leçon pour la situation pré
sente. Que les Césars finissent mal,
M. Paul Deschanel l'a dit comme
les autres; et l'on ne peut de bonne
foi s'étonner que des républicains
tiennent à faire de cette remarque
un enseignement. Mais d'où vient
"que les Césars puissent commen
cer? Qu'est-ce donc qui leur per
met de réussir leurs coups de force
ou d'Etat? L'orateur s'est, posé
cette question intéressante et utile.
Non sans courage, il y a répondu,
déclarant que les Césars sont des
effets.
C'est la vérité même. César est la
résultante d'une situation. Pour
quoi, particulièrement, le Deux-Dé
cembre a t-il réussi ? Parce que les
progrès du socialisme effrayaient îa
France et troublaient Paris lui-
même. Le désordre augmentait, le
lendemain apparaissait toujours
■plus inquiétant, Je régime parle
mentaire tombait dans l'incohérence
et l'impuissance. — Un maître ! Un
maître ! demandait le pays. Quand
le pays veut un maître, il 'le trouve
et l'acclame, quitte à regretter plus
tard de lui avoir remis ses desti
nées. A bon entendeur, salut! M.
Deschanel a donné hier un avertis
sement aux hommes d&la troisième
République.
Pierré Veuillot.
•BULLETIN
La cérémonie d'hier devant le monu
ment Baudin a donné lieu à, quelques
manifestations que nous signalons plus
loin. ~ '
Des trois discours prononcés, un seul,
celui du président de îa Chambre.a. pu,,
grâce à la diction parfaite de l'orateur,
arriver jusqu'aux personnes présentes ;
■on a fort remarqué le passage dans le »
quel M. Paul Deschanel montre que les
Fructidors préparent les Brumaires.
Quant au président du-conseil muni
cipal, les quelques mots qu'il voulait
prononcer ont été couverts par les cui-
vres militaires ; il y avait, paraît-il,
danger réel pour la « Défense, républi
caine », à hisser parler M. Louis Daus-
set.
La Chambre a continué, ce ■ matin, la
discussion des projets sur la liberté et le
secret du vote-, elle les a renvoyés à la
commission après avoir repoussé l'ar
ticle qui prescrivait la cabine d'isole
ment.
Dans la séance de l'après-midi, doi
vent venir les douzièmes provisoires.
L'ambassadeur d'Angleierre à. Berlin
qui avait quitté, il y a un mois, assez
brusquement son poste, à h suit» des
manifestations anglophobes, vient de
regagner.l'Allemagne.
Des notes, qu'on dit être « d'un carac
tère tout spécial », auraient été, depuis
quelque temps ^changées entre les deux
cours.
La clôture de la session par lementaire
en Espagne est escomptée pour la fin de
la semaine ; elle sera probablement sui
vie d'une crise ministérielle.
Les grévistes de Barcelone ont tenu
un meeting monstre ; on y a proposé de
recourir au vol. lorsque les fonds de ré
sistance seront épuisés.
Une agitation ouvrière assez sérieuse
est signalée dans certaines villes de-
Russie ; des placards révolutionnaires
ont été affichés, de nuit, sur pl isiews
bâtiments publics, notamment à Odessa.
Il est question,*• en Belgique, d'atiri-
buer au roi Léopold II le tw e ol'empe-
reurde l Etat du Congo ; on verrait li
un moyen d'accrôîi? e le prestige du sou~
verain sur.les'io-teh'ts nègres tournis au
gouvernement belge.
Comme vous l'avons dit hier, l'ancien
cabinet buljare reste au pouvoir. M.
Karavelof a fait connaître au Sobranié
cette décision du prince; il a manifesté
Vespoir que l'emprunt terait enfin
voté.
. La nouvelle, d'une, agression dont le
président Roosecelt durait été l'objet
est démentie il s agit de l'écart un peu
brusque d'un ivrogne, aussiiôt arrêté,
puis relâché par la police.
Le gouverneur-de Tripoli a notifié
aux résidants protégés des Etats Unti
d'avoir à renoncer â cette protection ou
de quitter le pays.
Le ministre de la grande République
américaine a énergiquement prolesté
auprès de U Porte.
NOUVELLES DE BOME
La réception de IVoël an Vatican.
Nous recevons la dépêche sui
vante :
Rome, 23 décembre. 1 h. 30.
; A, midi a eu lieu la " réception solen
nelle, à l'occasion des souhaits de Noël et
du nouvel an à Sa. Sainteté .Le'on XIII.
S. Em. le cardinal doyen déplore la
lutte universelle engagée contre l'Eglise
et il unit le Sacré Collège aux protesta
tions récentes du Saint-Siège contreïê
divorce.
Sa Sainteté Léon XIII, dans sa ré
ponse, indique la libre-pensée comme
source des malheurs sociaux et de la
trie e religieuse. Le Papè flétrit lea atta
ques contre les religieux, qui rendent
tant de services au point de vue social,
ainsi que les lois persécutrices qui visent
les congrégations.
-.i-Sa SaûUeté-Lâo^Wmvite^es catho
liques à lutter contre le socialisme en
travaillant ao relèvement des classes po
pulaires dans un esprit de concorde et
d'obéissance, tous jeaneB et vieux fer
mement unis, et sans défiances mutuel
les. .
Le Pape, qui parait jouir d'une Banté
très florissante, a eu un mot sympathi
que et tout de circonstance pour chacun
des nombreux personnages, cardinaux,
évêquee, prélats et laïques de distinc
tion qui ont défilé en ea présence.
On nous écrit de Rome, le samedi
21 décembre :
Ugr Duchesne.
Par billet de la secrétairerie d'Etat,
Mgr Duchesne vient d'être nommé con-
suiteur de la Congrégation des indul
gences et reliques.
En même temps que Férainent direc
teur de notre école française de Rome, le
Souverain Pontife a fait entrer dans la
môme Congrégation Mgr Charles Respi-
ghi, dont T 1 Univers a plusieurs fois si
gnalé les doctes et féconds travaux sur le
pîain-chant grégorien, et le P. Germano
d«i Saint-Stanislas, paasionniste, qui s'eBt
rendu célèbre par de récentes décou
vertes à la basilique des Saints Jean et
Paul.
EXPLICATIONS
On nous demande pourquoi nous
avons reproduit l'acte épiscopal de
Mgr l'évêque de Blois contre M. Em
manuel Rivière et ce que nous en
pensons..
Premièrement, il ne nous appar
tient ni de juger cet acte, ni de le
discuter.
Secondement, nous l'avons 're
produit à cause de son importance
et parce qu'il était évident que de
la Semaine religieuse de Blois, qui
l'avait livré au public, il passerait
partout.
Pourquoi cacher à nos lecteurs
un document de nature à comman
der leur attention, que d'autres
journaux .donneraient, et qui pou
vait susciter des polémiques dont
il faudrait s'occuper? Il y avait là,
comme organe catholique, un ren
seignement à donner, un devoir à
remplir.
Naturellement, en reproduisant
l'acte épiscopal nous contractions
l'obligation légale et de loyauté de
faire connaître .les explications que
donnerait M. Emmanuel Rivière.
Nous savions qu'elles seraient d'un
homme de talent, de principe et de
foi, respectueux de l'autorité.. On
les a lues dans nos colonnes et l'on
sait que nos prévisions étaient
justes. C'est bien en sincère catho
lique que M. Rivière s'est expli
qué. Il a déclaré qu'il souffrait ; il
n'a pas contesté le droit ; au con
traire il l'a formellement reconnu.
Nous sommes convaincus qu'il
faut compter Mgr . de Blois parmi
ceux que cette réponse a touchés.
Ce que nous avons fait en cette
circonstance, l'Univers l'a toujours
fait pour lui-même. Nous savons
par expérience combien il est péni
ble pour un écrivain qui veut dé
fendre l'Eglise d'être frappé par un
évêque, Louis Veuillot a subi plu
sieurs fois cette épreuve. Toujours
en ces cas il a reproduit l'acte épis
copal. Par exemple, ce qu'ilne.trou-
vait pas juste, c'était qu'on ne don
nât-point ses réponses.
Faut il ajouter qu'en reproduisant
par principe et devoir professionnel
le document publié par la Semaine
religieuse de Blois, nous n'avons
pas voulu faire acte d'hostilité
contre M. Emmanuel Rivière ? Ses
idées générales, non mises en caur
se, sur les choses du temps con
cordent avec les nôtres; plusieurs
f is Tiou^"1 i svolïs~cité avec sym
pathie ; et quand devant la senten
ce de son évêque il fait acte de
soumission, se bornant à montrer
qu'il en souffrira beaucoup, nous le
félicitons d'exprimer de tels senti
ments. Ils lui mériteront de rester
dans le combat, en évitant l'écueil
d'une ingérence quelconque dans
les questions de personne, pour
défendre avant tout les principes.
Eugène Veuillot.
AU JOUH LE JOTÏÏL
Depuis hier, la langue française s'est
enrichie d'un nouveau terme, celui d'é-
glar.tinard.
Car nous aimons les mots en ard :
dreyfusard, patriotard. chéquard, etc.
Cela nous change un peu des mots en
iste; autrefois usités exclusivement.
Les églantinards , ce sont lea ministé*
riels. Ils portent pour signe de rallie
ment une êglantine rouge. Cela leur a
servi lors du pillage du pavilicn d : Ar-
menonville et dans quelques autres occa
sions mémorables,où le coup de poing de
la çarjgîlje est venu en aide au gouver
nement de défense républicaine. Uela
leur a servi hier encore, autour de la.
statue de Baudin. C'est par les a églan
tinards » que M. Dausset a été enveloppé,
conspué, et même quelque peu bousculé.
Il est vrai que le ministère est véhé
mentement soupçonné d'avoir fait réser
ver des places privilégiées à ces mame
luks non moins dévoués que fleuris.
L'e'glamine est une fleur sauvage. La
faveur dont elie jouit signifle-t elle que
la sauvagerie va être de plus en plus
utilisée comme moyen de gouverne
ment?
On va faire des re'parations au château
de Versailles.
A ce propos, la Petite République , en
veine de ferveur artistique, demande
qu'on veille a à cé que des imbéciles et
des fous ne recommencent pas à dété»
riorer ces chefs d'ouvré ».
Le propos est touchant de la part d'an
journal qui regrette la Commune et les
communards, prend la défense des émeu
tiers qui saccagent les églises, et voit
avec faveur les démolisseurs de calvai
res. .
On parle de « beaux gestes » ! Celui
d'un Vandale se drapant dans la toge de
Mécène est encore un des plus curieux
qu'on puisse voir.
« Quatre-vingts soldats anglais ont été
mangés, »
Cette nouvelle sensationnelle nous ar
rive de Bonny (Guinée anglaise).
Il est vrai que ces soldais anglais sont
des indigènes au service de l'Angleterre.
Ils auraient été surpris et tués par les
AroB, peuplade barbare du cru, et ensuite
dévorés par leurs vainqueurs.
Noira ou blancs, les pauvres diables
n'en sont pas moins à plaindre.
Pour les consoler, oa les vengera par
l'envoi ce quelque colonne britannique,
quand les uniformes rouges auront ac
quis ia conviction qu'ils peuvent aller de
l'avant sans être mangés.
Quoi de plus friable et de plus incon
sistant que ia neige ? Et cependant, cette
substance peut servir de rempart.
Une série d'expériences viennent d'être
faites en Norvège, sur un des polygones
de Christiania.
Ces essais ont permis de constater
que sous une épaisseur de 1 m. 20 seule
ment; la neige, même non tassée, était
impénétrable aux projectiles du fusil
Krag-Jorgensen, pour toutes les distan
ces à partir de 45 mètres.
La résistance de la neige — phéno
mène assez paradoxal — se trouve donc
être supérieure à celle de. n'importe
quelle espèce de bois, chêne compris, et
à peu près égale à celle de ia terre battue.
C'est donc une chose très avantageuse
pour une armée que de construire des
remparts de neige... lorsqu'il y en a,
bien entendu.
Peut-être est-il domçiRge que cette
particularité n'ait pas été connue ea
1812. Qui sait si la retraite de Russie
n'aurait pas été moins désastreuse ? -
»
Une mère faisant l'éloge de sa fille à
un prétendu :
— Ma fille chante, touche du piano,
peint, sait la logique, la botanique, l'an
glais, l'allemand, l'italien, la zoologie, en
un mot, elle sait à peu près tout. Et vous,
monsieur, quels talents avez-vous ?
— Aucun. Cependant, j'avoue que si
nous nous trouvions dans une situation
extrême, je saurais faire un peu de cui
sine et recoudre les boutons.
ii
»»
ET "L'UNIVERS"
Nous avons récemment parlé avec
citations et noms à l'appui, du bon
accueil fait par les Semaines reli-
gieuses au mouvement de l'Univers.
Nous voulons ajouter d'autres ex
traits et d'autres noms à ceux que
nous avons déjà donnés.
La Semaine de Tulle, l 'un des
diocèses ou Louis Veuillot et son
journal ont, depuis l 'épiseopat de
Mgr Bêrtheaud, le plus d'amis, nous
a consacré tout un long article. En
voici des passages :
Nous voudrions pouvoir citer en entier
l'article de M. Eugène Veuillot intitulé :
Hier, aujourd'hui, demain, dans lequel
il rappelle ce que fut depuis soixante-
huit ans l'attitude de ce journal, ei vail
lant défenseur de l'EgliEe catholique.
Parmi les croyants et les incroyants, qui
l'ignore ? et qui d'entre les chrétiens de
France peut l'avoir oublié?
Nous n'avons donc pas à faire ici l'é
loge de ce grand organe catholique.L'U-
nivers se recommande de lui- même, de
son passé, de ses services, du talent de
ses rédacteurs, enfin de l'auréole du gé
nie de Louis Veuillot... .....
Malgré tant de mérites il ne se trouvait
relativement qu'en peu de mains (1).Tout
en l'estimant, nos ennemis hè l'ache
taient pas évidemment. Le caractère eé-
rieux, solide de ses articles éloignait,
faut-il l'avouer, beaucoup d'esprits fri
voles qui ne demandent à une feuille
quotidienne que des informations multi
ples, sensationnelles, deB atticlep viru
lents et à l'emporte pièce. Efcfin parmi
les lecteurs sérieux qui rendaient hom
mage à cette feuille catholiquè et lui re
connaissaient le premier rang, spéciale
ment parmi les membres du clergé,
beaucoup regrettaient de ne pouvoir 8'y
abonner, faute de ressources. Nous sa
vons en effet ce que c'est que le budget
d'un curé et ce que pèse la bourse d'un
desservant ou ; d'un vicaire.
Grèce à Dieu et à une heureuse inspi
ration, cet obstacle, le seul sérieux à un
abonnement, vient d'être levé. Voyons,
qui ne peut trouver 25 francs dans un
an? Quel est le prêtre qui en faisant un
petit retour sur... ses ressources, ses
charges, ses voyages, etc., ne trouvera
pas moyen de mettre, au besoin, dans
une tire-lire, 2 fr. 25 par mois, pour se
procurer la jouissance quotidienne d'une
lecture aussi utile et aussi profitable que
l'est et le sera la nouvelle rédaction de
l'Univers? Au moinB peut-on en faiie
l'essai : nous ne doutons pas du résultat
et l'Univers conservera tous ses abonnés
passés et nouveaux. On ne quitte pas
ainsi un ami aussi dévoué, ausBi instruit,
et aussi intéressant.
Seriez-vous parmi ces rares et heureux
privilégiés qui ont un bas de laine ? Fai
tes plus. Outre l'abonnement, allez-y
d'une ou deux ou plusieurs actions : elles
sont à 100 francs. Mon Dieu! ce n'est pas
un chiffre bien élevé... vous devez en
couragement, appui moral et financier à
ces oeuvres qui seules aujourd'hui main
tiennent la foi dans notre pauvre pays.
Et quelle œuvre plus importante que celle
des élections et du bon journal qui seul
peut les faire? Et parmi les feuilles ca«
- (i) Nous devons noter ici qu'après la
Croix Y Univers ne redoute, quant au nom
bre deB abonnés, la comparaison avec au
cune autre des feuilles catholiques de Pa
ris.
(Note de l'Univers.)
FEUILLETON DE L'UNIVERS:
DU 24 DÉCEMBBE 1901
CAUSERIE LITTÉRAIRE
H. Taine (1).
Le moment n'est pas encore venu
d'écrire la biographie de Taine. Mais déjà
d'importants travaux ont paru, consacrés
â l'étude des œuvres du grand écrivain.
Au premier rang de ces travaux, il con*
vient de placer ie volume publie en 1894
par M. Amédée de Margerie, doyen de la
Faculté catholique des lettres de Lille.
Non moins remarquable est l'Essai sur
Taine, son œuvre et son influence, que
nous donne aujourd'hui, dans une secon
de édition entièrement refondue, M. Vic
tor Giraud, professeur de littérature
française à l'Université de Fribourg
(Suiése). M. Giraud a eu en mains de
précieux documents, les carnets de Tai«
ne, les notes qu'il accumulait sur tous
les sujets dans ses fécondes années d'E*
cole normale, les programmes détaillés
(i) Essai sur Taine, son œuvre et son in
fluence, d'après des documents inédits,
P?ir Victor Giraud. Uu volume iii-18,librai
rie Haolietteet Cie. — H- Taine, par Amé
dée de Margerie. Un volume in-8°, librai
rie Uô. Poun&ielgue,
du cours de psychologie et de logique
qu'il professait à Nevers, ses premières
thèses, ses manuscrits philosophiques,
les plans, les réflexions saisissantes qu'il
jetait sur le papier, et qui sont comme
le premier jet, bouillonnant et hardi; des
Origines. Surtout, il a pu lire presque en
entier sa correspondance avec sa famille
et avec ses amis. En attendant la bio
graphie complète qui ne peut manquer
de venir à son heure, cous avons, dans
le livre de M. Giraud, les premières assi
ses du monument auquel a droit l'histo
rien, l'écrivain, l'artiste, et aussi, disons-
le, le grand honnête homme à qui nous de
vons ce grand et beau livre, les Origines
de la Ji rance contemporaine.
Chez Taine, en effet, l'homme fut en
core supérieur à l'ceuvre. Sa sincérité
était entière et absolue, sa probité mo
rale si scrupuleuse et ei parfaite qu'on a
voulu en faire sa « faculté maîtresse ».
Il a eu le courage de redresser lui même
quelques-unes de seB erreurs, de corri
ger ses opinions premières, de ressaisir
et de proclamer bien haut les vérités
« utiles, salutaires ou nécessaires »,
qu'il avait trop iégèrement dédaignées
jadis ; d'accepter eufin les démentis suc
cessifs que ses patientes et consciencieu
ses recherches donnaient à sa logique
abstraite, - • -
S'il a très bien parlé de l'homme, M;
Victor Giraud a aussi très bien parlé de
l'écrivain et de l'artiste, de l'historien et
du philosophe. A l'endroit de ce dernier
cependant, je ne saurais m'associer aux
éloges lui donne son biographe,
Encore sur les bancs du collège, Taine .
croyait avoir déjà des idées philosophi
ques. Il était un disciple fervent de celui
que longtemps après il appelait encore
« notre cher et vénéré; Spinoza ». La né
gation absolue du libre arbitre était le
premier article de son credo, et, sur ce
point surtout, on venait se heurter à un
parti pris, à une fermeté d'esprit in
domptable. .
: Son premier livre, publié en 1856, fut
un petit volume intitulé les Philosophes
français du- XIX' siècle. C'est un pam
phlet, prodigieusement spirituel, dirigé
contre l'école * éclectique, contre Victor
Cousin, ses maîtres et ses disciples.
Cette exécution faite, et rien ne «e peut
lire de plus amusant^ Taine expose ses
propres théories ; il- traite des deux
grandes questions de la destinée et du
devoir. D'après lui, il n'y a pas de desti
née qu'il dépende de nous d'atteindre ; il
n'y a pas de devoir qu'il dépende de nous
d'accomplir.
C'est du pur déterminisme, du pur
matérialisme.
Quatorze ans plus tard, dans le livre
de l' Intelligence, paru en 1870, à la veille
de la guerre, Taine donnait l'exposé com
plet et systématique de ses doctrines. M.
Victor Giraud y voit une œuvre de tout
premier ordre. IJ m'est impossible, ici
encore, de partager Eon sentiment.
C'est, je le veux bien, un livre très ha
bilement fait; Le style n'a rien perdu de
sa vigueur, de sa précision, de son éc ; at.
Mais de philosophie vraie, de philosophie
ç?ignale, il n'y ep » pas. Le fonddetf (Jeux
nouveaux volumes de Taine, c'est la sen
sation transformée deCondillac. «Sensa
tion et image, dit-il en commençant,
voilà toute l'intelligence humaine i »
Leibnitz, qui était, lui, un vrai ;philoso-
phe, a dit au contraire que tout était dans
la sensation, excepté l'intelligence elle-
même. « -La loi fondamentale, continue
Taine, c'est la tendance de la sensation
et de l'image à renaître. » Et plus loin :
« Les pouvoirs et les forces ne sont que
des entités verbales et des fonctions mé
taphysiques. » C'est la négation des fa
cultés de l'âme, on plutôt la négation de
l'âme elle même, a Lea événements mo
raux, dit-il ailleurs, ne sont quedes sen
sations transformées .ou déformées. » Et
encore : « Il n'y a plus aujourd'hui que le
moi et la nature. »
Dans si>n Appendice, M. Victor Giraud
publie une lettre à lui adressée par un
universitaire éminent, M. Charles Bé-
nard, qui fut précisément le professeur
de philosophie de-Taine au collège Bour
bon. M. Bénard n'hésite pas à dire que
Taine n'a. jamais été un philosophe..Voici
cette lettre, dont l'importance me parait
ici capitale :
« 1° Sur ce que j'appellerai la genèse
de la pensée philosophique de Taine,
voici ma réponse :
o Taine est entré (1847) dans'la classe
de philosophie, sortant de rhétorique,
mais déjà philosophe, j'entends disciple
fervent de Spinoza. Sa foi au spinozisma
était déjà telle qu'il n'y avait pas à la
changer d'un iota. Il B'y était enfermé
çomroç une forteresse dent, du
te, il n'est jamais sorti. Il n'y avait pas
même à discuter avec lui là-dessus. Il a,
je croip, profité de mes leçons sur les dif
férentes parties du cours de philosophie
classique. Il m'a toujours témoigné, alors
et depuis, beaucoup de respect et même
d'affection ; mais je ne crois pas avoir
exercé sur lui, quant au fond, la moin
dre influence. Je venais sans cesse me
heurter à un parti pris, en particulier eo
ce qui concerne la pierre de touche, le
libre arbitre...
«Voilà tout ce que je puis'vous dire
sur le premier point. Comment est il de
venu hegelien, ou se mi -hegelien ? Il n'y
a qu'un pas à franchir. Ma traduction de
l'Esthétique de Ilegel, les livres, en alle
mand, de Hegel, que je lui ai prêtés, sur
tout à l'Ecole normale, ont pu y contri
buer. Mais c'est une influence tout exté
rieure. Plus tard, il est devenu positi'
viste. Comment Eon positivisme s'est-il
enté sur le spinozisme et l'hegelianisme?
Pour moi, sans parler de l'évolutionieme
qui est déjà dans la dialectique hege-
lienne, il faut y joindre l'immanence
epinoziste, aujourd hui le grand mot à là
mode, qui est la clef qui devra, selon
moi, forcer toutes lea serrures. C'est
ainsi que l'on est passé en Allemagne de
Hegel à Schopenhauer, à Von Hartmann.
C'est ce qui s'appelle l'idéalisme concret
succédant à l'idéalisme abstrait. — Mais
ici, je m'arrête, ayant trop à dire.
« 2" Sur le second point, je m'expliqu J
rai en toute franchise. Taine philosophe
et artiste est-il plutôt l'un que Vautre ?
Quelle est, selon sa langue, 8? faculté
«maîtresse » ?Pour moi, Taine n'est pas à
proprement parler un philosophe. II à
été du moins sous ce rapport beaucoup
Burfait. C'est un écrivain d'un très grand
talent, un merveilleux esprit d'assimila
tion (réceptif, non spéculativement par
lant original et né créateur) ; comme
penseur, toujours disciple à Ja suite de
Spinoza, de Hegel, de Comte, de Dar
win, de Spencer. Ses formules sont vi
des (race, milieu, moment). Cé qu'il a
produit sous ce rapport ne laissera pas
la, moindre trace, — du moins à mon
avis. C'est autre chose s'il s'agit de
l'écrivain, du styliste, du poète, comme
vous dites. L'imagination chez lui do
mine de beaucoup,quoique le sens pitto
resque ne lui manque pas,—J'aurais en
core, monsieur, trop à dire sur ce su
jet, en particulier de l'abus énorme qu'il
fait sans cesse de la métaphore, scienti
fique si vous voulez, mais qui ne donne
que de grossières analogies.
« Sur Taine, encore une fois, je n'en
puis dire plus ; cela me mènerait trop
loin. »
II
Taine a donc écrit dea ouvrages de
philosophie, mais il n'a pas été un phi
losophe. L'historien chez lui, au con
traire, a été très grand. .
Son Intelligence terminée, il méditait
un \ivre sur l'Allemagne et — ironique
coïncidence — ce fut en Allemagné que
la déclaration de guerre le surprit. La
guerre et eea désastres, l'invasion et ses
Edition" çuotidienn* » 12,852
/^1SB5 gal>
Mardi 24 Décèmbre 1901 (>■<-. s
ÉDITION QUOTIDIENNE
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Six mpis...,,. 7 » 11 »
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l'UMVERS ns répond pas des manuscrits qui lui sont adressé*
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF ot C ie , 6, place do la Bonrsa
Cfaiù,qK« âeaiund* dé eh«ngeîa«Bt
l'adresse doit ttre ftecomp«fDée d*
SO eh UtBhr«*-p»rt».
PARIS, 23 DÉCEMBRE 1901 .
SOMMAIRE
Avertissement...... Pjeriib Veuillot.
Explications Eugène Veuillot.
A la Chambre.,,,. 3. M.
Causerie littéraire:
II. Taine Edmond Biaé.
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — Au
jour le jour. — Lea Semaines reli
gieuses et l'Univers. — Le monument
Baudtn.—A l'Hôtel de Ville. — M. de
Lamarzelle à Lyon. — Fêtes et réunions.
— L'Action libérale. — La guerre du
Tranuvaat. — Lé conflit chilo-argentin .i
— Ecrans??. — La question ouvrière. —
Les anarchistes.— Echosde partout. —
Chronique religieuse. — Nécrologie. ■—
Tribunaux. -7- E11 province. — La se
maine sportive. — ïvoîi'.'eï'.-ss diverses. —
wsiendrisï. — i'emière heure. — Ta-
ileau et bulletin de la Bourse.
ièâiaSro5S5œS$
AVERTISSEMENT
Ayons le courage de le dire. Si
nous n'avions, depuis qu'il est au
pouvoir, rien de plus grave à re
procher au président du. conseil
que d'avoir coupé la parole, hier, à
M. Dausset, devant la statue de
Baudin, nous ne demanderions pas
sa tête. Reconnaissons-le: Baudin,
vivant encore et demeuré fidèle à
ses idées d'il y a cinquante ans, se
rait l'adversaire politique de la ma
jorité du .conseil municipal de Pa
ris. Cette majorité, que M. Dausset
représente, est déroulédiste. Inter
rogez-la sur ce qu'elle pense do la
tentative faite par le che£ des ^Li
gueurs, en 1899, pour entraîner
l'armée dans un coup de force con
tre la constitution républicaine, si
elle n'approuve pas hautement et
complètement M. Dérou'ède, vous
n'obtiendrez pas du moins qu'elle
le blâme. Véritablement, il y aurait
eu quelque chose de... mettons. de
comique, à voir son président célé
brer dans une cérémonie officielle
un homme qui s'est fait tuer par l'ar
mée, en voulant que celle-ci restât
légalement fidèle au régime parle
mentaire. Et c'est en vain que nous
nous efforçons de trouver M. Wal-
deck-Rousseau très coupable d'a
voir empêché cette représenta
tion./ . . •
Le reproche qu'on, doit adres
ser au chef du cabinet, à notre
avis, c'est de ne s'être pas expliqué
en toute franchise. Pourquoi n'a-
t-il pas dit simplement : — Non,
vous ne parlerez point à l'inaugu
ration de cette statue, parce que
vous représentez les tendances plé
biscitaires et césariennes dont le
triomphe, il y a cinquante ans, a
causé la mort de Baudin?... C'eût
été là un langage franc et loyal.
Certes, nous préférons de beaucoup
M. Dausset à M. Waldeck-Rous-
seau, et nous aimerions mieux vi
vre sous le gouvernement du pre
mier que sous celui du second,.
Mais, dans la circonstance, il nous
semble que le président du conseil
des ministres aurait eu,-sur le pré
sident du conseil municipal, l'avan
tage de la justice et de la logi
que. ■ ^ " ■ ■■ '.
Seulement, la justice, la logique,
la franchise, la loyauté, voilà d'an
ciennes connaissances, d'ailleurs
intermittentes, avec lesquelles M.
Waldeck-Rousseau est tout à fait
brouillé depuis trente mois. Ils ont
complètement rompu des relations,
auxquelles manqua toujours l'inti
mité. C'est pourquoi, au lieu d'y
recourir en cette occasion-ci, com
me il le pouvait, le ministre a tenu
justice, logique, franchise et loyauté
à l'écart, par un effet de l'accoutu
mance; C'est un pli qu'il a pris. De
sorte que, si l'attitude du conseil
municipal n'a pas été des plus re
luisantes, celle du pouvoir exécutif,
biaisant et rusant, s'esquivant avec
hâte pendant que tonnaient les cui
vres de la. garde républicaine, à
paru manquer totalement de di
gnité.
Ce n'était pas fait pour rehausser
la cérémonie. Le froid et le brouil
lard lui enlevaient tout agrément
comme tout pittoresque. Les dis
cours lui ont-ils, du moins, donné
un peu d'éclat? . , .
N'insistons, pas sur celui de M.
Fallières. On connaît le talent ora
toire du président de la Chambre
haute. Il aurait su trouver le moyen
d'être banal, même si cela eût été
difficile. On pense qu'il ne s'en est
pas privé. La parole de M. Wal-
deck-Rousseau, élégante, nette et
froide, le. sert à merveille dans les
discussions d'affaires, dans les dé
bats épineux où il faut montrer à
la fois de l'adresse et de l'énergie.
Devant la statue de Baudin, il con
venait d'être sonore, vibrant, avec
un peu de fougue et d'élévation si
l'on pouvait. M. le président du con
seil n'est pas l'homme de cette élo
quence On n'avait pas besoin de
son discours d'hier pour le savoir ;
mais on le sait maintenant de fa
çon plus certaine encore que sa
medi.
Un seul passage de cette haran
gue est vraiment remarquable. L'o
rateur a flétri les politiciens qui
exploitent sans vergogne l'ignorance :
et les passions du suffrage univer
sel. A ces mots, il a couru ; sur la
tribune officielle comme un léger
remous d'effarement. M. Waldeek-
Rousseau avait-il un instant d'ab
sence? Le ministre se croyait-il à
la Chambre, dans un de ces jours
où il a besoin de sa majorité de
droite? On sait qu'en ces occasions-
là, il nè ménage guère les radicaux-
socialistes et les collectivistes. Al
lait-il tenir contre eux des propos
désobligeants ? Cette gêne et cette
crainte n'ont d'ailleurs pas duré.
Non, M. le président du conseil
n'avait point visé ses amis de l'ex-
trême-gauche. Mais il est difficile
de croire qtfô M. le président de là
Chambre n'ait pas, lui, songé di
rectement à eux. Son discours est
le meilleur des trois. Et surtout, il
n'est point banal, erii ce qu'il tire de
l'événement du Deux-Décembre
une leçon pour la situation pré
sente. Que les Césars finissent mal,
M. Paul Deschanel l'a dit comme
les autres; et l'on ne peut de bonne
foi s'étonner que des républicains
tiennent à faire de cette remarque
un enseignement. Mais d'où vient
"que les Césars puissent commen
cer? Qu'est-ce donc qui leur per
met de réussir leurs coups de force
ou d'Etat? L'orateur s'est, posé
cette question intéressante et utile.
Non sans courage, il y a répondu,
déclarant que les Césars sont des
effets.
C'est la vérité même. César est la
résultante d'une situation. Pour
quoi, particulièrement, le Deux-Dé
cembre a t-il réussi ? Parce que les
progrès du socialisme effrayaient îa
France et troublaient Paris lui-
même. Le désordre augmentait, le
lendemain apparaissait toujours
■plus inquiétant, Je régime parle
mentaire tombait dans l'incohérence
et l'impuissance. — Un maître ! Un
maître ! demandait le pays. Quand
le pays veut un maître, il 'le trouve
et l'acclame, quitte à regretter plus
tard de lui avoir remis ses desti
nées. A bon entendeur, salut! M.
Deschanel a donné hier un avertis
sement aux hommes d&la troisième
République.
Pierré Veuillot.
•BULLETIN
La cérémonie d'hier devant le monu
ment Baudin a donné lieu à, quelques
manifestations que nous signalons plus
loin. ~ '
Des trois discours prononcés, un seul,
celui du président de îa Chambre.a. pu,,
grâce à la diction parfaite de l'orateur,
arriver jusqu'aux personnes présentes ;
■on a fort remarqué le passage dans le »
quel M. Paul Deschanel montre que les
Fructidors préparent les Brumaires.
Quant au président du-conseil muni
cipal, les quelques mots qu'il voulait
prononcer ont été couverts par les cui-
vres militaires ; il y avait, paraît-il,
danger réel pour la « Défense, républi
caine », à hisser parler M. Louis Daus-
set.
La Chambre a continué, ce ■ matin, la
discussion des projets sur la liberté et le
secret du vote-, elle les a renvoyés à la
commission après avoir repoussé l'ar
ticle qui prescrivait la cabine d'isole
ment.
Dans la séance de l'après-midi, doi
vent venir les douzièmes provisoires.
L'ambassadeur d'Angleierre à. Berlin
qui avait quitté, il y a un mois, assez
brusquement son poste, à h suit» des
manifestations anglophobes, vient de
regagner.l'Allemagne.
Des notes, qu'on dit être « d'un carac
tère tout spécial », auraient été, depuis
quelque temps ^changées entre les deux
cours.
La clôture de la session par lementaire
en Espagne est escomptée pour la fin de
la semaine ; elle sera probablement sui
vie d'une crise ministérielle.
Les grévistes de Barcelone ont tenu
un meeting monstre ; on y a proposé de
recourir au vol. lorsque les fonds de ré
sistance seront épuisés.
Une agitation ouvrière assez sérieuse
est signalée dans certaines villes de-
Russie ; des placards révolutionnaires
ont été affichés, de nuit, sur pl isiews
bâtiments publics, notamment à Odessa.
Il est question,*• en Belgique, d'atiri-
buer au roi Léopold II le tw e ol'empe-
reurde l Etat du Congo ; on verrait li
un moyen d'accrôîi? e le prestige du sou~
verain sur.les'io-teh'ts nègres tournis au
gouvernement belge.
Comme vous l'avons dit hier, l'ancien
cabinet buljare reste au pouvoir. M.
Karavelof a fait connaître au Sobranié
cette décision du prince; il a manifesté
Vespoir que l'emprunt terait enfin
voté.
. La nouvelle, d'une, agression dont le
président Roosecelt durait été l'objet
est démentie il s agit de l'écart un peu
brusque d'un ivrogne, aussiiôt arrêté,
puis relâché par la police.
Le gouverneur-de Tripoli a notifié
aux résidants protégés des Etats Unti
d'avoir à renoncer â cette protection ou
de quitter le pays.
Le ministre de la grande République
américaine a énergiquement prolesté
auprès de U Porte.
NOUVELLES DE BOME
La réception de IVoël an Vatican.
Nous recevons la dépêche sui
vante :
Rome, 23 décembre. 1 h. 30.
; A, midi a eu lieu la " réception solen
nelle, à l'occasion des souhaits de Noël et
du nouvel an à Sa. Sainteté .Le'on XIII.
S. Em. le cardinal doyen déplore la
lutte universelle engagée contre l'Eglise
et il unit le Sacré Collège aux protesta
tions récentes du Saint-Siège contreïê
divorce.
Sa Sainteté Léon XIII, dans sa ré
ponse, indique la libre-pensée comme
source des malheurs sociaux et de la
trie e religieuse. Le Papè flétrit lea atta
ques contre les religieux, qui rendent
tant de services au point de vue social,
ainsi que les lois persécutrices qui visent
les congrégations.
-.i-Sa SaûUeté-Lâo^Wmvite^es catho
liques à lutter contre le socialisme en
travaillant ao relèvement des classes po
pulaires dans un esprit de concorde et
d'obéissance, tous jeaneB et vieux fer
mement unis, et sans défiances mutuel
les. .
Le Pape, qui parait jouir d'une Banté
très florissante, a eu un mot sympathi
que et tout de circonstance pour chacun
des nombreux personnages, cardinaux,
évêquee, prélats et laïques de distinc
tion qui ont défilé en ea présence.
On nous écrit de Rome, le samedi
21 décembre :
Ugr Duchesne.
Par billet de la secrétairerie d'Etat,
Mgr Duchesne vient d'être nommé con-
suiteur de la Congrégation des indul
gences et reliques.
En même temps que Férainent direc
teur de notre école française de Rome, le
Souverain Pontife a fait entrer dans la
môme Congrégation Mgr Charles Respi-
ghi, dont T 1 Univers a plusieurs fois si
gnalé les doctes et féconds travaux sur le
pîain-chant grégorien, et le P. Germano
d«i Saint-Stanislas, paasionniste, qui s'eBt
rendu célèbre par de récentes décou
vertes à la basilique des Saints Jean et
Paul.
EXPLICATIONS
On nous demande pourquoi nous
avons reproduit l'acte épiscopal de
Mgr l'évêque de Blois contre M. Em
manuel Rivière et ce que nous en
pensons..
Premièrement, il ne nous appar
tient ni de juger cet acte, ni de le
discuter.
Secondement, nous l'avons 're
produit à cause de son importance
et parce qu'il était évident que de
la Semaine religieuse de Blois, qui
l'avait livré au public, il passerait
partout.
Pourquoi cacher à nos lecteurs
un document de nature à comman
der leur attention, que d'autres
journaux .donneraient, et qui pou
vait susciter des polémiques dont
il faudrait s'occuper? Il y avait là,
comme organe catholique, un ren
seignement à donner, un devoir à
remplir.
Naturellement, en reproduisant
l'acte épiscopal nous contractions
l'obligation légale et de loyauté de
faire connaître .les explications que
donnerait M. Emmanuel Rivière.
Nous savions qu'elles seraient d'un
homme de talent, de principe et de
foi, respectueux de l'autorité.. On
les a lues dans nos colonnes et l'on
sait que nos prévisions étaient
justes. C'est bien en sincère catho
lique que M. Rivière s'est expli
qué. Il a déclaré qu'il souffrait ; il
n'a pas contesté le droit ; au con
traire il l'a formellement reconnu.
Nous sommes convaincus qu'il
faut compter Mgr . de Blois parmi
ceux que cette réponse a touchés.
Ce que nous avons fait en cette
circonstance, l'Univers l'a toujours
fait pour lui-même. Nous savons
par expérience combien il est péni
ble pour un écrivain qui veut dé
fendre l'Eglise d'être frappé par un
évêque, Louis Veuillot a subi plu
sieurs fois cette épreuve. Toujours
en ces cas il a reproduit l'acte épis
copal. Par exemple, ce qu'ilne.trou-
vait pas juste, c'était qu'on ne don
nât-point ses réponses.
Faut il ajouter qu'en reproduisant
par principe et devoir professionnel
le document publié par la Semaine
religieuse de Blois, nous n'avons
pas voulu faire acte d'hostilité
contre M. Emmanuel Rivière ? Ses
idées générales, non mises en caur
se, sur les choses du temps con
cordent avec les nôtres; plusieurs
f is Tiou^"1 i svolïs~cité avec sym
pathie ; et quand devant la senten
ce de son évêque il fait acte de
soumission, se bornant à montrer
qu'il en souffrira beaucoup, nous le
félicitons d'exprimer de tels senti
ments. Ils lui mériteront de rester
dans le combat, en évitant l'écueil
d'une ingérence quelconque dans
les questions de personne, pour
défendre avant tout les principes.
Eugène Veuillot.
AU JOUH LE JOTÏÏL
Depuis hier, la langue française s'est
enrichie d'un nouveau terme, celui d'é-
glar.tinard.
Car nous aimons les mots en ard :
dreyfusard, patriotard. chéquard, etc.
Cela nous change un peu des mots en
iste; autrefois usités exclusivement.
Les églantinards , ce sont lea ministé*
riels. Ils portent pour signe de rallie
ment une êglantine rouge. Cela leur a
servi lors du pillage du pavilicn d : Ar-
menonville et dans quelques autres occa
sions mémorables,où le coup de poing de
la çarjgîlje est venu en aide au gouver
nement de défense républicaine. Uela
leur a servi hier encore, autour de la.
statue de Baudin. C'est par les a églan
tinards » que M. Dausset a été enveloppé,
conspué, et même quelque peu bousculé.
Il est vrai que le ministère est véhé
mentement soupçonné d'avoir fait réser
ver des places privilégiées à ces mame
luks non moins dévoués que fleuris.
L'e'glamine est une fleur sauvage. La
faveur dont elie jouit signifle-t elle que
la sauvagerie va être de plus en plus
utilisée comme moyen de gouverne
ment?
On va faire des re'parations au château
de Versailles.
A ce propos, la Petite République , en
veine de ferveur artistique, demande
qu'on veille a à cé que des imbéciles et
des fous ne recommencent pas à dété»
riorer ces chefs d'ouvré ».
Le propos est touchant de la part d'an
journal qui regrette la Commune et les
communards, prend la défense des émeu
tiers qui saccagent les églises, et voit
avec faveur les démolisseurs de calvai
res. .
On parle de « beaux gestes » ! Celui
d'un Vandale se drapant dans la toge de
Mécène est encore un des plus curieux
qu'on puisse voir.
« Quatre-vingts soldats anglais ont été
mangés, »
Cette nouvelle sensationnelle nous ar
rive de Bonny (Guinée anglaise).
Il est vrai que ces soldais anglais sont
des indigènes au service de l'Angleterre.
Ils auraient été surpris et tués par les
AroB, peuplade barbare du cru, et ensuite
dévorés par leurs vainqueurs.
Noira ou blancs, les pauvres diables
n'en sont pas moins à plaindre.
Pour les consoler, oa les vengera par
l'envoi ce quelque colonne britannique,
quand les uniformes rouges auront ac
quis ia conviction qu'ils peuvent aller de
l'avant sans être mangés.
Quoi de plus friable et de plus incon
sistant que ia neige ? Et cependant, cette
substance peut servir de rempart.
Une série d'expériences viennent d'être
faites en Norvège, sur un des polygones
de Christiania.
Ces essais ont permis de constater
que sous une épaisseur de 1 m. 20 seule
ment; la neige, même non tassée, était
impénétrable aux projectiles du fusil
Krag-Jorgensen, pour toutes les distan
ces à partir de 45 mètres.
La résistance de la neige — phéno
mène assez paradoxal — se trouve donc
être supérieure à celle de. n'importe
quelle espèce de bois, chêne compris, et
à peu près égale à celle de ia terre battue.
C'est donc une chose très avantageuse
pour une armée que de construire des
remparts de neige... lorsqu'il y en a,
bien entendu.
Peut-être est-il domçiRge que cette
particularité n'ait pas été connue ea
1812. Qui sait si la retraite de Russie
n'aurait pas été moins désastreuse ? -
»
Une mère faisant l'éloge de sa fille à
un prétendu :
— Ma fille chante, touche du piano,
peint, sait la logique, la botanique, l'an
glais, l'allemand, l'italien, la zoologie, en
un mot, elle sait à peu près tout. Et vous,
monsieur, quels talents avez-vous ?
— Aucun. Cependant, j'avoue que si
nous nous trouvions dans une situation
extrême, je saurais faire un peu de cui
sine et recoudre les boutons.
ii
»»
ET "L'UNIVERS"
Nous avons récemment parlé avec
citations et noms à l'appui, du bon
accueil fait par les Semaines reli-
gieuses au mouvement de l'Univers.
Nous voulons ajouter d'autres ex
traits et d'autres noms à ceux que
nous avons déjà donnés.
La Semaine de Tulle, l 'un des
diocèses ou Louis Veuillot et son
journal ont, depuis l 'épiseopat de
Mgr Bêrtheaud, le plus d'amis, nous
a consacré tout un long article. En
voici des passages :
Nous voudrions pouvoir citer en entier
l'article de M. Eugène Veuillot intitulé :
Hier, aujourd'hui, demain, dans lequel
il rappelle ce que fut depuis soixante-
huit ans l'attitude de ce journal, ei vail
lant défenseur de l'EgliEe catholique.
Parmi les croyants et les incroyants, qui
l'ignore ? et qui d'entre les chrétiens de
France peut l'avoir oublié?
Nous n'avons donc pas à faire ici l'é
loge de ce grand organe catholique.L'U-
nivers se recommande de lui- même, de
son passé, de ses services, du talent de
ses rédacteurs, enfin de l'auréole du gé
nie de Louis Veuillot... .....
Malgré tant de mérites il ne se trouvait
relativement qu'en peu de mains (1).Tout
en l'estimant, nos ennemis hè l'ache
taient pas évidemment. Le caractère eé-
rieux, solide de ses articles éloignait,
faut-il l'avouer, beaucoup d'esprits fri
voles qui ne demandent à une feuille
quotidienne que des informations multi
ples, sensationnelles, deB atticlep viru
lents et à l'emporte pièce. Efcfin parmi
les lecteurs sérieux qui rendaient hom
mage à cette feuille catholiquè et lui re
connaissaient le premier rang, spéciale
ment parmi les membres du clergé,
beaucoup regrettaient de ne pouvoir 8'y
abonner, faute de ressources. Nous sa
vons en effet ce que c'est que le budget
d'un curé et ce que pèse la bourse d'un
desservant ou ; d'un vicaire.
Grèce à Dieu et à une heureuse inspi
ration, cet obstacle, le seul sérieux à un
abonnement, vient d'être levé. Voyons,
qui ne peut trouver 25 francs dans un
an? Quel est le prêtre qui en faisant un
petit retour sur... ses ressources, ses
charges, ses voyages, etc., ne trouvera
pas moyen de mettre, au besoin, dans
une tire-lire, 2 fr. 25 par mois, pour se
procurer la jouissance quotidienne d'une
lecture aussi utile et aussi profitable que
l'est et le sera la nouvelle rédaction de
l'Univers? Au moinB peut-on en faiie
l'essai : nous ne doutons pas du résultat
et l'Univers conservera tous ses abonnés
passés et nouveaux. On ne quitte pas
ainsi un ami aussi dévoué, ausBi instruit,
et aussi intéressant.
Seriez-vous parmi ces rares et heureux
privilégiés qui ont un bas de laine ? Fai
tes plus. Outre l'abonnement, allez-y
d'une ou deux ou plusieurs actions : elles
sont à 100 francs. Mon Dieu! ce n'est pas
un chiffre bien élevé... vous devez en
couragement, appui moral et financier à
ces oeuvres qui seules aujourd'hui main
tiennent la foi dans notre pauvre pays.
Et quelle œuvre plus importante que celle
des élections et du bon journal qui seul
peut les faire? Et parmi les feuilles ca«
- (i) Nous devons noter ici qu'après la
Croix Y Univers ne redoute, quant au nom
bre deB abonnés, la comparaison avec au
cune autre des feuilles catholiques de Pa
ris.
(Note de l'Univers.)
FEUILLETON DE L'UNIVERS:
DU 24 DÉCEMBBE 1901
CAUSERIE LITTÉRAIRE
H. Taine (1).
Le moment n'est pas encore venu
d'écrire la biographie de Taine. Mais déjà
d'importants travaux ont paru, consacrés
â l'étude des œuvres du grand écrivain.
Au premier rang de ces travaux, il con*
vient de placer ie volume publie en 1894
par M. Amédée de Margerie, doyen de la
Faculté catholique des lettres de Lille.
Non moins remarquable est l'Essai sur
Taine, son œuvre et son influence, que
nous donne aujourd'hui, dans une secon
de édition entièrement refondue, M. Vic
tor Giraud, professeur de littérature
française à l'Université de Fribourg
(Suiése). M. Giraud a eu en mains de
précieux documents, les carnets de Tai«
ne, les notes qu'il accumulait sur tous
les sujets dans ses fécondes années d'E*
cole normale, les programmes détaillés
(i) Essai sur Taine, son œuvre et son in
fluence, d'après des documents inédits,
P?ir Victor Giraud. Uu volume iii-18,librai
rie Haolietteet Cie. — H- Taine, par Amé
dée de Margerie. Un volume in-8°, librai
rie Uô. Poun&ielgue,
du cours de psychologie et de logique
qu'il professait à Nevers, ses premières
thèses, ses manuscrits philosophiques,
les plans, les réflexions saisissantes qu'il
jetait sur le papier, et qui sont comme
le premier jet, bouillonnant et hardi; des
Origines. Surtout, il a pu lire presque en
entier sa correspondance avec sa famille
et avec ses amis. En attendant la bio
graphie complète qui ne peut manquer
de venir à son heure, cous avons, dans
le livre de M. Giraud, les premières assi
ses du monument auquel a droit l'histo
rien, l'écrivain, l'artiste, et aussi, disons-
le, le grand honnête homme à qui nous de
vons ce grand et beau livre, les Origines
de la Ji rance contemporaine.
Chez Taine, en effet, l'homme fut en
core supérieur à l'ceuvre. Sa sincérité
était entière et absolue, sa probité mo
rale si scrupuleuse et ei parfaite qu'on a
voulu en faire sa « faculté maîtresse ».
Il a eu le courage de redresser lui même
quelques-unes de seB erreurs, de corri
ger ses opinions premières, de ressaisir
et de proclamer bien haut les vérités
« utiles, salutaires ou nécessaires »,
qu'il avait trop iégèrement dédaignées
jadis ; d'accepter eufin les démentis suc
cessifs que ses patientes et consciencieu
ses recherches donnaient à sa logique
abstraite, - • -
S'il a très bien parlé de l'homme, M;
Victor Giraud a aussi très bien parlé de
l'écrivain et de l'artiste, de l'historien et
du philosophe. A l'endroit de ce dernier
cependant, je ne saurais m'associer aux
éloges lui donne son biographe,
Encore sur les bancs du collège, Taine .
croyait avoir déjà des idées philosophi
ques. Il était un disciple fervent de celui
que longtemps après il appelait encore
« notre cher et vénéré; Spinoza ». La né
gation absolue du libre arbitre était le
premier article de son credo, et, sur ce
point surtout, on venait se heurter à un
parti pris, à une fermeté d'esprit in
domptable. .
: Son premier livre, publié en 1856, fut
un petit volume intitulé les Philosophes
français du- XIX' siècle. C'est un pam
phlet, prodigieusement spirituel, dirigé
contre l'école * éclectique, contre Victor
Cousin, ses maîtres et ses disciples.
Cette exécution faite, et rien ne «e peut
lire de plus amusant^ Taine expose ses
propres théories ; il- traite des deux
grandes questions de la destinée et du
devoir. D'après lui, il n'y a pas de desti
née qu'il dépende de nous d'atteindre ; il
n'y a pas de devoir qu'il dépende de nous
d'accomplir.
C'est du pur déterminisme, du pur
matérialisme.
Quatorze ans plus tard, dans le livre
de l' Intelligence, paru en 1870, à la veille
de la guerre, Taine donnait l'exposé com
plet et systématique de ses doctrines. M.
Victor Giraud y voit une œuvre de tout
premier ordre. IJ m'est impossible, ici
encore, de partager Eon sentiment.
C'est, je le veux bien, un livre très ha
bilement fait; Le style n'a rien perdu de
sa vigueur, de sa précision, de son éc ; at.
Mais de philosophie vraie, de philosophie
ç?ignale, il n'y ep » pas. Le fonddetf (Jeux
nouveaux volumes de Taine, c'est la sen
sation transformée deCondillac. «Sensa
tion et image, dit-il en commençant,
voilà toute l'intelligence humaine i »
Leibnitz, qui était, lui, un vrai ;philoso-
phe, a dit au contraire que tout était dans
la sensation, excepté l'intelligence elle-
même. « -La loi fondamentale, continue
Taine, c'est la tendance de la sensation
et de l'image à renaître. » Et plus loin :
« Les pouvoirs et les forces ne sont que
des entités verbales et des fonctions mé
taphysiques. » C'est la négation des fa
cultés de l'âme, on plutôt la négation de
l'âme elle même, a Lea événements mo
raux, dit-il ailleurs, ne sont quedes sen
sations transformées .ou déformées. » Et
encore : « Il n'y a plus aujourd'hui que le
moi et la nature. »
Dans si>n Appendice, M. Victor Giraud
publie une lettre à lui adressée par un
universitaire éminent, M. Charles Bé-
nard, qui fut précisément le professeur
de philosophie de-Taine au collège Bour
bon. M. Bénard n'hésite pas à dire que
Taine n'a. jamais été un philosophe..Voici
cette lettre, dont l'importance me parait
ici capitale :
« 1° Sur ce que j'appellerai la genèse
de la pensée philosophique de Taine,
voici ma réponse :
o Taine est entré (1847) dans'la classe
de philosophie, sortant de rhétorique,
mais déjà philosophe, j'entends disciple
fervent de Spinoza. Sa foi au spinozisma
était déjà telle qu'il n'y avait pas à la
changer d'un iota. Il B'y était enfermé
çomroç une forteresse dent, du
te, il n'est jamais sorti. Il n'y avait pas
même à discuter avec lui là-dessus. Il a,
je croip, profité de mes leçons sur les dif
férentes parties du cours de philosophie
classique. Il m'a toujours témoigné, alors
et depuis, beaucoup de respect et même
d'affection ; mais je ne crois pas avoir
exercé sur lui, quant au fond, la moin
dre influence. Je venais sans cesse me
heurter à un parti pris, en particulier eo
ce qui concerne la pierre de touche, le
libre arbitre...
«Voilà tout ce que je puis'vous dire
sur le premier point. Comment est il de
venu hegelien, ou se mi -hegelien ? Il n'y
a qu'un pas à franchir. Ma traduction de
l'Esthétique de Ilegel, les livres, en alle
mand, de Hegel, que je lui ai prêtés, sur
tout à l'Ecole normale, ont pu y contri
buer. Mais c'est une influence tout exté
rieure. Plus tard, il est devenu positi'
viste. Comment Eon positivisme s'est-il
enté sur le spinozisme et l'hegelianisme?
Pour moi, sans parler de l'évolutionieme
qui est déjà dans la dialectique hege-
lienne, il faut y joindre l'immanence
epinoziste, aujourd hui le grand mot à là
mode, qui est la clef qui devra, selon
moi, forcer toutes lea serrures. C'est
ainsi que l'on est passé en Allemagne de
Hegel à Schopenhauer, à Von Hartmann.
C'est ce qui s'appelle l'idéalisme concret
succédant à l'idéalisme abstrait. — Mais
ici, je m'arrête, ayant trop à dire.
« 2" Sur le second point, je m'expliqu J
rai en toute franchise. Taine philosophe
et artiste est-il plutôt l'un que Vautre ?
Quelle est, selon sa langue, 8? faculté
«maîtresse » ?Pour moi, Taine n'est pas à
proprement parler un philosophe. II à
été du moins sous ce rapport beaucoup
Burfait. C'est un écrivain d'un très grand
talent, un merveilleux esprit d'assimila
tion (réceptif, non spéculativement par
lant original et né créateur) ; comme
penseur, toujours disciple à Ja suite de
Spinoza, de Hegel, de Comte, de Dar
win, de Spencer. Ses formules sont vi
des (race, milieu, moment). Cé qu'il a
produit sous ce rapport ne laissera pas
la, moindre trace, — du moins à mon
avis. C'est autre chose s'il s'agit de
l'écrivain, du styliste, du poète, comme
vous dites. L'imagination chez lui do
mine de beaucoup,quoique le sens pitto
resque ne lui manque pas,—J'aurais en
core, monsieur, trop à dire sur ce su
jet, en particulier de l'abus énorme qu'il
fait sans cesse de la métaphore, scienti
fique si vous voulez, mais qui ne donne
que de grossières analogies.
« Sur Taine, encore une fois, je n'en
puis dire plus ; cela me mènerait trop
loin. »
II
Taine a donc écrit dea ouvrages de
philosophie, mais il n'a pas été un phi
losophe. L'historien chez lui, au con
traire, a été très grand. .
Son Intelligence terminée, il méditait
un \ivre sur l'Allemagne et — ironique
coïncidence — ce fut en Allemagné que
la déclaration de guerre le surprit. La
guerre et eea désastres, l'invasion et ses
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