Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-12-23
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 décembre 1901 23 décembre 1901
Description : 1901/12/23 (Numéro 12351). 1901/12/23 (Numéro 12351).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710944b
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 23 Décembre iê&i
Edition quotidienne » i2,S5i
ttœdl Bécèmbre 4901
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ETRANGER
ET départements (union postale)
Un an;. . 25 »
Six mois...... 13 »
îrois mois..... 7 »
86 »
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UN NUMÉRO : Paris & Départements 10 cent,
BtfRÊAUà s faris, rue Cassette, 17 (Vî« arr.)
* On s'abonne à Rome, place du -Gesù, 8 ■
ET
ÉDITION SEMI-QUOT IDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale)
, Unan......... 13 » 20 »
Six mois...... 7 » 11 » j
Trois mois 4 » S 50 ;
Les abonnements partent des 1 er et 16 de chaque mois
LE MONDE
VfJKiyERS ne répond pas des manùéctiis qui lui sent adressât
ANNONCES \>
MM. LAGRANGE, CERF et C 1 *, 6, place de la Bourse
PARIS, DECEMBRE 1901
Oa nous protège
trop. ............. G. d 'A zambou.
Çà et là : La philo- ^ ■
Sophie d'un procès. J oseph LÊ &uèu.
Correspondance ro-
•' main».......... *** ■•■■■
Lettres de Belgique. L.
Feuilletons: [Etude
de politique con-
temporaine F rançois D escostb.
À tîavets les rëVuës.
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — Notre
appel. — Au jour le jour. — Les con
grégations. — Lé monument Baudin. —
A l'Hôtel da Ville. — L'Action libérale. —
En Tunisie. — La guerre du Tr&nsvaal.
— Les affaires de China. —Etranger. —
A travers la presse. — Là question ou
vrière. i— Lettres, sciences et arts. —
Académie, des sciences. —. Echos de par-,
tout. <*- Cours et conférences. ^--Nécro-i
lOgie. — L'affaire Brierre. — La collision
de Lyon. *— Nouvelles diverses, Livres
d'étrennês. — Calendrier. ~ Revue de
la Bourse. — Cernière heure.
ON KOUS PROTÈGE TROP !
M. Yves Guyot est comme le sa
bre de M. Prudhomme, Il-excelle à
défendre l'ordre social, et au besoin
à le combattre. • Il a servi ardem-
fiient plusieurs causes. Les causes
variaient. L'ardeur ne variait pas.
Révolutionnaire dans la Lanterne
sous le pseudonyme du « vieux pe
tit employé », pourfendeur des ou
vriers etaéfenseurdes patrons bons
-ou mauvais dans ses articles du
Siècle, monométalliste belliqueux et
librcéchangiste furibond dans ses
publications économiques, il lâcha
"Un beau jour l'apothéose du métal
jaune pour celle de Dreyfus —* ce
qui d'ailleurs ne constituait pas, au
point de vue philosophique, un
écart bien considérable. Sa marotte
d'aujourd'hui, c'est la suppression
du catholicisme. Non pas que M.
Yves Guyot en veuille à toute reli-
"gion. « Il faut Une tragédie... pour
le peuple 1 » dit le général dans
Le monde où l'on s'ennuie, M Yve3
Guyot, qui fait plutôt partie du
■mondé ou l'on ennuie les autres, et
surtout de celui où l'on aime mieux
raisonner mal que ne pas raisonner
du tout, pense qu'il faut une reli
gion... pour le peuple, celui-ci étant
encore trop bête pour s'élever
•d'emblée aux sublimes hauteurs de
l'athéisme. L'ancien ministre fa
meux par ses inaugurations inau
gure un genre nouveau d'anti
cléricalisme. Il voudrait que la
France, en attendant mieux, se fît
protestante. Comme Gribouille se
jetait dans l'eau pour n'être pas
mouillé, il se plonge dans la Bible
pour éviter Dieu. Et -ce système, en
définitive, est peu banal. On ne con
naissait guère, jusqu'à présent, ce
type de l'apôtre libre-penseur qui,
pour vous détourner du sermon,
vous convoque au prêche, et, en
haine du surnaturel, vous exhorte
vivement à méditer la Genèse..
- Mais M. Yves Guyot est un ar
tiste. Il tient à mettre de l'harmo
nie entre ses différentes doctrines,
et à les ficeler entre elles pour
faire croire qu'elles n'en font
qu'une, comme on empaquette en
semble plusieurs colis postaux
pour ne payer que l'envoi d'un seul.
Savez-vous pourquoi M. Yves Guyot
déteste le catholicisme? Parce que
celui-ci est protégé, nous, allions
dire protectionnè. Il y a longtemps
que cette pauvre petite religion de
rien du tout serait morte et bien
morte si les Etats ne la soutenaient
artificiellement par des monopoles*
des privilèges, des subventions,
comme on soutient l'industrie du
sucre et la marine marchande en
payant des primes d'exportation ou
ae navigation. M. -Yves Guyot veut
donc qu'on cesse de. protéger VEglise
catholique, et qu'on la laisse se dé
battre avec la libre concurrence.
Vous verrez, alors, que les' autres
religions n'en feront qu'une bou
chée.
La théorie est splendide par son
insolence même. Le catholicisme
trop protégé ! Voilà certes l'abus,
économique grâce auquel le chris
tianisme, sou3 les Néron et les
Dioctétien, a pu se développer si
rapidement. Les martyrs jouis
saient de trop de faveurs et tou
chaient trop de primes. Voilà ce
qui a rendu leurs disciples si
forts ! Mais, aujourd'hui même,
quelle merveilleuse protection que
celle dont le catholicisme jouit ! De
quel côté sont les monopoles, les
subventions, les primes, toutes cho
ses qu'abhorre, en intègre écono
miste, M. Yves Guyot? Et, puisque
la question du jeur est celle de l'en
seignement congréganiste, est-ce
en faveur des collèges religieux
que l'Etat dépense les millions de
son budget ? Et certes, puisque M.
Yves Guyot abomine la protection,
puisqu'il exalte le libre échange, il
devrait maudire l'Etat marchand de
soupe, les constructions scolaires,
les bourses, les gaspillages desti
nés à fortifier artificiellement, con
tre la concurrence de l'initiative
privée les établissements protégés
par l'Etat. Il devrait prendre en
main la cause des jpères de famille
qui récîàrîierit le liore échange en
tre l'attention de- leurs' 1 enfants et
l'enseignement des maîtres libres
qu'ils ont librement choisis. Il de
vrait, pour être logique, demander
la suppression dé l'Université etde
toute fiilbventidn Scolaire, de fa§«n
à mettre dans une situation égale
tous ceux qui font profession de
distribuer l'enseignement aux. jeu
nes citoyens. Ne protesterait-il pas,
en effet, contre des boulangeries ou ;
des boucheries d'Etat qui, subven
tionnées aux frais des contribua
bles, pourraient accaparer la clien
tèle en vendant le pain et la viande
moins cher que les boulangers ou
les bouchers concurrents?
Voilà ce que dirait M. Yves
Guvot s'il appliquait à tous les
ordres d'idées sa haine du protec
tionnisme et sa défiance — si souvent !
justifiée d'ailleurs à l'égard de
l'intervention de l'Etat. Or M. Y T ves
Guyotiait" campagne avec les sec
taires, Cet ennemi des monopoles
rêve le rétablissement : du mono-
Eole ; ce défenseur de là liberté est
ieri aise qu'on nous vole nos li
bertés ; ce champion de la proprié
té approuve qu'on confisque les
biens qui appartiennent aux con-
gréganistss, ou aux propriétaires
qui les prennent pour locataires, ou
aux-amis qui leur donnent l'hospi
talité,* ce détracteur des primes es't
charmé que l'Etat prenne de l'ar
gent dans la poche des pères ca
tholiques. pour faire élever gratis
les enfants des pères libres-pen
seurs. Cet avocat du libre échange
est prêt à invoquer toutes les fou
dres gouvernementales si, dans
une salle appelée classe, des jeu
nes gens, dûment autorisés par
leurs parents, échangent librement
des questions et des réponses arec
un homme suspect d'avoir au fond
de son cœur fait vœu d'être plus
simple en sa vie et plus chaste en
ses mœurs que le commun des
hommes. Et, après tout cela, cet
homme vient nous dire que nous
sommes trop protégés 1 Avouez
que l'art de se moquer des gens par
raison démonstrative a rarement
été poussé à une aussi magistrale
perfection.
~ G. d' A zambuja.
BULLETIN ~
Aujourd'hui, cérémonie du cinquan
tenaire de Baudin. Oh trouvera en Der
nière Heure le compte rendu de la fête
et des manifestations.
Hier, comme on le sait, a eu lieu la
souscription à l'emprunt de 265 mil
lions ; l'emprunt a été couvert plus de
25 fois.
M. Pichon, résident de France en Tu
nisie, est arrivé hier à Tunis et il a été
amsitôt reçu par le bey. •
Hier, à la Chambre espagnole, la dis
cussion du budget à donné lieu à un dé
bat assez vif ■ MM. Navarro Reverter et
Canalejns ont critiqué lapolitique finan
cière. • ;
Èn Serbie, la crise ministérielle est
finie; l'ancien cabinetreste en fonctions.
Le Sobranié se réunira incessamment.
La Chambre italienne a voté hier un
ordre du jour approuvant les principes
qui ont inspiré la politique financière
au cabinet. ,
D'après une dépêche de i'Exchange
Telegraph, le président Roosevelt, au
coursd'unèpromenade,aurait été attaqué
par un individu, mais d'un magistral
coup de poing, l'aurait envoyé rouler
à terre.
En raison des nouvelles alarmantes
reçues du ; Venezuela, le gouvernement
des Etats Unis aurait décidé l'envoid'un
navire de guerre.
Les relations sont très tendues entre
le Chili et la République argentine. On
annonce que le gouvernement argentin
a rappelé hier après midi son représen
tant à Santiago et que la légation reste
confiée aux soins d'un secrétaire.
NOUVELLES DE ROME
Rome, 20 décembre.
. Contrôle divorce.
NN. 88. les archevêques dé Milan et
de Ravenne et les évêques de Lombar^
die, réunis à Guardasigilli, ont publié
une vigoureuse protestation contre le
projet de loi relatif au divorce.
Le conseil directeur de l'œuvre des
congrès, réuni à Padoue, a adressé au
président de la Chambre un télégramme
de protestation.
Décoration pontificale.
Noire confrère et ami, M. Alfred Per-
rin, vient d'être nommé chevalier de
Saint-Grégoire-le-Grand.
, Cette décoration récompense & la fois
dix années de direction du journal l'A-
iiranchin avec la devise Cum Petro sem-
per, en suivant toujours, à l'unisson de
l 'Univers, les directions pontificales, et le
concours dévoué de notre ami à la grande
et importante oeuvre des Unions fédér &r
les de syndicats patronaux dont il est', à
Paris, secrétaire général. .
Nos plus cordiales félicitations à notre
excellent confrère.
Le Jubilé sacerdotal de Mgr Pifferi.
Le jour de NçëJ, Mgr Pifferi, évêque
titulaire de Porphyre, gacriste de Sa
Sainteté, célébrera le soixantième anni
trersaire de sa première messe. Il appar
iât à l'ordre deô Aùgustins... ;
NOTRE APPEL
Comme on l'a vu déjà, rassem
blée des actionnaires, tenue le 28 no
vembre, a voté l'augmentation de
capital (ou plutôt la reconstitution
de l'ancien capital) que nous ju
geons nécessaire pour la transfor
mation du journal et l'extension de
son influence par la baisse de son
prix et diverses améliorations.
Nous disions l'autre jour que plus
des cinq sixièmes des 300,000 francs
demandés étaient souscrits. .
" Nous pouvons dire auj ourd'hui
que les neuf dixièmes de la somme
sont dépassés.
^ La souscription reste ouverte.
Nous insistons auprès de tous
ceux de nos amis qui sont en me
sure de le faire, pour qu'ils veuil
lent bien souscrire.
L'action est de cent francs.
Aïï JOïïELE JOUR
Les agents de M. Caillaux peuvent
être de fermes appuis du gouvernement,
mais ils n'ont pas toiis l'air d'être parti
sans de la « république athénienne s
qu'on nous avait tant" promise, témoin
l'anecdote suivante, que raconte l'Evéne
ment:
• Il y a quelque temps, une dame irlan
daise habitant Paris s'était rendue, ac
compagnée de sa fille, en Hollande où
elle avait à voir des amies.
À son retour par Feignies, à la fron
tière française, elle eut ici à subir la vi
site douanière.
En Hollande, ses-amies l'avaient char
gée d'une bouteille de liqueur du pays, à
titre de cadeau.
Or, sous prétexte qu'elle avait négligé
d'annoncer la présence de là bouteille de
liqueur en question danB sa valise portée
à la main, on la lui saisit en lui dressant
une contravention verbale par laquelle
on exigeait d'elle paiement immédiat de
quatre vingts franco; bien plus,les agents
l'obligèrent à se déghabiller, sous pré
texte qu'elle pouvait dis&imulef des ob
jets imposables.
La voyageuse n'avait pas les quatre-
vingts francs exigés.
. — Qu'à cela ne tienne, dirent les ga
lants-représentants de M. Caillaux.
Adressez-vous au buffetier, et contre dé
pôt de votre montre en or, il vous prêtera
les quatre-vingts francs utiles...
La voyageuse s'exécuta et le buffetier,
bous promesse de recevoir d'elle un bil
let de cent francs, pas un sou de moins,
dans les quarante-huit heures suivantes,
lui avança quatre-vingts francs contre
dépôt de sa montre.
« Est ce assez malpropre ?» demande
l'Evénement. - -
Ilélas! tels maîtres, tels valets.
' " *
ft *
Une question curieuse de « droits féo
daux » s'est élevée dernièrement en Al
lemagne.
Le duc d'Arenberg, prince « média
tisé», c'est à-dire conservant certains
privilèges en souvenir d'une ancienne
indépendance, a reçu en 1801, par le
traité de. Lunéville, le domaine de Reck-
linghausen en compensation de ses pos
sessions d'Eiffel.
En vertu de ses droits seigneuriaux, il
prélève une certaine dime sur les pro
ductions minières de la région.
En 1893, une loi a été promulguée en
Prusse, aux termes de laquelle les taxes
..prélevées sur les mines étaient (Suppri
mées dans les provinces rhénanes.
Les propriétaires des mines refusèrent
donc de payer leurs anciennes redevan
ces au duc d'Arenberg.
Celui ci intenta un procès, qu'il vient
de gagner en dernière instance. La pro
duction houillère dans sa région atteint
le chiffre de six millions de tonnes. La
redevance qu'il prélevait étant , d'un
franc par tonne,, la .dime s'éièvs à six
millions par an.
Voilà, en tout cas, une s cite de droit
féodal qui n'existait guère aux temps
féodaux puisque la houille était chose à
peu près inconnue.
'■-■' m --- .
Deux universités féminines seront ou
vertes l'année prochaine, l'une au Japon,
à Tokio, l'autre en Russie.
Celle-ci a été dotée par le riche mar
chand Ash aknofT, d'une somme de cinq
millions de roubles. Elie débutera avec
trois académies -seulement : médecine,
mathématiques et physique. .
On sait que lè type de 1' « étudiante »
est fréquent en R'issie'et déborde même
à l'étranger.
— Garçon, ce café ne vaut rien : c'est
de l'eau claire*
— Cependant, monsieur, ici le café
eBt renommé pour sa bonté.
— Une bonté qui va jusqu'à la fai
blesse!
Çà et là
LA PIIISOSOPHIE D'UN PROCÈS
Il est trop tôt pour Be livrer à de lon
gues réflexions sur le fond de l'affaire
qui.se déroule, à l'heure actuelle, devant
les assises d'Eure-et-Loir. Dans quel
ques heures, une solution peut-être défi
nitive sera donnée à l 'un des problèmes
les plus angoissants qui aient été depuis
longtemps soumis à l'appréciation de
douze citoyens devenus momentanément
des juges. Les jurés de/Chartres ver
ront-ils en Brierre un criminel plus
çdieçx encore que Troppmann, mais
doué d'une extraordinaire énergie, que
.sept mois de prévention et l'évocation
de charges très sérieuses, accablantes
Eiêwe, n'ont pu vaincre ? Se refuseront-
ils à admettre l'horreur de ce .quintuple
meurtre commis sans motif bien expli-
cabîe par un père qui, jusqu'alors, avait
semblé aussi dévoué envers ses enfants
que peut l'être un paysan beauceron, dur
à lui même et aux autres, et inaccessible
aux nuances de l'affection, aux délica
tesses du sentiment ? Tiendront-ils
compte de la présence, affirmée par plu
sieurs témoins, d'un mystérieux inconnu,
rôdant autour de la maison de Brierre,
la nuit du crime ?.*. C'est ,1e secret de
demain. ,
Mais, quel que doive être leur verdict,
une constatation se dégage de ce procès,
qui pourrait être faite à propos de beau
coup d'affaires analogues. C'est que la
part réservée à l'accusation; dans les dé
bats qui se déroulent devant les tribu
naux, est presque toujours plus grande
que celle de la défense. De même qu'un
commissaire de police qui a vu blanehir
ou tomber ses cheveux dans l'exercice
de sa profession est invinciblement porté
à considérer_çomme iin coupable toutan-
dividu mis en état d'arrestation, ainsi
les présidents d'assises ou de tribunaux
correctionnels ont une fâcheuse tendance
à empiéter sur les attributions du mi
nistère public, à transposer dans les dé
bats le résumé qu'ils faisaient jadis à la
fin. M. Belat n'a rien laissé de nouveau
à dire au procureur de la République ; il
lui a « coupé l'herbe sous le pied ». Le
réquisitoire ne pourra être qu'une réédi
tion de l'interrogatoire que le président a
mené avec beaucoup de précision, de
méthode, avec une parfaite connais
sance de l'affaire, mais ausBi avec une
partialité à laquelle tous les journaux,
quelle que soit leur, opinion, rendent
hommage. Il a accumulé les charges
contre l'accusé, aiguillé les dépositions,
ët coupé court, à plusieurs reprises, aux
explications de l'intéressé.
Un autre point digne de retenir l'at
tention des psychologues, c'est la rapide
multiplication des témoins à charge, sur
tout lorsqu'il s'agit d'un crime commis
dans un petit village ou dans un fau
bourg, par conséquent sur un terrain
propice à la culture du microbe des can
cans. Sans songer le moins du monde à
défendre Brierre (je laisse à M* Paul
Comby cette lourde lâche) on peut faire
remarquer que le lundi matin, au lende
main du drame, le tout-Gorancez n'avait
qu'une voix pour vanter les vertus fami
liales de l'accusé d'aujourd'hui, son soin
à tenir Bes enfants propres et « glo
rieux».
Soudain se produit un coup de théâ
tre^ L'entrepreneur de battages vient
d'être arrêté. Voici l'opinion publique
retournée comme un gant. On se rap
pelle d'abord qu'il y a treize ans un
incendie éclata chez Brierre. Chacun
des habitants du bourg veut être plus
psychologue .que son voisin, et se
souvient d'avoir conçu dès lors de sé
rieux soupçons sur la genèse de cet acci
dent qui n'eut peut-être rien d'acciden
tel.-Tout le monde maintenant mettrait
sa main au feu pour attester que Brierre
mit le feu à sonétable. Et de ce que l'ac
cusé voulut extorquer la forte somme
aux compagnies d'assurances, oh con
clut qu'il a, sans doute possible, tué ses
cinq enfants... Quelle distance pourtant
entre l'odieux de ces deux crimes !...
A mesure que la prévention se prolonge,
déplus en plus les langues se délient.
Dans le café du bourg (heureux village
qui ne compte qu'un café !) des person
nages pittoresques échangent des temar-
ques d'une philosophie profonde, qui
peuvent Be résumer dans cette assertion
émise à l'audience par un témoin:
« Brierre a fait bien d'autres boulettes ;
la rumeur publique est convaincue qu'il
est l'assassin. » Ce n'est point surtout
par haine que, devant les magistrats
instructeurs, tant de dépositions sont
exagérées. Le désir de paraître renseigné
exerce ses ravages, il faut bien le dire,
dans l'enceinte des tribunaux plus que
partout ailleurs. Chacun des fermiers de
Corancez tient aujourd'hui à avoir pres
senti le meurtrier rien qu'en constatant
qu'il avait « le mauvais œil», là voix
rauque, le geste brusque,» qu'il était dur
envers les animaux qu'il conduisait »,
« qu'il ne s'intéressait pas aux autres
enfants du pays », et qu'il envoyait les
siens manger à l'étable quand il avait
* du monde ». De menus détails, grossis
par le recul de la mémoire, prennent une
extraordinaire importance. Maintes fois,
j'ai eu l'occasion d'être témoin d'un sem
blable revirement de l'opinion dans une
région dont les mœurs rappellènt d'assez
près celles de la Beauce, et où plus d'un
rural aime sa terre d'abord, ses animaux
ensuite, enfin sa famille. Le même phé
nomène se reproduit un peu partout dès
qu'yn village a eu « son crime ». Il est
dans le cas présent d'autant plus accen
tué que lés. habitants de Corancez peu
vent dire, avec orgueil : « Le coupable
n'était pas de chez nous. » En effet,
Brierre a vu le jour... à dix kilomètres
de là. Et presque touB les témoins à dé
charge sont ses compatriotes de Montain-
ville. L'amour exclusif du clocher n'est
point mort en France, on le voit, et nous
recommandons ce trait de mœurs bauce-
ronneB à l'enthousiasme de MM. les dé
centralisateurs.
Ce culte de la petite patrie a ses avan
tages ; il peut avoir l'inconvénient de gros
sir outre mesure des incidents locaux,
des différends mesquins. Timeohominem
unius libri, disaient les anciens. On a
lieu parfois decraindre de même l'hom
me d'un seul horizon. Il paraît qu'à un
moment , donné tout Corancez fut dirigé
en deux camps parce que le chien de
Chouppart avait déchiré le pantalon sans
doute assez mûr de Brierre, qui fit con
damner en justice de paix ledit Choup
part à cinq francs d'amende. Les deux
adversaires se sont retrouvés devant la
cour d'assises. Il n'était plus question du
pantalon cette fois, mais il s'agissait d'un
chien encore, le pauvre « Ravachol »,
dont la mort est l'une des charges les
plus lourdes qui pèsent sur Brierre. Cet
animal sans race a pris lui-même, grâce
aux racontars locaux, des proportions
fantastiques ; ce roquet est devenu tigre.
Et tout oela n'est point fait pour éclaircir
le mystère angoissant qui plane encore,
qui planera toujours peut-être, sur ce
drame d'une nuit de printemps.
Joseph. L egueu.
LES CONGRÉGATIONS
Les conseils municipaux.
Arras, 21 décembre.
Le conseil municipal d'Arras à passé à
l'ordre du jour sur les demandes en au
torisation de six congrégations de fem
mes.
Le conseil municipal de.Guines adon
né un avis défavorable à la demande de
la congrégation des Frères Maristes.
CORRESPONDANCE ROMAINE
Les finances italiennes.
Le problème fondamental: les conditions
économiques du peuple Italien. — La
- rente au pair. —« En Italie seulement,
le budget d'Etat doit soutenir les condi
tions économiques des citoyens. » ; ~
Manque de franohlse. — Une apprécia
tion Italienne sur l'exposé financier dl
Brogllo.
L'examen attentif de l'exposé fi
nancier de M. di Broglio refroidit
sensiblement l'enthousiasme quel
que peu superficiel qui en a accueilli
les grandes lignes.
Il faut aller encore plus avant,
et jeter un coup d'œil sur le fond
même de la situation: dans l'es
sence intime de ces questions finan
cières, on découvre facilement un
autre problème plus fondamental,
celui des conditions économiques
dé ce pays.
' A la page 31 de son expasé, le
ministre du trésor dit lui-même :
« La situation des finances publi
ques a son fondement principal et
le plus solide dans les conditions
de l'économie nationale. »
« L'économie nationale » paraît
Satisfaisante à M. di Broglio; il
constate que l'agriculture, l'indus
trie et le commerce n'ont point ré
trogradé en ces dernières an
nées.'
Toutefois,ici encore,il nefaut rien
exagérer. Nous ne parlerons pas de
la crise financière privée que l'Ita
lie est menacée de subir à son tour,
si l'on en juge par ce qui se passe
à la suite du krach de Gênes.
La presse officieuse triomphe de
plus en plus de ce qu'au marché
ae Paris la rente italienne a enfin
atteint et même dépassé le pair.
Cette presse salue déjà le jour où
le change sera renversé en faveur
de l'Italie. Le mauvais état de nos
finances françaises a ici un reten- 1
tissement très profond. L'opinion
publique de ce pays croit la France
à moitié ruinée, et met désormais
le crédit italien fort au-dessus du
crédit français. -
Les progrès si rapides en ces
derniers mois de l'a rente italienne
ont d'autres causes, faciles à dis
cerner; on pourrait parler des com
binaisons toujours possibles, dans
les calculs de la haute banque ;
qu'on ne l'oublie pas : la grosse
préoccupation financière de l'Italie,
c'est la conversion prochaine de sa
rente, dont le principal moyen, de
l'aveu même de ses ministres, est
l'émission d'un nouveau titre 3 1]2
pour cent international ; est-il dès
lors défendu de supposer que, pas
plus de ce côté-ci des Alpes que
dans les établissements financiers de
l'étranger chargés de l'émission, on,
ne négligera rien pour rassurer et
amorcer le public ? L'appât princi
pal doit être le crédit progressif des
autres valeurs italiennes.
Il faut d'ailleurs remarquer qu'on
est à la veille de toucher le coupon
semestriel, ce qui augmente natu
rellement jusqu en janvier la valeur
du titre de rente.
Enfin, en Italie comme en France,
la plus grande liberté accordée à
la propagande et à l'organisation
socialiste fait peur au capital. L'ar
gent se défie désormais des entre
prises industrielles que la premièré
grève peut ruiner. D où la demande
plus considérable des valeurs d'Etat
et par suite l'accroissement de leur
valeur.
Nous voici revenus aux rapports
qui relient les conditions économi
ques des citoyens et les finances
publiques. Elles varient en fonc
tion les unes des autres.
En face de l'appréciation de M.,
di Broglio que nous avons rap-'
portée plus haut, il est intéressant
de mettre le jugement d'un autre
économiste de grande valeur, M.
Luzzatti. On connaît la réputation
de M. Luzzatti.Il a été jadis le pro
moteur et le principal agent des
traités de commerce qui arrivent à
leur échéance ; il est très coté ea
Italie et en France : c'est l'Italien
qui a le plus travaillé au fameux
rapprochement franco-italien, basé
comme chacun sait sur un- malen
tendu, puisque ce rapprochement
sonne pour l'Italie finances, pour la
France alliance politique, et que
les deux « sœurs » évitent de s.'ex-
pliquer à fond. Ajoutons que, dans
ces derniers temps, le nom de M.
Luzzatti a été prononcé plusieurs
fois comme celui d'un « ministra-
ble » pour le portefeuille du Trésor
ou des finances si |un rimpasto de
venait- opportun.
Or, voici, ce qu'écrivait dernière-
mènt, dans le Solé, M. Luzzatti,
comparant les budgets' des divers
pays. Il faisait remarquer -^- et cette
remarque a déjà de quoi exciter là
surprise et la défiance — que ces
budgets se clôturent eh déficitpar».
tout, en France, en Allemagne, An
gleterre, Russie, Suisse, Hollande,
Belgique « qui, paraît en équilibre,
mais parait seulement », insiste M,
Luzzatti. Il continuait : « Au milieu
de tous ces déficits,, la situation d©
l'Italie ne paraît que plus splendicle;
elle a consolidé son équilibre. Mal
heur à qui l'ébranlerait 1 » '
Suivent ces considérations, très
importantes:
« Dans les autres pays, l'équilibre
du budget national, je veux dire la
richesse privée de la France, de
l'Angleterre, de l'Allenaagne, etc.,
remettra vite l'équilibre dans le bud
get même de l'Etat. En Italie, la ri
chesse est plus clairsemée ;. c'est
donc la forte situation du budget de
l'Etat qui aidera le risorgirriento
économique. »
Pour contradictoires qu'elles pa
raissent avec les termes déjà rappe
lés du rapport di Broglio, ces paroles
montrent également, mais plus pro
fondément,le problème des finances
italiennes. On peut le posèr ainsi ;
La force vraie d'un budget d'Etat
se trouve dans la prospérité écono
mique du pays. Si le pays ne jouit
pas de cette prospérité éconômi-
que, il faut que l'Etat trouve ail
leurs -- chëz des voisins, complai
sants — des ressourcés qui lui
permettent d'aider le pays à attein
dre cette prospérité.
Qu'on applique ces principes à
l'Italie, et on aura tout le fond de la
comédie financière actuelle. On n@
peut lui faire qu'un reproche, c'est
J'ùstemerit d'etre une comédie!
\ T ous ne verrions aucun mal, ni au
cun déshonneur à ce que ses hom
mes d'Etat vinssent dire franche
ment à l'épargne internationale :
« Notre industrie, notre commerce,
notre agriculture, le développement
en un mot des ressources naturelle»,
de ce sol et de ce peuple a besoin
d'aides financières. Prêtez-nous
cet argent. »
Un tel langage serait net et loyal ;
et tout porte à croire que l'Italie -r
surtout si elle pouvait une bonne
'ois se débarrasser de cet anticléri
calisme constitutionnel qui fait à
tous les points de vue sa faiblesse
essentielle — pourrait fort bien, tôt
ou tard, faire face à ses engage-!
ments.
Mais ce qui met en défiance, c ? est
e moyen détourné employé pour
soutirer l'argent étranger, c'est-à-
dire, en l'espèce, l'argent français.
"1 est vrai qu'on serait gêné d'a
vouer que. l'argent sera tout d'a-
jord employé à réaliser les réfor
mes démocratiques urgentes pour
"a consolidation du ministère, et
es travaux publics indispensables
fiôur cimenter l'unité nationale par
e risorgimento économique des
provinces méridionales.
Il s'agit de savoir si ceux-là mê
mes qui ont le plus soùffert de
cette unité après avoir le plus con
tribué à en jeter les bases doivent
encore fournir ces nouvelles armes
contre eux-mêmes.
Il n'est pas jusqu'à l'ignorance
des conditions vraies où s'agite ici
la vie politique et parlementaire,
qui ne serve le plan des financiers
italiens.il semble que partout on ait
accueilli l'exposé du ministre du
trésor, c'est-a-diré du simple cais
sier du cciffre-fort public de l'Italie,
comme si c'était le rapport d'une
commission parlementaire du bud
get. Et on voit toute la différence.
Personne n ? a contrôlé, ni pu con
trôler les chiffres et par suite la
sincérité de cet exposé financier.
Dans ces conditions, toutes les
suppositions ne sont-elles par per
mises ?
Naturellement, ce n'est pas en
Italie qu'on entendra des réclama
tions contre cette manière de faire ;
il suffit que l'étranger s'illusionne
et le tour est joué.
En se rappelant tous ces faits, on
s'explique que des journaux ita
liens puissent parler aie ces choses,
dans les termes suivants. Nous
traduisons textuellement:
« Les ministres des finances, qui
se sont succédé dans ces trente an
nées de règne, — et leur nombre
n'est pas petit, — ont toujours pré-
>aré au pays, avec leurs construc-
ions artificieuses de chiffres dans
les budgets à pièges (bilanci-tra,- „
nello), (Tamères et irritantes sur
prises.
« Aussi depuis longtemps le public
s'est habitue à regarder avec un
Edition quotidienne » i2,S5i
ttœdl Bécèmbre 4901
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ETRANGER
ET départements (union postale)
Un an;. . 25 »
Six mois...... 13 »
îrois mois..... 7 »
86 »
19 »
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Les abonnements partent des 1" et 16 de chaque mois ,
UN NUMÉRO : Paris & Départements 10 cent,
BtfRÊAUà s faris, rue Cassette, 17 (Vî« arr.)
* On s'abonne à Rome, place du -Gesù, 8 ■
ET
ÉDITION SEMI-QUOT IDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale)
, Unan......... 13 » 20 »
Six mois...... 7 » 11 » j
Trois mois 4 » S 50 ;
Les abonnements partent des 1 er et 16 de chaque mois
LE MONDE
VfJKiyERS ne répond pas des manùéctiis qui lui sent adressât
ANNONCES \>
MM. LAGRANGE, CERF et C 1 *, 6, place de la Bourse
PARIS, DECEMBRE 1901
Oa nous protège
trop. ............. G. d 'A zambou.
Çà et là : La philo- ^ ■
Sophie d'un procès. J oseph LÊ &uèu.
Correspondance ro-
•' main».......... *** ■•■■■
Lettres de Belgique. L.
Feuilletons: [Etude
de politique con-
temporaine F rançois D escostb.
À tîavets les rëVuës.
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — Notre
appel. — Au jour le jour. — Les con
grégations. — Lé monument Baudin. —
A l'Hôtel da Ville. — L'Action libérale. —
En Tunisie. — La guerre du Tr&nsvaal.
— Les affaires de China. —Etranger. —
A travers la presse. — Là question ou
vrière. i— Lettres, sciences et arts. —
Académie, des sciences. —. Echos de par-,
tout. <*- Cours et conférences. ^--Nécro-i
lOgie. — L'affaire Brierre. — La collision
de Lyon. *— Nouvelles diverses, Livres
d'étrennês. — Calendrier. ~ Revue de
la Bourse. — Cernière heure.
ON KOUS PROTÈGE TROP !
M. Yves Guyot est comme le sa
bre de M. Prudhomme, Il-excelle à
défendre l'ordre social, et au besoin
à le combattre. • Il a servi ardem-
fiient plusieurs causes. Les causes
variaient. L'ardeur ne variait pas.
Révolutionnaire dans la Lanterne
sous le pseudonyme du « vieux pe
tit employé », pourfendeur des ou
vriers etaéfenseurdes patrons bons
-ou mauvais dans ses articles du
Siècle, monométalliste belliqueux et
librcéchangiste furibond dans ses
publications économiques, il lâcha
"Un beau jour l'apothéose du métal
jaune pour celle de Dreyfus —* ce
qui d'ailleurs ne constituait pas, au
point de vue philosophique, un
écart bien considérable. Sa marotte
d'aujourd'hui, c'est la suppression
du catholicisme. Non pas que M.
Yves Guyot en veuille à toute reli-
"gion. « Il faut Une tragédie... pour
le peuple 1 » dit le général dans
Le monde où l'on s'ennuie, M Yve3
Guyot, qui fait plutôt partie du
■mondé ou l'on ennuie les autres, et
surtout de celui où l'on aime mieux
raisonner mal que ne pas raisonner
du tout, pense qu'il faut une reli
gion... pour le peuple, celui-ci étant
encore trop bête pour s'élever
•d'emblée aux sublimes hauteurs de
l'athéisme. L'ancien ministre fa
meux par ses inaugurations inau
gure un genre nouveau d'anti
cléricalisme. Il voudrait que la
France, en attendant mieux, se fît
protestante. Comme Gribouille se
jetait dans l'eau pour n'être pas
mouillé, il se plonge dans la Bible
pour éviter Dieu. Et -ce système, en
définitive, est peu banal. On ne con
naissait guère, jusqu'à présent, ce
type de l'apôtre libre-penseur qui,
pour vous détourner du sermon,
vous convoque au prêche, et, en
haine du surnaturel, vous exhorte
vivement à méditer la Genèse..
- Mais M. Yves Guyot est un ar
tiste. Il tient à mettre de l'harmo
nie entre ses différentes doctrines,
et à les ficeler entre elles pour
faire croire qu'elles n'en font
qu'une, comme on empaquette en
semble plusieurs colis postaux
pour ne payer que l'envoi d'un seul.
Savez-vous pourquoi M. Yves Guyot
déteste le catholicisme? Parce que
celui-ci est protégé, nous, allions
dire protectionnè. Il y a longtemps
que cette pauvre petite religion de
rien du tout serait morte et bien
morte si les Etats ne la soutenaient
artificiellement par des monopoles*
des privilèges, des subventions,
comme on soutient l'industrie du
sucre et la marine marchande en
payant des primes d'exportation ou
ae navigation. M. -Yves Guyot veut
donc qu'on cesse de. protéger VEglise
catholique, et qu'on la laisse se dé
battre avec la libre concurrence.
Vous verrez, alors, que les' autres
religions n'en feront qu'une bou
chée.
La théorie est splendide par son
insolence même. Le catholicisme
trop protégé ! Voilà certes l'abus,
économique grâce auquel le chris
tianisme, sou3 les Néron et les
Dioctétien, a pu se développer si
rapidement. Les martyrs jouis
saient de trop de faveurs et tou
chaient trop de primes. Voilà ce
qui a rendu leurs disciples si
forts ! Mais, aujourd'hui même,
quelle merveilleuse protection que
celle dont le catholicisme jouit ! De
quel côté sont les monopoles, les
subventions, les primes, toutes cho
ses qu'abhorre, en intègre écono
miste, M. Yves Guyot? Et, puisque
la question du jeur est celle de l'en
seignement congréganiste, est-ce
en faveur des collèges religieux
que l'Etat dépense les millions de
son budget ? Et certes, puisque M.
Yves Guyot abomine la protection,
puisqu'il exalte le libre échange, il
devrait maudire l'Etat marchand de
soupe, les constructions scolaires,
les bourses, les gaspillages desti
nés à fortifier artificiellement, con
tre la concurrence de l'initiative
privée les établissements protégés
par l'Etat. Il devrait prendre en
main la cause des jpères de famille
qui récîàrîierit le liore échange en
tre l'attention de- leurs' 1 enfants et
l'enseignement des maîtres libres
qu'ils ont librement choisis. Il de
vrait, pour être logique, demander
la suppression dé l'Université etde
toute fiilbventidn Scolaire, de fa§«n
à mettre dans une situation égale
tous ceux qui font profession de
distribuer l'enseignement aux. jeu
nes citoyens. Ne protesterait-il pas,
en effet, contre des boulangeries ou ;
des boucheries d'Etat qui, subven
tionnées aux frais des contribua
bles, pourraient accaparer la clien
tèle en vendant le pain et la viande
moins cher que les boulangers ou
les bouchers concurrents?
Voilà ce que dirait M. Yves
Guvot s'il appliquait à tous les
ordres d'idées sa haine du protec
tionnisme et sa défiance — si souvent !
justifiée d'ailleurs à l'égard de
l'intervention de l'Etat. Or M. Y T ves
Guyotiait" campagne avec les sec
taires, Cet ennemi des monopoles
rêve le rétablissement : du mono-
Eole ; ce défenseur de là liberté est
ieri aise qu'on nous vole nos li
bertés ; ce champion de la proprié
té approuve qu'on confisque les
biens qui appartiennent aux con-
gréganistss, ou aux propriétaires
qui les prennent pour locataires, ou
aux-amis qui leur donnent l'hospi
talité,* ce détracteur des primes es't
charmé que l'Etat prenne de l'ar
gent dans la poche des pères ca
tholiques. pour faire élever gratis
les enfants des pères libres-pen
seurs. Cet avocat du libre échange
est prêt à invoquer toutes les fou
dres gouvernementales si, dans
une salle appelée classe, des jeu
nes gens, dûment autorisés par
leurs parents, échangent librement
des questions et des réponses arec
un homme suspect d'avoir au fond
de son cœur fait vœu d'être plus
simple en sa vie et plus chaste en
ses mœurs que le commun des
hommes. Et, après tout cela, cet
homme vient nous dire que nous
sommes trop protégés 1 Avouez
que l'art de se moquer des gens par
raison démonstrative a rarement
été poussé à une aussi magistrale
perfection.
~ G. d' A zambuja.
BULLETIN ~
Aujourd'hui, cérémonie du cinquan
tenaire de Baudin. Oh trouvera en Der
nière Heure le compte rendu de la fête
et des manifestations.
Hier, comme on le sait, a eu lieu la
souscription à l'emprunt de 265 mil
lions ; l'emprunt a été couvert plus de
25 fois.
M. Pichon, résident de France en Tu
nisie, est arrivé hier à Tunis et il a été
amsitôt reçu par le bey. •
Hier, à la Chambre espagnole, la dis
cussion du budget à donné lieu à un dé
bat assez vif ■ MM. Navarro Reverter et
Canalejns ont critiqué lapolitique finan
cière. • ;
Èn Serbie, la crise ministérielle est
finie; l'ancien cabinetreste en fonctions.
Le Sobranié se réunira incessamment.
La Chambre italienne a voté hier un
ordre du jour approuvant les principes
qui ont inspiré la politique financière
au cabinet. ,
D'après une dépêche de i'Exchange
Telegraph, le président Roosevelt, au
coursd'unèpromenade,aurait été attaqué
par un individu, mais d'un magistral
coup de poing, l'aurait envoyé rouler
à terre.
En raison des nouvelles alarmantes
reçues du ; Venezuela, le gouvernement
des Etats Unis aurait décidé l'envoid'un
navire de guerre.
Les relations sont très tendues entre
le Chili et la République argentine. On
annonce que le gouvernement argentin
a rappelé hier après midi son représen
tant à Santiago et que la légation reste
confiée aux soins d'un secrétaire.
NOUVELLES DE ROME
Rome, 20 décembre.
. Contrôle divorce.
NN. 88. les archevêques dé Milan et
de Ravenne et les évêques de Lombar^
die, réunis à Guardasigilli, ont publié
une vigoureuse protestation contre le
projet de loi relatif au divorce.
Le conseil directeur de l'œuvre des
congrès, réuni à Padoue, a adressé au
président de la Chambre un télégramme
de protestation.
Décoration pontificale.
Noire confrère et ami, M. Alfred Per-
rin, vient d'être nommé chevalier de
Saint-Grégoire-le-Grand.
, Cette décoration récompense & la fois
dix années de direction du journal l'A-
iiranchin avec la devise Cum Petro sem-
per, en suivant toujours, à l'unisson de
l 'Univers, les directions pontificales, et le
concours dévoué de notre ami à la grande
et importante oeuvre des Unions fédér &r
les de syndicats patronaux dont il est', à
Paris, secrétaire général. .
Nos plus cordiales félicitations à notre
excellent confrère.
Le Jubilé sacerdotal de Mgr Pifferi.
Le jour de NçëJ, Mgr Pifferi, évêque
titulaire de Porphyre, gacriste de Sa
Sainteté, célébrera le soixantième anni
trersaire de sa première messe. Il appar
iât à l'ordre deô Aùgustins... ;
NOTRE APPEL
Comme on l'a vu déjà, rassem
blée des actionnaires, tenue le 28 no
vembre, a voté l'augmentation de
capital (ou plutôt la reconstitution
de l'ancien capital) que nous ju
geons nécessaire pour la transfor
mation du journal et l'extension de
son influence par la baisse de son
prix et diverses améliorations.
Nous disions l'autre jour que plus
des cinq sixièmes des 300,000 francs
demandés étaient souscrits. .
" Nous pouvons dire auj ourd'hui
que les neuf dixièmes de la somme
sont dépassés.
^ La souscription reste ouverte.
Nous insistons auprès de tous
ceux de nos amis qui sont en me
sure de le faire, pour qu'ils veuil
lent bien souscrire.
L'action est de cent francs.
Aïï JOïïELE JOUR
Les agents de M. Caillaux peuvent
être de fermes appuis du gouvernement,
mais ils n'ont pas toiis l'air d'être parti
sans de la « république athénienne s
qu'on nous avait tant" promise, témoin
l'anecdote suivante, que raconte l'Evéne
ment:
• Il y a quelque temps, une dame irlan
daise habitant Paris s'était rendue, ac
compagnée de sa fille, en Hollande où
elle avait à voir des amies.
À son retour par Feignies, à la fron
tière française, elle eut ici à subir la vi
site douanière.
En Hollande, ses-amies l'avaient char
gée d'une bouteille de liqueur du pays, à
titre de cadeau.
Or, sous prétexte qu'elle avait négligé
d'annoncer la présence de là bouteille de
liqueur en question danB sa valise portée
à la main, on la lui saisit en lui dressant
une contravention verbale par laquelle
on exigeait d'elle paiement immédiat de
quatre vingts franco; bien plus,les agents
l'obligèrent à se déghabiller, sous pré
texte qu'elle pouvait dis&imulef des ob
jets imposables.
La voyageuse n'avait pas les quatre-
vingts francs exigés.
. — Qu'à cela ne tienne, dirent les ga
lants-représentants de M. Caillaux.
Adressez-vous au buffetier, et contre dé
pôt de votre montre en or, il vous prêtera
les quatre-vingts francs utiles...
La voyageuse s'exécuta et le buffetier,
bous promesse de recevoir d'elle un bil
let de cent francs, pas un sou de moins,
dans les quarante-huit heures suivantes,
lui avança quatre-vingts francs contre
dépôt de sa montre.
« Est ce assez malpropre ?» demande
l'Evénement. - -
Ilélas! tels maîtres, tels valets.
' " *
ft *
Une question curieuse de « droits féo
daux » s'est élevée dernièrement en Al
lemagne.
Le duc d'Arenberg, prince « média
tisé», c'est à-dire conservant certains
privilèges en souvenir d'une ancienne
indépendance, a reçu en 1801, par le
traité de. Lunéville, le domaine de Reck-
linghausen en compensation de ses pos
sessions d'Eiffel.
En vertu de ses droits seigneuriaux, il
prélève une certaine dime sur les pro
ductions minières de la région.
En 1893, une loi a été promulguée en
Prusse, aux termes de laquelle les taxes
..prélevées sur les mines étaient (Suppri
mées dans les provinces rhénanes.
Les propriétaires des mines refusèrent
donc de payer leurs anciennes redevan
ces au duc d'Arenberg.
Celui ci intenta un procès, qu'il vient
de gagner en dernière instance. La pro
duction houillère dans sa région atteint
le chiffre de six millions de tonnes. La
redevance qu'il prélevait étant , d'un
franc par tonne,, la .dime s'éièvs à six
millions par an.
Voilà, en tout cas, une s cite de droit
féodal qui n'existait guère aux temps
féodaux puisque la houille était chose à
peu près inconnue.
'■-■' m --- .
Deux universités féminines seront ou
vertes l'année prochaine, l'une au Japon,
à Tokio, l'autre en Russie.
Celle-ci a été dotée par le riche mar
chand Ash aknofT, d'une somme de cinq
millions de roubles. Elie débutera avec
trois académies -seulement : médecine,
mathématiques et physique. .
On sait que lè type de 1' « étudiante »
est fréquent en R'issie'et déborde même
à l'étranger.
— Garçon, ce café ne vaut rien : c'est
de l'eau claire*
— Cependant, monsieur, ici le café
eBt renommé pour sa bonté.
— Une bonté qui va jusqu'à la fai
blesse!
Çà et là
LA PIIISOSOPHIE D'UN PROCÈS
Il est trop tôt pour Be livrer à de lon
gues réflexions sur le fond de l'affaire
qui.se déroule, à l'heure actuelle, devant
les assises d'Eure-et-Loir. Dans quel
ques heures, une solution peut-être défi
nitive sera donnée à l 'un des problèmes
les plus angoissants qui aient été depuis
longtemps soumis à l'appréciation de
douze citoyens devenus momentanément
des juges. Les jurés de/Chartres ver
ront-ils en Brierre un criminel plus
çdieçx encore que Troppmann, mais
doué d'une extraordinaire énergie, que
.sept mois de prévention et l'évocation
de charges très sérieuses, accablantes
Eiêwe, n'ont pu vaincre ? Se refuseront-
ils à admettre l'horreur de ce .quintuple
meurtre commis sans motif bien expli-
cabîe par un père qui, jusqu'alors, avait
semblé aussi dévoué envers ses enfants
que peut l'être un paysan beauceron, dur
à lui même et aux autres, et inaccessible
aux nuances de l'affection, aux délica
tesses du sentiment ? Tiendront-ils
compte de la présence, affirmée par plu
sieurs témoins, d'un mystérieux inconnu,
rôdant autour de la maison de Brierre,
la nuit du crime ?.*. C'est ,1e secret de
demain. ,
Mais, quel que doive être leur verdict,
une constatation se dégage de ce procès,
qui pourrait être faite à propos de beau
coup d'affaires analogues. C'est que la
part réservée à l'accusation; dans les dé
bats qui se déroulent devant les tribu
naux, est presque toujours plus grande
que celle de la défense. De même qu'un
commissaire de police qui a vu blanehir
ou tomber ses cheveux dans l'exercice
de sa profession est invinciblement porté
à considérer_çomme iin coupable toutan-
dividu mis en état d'arrestation, ainsi
les présidents d'assises ou de tribunaux
correctionnels ont une fâcheuse tendance
à empiéter sur les attributions du mi
nistère public, à transposer dans les dé
bats le résumé qu'ils faisaient jadis à la
fin. M. Belat n'a rien laissé de nouveau
à dire au procureur de la République ; il
lui a « coupé l'herbe sous le pied ». Le
réquisitoire ne pourra être qu'une réédi
tion de l'interrogatoire que le président a
mené avec beaucoup de précision, de
méthode, avec une parfaite connais
sance de l'affaire, mais ausBi avec une
partialité à laquelle tous les journaux,
quelle que soit leur, opinion, rendent
hommage. Il a accumulé les charges
contre l'accusé, aiguillé les dépositions,
ët coupé court, à plusieurs reprises, aux
explications de l'intéressé.
Un autre point digne de retenir l'at
tention des psychologues, c'est la rapide
multiplication des témoins à charge, sur
tout lorsqu'il s'agit d'un crime commis
dans un petit village ou dans un fau
bourg, par conséquent sur un terrain
propice à la culture du microbe des can
cans. Sans songer le moins du monde à
défendre Brierre (je laisse à M* Paul
Comby cette lourde lâche) on peut faire
remarquer que le lundi matin, au lende
main du drame, le tout-Gorancez n'avait
qu'une voix pour vanter les vertus fami
liales de l'accusé d'aujourd'hui, son soin
à tenir Bes enfants propres et « glo
rieux».
Soudain se produit un coup de théâ
tre^ L'entrepreneur de battages vient
d'être arrêté. Voici l'opinion publique
retournée comme un gant. On se rap
pelle d'abord qu'il y a treize ans un
incendie éclata chez Brierre. Chacun
des habitants du bourg veut être plus
psychologue .que son voisin, et se
souvient d'avoir conçu dès lors de sé
rieux soupçons sur la genèse de cet acci
dent qui n'eut peut-être rien d'acciden
tel.-Tout le monde maintenant mettrait
sa main au feu pour attester que Brierre
mit le feu à sonétable. Et de ce que l'ac
cusé voulut extorquer la forte somme
aux compagnies d'assurances, oh con
clut qu'il a, sans doute possible, tué ses
cinq enfants... Quelle distance pourtant
entre l'odieux de ces deux crimes !...
A mesure que la prévention se prolonge,
déplus en plus les langues se délient.
Dans le café du bourg (heureux village
qui ne compte qu'un café !) des person
nages pittoresques échangent des temar-
ques d'une philosophie profonde, qui
peuvent Be résumer dans cette assertion
émise à l'audience par un témoin:
« Brierre a fait bien d'autres boulettes ;
la rumeur publique est convaincue qu'il
est l'assassin. » Ce n'est point surtout
par haine que, devant les magistrats
instructeurs, tant de dépositions sont
exagérées. Le désir de paraître renseigné
exerce ses ravages, il faut bien le dire,
dans l'enceinte des tribunaux plus que
partout ailleurs. Chacun des fermiers de
Corancez tient aujourd'hui à avoir pres
senti le meurtrier rien qu'en constatant
qu'il avait « le mauvais œil», là voix
rauque, le geste brusque,» qu'il était dur
envers les animaux qu'il conduisait »,
« qu'il ne s'intéressait pas aux autres
enfants du pays », et qu'il envoyait les
siens manger à l'étable quand il avait
* du monde ». De menus détails, grossis
par le recul de la mémoire, prennent une
extraordinaire importance. Maintes fois,
j'ai eu l'occasion d'être témoin d'un sem
blable revirement de l'opinion dans une
région dont les mœurs rappellènt d'assez
près celles de la Beauce, et où plus d'un
rural aime sa terre d'abord, ses animaux
ensuite, enfin sa famille. Le même phé
nomène se reproduit un peu partout dès
qu'yn village a eu « son crime ». Il est
dans le cas présent d'autant plus accen
tué que lés. habitants de Corancez peu
vent dire, avec orgueil : « Le coupable
n'était pas de chez nous. » En effet,
Brierre a vu le jour... à dix kilomètres
de là. Et presque touB les témoins à dé
charge sont ses compatriotes de Montain-
ville. L'amour exclusif du clocher n'est
point mort en France, on le voit, et nous
recommandons ce trait de mœurs bauce-
ronneB à l'enthousiasme de MM. les dé
centralisateurs.
Ce culte de la petite patrie a ses avan
tages ; il peut avoir l'inconvénient de gros
sir outre mesure des incidents locaux,
des différends mesquins. Timeohominem
unius libri, disaient les anciens. On a
lieu parfois decraindre de même l'hom
me d'un seul horizon. Il paraît qu'à un
moment , donné tout Corancez fut dirigé
en deux camps parce que le chien de
Chouppart avait déchiré le pantalon sans
doute assez mûr de Brierre, qui fit con
damner en justice de paix ledit Choup
part à cinq francs d'amende. Les deux
adversaires se sont retrouvés devant la
cour d'assises. Il n'était plus question du
pantalon cette fois, mais il s'agissait d'un
chien encore, le pauvre « Ravachol »,
dont la mort est l'une des charges les
plus lourdes qui pèsent sur Brierre. Cet
animal sans race a pris lui-même, grâce
aux racontars locaux, des proportions
fantastiques ; ce roquet est devenu tigre.
Et tout oela n'est point fait pour éclaircir
le mystère angoissant qui plane encore,
qui planera toujours peut-être, sur ce
drame d'une nuit de printemps.
Joseph. L egueu.
LES CONGRÉGATIONS
Les conseils municipaux.
Arras, 21 décembre.
Le conseil municipal d'Arras à passé à
l'ordre du jour sur les demandes en au
torisation de six congrégations de fem
mes.
Le conseil municipal de.Guines adon
né un avis défavorable à la demande de
la congrégation des Frères Maristes.
CORRESPONDANCE ROMAINE
Les finances italiennes.
Le problème fondamental: les conditions
économiques du peuple Italien. — La
- rente au pair. —« En Italie seulement,
le budget d'Etat doit soutenir les condi
tions économiques des citoyens. » ; ~
Manque de franohlse. — Une apprécia
tion Italienne sur l'exposé financier dl
Brogllo.
L'examen attentif de l'exposé fi
nancier de M. di Broglio refroidit
sensiblement l'enthousiasme quel
que peu superficiel qui en a accueilli
les grandes lignes.
Il faut aller encore plus avant,
et jeter un coup d'œil sur le fond
même de la situation: dans l'es
sence intime de ces questions finan
cières, on découvre facilement un
autre problème plus fondamental,
celui des conditions économiques
dé ce pays.
' A la page 31 de son expasé, le
ministre du trésor dit lui-même :
« La situation des finances publi
ques a son fondement principal et
le plus solide dans les conditions
de l'économie nationale. »
« L'économie nationale » paraît
Satisfaisante à M. di Broglio; il
constate que l'agriculture, l'indus
trie et le commerce n'ont point ré
trogradé en ces dernières an
nées.'
Toutefois,ici encore,il nefaut rien
exagérer. Nous ne parlerons pas de
la crise financière privée que l'Ita
lie est menacée de subir à son tour,
si l'on en juge par ce qui se passe
à la suite du krach de Gênes.
La presse officieuse triomphe de
plus en plus de ce qu'au marché
ae Paris la rente italienne a enfin
atteint et même dépassé le pair.
Cette presse salue déjà le jour où
le change sera renversé en faveur
de l'Italie. Le mauvais état de nos
finances françaises a ici un reten- 1
tissement très profond. L'opinion
publique de ce pays croit la France
à moitié ruinée, et met désormais
le crédit italien fort au-dessus du
crédit français. -
Les progrès si rapides en ces
derniers mois de l'a rente italienne
ont d'autres causes, faciles à dis
cerner; on pourrait parler des com
binaisons toujours possibles, dans
les calculs de la haute banque ;
qu'on ne l'oublie pas : la grosse
préoccupation financière de l'Italie,
c'est la conversion prochaine de sa
rente, dont le principal moyen, de
l'aveu même de ses ministres, est
l'émission d'un nouveau titre 3 1]2
pour cent international ; est-il dès
lors défendu de supposer que, pas
plus de ce côté-ci des Alpes que
dans les établissements financiers de
l'étranger chargés de l'émission, on,
ne négligera rien pour rassurer et
amorcer le public ? L'appât princi
pal doit être le crédit progressif des
autres valeurs italiennes.
Il faut d'ailleurs remarquer qu'on
est à la veille de toucher le coupon
semestriel, ce qui augmente natu
rellement jusqu en janvier la valeur
du titre de rente.
Enfin, en Italie comme en France,
la plus grande liberté accordée à
la propagande et à l'organisation
socialiste fait peur au capital. L'ar
gent se défie désormais des entre
prises industrielles que la premièré
grève peut ruiner. D où la demande
plus considérable des valeurs d'Etat
et par suite l'accroissement de leur
valeur.
Nous voici revenus aux rapports
qui relient les conditions économi
ques des citoyens et les finances
publiques. Elles varient en fonc
tion les unes des autres.
En face de l'appréciation de M.,
di Broglio que nous avons rap-'
portée plus haut, il est intéressant
de mettre le jugement d'un autre
économiste de grande valeur, M.
Luzzatti. On connaît la réputation
de M. Luzzatti.Il a été jadis le pro
moteur et le principal agent des
traités de commerce qui arrivent à
leur échéance ; il est très coté ea
Italie et en France : c'est l'Italien
qui a le plus travaillé au fameux
rapprochement franco-italien, basé
comme chacun sait sur un- malen
tendu, puisque ce rapprochement
sonne pour l'Italie finances, pour la
France alliance politique, et que
les deux « sœurs » évitent de s.'ex-
pliquer à fond. Ajoutons que, dans
ces derniers temps, le nom de M.
Luzzatti a été prononcé plusieurs
fois comme celui d'un « ministra-
ble » pour le portefeuille du Trésor
ou des finances si |un rimpasto de
venait- opportun.
Or, voici, ce qu'écrivait dernière-
mènt, dans le Solé, M. Luzzatti,
comparant les budgets' des divers
pays. Il faisait remarquer -^- et cette
remarque a déjà de quoi exciter là
surprise et la défiance — que ces
budgets se clôturent eh déficitpar».
tout, en France, en Allemagne, An
gleterre, Russie, Suisse, Hollande,
Belgique « qui, paraît en équilibre,
mais parait seulement », insiste M,
Luzzatti. Il continuait : « Au milieu
de tous ces déficits,, la situation d©
l'Italie ne paraît que plus splendicle;
elle a consolidé son équilibre. Mal
heur à qui l'ébranlerait 1 » '
Suivent ces considérations, très
importantes:
« Dans les autres pays, l'équilibre
du budget national, je veux dire la
richesse privée de la France, de
l'Angleterre, de l'Allenaagne, etc.,
remettra vite l'équilibre dans le bud
get même de l'Etat. En Italie, la ri
chesse est plus clairsemée ;. c'est
donc la forte situation du budget de
l'Etat qui aidera le risorgirriento
économique. »
Pour contradictoires qu'elles pa
raissent avec les termes déjà rappe
lés du rapport di Broglio, ces paroles
montrent également, mais plus pro
fondément,le problème des finances
italiennes. On peut le posèr ainsi ;
La force vraie d'un budget d'Etat
se trouve dans la prospérité écono
mique du pays. Si le pays ne jouit
pas de cette prospérité éconômi-
que, il faut que l'Etat trouve ail
leurs -- chëz des voisins, complai
sants — des ressourcés qui lui
permettent d'aider le pays à attein
dre cette prospérité.
Qu'on applique ces principes à
l'Italie, et on aura tout le fond de la
comédie financière actuelle. On n@
peut lui faire qu'un reproche, c'est
J'ùstemerit d'etre une comédie!
\ T ous ne verrions aucun mal, ni au
cun déshonneur à ce que ses hom
mes d'Etat vinssent dire franche
ment à l'épargne internationale :
« Notre industrie, notre commerce,
notre agriculture, le développement
en un mot des ressources naturelle»,
de ce sol et de ce peuple a besoin
d'aides financières. Prêtez-nous
cet argent. »
Un tel langage serait net et loyal ;
et tout porte à croire que l'Italie -r
surtout si elle pouvait une bonne
'ois se débarrasser de cet anticléri
calisme constitutionnel qui fait à
tous les points de vue sa faiblesse
essentielle — pourrait fort bien, tôt
ou tard, faire face à ses engage-!
ments.
Mais ce qui met en défiance, c ? est
e moyen détourné employé pour
soutirer l'argent étranger, c'est-à-
dire, en l'espèce, l'argent français.
"1 est vrai qu'on serait gêné d'a
vouer que. l'argent sera tout d'a-
jord employé à réaliser les réfor
mes démocratiques urgentes pour
"a consolidation du ministère, et
es travaux publics indispensables
fiôur cimenter l'unité nationale par
e risorgimento économique des
provinces méridionales.
Il s'agit de savoir si ceux-là mê
mes qui ont le plus soùffert de
cette unité après avoir le plus con
tribué à en jeter les bases doivent
encore fournir ces nouvelles armes
contre eux-mêmes.
Il n'est pas jusqu'à l'ignorance
des conditions vraies où s'agite ici
la vie politique et parlementaire,
qui ne serve le plan des financiers
italiens.il semble que partout on ait
accueilli l'exposé du ministre du
trésor, c'est-a-diré du simple cais
sier du cciffre-fort public de l'Italie,
comme si c'était le rapport d'une
commission parlementaire du bud
get. Et on voit toute la différence.
Personne n ? a contrôlé, ni pu con
trôler les chiffres et par suite la
sincérité de cet exposé financier.
Dans ces conditions, toutes les
suppositions ne sont-elles par per
mises ?
Naturellement, ce n'est pas en
Italie qu'on entendra des réclama
tions contre cette manière de faire ;
il suffit que l'étranger s'illusionne
et le tour est joué.
En se rappelant tous ces faits, on
s'explique que des journaux ita
liens puissent parler aie ces choses,
dans les termes suivants. Nous
traduisons textuellement:
« Les ministres des finances, qui
se sont succédé dans ces trente an
nées de règne, — et leur nombre
n'est pas petit, — ont toujours pré-
>aré au pays, avec leurs construc-
ions artificieuses de chiffres dans
les budgets à pièges (bilanci-tra,- „
nello), (Tamères et irritantes sur
prises.
« Aussi depuis longtemps le public
s'est habitue à regarder avec un
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