Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-11-15
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 novembre 1901 15 novembre 1901
Description : 1901/11/15 (Numéro 12316). 1901/11/15 (Numéro 12316).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710905b
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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1901
Vendredi 15 Novembre 1901
E4itlML f»etI41*nna « 12,31 S
Vendredi 15 Novembre 1901
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
. et départements (union postale)
Un an * 40 » 51 »
Six mois 21 ». : 26 50
Trois mois 11 » , 14 »
Les abonnements partent des 1" et 18 de chaque mol»
Paris............... 10 cent.
Départements.,«»?-.
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE!
! PARIS * ÉTRANGER
kl départements (union postal^",
Un an.. 20 » . 26 »
Six njois...... 10 » 13 «
Trois moii..... 5 »> £ *»0
UN NUMÉRO
• TSY
BUREAUX : Paris, rue Cassette, 17
On s'abonne à Rome, place duGesù, 8
-Les abonnements partent des I e ' et 16 do chaque mol*
; : ■ UUMVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressât
", ' ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF otO, 6, place de la Bourse
PARIS, 14 NOVEMBRE 1901
SOMMAIRB
Le péril.
Une trêve. . . •
L'optimisme officiel
en Angleterre.....;
Çà et là : L'odyssée
. d'une famille noble
sous la Terreur...
Ce sera permis.. ...
A la Chambre.....
Le congrès catholi
que du Nord.
Feuilleton : Le mou-
- vement social
Pierre Veuillqt.
E. V. -
F. L.
léon j>e seilhac.
G. d'Azamruja.
J. Mantenay.
Victor Diligent.
Max Tuhmann.
Bulletin. Nouvelles de Rome. — Les?
. ; attaques contre le clergé. : Les congré- ■
gâtions._ — Informations politiques et?
parlementaires; — A l'Hôtel de Ville. ;
Le - conflit franco-turc. — La guerre i
du Transvaal. —- Etranger. — A travers S
la presse. La grève des mineurs.;
La question ouvrière., — Chronique. ;
— Lettres, solences et arts. — Echos j
de partout. — Une conversion. —, Confé -i
rences. — Nécrologie. — En province.)
■—Guerre et marine.—Tribunaux. —i
Nouvelles diverses. — .Calendrier. —;
Tableau et bulletin dé la Bourse. — \
Dernière heure; ;
LE PÉRIL
On craignait un prônunciamiento.
Que faire pour le rendre impos
sible? Nos gouvernants sectaires et
M. André particulièrement seront
avisés d'un moye û, qu'ils trouvèrent
génial : inspirer aux soldats, vis-a-
vis dô leurs chefs, des sentiments
de méfiance et d'indépendance d es
prit, qui empêcheraient la troupe
de suivre aveuglément, les ofE-,
ci ers. , -■ , ,
Il va sans dire que les ellets de,
ce travail devaient rester contenus i
dans certaines limites. On saurait
bien s'arrêter à, temps. Les hommes
ne cesseraient pas de sé montrer,
soumis pour, tout ce qui regarde le,
service militaire. Mais ils &ppren
draient à distinguer entre le soldat
et le citoyen. Ce dernier subsiste
sous l'uniforme, et il a le droit
d'exercer comme un contrôle sur
soir chef, lorsque celui-ci ne lui
paraît pas suffisamment pénétré,
dans sa conduite* du respect des
institutions. Avec une armee pa
reille, on n'aurait plus à craindre
de pronunciàmiento. .
En exécution de ce plan, le mi
nistre de la guerre ouvrit la porte
des casernes à diverses feuilles qui
combattaient d'une façon énergi
que, dans l'esprit du soldat.1 exces
de respect pour L'officier. Qu elles
allassent un peu loin, de temps a
autre, c'était inévitable. On ne sau
rait faire rédiger les Pioupiou_ de
V Yonne et les Conscrit par des lal-
leyrand, à l'abri du zèle. Mais il tal-
lait d'abord courir au plus pressé.
Quand on aurait nettoyé la troupe
de ses habitudes d'obéissance aveu
gle et entière on s'occuperait de
rétablir la discipline. Parallèlement
à l'œuvre des journaux, M. André
poursuivait la sienne. Il traitait les
officiers de ,manière à ce que le
- soldat comprît bien que ce ne sont
pas des êtres d'un ordre supérieur;
au contraire.Ils se montrent généra
lement, disait-on et faisait-on sen
tir, au-dessous de leur tache, bien
que celle-ci exige fort peu de capa
cité. Ils ont,-- la plupart du moins,
-— mauvaise tête et mauvais esprit.;
Ces suspects doivent être surveillés
avec beaucoup d attention.
Voilà dix-huit mois, sans relâche,
que l'armée est soumise à ce traite
ment. Les officiers, sauf des excep
tions bien rares, continuent d'y pa
raître réfractaires. Mais il est visi
ble que la troupe en ressent très
fort déjà les effets.
Peut-être même trouve-t-on, dans
les régions du pouvoir» que ces ef
fets se manifestent avec trop d'in
tensité, avec une extension inquié
tante. Le soldat fait mal le départ, ^
entre ce qui regarde le service mili
taire et ce qui relève du domaine
de la politique. Il n'y a plus beau
coup à craindre qu'il obéisse main
tenant à ses chefs» lui donnant des
ordres qui ne plairaient point au
gouvernement. Mais leur obéira-
t-il davantage, en certains cas où
l'insubordination mettrait le gou
vernement dans un grave embar
ras ?
•S'il ne s'agissait que du minis
tère j il nous importerait peu. Seu
lement j il s'agit aussi et surtout
de la sécurité nationale, de la sé
curité du pays à l'extérieur et .à
l'intérieur.
Demain, peut-être, la grève géné
rale des mineurs éclatera. Il est
certain qu'elle ne sera pas générale
du consentement unanime.: Nom
breux seront les centres où beau
coup ne voudront point chômer. Il
faut donc prévoir des conflits, des
rixes, une terrible effervescence.
Qui protégera la liberté du travail,
qui maintiendra l'ordre, qui répri
mera les tentatives de pillages et
de meurtre ? — L'armée..., répond j
le gouvernement. Et il prend sesj
précautions.
L'armée, c'est bientôt dit. Reste!
à savoir si elle écoutera ses chefs, !
lui commandant de marcher contre i
le peuple.. On a sur ce point des in -j
quiétudes qui vont grandissant. Des!
faits significatifs les justifient. De la!
portière des wagons qui les condui-;
sent vers les centres houillers, oni
entend les soldats répondre à lai
foule qui les pousse à l'indiscipline : !
— N'ayez pas pemy plutôt que de]
charger et de refouler les grévistes,!
nous • lèverons la crosse en l'air...
Ils parlent ainsi devant leurs offl- j
ciers qui, par prudence et parce!
qu'ils ne savent point jusqu'où i
pourrait aller l'insubordination, |
font semblant de ne pas èntendrë. !
D'autres soldats déclarent couram
ment, dans les proposr de cham
brée, qu'ils n'obéiront point à leurs
chefs. Et s'ils ne lèvent point la ;
crosse en l'air, c'est qu'ils préfé
reront mettre leurs Lebels au ser
vice des émeutiers.
Sans doute, il y a de la distance
entre la parole et l'exécution. N'im
porte, il y a tout lieu de craindre.
Quand on a franchi le premier pas,
qui est de secouer la discipline pour
tenir le langage de la révolte, on
peut bien faire le second, qui est
d'agir après avoir promis. Cela
s'est déjà vu-A des moments de
notre histoire, il y a eu des soldats,
objet du même travail et des mê
mes excitations, qui ont refusé d'o
béir à leurs chefs, qui ont tourné
contre ceux-ci leurs armes. lt ils
ont tiré.
Si, demain, pareil malheur, pa
reille honte se reproduisait sur un
point de notre territoire, — c'est
Eossible, — par combien d'autres
ommes et dans combien d'en
droits, l'exemple désastreux serait-
il suivi ; quel serait l'incendie qu'al
lumerait l'étincelle?
Voilà où nous en sommes. Pour
éviter le chimérique péril d'un pro
nunciàmiento , — en réalité, pour
satisfaire de misérables haines et
de viles rancunes, — nos gouver
nants ont travaillé de leur mieux à
ruiner, le prestige, à détruire l'au-
-torité des. officiers. Le ministère a
cru .qu'il arrêterait la vague révolu
tionnaire au point juste qu'il s'était
fixé d'avance., Il. permettrait ceci,
mais pas cela. II est . débordé. Nous
nous trouvons en face d'un réel,
d'un grand péril social et national.
On le voit bien, à la Chambre. Est-
ce qu'ils ne se décideront pas, tous
•ceux de nos députés qui répugnent
au chambardemënt ae la patrie, à
mettre enfin dans l'impuissance de
nuire les malfaiteurs qui nous ont
trop longtemps gouvernés? >
Pierre V euillot. :
!BULLETIN
La. Chambre a siégé ce matin pour]
continuer la. discussion sur la. marine
marchande; elle n'a pas fait grande-
chose, se bornant à repousser quelques
amendements, et à remettre la suite k
lundi ma.tin.
D'une longue conférence entre les dé-\
légués du Comité fédéral des mineurs et I
la commission parlementaire du fra- j
Dail, il résulte que cette dernière est 1
prête à étudier avec la plus réelle atten- i
tion et la plus extrême bienveillance^ la i
question de la journée de huit heures.
. Les délégués, de leur côté,, paraissent ;
animés du désir sincère d'épargner au i
pays et aussi au monde ouvrier le dé- j
. sastre d'une grève générale. !
MM'. Cotte et Lamendin sont àujour- j
d hui à Douvres, pour la réunion du '
Comité international.- !
L'escadre française a mouillé hier de
vant Syra ; quatre navires vont y sé
journer : le Chanzy,.le Linois, l'Epée et
la Mouette —jusqu'à es que la Porte a#
fourni des preuves de sa fidélité aux
engagements pris. ' ;
La question de M. d'Estournelles sur i
le règlement du conflit est '• ajournée, \
pour permettre à. M. Delcassé d'en réfè- ■
rer auparavant au conseil des minis-1
très. ■ , ■■ ■, ■ . .■/ i
L'agitation se calme en Espagne ; on \
ne signale guère, dans la journée d'hier, !
que quelques manifestations d'étudiants i
républicains à Barcelone, dirigées con- j
tre les étudiants catalanistes. -
: L'état de santé de M.. Sagasta de
meure peu satisfaisant ; le président du\
conseil sera peut-être obligé de passer \
l'hiver loin de Madrid, ' ■ >
Il est à, craindre que malgré le suc
cès, à Naples, des candidats honnêtes et
réformateurs, la majorité nouvelle du
conseil municipal manque d'homogé
néité pour lutter avec succès contre une
minorité turbulente et résolue, compo
sée d'anciens.tripoteurs et concussion
naires.
On prête au gouvernement le projet
de donner à la ville de Naples, pendant
deux ans, une administration spéciale,
avec un gouverneur nanti de pouvoirs
très étendus.
: Un.nouvel échec des troupes anglai
ses est signalé dans l'Afrique du Sud ;
les Boers ont attaqué, le 30 octobre, un
convoi escorté de. 'troupes coloniales,
tuant ou blessant grièvement quatorze
hommes dont deux officiers.
La capture de six wagons a dû per
mettre aux Boers de se ravitailler, si
tant est qu'ils en eussent besoin.
Une dépêche privée apportait hier à
Londres cette nouvelle soigneusement
tenue secrète par lord Kitchener,
Nous prions instamment «eux de
dos lecteurs dont l'abonnement ex
pire le 15 novembre de ne pas atten
dre plus longtemps pour le renou
veler.
Chaque demandai de ehangemen
d 'adresse doit être aeeompagnée d*
SO centime* en timbres-poste.
NOUVELLES DE ROME :
■ ^ ^ ... .. ■ " & ■ * *■
■ ; : ■ 12 novembre. : '
Au Vatican.
Comme nous l'avons 'annoncé, diman
che dernier 10 courant, S. S. Léon XIII a
reçu en audience S. Em. le cardinal ^Ei-
chard, archevêque de Paris. .
L'entretien entre le Pape et l'illustre
prélat a été très cordial, et s'est prolongé
pendant près d'une heure.
— Le même jour, a été reçu par le
Souverain Pontife M. Paul Feron-Vrau,
directeur de la Croix.
- Le' Papey en excellente santé, a reçu
aussi une députation de> catholiques
èuisses.-
Cette députation était présentée par le
baron Meyer de Schanensee,: capitaine
commandant de la garde;suisse..
Elle a présenté au Pape, au nom des
associations des - dames catholiques
d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse,
uné Adresse recouverte de quatre-vingt-
dix mille signatures ^exprimant au Sou
verain Pontife les'vœux les plus sin-
cèrés pour son prochain Jubilé ponti
fical, et protestant contre la guerre sec
taire faite au sacrement de la confession,
et à saint Alphonse de Liguori.
Le Saint-Père a exprimé la vive sa
tisfaction que lui procurait cette adresse,
et il a donné la bénédiction aux .mem
bres de la Réputation et à tous les pieux
signataires de l'adresse. ■ -
— Enfin a été reçu M. Ramalho Or-
tigào,' bibliothécaire de S. M. le roi de
Portugal et secrétaire de l'académie
royale de ce pays. !
— Samedi,. Léon XIII a reçu S. G.
Mgr Renouard, évêque de Limoges et
S. G. Mgr. Giani, évêque d& Livourne.
Le gouvernement contre les églises.
Le ministre de la jus tice Cocco-Ortu
a expédié une circulaire à tous les des
servants des églises de. Rome catholi
ques, par laquelle le gouvernement dé
fend de tenir des réunions « étrangères
au service divin ».
La présidence de l'œuvre des congrès
publie une lettre au ministre - pour pro- j
tester contre cette injuste décision du
gouvernement anticlérical de M. Zanar.-
delli. ■ ■ '■■■. - -,
C'est un document important qui fait i
bonne justice de tous les arguments du
gouvernement maçonnique. ,
UNE TREVE
Depuis quelque temps, par suite
de divers incidents, de vives polé
miques ont eu lieu entre catholi
ques au sujet de la démocratie
chrétienne et, selon le terme favori
des réfractaires, des « abbés démo?
crates ». Nous n'avons pas cru né
cessaire d'entrer dans. ces débats
devenus très vite très personnels.
En nous y mêlant nous, aurions
risqué de les accentuer. Vraiment
ce n'était pas nécessaire et ce n'eût
pas été opportun.
• Sans rêver . une paix définitive,
dont nous doutons que l'heure soit
venue, nous voudrions une trêve
prolongée. N®tre affaire à tous au
jourd'hui n'est-elle' pas de nous en
tendre pour la lutte éleetorale?
Unissons-nous donc cpntre rennemi
commun, nous viderons plus tard
nos différends. Que ce serait facile
si tout le monde obéissait à qui il
faut obéir ! -
L'appel que nous renouvelons ici,
la Démocratie chrétienne vient de le
faire à un autre point de viie dans
son numéro de riovembre. Son di-?
recteur, M. l'abbé Six, demande que
l'on cesse de mêler l'école des dé
mocrates chrétiens à . toutes . les
questions sur les
troverse entre catholiques. Voici
une partie de .ses observations :
. ...^ -i- - *.hf - '•
Nous tenons à protester de nouveau
contre ces regrettables et incompréhen
sibles confusions. La démocratie chré
tienne n'a absolument rien à voir avec la
Téforme de la prédication, pas plus qu'a
vec l'exégèse ou l'apologétique nouyelle ;
et c'est ^me véritable folie que de vouloir
à toutes forces l'y mêler.
La démocratie, chrétienne a pour but
immédiat la reconstitution de l'ordre so
cial chrétien sur les bases de la justice
et de la charité, et pour guides, dans
cette grande œuvre qui ramènera le peu
ple à Jésus-Christ, les enseignements de
l'ETglise et des Papes, en particulier de
Léon XIII.
Développement de l'action bienfai
sante envers le peuple, diffusion ■ des
Encycliques sociales de Léon"XIÏI : voilà
en deux mots la démocratie chrétienne.
Qu'on' l'attaque donc sur ce terrain, à
la bonne heure ! Mais de grâce qu'on ne
l'incrimine pas à propos de la prédication .:
ou du dogme de l'Incarnation ou de la
Rédemption : cela finirait par faire haus
ser les épaules de piti.é, ou par révéler le
secret de certains cœurs.
Pour conclusion la Démocratie I
chrétienne voudrait 1 qu'on mit un'
terme à nos discordes. U Univers, j
plus tolérant ou moins confiant, ré
clame seulement un arrêt de six
mois. Ce temps écoulé il ne s'oppo
serait certes pas à une prolonga- ;
tion.
... ; v e. v:
l'OPTIMISME OFFICIEL M ANfiLETERBE
M. Brodriclc, ministre de la guer
re, a prononcé hier à Londres, dans
un- banquet' politique, un intéres
sant discours sur Pétât des choses
en Afrique Australe. D'après l'a
nalyse qu'en donnent les agences,
l'honorable ministre s'est surtout
préoccupé de répondre aux princi-
Eaux reproches que l'opinion pu-
lique, qui ne partage plus main
tenant l'optimisme onieiel, adresse
de tous côtés au ministère.
Après avoir célébré, du reste à
très bon droit, le gigantesque effort
qu'il a fallu déployer pour trans
porter à 2;500 lieues plus de 250,000
hommes avec tout le matériel de
guerre et d'approvisionnement que
comporte uné" telle entreprise, le
ministre a - essayé de _ disculper
le gouvernement anglais au sujet
des camps de concentration, et il
n'a rien trouvé de mieux, pour ex
cuser cette terrible mortalité des en
fants et des femmes dont le monde
civilisé s'indigne, que de l'imputer
à l'ignorance et. à rentêtement des
femmes boers qui refusent sou
vent, dit-il, les soins du médecin.
Quant à l'exaspérante durée de la
guerre, elle est due, paraît-il, à ce
fait qu'elle a été conduite et pour
suivie par les officiers anglais avec
beaucoup trop, i d'humanité ; il en
rend aussi responsable le parti li
béral, dont les critiques injustes
et passionnées, à propos des af-
rrt ^ M A r* /J n rti] n<\l m a m . /\»i> mm a —
entretenu chez eux de folles illusions
et d'irréalisables espérances.
Pour achever de réconforter l'o
pinion,M. Brodrick.lui fait entrevoir
comme prochaine la complète ex
termination de tous les Boers en
état de combattre, attendu que déià
42,000 sont prisonniers, que 11,000
ont été tués, et que présentement
ils n'ont tout au plus sous les ar
mes qu'une dizaine de mille hom
mes!
- Le malheur est que M. Brodrick
ne semble pas avoir tenu compte,
dans qette énumération complai
sante, de la colonie du Cap et des
Afrikanders, dont l'état d'esprit
-n'est rien maoins que rassurant. Des
correspondances diverses, mais
toutes anglaises d'origine et de
sentiments, ne laissent aucun doute
à cet égard : presque toute la co
lonie, jusqu'aux approches mêmes
de la ville du Cap, continue d?être
Earcourue par des commandos
oers ou afrikanders; repoussés
.d'un district, ils passent dans un
district voisin, et malgré les éner
giques et habiles efforts du général
French, ils fatiguent, ils épuisent
les forces anglaises de plus en
plus impuissantes à maîtriser une
pareille situation.
Tout cela se comprend, lorsqu'on
voit que les correspondants dont il
s'agit sont obligés d'avouer que les
deux tiers de la population sont de
cœur et d'âme avecies Boers; aussi
peut-on dire que l'esprit de rébel
lion couve sourdement dans toute
l'étendue de la colonie, quand il né
se manifeste pas ouvertement en
faisant cause commune avec les
Boers.
Il y a là un tableau qu'il faut met
tre en regard des résultats et des
chiffres qui rassurent M. Brodrick
et avec lui le ministère, mais qui
ne sauraient abuser bien longtemps
désormais l'opinion publique à la
quelle parviennent, par les voies
privées, et malgré la censure du
War Office, des informations tout
autres que celles que lui fournit
l'optimisme officiel.
F. L.
ÇSà et là
L'ODYSSÉE D'UNE FAMILLE N013LB
SOUS LA TERREUR (i)
Un soir d'hiver de l'année 1788, un
jeune homme, le chevalier de Lamase,
plus avantageusement connu soub le
nom de chevalier du diable, s'était at-
tardépar les chemins en compagnie d'un
médecin, Limousin comme lui, mais plus
âgé et peut-être plus timide, le docteur
Gyoux. Les cheminB étaient alors peu
sûrs, le blé était rare, le pain était cher,
et les attaques sur les grandes routes se
faisaient fréquentes.- Au détour d'un
chemin creux, deux scélérats masqués
Burgirent et jetèrent aux voyageurs at
tardés la phrase jadis si connue : « La
bourse ou la vie !»
Mais ils avaient affaire à forte partie.
Le chevalier du diable; âgé seulement
de dix-neuf, ans, ne craignait point les
coups, qu'il s'agît d'en donner ou d'en
recevoir. Il bondit sur le plus fort, le dé
masqua et allait, en mauvais chrétien,
lui rendre la monnaie de sa pièce, quand
le misérable l'implora d'une voix si
émue que le chevalier du diable lui fit
grâce de la vie, non sans avoir contem
plé une face lourde et pustuleuse qu'il
devait reconnaître bientôt.
— Les chemins sont peu Bûrs, dit
alors le médecin, qui était à grand'peine
Venu à bout de son adversaire, abritons*
nous pour cette nuit chez le marquis du
Saillant, dont nous voyons le château
éclairé à une légère distance de. nous.
Le marquis ne nous refusera pas l'hos
pitalité. II a d'ailleurB dix-huit filles
charmantes, ajouta-t-il à l'adresse du
jeune homme, et la soirée sera plus gaiç
qu'à courir les routes.
Le chevalier d»i diable fit la grimace,
car lea aventures le tentaient plus que le
Coin des cheminées et leB dix-huit filles
du marquis lui paraissaient moins inté-
ressantës que les détrousseurs de bour^
ses, à qui il pouvait infliger une correc
tion. Cependant, par égard pour son
vieux compagnon, il se résigna et alla
(i) Voleurs et volés. Monographie d'une
famille noble',en Limousin pendant la Révo
lution, par Paul de Lamase, Chamuel, édi
teur.
FEUILLETON DE L 'univers
pu 15 novembre 1901
LE MOUVEMENT SOCIAL
Le « paradis des ouvriers ».
II
Le minimum de salaire légalement et pro
fessionnellement établi à Melbourne. — ;
Les résultats. — Le protectionnisme du
« parti ouvrier » australien. Un pays
sans crèves : la Nouvelle-Zélande. — Le
Board of conciliation. L'arbitrage,
obligatoire. - Que conclure de ces
« expériences sociales »?
Dans une précédente Chronique (1),
nous avons étudié, surtout d après un
ouvrage- récent de M. Albert-Métin (2),
quelques-unes des « expériences socia
les » qu'on fait actuellement dans les co
lonies anglaises des antipodeB — dans
ces pays que l 'on surnomme parfois le
« paradis des ouvriers ». Nous avons
montré comment, la-bas, les Trade-
Unîoîis surent profiter des circonstances
économiques pour obtenir des patrons la
journée de huit heures. Cette « con
quête », due â l'action purement syndi
cale, semble à peu près généralement
(1) Cf. Univers du yendre# 3 novem
bre 1901. ..
(2) Le Socialisme sans doctrines j* .- A r
can, éditeur). Sur ce sujet, on peut lire en
core des articles de M. Pierre Leroy-Beau-
lieu dans la Revue des Deux Mondes (an
née 1896).'
acceptée (3).Il n'en va pas de même pour
le minimum de salaire légalement et
professionnellement établi à Melbourne
et pour l'arbitrage obligatoire institué
en Nouvelle-Zélande, dont nous allons
aujourd'hui parler.
.. ♦ ï
# # s
Le minimum de salaire fut organisé
dans l'Etat de Victoria pour remédier au> :
sweating system, c'est-à-dire au système j
des longues journées de travail pour un
faible salaire. • i
Une commission officielle avait cons
taté, en 1894, au cours d'une enquête,:
que, dans plusieurs professions exercées!
à domicile, il se produisait de très re-i
grettables abus (4)^: c'est ainsi,par exem-
. Miiiiii-» innniiRM* 1 " 1 1 |
(3) « Je n'ai trouvé en Australasle per-;
sonne qui fût contre la journée de huit à i
neuf heures, écrit M. Albert Métln (paye-
132) ; chacun donnait pour expliquer cette i
opinion la même raison, savoir : que l'in-!
tensité du travail est plus grande avec lai
journée courte. » ■ i <
(4) En Australie « le sweating system
existe dans les grandes villes; il sévit con--
tre les étrangers, qui, ne connaissant pas
la langue ni les usages du pays, acceptent
de travailler à n'importe quel prix pour ne
pas mourir de faim- 11 sévit plus régulière-i
ment encore contre les femmes et les jeu
nes filles qui se font concurrence les unes»
aux autres ; certaines, en effet, vivent des;
salaires de leurs maris ou de leurs parents,;
et ne travaillent que pour se procurer un'
supplément de revenu; elles prennent donc
l'ouvrage à très bas prix, et avilissent ainsi
j«« salaires des veuves ou âea ■ isp)éps ^ul
travaillent pôlir vivre ». Le 'syeUing Sys
tem, à Melbourne, était surtout pratiqué
dans l'industrie de la confection et dans
pie, que, dans la confection, des femmes
travaillaient de douze à quatorze heures
par jour pour 13 à 15 francs par se
maine !
Comme toute commission officiélles
cîlle dè. Melbourne rédigea un volumi
neux rapport et proposa bon nombre de
mesures ; mais, comme nous sommes
aux antipodes, ces mesures, bohnés ou
mauvaises,firent aussitôt l'objetd'une loi,
immédiatement appliquée.
La principale dès innovations intro
duites en 1896 fut la création des Con
seils spéciaux ( Spécial Boàrds).
Cgs Conseils présentent pour nous un
intérêt particulier : à oertains égards, en
effet, ils peuvent être comparés aux con
seils mixtes et professionnels dont, les
programmes des ~ catholiques sociaux
préconisent l'établissement dans nos di
vers pays d'Europe, Mais ' par l'exposé :
que, . d'après l'ouvrage de M. Métin,
nous allons faire de leur organisation,
on verra que l'analogie ne porte que sur
quelques points : les conseils australiens
ont des attributions limitées aux seules
questions du salaire et de l'apprentis
sage ; les porte-paroles du catholicisme
social réclament, au contraire, ^organi
sation professionnelle dans toute son am
pleur etàvep tputes ses conséquences. Il
y a là une différence considérable qui, :
dans la pratique, se traduirait presque
eertaineuient par qne différence de ré?
sultats : on. ne. peut donc, en bonne jus
tice; motiver une opinion sur .la valeur
d'une des deux institutions en s'appuyant
Tébénistprie ; daps çette (Jerpipre profes
sion, les Chinois étaient employés en grand
nombre et travaillaient à vil prix.
sur les expériences faites de l'autre sys
tème.
. »
* *
Ceci dit, voyons comment le législa
teur de l'Etat de Victoria a compriB le
fonctionnement de ces corps profession
nels.
LeB Spécial Boards doivent être ins
titués par un décret du gouverneur dans
chacune des professions qui paraît ou
paraîtra menacée par le sweating Sys
tem. Aucune autre limite n'est apportée
à leur extension : on pourrait donc, en
principe, « placer sous un conseil », suir
vant l'expression consacrée, toutes les
industries de la métropole et des parties
de là colonie dans lesquelles la loi a été
promulguée.' .
Quand une profession a été ainsi
« placée soûs un conseil », ce conseil eBt
élu moitié par leB patrons, moitié par
les ouvriers. Les électeurs patrons sont
tous ceux qui payent patente ; les élec
teurs ouvriers, tous çeux qui peuvent
établir qu'ils sont employés dans le
métier. Deux rôles sont dressés : l'un
pour les travailleurs de fabrique, l'au
tre pour les travailleurs en chambre;
ces derniers ont droit à une représen
tation distincte s'ils forment plus d'un
cinquième du total ; Binon, ils votent
avec les autres,
La liste ;des candidats et le jour du
scrutin sont portés à la connaissance des i
électeurs qui peuvent soit remettre eux-
mêmes leur bulletin chez l'inspecteur en
cbef des manufactures, spit voter par
correspondance. Suivant l'usage anglais,
les candidats sont considérés comme élus
sans scrutin, s'ils ne sont pas plus nom
breux que les places à remplir.
Les ouvriers ont chacun une voix, les
patrons de une à quatre voix, suivant le
chiffre de leur patente, mais dans le Spé
cial Board leB deux représentations sont
égaleB : cinq personnes, de chaque côté
prises parmi les électeurs.
Chacun des conseillers a droit à des
jetons de présence de 5 francs pour une
demi-journée, et de 10 francs pour une
journée entière ; il touche aussi une in
demnité de déplacement s'il demeure à
plusde 60 kilomètres de Melbourne. ' J
Le premier soin du Conseil, une fois
réuni, doit être de nommer un président,
pris hors de Ses membreB : si l'élection
n'a pas eu lieu au bout de deux semai*
nés, le président est désigné d'office par
le gouverneur.
Les pouvoirs que la loi donne expres
sément à ces Spécial Boards consistent
à fixer : 1* le salaire minimum au temps
ou aux pièces dans la profession ; 2* la
proportion du nombre des apprentis, au-
dessous de dix-huit ans, par rapport au
nombre des ouvriers.
Les décisions du conseil sur ces deux
sujets sont communiquées au gouverne*
ment, publiées dans la Qovernment Ga
zette et, dès lors, ont force de loi. Elles
doivent, comme les lois de protection
ouvrière, ^tre imprimées et affichées dans
les usines : elles devront en outre être
mises entre les mains des travailleurs en
chambre.
Ces décisions sqnt prises pouf un
tergpg déterminé : le Board seul peut les
modifier ou les proroger. Le gouverne
ment n'intervient que pour leur donner
force légale.
' •
* •
Nous venons d'exposer les grandes li
gnes de la loi victorienne qui organise
des corps professionnels charge's de fixer
un salaire minimal. Il nous faut voir
maintenant les résultats de cette institu
tion. ■
Tout d'abord, il faut remarquer que, la
loi étant de date très récente, on ne sau
rait formuler à son sujet un jugement
définitif : toutefois l'ouvrage de M. Métin
apporte un certain nombre de faits inté-.
ressants qui permettent d'entrevoir lés
difficultés de la tâche entreprise et mon
trent quelques-uns des défauts du sys
tème, — tel du moins qu'il est en vigueur
en Australie.
Depuis la promulgation de la loi, plu
sieurs professions ont été a mises sous
des conseils ». Ce sont : la boucherie, la
confection, la chaussure, la lingerie et
l'ébénisterie.
Lors de la constitution de ces Conseils
mixtes, on a constaté en général asse*
peu d'empressement parmi les électeurs,
même parmi les salariés. Dans une des
professions (lingerie féminine), le gouver
neur a dû nommer d'office le représen-i
tant des ouvrières en chambre. A ce pro
pos, M. Métin fait observer « qu *il n'est
pas étonnant que les catégories les pluB
mal payées et celles qui renferment le
plus de femmes, soient les moins orga
nisées çt par suite les moins prêtes à une
action d'ensemble ». Dans l'ébénisterie, •
on a cru devoir modifier le mode de no
mination des membres du conseil : les
Chinois forment la majorité des ouvriers^
c'est le gouverneur qui a été investi du
droit de choisir le» délégués et, naturel*
/T^s ei lie i
\Offo //? /)
1901
Vendredi 15 Novembre 1901
E4itlML f»etI41*nna « 12,31 S
Vendredi 15 Novembre 1901
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
. et départements (union postale)
Un an * 40 » 51 »
Six mois 21 ». : 26 50
Trois mois 11 » , 14 »
Les abonnements partent des 1" et 18 de chaque mol»
Paris............... 10 cent.
Départements.,«»?-.
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE!
! PARIS * ÉTRANGER
kl départements (union postal^",
Un an.. 20 » . 26 »
Six njois...... 10 » 13 «
Trois moii..... 5 »> £ *»0
UN NUMÉRO
• TSY
BUREAUX : Paris, rue Cassette, 17
On s'abonne à Rome, place duGesù, 8
-Les abonnements partent des I e ' et 16 do chaque mol*
; : ■ UUMVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressât
", ' ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF otO, 6, place de la Bourse
PARIS, 14 NOVEMBRE 1901
SOMMAIRB
Le péril.
Une trêve. . . •
L'optimisme officiel
en Angleterre.....;
Çà et là : L'odyssée
. d'une famille noble
sous la Terreur...
Ce sera permis.. ...
A la Chambre.....
Le congrès catholi
que du Nord.
Feuilleton : Le mou-
- vement social
Pierre Veuillqt.
E. V. -
F. L.
léon j>e seilhac.
G. d'Azamruja.
J. Mantenay.
Victor Diligent.
Max Tuhmann.
Bulletin. Nouvelles de Rome. — Les?
. ; attaques contre le clergé. : Les congré- ■
gâtions._ — Informations politiques et?
parlementaires; — A l'Hôtel de Ville. ;
Le - conflit franco-turc. — La guerre i
du Transvaal. —- Etranger. — A travers S
la presse. La grève des mineurs.;
La question ouvrière., — Chronique. ;
— Lettres, solences et arts. — Echos j
de partout. — Une conversion. —, Confé -i
rences. — Nécrologie. — En province.)
■—Guerre et marine.—Tribunaux. —i
Nouvelles diverses. — .Calendrier. —;
Tableau et bulletin dé la Bourse. — \
Dernière heure; ;
LE PÉRIL
On craignait un prônunciamiento.
Que faire pour le rendre impos
sible? Nos gouvernants sectaires et
M. André particulièrement seront
avisés d'un moye û, qu'ils trouvèrent
génial : inspirer aux soldats, vis-a-
vis dô leurs chefs, des sentiments
de méfiance et d'indépendance d es
prit, qui empêcheraient la troupe
de suivre aveuglément, les ofE-,
ci ers. , -■ , ,
Il va sans dire que les ellets de,
ce travail devaient rester contenus i
dans certaines limites. On saurait
bien s'arrêter à, temps. Les hommes
ne cesseraient pas de sé montrer,
soumis pour, tout ce qui regarde le,
service militaire. Mais ils &ppren
draient à distinguer entre le soldat
et le citoyen. Ce dernier subsiste
sous l'uniforme, et il a le droit
d'exercer comme un contrôle sur
soir chef, lorsque celui-ci ne lui
paraît pas suffisamment pénétré,
dans sa conduite* du respect des
institutions. Avec une armee pa
reille, on n'aurait plus à craindre
de pronunciàmiento. .
En exécution de ce plan, le mi
nistre de la guerre ouvrit la porte
des casernes à diverses feuilles qui
combattaient d'une façon énergi
que, dans l'esprit du soldat.1 exces
de respect pour L'officier. Qu elles
allassent un peu loin, de temps a
autre, c'était inévitable. On ne sau
rait faire rédiger les Pioupiou_ de
V Yonne et les Conscrit par des lal-
leyrand, à l'abri du zèle. Mais il tal-
lait d'abord courir au plus pressé.
Quand on aurait nettoyé la troupe
de ses habitudes d'obéissance aveu
gle et entière on s'occuperait de
rétablir la discipline. Parallèlement
à l'œuvre des journaux, M. André
poursuivait la sienne. Il traitait les
officiers de ,manière à ce que le
- soldat comprît bien que ce ne sont
pas des êtres d'un ordre supérieur;
au contraire.Ils se montrent généra
lement, disait-on et faisait-on sen
tir, au-dessous de leur tache, bien
que celle-ci exige fort peu de capa
cité. Ils ont,-- la plupart du moins,
-— mauvaise tête et mauvais esprit.;
Ces suspects doivent être surveillés
avec beaucoup d attention.
Voilà dix-huit mois, sans relâche,
que l'armée est soumise à ce traite
ment. Les officiers, sauf des excep
tions bien rares, continuent d'y pa
raître réfractaires. Mais il est visi
ble que la troupe en ressent très
fort déjà les effets.
Peut-être même trouve-t-on, dans
les régions du pouvoir» que ces ef
fets se manifestent avec trop d'in
tensité, avec une extension inquié
tante. Le soldat fait mal le départ, ^
entre ce qui regarde le service mili
taire et ce qui relève du domaine
de la politique. Il n'y a plus beau
coup à craindre qu'il obéisse main
tenant à ses chefs» lui donnant des
ordres qui ne plairaient point au
gouvernement. Mais leur obéira-
t-il davantage, en certains cas où
l'insubordination mettrait le gou
vernement dans un grave embar
ras ?
•S'il ne s'agissait que du minis
tère j il nous importerait peu. Seu
lement j il s'agit aussi et surtout
de la sécurité nationale, de la sé
curité du pays à l'extérieur et .à
l'intérieur.
Demain, peut-être, la grève géné
rale des mineurs éclatera. Il est
certain qu'elle ne sera pas générale
du consentement unanime.: Nom
breux seront les centres où beau
coup ne voudront point chômer. Il
faut donc prévoir des conflits, des
rixes, une terrible effervescence.
Qui protégera la liberté du travail,
qui maintiendra l'ordre, qui répri
mera les tentatives de pillages et
de meurtre ? — L'armée..., répond j
le gouvernement. Et il prend sesj
précautions.
L'armée, c'est bientôt dit. Reste!
à savoir si elle écoutera ses chefs, !
lui commandant de marcher contre i
le peuple.. On a sur ce point des in -j
quiétudes qui vont grandissant. Des!
faits significatifs les justifient. De la!
portière des wagons qui les condui-;
sent vers les centres houillers, oni
entend les soldats répondre à lai
foule qui les pousse à l'indiscipline : !
— N'ayez pas pemy plutôt que de]
charger et de refouler les grévistes,!
nous • lèverons la crosse en l'air...
Ils parlent ainsi devant leurs offl- j
ciers qui, par prudence et parce!
qu'ils ne savent point jusqu'où i
pourrait aller l'insubordination, |
font semblant de ne pas èntendrë. !
D'autres soldats déclarent couram
ment, dans les proposr de cham
brée, qu'ils n'obéiront point à leurs
chefs. Et s'ils ne lèvent point la ;
crosse en l'air, c'est qu'ils préfé
reront mettre leurs Lebels au ser
vice des émeutiers.
Sans doute, il y a de la distance
entre la parole et l'exécution. N'im
porte, il y a tout lieu de craindre.
Quand on a franchi le premier pas,
qui est de secouer la discipline pour
tenir le langage de la révolte, on
peut bien faire le second, qui est
d'agir après avoir promis. Cela
s'est déjà vu-A des moments de
notre histoire, il y a eu des soldats,
objet du même travail et des mê
mes excitations, qui ont refusé d'o
béir à leurs chefs, qui ont tourné
contre ceux-ci leurs armes. lt ils
ont tiré.
Si, demain, pareil malheur, pa
reille honte se reproduisait sur un
point de notre territoire, — c'est
Eossible, — par combien d'autres
ommes et dans combien d'en
droits, l'exemple désastreux serait-
il suivi ; quel serait l'incendie qu'al
lumerait l'étincelle?
Voilà où nous en sommes. Pour
éviter le chimérique péril d'un pro
nunciàmiento , — en réalité, pour
satisfaire de misérables haines et
de viles rancunes, — nos gouver
nants ont travaillé de leur mieux à
ruiner, le prestige, à détruire l'au-
-torité des. officiers. Le ministère a
cru .qu'il arrêterait la vague révolu
tionnaire au point juste qu'il s'était
fixé d'avance., Il. permettrait ceci,
mais pas cela. II est . débordé. Nous
nous trouvons en face d'un réel,
d'un grand péril social et national.
On le voit bien, à la Chambre. Est-
ce qu'ils ne se décideront pas, tous
•ceux de nos députés qui répugnent
au chambardemënt ae la patrie, à
mettre enfin dans l'impuissance de
nuire les malfaiteurs qui nous ont
trop longtemps gouvernés? >
Pierre V euillot. :
!BULLETIN
La. Chambre a siégé ce matin pour]
continuer la. discussion sur la. marine
marchande; elle n'a pas fait grande-
chose, se bornant à repousser quelques
amendements, et à remettre la suite k
lundi ma.tin.
D'une longue conférence entre les dé-\
légués du Comité fédéral des mineurs et I
la commission parlementaire du fra- j
Dail, il résulte que cette dernière est 1
prête à étudier avec la plus réelle atten- i
tion et la plus extrême bienveillance^ la i
question de la journée de huit heures.
. Les délégués, de leur côté,, paraissent ;
animés du désir sincère d'épargner au i
pays et aussi au monde ouvrier le dé- j
. sastre d'une grève générale. !
MM'. Cotte et Lamendin sont àujour- j
d hui à Douvres, pour la réunion du '
Comité international.- !
L'escadre française a mouillé hier de
vant Syra ; quatre navires vont y sé
journer : le Chanzy,.le Linois, l'Epée et
la Mouette —jusqu'à es que la Porte a#
fourni des preuves de sa fidélité aux
engagements pris. ' ;
La question de M. d'Estournelles sur i
le règlement du conflit est '• ajournée, \
pour permettre à. M. Delcassé d'en réfè- ■
rer auparavant au conseil des minis-1
très. ■ , ■■ ■, ■ . .■/ i
L'agitation se calme en Espagne ; on \
ne signale guère, dans la journée d'hier, !
que quelques manifestations d'étudiants i
républicains à Barcelone, dirigées con- j
tre les étudiants catalanistes. -
: L'état de santé de M.. Sagasta de
meure peu satisfaisant ; le président du\
conseil sera peut-être obligé de passer \
l'hiver loin de Madrid, ' ■ >
Il est à, craindre que malgré le suc
cès, à Naples, des candidats honnêtes et
réformateurs, la majorité nouvelle du
conseil municipal manque d'homogé
néité pour lutter avec succès contre une
minorité turbulente et résolue, compo
sée d'anciens.tripoteurs et concussion
naires.
On prête au gouvernement le projet
de donner à la ville de Naples, pendant
deux ans, une administration spéciale,
avec un gouverneur nanti de pouvoirs
très étendus.
: Un.nouvel échec des troupes anglai
ses est signalé dans l'Afrique du Sud ;
les Boers ont attaqué, le 30 octobre, un
convoi escorté de. 'troupes coloniales,
tuant ou blessant grièvement quatorze
hommes dont deux officiers.
La capture de six wagons a dû per
mettre aux Boers de se ravitailler, si
tant est qu'ils en eussent besoin.
Une dépêche privée apportait hier à
Londres cette nouvelle soigneusement
tenue secrète par lord Kitchener,
Nous prions instamment «eux de
dos lecteurs dont l'abonnement ex
pire le 15 novembre de ne pas atten
dre plus longtemps pour le renou
veler.
Chaque demandai de ehangemen
d 'adresse doit être aeeompagnée d*
SO centime* en timbres-poste.
NOUVELLES DE ROME :
■ ^ ^ ... .. ■ " & ■ * *■
■ ; : ■ 12 novembre. : '
Au Vatican.
Comme nous l'avons 'annoncé, diman
che dernier 10 courant, S. S. Léon XIII a
reçu en audience S. Em. le cardinal ^Ei-
chard, archevêque de Paris. .
L'entretien entre le Pape et l'illustre
prélat a été très cordial, et s'est prolongé
pendant près d'une heure.
— Le même jour, a été reçu par le
Souverain Pontife M. Paul Feron-Vrau,
directeur de la Croix.
- Le' Papey en excellente santé, a reçu
aussi une députation de> catholiques
èuisses.-
Cette députation était présentée par le
baron Meyer de Schanensee,: capitaine
commandant de la garde;suisse..
Elle a présenté au Pape, au nom des
associations des - dames catholiques
d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse,
uné Adresse recouverte de quatre-vingt-
dix mille signatures ^exprimant au Sou
verain Pontife les'vœux les plus sin-
cèrés pour son prochain Jubilé ponti
fical, et protestant contre la guerre sec
taire faite au sacrement de la confession,
et à saint Alphonse de Liguori.
Le Saint-Père a exprimé la vive sa
tisfaction que lui procurait cette adresse,
et il a donné la bénédiction aux .mem
bres de la Réputation et à tous les pieux
signataires de l'adresse. ■ -
— Enfin a été reçu M. Ramalho Or-
tigào,' bibliothécaire de S. M. le roi de
Portugal et secrétaire de l'académie
royale de ce pays. !
— Samedi,. Léon XIII a reçu S. G.
Mgr Renouard, évêque de Limoges et
S. G. Mgr. Giani, évêque d& Livourne.
Le gouvernement contre les églises.
Le ministre de la jus tice Cocco-Ortu
a expédié une circulaire à tous les des
servants des églises de. Rome catholi
ques, par laquelle le gouvernement dé
fend de tenir des réunions « étrangères
au service divin ».
La présidence de l'œuvre des congrès
publie une lettre au ministre - pour pro- j
tester contre cette injuste décision du
gouvernement anticlérical de M. Zanar.-
delli. ■ ■ '■■■. - -,
C'est un document important qui fait i
bonne justice de tous les arguments du
gouvernement maçonnique. ,
UNE TREVE
Depuis quelque temps, par suite
de divers incidents, de vives polé
miques ont eu lieu entre catholi
ques au sujet de la démocratie
chrétienne et, selon le terme favori
des réfractaires, des « abbés démo?
crates ». Nous n'avons pas cru né
cessaire d'entrer dans. ces débats
devenus très vite très personnels.
En nous y mêlant nous, aurions
risqué de les accentuer. Vraiment
ce n'était pas nécessaire et ce n'eût
pas été opportun.
• Sans rêver . une paix définitive,
dont nous doutons que l'heure soit
venue, nous voudrions une trêve
prolongée. N®tre affaire à tous au
jourd'hui n'est-elle' pas de nous en
tendre pour la lutte éleetorale?
Unissons-nous donc cpntre rennemi
commun, nous viderons plus tard
nos différends. Que ce serait facile
si tout le monde obéissait à qui il
faut obéir ! -
L'appel que nous renouvelons ici,
la Démocratie chrétienne vient de le
faire à un autre point de viie dans
son numéro de riovembre. Son di-?
recteur, M. l'abbé Six, demande que
l'on cesse de mêler l'école des dé
mocrates chrétiens à . toutes . les
questions sur les
troverse entre catholiques. Voici
une partie de .ses observations :
. ...^ -i- - *.hf - '•
Nous tenons à protester de nouveau
contre ces regrettables et incompréhen
sibles confusions. La démocratie chré
tienne n'a absolument rien à voir avec la
Téforme de la prédication, pas plus qu'a
vec l'exégèse ou l'apologétique nouyelle ;
et c'est ^me véritable folie que de vouloir
à toutes forces l'y mêler.
La démocratie, chrétienne a pour but
immédiat la reconstitution de l'ordre so
cial chrétien sur les bases de la justice
et de la charité, et pour guides, dans
cette grande œuvre qui ramènera le peu
ple à Jésus-Christ, les enseignements de
l'ETglise et des Papes, en particulier de
Léon XIII.
Développement de l'action bienfai
sante envers le peuple, diffusion ■ des
Encycliques sociales de Léon"XIÏI : voilà
en deux mots la démocratie chrétienne.
Qu'on' l'attaque donc sur ce terrain, à
la bonne heure ! Mais de grâce qu'on ne
l'incrimine pas à propos de la prédication .:
ou du dogme de l'Incarnation ou de la
Rédemption : cela finirait par faire haus
ser les épaules de piti.é, ou par révéler le
secret de certains cœurs.
Pour conclusion la Démocratie I
chrétienne voudrait 1 qu'on mit un'
terme à nos discordes. U Univers, j
plus tolérant ou moins confiant, ré
clame seulement un arrêt de six
mois. Ce temps écoulé il ne s'oppo
serait certes pas à une prolonga- ;
tion.
... ; v e. v:
l'OPTIMISME OFFICIEL M ANfiLETERBE
M. Brodriclc, ministre de la guer
re, a prononcé hier à Londres, dans
un- banquet' politique, un intéres
sant discours sur Pétât des choses
en Afrique Australe. D'après l'a
nalyse qu'en donnent les agences,
l'honorable ministre s'est surtout
préoccupé de répondre aux princi-
Eaux reproches que l'opinion pu-
lique, qui ne partage plus main
tenant l'optimisme onieiel, adresse
de tous côtés au ministère.
Après avoir célébré, du reste à
très bon droit, le gigantesque effort
qu'il a fallu déployer pour trans
porter à 2;500 lieues plus de 250,000
hommes avec tout le matériel de
guerre et d'approvisionnement que
comporte uné" telle entreprise, le
ministre a - essayé de _ disculper
le gouvernement anglais au sujet
des camps de concentration, et il
n'a rien trouvé de mieux, pour ex
cuser cette terrible mortalité des en
fants et des femmes dont le monde
civilisé s'indigne, que de l'imputer
à l'ignorance et. à rentêtement des
femmes boers qui refusent sou
vent, dit-il, les soins du médecin.
Quant à l'exaspérante durée de la
guerre, elle est due, paraît-il, à ce
fait qu'elle a été conduite et pour
suivie par les officiers anglais avec
beaucoup trop, i d'humanité ; il en
rend aussi responsable le parti li
béral, dont les critiques injustes
et passionnées, à propos des af-
rrt ^ M A r* /J n rti] n<\l m a m . /\»i> mm a —
entretenu chez eux de folles illusions
et d'irréalisables espérances.
Pour achever de réconforter l'o
pinion,M. Brodrick.lui fait entrevoir
comme prochaine la complète ex
termination de tous les Boers en
état de combattre, attendu que déià
42,000 sont prisonniers, que 11,000
ont été tués, et que présentement
ils n'ont tout au plus sous les ar
mes qu'une dizaine de mille hom
mes!
- Le malheur est que M. Brodrick
ne semble pas avoir tenu compte,
dans qette énumération complai
sante, de la colonie du Cap et des
Afrikanders, dont l'état d'esprit
-n'est rien maoins que rassurant. Des
correspondances diverses, mais
toutes anglaises d'origine et de
sentiments, ne laissent aucun doute
à cet égard : presque toute la co
lonie, jusqu'aux approches mêmes
de la ville du Cap, continue d?être
Earcourue par des commandos
oers ou afrikanders; repoussés
.d'un district, ils passent dans un
district voisin, et malgré les éner
giques et habiles efforts du général
French, ils fatiguent, ils épuisent
les forces anglaises de plus en
plus impuissantes à maîtriser une
pareille situation.
Tout cela se comprend, lorsqu'on
voit que les correspondants dont il
s'agit sont obligés d'avouer que les
deux tiers de la population sont de
cœur et d'âme avecies Boers; aussi
peut-on dire que l'esprit de rébel
lion couve sourdement dans toute
l'étendue de la colonie, quand il né
se manifeste pas ouvertement en
faisant cause commune avec les
Boers.
Il y a là un tableau qu'il faut met
tre en regard des résultats et des
chiffres qui rassurent M. Brodrick
et avec lui le ministère, mais qui
ne sauraient abuser bien longtemps
désormais l'opinion publique à la
quelle parviennent, par les voies
privées, et malgré la censure du
War Office, des informations tout
autres que celles que lui fournit
l'optimisme officiel.
F. L.
ÇSà et là
L'ODYSSÉE D'UNE FAMILLE N013LB
SOUS LA TERREUR (i)
Un soir d'hiver de l'année 1788, un
jeune homme, le chevalier de Lamase,
plus avantageusement connu soub le
nom de chevalier du diable, s'était at-
tardépar les chemins en compagnie d'un
médecin, Limousin comme lui, mais plus
âgé et peut-être plus timide, le docteur
Gyoux. Les cheminB étaient alors peu
sûrs, le blé était rare, le pain était cher,
et les attaques sur les grandes routes se
faisaient fréquentes.- Au détour d'un
chemin creux, deux scélérats masqués
Burgirent et jetèrent aux voyageurs at
tardés la phrase jadis si connue : « La
bourse ou la vie !»
Mais ils avaient affaire à forte partie.
Le chevalier du diable; âgé seulement
de dix-neuf, ans, ne craignait point les
coups, qu'il s'agît d'en donner ou d'en
recevoir. Il bondit sur le plus fort, le dé
masqua et allait, en mauvais chrétien,
lui rendre la monnaie de sa pièce, quand
le misérable l'implora d'une voix si
émue que le chevalier du diable lui fit
grâce de la vie, non sans avoir contem
plé une face lourde et pustuleuse qu'il
devait reconnaître bientôt.
— Les chemins sont peu Bûrs, dit
alors le médecin, qui était à grand'peine
Venu à bout de son adversaire, abritons*
nous pour cette nuit chez le marquis du
Saillant, dont nous voyons le château
éclairé à une légère distance de. nous.
Le marquis ne nous refusera pas l'hos
pitalité. II a d'ailleurB dix-huit filles
charmantes, ajouta-t-il à l'adresse du
jeune homme, et la soirée sera plus gaiç
qu'à courir les routes.
Le chevalier d»i diable fit la grimace,
car lea aventures le tentaient plus que le
Coin des cheminées et leB dix-huit filles
du marquis lui paraissaient moins inté-
ressantës que les détrousseurs de bour^
ses, à qui il pouvait infliger une correc
tion. Cependant, par égard pour son
vieux compagnon, il se résigna et alla
(i) Voleurs et volés. Monographie d'une
famille noble',en Limousin pendant la Révo
lution, par Paul de Lamase, Chamuel, édi
teur.
FEUILLETON DE L 'univers
pu 15 novembre 1901
LE MOUVEMENT SOCIAL
Le « paradis des ouvriers ».
II
Le minimum de salaire légalement et pro
fessionnellement établi à Melbourne. — ;
Les résultats. — Le protectionnisme du
« parti ouvrier » australien. Un pays
sans crèves : la Nouvelle-Zélande. — Le
Board of conciliation. L'arbitrage,
obligatoire. - Que conclure de ces
« expériences sociales »?
Dans une précédente Chronique (1),
nous avons étudié, surtout d après un
ouvrage- récent de M. Albert-Métin (2),
quelques-unes des « expériences socia
les » qu'on fait actuellement dans les co
lonies anglaises des antipodeB — dans
ces pays que l 'on surnomme parfois le
« paradis des ouvriers ». Nous avons
montré comment, la-bas, les Trade-
Unîoîis surent profiter des circonstances
économiques pour obtenir des patrons la
journée de huit heures. Cette « con
quête », due â l'action purement syndi
cale, semble à peu près généralement
(1) Cf. Univers du yendre# 3 novem
bre 1901. ..
(2) Le Socialisme sans doctrines j* .- A r
can, éditeur). Sur ce sujet, on peut lire en
core des articles de M. Pierre Leroy-Beau-
lieu dans la Revue des Deux Mondes (an
née 1896).'
acceptée (3).Il n'en va pas de même pour
le minimum de salaire légalement et
professionnellement établi à Melbourne
et pour l'arbitrage obligatoire institué
en Nouvelle-Zélande, dont nous allons
aujourd'hui parler.
.. ♦ ï
# # s
Le minimum de salaire fut organisé
dans l'Etat de Victoria pour remédier au> :
sweating system, c'est-à-dire au système j
des longues journées de travail pour un
faible salaire. • i
Une commission officielle avait cons
taté, en 1894, au cours d'une enquête,:
que, dans plusieurs professions exercées!
à domicile, il se produisait de très re-i
grettables abus (4)^: c'est ainsi,par exem-
. Miiiiii-» innniiRM* 1 " 1 1 |
(3) « Je n'ai trouvé en Australasle per-;
sonne qui fût contre la journée de huit à i
neuf heures, écrit M. Albert Métln (paye-
132) ; chacun donnait pour expliquer cette i
opinion la même raison, savoir : que l'in-!
tensité du travail est plus grande avec lai
journée courte. » ■ i <
(4) En Australie « le sweating system
existe dans les grandes villes; il sévit con--
tre les étrangers, qui, ne connaissant pas
la langue ni les usages du pays, acceptent
de travailler à n'importe quel prix pour ne
pas mourir de faim- 11 sévit plus régulière-i
ment encore contre les femmes et les jeu
nes filles qui se font concurrence les unes»
aux autres ; certaines, en effet, vivent des;
salaires de leurs maris ou de leurs parents,;
et ne travaillent que pour se procurer un'
supplément de revenu; elles prennent donc
l'ouvrage à très bas prix, et avilissent ainsi
j«« salaires des veuves ou âea ■ isp)éps ^ul
travaillent pôlir vivre ». Le 'syeUing Sys
tem, à Melbourne, était surtout pratiqué
dans l'industrie de la confection et dans
pie, que, dans la confection, des femmes
travaillaient de douze à quatorze heures
par jour pour 13 à 15 francs par se
maine !
Comme toute commission officiélles
cîlle dè. Melbourne rédigea un volumi
neux rapport et proposa bon nombre de
mesures ; mais, comme nous sommes
aux antipodes, ces mesures, bohnés ou
mauvaises,firent aussitôt l'objetd'une loi,
immédiatement appliquée.
La principale dès innovations intro
duites en 1896 fut la création des Con
seils spéciaux ( Spécial Boàrds).
Cgs Conseils présentent pour nous un
intérêt particulier : à oertains égards, en
effet, ils peuvent être comparés aux con
seils mixtes et professionnels dont, les
programmes des ~ catholiques sociaux
préconisent l'établissement dans nos di
vers pays d'Europe, Mais ' par l'exposé :
que, . d'après l'ouvrage de M. Métin,
nous allons faire de leur organisation,
on verra que l'analogie ne porte que sur
quelques points : les conseils australiens
ont des attributions limitées aux seules
questions du salaire et de l'apprentis
sage ; les porte-paroles du catholicisme
social réclament, au contraire, ^organi
sation professionnelle dans toute son am
pleur etàvep tputes ses conséquences. Il
y a là une différence considérable qui, :
dans la pratique, se traduirait presque
eertaineuient par qne différence de ré?
sultats : on. ne. peut donc, en bonne jus
tice; motiver une opinion sur .la valeur
d'une des deux institutions en s'appuyant
Tébénistprie ; daps çette (Jerpipre profes
sion, les Chinois étaient employés en grand
nombre et travaillaient à vil prix.
sur les expériences faites de l'autre sys
tème.
. »
* *
Ceci dit, voyons comment le législa
teur de l'Etat de Victoria a compriB le
fonctionnement de ces corps profession
nels.
LeB Spécial Boards doivent être ins
titués par un décret du gouverneur dans
chacune des professions qui paraît ou
paraîtra menacée par le sweating Sys
tem. Aucune autre limite n'est apportée
à leur extension : on pourrait donc, en
principe, « placer sous un conseil », suir
vant l'expression consacrée, toutes les
industries de la métropole et des parties
de là colonie dans lesquelles la loi a été
promulguée.' .
Quand une profession a été ainsi
« placée soûs un conseil », ce conseil eBt
élu moitié par leB patrons, moitié par
les ouvriers. Les électeurs patrons sont
tous ceux qui payent patente ; les élec
teurs ouvriers, tous çeux qui peuvent
établir qu'ils sont employés dans le
métier. Deux rôles sont dressés : l'un
pour les travailleurs de fabrique, l'au
tre pour les travailleurs en chambre;
ces derniers ont droit à une représen
tation distincte s'ils forment plus d'un
cinquième du total ; Binon, ils votent
avec les autres,
La liste ;des candidats et le jour du
scrutin sont portés à la connaissance des i
électeurs qui peuvent soit remettre eux-
mêmes leur bulletin chez l'inspecteur en
cbef des manufactures, spit voter par
correspondance. Suivant l'usage anglais,
les candidats sont considérés comme élus
sans scrutin, s'ils ne sont pas plus nom
breux que les places à remplir.
Les ouvriers ont chacun une voix, les
patrons de une à quatre voix, suivant le
chiffre de leur patente, mais dans le Spé
cial Board leB deux représentations sont
égaleB : cinq personnes, de chaque côté
prises parmi les électeurs.
Chacun des conseillers a droit à des
jetons de présence de 5 francs pour une
demi-journée, et de 10 francs pour une
journée entière ; il touche aussi une in
demnité de déplacement s'il demeure à
plusde 60 kilomètres de Melbourne. ' J
Le premier soin du Conseil, une fois
réuni, doit être de nommer un président,
pris hors de Ses membreB : si l'élection
n'a pas eu lieu au bout de deux semai*
nés, le président est désigné d'office par
le gouverneur.
Les pouvoirs que la loi donne expres
sément à ces Spécial Boards consistent
à fixer : 1* le salaire minimum au temps
ou aux pièces dans la profession ; 2* la
proportion du nombre des apprentis, au-
dessous de dix-huit ans, par rapport au
nombre des ouvriers.
Les décisions du conseil sur ces deux
sujets sont communiquées au gouverne*
ment, publiées dans la Qovernment Ga
zette et, dès lors, ont force de loi. Elles
doivent, comme les lois de protection
ouvrière, ^tre imprimées et affichées dans
les usines : elles devront en outre être
mises entre les mains des travailleurs en
chambre.
Ces décisions sqnt prises pouf un
tergpg déterminé : le Board seul peut les
modifier ou les proroger. Le gouverne
ment n'intervient que pour leur donner
force légale.
' •
* •
Nous venons d'exposer les grandes li
gnes de la loi victorienne qui organise
des corps professionnels charge's de fixer
un salaire minimal. Il nous faut voir
maintenant les résultats de cette institu
tion. ■
Tout d'abord, il faut remarquer que, la
loi étant de date très récente, on ne sau
rait formuler à son sujet un jugement
définitif : toutefois l'ouvrage de M. Métin
apporte un certain nombre de faits inté-.
ressants qui permettent d'entrevoir lés
difficultés de la tâche entreprise et mon
trent quelques-uns des défauts du sys
tème, — tel du moins qu'il est en vigueur
en Australie.
Depuis la promulgation de la loi, plu
sieurs professions ont été a mises sous
des conseils ». Ce sont : la boucherie, la
confection, la chaussure, la lingerie et
l'ébénisterie.
Lors de la constitution de ces Conseils
mixtes, on a constaté en général asse*
peu d'empressement parmi les électeurs,
même parmi les salariés. Dans une des
professions (lingerie féminine), le gouver
neur a dû nommer d'office le représen-i
tant des ouvrières en chambre. A ce pro
pos, M. Métin fait observer « qu *il n'est
pas étonnant que les catégories les pluB
mal payées et celles qui renferment le
plus de femmes, soient les moins orga
nisées çt par suite les moins prêtes à une
action d'ensemble ». Dans l'ébénisterie, •
on a cru devoir modifier le mode de no
mination des membres du conseil : les
Chinois forment la majorité des ouvriers^
c'est le gouverneur qui a été investi du
droit de choisir le» délégués et, naturel*
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