Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-11-09
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 novembre 1901 09 novembre 1901
Description : 1901/11/09 (Numéro 12310). 1901/11/09 (Numéro 12310).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710899n
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 9 Novembre 1901
illtin (« o MI om ■» if,810
V 19 01) /
Samedi 9 Novembre 4 l Ô01
ftawaMa^eiii HinwiurmiMHnM
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale)
tJn ail.;....... 40 » 5i »
Six mois...... - 21 » 26 50
- ' 3 Troii'moîfe.'.... 11 ' » 14 » ' '
Les abonnements partent dos 1" et 18 de chaque mol»
UN NUMÉRO
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
: et départements (union postal^.
Du an.. , 20 * » 26 »
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Parist.
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On s'abonne à Rome, place du Ges&, 8
' sSïT
LE MONDE
' Les abonnements partent, des 1" et 18 A« chaque mol*
L'UNIVERS nè'rêpond pas -des manûtcrUs qui lui s ont adressés
: >.v, AT j5FONCES
MM. LA.GRANGE, CERF et G", 6, place de ia Bourse
vfm*
PARIS. 8 NOVEMBRE 1901
- >4' ' ~ ■ -,~ t }
bo
A propos deMitylô-
" ne E ugène Ta . vernie*.
Çàet là: Psychologie '
des foules P rosper G érald. !
A la Chambre..... J. M antenàt.
Au Sénat..... J. E stérac.
Coup d'épéede théâ-
' tre G. d 'A. ;
Lettres d'Allema
gne. .............. Y•
A Notre Dame des
: Victoires......... E douard A lexandre
Bulletin. — Vingt ans avant. ~ Le cardi
nal Rampolla et la France. — Les con
grégations. — Lettre du Souverain " Pon
tife à Mgr Chapelle. — Le conflit franco-
- turc; — Informations politique» et par-
■ Iementaires. — Chronique électorale.--
La mort de Li-IIung Chang. — ls> guerre
du Transvaal. — Etranger. — La grève
deB mineurs. — Chronique. — LaUrea,
• sciences et arts. — Sénat,—Echos de
partout — Erratum. — Protestation des
s Toulonnaises. — Le, livre de poche du
• soldat. — Nécrologie.' — Tribunaux. —
Nouvelles diverses. — 'aïenan^-ri — Ta
bleau et bulletin de la Bourse..— Derniè
re ùeure.
A PROPOS DE lilITYLÈNE
En masse, le public approuve
les mesures qui viennent d'être pri
ses contre la Turquie, mais il res
sent un certain embarras à se dé
clarer satisfait.
L'affaire a été engagée par des
procédés - bizarres, tardifs, brus
ques et détournés. On se demande
comment elle sera conduite ; si elle
aboutira simplement à faire recou
vrer la créance Lorando et compa
gnie; si elle nous mettra dans la
nécessité de conserver un gage, ter
ritorial; si les. autres nations ne
voudront pas plus tard réclamer et
recueillir un bénéfice du même
genre ; si elles s'entendront pour se
partager encore quelques gros
morceaux de l'empire musulman
établi en Europe depuis six siècles;
si les rivalités - ne risquent pas de
faire surgir de gros conflits, im
menses, effroyables, tellement ef
froyables qu'ils étaient, depuis as
sez longtemps, considérés à peu
près comme irréalisables. On se
demande cela et autre chose, et
faute de savoir sur quoi raisonner
avec un peu de justesse, on finit
par s'abstenir de rien calculer, en
s'efforçant de se persuader que l'é
vénement suivra son chemin sans
trop de complications ; ce qui, après
tout, reste probable.
. Tel se manifeste l'état d'esprit
d'une natien qui fut très fîère et
très audacieuse; qui mérita d'être
appelée le cœur, -le cerveau et le
bras de l'Europe; qui eut la joie et
l'honneur de se voir redoutée, en
viée, aimée.
Elle ne comprend plus qu'à moi
tié ce qu'elle fait, ne sait plus ce
qu'elle veut et ignore qui la gou
verne. Dans ces conditions, com
ment distinguera-t-elle la logique
des aventures 'qui l'intéressent?
Cette histoire de la créance Lo
rando, ' des quais de Constanti-
nôple et d'autres affaires de la
même espèce, semble masquer un
sujet bien plus important, négligé
par lassitude et par faiblesse, bien
qu'on en comprît généralement la
haute valeur. Notre situation dans
le Levant, nos droits, notre pres
tige, nos écoles, nos missions ont
souffert d'un abandon qui équivaut
pour nous à une défaite. Voici déjà
de longues années passées depuis
que les Turcs, les gros pachas
comme les vulgaires pillards, se
sont persuadés qu : ils n'ont désor
mais plus rien à redouter de la Fran
ce. En vain des voix inquiètes et
suppliantes nous ont dénoncé le
continuel, affaiblissement de notre
autorité. Nous n'avons pas répondu
à ces appels, ét nous avons laissé
les autres nations européennes en
vahir notre place. Même l'Amé
rique s'en est mêlée ; et il paraît
que la doctrine de Monroë, qui en
tretient l'ardeur conquérante des
Etats-Unis, concernerait l'Asier
Mineure comme le Japon et la
Chine. La France abdique ; la Fran
ce ne veut plus s'occuper que de
combattre la religion chrétienne et
de préparer, l'avènement du collec
tivisme ! Cette étrange rumeur s'est
propagée et s'est confirmée. Il y a
des législateurs français qui ont
adopté ce programme, une presse
qui veut I imposer, des ministres
qui n'osent pas le contredire.
Peut-être M. Constàns a-t-il été
poussé par un sentiment d'humilia
tion insupportable. Peut-être a-t-il
employé l'affaire Lorando, comme il
en aurait employé toute autre,pour
mettre le gouvernement dans la né
cessité d'agir. La grande difficulté
était de. sortir de la torpeur. Ja
dis, nous inaugurions la lutte en
déployant l'étendard de la croix.
Aujourd'hui, c'est la bannière Lo
rando qui rallie notre flotte et no
tre armée. Pourtant, mieux vaut
encore arborer un pareil insigne
,qtie d6 continuer à se cacher.
I
Sans doute, le ministère des af
fairés étrangères supportait îavec
peine l'abaissement qui était de
venu son rôle;"mais M. Delcàssé
craignait la Chambre ; et il n'avait
pas tort, puisque, l'autre jour,
quand M. Ribot à eu le courage de
faire allusion à nos missionnaires,
l'extrême gauche a proféré des hur
lements de ménagerie.
Quelles complications et quelles
ruses pour envoyer à la division
navale l'ordre de marche ! Il a fallu
mettre à profit les opérations de
l'escadre, puis simuler une manœu
vre ordinaire Elle était sans doute
"préparée d'avance la dépêche Ilavas
qui annonçait que l'escadre venait
dp rentrera au grand complet».
.Puis l'amiral Gaillard filait le. plus
loin possible des routes fréquen
tées par les navires. Il devait dispa
raître pour; qu'on ne 'l'empêchât
oint d'aller notifier la volonté de
a France.
; A Paris, dans le sein de la repré
sentation nationale, M. Waldeck-
Rousseau médite le moyen de pro
téger en Turquie les congréganis-
tes voués en France à toutes les in
dignités; dénoncés, dépossédés,
frappés par lui. Peut-être il pense
à Richelieu qui, combattant les pro
testants sur notre territoire, soute
nait au delà les protestants étran
gers.
Ou plutôt, il se dit qu'une fois « le
« drapeau engagé », le cabinet aura
beaucoup moins à craindre les pé
rils parlementaires. Ne croyez ^pas
qu'if oublie de calculer le bénéfice
qu'une entreprise navale peut lui
procurer lors des élections. Il
compte, gagner; du prestige, il
compte se rendre nécessaire. Ayant
inventé et lancé^pour vivre,l'odieuse
loi des associations, il nedoit pas
être fâché qu'uii conflit extérieur
s'élève, à la faveur duquel il pourra
plus facilement contenir ses adver
saires. L'ingénieux ministre se'van
tera de défendre l'honneur de la pa
trie, le droit des Religieux par lui
condamnés à l'exil, la tradition du
peuple chrétien, puisque, dans le
langage diplomatique vis-à-vis de
l'Islam, c'est encore le titre par le
quel la France est désignée. On ne
dira pas du moins que.M. Waldeck-
Rousseau n'est pas roué; et lui-
même goûtera un vif plaisir à s'en
tendre reprocher d'avoir exploité
notre intérêt et notre ; prestige exté
rieur pour ses opérations électo
rales. « ■ . .. .- s .< .
Eugène T avernier; , ;
"BULLETIN
Au Sênatt M. Lavertujon a questionné
le président du conseil sur tes agisse
ments scandaleux du préfet-policier Ed
gar Monteil..
L'exposé très net des abus de pouvoir
du cabotin raté devenu, par une longue
suite d'avatars, proconsul jacobin de là
Haute-Vienne, — et la lecture édifiante
des à fiches » collectionnées par ce sin
gulier fonctionnaire ont montré de
quels abus peuvent être victimes!, *sous
le gouvernement de « Défense républi
caine», les plus inoffensifs parmi les ci
toyens.
Pas n'est besoin de dire que M. Wal-
dech-Rousseau a tout couvert, tout ap~
prouvé — se félicitant que . son préfet
ait mérité les attaques des trois séna
teurs républicains au département
La Chambre a poursuivi paisible
ment le débat sur la marine marchande,
et entendu ,M. Caillaux sur des consé
quences financières du projet.
Le contreramiral Gaillard a saisi les
douanes de Mitylène, mais a élé mis,
par la. rupture des lignes télégraphi
ques entre l'île et Const&ntinople, dans
l'impossibilité de communiquer avec
M.Bapst.
Notre ministre des affaires étrangè
res adresse aux puissances une circu
laire pour exposer les griefs de la
France contre le gouvernement turc, et
signifier le but précis que nous pour
suivons.
Le sultan, après de nouvelles tenta
tives d'atermoiement, vient officielle
ment de se déclarer disposé à céder sur
tous les points.
* A la suite d'un conflit entre le minis-
tre des finances espagnol et la commis
sion du budget, à propos du crédit re
présentant la prime du change, M. Ur-
zaiz a annoncé sa démission.
Une crise ministérielle serait donc
inévitable ; on pense toutefois qu'il n'y
a eu Ik qu'un malentendu, encore facile
à dissiper. ;. ; . • . . -
Un dîner de gâta à été donné, hier
soir à la Iiofburg, en l'honneur du roi
de Grèce; les ministres et plusieurs
hauts dignitaires, notamment le haut
commissaire en Crète, y assistaient.
On dit toujours que la question de
l'annexion de la Crète à la Grèce a été
agitée au cours des entrevues entre
l'empereur et Georg es I".
Nouvelle exécution en Angleterre :
c'est maintenant lord Charles Beres-
ford qui va être privé de son com
mandement en second de la flotte de la
Méditerranée, et qui va être mis à ia
retraite.
Dans une lettre rendue publique, Ga
rnirai anglais avait déclaré cette esca
dre incapablederemplirsamission.^
Li-Hung-Chang est mort.
Si souvent le vieil homme d'Etat chi
nois avait joué des maladies diplomati
ques qu'on aura quelque peine à admet
tre la réalité de sa fin dernièrex •. -
On n'en peut point douter ; les détails
sur son agonie et sur 1a lutte engagée,
au chevet même du moribond, entre
l'empirisme chinois et la médecine eu
ropéenne, sont d'une absolue préci
sion.
VINGT ANS AYANT
Il y a juste vingt ans que Gam
betta abandonna la présidence de
la' Chambre, — où il venait de pas
ser. trois . années . singulièrement
heureuses,-r-pour former ce cabinet
qu'on appela le « grand ministère »
et qui ne ^devait , avoir qu'une exis
tence éphémère...
On connaîtra peut-être un jour le
rôle joué par M. Jules Grévy, qui
était Alors, président de la .Républi
que,- dans les négociations.qui ame
nèrent Gambetta à la présidence du
conseil. Bon gré,> malgré, ce dernier
dut quitter le Palais-Bourbon. Trois
mois après, il était renversé. Sa
chute fut " produite par diverses
causes qui ne sont pas encore com
plètement connues. Un àin plus
tard, — le 31 .décembre ,1882,—
Gambetta mourait. « Quand donc
finira, disait-il quelques instants
ayant de rendre le dernier soupir,
quand donc finira cette .année qui
m'a abreuvé de tant d'amertume ! »
En novembre 1881, Gambetta
avait donné le portefeuille de l'inté
rieur à un dé ses amis qui devait
avoir une haute fortune : M. Wal-
deck-Rousseau.
Ajoutons que le journaliste qui
combattit ' avec le plus d'acharrte-
nement le cabinet Gambetta-Wal-
deck, fut le comte de Lanessan, au
jourd'hui . ministre de la marine et
collaborateur du même Waldeck.
Qui donc disait que le comte de La
nessan était radical? Voilà de l'op
portunisme, cependant 1
Çjà et là
PSYCHOLOGIE DES FOULES
Lorsqu'il a circulé un jour durant, de
bouche en bouche, de maison en maison,
-de quartiér en quartier, le plus mince
incident dé la vie quotidienne, a,vite fait
de prendre des proportions colossales,
«elles d'une affaire d'Etat. C'est toujours
l'éternelle histoire que La Fontaine nous
conta jadis'dans sa fable: Les femmes
et le secret :
Comme le nombre d'œufs, grâce à la re-
[nommée,
De bouche en bouche allait croissant^
? Avant la fin de la journée ;
Ils se montaient à plus de cent.
Ce n'est pas d'hier que les choses se
passent de la sorte et il y a bien des
chances pour que demain ressemble sous
ce rapport aux jours disparus, témoins la
page suivante dans laquelle Léon Gau
tier, parlant de ses chères épopées na
tionales, a rapproché du travail lente
ment accompli par l'imagination popu
laire, de l'action latente de la légende
sur un fait historique, une scène vécue
qui se déroula sous ses yeux pendant lu
dernière guerre :
A peine le fait "historique est-il éclos; et,
le jour même de son éclosion, la légende
commence à le défigurer.
Le premier procédé de la légende et celui
qu'on retrouve dans la poésie de toutes les
races, c'est l'exagération. La légende ne
voit jamais les choses qu'à travers un verre
grossissant. Elle ressemble au peuple ou,
pour mieux dire elle est peuple. Voici une
bataille à laquelle dix mille hommes ont
pris part : la légende et le peuple (c'est tout
un) en volent cent mille, deux cent mille,
trois cent mille, et ce nombre va sans cesse
en augmentant. Il m'a été donné d'assister
mol-même à ce phénomène étrange de l'am
plification légendaire. C'était pendant le
siège de Paris. Nos soldats avaient fait à
Chevilly quelques prisonniers prussiens
qu'on ramenait avec une joie trop facile à
comprendre Une foule immense se préci
pita sur leur, passage et, tandis qu'on les
attendait, la légende fit sa besogne. « Us
sont dix mille ! » s'écriait-on vers, quatre
heures. A cinq heures on se disait d'un air
entendu : « Ils «ont certainement vingt
mille. » Une heure après, on en était à qua
rante mille. Si l'attente s'était prolongée,
ils auraient bien été cent mille, En réalité,
ils étaient dix. Mais une remarque que je
fis encore ce jour-là, c'est que le nombre de
ces fameux prisonniers progressait à raison
du carré des dista- ces. Près* des bastions,
on n'était pas trop éloigné du vrai chiffre;
mais au Panthéon le -chiffre avait décuplé,
et il* avait centuplé à Notre-Dame. Ainsi
vont encore les choses, et vous pensez bien
qu'aux IX e et X e siècles elles n'ont guère
pu se passer autrement. .
La suite de la dissertation applique ce
principe aux batailles de Roncevaux et
de Villedaignes,.:faits d'une- importance
toute; secondaire d'où sont sorties, l'ima
gination populaire et le génie du poète
aidant, notre incomparable Chanson de
Roland et la non moins touchante Chan
son d'Aliscans. J'aimeràis à suivre dans
cette voie ' le savant érudit, le fier
croyant que fut Léon Gautier, si je n'a
vais moi-même à citer un jexempley non
plus » d'amplification légendaire », mais
bien d'auto-suggèstion.
Je causais tout récemment, avec un
de mes amis, des attroupements si vite
formés et Siiongs à se disperser que l'on
rencontre à chaque instant dans lés rues
et sur les. boulevards de Paris. Ce n'est
pas que la chose ne soit des plus natu
relles ; quoique tout le monde Àoit pressé
dans la capitale,. —an le dit,' et Je veux
bien le croire, — il y a enc-ere dans la
foule beaucoup d'oisifs. Mais un détail
m'avait frappé: la conviction avec la
quelle de bonnes gens, arrivées un quart;
d'heure après un accident quelconque,;
.rencontre deyoitures ou chute de cheval,!
si vous voulez., racontent à leurs voisins,
avec gestes à l'appui, comment les choses
se sont passées.
— J'ai vu mieux que cela, me dit mon
-ami qui est docteur-médecin, et je faillis;
être le dindon de la farce. Un jour, j'a
vais pris un iiaere. J'avais un malade à
voir et j'étais préssé. Comme le. cocher
l'était beaucoup, mo|ns que. moi, je lui:
demandai très poliment.de forcer un peu
la marche de son bucéphale ■: il n'en fit
rien. J'insistai : le cheval ne maroha pas:
plus vite. Ea désespoir de cause, je lâ
chai mon bonhomme .à la gare Saint-La
zare, et ; je • le . payai sans, lui donner le
moindre pourboire. Cela ne faisait pas
son compte. Il eut un mouvement d'é
paules caractéristique qui ne m'étonna;
points S'il s'en était tenu là! a Espèce de
purée », dit-il assez haut pour être en
tendu. Et moi .qui étais déjà agacé, par
ce qui venait de se! passer, je m'oubliai ;
jusqu'à lui donner:un coup de canne dans
le doB. J'eus tort, je.l'avoue, mais sur le
moment 1. . Et mon cocher, un fier gail
lard de la Creuse, de. descendre aussitôt
de son Biège, ; pour engager avec moi une
de ces .luttes pour lesquelles je ne me'j
sens point taillé. . , '
« Naturellement on. fit Jïien vite cercle :
autour de nous. Comme l'automédon
•criait plus fort que moi, la foule prit fait
■et cause pour lui.-Elle m'aurait -même
fait un mauvais parti, mais un gardien
de la paix survint.qu'il fallut suivre au
poste. Trois témoins* choisis sur place,
nous accompagnaient : l'un d'eux, un
ancien gendarme, je suppose, était déco
réde la médaille militaire, o
«Le secrétaire du commissaire de poli
cé, procéda tout d'abord à lïnterrogatoire
des témoins. Ceux ci, comme larrons en
foire, donnèrent un récit à peu près iden
tique ; on eût dit qu'ils «'étaient enten
dus. .
« — Je passais rue de Rome, lorsque
ce monsieur a frappé d'un violent coup,
de canne le cocher qui ne lui avait rien ;
dit.
« — Vous êtes bien sûr de ce détail!
«— Oh ! absolument sûr^ j'étais aussi
près de ces messieurs que je suis près de
vous à l'heure qu'il est. Alors le cocher a
quitté son siège et sans que le pauvre
diable cherchât à se défendre, ce mon--
sieur est tombé sur lui ; et l'a roué de
coups.
o Interrogé à son tour,le cocher fut heu.
reusement plus honnête.. Il raconta lea
faits tels qu'ils s'étaient passés, sans ou
blier la a. purée p et sans se poser en vic
time innocente qui reçoit des coups et ne
cherche point à se défendre^ Il avoua mê
me avoir frappé fort : du reste mon cha
peau et ma mâchoire l'eussent confondu,
s'il eût parlé autrement.
a On n'avait plus besoin des témoins,
on les expédia, Le cocher, qui aurait
voulu autre chose, dut repartir de même
et je restai seul avec le commissaire qui
venait d'arriver.
« — Vous avez eu tort, monsieur, de
frapper cet homme, me -dit-il avant de
me congédier.
«— J'ai eu tort, c'est vrai, bien que je
ne lui aie fait aucun mal : voyez plutôt
l'arme dont je me suis servi. Mais avouez
qu'il est bien écœurant tout de même de
voir des gens qui ont cependant l'air hon
nête, venir mentir aussi effrontément.
Ce qu'ils ont dit ici, ils l'auraient répété
et dans les mêmes termeB devant le tri
bunal. Il s'agirait d'une affaire capitale
qu'ils ne se comporteraient pas autre
ment. Avec de semblables témoins, on
serait condamné cent fois, serait-on cent
fois innocent.
a— Mais nouB voyons cela tous les jours,
et plusieurs fois par jour. Aussi fai
sons-nous peu de sas de ce que peuvent
dire des témoins ainsi récoltés. Comme
ils n'ont rien vu* rien entendu neuf fois
sur dix, ils se contredisent entre eux ou
bien leurs dépositions diffèrent sensible
ment de celles des intéressés. » -
Et comme mon ami me rappelait une
page lue le matin même dans la .Revue
des Deux Mondes et dans laquelle il est
question du Parisien, « être ardent, ac
tif, imaginatif, toujours en mouvement,
gai..., gobe-mouches, imprudent, versa
tile, spectaculeux », je lui rappelai les
mœurs de nos provinces: du Centre, où
les meilleurs témoins se récusent et re
fusent de déposer pour ne se point créer
d'embarras et ne point sè faire d'enne
mis. '
' Prosper G éîiald.
A LA CHAMBRE
La marina marchande.
La Chambre à coritirixié hier à
discuter lè jprojet dé loi sur la ma
rine marchancle. M. Anthime Mé-
nard, inquiet de la protection que
la ; loi nouvelle va accorder aux
constructeurs, émet la crainte que
les chantiers français ne fabriquent
plus que des bâtiments de guerre,
des voiliers et des vapeurs subven
tionnés. L'orateur estime que la loi
de 1893 ne mérite point toutes les
critiques qu'on en a faites.
M. Allemane, qui succède à M.
Anthime Ménard, est pour les mo
nopoles d'Etat ; c'est dire qu'il est
opposé à toutes les primes; il dé
pose une.. motion .tendant à établir
un service public de construction et
de navigation.
< Puis M. Mirman appelle l'atten
tion bienveillante de la Chambre
sur la situation des gens de mer
Êar rapport à la loi des accidents,
l 'orateur fait observerque 1'inde.m-
nité allouée aux ouvriers d'usine
est très supérieure à celle des bra
ves serviteurs du pays dont il
plaide la cause.
M. Chastenet interroge M. Cail
laux sur les conséquences budgé
taires de la'loi. Le ministreudes fi
nances réplique que la loi de 1893
finirait par coûter soixante mil
lions, alors que le projet actuel
constituera seulement "une charge
de dix huit millions à peine.
Après quelques observations de
MM. d'Agoult, Antide Boyer et
Gautret, la discussion générale est
close.
La motion Allemane, dont nous
avons parlé plus haut, est repoûs-
sée par 448 voix contre 109.
L'amiral Rieuniêr intervient alors :
« Cette loi» dit-il, est des plus ira
portantes, aussi bien pour la ma
rine de guerre que pour la marine
marchande. Je demande l'avis de
M., le ministre de la marine. » :
Le comte de Lanessan, — qui
vraisëmblement ne se soucie point
d'engager une discussion avec le
bouillant amiral,lequel l'a convaincu
de mensonge ily 'a quelques jours,
— le comte de Lanessan . garde, un
prudent 'silence. M. Deschanel fait
une pause* puis voyant que le mi-
mistre de la marine garde obstiné
ment le silence, il annonce que la
discussion des articles commencera
lundi prochain.
J. M antenay.
AU SÉNAT
Les procédés politiques de IX. Montai!.
— La quèstion. dë M. Lavertujon. —
Vote de crédits.
Au début de la séance d'hier, le
Sénat valide l'élection de M. Pi
nault comme sénateur d'Ille et-Vi-
laine et vote divers projets d'inté
rêt local ; puis il décide de fixer
ultérieurement le jour auquel sera
discutée l'interpellation de, M. l'a
miral de Cuverville sur « les me
sures prises récemment par le mi
nistre de la marine et qui auront
pour effet ..d'entraver la. liberté..du
culte catholique à. bord des bâti
ments de la flotte »...
Ceci fait, M. Lavertujon monte .à
la... tribune pour demander, au mi
nistre de l'intérieur des explications
sur les agissements .de. M. . Edgar
Monteili préfet de la Haute-Vienne
Le sénateur républicain rappelle
et précise, on apportant des textes,
les accusations qu'au mois de juillet
dernier il avait formulées contre ce
singulier fonctionnaire : celui-ci,
-conformément au programme qu'il
avait tracé dans son livre VAdmi
nistration de la. République , a orga
nisé dans son département un vaste
système d'espionnage politique,
« affichant la prétention d'être ren
seigné, non seulement sur la for
tune des gens, mais aussi sur la
vie privée de leurs femmes et de
leurs filles».
En terminant, M. . Lavertujon si
gnale la tenue insolente de M. Ed
gar Monteil visitant, le chapeau sur
la tête, l'église de Moutiers, — une
des plus belles églises du Limou
sin— tandis que ce préfet modèle,
« à la Bourse du travail de Limo
ges, écoute l'Internationale avec le
même recueillement qu'il apporte
rait à une audition de la Marseil
laise ». .
Le discours, vif, précis, énergique
de M. Lavertujon * — un républicain
dont on ne peut suspecter le répu
blicanisme, — avait visiblement
gêne la majorité ministérielle. . .
M. Walaeck-Rousseau allait-il
soutenir à fond le compromettant
préfet de là Haute-Vienne? Le prési
dent du conseil est un avocat , trop
retors, pour abandonner une cause
parce qu'elle est mauvaise.,— et
puis il est lié au radicalisme t ma-
çonnique : les fils de la Veuve l'ont
défendu,,envers et contre tous ; ils
exigent qu'en retour le, ministre de
l'intérieur n'abandonne pas un de
.leurs agents les plus actifs. . - .. (
"Aussi, avec un cynisme et une
sophistique hahileté, également re
marquables, M. Waldeck-Rousseau
a nié une partie des faits—les plus
odieux — reprochés à son préfet et,
d'autre part, il a nettement approu
vé le, soin méticuleux que celui-ci
apportait à se renseigner sur les
citoyens sollicitant quelque chose
de l'Etat.
Devant les audacieuses négations
du président du conseil," M. Laver
tujon, indigné de voir mettre en
doute sa parole, demande au prési
dent du conseil de faire une enquête
sérieuse et s'offre à lui ; faire con
naître les moyens de savoir la vérité
dans les quarante-huit heures.
En présence de cette mise en de
meure M. Waldeck-Rousseau reste
muet, impassible : son silence est
un aveu, — et l'extrême-gauche eut
peine à dissimuler son dépit. ■
Aussi, c'est au milieu des applau
dissements du centre et de la droite
que M. Lavertujbn termine par ces
paroles vengeresses : « Les minis
tres de l'intérieur ont les préfets
qu'ils méritent, vous méritez M. Ed
gar Monteil, gardez-le î »
* - Tout l'intérêt de la séance d'hier
était dans la question de M. Laver
tujon, et, sans parti pris, on peut
affirmer que la discussion n'a pas
été favorable au cabinet Waideck-
Millerand.
Après ce débat, le Sénat a voté
l'ensemble du projet, portant ou
verture et annulation de crédits sur
l'exercice .1901. A cette occasion,
M. Riou a très justement constaté
que le déficit, pour l'année couran
te, s'élevait à 295 millions : notre
^situation financière est donc loin
d'être brillante.
= Puis le Sénat s'ajourne à mardi
poïir discuter un projet de loi rela
tif au ^dessèchement d'étangs dans
le dépàrtemerit de l'Ain.
J. E sterac.
LE GABDIML BAilPOLLA ET LA IBM
*• On rencontré assez souvent dans
divers journaux français, et dans
certaines feuilles qui se déclarent
catholiques, des reproches passion
nés dirigés contre S. Em. le car
dinal Rampolla. Le secrétaire d'E
tat est accusé d'avoir des senti
ments antifrançais. Son attitude de
chaque jour et - des actes très im
portants réfutent cette accusation,
àbsoluihënt incompréhensible. Mais
l'accusation s'acharne ! Montrons
encore une fois à quel point elle est
inconcevable, de l'aveu même des
partisans de la politique allemande,
italienne, autrichienne.
- Le Journal de Genève, favorable à
cette politique, attaquait lundi de
nouveau S. Em. le cardinal Ram
polla. Le correspondant romain du
Journal de Genève disait notam
ment :
II.y a longtemps que les catholiques
allemands reprochent au secrétaire d'E
tat sa partialité pour la France, son
mauvais vouloir à l'égard de l'Alle
magne, qu'il ne perd aucune occasion de
manifester, comme, l'incident Spahn en
est une nouvelle preuve. '
■ ■ ..... ...
C'est ainsi que parlent couram
ment les amis de la Triplice. Il ne
devrait y avoir en France personne
qui l'ignore.
COUPS D'ÉPÉE DE THÉÂTRE
La Lanterne '< de ce matin consacre sa
première colonne à attaquer le ministère,
sa deuxième colonne à le défendre.
Ce qu'il y a de curieux;-c'est que la
première, colonne constitue véritable
ment ce que l'on appelle çne « charge à
fond de train » contré un cabinet qui
viole la constitution, et se moque des
droits du pays,
Je constate, dit M. Mauriqe Aliard, que le
ministère nous a mis enétaj de guerre avec
la Turquie en violation dé la Constitution
qui nous régit...
Aujourd'hui, comme sous Louis XIV,
nous sommes à ia merci de ^la poignée
d'hommes que les hasards de là politique
ont, portés a la présidence dè la République
ou aux conseils du gouvernement. A cette
poignée d'hommes il est permis d'exposer
la France aux pires aventures et de l'en
traîner dans les guerres les plus sanglan»
tes ..
• C'est le coup de la carte forcée pratiqué
cyniquement par nos gouvernants ! Et
lundi, nous avons assisté à ce spectacle la«
mentable d'une Chambre qui, bernée, du
pée et.entraînée dans la pire aventure par
ses ministres, n'hésite pas à féliciter ces
ministres et à leur donner carte blanche.
Bref, tout l'article est d'une rarè vio
lence. Jamais le journal de M. Millerand
n'avait été si dur pour son ancien patron
et'les collègués de celui-ci.
Faut-il en conclure que la Lanterné
devient antiministérielle ? — Rassurez-
vous.
Si la première colonne B'indigne de
voir la Chambre « féliciter ces minis
tres. cette poignée d'hommes cyni
ques, etc., la seconde colonne, elle, con
tient des félicitations à l'adresse... de
qui ? de M. Millerand peut être, par me
sure d'exception et de grâce ? — Non, de
M. Waldeck-Rousseau.
La Lanterne est ravie de la façon dont
l'ancien ennemi des socialistes a dé
fendu au Sénat son espion ordinaire ou
extraordinaire, M. Edgar Monteil.
■Tous les républicains approuveront sans
réserve ce langage qui sera certainement
entendu —; et compris— par les fonction
naires. La République doit être défendue,
'elle doit surtout ne pas être trahie par ceux
qui prétendent à la servir.
i .v'-.' . • . - ,
i , Que signifie donc cette ,comédie ? car
il n'y a pas d'autre nom pour qualifier,
chez les. socialistes, une pareille atti
tude. i j
Ces gens-là-se donnent— peut-êtfe
après en avoir demandé secrètement la
permission — le luxe d'injurier le minis-
tère, pour contenter la fraction intransi
geante et révolutionnaire de leurs lec
teurs, qui, sans cela, les lâcherait pour
courir aux socialistes indépendants. '
Mais, au fond, ils ont une peur terri
ble de voir leurs imprécations prisés au
sérieux, et, comme ce commerçant qui
B'écriîût aveo joie : « Enfin ! nous avonB
fait faillite ! » leurs députés disent tout
bas à la Chambre, lorsqu'ils interpellent
le gouvernement : « Pourvu, Seigneur!
pourvu que la majorité ne vote pua avec
nous !» ..
■ G. n'A,
Nous prions instamment eenx de
no» lecteurs dont l'abonnement ex
pire le 15 novembre de ne p&s atten
dre plus longtemps pour le reacs-
"veler# ■
Chaqae demi nae âe ebnugeiikcit
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V 19 01) /
Samedi 9 Novembre 4 l Ô01
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LE MONDE
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L'UNIVERS nè'rêpond pas -des manûtcrUs qui lui s ont adressés
: >.v, AT j5FONCES
MM. LA.GRANGE, CERF et G", 6, place de ia Bourse
vfm*
PARIS. 8 NOVEMBRE 1901
- >4' ' ~ ■ -,~ t }
bo
A propos deMitylô-
" ne E ugène Ta . vernie*.
Çàet là: Psychologie '
des foules P rosper G érald. !
A la Chambre..... J. M antenàt.
Au Sénat..... J. E stérac.
Coup d'épéede théâ-
' tre G. d 'A. ;
Lettres d'Allema
gne. .............. Y•
A Notre Dame des
: Victoires......... E douard A lexandre
Bulletin. — Vingt ans avant. ~ Le cardi
nal Rampolla et la France. — Les con
grégations. — Lettre du Souverain " Pon
tife à Mgr Chapelle. — Le conflit franco-
- turc; — Informations politique» et par-
■ Iementaires. — Chronique électorale.--
La mort de Li-IIung Chang. — ls> guerre
du Transvaal. — Etranger. — La grève
deB mineurs. — Chronique. — LaUrea,
• sciences et arts. — Sénat,—Echos de
partout — Erratum. — Protestation des
s Toulonnaises. — Le, livre de poche du
• soldat. — Nécrologie.' — Tribunaux. —
Nouvelles diverses. — 'aïenan^-ri — Ta
bleau et bulletin de la Bourse..— Derniè
re ùeure.
A PROPOS DE lilITYLÈNE
En masse, le public approuve
les mesures qui viennent d'être pri
ses contre la Turquie, mais il res
sent un certain embarras à se dé
clarer satisfait.
L'affaire a été engagée par des
procédés - bizarres, tardifs, brus
ques et détournés. On se demande
comment elle sera conduite ; si elle
aboutira simplement à faire recou
vrer la créance Lorando et compa
gnie; si elle nous mettra dans la
nécessité de conserver un gage, ter
ritorial; si les. autres nations ne
voudront pas plus tard réclamer et
recueillir un bénéfice du même
genre ; si elles s'entendront pour se
partager encore quelques gros
morceaux de l'empire musulman
établi en Europe depuis six siècles;
si les rivalités - ne risquent pas de
faire surgir de gros conflits, im
menses, effroyables, tellement ef
froyables qu'ils étaient, depuis as
sez longtemps, considérés à peu
près comme irréalisables. On se
demande cela et autre chose, et
faute de savoir sur quoi raisonner
avec un peu de justesse, on finit
par s'abstenir de rien calculer, en
s'efforçant de se persuader que l'é
vénement suivra son chemin sans
trop de complications ; ce qui, après
tout, reste probable.
. Tel se manifeste l'état d'esprit
d'une natien qui fut très fîère et
très audacieuse; qui mérita d'être
appelée le cœur, -le cerveau et le
bras de l'Europe; qui eut la joie et
l'honneur de se voir redoutée, en
viée, aimée.
Elle ne comprend plus qu'à moi
tié ce qu'elle fait, ne sait plus ce
qu'elle veut et ignore qui la gou
verne. Dans ces conditions, com
ment distinguera-t-elle la logique
des aventures 'qui l'intéressent?
Cette histoire de la créance Lo
rando, ' des quais de Constanti-
nôple et d'autres affaires de la
même espèce, semble masquer un
sujet bien plus important, négligé
par lassitude et par faiblesse, bien
qu'on en comprît généralement la
haute valeur. Notre situation dans
le Levant, nos droits, notre pres
tige, nos écoles, nos missions ont
souffert d'un abandon qui équivaut
pour nous à une défaite. Voici déjà
de longues années passées depuis
que les Turcs, les gros pachas
comme les vulgaires pillards, se
sont persuadés qu : ils n'ont désor
mais plus rien à redouter de la Fran
ce. En vain des voix inquiètes et
suppliantes nous ont dénoncé le
continuel, affaiblissement de notre
autorité. Nous n'avons pas répondu
à ces appels, ét nous avons laissé
les autres nations européennes en
vahir notre place. Même l'Amé
rique s'en est mêlée ; et il paraît
que la doctrine de Monroë, qui en
tretient l'ardeur conquérante des
Etats-Unis, concernerait l'Asier
Mineure comme le Japon et la
Chine. La France abdique ; la Fran
ce ne veut plus s'occuper que de
combattre la religion chrétienne et
de préparer, l'avènement du collec
tivisme ! Cette étrange rumeur s'est
propagée et s'est confirmée. Il y a
des législateurs français qui ont
adopté ce programme, une presse
qui veut I imposer, des ministres
qui n'osent pas le contredire.
Peut-être M. Constàns a-t-il été
poussé par un sentiment d'humilia
tion insupportable. Peut-être a-t-il
employé l'affaire Lorando, comme il
en aurait employé toute autre,pour
mettre le gouvernement dans la né
cessité d'agir. La grande difficulté
était de. sortir de la torpeur. Ja
dis, nous inaugurions la lutte en
déployant l'étendard de la croix.
Aujourd'hui, c'est la bannière Lo
rando qui rallie notre flotte et no
tre armée. Pourtant, mieux vaut
encore arborer un pareil insigne
,qtie d6 continuer à se cacher.
I
Sans doute, le ministère des af
fairés étrangères supportait îavec
peine l'abaissement qui était de
venu son rôle;"mais M. Delcàssé
craignait la Chambre ; et il n'avait
pas tort, puisque, l'autre jour,
quand M. Ribot à eu le courage de
faire allusion à nos missionnaires,
l'extrême gauche a proféré des hur
lements de ménagerie.
Quelles complications et quelles
ruses pour envoyer à la division
navale l'ordre de marche ! Il a fallu
mettre à profit les opérations de
l'escadre, puis simuler une manœu
vre ordinaire Elle était sans doute
"préparée d'avance la dépêche Ilavas
qui annonçait que l'escadre venait
dp rentrera au grand complet».
.Puis l'amiral Gaillard filait le. plus
loin possible des routes fréquen
tées par les navires. Il devait dispa
raître pour; qu'on ne 'l'empêchât
oint d'aller notifier la volonté de
a France.
; A Paris, dans le sein de la repré
sentation nationale, M. Waldeck-
Rousseau médite le moyen de pro
téger en Turquie les congréganis-
tes voués en France à toutes les in
dignités; dénoncés, dépossédés,
frappés par lui. Peut-être il pense
à Richelieu qui, combattant les pro
testants sur notre territoire, soute
nait au delà les protestants étran
gers.
Ou plutôt, il se dit qu'une fois « le
« drapeau engagé », le cabinet aura
beaucoup moins à craindre les pé
rils parlementaires. Ne croyez ^pas
qu'if oublie de calculer le bénéfice
qu'une entreprise navale peut lui
procurer lors des élections. Il
compte, gagner; du prestige, il
compte se rendre nécessaire. Ayant
inventé et lancé^pour vivre,l'odieuse
loi des associations, il nedoit pas
être fâché qu'uii conflit extérieur
s'élève, à la faveur duquel il pourra
plus facilement contenir ses adver
saires. L'ingénieux ministre se'van
tera de défendre l'honneur de la pa
trie, le droit des Religieux par lui
condamnés à l'exil, la tradition du
peuple chrétien, puisque, dans le
langage diplomatique vis-à-vis de
l'Islam, c'est encore le titre par le
quel la France est désignée. On ne
dira pas du moins que.M. Waldeck-
Rousseau n'est pas roué; et lui-
même goûtera un vif plaisir à s'en
tendre reprocher d'avoir exploité
notre intérêt et notre ; prestige exté
rieur pour ses opérations électo
rales. « ■ . .. .- s .< .
Eugène T avernier; , ;
"BULLETIN
Au Sênatt M. Lavertujon a questionné
le président du conseil sur tes agisse
ments scandaleux du préfet-policier Ed
gar Monteil..
L'exposé très net des abus de pouvoir
du cabotin raté devenu, par une longue
suite d'avatars, proconsul jacobin de là
Haute-Vienne, — et la lecture édifiante
des à fiches » collectionnées par ce sin
gulier fonctionnaire ont montré de
quels abus peuvent être victimes!, *sous
le gouvernement de « Défense républi
caine», les plus inoffensifs parmi les ci
toyens.
Pas n'est besoin de dire que M. Wal-
dech-Rousseau a tout couvert, tout ap~
prouvé — se félicitant que . son préfet
ait mérité les attaques des trois séna
teurs républicains au département
La Chambre a poursuivi paisible
ment le débat sur la marine marchande,
et entendu ,M. Caillaux sur des consé
quences financières du projet.
Le contreramiral Gaillard a saisi les
douanes de Mitylène, mais a élé mis,
par la. rupture des lignes télégraphi
ques entre l'île et Const&ntinople, dans
l'impossibilité de communiquer avec
M.Bapst.
Notre ministre des affaires étrangè
res adresse aux puissances une circu
laire pour exposer les griefs de la
France contre le gouvernement turc, et
signifier le but précis que nous pour
suivons.
Le sultan, après de nouvelles tenta
tives d'atermoiement, vient officielle
ment de se déclarer disposé à céder sur
tous les points.
* A la suite d'un conflit entre le minis-
tre des finances espagnol et la commis
sion du budget, à propos du crédit re
présentant la prime du change, M. Ur-
zaiz a annoncé sa démission.
Une crise ministérielle serait donc
inévitable ; on pense toutefois qu'il n'y
a eu Ik qu'un malentendu, encore facile
à dissiper. ;. ; . • . . -
Un dîner de gâta à été donné, hier
soir à la Iiofburg, en l'honneur du roi
de Grèce; les ministres et plusieurs
hauts dignitaires, notamment le haut
commissaire en Crète, y assistaient.
On dit toujours que la question de
l'annexion de la Crète à la Grèce a été
agitée au cours des entrevues entre
l'empereur et Georg es I".
Nouvelle exécution en Angleterre :
c'est maintenant lord Charles Beres-
ford qui va être privé de son com
mandement en second de la flotte de la
Méditerranée, et qui va être mis à ia
retraite.
Dans une lettre rendue publique, Ga
rnirai anglais avait déclaré cette esca
dre incapablederemplirsamission.^
Li-Hung-Chang est mort.
Si souvent le vieil homme d'Etat chi
nois avait joué des maladies diplomati
ques qu'on aura quelque peine à admet
tre la réalité de sa fin dernièrex •. -
On n'en peut point douter ; les détails
sur son agonie et sur 1a lutte engagée,
au chevet même du moribond, entre
l'empirisme chinois et la médecine eu
ropéenne, sont d'une absolue préci
sion.
VINGT ANS AYANT
Il y a juste vingt ans que Gam
betta abandonna la présidence de
la' Chambre, — où il venait de pas
ser. trois . années . singulièrement
heureuses,-r-pour former ce cabinet
qu'on appela le « grand ministère »
et qui ne ^devait , avoir qu'une exis
tence éphémère...
On connaîtra peut-être un jour le
rôle joué par M. Jules Grévy, qui
était Alors, président de la .Républi
que,- dans les négociations.qui ame
nèrent Gambetta à la présidence du
conseil. Bon gré,> malgré, ce dernier
dut quitter le Palais-Bourbon. Trois
mois après, il était renversé. Sa
chute fut " produite par diverses
causes qui ne sont pas encore com
plètement connues. Un àin plus
tard, — le 31 .décembre ,1882,—
Gambetta mourait. « Quand donc
finira, disait-il quelques instants
ayant de rendre le dernier soupir,
quand donc finira cette .année qui
m'a abreuvé de tant d'amertume ! »
En novembre 1881, Gambetta
avait donné le portefeuille de l'inté
rieur à un dé ses amis qui devait
avoir une haute fortune : M. Wal-
deck-Rousseau.
Ajoutons que le journaliste qui
combattit ' avec le plus d'acharrte-
nement le cabinet Gambetta-Wal-
deck, fut le comte de Lanessan, au
jourd'hui . ministre de la marine et
collaborateur du même Waldeck.
Qui donc disait que le comte de La
nessan était radical? Voilà de l'op
portunisme, cependant 1
Çjà et là
PSYCHOLOGIE DES FOULES
Lorsqu'il a circulé un jour durant, de
bouche en bouche, de maison en maison,
-de quartiér en quartier, le plus mince
incident dé la vie quotidienne, a,vite fait
de prendre des proportions colossales,
«elles d'une affaire d'Etat. C'est toujours
l'éternelle histoire que La Fontaine nous
conta jadis'dans sa fable: Les femmes
et le secret :
Comme le nombre d'œufs, grâce à la re-
[nommée,
De bouche en bouche allait croissant^
? Avant la fin de la journée ;
Ils se montaient à plus de cent.
Ce n'est pas d'hier que les choses se
passent de la sorte et il y a bien des
chances pour que demain ressemble sous
ce rapport aux jours disparus, témoins la
page suivante dans laquelle Léon Gau
tier, parlant de ses chères épopées na
tionales, a rapproché du travail lente
ment accompli par l'imagination popu
laire, de l'action latente de la légende
sur un fait historique, une scène vécue
qui se déroula sous ses yeux pendant lu
dernière guerre :
A peine le fait "historique est-il éclos; et,
le jour même de son éclosion, la légende
commence à le défigurer.
Le premier procédé de la légende et celui
qu'on retrouve dans la poésie de toutes les
races, c'est l'exagération. La légende ne
voit jamais les choses qu'à travers un verre
grossissant. Elle ressemble au peuple ou,
pour mieux dire elle est peuple. Voici une
bataille à laquelle dix mille hommes ont
pris part : la légende et le peuple (c'est tout
un) en volent cent mille, deux cent mille,
trois cent mille, et ce nombre va sans cesse
en augmentant. Il m'a été donné d'assister
mol-même à ce phénomène étrange de l'am
plification légendaire. C'était pendant le
siège de Paris. Nos soldats avaient fait à
Chevilly quelques prisonniers prussiens
qu'on ramenait avec une joie trop facile à
comprendre Une foule immense se préci
pita sur leur, passage et, tandis qu'on les
attendait, la légende fit sa besogne. « Us
sont dix mille ! » s'écriait-on vers, quatre
heures. A cinq heures on se disait d'un air
entendu : « Ils «ont certainement vingt
mille. » Une heure après, on en était à qua
rante mille. Si l'attente s'était prolongée,
ils auraient bien été cent mille, En réalité,
ils étaient dix. Mais une remarque que je
fis encore ce jour-là, c'est que le nombre de
ces fameux prisonniers progressait à raison
du carré des dista- ces. Près* des bastions,
on n'était pas trop éloigné du vrai chiffre;
mais au Panthéon le -chiffre avait décuplé,
et il* avait centuplé à Notre-Dame. Ainsi
vont encore les choses, et vous pensez bien
qu'aux IX e et X e siècles elles n'ont guère
pu se passer autrement. .
La suite de la dissertation applique ce
principe aux batailles de Roncevaux et
de Villedaignes,.:faits d'une- importance
toute; secondaire d'où sont sorties, l'ima
gination populaire et le génie du poète
aidant, notre incomparable Chanson de
Roland et la non moins touchante Chan
son d'Aliscans. J'aimeràis à suivre dans
cette voie ' le savant érudit, le fier
croyant que fut Léon Gautier, si je n'a
vais moi-même à citer un jexempley non
plus » d'amplification légendaire », mais
bien d'auto-suggèstion.
Je causais tout récemment, avec un
de mes amis, des attroupements si vite
formés et Siiongs à se disperser que l'on
rencontre à chaque instant dans lés rues
et sur les. boulevards de Paris. Ce n'est
pas que la chose ne soit des plus natu
relles ; quoique tout le monde Àoit pressé
dans la capitale,. —an le dit,' et Je veux
bien le croire, — il y a enc-ere dans la
foule beaucoup d'oisifs. Mais un détail
m'avait frappé: la conviction avec la
quelle de bonnes gens, arrivées un quart;
d'heure après un accident quelconque,;
.rencontre deyoitures ou chute de cheval,!
si vous voulez., racontent à leurs voisins,
avec gestes à l'appui, comment les choses
se sont passées.
— J'ai vu mieux que cela, me dit mon
-ami qui est docteur-médecin, et je faillis;
être le dindon de la farce. Un jour, j'a
vais pris un iiaere. J'avais un malade à
voir et j'étais préssé. Comme le. cocher
l'était beaucoup, mo|ns que. moi, je lui:
demandai très poliment.de forcer un peu
la marche de son bucéphale ■: il n'en fit
rien. J'insistai : le cheval ne maroha pas:
plus vite. Ea désespoir de cause, je lâ
chai mon bonhomme .à la gare Saint-La
zare, et ; je • le . payai sans, lui donner le
moindre pourboire. Cela ne faisait pas
son compte. Il eut un mouvement d'é
paules caractéristique qui ne m'étonna;
points S'il s'en était tenu là! a Espèce de
purée », dit-il assez haut pour être en
tendu. Et moi .qui étais déjà agacé, par
ce qui venait de se! passer, je m'oubliai ;
jusqu'à lui donner:un coup de canne dans
le doB. J'eus tort, je.l'avoue, mais sur le
moment 1. . Et mon cocher, un fier gail
lard de la Creuse, de. descendre aussitôt
de son Biège, ; pour engager avec moi une
de ces .luttes pour lesquelles je ne me'j
sens point taillé. . , '
« Naturellement on. fit Jïien vite cercle :
autour de nous. Comme l'automédon
•criait plus fort que moi, la foule prit fait
■et cause pour lui.-Elle m'aurait -même
fait un mauvais parti, mais un gardien
de la paix survint.qu'il fallut suivre au
poste. Trois témoins* choisis sur place,
nous accompagnaient : l'un d'eux, un
ancien gendarme, je suppose, était déco
réde la médaille militaire, o
«Le secrétaire du commissaire de poli
cé, procéda tout d'abord à lïnterrogatoire
des témoins. Ceux ci, comme larrons en
foire, donnèrent un récit à peu près iden
tique ; on eût dit qu'ils «'étaient enten
dus. .
« — Je passais rue de Rome, lorsque
ce monsieur a frappé d'un violent coup,
de canne le cocher qui ne lui avait rien ;
dit.
« — Vous êtes bien sûr de ce détail!
«— Oh ! absolument sûr^ j'étais aussi
près de ces messieurs que je suis près de
vous à l'heure qu'il est. Alors le cocher a
quitté son siège et sans que le pauvre
diable cherchât à se défendre, ce mon--
sieur est tombé sur lui ; et l'a roué de
coups.
o Interrogé à son tour,le cocher fut heu.
reusement plus honnête.. Il raconta lea
faits tels qu'ils s'étaient passés, sans ou
blier la a. purée p et sans se poser en vic
time innocente qui reçoit des coups et ne
cherche point à se défendre^ Il avoua mê
me avoir frappé fort : du reste mon cha
peau et ma mâchoire l'eussent confondu,
s'il eût parlé autrement.
a On n'avait plus besoin des témoins,
on les expédia, Le cocher, qui aurait
voulu autre chose, dut repartir de même
et je restai seul avec le commissaire qui
venait d'arriver.
« — Vous avez eu tort, monsieur, de
frapper cet homme, me -dit-il avant de
me congédier.
«— J'ai eu tort, c'est vrai, bien que je
ne lui aie fait aucun mal : voyez plutôt
l'arme dont je me suis servi. Mais avouez
qu'il est bien écœurant tout de même de
voir des gens qui ont cependant l'air hon
nête, venir mentir aussi effrontément.
Ce qu'ils ont dit ici, ils l'auraient répété
et dans les mêmes termeB devant le tri
bunal. Il s'agirait d'une affaire capitale
qu'ils ne se comporteraient pas autre
ment. Avec de semblables témoins, on
serait condamné cent fois, serait-on cent
fois innocent.
a— Mais nouB voyons cela tous les jours,
et plusieurs fois par jour. Aussi fai
sons-nous peu de sas de ce que peuvent
dire des témoins ainsi récoltés. Comme
ils n'ont rien vu* rien entendu neuf fois
sur dix, ils se contredisent entre eux ou
bien leurs dépositions diffèrent sensible
ment de celles des intéressés. » -
Et comme mon ami me rappelait une
page lue le matin même dans la .Revue
des Deux Mondes et dans laquelle il est
question du Parisien, « être ardent, ac
tif, imaginatif, toujours en mouvement,
gai..., gobe-mouches, imprudent, versa
tile, spectaculeux », je lui rappelai les
mœurs de nos provinces: du Centre, où
les meilleurs témoins se récusent et re
fusent de déposer pour ne se point créer
d'embarras et ne point sè faire d'enne
mis. '
' Prosper G éîiald.
A LA CHAMBRE
La marina marchande.
La Chambre à coritirixié hier à
discuter lè jprojet dé loi sur la ma
rine marchancle. M. Anthime Mé-
nard, inquiet de la protection que
la ; loi nouvelle va accorder aux
constructeurs, émet la crainte que
les chantiers français ne fabriquent
plus que des bâtiments de guerre,
des voiliers et des vapeurs subven
tionnés. L'orateur estime que la loi
de 1893 ne mérite point toutes les
critiques qu'on en a faites.
M. Allemane, qui succède à M.
Anthime Ménard, est pour les mo
nopoles d'Etat ; c'est dire qu'il est
opposé à toutes les primes; il dé
pose une.. motion .tendant à établir
un service public de construction et
de navigation.
< Puis M. Mirman appelle l'atten
tion bienveillante de la Chambre
sur la situation des gens de mer
Êar rapport à la loi des accidents,
l 'orateur fait observerque 1'inde.m-
nité allouée aux ouvriers d'usine
est très supérieure à celle des bra
ves serviteurs du pays dont il
plaide la cause.
M. Chastenet interroge M. Cail
laux sur les conséquences budgé
taires de la'loi. Le ministreudes fi
nances réplique que la loi de 1893
finirait par coûter soixante mil
lions, alors que le projet actuel
constituera seulement "une charge
de dix huit millions à peine.
Après quelques observations de
MM. d'Agoult, Antide Boyer et
Gautret, la discussion générale est
close.
La motion Allemane, dont nous
avons parlé plus haut, est repoûs-
sée par 448 voix contre 109.
L'amiral Rieuniêr intervient alors :
« Cette loi» dit-il, est des plus ira
portantes, aussi bien pour la ma
rine de guerre que pour la marine
marchande. Je demande l'avis de
M., le ministre de la marine. » :
Le comte de Lanessan, — qui
vraisëmblement ne se soucie point
d'engager une discussion avec le
bouillant amiral,lequel l'a convaincu
de mensonge ily 'a quelques jours,
— le comte de Lanessan . garde, un
prudent 'silence. M. Deschanel fait
une pause* puis voyant que le mi-
mistre de la marine garde obstiné
ment le silence, il annonce que la
discussion des articles commencera
lundi prochain.
J. M antenay.
AU SÉNAT
Les procédés politiques de IX. Montai!.
— La quèstion. dë M. Lavertujon. —
Vote de crédits.
Au début de la séance d'hier, le
Sénat valide l'élection de M. Pi
nault comme sénateur d'Ille et-Vi-
laine et vote divers projets d'inté
rêt local ; puis il décide de fixer
ultérieurement le jour auquel sera
discutée l'interpellation de, M. l'a
miral de Cuverville sur « les me
sures prises récemment par le mi
nistre de la marine et qui auront
pour effet ..d'entraver la. liberté..du
culte catholique à. bord des bâti
ments de la flotte »...
Ceci fait, M. Lavertujon monte .à
la... tribune pour demander, au mi
nistre de l'intérieur des explications
sur les agissements .de. M. . Edgar
Monteili préfet de la Haute-Vienne
Le sénateur républicain rappelle
et précise, on apportant des textes,
les accusations qu'au mois de juillet
dernier il avait formulées contre ce
singulier fonctionnaire : celui-ci,
-conformément au programme qu'il
avait tracé dans son livre VAdmi
nistration de la. République , a orga
nisé dans son département un vaste
système d'espionnage politique,
« affichant la prétention d'être ren
seigné, non seulement sur la for
tune des gens, mais aussi sur la
vie privée de leurs femmes et de
leurs filles».
En terminant, M. . Lavertujon si
gnale la tenue insolente de M. Ed
gar Monteil visitant, le chapeau sur
la tête, l'église de Moutiers, — une
des plus belles églises du Limou
sin— tandis que ce préfet modèle,
« à la Bourse du travail de Limo
ges, écoute l'Internationale avec le
même recueillement qu'il apporte
rait à une audition de la Marseil
laise ». .
Le discours, vif, précis, énergique
de M. Lavertujon * — un républicain
dont on ne peut suspecter le répu
blicanisme, — avait visiblement
gêne la majorité ministérielle. . .
M. Walaeck-Rousseau allait-il
soutenir à fond le compromettant
préfet de là Haute-Vienne? Le prési
dent du conseil est un avocat , trop
retors, pour abandonner une cause
parce qu'elle est mauvaise.,— et
puis il est lié au radicalisme t ma-
çonnique : les fils de la Veuve l'ont
défendu,,envers et contre tous ; ils
exigent qu'en retour le, ministre de
l'intérieur n'abandonne pas un de
.leurs agents les plus actifs. . - .. (
"Aussi, avec un cynisme et une
sophistique hahileté, également re
marquables, M. Waldeck-Rousseau
a nié une partie des faits—les plus
odieux — reprochés à son préfet et,
d'autre part, il a nettement approu
vé le, soin méticuleux que celui-ci
apportait à se renseigner sur les
citoyens sollicitant quelque chose
de l'Etat.
Devant les audacieuses négations
du président du conseil," M. Laver
tujon, indigné de voir mettre en
doute sa parole, demande au prési
dent du conseil de faire une enquête
sérieuse et s'offre à lui ; faire con
naître les moyens de savoir la vérité
dans les quarante-huit heures.
En présence de cette mise en de
meure M. Waldeck-Rousseau reste
muet, impassible : son silence est
un aveu, — et l'extrême-gauche eut
peine à dissimuler son dépit. ■
Aussi, c'est au milieu des applau
dissements du centre et de la droite
que M. Lavertujbn termine par ces
paroles vengeresses : « Les minis
tres de l'intérieur ont les préfets
qu'ils méritent, vous méritez M. Ed
gar Monteil, gardez-le î »
* - Tout l'intérêt de la séance d'hier
était dans la question de M. Laver
tujon, et, sans parti pris, on peut
affirmer que la discussion n'a pas
été favorable au cabinet Waideck-
Millerand.
Après ce débat, le Sénat a voté
l'ensemble du projet, portant ou
verture et annulation de crédits sur
l'exercice .1901. A cette occasion,
M. Riou a très justement constaté
que le déficit, pour l'année couran
te, s'élevait à 295 millions : notre
^situation financière est donc loin
d'être brillante.
= Puis le Sénat s'ajourne à mardi
poïir discuter un projet de loi rela
tif au ^dessèchement d'étangs dans
le dépàrtemerit de l'Ain.
J. E sterac.
LE GABDIML BAilPOLLA ET LA IBM
*• On rencontré assez souvent dans
divers journaux français, et dans
certaines feuilles qui se déclarent
catholiques, des reproches passion
nés dirigés contre S. Em. le car
dinal Rampolla. Le secrétaire d'E
tat est accusé d'avoir des senti
ments antifrançais. Son attitude de
chaque jour et - des actes très im
portants réfutent cette accusation,
àbsoluihënt incompréhensible. Mais
l'accusation s'acharne ! Montrons
encore une fois à quel point elle est
inconcevable, de l'aveu même des
partisans de la politique allemande,
italienne, autrichienne.
- Le Journal de Genève, favorable à
cette politique, attaquait lundi de
nouveau S. Em. le cardinal Ram
polla. Le correspondant romain du
Journal de Genève disait notam
ment :
II.y a longtemps que les catholiques
allemands reprochent au secrétaire d'E
tat sa partialité pour la France, son
mauvais vouloir à l'égard de l'Alle
magne, qu'il ne perd aucune occasion de
manifester, comme, l'incident Spahn en
est une nouvelle preuve. '
■ ■ ..... ...
C'est ainsi que parlent couram
ment les amis de la Triplice. Il ne
devrait y avoir en France personne
qui l'ignore.
COUPS D'ÉPÉE DE THÉÂTRE
La Lanterne '< de ce matin consacre sa
première colonne à attaquer le ministère,
sa deuxième colonne à le défendre.
Ce qu'il y a de curieux;-c'est que la
première, colonne constitue véritable
ment ce que l'on appelle çne « charge à
fond de train » contré un cabinet qui
viole la constitution, et se moque des
droits du pays,
Je constate, dit M. Mauriqe Aliard, que le
ministère nous a mis enétaj de guerre avec
la Turquie en violation dé la Constitution
qui nous régit...
Aujourd'hui, comme sous Louis XIV,
nous sommes à ia merci de ^la poignée
d'hommes que les hasards de là politique
ont, portés a la présidence dè la République
ou aux conseils du gouvernement. A cette
poignée d'hommes il est permis d'exposer
la France aux pires aventures et de l'en
traîner dans les guerres les plus sanglan»
tes ..
• C'est le coup de la carte forcée pratiqué
cyniquement par nos gouvernants ! Et
lundi, nous avons assisté à ce spectacle la«
mentable d'une Chambre qui, bernée, du
pée et.entraînée dans la pire aventure par
ses ministres, n'hésite pas à féliciter ces
ministres et à leur donner carte blanche.
Bref, tout l'article est d'une rarè vio
lence. Jamais le journal de M. Millerand
n'avait été si dur pour son ancien patron
et'les collègués de celui-ci.
Faut-il en conclure que la Lanterné
devient antiministérielle ? — Rassurez-
vous.
Si la première colonne B'indigne de
voir la Chambre « féliciter ces minis
tres. cette poignée d'hommes cyni
ques, etc., la seconde colonne, elle, con
tient des félicitations à l'adresse... de
qui ? de M. Millerand peut être, par me
sure d'exception et de grâce ? — Non, de
M. Waldeck-Rousseau.
La Lanterne est ravie de la façon dont
l'ancien ennemi des socialistes a dé
fendu au Sénat son espion ordinaire ou
extraordinaire, M. Edgar Monteil.
■Tous les républicains approuveront sans
réserve ce langage qui sera certainement
entendu —; et compris— par les fonction
naires. La République doit être défendue,
'elle doit surtout ne pas être trahie par ceux
qui prétendent à la servir.
i .v'-.' . • . - ,
i , Que signifie donc cette ,comédie ? car
il n'y a pas d'autre nom pour qualifier,
chez les. socialistes, une pareille atti
tude. i j
Ces gens-là-se donnent— peut-êtfe
après en avoir demandé secrètement la
permission — le luxe d'injurier le minis-
tère, pour contenter la fraction intransi
geante et révolutionnaire de leurs lec
teurs, qui, sans cela, les lâcherait pour
courir aux socialistes indépendants. '
Mais, au fond, ils ont une peur terri
ble de voir leurs imprécations prisés au
sérieux, et, comme ce commerçant qui
B'écriîût aveo joie : « Enfin ! nous avonB
fait faillite ! » leurs députés disent tout
bas à la Chambre, lorsqu'ils interpellent
le gouvernement : « Pourvu, Seigneur!
pourvu que la majorité ne vote pua avec
nous !» ..
■ G. n'A,
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