Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-08-04
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 août 1901 04 août 1901
Description : 1901/08/04 (Numéro 12215). 1901/08/04 (Numéro 12215).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710804n
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Dimanche 4 Août 1901
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PARIS, 3 AOUT 1901
SOMMAIBB
A propos d'an li
vre...., Max Tuhmann.
Çà et là : Coin de
Londres Cl. d'Azaubujà.
Chronique des mis
sions LE Témoin.
Pulletln. — Nouvelle» de Rome. — Mort
de Mgr Isoard. — Un vœu sectaire. —■
La clôture du jubilé. — Le congrès eu
charistique d'Angers. — Le drapeau du
Sacré-Cœur. — Une lugubre scène de
mer. — Les conseils de travail. — Infor
mations politiques et parlementaires.
— En .Angleterre. — En Espagne. — La
guerre du Transvaal. — En Chine. — Dé
pêches de l'étranger. — A travers la
presse. —• Chronique. — Lettres, scien
ces etarts. — Mutualités et retraites ou
vrières. — L'Espérance. La ques
tion ouvrière. — Echos de partout, -r-
Chronlque religieuse. — Guerre et ma
rine.— Néorologie. — Tribunaux.—Nou
velles diverses. — Jardin d'acclimatation.
— Calendrier. — Bourse et bulletin
financier. — Dernière heure.
& PROPOS D'UN LIVRE
Les livres de M. Georges Goyau
ont le don d'agacer, d exaspérer
même, les plus perspicaces et les
plus distingués d'entre nos adver
saires religieux.
L'année dernière, c'était M. Buis
son qui, avec une courtoise amer
tume, critiquait l'Ecole d'aujour
d'hui. Récemment, dans la Revue
historique, M. Monod manifestait
son mécontentement pour le déplo
rable exemple que donnait son an
cien élève de l'Ecole normale. Ce
lui-ci à vraiment si mal tourné 1
On comprend l'ennui, quelque
peu étonné, de ces messieurs : ils
découvrent, en ce brillant disciple de
l'Université, un adversaire tenace
de leurs doctrines les plus chères,
— de ces doctrines auxquelles ils
estiment, en parfaite bonne foi, que
tout esprit éclairé doit forcément
aboutir.
■ Or, ils ne sauraient contester que
M. Georges Goyau ait reçu une
excellente formation scientifique.
C'est l'A Ima Mater qui l'a élevé,
c'est l'Aima Ma ter qui lui a décerné
les diplômes les plus enviés. Im
possible donc de nier la science du
jeune agrégé; difficile de démolir
ses livres, composés suivant la mé
thode et avec l'esprit critiques.
- Tout ceci explique l'agacement de
quelques-uns des professeurs de
l'enseignement, supérieur devant
l'œuvre, déjà si importante, du
jeune et puissant écrivain;
MM. Monod et Buisson ne sont
pas seuls à s'irriter de la prose
cléricale de M. Georges Goyau. M.
Yves Guyot prend, lui aussi, à par
tie, celui qu'il qualifie « d'interprète
officiel en France du socialisme
papal ». Sans doute, il ne s'indigne
point, encore moins a-t-il l'âme « en
deuillée ». L'ancien « Petit em
ployé *» de la Lanterne n'a point
pour s'affliger les mêmes raisons
intellectuelles,' mais en adversaire
avisé et renseigné, il s'inquiète des
tendances du sociologue chrétien.
Ces inquiétudes, le directeur du
Siècle les manifeste à l'occasion du
livre que. M. Georges Goyau vient
de publier (1) et dans lequel la vi
gilance de M. Yves Guyot a décou
vert « le plan des catholiques so
ciaux».
Ce plan se résume, suivant M.
Yves Guyot, en ces quelques mots :
« demander au socialisme de tirer
les marrons du feu pour le clérica
lisme ». ; .
C'est là assurément une belle dé
couverte qui faithonneur à l'ingénio
sité du directeur du Siècle.
Celui-ci d'ailleurs ne s'est pas ar
rêté en si bonne voie;
Dans un des derniers numéros de
son journal, il constatait « l'infiltra
tion du socialisme clérical » dans le
Collège libre des sciences sociales.-
En parcourant le programme de
cet institut, où sont exposées tou
tes les doctrines économiques, M.
Yves Guyotavait, en effet, remarqué,;
dans le comité de perfectionnement
« à côté de MM. Léon Bourgeois,
Doumer, Berteaux, » les noms de
catholiques connus, comme ceux de:
MM. Henri Lorin, Raoul Jay, abbé
Lemire, R. P. Feuillette. Parmi les
professeurs, il signalait comme
suspects, , M. l'abbe Naudet, M.
Georges Blondel, sans oublier celui;
ui signe ces lignes. Et après avoir
ait cette horrifique énumération,
il concluait que « le Collège libre des
sciences sociales travaillait au pro
fit du socialisme clérical ». Nous ne:
discuterons pas cette mauvaise
plaisanterie : il y a des affirmations
si extravagantes qu'on ne se donne
pas la peine de les réfuter. Nous
(1) Autour du catholicisme social, 2 e sé
rie : la démocratie chrétienne; le rôle so-i
cial du monastère au moyen âge ; figurines
franciscaines; Léon Ollé-Laprune; Charles
Lecour-Graadmalson; les congrès catholi
ques sociaux ; le devoir d'aujourd'hui; l'E
glise et les courants politiques du siècle. —
Perrin, éditeur. < *
2
nous bornerons simplement à noter
la singulière façon dont le fidèle
adepte de l'école libérale entend la
libre concurrence des doctrines.
Mais M. Yves Guyot a fait une
découverte encore , plus - renver
sante. En cherchant bien, en feuil
letant tous ses petits papiers, le
directeur du Siècle a fini par dé
nicher un odieux clérical qui se
cachait à la rédaction... de l'Aurore.
Et ce clérical, je vous le donne en
mille, c'est son ancien ami... M. de
Pressensé. Ne croyez pas que je
plaisante. Voici, pour convaincre
les incrédules, la conclusion de
l'article de M. Yves C îyot, paru le
25 juillet dernier : « ... Si M. de
Pressensé a conservé ses convic
tions de 189.6 (il s'agit ici de l'étude
sur -Manningj, je suis curieux de
savoir par quels arguments il sou
tiendra qu'il est qualifié pour repré
senter, je ne dis pas même une po
litique anticléricale, mais une poli
tique laïque, ce qui est la seule
Question en discussion. » Ainsi
donc, M. de Pressensé, collabora
teur de l'A urore, est catalogué parmi
les infâmes cléricaux !
On ne s'étonnera plus, dès lors,
que, doué d'une pareille puissance
de divination, M. Yves Guyot ait pu
découvrir dans JJe beau livre de M.
Georges: Goyau que nos amis son
geaient à faire tirer les marrons du
feu par les socialistes révolution
naires.
Nos lecteurs auront certainement
moins de perspicacité que M. Yves
Guyot : mais dans Autour du catho
licisme social, à défaut de ce plan
machiavélique, ils auront le plai
sir de trouver un magistral ex
posé de l'action catholique, — de
cette action qui, suivant la profonde
remarque de M. Brunetière, « a
toujours été sociale et le sera : tou
jours».
Max T urmann.
%ULLETI&1
Le ministère de l'intérieur publie la
statistique des élections aux conseils
d'arrondissement. Nous ia donnons plus
loin et l'on y constatera, la même équi
voque que nous avons déjà, signalée
dans la, statistique relative aux conseils
généraux.
Le ministre de la guerre quitte Paris
ce soir pour inaugurer demain, à Sa
lins, le monument élevé & Victor Consi
dérant.
Hier, à la Chambre des communes, on
s'est occupé de la guerre du Transvaal;
on trouvera plus loin les déclarations
de M. Chamberlain.
L'ambassade marocaine est arrivée
hier à Saint-Pétersbourg où de grandes
fêtes vont être organisées en son hon
neur.
En Chine, l'accord des représentants
des puissances est, paraîl-il, complet ;
aussi espère-t-en la très prochaine si
gnature du protocole:
: « :
NOUVELLES DE BQME
31 juillet.
" Au Vatican.
Hier S. S. Léon XIII a reçu en au
dience particulière LL. EE. les cardinaux
Parocchi, Gotti et Steinhuber. Aujour
d'hui, le Saint-Père a reçu S. Em. le car
dinal Gennari.
Le ministère.
Le ministre Wollenburg a dû renoncer
à présenter au conseil des ministres son
projet financier, ce projet devant être
certainement rejeté. On dit que le minis
tre a donné sa démission définitivement.
Il sprait remplacé par M. Alfred Baccelli
actuellement sous-secrétaire d'Etat à
l'agriculture, et neveu du professeur
Guido Baccelli, l'ancien ministre de l'ins
truction publique.
L'œuvre des congi ôs en Italie.
S. Em. le cardinal Rsmpolla vient d'a
dresser à M. le comte Paganuzzi, prési
dent général de l'œuvre des congrès en
Italie, une lettre importante que nous
traduisons :
« Vous avez bien voulu m'envoyer un
rapport, le 29 avril dernier, sur la réu
nion plénière du comité général perma
nent de l'œuvre des congrès catholiques,
qui a eu lieu à Bologne, les 27 et 28 du
même mois. J'ai lu avec intérêt ce rap
port et les pièoes qui y étaient annexées. 1
« Recevez mes plus vifs remerciements
pour cette importante communication.
En même temps, j'ai l'agréabie devoir
de vous aviser que le Saint-Père, pleine-:
ment informé de ce que vous avez expo
sé dans ces documents, est heureux de
voir l'œuvre des congrès catholiques
s'appliquer avec ardeur à mettre en pra
tique les enseignements pontificaux, et
très spécialement ceux qui ont été don
nés plus récemment dans : l'Encyclique:
Graves de communi.
« En particulier^ Sa Sainteté a mani*
festé s a souveraine satisfaction pour les
efforts qui se font en vue d'arriver à la
constitution des « représentations du tra
vail » et des unions professionnelles ^ pé
nétrées des principes et de l'esprit du
catholicisme, ces organisations ne sau
raient manquer d'apporter de grands
avantages, soit matériels, soit spirituels,
aux classes laborieuses.
« Par ailleurs, l'auguste Pontife ne
doute pas que le conseil* en exposant le
programme de son action populaire, se
gardera avec soin de fàussea et péril
leuses tendances ; il espère en outre que
Bon activité se tournera surtout 4u côté
de l'action pratique, et qu'il s'efforcera
de promouvoir les institutions utiles au
bien religieux et social- du peuple, bien
plus qu'il ne s'attardera aux vaines dis
putes et aux discuseions théoriques : ces
disputes et ces discussions ne sont fé
condes qu'en malentendus et en divi
sions, elles rendent impossibles cette
parfaite unité du sentiment et d'action
que le Saint-Père a inculquée tant de
fois à ceux qui dirigent le mouvement
catholique.
« Gomme «arque de sa bienveillance
paternelle, Sa Sainteté voua accorde à
vous et à vos . méritants collègues, une
bénédiction spéciale, etc. »
l" août.
Le Souverain Pontife a reçu aujour
d'hui Mgr Servonnet, archevêque de
Bourges.
MORT DE l3 gr IS01RD
Mgr Isoard, évêque d'Annecy,
est mort ce matin.
Dès neuf heures, nous avions
reçu la dépêche suivante qui. ne lais
sait plus aucun espoir : ,
Annecy, 3 août, 7 h. 35 m.
Mgr Isoard est entré en agonie vèvs
minuit. Ce matin la recommandation de
son âme a été faite à toutes les messes.
Le Très-Saint-Sacrementest exposé dans
toutes les églises ainsi que dans les * cha
pelles des communautés d'Annecy.
Abbé Mossuz.
A midi, un second télégramme
nous annonçait la triste nouvelle :
Annecy, 3 août, 9 h. 30 m.
Mgr Isoard est décédé ce matin, à
9 h. 5, assisté de ses vicaires géné
raux.
Abbé Mossuz.
Mgr Isoard, né dans l'Aisne, à
Saint-Quentin, le 19 juillet 1820,
était évêque d'Annecy depuis le
mois de mai 1879 ; auparavant, il
avait exercé pendant douze ans les
fonctions d'auditeur de Rote, à
Rome.
Nous reviendrons demain sur la
vie de l'austère et ardent prélat.
UN VŒU SECTAIRE
La société maçonnique, dite « Li
gue française de l'enseignement »,
s'est réunie hier en congrès à l'Hô
tel de Ville de Caen. Notons ce fait
d'un édifice public mis à la disposi
tion d'une association privée qui
combat ouvertement un culte re
connu par l'Etat.
Cinq cents délégués étaient pré
sents. M Jacquin, conseiller d'Etat,
déjà connu pour la part qu'il a prise
à 1 élaboration des lois ou des dé
crets anti-religieux, a prononcé un
discours; le secrétairé général, M.
Léon Robelin, a donné lecture du
rapport général où il est dit que
2,586 sociétés composent actuelle
ment la Fédération.
M. Dessoye a fait ensuite une
communication sur l'enseignement
secondaire.
Le Congrès a voté par acclama
tion un vœu demandant qu'une
inspection effective de l'enseigne
ment libre soit organisée (on de
vine les pratiques iiiquisitoriales ré
clamées sous ce nom), et que des
mesures soient prises pour que l'ar
ticle 14 de la loi sur les associa
tions, votée par la Chambre et le
Sénat, reçoive .pleine et entière sa
tisfaction.
L'assemblée a encore émis un
autre vœu, qu'il est bon de citer
pour son audacieuse et fieileuse
hypocrisie :
Le congrès fait appel à l'activité 'de
propagande des sociétés fédérées pour
parer aux graves atteintes portées à l'u
•nité morale et sociale de la France par
l'enseignement congréganiste à tous ses
degrés, et signale à l'attention du gou
vernement le danger de recruter ses
fonctionnaires parmi des jeunes gens
qui ne sortent pas des établissements de
l'Etat.
A la fin de la séance, le'congrès a
envoyé au président de la Républi
que un télégramme de compliments.
Comme on le voit, l'agitation s'or
ganise, parmi les sectaires, pour
que la loi contre les congrégations
ne reste pas lettre morte, et pour
que le gouvernement, poussé l'épée
dans les reins, soit obligé d'en faire
exécuter les dispositions les plus
odieusement iniques.
C'est dire que les entraîneurs du
ministère n'admettront pas qu'il;
s'arrête en route et le briseront s'il
essaie de ralentir ; la démonstra
tion des satellites de M. Bourgeois
aura du moins le mérite de bien
avertir ceux d'entre nous qui pour-»
raient ne pas être encore suffisam
ment avertis".
IVous tenons & informer MM. les sé
minaristes que, à, titre exceptionnel,
pour la période trimestrielle de juil
let, août et septembre, nous leur con
sentirons des abonnements de faveur
au prix de SIX francs pour le quoti
dien et de TROIS francs pour le semi-
quotidien quand ils nous adresseront
une liste collective de dix abonnés an
moins. ■ . . ■■ ■
Çà et là
COIN DE LONDRES
Pas de brouillard, paB de fumée, pas
de piétons, pas de voitures, pas de bou-
tiques, pas de mouvement, pas de bruit.
Dés rues proprettes, silencieuses. A
droite et à gauche, deux lignes de petits
jardins, bijoux de verdure et de fleurs.
Derrière les deux lignes de jardins, deux
1 ignés de maisonnettes toutes rouges, oà
s'accrochent des plantes grimpantes. Des
rues transversales s'ouvrent çà et là, pa
reilles ou k peu près. Le type des mai
sons change de temps en temps;mais
chaque type est tiré à des centaines
d'exemplaires. La disposition de la ver
dure et le choix des fleurs introduisent
seuls la variété dans ces alignements
monotones; mais cette verdure et ces
fleurs se glissent partout, se hissent par
tout, envahissent les murs, les balcons,
les fenêtres, festonnent les corniches, se
suspendent en lustres, se déroulent en
guirlandes, ménagent aux yeux, à chaque
pas, des surprises de formes et de cou
leurs.
Quartier de banlieue. Ni riche ni pau
vre. Les habitations sont petites — douze
cents francs de loyer environ, et les rec
tangles de jardinets — un devant, un der
rière— sont mesurés avec une savante
parcimonie. Ni rumeurs de conversa
tions, ni appels, ni cris. Les enfants eux-
mêmes se mettent d'instinct, parait-il, au
diapason de cette symphonie discrète
des choses.
Suivons le « road ® scrupuleusement
entretenu et nettoyé par une voirie méti
culeuse. Là-bas, ou plutôt là-haut, s'ou
vre un grand espace vert : vastes pelou
ses en pente, entrecoupées de massifs
d'arbrisseaux. Ce sont les « communs »,
promenade du quartier, le Ilyde-Park de
l'endroit. Rien d'élégant ni d'apprêté. On
dirait une prairie quelconque, à la cam
pagne, et l'on a la sensation d'être à cent
lieues d'une grande ville. On peut mar
cher et s'étendre sur le gazon. Quant aux
fleurs, des écriteaux amis de la précision
vous préviennent charitablement que
vous pouvez vous donner le luxe d'en
cueillir moyennant une amende de cinq
livres sterling ( cent vingt-cinq francs et
des centimes). La surveillance est diffi
cile, mais le juge a la main lourde: Gela
se compense, et le public, en général, se
le tient pour dit.
Du reste, à l'heure matinale où nous
déambulons, presqse personne sur le
f gazon- communal. On révérait, si l'on
avait le temps de rêver en voyage. Où
donc est le mouvement ici ? Où sont les
affaires ? Il faut bien les trouver quel
que part, n'est ce pas ? Sans doute, et
nous voici arpentant, soùs la conduite
d'un aimable cicerone, la a rue mar
chande x> du quartier. Nous sommes à
l'extrémité sud de la capitale, en une
région que les cartes n'indiquent déjà
plus, et qui est à Londres ce que Sceaux
ou Meudon peuvent être à Paris, bien que
des lignes ininterrompues de maisons
la relient au reste de la cité monstre.
Or, si les s communs » nous transpor
taient tout à l'heure en pleine campagne,
la a rue marchandé » nous transporte
maintenant en plein affairement urbain.
Les magasins sont norabreux, sérieux,
quelques-uns grandioses. Les fruitiers
ont des approvisionnements de primeurs
qui nous rappellent la récente exposition
d'horticulture^ Ici ce sont des fraises
grosses comme le poing d'un enfant. Là,
sur l'étal d'un marchand de poissonB,
c'est un écroulement de bêtes mons
trueuses. En face, un grand magasin de
nouveautés fait miroiter les soies de
France et du Japon à côté de fines et
sveltes porcelaines. Des ménagères cir
culent, rapides, avisées, distribuant brè-
vement leurs ordres aux fournisseurs
pour les approvisionnements du jour. En
ce coin perdu— paradoxe bizarre — l'a
cheteur court la chance de trouver l'objet
qu'il désire, àprès une infructueuse flâ
nerie dans Regent street et dans Oxford:
street.
Deux églises se regardent, l'une métho
diste, l'autre catholique, neuves et jolies
toutes deux. La plus jolie est l'église ca
tholique. Sa flèche aiguë perce un ciel ni
gai ni triste, où de légers nuages laissent
deviner le soleil. A l'intérieur, des bancs
élégants, de beaux vitraux modernes. On
nou3 dit que les conversions se multi
plient dans la paroisse et que la construc
tion même de l'église est due en partie
aux libéralités d'un protestant notable.;
Ce gentleman étrange donne de l'argent,
aux œuvres catholiques, cause et dîne
avec les prêtres catholiques, assistç as
sidûment aux offices catholiques, et...
reste protestant. Il "réfléchit...
Mais un train nous emporte vers Lon-
don Bridge. La distance est-longue. Il-
faut traverser les faubourgs du Sud, des
quartiers ouvriers, et voilà que défilent
des rues, encore des rues, toujours des
,rue3, avec des milliers de maisons toutes
pareilles et rudimentaireB, comme si on
leB avait fabriquées à la machine. Ja
mais l'uniformité architecturale n'a été
poussée aussi loin. C'est un océan loin^
tain dè façades sombres et tristes, cou
ronnées de toits sombres et tristes, sur
lesquels s'alignent, comme une armée
aux rangs serrés» des cheminées sombres
et tristes. Et cela n'en finit plus, et cela
recommence sans cesse. On se demande
comment tant d'êtres humains peuvent
exister côte à côte. On songe aux mil
liers d'usines, de docks, d'ateliers, dans
lesquels ce peuple immenBe va s'engoufc-
frer chaque matin, et d'où il ressort le
soir, après quelques héures d'un travail
relativement court, mais intense. Du
reste, la misère qu'on guette n'apparait
pas. Elle a sans doute été refoulée plus
loin. Les légions de travailleurs qui ha
bitent ces quartiers 1 ^'ignorent pas le
confortable. Toutes ce» maisons si lugu
bres ont des jardins, et'presque tous ces
jardins ont des'fleurs, des plates-bandes,
des pelouses en miniature, évidemment
soignées et entretenues avec amour
C'eBt le soir. Des ouvriers revenus du
travail sont là, dans leur petit domaine
de quelques pieds carrés. Ils bêchent,
arrosent, ratissent. Le vieux paysan
saxon d'autrefois revit dans ce rouage
vivant de la machine moderne. Il aime
le sol et s'y cramponne, plus fort que
l'industrie qui s'efforce de l'en déraciner.
Tous ces jardinets, au-dessus desquels
file le train, jettent un rayon de gaieté
imprévu autour de cet énorme amoncel
lement de bâtisses mornes, lamentable
ment semblables les unes aux autres
jusqu'aux limites de l'horizon. On s'at
tendait à trouver de la .prose, et l'on èn
trouve ; mais on ne prévoyait pas la poé
sie, et l'on est tout ravi, en même temps
$ue tout étonné, de rencontrer cette in
truse.
Mieux que cela. Une autre chose frappe
le regard, dans cette géométrique im
mensité de façades et de toitures. C'est
le grand nombre de. clochers qui domi
nent celles-ci. On en voit tout près, on en
voit au loin ; il en est qui se perdent
comme à l'infini, là *"0ù "les toits ne se
distinguent même plus. Presque tous
sont pointus, élancés, et dénotent le style
gothique. C'est la prière et l'esprit chré
tien planant au-dessus du fourmillement
des affaires. C'est un concert un peu ca
cophonique peut-être, mais touchant
quand même, d'actes de foi complets ou
incomplets, orthodoxes ou hérétiques,
montant d'une foule de points vers un
même ciel où tout le monde aperçoit le
Christ. Et ce formidable panorama d'ha
bitations ternes et identiques prend sou -
dain, quand la direction du regard B'é-
lève d'un cran, un cachet singulier de
gravité morale et religieuse. Nous som
mes au lundi, et nous nous souvenons
qu'hier encore, dans cette agglomération
de cinq millions d'âmes dont nous ne dé
couvrons en ce moment qu'une bien fai
ble partie, tous les magasins étaient fer
més, tous les travaux arrêtés, toutes leB
affaires suspendues, que l'on ne pouvait
pas trouver un morceau de pain chez les
boulangers, une côtelettè chez lès bou
chers, que des milliers de businessmen
actifs* âpres au gain,ne laissant rien à la
fortune, comme Gromwellj # de ce qu'ils
peuvent lui arracher par leurs combinai
sons toujours nouvelles, possédés de la
vérité du proverbe time is money, que
ces milliers d'hommes, disons nous, se
recueillaient, ou manifestaient systéma
tiquement l 'intention de se recueillir,
dans ces centaines de temples si gran-
diosement trahis parleurs flèches, tan
dis que des centaines de mille ouvriers,
congédiés le samedi de bonne heure,
goûtaient en famille, dans leur modeBte
home, un repos qu'ignorent tant de leurs
camarades français.
La nuit est tombée, et le train appro
che de London-Bridge. Nous nous re
plions dans notre coin, tâchant de déga
ger l'idée maîtresse du spectacle qui
vient de fuir sous nos yeux en quelques
instants, comme sur la toile d'un ciné
matographe, et nous demandant si ces
jardinets pleins de fleurs d'une part, et
ces clochers pointus de l'autre ne don
nent pas des enseignements pleins d'é
loquence sur les causes qui ont fait et
font encore l'incontestable prospérité de
ce peuple, notre séculaire rival.
G. d'Azambuja.
CMIQll DES HISSIONS
Départ pour là Chine.
Le P. Henri, ancien directeur de la
Revue franciscaine, bulletin mensuel du :
Tiers-Ordre de saint François, publié_
par les Frères mineurs des provinces de:
France et de Saint-Louis d'Aquitaine,
vient de partir pour la Chine avec deux,
de ses confrères. La cérémonie du départ!
a eu lieu dans l'église du couvent des;
Franciscains-de Bordeaux, le 14 juillet;
elle a été présidée par le cardinal Lecot;
Tous les départs de missionnaires pour la;
Chine sont, en ce moment, particulière-;
ment émouvants ; après les horreurs de'
l'année dernière et leB inquiétudes que
donne l'avenir, on peut se demander tou-,
jours, quand les missionnaires nous quit
tent, si on ne salue pas de futurs martyrs.:
« Pour vous-mêmes, s'est écrié le cardi
nal Lecot d'une voix que l'émotion étouf-;
fait, songez à la persécution qui gronde
encore Bur les rivages où vous allez abor
der ! Le sang chrétien n'a pas encore
fini de couler sur cette ; malheureuse
Chine ; mais, aussi, confiance et courage.
Et si le geste de Dieu nous montre i'é-
chafaud, si la voix vous invite au mar
tyre, répondez toujours par un geste
d'obéissance commencé ici-bas pour s'a
chever dans le ciel. » ,
Scène de mœurs an Chen-SI.
L séminaire, pontifical des Saints-Pierre et
Paul chargé des missions du ChenrSi mé*
ridional et de la Basse Californie raconte
une scène caractéristique des. mœurs chi
noises et des moyens pris par les Célestes
pour empêcher les réclamations. Ici; il
s'agissait d'user des voie'B amiables. Au 5
mars dernier le vicairéapostolique, Mgr
Passerini, et les autorités locales n'a
vaient pas encore réussi à B'entendre,
pour régler les conséquences matérielles
de l'assassinat du P. Crescitelli.' Aux ré
clamations de l'évêque, reconnues équi
tables et justes,en théorie, les mandarins
opposaient, en pratique, la force d'iner
tie ; mais un jour, sentant bien qu'il fal
lait en finir et qu'en prolongeant un tel
état de choses, ils pouvaient méconten
ter le pouvoir central, ils se dirent que,
par de bons procédés, on pourrait proba
blement enterrer l'affaire;
Le 14 février dernier, toutes les auto
rités civiles et militaires de Ilan tsun-fu
vinrent en corps à la résidence du vicaire
apostolique à Cu-lu-pa, pour engager ce
dernier à renoncer à toutes ses deman
des. Il y avait là le Tao-t'ai, premier
mandarin civil ; le Cen-t'ai, premier
mandarin militaire, le Tsen-fu ou préfet,
les sous-préfets de Cen-Ku Sien et de
Ngin-Cian-Ciou, et un officier, en un
mot les principales autorités de la pro
vince, suivies de 300 personnes envi
ron.
Chacun se demandait ce que signifiait
ce cortège si imposant, pourquoi les
mandarins s'étaient décidés à faire une
si solennelle démarche ; et les bavarda
ges et les suppositions allaient leur train.
On voulait chasser l'évêque et ses mis
sionnaires ; on venait simplement faire
une inspection de leur demeure ; bien
mieux, tout cet appareil indiquait bien
clairement que le gouvernement venait
exiger des excuses de la mission catholi
que.
Le cortège ne venait pas les mains vi
des ; il apportait à Mgr Passerini des
dons précieux et, notamment un grand
parasol de satin rouge sur lequel étaient
inscrits les noms des auteurs du meurtre
du P. CreEcitelli et même celui de rassa
sia. Ce parasol était comme un pot de vin
envoyé parles massacreurs de Ngin-Cian
Ciou, pour acheter le silence de l'évê
que.
Mgr Passerini donna immédiatement
l'ordre d'empêcher l'entrée des cadeaux
dans la résidence, afin de conserver sa
pleine liberté d'action, puis il se mit en
mesure de recevoir les autorités avec
tout le cérémonial dû à leur rang. Il mit
sa résidence à la disposition de leurs
Excellences, fit le tour du propriétaire, et
un dîner de gala fut servi où l'on se con
tenta de parler de la pluie et du beau
temps.
- Après le repas on se mit à causer af
faires sans arriver à aucun résultat. Le
lendemain nouvel assaut d'éloquence. L«s
troisième jour, les mandarins partirent
sans avoir fait céder l'évêque.
La mission de Tobago.
, La mission de Tobago qui était dirigée
par un de nos compatriotes vient d'être
confiée à un Dominicain belge, le Père
Joachim Marie Kervyn. C'est un^raisoS
dè santé qui a contraint le missionnaire
à prendre une détermination bien dure
pour le cœur d'un piètre zélé, cesser
un apostolat fécond, exercé depuis de
nombreuses années déjà, et poursuivi
avec un zèle au-dessus de tout éloge.
Hélas ! il arrive souvent que les soldats
de l'Eglise, au milieu des pacifiques con-
quêtes du Christ, tombent sur la brèche.
Le Père Kervyn n'a pas succédé directe
ment au religieux français. Pendant six
mois Tobago fut confié à un autre domi
nicain, contraint lui aussi, par la mala
die, à rendrë les armes.
L'île de Tobago, dans la mer des Ca
raïbes, est à vingt milles de la Trinidad,
par 11°9 de latitude nord et 60° 4 de lon
gitude ouest. Elle dépend, au point de
vue religieux, de l'archevêque de Port
d'Espagne, et, au point de vue politique,
du gouvernement de la Trinidad. C'est
un pays dont le sol est fertile, qui fut ri
che jadis mais qui est très pauvre au
jourd'hui.
Tobago fut découverte en 1498 par
Christophe Colomb ; les Hollandais s'en
emparèrent en 1632 ; de 1660 à 1781 les
Anglais la leur disputèrent ; de 1781 à
1793, les Français la leur enlevèrent. De
puis cette époque l'île appartient aux An
glais. Il y a 60 ans, les catholiques étaient
en majorité* comme à Saint-Vincent.
Maintenant, ces deux îles où l'évangélisa-
tioh ne put pas se poursuivre pendant
une partie du siècle dernier sont presque
entièrement protestantes.
La mission catholique de Tobago pos
sède cinq écoles et en ouvrira bientôt
une autre si les ressources le lui permet
tent. Le terrain est acheté, et une croix
de bois émergeant des broussailles indi
que quel est son propriétaire. Il a fallu,
par défaut d'argent, licencier, il y a
quelques mois, l'orphelinat. Si on ajoute
à ces cinq écoles, un petit hospice pour
les vieillards, et quatre chapelles avec
de pauvres réduits servant de presby
tères, l'on aura l'ensemble des établisse
ments appartenant à la station.
Il y a bien Longtemps déjà, le vénéra
ble Mgr Gonin, alors archevêque de Port
d'Espagne, appelait à son aide, pour pro
curer à Tobago et à Saint-Vincent les
bienfaits dé l'évasgélisation. Il deman
dait surtout des missionnaires en son
geant que la pénurie de prêtrës avait été
la cause de la perte pour Rome, de To
bago et de Saint-Vincent. « Il ne manque
pas d'Européens de diverses nations,
écrivait-il aux Annales de la propaga
tion de la foi, qui tous les jours, vien
nent s'établir aux Antilles, pour y rem
plir des fonctions administratives bu pour
y suivre des spéculations de commerce et
d'industrie. Ils ne redoutent pas les
épreuves de la température. Pourquoi
les âmes généreuses que Dieu appelle à
le servir dans les missions étrangères fee
montreraient-elles plus préoccupées de
leur- Banté ? Pourquoi refuseraient elles
de faire pour l'amour de Dieu ce que
tant d'autres font pour des intérêts te m?
porels ? ® L'ordre de saint Dominique a
montré çjue les prêtres catholiques n'é
taient a pas moins généreux que les mi
nistres de l'erreur ».
Le Témoin.
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Biï§. LÂ.GRANGB, CERF ei 0!« ( j4as»-de ï® Soœie
PARIS, 3 AOUT 1901
SOMMAIBB
A propos d'an li
vre...., Max Tuhmann.
Çà et là : Coin de
Londres Cl. d'Azaubujà.
Chronique des mis
sions LE Témoin.
Pulletln. — Nouvelle» de Rome. — Mort
de Mgr Isoard. — Un vœu sectaire. —■
La clôture du jubilé. — Le congrès eu
charistique d'Angers. — Le drapeau du
Sacré-Cœur. — Une lugubre scène de
mer. — Les conseils de travail. — Infor
mations politiques et parlementaires.
— En .Angleterre. — En Espagne. — La
guerre du Transvaal. — En Chine. — Dé
pêches de l'étranger. — A travers la
presse. —• Chronique. — Lettres, scien
ces etarts. — Mutualités et retraites ou
vrières. — L'Espérance. La ques
tion ouvrière. — Echos de partout, -r-
Chronlque religieuse. — Guerre et ma
rine.— Néorologie. — Tribunaux.—Nou
velles diverses. — Jardin d'acclimatation.
— Calendrier. — Bourse et bulletin
financier. — Dernière heure.
& PROPOS D'UN LIVRE
Les livres de M. Georges Goyau
ont le don d'agacer, d exaspérer
même, les plus perspicaces et les
plus distingués d'entre nos adver
saires religieux.
L'année dernière, c'était M. Buis
son qui, avec une courtoise amer
tume, critiquait l'Ecole d'aujour
d'hui. Récemment, dans la Revue
historique, M. Monod manifestait
son mécontentement pour le déplo
rable exemple que donnait son an
cien élève de l'Ecole normale. Ce
lui-ci à vraiment si mal tourné 1
On comprend l'ennui, quelque
peu étonné, de ces messieurs : ils
découvrent, en ce brillant disciple de
l'Université, un adversaire tenace
de leurs doctrines les plus chères,
— de ces doctrines auxquelles ils
estiment, en parfaite bonne foi, que
tout esprit éclairé doit forcément
aboutir.
■ Or, ils ne sauraient contester que
M. Georges Goyau ait reçu une
excellente formation scientifique.
C'est l'A Ima Mater qui l'a élevé,
c'est l'Aima Ma ter qui lui a décerné
les diplômes les plus enviés. Im
possible donc de nier la science du
jeune agrégé; difficile de démolir
ses livres, composés suivant la mé
thode et avec l'esprit critiques.
- Tout ceci explique l'agacement de
quelques-uns des professeurs de
l'enseignement, supérieur devant
l'œuvre, déjà si importante, du
jeune et puissant écrivain;
MM. Monod et Buisson ne sont
pas seuls à s'irriter de la prose
cléricale de M. Georges Goyau. M.
Yves Guyot prend, lui aussi, à par
tie, celui qu'il qualifie « d'interprète
officiel en France du socialisme
papal ». Sans doute, il ne s'indigne
point, encore moins a-t-il l'âme « en
deuillée ». L'ancien « Petit em
ployé *» de la Lanterne n'a point
pour s'affliger les mêmes raisons
intellectuelles,' mais en adversaire
avisé et renseigné, il s'inquiète des
tendances du sociologue chrétien.
Ces inquiétudes, le directeur du
Siècle les manifeste à l'occasion du
livre que. M. Georges Goyau vient
de publier (1) et dans lequel la vi
gilance de M. Yves Guyot a décou
vert « le plan des catholiques so
ciaux».
Ce plan se résume, suivant M.
Yves Guyot, en ces quelques mots :
« demander au socialisme de tirer
les marrons du feu pour le clérica
lisme ». ; .
C'est là assurément une belle dé
couverte qui faithonneur à l'ingénio
sité du directeur du Siècle.
Celui-ci d'ailleurs ne s'est pas ar
rêté en si bonne voie;
Dans un des derniers numéros de
son journal, il constatait « l'infiltra
tion du socialisme clérical » dans le
Collège libre des sciences sociales.-
En parcourant le programme de
cet institut, où sont exposées tou
tes les doctrines économiques, M.
Yves Guyotavait, en effet, remarqué,;
dans le comité de perfectionnement
« à côté de MM. Léon Bourgeois,
Doumer, Berteaux, » les noms de
catholiques connus, comme ceux de:
MM. Henri Lorin, Raoul Jay, abbé
Lemire, R. P. Feuillette. Parmi les
professeurs, il signalait comme
suspects, , M. l'abbe Naudet, M.
Georges Blondel, sans oublier celui;
ui signe ces lignes. Et après avoir
ait cette horrifique énumération,
il concluait que « le Collège libre des
sciences sociales travaillait au pro
fit du socialisme clérical ». Nous ne:
discuterons pas cette mauvaise
plaisanterie : il y a des affirmations
si extravagantes qu'on ne se donne
pas la peine de les réfuter. Nous
(1) Autour du catholicisme social, 2 e sé
rie : la démocratie chrétienne; le rôle so-i
cial du monastère au moyen âge ; figurines
franciscaines; Léon Ollé-Laprune; Charles
Lecour-Graadmalson; les congrès catholi
ques sociaux ; le devoir d'aujourd'hui; l'E
glise et les courants politiques du siècle. —
Perrin, éditeur. < *
2
nous bornerons simplement à noter
la singulière façon dont le fidèle
adepte de l'école libérale entend la
libre concurrence des doctrines.
Mais M. Yves Guyot a fait une
découverte encore , plus - renver
sante. En cherchant bien, en feuil
letant tous ses petits papiers, le
directeur du Siècle a fini par dé
nicher un odieux clérical qui se
cachait à la rédaction... de l'Aurore.
Et ce clérical, je vous le donne en
mille, c'est son ancien ami... M. de
Pressensé. Ne croyez pas que je
plaisante. Voici, pour convaincre
les incrédules, la conclusion de
l'article de M. Yves C îyot, paru le
25 juillet dernier : « ... Si M. de
Pressensé a conservé ses convic
tions de 189.6 (il s'agit ici de l'étude
sur -Manningj, je suis curieux de
savoir par quels arguments il sou
tiendra qu'il est qualifié pour repré
senter, je ne dis pas même une po
litique anticléricale, mais une poli
tique laïque, ce qui est la seule
Question en discussion. » Ainsi
donc, M. de Pressensé, collabora
teur de l'A urore, est catalogué parmi
les infâmes cléricaux !
On ne s'étonnera plus, dès lors,
que, doué d'une pareille puissance
de divination, M. Yves Guyot ait pu
découvrir dans JJe beau livre de M.
Georges: Goyau que nos amis son
geaient à faire tirer les marrons du
feu par les socialistes révolution
naires.
Nos lecteurs auront certainement
moins de perspicacité que M. Yves
Guyot : mais dans Autour du catho
licisme social, à défaut de ce plan
machiavélique, ils auront le plai
sir de trouver un magistral ex
posé de l'action catholique, — de
cette action qui, suivant la profonde
remarque de M. Brunetière, « a
toujours été sociale et le sera : tou
jours».
Max T urmann.
%ULLETI&1
Le ministère de l'intérieur publie la
statistique des élections aux conseils
d'arrondissement. Nous ia donnons plus
loin et l'on y constatera, la même équi
voque que nous avons déjà, signalée
dans la, statistique relative aux conseils
généraux.
Le ministre de la guerre quitte Paris
ce soir pour inaugurer demain, à Sa
lins, le monument élevé & Victor Consi
dérant.
Hier, à la Chambre des communes, on
s'est occupé de la guerre du Transvaal;
on trouvera plus loin les déclarations
de M. Chamberlain.
L'ambassade marocaine est arrivée
hier à Saint-Pétersbourg où de grandes
fêtes vont être organisées en son hon
neur.
En Chine, l'accord des représentants
des puissances est, paraîl-il, complet ;
aussi espère-t-en la très prochaine si
gnature du protocole:
: « :
NOUVELLES DE BQME
31 juillet.
" Au Vatican.
Hier S. S. Léon XIII a reçu en au
dience particulière LL. EE. les cardinaux
Parocchi, Gotti et Steinhuber. Aujour
d'hui, le Saint-Père a reçu S. Em. le car
dinal Gennari.
Le ministère.
Le ministre Wollenburg a dû renoncer
à présenter au conseil des ministres son
projet financier, ce projet devant être
certainement rejeté. On dit que le minis
tre a donné sa démission définitivement.
Il sprait remplacé par M. Alfred Baccelli
actuellement sous-secrétaire d'Etat à
l'agriculture, et neveu du professeur
Guido Baccelli, l'ancien ministre de l'ins
truction publique.
L'œuvre des congi ôs en Italie.
S. Em. le cardinal Rsmpolla vient d'a
dresser à M. le comte Paganuzzi, prési
dent général de l'œuvre des congrès en
Italie, une lettre importante que nous
traduisons :
« Vous avez bien voulu m'envoyer un
rapport, le 29 avril dernier, sur la réu
nion plénière du comité général perma
nent de l'œuvre des congrès catholiques,
qui a eu lieu à Bologne, les 27 et 28 du
même mois. J'ai lu avec intérêt ce rap
port et les pièoes qui y étaient annexées. 1
« Recevez mes plus vifs remerciements
pour cette importante communication.
En même temps, j'ai l'agréabie devoir
de vous aviser que le Saint-Père, pleine-:
ment informé de ce que vous avez expo
sé dans ces documents, est heureux de
voir l'œuvre des congrès catholiques
s'appliquer avec ardeur à mettre en pra
tique les enseignements pontificaux, et
très spécialement ceux qui ont été don
nés plus récemment dans : l'Encyclique:
Graves de communi.
« En particulier^ Sa Sainteté a mani*
festé s a souveraine satisfaction pour les
efforts qui se font en vue d'arriver à la
constitution des « représentations du tra
vail » et des unions professionnelles ^ pé
nétrées des principes et de l'esprit du
catholicisme, ces organisations ne sau
raient manquer d'apporter de grands
avantages, soit matériels, soit spirituels,
aux classes laborieuses.
« Par ailleurs, l'auguste Pontife ne
doute pas que le conseil* en exposant le
programme de son action populaire, se
gardera avec soin de fàussea et péril
leuses tendances ; il espère en outre que
Bon activité se tournera surtout 4u côté
de l'action pratique, et qu'il s'efforcera
de promouvoir les institutions utiles au
bien religieux et social- du peuple, bien
plus qu'il ne s'attardera aux vaines dis
putes et aux discuseions théoriques : ces
disputes et ces discussions ne sont fé
condes qu'en malentendus et en divi
sions, elles rendent impossibles cette
parfaite unité du sentiment et d'action
que le Saint-Père a inculquée tant de
fois à ceux qui dirigent le mouvement
catholique.
« Gomme «arque de sa bienveillance
paternelle, Sa Sainteté voua accorde à
vous et à vos . méritants collègues, une
bénédiction spéciale, etc. »
l" août.
Le Souverain Pontife a reçu aujour
d'hui Mgr Servonnet, archevêque de
Bourges.
MORT DE l3 gr IS01RD
Mgr Isoard, évêque d'Annecy,
est mort ce matin.
Dès neuf heures, nous avions
reçu la dépêche suivante qui. ne lais
sait plus aucun espoir : ,
Annecy, 3 août, 7 h. 35 m.
Mgr Isoard est entré en agonie vèvs
minuit. Ce matin la recommandation de
son âme a été faite à toutes les messes.
Le Très-Saint-Sacrementest exposé dans
toutes les églises ainsi que dans les * cha
pelles des communautés d'Annecy.
Abbé Mossuz.
A midi, un second télégramme
nous annonçait la triste nouvelle :
Annecy, 3 août, 9 h. 30 m.
Mgr Isoard est décédé ce matin, à
9 h. 5, assisté de ses vicaires géné
raux.
Abbé Mossuz.
Mgr Isoard, né dans l'Aisne, à
Saint-Quentin, le 19 juillet 1820,
était évêque d'Annecy depuis le
mois de mai 1879 ; auparavant, il
avait exercé pendant douze ans les
fonctions d'auditeur de Rote, à
Rome.
Nous reviendrons demain sur la
vie de l'austère et ardent prélat.
UN VŒU SECTAIRE
La société maçonnique, dite « Li
gue française de l'enseignement »,
s'est réunie hier en congrès à l'Hô
tel de Ville de Caen. Notons ce fait
d'un édifice public mis à la disposi
tion d'une association privée qui
combat ouvertement un culte re
connu par l'Etat.
Cinq cents délégués étaient pré
sents. M Jacquin, conseiller d'Etat,
déjà connu pour la part qu'il a prise
à 1 élaboration des lois ou des dé
crets anti-religieux, a prononcé un
discours; le secrétairé général, M.
Léon Robelin, a donné lecture du
rapport général où il est dit que
2,586 sociétés composent actuelle
ment la Fédération.
M. Dessoye a fait ensuite une
communication sur l'enseignement
secondaire.
Le Congrès a voté par acclama
tion un vœu demandant qu'une
inspection effective de l'enseigne
ment libre soit organisée (on de
vine les pratiques iiiquisitoriales ré
clamées sous ce nom), et que des
mesures soient prises pour que l'ar
ticle 14 de la loi sur les associa
tions, votée par la Chambre et le
Sénat, reçoive .pleine et entière sa
tisfaction.
L'assemblée a encore émis un
autre vœu, qu'il est bon de citer
pour son audacieuse et fieileuse
hypocrisie :
Le congrès fait appel à l'activité 'de
propagande des sociétés fédérées pour
parer aux graves atteintes portées à l'u
•nité morale et sociale de la France par
l'enseignement congréganiste à tous ses
degrés, et signale à l'attention du gou
vernement le danger de recruter ses
fonctionnaires parmi des jeunes gens
qui ne sortent pas des établissements de
l'Etat.
A la fin de la séance, le'congrès a
envoyé au président de la Républi
que un télégramme de compliments.
Comme on le voit, l'agitation s'or
ganise, parmi les sectaires, pour
que la loi contre les congrégations
ne reste pas lettre morte, et pour
que le gouvernement, poussé l'épée
dans les reins, soit obligé d'en faire
exécuter les dispositions les plus
odieusement iniques.
C'est dire que les entraîneurs du
ministère n'admettront pas qu'il;
s'arrête en route et le briseront s'il
essaie de ralentir ; la démonstra
tion des satellites de M. Bourgeois
aura du moins le mérite de bien
avertir ceux d'entre nous qui pour-»
raient ne pas être encore suffisam
ment avertis".
IVous tenons & informer MM. les sé
minaristes que, à, titre exceptionnel,
pour la période trimestrielle de juil
let, août et septembre, nous leur con
sentirons des abonnements de faveur
au prix de SIX francs pour le quoti
dien et de TROIS francs pour le semi-
quotidien quand ils nous adresseront
une liste collective de dix abonnés an
moins. ■ . . ■■ ■
Çà et là
COIN DE LONDRES
Pas de brouillard, paB de fumée, pas
de piétons, pas de voitures, pas de bou-
tiques, pas de mouvement, pas de bruit.
Dés rues proprettes, silencieuses. A
droite et à gauche, deux lignes de petits
jardins, bijoux de verdure et de fleurs.
Derrière les deux lignes de jardins, deux
1 ignés de maisonnettes toutes rouges, oà
s'accrochent des plantes grimpantes. Des
rues transversales s'ouvrent çà et là, pa
reilles ou k peu près. Le type des mai
sons change de temps en temps;mais
chaque type est tiré à des centaines
d'exemplaires. La disposition de la ver
dure et le choix des fleurs introduisent
seuls la variété dans ces alignements
monotones; mais cette verdure et ces
fleurs se glissent partout, se hissent par
tout, envahissent les murs, les balcons,
les fenêtres, festonnent les corniches, se
suspendent en lustres, se déroulent en
guirlandes, ménagent aux yeux, à chaque
pas, des surprises de formes et de cou
leurs.
Quartier de banlieue. Ni riche ni pau
vre. Les habitations sont petites — douze
cents francs de loyer environ, et les rec
tangles de jardinets — un devant, un der
rière— sont mesurés avec une savante
parcimonie. Ni rumeurs de conversa
tions, ni appels, ni cris. Les enfants eux-
mêmes se mettent d'instinct, parait-il, au
diapason de cette symphonie discrète
des choses.
Suivons le « road ® scrupuleusement
entretenu et nettoyé par une voirie méti
culeuse. Là-bas, ou plutôt là-haut, s'ou
vre un grand espace vert : vastes pelou
ses en pente, entrecoupées de massifs
d'arbrisseaux. Ce sont les « communs »,
promenade du quartier, le Ilyde-Park de
l'endroit. Rien d'élégant ni d'apprêté. On
dirait une prairie quelconque, à la cam
pagne, et l'on a la sensation d'être à cent
lieues d'une grande ville. On peut mar
cher et s'étendre sur le gazon. Quant aux
fleurs, des écriteaux amis de la précision
vous préviennent charitablement que
vous pouvez vous donner le luxe d'en
cueillir moyennant une amende de cinq
livres sterling ( cent vingt-cinq francs et
des centimes). La surveillance est diffi
cile, mais le juge a la main lourde: Gela
se compense, et le public, en général, se
le tient pour dit.
Du reste, à l'heure matinale où nous
déambulons, presqse personne sur le
f gazon- communal. On révérait, si l'on
avait le temps de rêver en voyage. Où
donc est le mouvement ici ? Où sont les
affaires ? Il faut bien les trouver quel
que part, n'est ce pas ? Sans doute, et
nous voici arpentant, soùs la conduite
d'un aimable cicerone, la a rue mar
chande x> du quartier. Nous sommes à
l'extrémité sud de la capitale, en une
région que les cartes n'indiquent déjà
plus, et qui est à Londres ce que Sceaux
ou Meudon peuvent être à Paris, bien que
des lignes ininterrompues de maisons
la relient au reste de la cité monstre.
Or, si les s communs » nous transpor
taient tout à l'heure en pleine campagne,
la a rue marchandé » nous transporte
maintenant en plein affairement urbain.
Les magasins sont norabreux, sérieux,
quelques-uns grandioses. Les fruitiers
ont des approvisionnements de primeurs
qui nous rappellent la récente exposition
d'horticulture^ Ici ce sont des fraises
grosses comme le poing d'un enfant. Là,
sur l'étal d'un marchand de poissonB,
c'est un écroulement de bêtes mons
trueuses. En face, un grand magasin de
nouveautés fait miroiter les soies de
France et du Japon à côté de fines et
sveltes porcelaines. Des ménagères cir
culent, rapides, avisées, distribuant brè-
vement leurs ordres aux fournisseurs
pour les approvisionnements du jour. En
ce coin perdu— paradoxe bizarre — l'a
cheteur court la chance de trouver l'objet
qu'il désire, àprès une infructueuse flâ
nerie dans Regent street et dans Oxford:
street.
Deux églises se regardent, l'une métho
diste, l'autre catholique, neuves et jolies
toutes deux. La plus jolie est l'église ca
tholique. Sa flèche aiguë perce un ciel ni
gai ni triste, où de légers nuages laissent
deviner le soleil. A l'intérieur, des bancs
élégants, de beaux vitraux modernes. On
nou3 dit que les conversions se multi
plient dans la paroisse et que la construc
tion même de l'église est due en partie
aux libéralités d'un protestant notable.;
Ce gentleman étrange donne de l'argent,
aux œuvres catholiques, cause et dîne
avec les prêtres catholiques, assistç as
sidûment aux offices catholiques, et...
reste protestant. Il "réfléchit...
Mais un train nous emporte vers Lon-
don Bridge. La distance est-longue. Il-
faut traverser les faubourgs du Sud, des
quartiers ouvriers, et voilà que défilent
des rues, encore des rues, toujours des
,rue3, avec des milliers de maisons toutes
pareilles et rudimentaireB, comme si on
leB avait fabriquées à la machine. Ja
mais l'uniformité architecturale n'a été
poussée aussi loin. C'est un océan loin^
tain dè façades sombres et tristes, cou
ronnées de toits sombres et tristes, sur
lesquels s'alignent, comme une armée
aux rangs serrés» des cheminées sombres
et tristes. Et cela n'en finit plus, et cela
recommence sans cesse. On se demande
comment tant d'êtres humains peuvent
exister côte à côte. On songe aux mil
liers d'usines, de docks, d'ateliers, dans
lesquels ce peuple immenBe va s'engoufc-
frer chaque matin, et d'où il ressort le
soir, après quelques héures d'un travail
relativement court, mais intense. Du
reste, la misère qu'on guette n'apparait
pas. Elle a sans doute été refoulée plus
loin. Les légions de travailleurs qui ha
bitent ces quartiers 1 ^'ignorent pas le
confortable. Toutes ce» maisons si lugu
bres ont des jardins, et'presque tous ces
jardins ont des'fleurs, des plates-bandes,
des pelouses en miniature, évidemment
soignées et entretenues avec amour
C'eBt le soir. Des ouvriers revenus du
travail sont là, dans leur petit domaine
de quelques pieds carrés. Ils bêchent,
arrosent, ratissent. Le vieux paysan
saxon d'autrefois revit dans ce rouage
vivant de la machine moderne. Il aime
le sol et s'y cramponne, plus fort que
l'industrie qui s'efforce de l'en déraciner.
Tous ces jardinets, au-dessus desquels
file le train, jettent un rayon de gaieté
imprévu autour de cet énorme amoncel
lement de bâtisses mornes, lamentable
ment semblables les unes aux autres
jusqu'aux limites de l'horizon. On s'at
tendait à trouver de la .prose, et l'on èn
trouve ; mais on ne prévoyait pas la poé
sie, et l'on est tout ravi, en même temps
$ue tout étonné, de rencontrer cette in
truse.
Mieux que cela. Une autre chose frappe
le regard, dans cette géométrique im
mensité de façades et de toitures. C'est
le grand nombre de. clochers qui domi
nent celles-ci. On en voit tout près, on en
voit au loin ; il en est qui se perdent
comme à l'infini, là *"0ù "les toits ne se
distinguent même plus. Presque tous
sont pointus, élancés, et dénotent le style
gothique. C'est la prière et l'esprit chré
tien planant au-dessus du fourmillement
des affaires. C'est un concert un peu ca
cophonique peut-être, mais touchant
quand même, d'actes de foi complets ou
incomplets, orthodoxes ou hérétiques,
montant d'une foule de points vers un
même ciel où tout le monde aperçoit le
Christ. Et ce formidable panorama d'ha
bitations ternes et identiques prend sou -
dain, quand la direction du regard B'é-
lève d'un cran, un cachet singulier de
gravité morale et religieuse. Nous som
mes au lundi, et nous nous souvenons
qu'hier encore, dans cette agglomération
de cinq millions d'âmes dont nous ne dé
couvrons en ce moment qu'une bien fai
ble partie, tous les magasins étaient fer
més, tous les travaux arrêtés, toutes leB
affaires suspendues, que l'on ne pouvait
pas trouver un morceau de pain chez les
boulangers, une côtelettè chez lès bou
chers, que des milliers de businessmen
actifs* âpres au gain,ne laissant rien à la
fortune, comme Gromwellj # de ce qu'ils
peuvent lui arracher par leurs combinai
sons toujours nouvelles, possédés de la
vérité du proverbe time is money, que
ces milliers d'hommes, disons nous, se
recueillaient, ou manifestaient systéma
tiquement l 'intention de se recueillir,
dans ces centaines de temples si gran-
diosement trahis parleurs flèches, tan
dis que des centaines de mille ouvriers,
congédiés le samedi de bonne heure,
goûtaient en famille, dans leur modeBte
home, un repos qu'ignorent tant de leurs
camarades français.
La nuit est tombée, et le train appro
che de London-Bridge. Nous nous re
plions dans notre coin, tâchant de déga
ger l'idée maîtresse du spectacle qui
vient de fuir sous nos yeux en quelques
instants, comme sur la toile d'un ciné
matographe, et nous demandant si ces
jardinets pleins de fleurs d'une part, et
ces clochers pointus de l'autre ne don
nent pas des enseignements pleins d'é
loquence sur les causes qui ont fait et
font encore l'incontestable prospérité de
ce peuple, notre séculaire rival.
G. d'Azambuja.
CMIQll DES HISSIONS
Départ pour là Chine.
Le P. Henri, ancien directeur de la
Revue franciscaine, bulletin mensuel du :
Tiers-Ordre de saint François, publié_
par les Frères mineurs des provinces de:
France et de Saint-Louis d'Aquitaine,
vient de partir pour la Chine avec deux,
de ses confrères. La cérémonie du départ!
a eu lieu dans l'église du couvent des;
Franciscains-de Bordeaux, le 14 juillet;
elle a été présidée par le cardinal Lecot;
Tous les départs de missionnaires pour la;
Chine sont, en ce moment, particulière-;
ment émouvants ; après les horreurs de'
l'année dernière et leB inquiétudes que
donne l'avenir, on peut se demander tou-,
jours, quand les missionnaires nous quit
tent, si on ne salue pas de futurs martyrs.:
« Pour vous-mêmes, s'est écrié le cardi
nal Lecot d'une voix que l'émotion étouf-;
fait, songez à la persécution qui gronde
encore Bur les rivages où vous allez abor
der ! Le sang chrétien n'a pas encore
fini de couler sur cette ; malheureuse
Chine ; mais, aussi, confiance et courage.
Et si le geste de Dieu nous montre i'é-
chafaud, si la voix vous invite au mar
tyre, répondez toujours par un geste
d'obéissance commencé ici-bas pour s'a
chever dans le ciel. » ,
Scène de mœurs an Chen-SI.
L
Paul chargé des missions du ChenrSi mé*
ridional et de la Basse Californie raconte
une scène caractéristique des. mœurs chi
noises et des moyens pris par les Célestes
pour empêcher les réclamations. Ici; il
s'agissait d'user des voie'B amiables. Au 5
mars dernier le vicairéapostolique, Mgr
Passerini, et les autorités locales n'a
vaient pas encore réussi à B'entendre,
pour régler les conséquences matérielles
de l'assassinat du P. Crescitelli.' Aux ré
clamations de l'évêque, reconnues équi
tables et justes,en théorie, les mandarins
opposaient, en pratique, la force d'iner
tie ; mais un jour, sentant bien qu'il fal
lait en finir et qu'en prolongeant un tel
état de choses, ils pouvaient méconten
ter le pouvoir central, ils se dirent que,
par de bons procédés, on pourrait proba
blement enterrer l'affaire;
Le 14 février dernier, toutes les auto
rités civiles et militaires de Ilan tsun-fu
vinrent en corps à la résidence du vicaire
apostolique à Cu-lu-pa, pour engager ce
dernier à renoncer à toutes ses deman
des. Il y avait là le Tao-t'ai, premier
mandarin civil ; le Cen-t'ai, premier
mandarin militaire, le Tsen-fu ou préfet,
les sous-préfets de Cen-Ku Sien et de
Ngin-Cian-Ciou, et un officier, en un
mot les principales autorités de la pro
vince, suivies de 300 personnes envi
ron.
Chacun se demandait ce que signifiait
ce cortège si imposant, pourquoi les
mandarins s'étaient décidés à faire une
si solennelle démarche ; et les bavarda
ges et les suppositions allaient leur train.
On voulait chasser l'évêque et ses mis
sionnaires ; on venait simplement faire
une inspection de leur demeure ; bien
mieux, tout cet appareil indiquait bien
clairement que le gouvernement venait
exiger des excuses de la mission catholi
que.
Le cortège ne venait pas les mains vi
des ; il apportait à Mgr Passerini des
dons précieux et, notamment un grand
parasol de satin rouge sur lequel étaient
inscrits les noms des auteurs du meurtre
du P. CreEcitelli et même celui de rassa
sia. Ce parasol était comme un pot de vin
envoyé parles massacreurs de Ngin-Cian
Ciou, pour acheter le silence de l'évê
que.
Mgr Passerini donna immédiatement
l'ordre d'empêcher l'entrée des cadeaux
dans la résidence, afin de conserver sa
pleine liberté d'action, puis il se mit en
mesure de recevoir les autorités avec
tout le cérémonial dû à leur rang. Il mit
sa résidence à la disposition de leurs
Excellences, fit le tour du propriétaire, et
un dîner de gala fut servi où l'on se con
tenta de parler de la pluie et du beau
temps.
- Après le repas on se mit à causer af
faires sans arriver à aucun résultat. Le
lendemain nouvel assaut d'éloquence. L«s
troisième jour, les mandarins partirent
sans avoir fait céder l'évêque.
La mission de Tobago.
, La mission de Tobago qui était dirigée
par un de nos compatriotes vient d'être
confiée à un Dominicain belge, le Père
Joachim Marie Kervyn. C'est un^raisoS
dè santé qui a contraint le missionnaire
à prendre une détermination bien dure
pour le cœur d'un piètre zélé, cesser
un apostolat fécond, exercé depuis de
nombreuses années déjà, et poursuivi
avec un zèle au-dessus de tout éloge.
Hélas ! il arrive souvent que les soldats
de l'Eglise, au milieu des pacifiques con-
quêtes du Christ, tombent sur la brèche.
Le Père Kervyn n'a pas succédé directe
ment au religieux français. Pendant six
mois Tobago fut confié à un autre domi
nicain, contraint lui aussi, par la mala
die, à rendrë les armes.
L'île de Tobago, dans la mer des Ca
raïbes, est à vingt milles de la Trinidad,
par 11°9 de latitude nord et 60° 4 de lon
gitude ouest. Elle dépend, au point de
vue religieux, de l'archevêque de Port
d'Espagne, et, au point de vue politique,
du gouvernement de la Trinidad. C'est
un pays dont le sol est fertile, qui fut ri
che jadis mais qui est très pauvre au
jourd'hui.
Tobago fut découverte en 1498 par
Christophe Colomb ; les Hollandais s'en
emparèrent en 1632 ; de 1660 à 1781 les
Anglais la leur disputèrent ; de 1781 à
1793, les Français la leur enlevèrent. De
puis cette époque l'île appartient aux An
glais. Il y a 60 ans, les catholiques étaient
en majorité* comme à Saint-Vincent.
Maintenant, ces deux îles où l'évangélisa-
tioh ne put pas se poursuivre pendant
une partie du siècle dernier sont presque
entièrement protestantes.
La mission catholique de Tobago pos
sède cinq écoles et en ouvrira bientôt
une autre si les ressources le lui permet
tent. Le terrain est acheté, et une croix
de bois émergeant des broussailles indi
que quel est son propriétaire. Il a fallu,
par défaut d'argent, licencier, il y a
quelques mois, l'orphelinat. Si on ajoute
à ces cinq écoles, un petit hospice pour
les vieillards, et quatre chapelles avec
de pauvres réduits servant de presby
tères, l'on aura l'ensemble des établisse
ments appartenant à la station.
Il y a bien Longtemps déjà, le vénéra
ble Mgr Gonin, alors archevêque de Port
d'Espagne, appelait à son aide, pour pro
curer à Tobago et à Saint-Vincent les
bienfaits dé l'évasgélisation. Il deman
dait surtout des missionnaires en son
geant que la pénurie de prêtrës avait été
la cause de la perte pour Rome, de To
bago et de Saint-Vincent. « Il ne manque
pas d'Européens de diverses nations,
écrivait-il aux Annales de la propaga
tion de la foi, qui tous les jours, vien
nent s'établir aux Antilles, pour y rem
plir des fonctions administratives bu pour
y suivre des spéculations de commerce et
d'industrie. Ils ne redoutent pas les
épreuves de la température. Pourquoi
les âmes généreuses que Dieu appelle à
le servir dans les missions étrangères fee
montreraient-elles plus préoccupées de
leur- Banté ? Pourquoi refuseraient elles
de faire pour l'amour de Dieu ce que
tant d'autres font pour des intérêts te m?
porels ? ® L'ordre de saint Dominique a
montré çjue les prêtres catholiques n'é
taient a pas moins généreux que les mi
nistres de l'erreur ».
Le Témoin.
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