Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-06-04
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 juin 1901 04 juin 1901
Description : 1901/06/04 (Numéro 12155). 1901/06/04 (Numéro 12155).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7107453
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 4 Juin 1901
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Mardi 4 Juin 190
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B.Y
PARIS, 3 JUIN 1901
SOMMAIREB
Un Sénat enragé ..
Les affaires de
Chine ............
Çà et là: La taba
tière >de Catheri
ne II...
La fête du « Divino
amore
A Montmartre......
Feuilleton : Les der
nières années de
Chateaubriand....
E ugène T avernisr.
F. L.
J. M antenay.
A ndré S osto.
E douard A lexandre
G eoffroy de G rand-
maison.
Bulletin. ~ Nouvelles de Rome. — Ce
qu'on n'interdit pas. — L'affaire Mon-
nier. — Mgr Chapon et l'empereur d'Au
triche. — Informations politiques et
parlementaires. — La « Patrie française »
à Toulouse. — L'incident du Havre. —•
Fêtes et réunions d'hier. — Chez les so
cialistes. — En Espagne. — La guerre du
Transvaal. -— En Chine. — Dépêches de
l 'étranger. — A travers la presse. —
L'affaire du Figaro. — Chronique. - —
Lettres, sciences et arts.— La question
ouvrière. — Les grèves. — Echos de
partout. — Le pèlerinage de Pommereau.
— En province. — Nécrologie. — Tribu
naux. — Nouvelles diverses. — Calen
drier. — Bourse ét bulletin gSnanclsr. —
Dernière heure.
UN SÉNAT ENRAGÉ
Quand on n'a plus le courage de
défendre la liberté et la justice, il y
a encore un moyen de se dis tinguer :
c'est de devenir féroce. La commis
sion du Sénat reprend ce vieil exem
ple, qui sera sans doute; suivi par la
majorité de l'assemblée, la haute
assemblée, selon l'expression, in
constitutionnelle, si douce aux
oreilles des Pères Conscrits.
Les législateurs, du Luxembourg
savent très bien qu'ils sont réduits
au rôle de « Chambre d'enregistre
ment». C'est une habitude de leur
envoyer le budget à la dernière mi
nute et même plus tard encore. Ils
rédigent alors une petite plainte qui"
épuise immédiatement l'effort de
la dignité déchue et qui a fini par
servir de préambule ordinaire à
l'ordinaire capitulation. Cette for
malité accomplie, le-Sénat vote pré
cipitamment, en bloc, en tas, au
hasard, à coups de pieds, tout ce
que les députés lui proposent, c'est-
à-dire lui imposent.
Il vote, mais parfois il souffrede
cet asservissement que sa faiblesse
et sa complicité ont souscrit..., qu'el
les souscriront de nouveau.
Si pourtant quelque moyen sub
sistait de feindre un peu d'indépen
dance? De loin en loin ce désir s'é
veille au Luxembourg. Les hommes
ont un tel besoin de dignité qu'ils
recherchent les apparences,
en
C'est une consolation de se faire
illusion à soi-même, faute de mieux.
La loi Waldeck étant hypocrite,
tvrannique, odieuse et absurde, les
Pères conscrits ne peuvent, n'est-il
pas-vrai, ni la repousser, ni l'adou
cir. La ratifier simplement, ce serait
s'abaisser encore' sans aucune com
pensation.
Si on aggravait ladite loi ? Si on la
rendait pire, plus injuste et plus
brutale, plus insolente et plus
folle? Tiens! mais au fait ! Elle
porterait ainsi la marque du Sénat.
"Voyez-vous l'avantage moral pour
la naute assemblée? Parfaitement.
La commission a compris, s'est
échauffée, exaltée, emballée ; et la
majorité des commissaires se hâte
de fourrer dans la loi tout ce que lui
présentent les tyranneaux et les
spoliateurs inventifs.
M.' Waldeck-Rousseau et les dé
putés avaient fixé à six mois le dé
lai pendant lequel les associations,
lisez les congrégations, devront
faire « toutes les diligences néces
saires »,c'est-à-dire demander a être
autorisées. Ne serait-ce pas habile
et fier d'insinuer que le ministre et
la Chambre ont usé de trop de con
descendance envers les Religieux ?
La commission sénatoriale a été
ravie par cette belle idée et elle a
conclu qu'une période de trois mois
suffit aisément.
M. Maxime Lecomte, connu prin
cipalement par une humeur singu
lière qui le rend d'autant plus
joyeux qu'il exprime des sentiments
plus féroces (on l'appelle « l'homme
qui rit ») ; M. Maxime Lecomte pro-
Êosait de réduire le délai à un mois !
.a commission n'a pas voulu fixer
des limites si étroites,probablement
parce qu'un incident ou un vote de
hasard pouvait les resserrer encore.
Rien ne prouve que M. Maxime Le
comte représente le dernier degré
de l'extravagance sénatoriale, joyeu
se ou triste. Il ne fallait pas jurer
que" quelqu'un no se lèverait pas
pour demander de réduire le délai
a huit jours ou à vingt-quatre heu
res et que cette frénésie ne se trans
formerait pas en loi.
Trente jours, c'est parfait. On
stimule M. Waldeck et la Chambre.
Le Sénat continue d'enregistrer,
mais comme il expédie !
Il dépouille aussi avec plus de
sévérité. Deux légistes, MM. Cla-
mageran et Vallé, ont facilement
persuadé la commission que les
congréganistes dis°ous, s'étant vu
enlever les biens donnés à la com
munauté, n'auront même plus le
droit de rien conserver dé ce
qui restera. Les gbut nés seront-
elles confisquéei ? Nous le verrons,
lors de l'a discussion publique.
Gardons-nous de croire que les
commissaires n'aient aucun scru-
Eule. Ils ont cédé à M. Franclt-
hauveau, qui demande que les
membres des congrégations dissou
tes puissent recevoir des pensions.
Ils ont également cédé à M. Thé-
zard et déclaré que la prescription
civile ne sera pas opposée aux ré
clamations des donateurs, héri
tiers, etc.
La justice étant satisfaite ainsi,
car elle a peu d'exigences, la politi
que va marcher bon train. Le rap
porteur, M. Vallé, bâcle son rapport
camiiie la commission a bâcle le
texte de la loi. Mardi prochain pro
bablement, le 11 juin,le débat public
pourra commencer. On a décidé de
prendre tout de suite I® galop, un
galop fantastique qui prouvera l'a
gilité des sénateurs.
Ce sont vraiment d'adriiirables
dispositions. Les nombreux péda
gogues qui distribuent aux écoliers
des harangues en l'honneur de la
majesté des lois pourront citer un
exemple magnifique : — Voilà com
ment ça se fait une loi, jeunes, élè
ves!' .
0 temps lointain où le Sénat re
poussait}'article 7et bravait le fouet
ae Jules Ferry ! C'est bien vieux,
c'est bien ouolié. Quelquefois, de
puis, la haute assemblée eut encore
certaines velléités d'indépendance,
prélude de capitulations plus com
plètes. Elle grognait sous le joug et
s'aplatissait de nouveau, à l'imitav
tion du Sénat dont Tacite a raconté,
avec: une inépuisable stupeur, les
défaillances et le3 reculades. Patres,
cœptatam libertatern, postquam ob-
viam itum, omisere. Quand ces lé
gislateurs ne reculent pas, c'est
pour se jeter sur la justice comme
sur une proie. Regardez-les
... s'empresser ardemment
A qui dévorera ce rêve d'un moment.;
Regardez, écoutez ces" législa
teurs qui grognent, qui soufflent,
qui bondissent. Ils s'impatientent
énormément et ils appellent l'heure
LE MONDE
• PARÏS ÊÏBàNGER .
if SÈPAilTEMEKSS ("JKïOSS îOSTltSi
SJn&n..; 20; » - 26 »
Six mois.»...„ t© b
Trois mois S . * % Sf
; tes- âlbeaaemlstt p aite&l I» ®t If 4s fitecps mole
&UNÎWMRS ne répond pas des manuscrits qui hA sera mreisêï
AfrfiOHOKS
b£M. L à GKANGE, CERF et G™, 6 S place as îs Boarsê*
très prochaine, mardi 11 juin,-où
M. Waldeck-l'iousseau viendra les
faire travailler dans la cage cen
trale.
Eugène T avernier.
WlULLETlfrC
Hier, comme tous les dimanches, ont
eu lieu de nombreuses réunions politi
ques, inaugurations, eérémonies pa
triotiques, etc. Nous ne siqnalerons ici
que les discours prononces à ChS.lea.u-
roux par M. Dupuy, ministre de l'agri
culture, et par M. Mougeot à Langres,
A Toulouse, M. Jules Lemaitre devait
donner hier une conférence sous la pré
sidence de M. Cavaignac. Les ministé
riels toulousains sont venus faire du
tapage et ont empêché la réunion dese
tenir — sans doute au nom de là liberté
de discussion.
Hier, ont eu lieu en Espagne les élec
tions pour le Sénat : la majorité des
candidats élus appartiennent au parti
libéral ministériel, mais cette majorité
sera considérablement affaiblie par ce
fait que, parmi les sénateurs à vie, un
très grand nombre sont conservateurs.
A la-' Gorogne, la situatisn reste tou
jours grave. Le gouvernement espagnol
se déclare très mécontent de la conduite
du préfet dans les récents événements et
serait décidé à le destituer.
Si l'on en croit une dépêche du Yo
kohama, deux missionnaires et six con
vertis auraientétémassacrés à Quelpart,
en Corée. Deux navires de guerre fran
çais et un japonais ont été envoyés
dans la région.
On dément que le général Botha ait
demandé à. ouvrir de nouvelles négocia
tions. '
NOUVELLES DE ROME
1 er juin.
Au Vatican.
Le 31 mai, S. S. Léon XIII a reçu en
audience particulière Mgr Zichy et Mgr
Caccia-Dominioni, et les comtes Sa-
limci, qui reviennent de leurs missions
en qualité d'ablégats et de courriers
pontificaux auprès dea nouveaux cardi
naux de Prague et de Oracovie. •
Le Saint-Père a de même reçu le R.
Joseph Sommavilla des ministres des
infirmes.
-— Le 1 er juin a été reçu en audience de
congé M. le comte de Courten, capitaine
commandant en retraite de la garde
suisse, et le baron Hoffmann.
—Il est tout à fait inexact que M. Pidal,
ambassadeur d'Espagne, près le Saint-
Siège ait donné, ou songe à donner sa dé
mission. M. Pidal a bien été élu député,
maist il a décidé de rester à son poste
d'ambassadeur, aussi longtemps que le
lui permettront les circonstances.
- Prise de possession.
Le 31 mai; S. Em. le cardinal Tripepi
a pris possession de son titre cardinalice
de Sainte-Marie in Dominica. Son Em. a
été reçue par Mgr Katebrust, le R. P. abbé
général des Bàsiliens qui desservent l'é
glise.
Pendant la fonction, les élèves du col
lège grec ont chanté dans leurs rites.
Après la lecture de la bulle pontificale,
l'abbé général remit à Son Eminence,
les emblèmes de possession, en accom
pagnant cet acte d'un beau discours de
circonstance.
S. Em. le cardinal Tripepi repondit
avec cette érudition qui lui est propre, et
après avoir parlé de sa terre natale la
grande Grèce, il a remercié le 3aint-Père
,de lui avoir conféré le titre de Sainte-
Marie in Dominica. Il y voit une protec
tion de la sainte Vierge, à laquelle il se
consacra dès son enfance.
; Assistaient à cette fonction, S. Exc. le
ministre de Belgique près du Saint-
Siège, les archevêques de Damiette et
dlAmasea.et un grand nombre de prélats
et de laïques. .
: Les grèves à. Rome.
. La grève des maçons est arrivée à sa
sixième journée, et on n'a pas encore
réussi à trouver une solution satisfai
sante.
L'obstacle. principal vient des entre
preneurs qui ne croient pas pouvoir aug
menter le salaire des ouvriers, à cause
des mauvaises conditions des entreprises
par adjudication publique.
Pour donner un exemple de la situation,
l'adjudication du tunnel sous le Quirinal
a été prise avec un rabais de 50 0^0 sur
les devis.
L'assemblée des maçons a entraîné
dans la grève les menuisiers, les plâ
triers, les charretiers de Pouzzolane, et
enfin les cigarières. Les ouvrières de la
fabrique de tabac, dépendant de l'Etait,
réclament un meilleur traitement hygié
nique. Elles se plaignent aussi qu'on ait
admis dans les ateliers des petites filles
de 12 ans, faisant concurrence aux ou
vrières adultes.
Les grévistes sont actuellement 17,000.
En province.
Dans la province de Bergame où les
œuvres catholiques sont particulière
ment florissantes, ont éclaté aussi des
grèves chez les paysans des communes
de Sabbio, Sforzatico, Osio, Albegno et
Levate. , '
Il y a eu même des agitations popu
laires, le gouvernement a cru devoir en
voyer la troupe. Cependant, grâce à l'in
tervention des curés et des délégués des
associations catholiques, on a pu arriver
à un accord entre les propriétaires et les
paysans.
L'Avanti avait soutenu que les agita
tions de Bergame étaient dues au fait
que, dans cette province, tout le peuple
est entre les mains des catholiques et
que les socialistes n'y ont pas d'in
fluence.
L 'Eco di Bergamo, journal catholique,
prouve au contraire "que les catholiques
ont réussi tout de suite à conclure des
accords et que les socialistes avaient en
voyé dans le pays des émissaires chargés
dë prolonger l'agitation, mais leurs ef
forts ont été inutiles.
LES AFFAIRES DE CHINE
La plupart dés puissances, euro
péennes et autres, qui ont entre
pris de rétablir l'ordre en Chine,
particulièrement dans les provinces
du nord-est, annoncent officielle-,
ment qu'elles vont rapatrier la plus
grande partie de leurs troupes. Les
négociations sont, dit-on, sur le
point d'être terminées, ét le gouver
nement chinois s'est résigné à payer
une indemnité collective, de douze à
quinze cents millions, que les gou
vernements alliés se répartiront
amicalement dans la proportion de
leurs sacrifices.
Telles sont, en gros, les informa
tions que les agences et les jour
naux plus ou moins officieux four
nissent au public des deux mondes,
depuis quelque ■ temps, et qu'ils
commentent avec satisfaction. On y
ajoute quelques détails sur les éva
luations variées que font les puis
sances de leurs prétentions péeu-
aiaires, sur les effectifs réduits qui
continueront de tenir garnison en
Chine, notamment à Pékin et à
Tien-Tsin, jusqu'à l'entière exécu
tion des stipulations du traité final
que l'on dit sur le point d'être si
gné et dont la signature coïnciderait
avec le retour de l'empereur de
Chine à Pékin. Ainsi se clorait pa
cifiquement et à bref délai cette for
midable crise, cette redoutable aven
ture. r "
Par malheur ces informations op
timistes ne sont pas seules en cir
culation ; il en est d'autres qui les
contredisent sur des points très
importants. En premier lieu l'ac
cord des, puissances serait loin
d'être, en. réalité, aussi parfait que
le prétendent les .chancelleries.
L'Angleterre et le Japon surveillent
jalousement la Russie et continuent
FEUILLETON DE L'UNIVERS
.. du 4 juin 1901
LES DERNIÈRES ANNÉES
DE CH&TEiUBRiilD
Les révolutionnaires ne savourent pas
toujours le fruit des révolutions ; et
leurs alliés ne le goûtent jamais.
Du résultat des trois glorieuses de
1830 personne ne fut plus confus que les
membres de la Droite où se recrutait le
parti de la « défection ». S'ils en avaient
à l'avance connu les résultats, presque
aucun des 221 n'eût signé la fameuse
adresse à Charles X. De tous ces in
telligents royalistes, qui croyant faire
pièce à M. de Polignac, fusillaient à
bout portant les ministres du roi très
chrétien, les meilleurs tireurs (dès que
le rideau tomba Bur la comédie de quinze
ans) furent les premiers jetés hors de la
Bcène, hors des loges, hors du parterre :
dans la rue.
Nul ne manifesta une indignation plus
véhémente que Chateaubriand. Cette vi
vacité (aujourd'hui elle nous paraît bien
un peu naïve) cachait véritablement beau
coup de surprise. Il se mit dès le lende
main à prophétiser les catastrophes de la
veille : « Inutile Cassandre il ne me reste
frage que j'ai tant de fois prédit. » Il l'a
vait peut-être prédit, il ne l'avait certai
nement pas conjuré, et plus certainement
encore sa petite barque disparaissait
dans le gouffre où coulait à pic le vais
seau royal,
Sa carrière officielle se termina, fort
honorablement, le 7 août 1830 vson rôle
d'homme d'Etat n'était.pas achevé ; il en
trait même dans une phase nouvelle à
cette séance de la Chambre des pairs où
son éloquente voix saluait, faisant écho
aux abdications de Rambouillet, la
royauté de Henri V.
Très, sincère, très respectable, cette
attitude convenait à merveille à Chateau
briand : elle lui permettait d'être légiti»
miste sans avoir à se rapprocher de l'an
cien monarque, elle ouvrait toute grande
à son illustration littéraire* et politique
l'espérance d'une influence prépondé
rante sur un jeune prince non encore
sorti de page, enfin sa nature chevale
resque s'accommodait à merveille de ce
rôle de protecteur d'une princesse ré
gente et exilée. Vis-à-vis de Charles X,
du duc de Bordeaux, de la duchesse de
Bêrry, il se sentait donc et se mettait à
l'aise. — L'âge, le malheur, la pauvreté;
le dévouement, l'éloquence aussi et un
peu de constance théâtrale entourent la
fin de cette vie, dans le rôle que j'indi
que, d'une très poétique auréole.
Est-ce pouP ne l'avoir pas connu et
n'avoir pas été consulté ? Mais il accueil
lit plutôt fraîchement la prise d'armes
tentée en Vendée par Madame,. La lutte
matérielle, une fois close, il ouvrit avec
plus de contentement la lutte par la plume
et la France entière retentit de son cri de
fidélité qui était aussi un cri de bataillé.
La réponse du gouvernement de Louis-
Philippe fut maladroite : quelques jours
de détention chez le préfet de police ne
pouvaient atteindre Chateaubriand, ils
répandirent à assez bon compte sur sa
.personne un très enviable lusti'e de per
sécution. -
Il était ainsi sacré l'avocat public de
la légitimité,- et sa position en devenait
si brillante que la duchesse dé Berry
l'estima le meilleur des ambassadeurs
quand, sortie ; de la prison de ; Blaye,
elle eut besoin de renouer avec la petite
cour exilée de son beau-père et de se
rapprocher de ses enfants.
On sait quel obstacle récènt semblait
l'empêcher de jouir de ceB relations si
naturelles : son mariage secret avec le
comte Lucchesi Palli. Il y avait certaine
ment là mésalliance, légèreté de con
duite et un oubli du sens commun qui
pouvaient infirmer sa position vis-à-vis
rte l'Europe, de la France, du parti royar
liste et de son propre fils.
C'est ici que Chateaubriand entre en
scène et va poursuivre sa mission diplo
matique, dont le récit nous a valu dans
les Mémoires 4' outre-tombe des pages
extrêmement curieuses. Elles brisent
bien souvent le cadre et vagabondent de
ci de là avec une désinvolture toute ro
manesque, mais quel charme dans les
irpproipptus, quelle souplesse dans les
descriptions, coihbién vivants et parlants
ces portraits ; à faire ainsi l'école .buis-
sonnière, personne qui ne vouîût fetoûr-
ner au collège et reprendre son rudi-*
ment. , ' • ' ' ' - *
L'auteur des Martyrs vivait à l'infirme
rie de Marie-Thérèse, dans cet asile que
Mme dè Chateaubriand avait généreuse
ment ouvert à la vieillesse des pauvres
prêtres. C'était le bruyant Paris, sans
doute, mais dans l'isolement d'un loin
tain faubourg, et au milieu d'un décor
champêtre dont jouissait l'âme d'un poète.;
Quand son œil ne s'arrêtait pas aux ar
bustes et au gazon verdoyant sous sa
fenêtre, il se reposait encore, à travers
la barrière blanche d'un enclos", sur un
bouquet de bois terminé par une allée de
peupliers ; et pour gagner une terrasse
de marronniers propice à sa promenade
solitaire, il suffisait à sa main de pousser
la claire-voie entrèîacée de chèvre-^
feuilles et de rosiers.
Au mois de mai de 1833, le printemps
commençait à peine, la bergeronnette
se posait aux premiers buissons verts,
l'écrivain burinait quelques feuilles de
ses Souvenirs, quand lui parvint, de la
citadelle de Blaye une grave missive :
elle le ramenait aux pénibles réalités du j
présent. La duchesse de Berry le char-ï
geait d'aller annoncer son mariage se
cret à Charles X. Mission délicate entre
toutes : le vieux roi était fort irrité et
blessé au cœur des bruits injurieux qui !
couraient sur sa feelle-fille ; le dauphin,
U dauphine, partageaient sa pensée ; la.
de protester contre son installation
en Mandchourie. L'emprunt que le
gouvernement chinois est obligé de
contracter pour payer l'énorme in
demnité à laquelle il est condamné,
la forme et les conditions de cet
emprunt, sa garantie, etc., sont une
autre pierre d'achoppement ; enfin
la question du commandement su
périeur des contingents qui doivent
former les garnisons que l'on juge
nécessaire de laisser en Chine n'est
pas réglée ; elle exige encore de dé
licates négociations.
Mais de toutes les informations
pessimistes qui nous viennent
d'Extrême-Orient, les plus graves
sont celles qui se rapportent à l'é
tat intérieur de la Chine. De plu
sieurs côtés, on s'accorde pour af-
rmer que. les provinces centrales,
jusqu'à présent paisibles, sont très
profondément agitées ; on prévoit,
après le départ des alliés, des ré
voltes, des soulèvements terribles,
dont les chrétiens indigènes seraient
particulièrement les victimes dési
gnées, et qui renouvelleraient; dans
des proportions inouïes, les plus
effroyables massacres dont l'his
toire humaine fasse mention...
Ces affirmations et ces prévisions
ne sauraient être traitées légère
ment, et l'on aime à penser que
notre gouvernement s'en préoccupe
dans toute la mesure que comman
dent les responsabilités morales de
la France en Extrême-Orient, et
son honneur.
F. L.
CE QU'ON S'INTERDIT PAS
Hier, à finies, ont eu lieu des courses
de taureaux. . ■ .
Le nommé Louis ; Puget a reçu d'un
taureau un coup de corne à la cuisse.
Le nommé Eugène Iïouvière a reçu
d'un autre taureau deux coups de corne,
l'un dans le flanc droit et l'autre dans la
bouche. Ce dernier coup lui a brisé la
mâchoire et arraché la langue. L'état du
blessé est désespéré.
Le gouvernement continuera à tolérer
ces spectacles barbares. Il réserve toute
ses rigueurs aux curés qui portent le
saint Viatique, et aux autres démonstra
tions cléricales, qui, paraît-il, compro
mettent autrement la sécurité.
Çà et là
LA TABATIERE DE CATHERINE II
On va vendre dans quelques jours à
l'hôtel Drouot la collection du marquis
de Thuisy qui se compose d'objets de vi
trine du dix-huitième siècle. Il y a là dè
pures merveilles. J'ai admiré, notam
ment, une boite à mouches en écaille
brune, montée à charnière en argent
doré, contenant un petit blaireau et un
miroir ; un drageoir Louis XV en or
ajouré et ciselé, à décor de fleurs; un
étui porte-tablettes en ivoire galonné
d'or, avec le portrait de Louis XVI en ha-
bit bleu, signé « Sicardi » ; un petit por
tefeuille en cuir, garni de cuivre doré,
avec serrure à'secret ; un flacon en cris
tal avec garniture d'or, de la seconda
moitié du dix-huitième siècle ; et une
boité rectangulaire en or, dont le couver
cle représente le portrait du duc d'Ari«
jou. Le prince est en buste, presque de
face. Sur son habit gris, à pavements
rouges, se détache le grand cordon du
Saint-Esprit. Cette miniature, peinte sur
émail, est signée : « Petitot. »
Mais le joyau de cette vente est la ta
batière de la grande Catherine que pos
séda jadis M. Léopold Double, le célèbre
collectionneur. Lorsque ce dernier mou
rut, il y a vingt ans, le bibliophile Jacob
raconta que la grandê-duebesse Marie
avait voulu reconquérir ce précieux bi
jou, mais qu'elle s'était heurtée à un re
fus formel.' . '
« Votre Altesse, lui écrivit M. Double,
ne voudra pas, en me forçant à lui' céder
petite cour de t l'exil se montrait hostile,
et les enfants, Henri et Louise, étaient
des enfants. V ' , -
Lé porte-parole de la duchesse était-il
bien choisi ? .
! Qui pouvait avoir oublié déjà ses su-
prêmés paroles à la tribune française ?
« ... On amenti jHsqu'à ladernière heure,
on a sonné tout à coup la servitude ; la
conspiration de la bêtise et de l'hypocrisie
a soudainement éclaté; une terreur de
château organisée par des eunuques... »
Difficilement on avait pu être pour le
gouvernement royal plus injurieux dans
l'injustice (1).
î Mais les bouleversements étaient si
grands que les détails disparurent, les
nuances s'effacèrent, « cette femme tom
bée dè si haut » s'accrocha désespéré
(1) L'excellent Charles X, en gentilhomme
et en chrétien, savait pratiquer l'oubli des
injures. A Prague même, Chateaubriand
l'expérimenta : l'accueil avait été plus que
flatteur ; le lendemain : « Le rot indécis,
hésitait •, puis prenant son parti : « J'ai
« quelque chose sur 1 le cœur ; vous m'avez
« diablement maltraité'dans la première par-
«;tie de votre discours à la Chambre des
« pairs ! » Et tout de suite,le. roi ne me lais
sant pas Je temps de répondre, s'est écrié :
«'Oh ! la fin ! la fin !. .. Le tombeau vide à
« Saint-Denis, c'est ^dralrable!,.i C'est très
« bien... très bien... N 'en parlons plus. Je
« n'ai pas voulu garder cela... c'est fini...
«c'est fini:..» Et il s'excusait d'avoir osé ha
sarder ce peu de mots. »Mêmoires d'outre•
tombe,
un objet qui est partie intégrante de ma
collection, me faire manquer à un ser
ment solennel que je me suis fait à moi-
même, de ne jamais rien distraire de
cette collection. Je fais des vœux cepen
dant pour que Votre Altesse puisse me
survivre et reprendre alors cette boîte
qu'EIle désire, quand je ne serai plus là
pour la défendre à regret. »
A la mort de M. Double, cette taba
tière fut achetée par M. de Thuisy. C'est
une petite boîte ovale en or guil'oché et
émaillé rouge,aveccordons émaillés bleu
et entre-deux ciselés à fleurs. Le couver
cle est décoré d'une miniature représen
tant le transport du rocher qui sert de
de base aujourd'hui à la statue dePierre-
le-Grand, sur le pont Isaa'c, à Saint-Pé
tersbourg. L'encadrement de ce médail
lon comprend deux figurines d'amours en
or ciselé, reposant sur des ornements et
des festons de fleurs et supportant une
couronne impériale exécutée en petites
roses de Hollande. Cette boite est enfer
mée dans un étui en galuchat, portant,
en argent, les armes impériales de Rus
sie.
Est-ce un Romanoff qui achètera ce
précieux souvenir de la gi'ande impéra
trice ? C'est peu probable. L'acquéreur
sera sans doute un juif ou une demi-
mondaine. C'est ainsi que les choses se
passent dans presque toutes les grandes
ventes. Dernièrement, quand on mit aux
enchères l'atelier de Charles Monginot,
les principaux bibelots furent achetés
par ûn des directeurs d'un magasin de
nouveautés de la rive gauche. A la vente
de Valençay, un opulent israélite, Bien
connu à Paris, se fit adjuger tous les ob
jets qui avaient un intérêt historique,
entre autres un vaste fauteuil recouvert
de cuir, ayant appartenu à Louis XVIII.
Le snobisme s'en mêla. Je vis vendre, ce
jour-là un cartohnier Louis XVI 55,000fr.
Ce meuble, de style très pur, était assu
rément dans un état de conservation par
faite. Pas un bouton ne manquait aux ti
roirs. Néanmoins, le chiffre était fantas
tique. « Monsieur, me dit un brocanteur
qui suivait attentivement les enchères, si
je possédais ce cartonnier-là, je n'en ti
rerais pas cent louis; mais il provient du
château de Valençay et il a servi au
prince de Talleyrand. De plus, on sait
qu'il n'est pas « truqué ». Personne ne
doute de son authenticité. Voilà pour
quoi un amateur s'est laissé follement
emballer. »
La boîte de la grande Catherine a dû
passer par bien des mains avant d'être
acquise par M. Léopold Double... Les sou
verains distribuaient jadis force taba
tières et cette tradition s'est conservée à
la cour de Russie. Tout récemment en
core, le tzar Nicolas n'a t-il pas fait présent
àM. Delcassé, notre ministre des affaires
étrangères, d'une tabatière enrichie de
pierres précieuses ?
Mais l'empereur ne prise pas. Il ne fai
sait donc pas personnellement usage de
cette boîte ; tandis que Catherine, pour
donner sans doute plus de prix à son
cadeau, offrit la tabatière dont elle se
servait journellement, au diplomate ou
au général français qu'elle voulait hono
rer d'une marque particulière de sa bien
veillance.
Un-siècle plus tard, ce joyau va tom
ber sous le marteau d'un «ommissaire-
priseur parisien. Ainsi va le monde...
J. M antenay.
M=" C1UPM ET MPEBItli J'itffltBE
Un certain nombre de journaux annon
cent, avec une feinte indignation, que
Mgr Chapon, évêque de Nice, qui avait,
il y a quelques moisj refusé la décora
tion de la Légion d'honneur, aurait ac
cepté une décoration del'empereur d'Au
triche, l'un des souverains de la Triplice.
Mgr l'évêque de Nice n'a nullement
accepté une décoration étrangère qui ne
lui a pas été offerte. Il a seulement reçu
de Sa Majesté l'empereur d'Autriche une
magnifique croix pectorale. Mgr Chapon
ne pouvait évidemment pas refuser ce
présent offert avec autant de tact que de
délicatesse, en témoignage des senti
ment à la frêle branche de laurier de
l'homme illustre ; l'ancien ministre par
tit pour la « dernière et la plus grande
de ses ambassades » et sur la route d'Al
lemagne il roula, dans* une calèche de
voyage qui avait appartenu à Talley
rand.
: A Prague, le spectacle du palais de
l'exil ne pouvait atténuer la mélancolie
de sa démarche et de sa route.
. « Je gravis des rues silencieuses, som
bres, sans réverbères, jusqu'au pied de
la haute colline que couronne l'immense
château des rois de Bohême. L'édifice
dessinait sa masse noire sur le ciel ; au
cune lumière ne sortait de ses fenêtres.
Il y avait là quelque chose de la solitude,
du site et de la grandeur du Vatican, ou
du temple de Jérusalem, ou de la vallée
de Josapliat. On n'entendait que le reten
tissement de mes pas et de ceux de mon
guide; j'étais obligé de ra'arrôtcr par in
tervalles sur les plates-formes des parvis,
échelonnés, tant la pente était, ra
pide (2). »
(2) J'emp'runte ces citations des Mémoi
res d'outre-tombe à l'excellente édition que
vient d'en .donner notre ami Edmond Biré.
Les notes biographiques et les Appendices
en font un monument historique d'une sé
curité parfaite. Le texte original a été scru
puleusement conservé et vérifié ; la distri
bution primitive en « Livres » a été recons
tituée et respectée. M. l'abbé Pallhès, ar-
chiprêtre de la basilique Saint-Seurin de
Bordeaux (c'est justice sans doute de le
dire publiquement) a prêté son concours
âosraew QuoTZDismM
Edition quotidienne. ?- i2,i55
s»
PARÏS
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Six mois 2i »
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WÏÏBM&ÏÏ1Z : Paris» r§# Cfessette, if
Ca s'abonne à Rome, place du Geeà, S
• *C
h : -\
Mardi 4 Juin 190
Ê2-2KOH SEMX-ftlîQïîDIlkss
(
B.Y
PARIS, 3 JUIN 1901
SOMMAIREB
Un Sénat enragé ..
Les affaires de
Chine ............
Çà et là: La taba
tière >de Catheri
ne II...
La fête du « Divino
amore
A Montmartre......
Feuilleton : Les der
nières années de
Chateaubriand....
E ugène T avernisr.
F. L.
J. M antenay.
A ndré S osto.
E douard A lexandre
G eoffroy de G rand-
maison.
Bulletin. ~ Nouvelles de Rome. — Ce
qu'on n'interdit pas. — L'affaire Mon-
nier. — Mgr Chapon et l'empereur d'Au
triche. — Informations politiques et
parlementaires. — La « Patrie française »
à Toulouse. — L'incident du Havre. —•
Fêtes et réunions d'hier. — Chez les so
cialistes. — En Espagne. — La guerre du
Transvaal. -— En Chine. — Dépêches de
l 'étranger. — A travers la presse. —
L'affaire du Figaro. — Chronique. - —
Lettres, sciences et arts.— La question
ouvrière. — Les grèves. — Echos de
partout. — Le pèlerinage de Pommereau.
— En province. — Nécrologie. — Tribu
naux. — Nouvelles diverses. — Calen
drier. — Bourse ét bulletin gSnanclsr. —
Dernière heure.
UN SÉNAT ENRAGÉ
Quand on n'a plus le courage de
défendre la liberté et la justice, il y
a encore un moyen de se dis tinguer :
c'est de devenir féroce. La commis
sion du Sénat reprend ce vieil exem
ple, qui sera sans doute; suivi par la
majorité de l'assemblée, la haute
assemblée, selon l'expression, in
constitutionnelle, si douce aux
oreilles des Pères Conscrits.
Les législateurs, du Luxembourg
savent très bien qu'ils sont réduits
au rôle de « Chambre d'enregistre
ment». C'est une habitude de leur
envoyer le budget à la dernière mi
nute et même plus tard encore. Ils
rédigent alors une petite plainte qui"
épuise immédiatement l'effort de
la dignité déchue et qui a fini par
servir de préambule ordinaire à
l'ordinaire capitulation. Cette for
malité accomplie, le-Sénat vote pré
cipitamment, en bloc, en tas, au
hasard, à coups de pieds, tout ce
que les députés lui proposent, c'est-
à-dire lui imposent.
Il vote, mais parfois il souffrede
cet asservissement que sa faiblesse
et sa complicité ont souscrit..., qu'el
les souscriront de nouveau.
Si pourtant quelque moyen sub
sistait de feindre un peu d'indépen
dance? De loin en loin ce désir s'é
veille au Luxembourg. Les hommes
ont un tel besoin de dignité qu'ils
recherchent les apparences,
en
C'est une consolation de se faire
illusion à soi-même, faute de mieux.
La loi Waldeck étant hypocrite,
tvrannique, odieuse et absurde, les
Pères conscrits ne peuvent, n'est-il
pas-vrai, ni la repousser, ni l'adou
cir. La ratifier simplement, ce serait
s'abaisser encore' sans aucune com
pensation.
Si on aggravait ladite loi ? Si on la
rendait pire, plus injuste et plus
brutale, plus insolente et plus
folle? Tiens! mais au fait ! Elle
porterait ainsi la marque du Sénat.
"Voyez-vous l'avantage moral pour
la naute assemblée? Parfaitement.
La commission a compris, s'est
échauffée, exaltée, emballée ; et la
majorité des commissaires se hâte
de fourrer dans la loi tout ce que lui
présentent les tyranneaux et les
spoliateurs inventifs.
M.' Waldeck-Rousseau et les dé
putés avaient fixé à six mois le dé
lai pendant lequel les associations,
lisez les congrégations, devront
faire « toutes les diligences néces
saires »,c'est-à-dire demander a être
autorisées. Ne serait-ce pas habile
et fier d'insinuer que le ministre et
la Chambre ont usé de trop de con
descendance envers les Religieux ?
La commission sénatoriale a été
ravie par cette belle idée et elle a
conclu qu'une période de trois mois
suffit aisément.
M. Maxime Lecomte, connu prin
cipalement par une humeur singu
lière qui le rend d'autant plus
joyeux qu'il exprime des sentiments
plus féroces (on l'appelle « l'homme
qui rit ») ; M. Maxime Lecomte pro-
Êosait de réduire le délai à un mois !
.a commission n'a pas voulu fixer
des limites si étroites,probablement
parce qu'un incident ou un vote de
hasard pouvait les resserrer encore.
Rien ne prouve que M. Maxime Le
comte représente le dernier degré
de l'extravagance sénatoriale, joyeu
se ou triste. Il ne fallait pas jurer
que" quelqu'un no se lèverait pas
pour demander de réduire le délai
a huit jours ou à vingt-quatre heu
res et que cette frénésie ne se trans
formerait pas en loi.
Trente jours, c'est parfait. On
stimule M. Waldeck et la Chambre.
Le Sénat continue d'enregistrer,
mais comme il expédie !
Il dépouille aussi avec plus de
sévérité. Deux légistes, MM. Cla-
mageran et Vallé, ont facilement
persuadé la commission que les
congréganistes dis°ous, s'étant vu
enlever les biens donnés à la com
munauté, n'auront même plus le
droit de rien conserver dé ce
qui restera. Les gbut nés seront-
elles confisquéei ? Nous le verrons,
lors de l'a discussion publique.
Gardons-nous de croire que les
commissaires n'aient aucun scru-
Eule. Ils ont cédé à M. Franclt-
hauveau, qui demande que les
membres des congrégations dissou
tes puissent recevoir des pensions.
Ils ont également cédé à M. Thé-
zard et déclaré que la prescription
civile ne sera pas opposée aux ré
clamations des donateurs, héri
tiers, etc.
La justice étant satisfaite ainsi,
car elle a peu d'exigences, la politi
que va marcher bon train. Le rap
porteur, M. Vallé, bâcle son rapport
camiiie la commission a bâcle le
texte de la loi. Mardi prochain pro
bablement, le 11 juin,le débat public
pourra commencer. On a décidé de
prendre tout de suite I® galop, un
galop fantastique qui prouvera l'a
gilité des sénateurs.
Ce sont vraiment d'adriiirables
dispositions. Les nombreux péda
gogues qui distribuent aux écoliers
des harangues en l'honneur de la
majesté des lois pourront citer un
exemple magnifique : — Voilà com
ment ça se fait une loi, jeunes, élè
ves!' .
0 temps lointain où le Sénat re
poussait}'article 7et bravait le fouet
ae Jules Ferry ! C'est bien vieux,
c'est bien ouolié. Quelquefois, de
puis, la haute assemblée eut encore
certaines velléités d'indépendance,
prélude de capitulations plus com
plètes. Elle grognait sous le joug et
s'aplatissait de nouveau, à l'imitav
tion du Sénat dont Tacite a raconté,
avec: une inépuisable stupeur, les
défaillances et le3 reculades. Patres,
cœptatam libertatern, postquam ob-
viam itum, omisere. Quand ces lé
gislateurs ne reculent pas, c'est
pour se jeter sur la justice comme
sur une proie. Regardez-les
... s'empresser ardemment
A qui dévorera ce rêve d'un moment.;
Regardez, écoutez ces" législa
teurs qui grognent, qui soufflent,
qui bondissent. Ils s'impatientent
énormément et ils appellent l'heure
LE MONDE
• PARÏS ÊÏBàNGER .
if SÈPAilTEMEKSS ("JKïOSS îOSTltSi
SJn&n..; 20; » - 26 »
Six mois.»...„ t© b
Trois mois S . * % Sf
; tes- âlbeaaemlstt p aite&l I» ®t If 4s fitecps mole
&UNÎWMRS ne répond pas des manuscrits qui hA sera mreisêï
AfrfiOHOKS
b£M. L à GKANGE, CERF et G™, 6 S place as îs Boarsê*
très prochaine, mardi 11 juin,-où
M. Waldeck-l'iousseau viendra les
faire travailler dans la cage cen
trale.
Eugène T avernier.
WlULLETlfrC
Hier, comme tous les dimanches, ont
eu lieu de nombreuses réunions politi
ques, inaugurations, eérémonies pa
triotiques, etc. Nous ne siqnalerons ici
que les discours prononces à ChS.lea.u-
roux par M. Dupuy, ministre de l'agri
culture, et par M. Mougeot à Langres,
A Toulouse, M. Jules Lemaitre devait
donner hier une conférence sous la pré
sidence de M. Cavaignac. Les ministé
riels toulousains sont venus faire du
tapage et ont empêché la réunion dese
tenir — sans doute au nom de là liberté
de discussion.
Hier, ont eu lieu en Espagne les élec
tions pour le Sénat : la majorité des
candidats élus appartiennent au parti
libéral ministériel, mais cette majorité
sera considérablement affaiblie par ce
fait que, parmi les sénateurs à vie, un
très grand nombre sont conservateurs.
A la-' Gorogne, la situatisn reste tou
jours grave. Le gouvernement espagnol
se déclare très mécontent de la conduite
du préfet dans les récents événements et
serait décidé à le destituer.
Si l'on en croit une dépêche du Yo
kohama, deux missionnaires et six con
vertis auraientétémassacrés à Quelpart,
en Corée. Deux navires de guerre fran
çais et un japonais ont été envoyés
dans la région.
On dément que le général Botha ait
demandé à. ouvrir de nouvelles négocia
tions. '
NOUVELLES DE ROME
1 er juin.
Au Vatican.
Le 31 mai, S. S. Léon XIII a reçu en
audience particulière Mgr Zichy et Mgr
Caccia-Dominioni, et les comtes Sa-
limci, qui reviennent de leurs missions
en qualité d'ablégats et de courriers
pontificaux auprès dea nouveaux cardi
naux de Prague et de Oracovie. •
Le Saint-Père a de même reçu le R.
Joseph Sommavilla des ministres des
infirmes.
-— Le 1 er juin a été reçu en audience de
congé M. le comte de Courten, capitaine
commandant en retraite de la garde
suisse, et le baron Hoffmann.
—Il est tout à fait inexact que M. Pidal,
ambassadeur d'Espagne, près le Saint-
Siège ait donné, ou songe à donner sa dé
mission. M. Pidal a bien été élu député,
maist il a décidé de rester à son poste
d'ambassadeur, aussi longtemps que le
lui permettront les circonstances.
- Prise de possession.
Le 31 mai; S. Em. le cardinal Tripepi
a pris possession de son titre cardinalice
de Sainte-Marie in Dominica. Son Em. a
été reçue par Mgr Katebrust, le R. P. abbé
général des Bàsiliens qui desservent l'é
glise.
Pendant la fonction, les élèves du col
lège grec ont chanté dans leurs rites.
Après la lecture de la bulle pontificale,
l'abbé général remit à Son Eminence,
les emblèmes de possession, en accom
pagnant cet acte d'un beau discours de
circonstance.
S. Em. le cardinal Tripepi repondit
avec cette érudition qui lui est propre, et
après avoir parlé de sa terre natale la
grande Grèce, il a remercié le 3aint-Père
,de lui avoir conféré le titre de Sainte-
Marie in Dominica. Il y voit une protec
tion de la sainte Vierge, à laquelle il se
consacra dès son enfance.
; Assistaient à cette fonction, S. Exc. le
ministre de Belgique près du Saint-
Siège, les archevêques de Damiette et
dlAmasea.et un grand nombre de prélats
et de laïques. .
: Les grèves à. Rome.
. La grève des maçons est arrivée à sa
sixième journée, et on n'a pas encore
réussi à trouver une solution satisfai
sante.
L'obstacle. principal vient des entre
preneurs qui ne croient pas pouvoir aug
menter le salaire des ouvriers, à cause
des mauvaises conditions des entreprises
par adjudication publique.
Pour donner un exemple de la situation,
l'adjudication du tunnel sous le Quirinal
a été prise avec un rabais de 50 0^0 sur
les devis.
L'assemblée des maçons a entraîné
dans la grève les menuisiers, les plâ
triers, les charretiers de Pouzzolane, et
enfin les cigarières. Les ouvrières de la
fabrique de tabac, dépendant de l'Etait,
réclament un meilleur traitement hygié
nique. Elles se plaignent aussi qu'on ait
admis dans les ateliers des petites filles
de 12 ans, faisant concurrence aux ou
vrières adultes.
Les grévistes sont actuellement 17,000.
En province.
Dans la province de Bergame où les
œuvres catholiques sont particulière
ment florissantes, ont éclaté aussi des
grèves chez les paysans des communes
de Sabbio, Sforzatico, Osio, Albegno et
Levate. , '
Il y a eu même des agitations popu
laires, le gouvernement a cru devoir en
voyer la troupe. Cependant, grâce à l'in
tervention des curés et des délégués des
associations catholiques, on a pu arriver
à un accord entre les propriétaires et les
paysans.
L'Avanti avait soutenu que les agita
tions de Bergame étaient dues au fait
que, dans cette province, tout le peuple
est entre les mains des catholiques et
que les socialistes n'y ont pas d'in
fluence.
L 'Eco di Bergamo, journal catholique,
prouve au contraire "que les catholiques
ont réussi tout de suite à conclure des
accords et que les socialistes avaient en
voyé dans le pays des émissaires chargés
dë prolonger l'agitation, mais leurs ef
forts ont été inutiles.
LES AFFAIRES DE CHINE
La plupart dés puissances, euro
péennes et autres, qui ont entre
pris de rétablir l'ordre en Chine,
particulièrement dans les provinces
du nord-est, annoncent officielle-,
ment qu'elles vont rapatrier la plus
grande partie de leurs troupes. Les
négociations sont, dit-on, sur le
point d'être terminées, ét le gouver
nement chinois s'est résigné à payer
une indemnité collective, de douze à
quinze cents millions, que les gou
vernements alliés se répartiront
amicalement dans la proportion de
leurs sacrifices.
Telles sont, en gros, les informa
tions que les agences et les jour
naux plus ou moins officieux four
nissent au public des deux mondes,
depuis quelque ■ temps, et qu'ils
commentent avec satisfaction. On y
ajoute quelques détails sur les éva
luations variées que font les puis
sances de leurs prétentions péeu-
aiaires, sur les effectifs réduits qui
continueront de tenir garnison en
Chine, notamment à Pékin et à
Tien-Tsin, jusqu'à l'entière exécu
tion des stipulations du traité final
que l'on dit sur le point d'être si
gné et dont la signature coïnciderait
avec le retour de l'empereur de
Chine à Pékin. Ainsi se clorait pa
cifiquement et à bref délai cette for
midable crise, cette redoutable aven
ture. r "
Par malheur ces informations op
timistes ne sont pas seules en cir
culation ; il en est d'autres qui les
contredisent sur des points très
importants. En premier lieu l'ac
cord des, puissances serait loin
d'être, en. réalité, aussi parfait que
le prétendent les .chancelleries.
L'Angleterre et le Japon surveillent
jalousement la Russie et continuent
FEUILLETON DE L'UNIVERS
.. du 4 juin 1901
LES DERNIÈRES ANNÉES
DE CH&TEiUBRiilD
Les révolutionnaires ne savourent pas
toujours le fruit des révolutions ; et
leurs alliés ne le goûtent jamais.
Du résultat des trois glorieuses de
1830 personne ne fut plus confus que les
membres de la Droite où se recrutait le
parti de la « défection ». S'ils en avaient
à l'avance connu les résultats, presque
aucun des 221 n'eût signé la fameuse
adresse à Charles X. De tous ces in
telligents royalistes, qui croyant faire
pièce à M. de Polignac, fusillaient à
bout portant les ministres du roi très
chrétien, les meilleurs tireurs (dès que
le rideau tomba Bur la comédie de quinze
ans) furent les premiers jetés hors de la
Bcène, hors des loges, hors du parterre :
dans la rue.
Nul ne manifesta une indignation plus
véhémente que Chateaubriand. Cette vi
vacité (aujourd'hui elle nous paraît bien
un peu naïve) cachait véritablement beau
coup de surprise. Il se mit dès le lende
main à prophétiser les catastrophes de la
veille : « Inutile Cassandre il ne me reste
frage que j'ai tant de fois prédit. » Il l'a
vait peut-être prédit, il ne l'avait certai
nement pas conjuré, et plus certainement
encore sa petite barque disparaissait
dans le gouffre où coulait à pic le vais
seau royal,
Sa carrière officielle se termina, fort
honorablement, le 7 août 1830 vson rôle
d'homme d'Etat n'était.pas achevé ; il en
trait même dans une phase nouvelle à
cette séance de la Chambre des pairs où
son éloquente voix saluait, faisant écho
aux abdications de Rambouillet, la
royauté de Henri V.
Très, sincère, très respectable, cette
attitude convenait à merveille à Chateau
briand : elle lui permettait d'être légiti»
miste sans avoir à se rapprocher de l'an
cien monarque, elle ouvrait toute grande
à son illustration littéraire* et politique
l'espérance d'une influence prépondé
rante sur un jeune prince non encore
sorti de page, enfin sa nature chevale
resque s'accommodait à merveille de ce
rôle de protecteur d'une princesse ré
gente et exilée. Vis-à-vis de Charles X,
du duc de Bordeaux, de la duchesse de
Bêrry, il se sentait donc et se mettait à
l'aise. — L'âge, le malheur, la pauvreté;
le dévouement, l'éloquence aussi et un
peu de constance théâtrale entourent la
fin de cette vie, dans le rôle que j'indi
que, d'une très poétique auréole.
Est-ce pouP ne l'avoir pas connu et
n'avoir pas été consulté ? Mais il accueil
lit plutôt fraîchement la prise d'armes
tentée en Vendée par Madame,. La lutte
matérielle, une fois close, il ouvrit avec
plus de contentement la lutte par la plume
et la France entière retentit de son cri de
fidélité qui était aussi un cri de bataillé.
La réponse du gouvernement de Louis-
Philippe fut maladroite : quelques jours
de détention chez le préfet de police ne
pouvaient atteindre Chateaubriand, ils
répandirent à assez bon compte sur sa
.personne un très enviable lusti'e de per
sécution. -
Il était ainsi sacré l'avocat public de
la légitimité,- et sa position en devenait
si brillante que la duchesse dé Berry
l'estima le meilleur des ambassadeurs
quand, sortie ; de la prison de ; Blaye,
elle eut besoin de renouer avec la petite
cour exilée de son beau-père et de se
rapprocher de ses enfants.
On sait quel obstacle récènt semblait
l'empêcher de jouir de ceB relations si
naturelles : son mariage secret avec le
comte Lucchesi Palli. Il y avait certaine
ment là mésalliance, légèreté de con
duite et un oubli du sens commun qui
pouvaient infirmer sa position vis-à-vis
rte l'Europe, de la France, du parti royar
liste et de son propre fils.
C'est ici que Chateaubriand entre en
scène et va poursuivre sa mission diplo
matique, dont le récit nous a valu dans
les Mémoires 4' outre-tombe des pages
extrêmement curieuses. Elles brisent
bien souvent le cadre et vagabondent de
ci de là avec une désinvolture toute ro
manesque, mais quel charme dans les
irpproipptus, quelle souplesse dans les
descriptions, coihbién vivants et parlants
ces portraits ; à faire ainsi l'école .buis-
sonnière, personne qui ne vouîût fetoûr-
ner au collège et reprendre son rudi-*
ment. , ' • ' ' ' - *
L'auteur des Martyrs vivait à l'infirme
rie de Marie-Thérèse, dans cet asile que
Mme dè Chateaubriand avait généreuse
ment ouvert à la vieillesse des pauvres
prêtres. C'était le bruyant Paris, sans
doute, mais dans l'isolement d'un loin
tain faubourg, et au milieu d'un décor
champêtre dont jouissait l'âme d'un poète.;
Quand son œil ne s'arrêtait pas aux ar
bustes et au gazon verdoyant sous sa
fenêtre, il se reposait encore, à travers
la barrière blanche d'un enclos", sur un
bouquet de bois terminé par une allée de
peupliers ; et pour gagner une terrasse
de marronniers propice à sa promenade
solitaire, il suffisait à sa main de pousser
la claire-voie entrèîacée de chèvre-^
feuilles et de rosiers.
Au mois de mai de 1833, le printemps
commençait à peine, la bergeronnette
se posait aux premiers buissons verts,
l'écrivain burinait quelques feuilles de
ses Souvenirs, quand lui parvint, de la
citadelle de Blaye une grave missive :
elle le ramenait aux pénibles réalités du j
présent. La duchesse de Berry le char-ï
geait d'aller annoncer son mariage se
cret à Charles X. Mission délicate entre
toutes : le vieux roi était fort irrité et
blessé au cœur des bruits injurieux qui !
couraient sur sa feelle-fille ; le dauphin,
U dauphine, partageaient sa pensée ; la.
de protester contre son installation
en Mandchourie. L'emprunt que le
gouvernement chinois est obligé de
contracter pour payer l'énorme in
demnité à laquelle il est condamné,
la forme et les conditions de cet
emprunt, sa garantie, etc., sont une
autre pierre d'achoppement ; enfin
la question du commandement su
périeur des contingents qui doivent
former les garnisons que l'on juge
nécessaire de laisser en Chine n'est
pas réglée ; elle exige encore de dé
licates négociations.
Mais de toutes les informations
pessimistes qui nous viennent
d'Extrême-Orient, les plus graves
sont celles qui se rapportent à l'é
tat intérieur de la Chine. De plu
sieurs côtés, on s'accorde pour af-
rmer que. les provinces centrales,
jusqu'à présent paisibles, sont très
profondément agitées ; on prévoit,
après le départ des alliés, des ré
voltes, des soulèvements terribles,
dont les chrétiens indigènes seraient
particulièrement les victimes dési
gnées, et qui renouvelleraient; dans
des proportions inouïes, les plus
effroyables massacres dont l'his
toire humaine fasse mention...
Ces affirmations et ces prévisions
ne sauraient être traitées légère
ment, et l'on aime à penser que
notre gouvernement s'en préoccupe
dans toute la mesure que comman
dent les responsabilités morales de
la France en Extrême-Orient, et
son honneur.
F. L.
CE QU'ON S'INTERDIT PAS
Hier, à finies, ont eu lieu des courses
de taureaux. . ■ .
Le nommé Louis ; Puget a reçu d'un
taureau un coup de corne à la cuisse.
Le nommé Eugène Iïouvière a reçu
d'un autre taureau deux coups de corne,
l'un dans le flanc droit et l'autre dans la
bouche. Ce dernier coup lui a brisé la
mâchoire et arraché la langue. L'état du
blessé est désespéré.
Le gouvernement continuera à tolérer
ces spectacles barbares. Il réserve toute
ses rigueurs aux curés qui portent le
saint Viatique, et aux autres démonstra
tions cléricales, qui, paraît-il, compro
mettent autrement la sécurité.
Çà et là
LA TABATIERE DE CATHERINE II
On va vendre dans quelques jours à
l'hôtel Drouot la collection du marquis
de Thuisy qui se compose d'objets de vi
trine du dix-huitième siècle. Il y a là dè
pures merveilles. J'ai admiré, notam
ment, une boite à mouches en écaille
brune, montée à charnière en argent
doré, contenant un petit blaireau et un
miroir ; un drageoir Louis XV en or
ajouré et ciselé, à décor de fleurs; un
étui porte-tablettes en ivoire galonné
d'or, avec le portrait de Louis XVI en ha-
bit bleu, signé « Sicardi » ; un petit por
tefeuille en cuir, garni de cuivre doré,
avec serrure à'secret ; un flacon en cris
tal avec garniture d'or, de la seconda
moitié du dix-huitième siècle ; et une
boité rectangulaire en or, dont le couver
cle représente le portrait du duc d'Ari«
jou. Le prince est en buste, presque de
face. Sur son habit gris, à pavements
rouges, se détache le grand cordon du
Saint-Esprit. Cette miniature, peinte sur
émail, est signée : « Petitot. »
Mais le joyau de cette vente est la ta
batière de la grande Catherine que pos
séda jadis M. Léopold Double, le célèbre
collectionneur. Lorsque ce dernier mou
rut, il y a vingt ans, le bibliophile Jacob
raconta que la grandê-duebesse Marie
avait voulu reconquérir ce précieux bi
jou, mais qu'elle s'était heurtée à un re
fus formel.' . '
« Votre Altesse, lui écrivit M. Double,
ne voudra pas, en me forçant à lui' céder
petite cour de t l'exil se montrait hostile,
et les enfants, Henri et Louise, étaient
des enfants. V ' , -
Lé porte-parole de la duchesse était-il
bien choisi ? .
! Qui pouvait avoir oublié déjà ses su-
prêmés paroles à la tribune française ?
« ... On amenti jHsqu'à ladernière heure,
on a sonné tout à coup la servitude ; la
conspiration de la bêtise et de l'hypocrisie
a soudainement éclaté; une terreur de
château organisée par des eunuques... »
Difficilement on avait pu être pour le
gouvernement royal plus injurieux dans
l'injustice (1).
î Mais les bouleversements étaient si
grands que les détails disparurent, les
nuances s'effacèrent, « cette femme tom
bée dè si haut » s'accrocha désespéré
(1) L'excellent Charles X, en gentilhomme
et en chrétien, savait pratiquer l'oubli des
injures. A Prague même, Chateaubriand
l'expérimenta : l'accueil avait été plus que
flatteur ; le lendemain : « Le rot indécis,
hésitait •, puis prenant son parti : « J'ai
« quelque chose sur 1 le cœur ; vous m'avez
« diablement maltraité'dans la première par-
«;tie de votre discours à la Chambre des
« pairs ! » Et tout de suite,le. roi ne me lais
sant pas Je temps de répondre, s'est écrié :
«'Oh ! la fin ! la fin !. .. Le tombeau vide à
« Saint-Denis, c'est ^dralrable!,.i C'est très
« bien... très bien... N 'en parlons plus. Je
« n'ai pas voulu garder cela... c'est fini...
«c'est fini:..» Et il s'excusait d'avoir osé ha
sarder ce peu de mots. »Mêmoires d'outre•
tombe,
un objet qui est partie intégrante de ma
collection, me faire manquer à un ser
ment solennel que je me suis fait à moi-
même, de ne jamais rien distraire de
cette collection. Je fais des vœux cepen
dant pour que Votre Altesse puisse me
survivre et reprendre alors cette boîte
qu'EIle désire, quand je ne serai plus là
pour la défendre à regret. »
A la mort de M. Double, cette taba
tière fut achetée par M. de Thuisy. C'est
une petite boîte ovale en or guil'oché et
émaillé rouge,aveccordons émaillés bleu
et entre-deux ciselés à fleurs. Le couver
cle est décoré d'une miniature représen
tant le transport du rocher qui sert de
de base aujourd'hui à la statue dePierre-
le-Grand, sur le pont Isaa'c, à Saint-Pé
tersbourg. L'encadrement de ce médail
lon comprend deux figurines d'amours en
or ciselé, reposant sur des ornements et
des festons de fleurs et supportant une
couronne impériale exécutée en petites
roses de Hollande. Cette boite est enfer
mée dans un étui en galuchat, portant,
en argent, les armes impériales de Rus
sie.
Est-ce un Romanoff qui achètera ce
précieux souvenir de la gi'ande impéra
trice ? C'est peu probable. L'acquéreur
sera sans doute un juif ou une demi-
mondaine. C'est ainsi que les choses se
passent dans presque toutes les grandes
ventes. Dernièrement, quand on mit aux
enchères l'atelier de Charles Monginot,
les principaux bibelots furent achetés
par ûn des directeurs d'un magasin de
nouveautés de la rive gauche. A la vente
de Valençay, un opulent israélite, Bien
connu à Paris, se fit adjuger tous les ob
jets qui avaient un intérêt historique,
entre autres un vaste fauteuil recouvert
de cuir, ayant appartenu à Louis XVIII.
Le snobisme s'en mêla. Je vis vendre, ce
jour-là un cartohnier Louis XVI 55,000fr.
Ce meuble, de style très pur, était assu
rément dans un état de conservation par
faite. Pas un bouton ne manquait aux ti
roirs. Néanmoins, le chiffre était fantas
tique. « Monsieur, me dit un brocanteur
qui suivait attentivement les enchères, si
je possédais ce cartonnier-là, je n'en ti
rerais pas cent louis; mais il provient du
château de Valençay et il a servi au
prince de Talleyrand. De plus, on sait
qu'il n'est pas « truqué ». Personne ne
doute de son authenticité. Voilà pour
quoi un amateur s'est laissé follement
emballer. »
La boîte de la grande Catherine a dû
passer par bien des mains avant d'être
acquise par M. Léopold Double... Les sou
verains distribuaient jadis force taba
tières et cette tradition s'est conservée à
la cour de Russie. Tout récemment en
core, le tzar Nicolas n'a t-il pas fait présent
àM. Delcassé, notre ministre des affaires
étrangères, d'une tabatière enrichie de
pierres précieuses ?
Mais l'empereur ne prise pas. Il ne fai
sait donc pas personnellement usage de
cette boîte ; tandis que Catherine, pour
donner sans doute plus de prix à son
cadeau, offrit la tabatière dont elle se
servait journellement, au diplomate ou
au général français qu'elle voulait hono
rer d'une marque particulière de sa bien
veillance.
Un-siècle plus tard, ce joyau va tom
ber sous le marteau d'un «ommissaire-
priseur parisien. Ainsi va le monde...
J. M antenay.
M=" C1UPM ET MPEBItli J'itffltBE
Un certain nombre de journaux annon
cent, avec une feinte indignation, que
Mgr Chapon, évêque de Nice, qui avait,
il y a quelques moisj refusé la décora
tion de la Légion d'honneur, aurait ac
cepté une décoration del'empereur d'Au
triche, l'un des souverains de la Triplice.
Mgr l'évêque de Nice n'a nullement
accepté une décoration étrangère qui ne
lui a pas été offerte. Il a seulement reçu
de Sa Majesté l'empereur d'Autriche une
magnifique croix pectorale. Mgr Chapon
ne pouvait évidemment pas refuser ce
présent offert avec autant de tact que de
délicatesse, en témoignage des senti
ment à la frêle branche de laurier de
l'homme illustre ; l'ancien ministre par
tit pour la « dernière et la plus grande
de ses ambassades » et sur la route d'Al
lemagne il roula, dans* une calèche de
voyage qui avait appartenu à Talley
rand.
: A Prague, le spectacle du palais de
l'exil ne pouvait atténuer la mélancolie
de sa démarche et de sa route.
. « Je gravis des rues silencieuses, som
bres, sans réverbères, jusqu'au pied de
la haute colline que couronne l'immense
château des rois de Bohême. L'édifice
dessinait sa masse noire sur le ciel ; au
cune lumière ne sortait de ses fenêtres.
Il y avait là quelque chose de la solitude,
du site et de la grandeur du Vatican, ou
du temple de Jérusalem, ou de la vallée
de Josapliat. On n'entendait que le reten
tissement de mes pas et de ceux de mon
guide; j'étais obligé de ra'arrôtcr par in
tervalles sur les plates-formes des parvis,
échelonnés, tant la pente était, ra
pide (2). »
(2) J'emp'runte ces citations des Mémoi
res d'outre-tombe à l'excellente édition que
vient d'en .donner notre ami Edmond Biré.
Les notes biographiques et les Appendices
en font un monument historique d'une sé
curité parfaite. Le texte original a été scru
puleusement conservé et vérifié ; la distri
bution primitive en « Livres » a été recons
tituée et respectée. M. l'abbé Pallhès, ar-
chiprêtre de la basilique Saint-Seurin de
Bordeaux (c'est justice sans doute de le
dire publiquement) a prêté son concours
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