Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-06-03
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 03 juin 1901 03 juin 1901
Description : 1901/06/03 (Numéro 12154). 1901/06/03 (Numéro 12154).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710744q
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
QUOTÏÛIENFS
PARIS
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PARIS, 2 JUIN im
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L'impôt idéal G. d 'A zambu/a.
Correspondance ro
maine ***
La Rassegna-Naz to
nale L. G.
Les Bénédictins de
la Pierre-qui-Vire
aux Etats-Unis... D. P ourcin.
Le petit séminaire
de Saint-Pé p. v.
Feuilleton : Quln-
SSiJQ&s «fraffigJa&ues
et amjSkgxters H enri D ac.
A travers les revues.
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — La
loi sur les associations. — Le drame de
Marguerittes. —- Informations politiques
et parlementaires. — M. Loubet à La
Flèche.—Une lettre de M. Buffet, -r-
Le repos du dimanche. — La guerre du
Transvaal. — En Chine. — Dépêches
de l'étranger. — Alsace-Lorraine. —
Les anarchistes. — Chronique. —■ Let
tres, sciences et arts. — Les grèves. —
Echos de partout. — Les poésies de M.
l'abbé Deschamps. —•. Chronique ireli-
gieuse.— Nécrologie. — Guerre et ma
rine. — Tribunaux. — Nouvelles di
verses. — Revue de la Bourse. — An
nonces. — Calendrier.
nT p.— m ——M——
L'IMPOT IDÉAL
L'épée de Damoclès connu© sous
le nom d'impôt sur le revenu re
commence à se balancer sur nos
têtes.
Les économistes lui reprochent
plusieurs défauts. Le principal est
d 'être, par essence, l'impôt parfait.
L'idéal de la justice consisterait,
en effet, à ce que chacun fût imposé
selon ses moyens, c'est-à-dire selon
son revenu.
Seulement, il faudrait alors que
l'impôt en question fût, non seule
ment global, mais unique. Son ap
parition, pour signifier quelque
chose, devrait coïncider avec la dis
parition de tous les autres impôts.
Ceux-ci font double emploi, en
effet. Tous les impôts pèsent sur le
revenu* sauf les droits de succes
sion et de mutation, qui écornent
les capitaux et tuent dans l'œuf les
revenus de l'avenir". C'est. Avec ■ une
portion de notre revenu " que nous
achetons du sucre et du café, den
rées qui supportent des taxés énor
mes. C'est avec notre revenu que
nous payons le loyer de notre do
micile, loyer qui serait sensible
ment moins cher à Paris, par exem
ple, si le propriétaire de la maison
ne se déchargeait invisiblement
d 'une partie de ses propres impôts
sur le locataire, et si l'entrepre
neur qui l'a. construite n'avait pas
dû solder des droits d'octroi sur
les matériaux de,, construction.
L'idéal, la logique pure, vou
draient donc que tous les impôts
fussent abolis et que seul l'impôt
sur les revenus courbât sous son
ioug équitable la multitude des ci
toyens.
Mais alors il se passerait un phé
nomène bien intéressant et qui nous
fait regretter que « pour la beauté
du fait » nous ne puissions assister,
au moins pendant quelque temps, à
l'application du système.
Il y aurait, pour le public, une
révélation. -
Le contribuable découvrirait tout
à coup, d'une manière concrète,
brutale, aveuglante, une chose
dont les économistes l'avertissent
bieni mais qui ne pénètre les es
prits qu'à l'état de notion, abstraite
et vite oubliée : à savoir "que l'en-
•emble de ses impôts équivaut à la
confiscation annuelle au quart de
son revenu.
La mère de famille qui élève pé
niblement ses enfants avec quatre
mille francs de rente, verrait le per
cepteur lui dire chaque année :
« Madame, veuillez me remettre
mille francs; le gouvernement dai
gne vous autoriser à garder le
reste. »
L'ensemble des impôts prélevés
par l'Etat atteint, sous le bienheu
reux ministère de défense ou de
dépense républicaine, la somme de
trois milliards six cents millions.
Il y a, en outre, les impôts préle
vés par les villes : octrois ou taxes
substituées aux octrois, et les fa
meux centimes additionnels,, qui
ont un petit air si bénin sous ce
nom insidieux de « centimes ».
Il y a la part prélevée par les
conseils généraux.
Il y a enfin — et l'on n'y fait pas
assez d'attention—les frais imposés,
quoique ce ne soient pas des impôts,
sous forme d'honoraires aux offi
ciers ministériels : notaires, avoués,
huissiers, greffiers, courtiers mari
times, commissaires priseurs, syn
dics de faillite. Cet argent ne rentre
pas dans les caisses ae l'Etat, mais
il sort de la poche des citoyens par
la volonté de l'Etat, en vertu d'une
organisation impérativement créée
par l'Etat.
Il faudrait, pour bien faire, que
tous ces services fussent gratuits,
Sue l'Etat indemnisât les titulaires
es offices, et que la somme cor
respondante fût ajoutée au contin
gent réclamé à lHmpôt sur le re
venu.
Ce serait alors un beau spectacle,
et merveilleusement instructif; tel
lement instructif qu'il ne nous sera
jamais donné.
Le puhlic serait épouvanté de ce
que lui coûtent les services de l'E
tat, et des proportions que peut at
teindre ce que l'on appelle officielle
ment une « cotisation ».
L'Etat aime mieux pereevoir en
se cachant, par des combinaisons
qui accroissent tout simplement le
coût de la vie. Il y a bien les notes
du percepteur; mais elles servent
précisément à faire illusion au con
tribuable, qui se dit : « Bast! ce que
je vais remettre à ce monsieur assis
derrière sa grille est bien peu de
chose, en somme, en comparaison
de mes rentes, de mes appointe
ments, de mes bénéfices. »
Avec le système des impôts
multiples et indirects,.on obtient un
résultat précieux, qui est de dérou
ter absolument le contribuablei La
ménagère qui achète un kilo de su
cre ignore qu'elle verse huit sous à-
l'Etat, ou, si elle le sait, cela lui
fait moins d'effet que si l'Etat ve
nait lui demander les huit sous
après qu'elle a fait son emplette. Le
capitaliste qui touche les coupons
de ses valeurs, diminués du mon
tant de l'impôt, suppose qu'il n'à ja
mais été possesseur de la somme
ainsi soustraite, et fait tousses cal
culs en conséquence. Cela le vexe
beaucoup moins que si, ayant tou
ché le montant réel des coupons,
il trouvait, en rentrant chez lui, une
invitation à passar chez le percep
teur, pour y verser le dix pour
cent, ou davantage, dés intérêts ou
dividendes qu'il vient de palper.
Il est clair, après cela, que l'im
pôt sur le revenu, si on l'établit, ne
sera jamais qu'un impôt nouveau,
dont la lourdeur viendra ajouter à
celle des autres, ou qui ne rempla
cera, en les aggravant, que telle ou
telle taxe spéciale qui constituait
déjà, sous un autre nom, un impôt
sur le revenu. Ce sera un « remanie
ment », synonyme bienveillant du
terme d'« augmentation » dans la
langue des divers financiers qui se
sont succédé en France depuis le
commencement du XIX® siècle, où
nos arrière-grands-pères payaient
un demi-milliard, jusqu'au com
mencement du XX e , où nous payons
trois 1 milliards fctttëlni;
L'idéal des ministres des financés
n'est pas, en définitive, celui des
logiciens. Quant aux contribuables,
.ils auraient, eux, un treisièiné idéal,
qui serait de voir l'ensemble de3
impôts diminuer au lieu d'augmen
ter. Mais il paraît que cet idéal-là
est le plus dangereux, caries poli
ticiens de presque toutes les nuan
ces s'accordent pour le bannir de
nos pensées, comme on écarte de
l'esprit d'un pauvre fou les éner
vantes illusions et.les féeriques chi
mères.
G. d'Azambuja.
r—— , , . .
'BULLETINC
Le président de la République est
rentréhier soir de sa visite au Pryta.-
née de la, Flèche.
L'évacuation des territoires chinois
occupés par les troupes européennes
semble décidée généralement pour une
date prochaine. On annonce de Mar
seille que des offres sont faites aux ar-,
rnateurs afin de préparer le rapatrie
ment d'une partie de nos troupes.
La plupart des journaux français
combattent vivement le projet d'impôt
dit « de statistique » et qui gérait le
préambule de l'impôt sur le revenu.
4 Londres on se plaint beaucoup du
silence du War Office sur les affaires
du Transvaal. L'opinion générale est
que lord Kitchener n'a paé négligé de
faire connaître la situation réelle au
gouvernement, mais que celui-ci a le
parti-pris de dissimuler. .
. La proclamation de l'état de siège à la
Corogne a ramené l'ordre matériel sur
ce point de l'Espagne ; mais la surexci
tation des esprits est énorme. Il y a eu
en tout cinq morts et vingt blessés. La
grève est devenue générale. C'est une
manifestation contre la conduite des au
torités civiles, surtout contre le préfet
qui sera transféré à un autre poste.
En Italie, la naissance d'une prin
cesse royale au lieu d'un prince a causé
une déception très vive ; mais le monde
officiel et le public ont décidé de multi
plier néanmoins les démonstrations de
joie.
—: .—: •
NOUVELLES DE ROME
30 mai.
. Au Vatican.
s S. S. Léon XIII vient de nommer Mgr
Jean-Baptiste Lugari à la charge de son
auditeur, et Mgr Jacques Délia Chiesa,
substitut à la secrétairie d'Etat, à celle
de consulteur de la Sacrée-Congrégation
de l'Inquisition.
^ Aujourd'hui, Sa Sainteté a reçu eu au
dience solennelle S. Em. M. Cazo, en
voyé extraordinaire et ministre plénipo-
tentaire de Bolivie, qui a présenté au
Souverain Pontife les lettres l'accrédi
tant en cette qualité.
Après l'audience pontificale, Son Emi-
nence s'est rendue chez S. Em. le cardi
nal Rampolla.
Le parti socialiste.
Nous avons plusieurs fois parlé de la
position des députés socialistes vis-à-vis
du ministère et dans la Chambre.
Bien que l'extrême-gauche soit com
posée d'un tiers de socialistes et deux
tiers de républicains et de radicaux (90
députés), les socialistes dominent l'ex
trême-gauche.
Pour éviter le danger de l'obstruc
tionnisme, le ministère a cru devoir
s'appuyer sur la politique des socialistes,
et la majorité de la Chambre (centre
gauche) doit bon gré mal gré soutenir le
ministère afin .de ne paB risquer des ré
solutions dangereuses à la monarchie !
La politique des socialistes est au con
traire l'affirmation continuelle dé son.
indépendance !
Ils n'entendent soutenir le ministère
que si le ministère fait ce qui est dans
leurs désirs.
,..ÇçH§-P°V ii( ï ue vient d'avoir-Ja sanc
tion formelle du parti. Les représentants
des députés socialistes unis au comité
général socialiste, dans leur dernière
séance ont pris la délibération suivante :
? « La direction du parti d'accord avec
Je groupe parlementaire tout en recon
naissant que le parti socialiste ne peut
mettre sa confiance dans un gouverne
ment qui représente des intérêts oppo
sés à ceux de la classe prolétaire décide,
étant donné les conditions politiques et
^économiques du paya, que le groupe
parlementaire socialiste pourra, dans
chaque cas particulier, donner des votes
d'approbation au ministère, chaque fois
que son œuvre et ses réformes seront
conformes au développement normal de
la lutte" des classes et aux intérêts du
prolétariat. »
. La Presse.
Le journal Avantii organe du parti so
cialiste italien publie un article ayant
pour but d'expliquer les raisons pour les
quelles les socialistes ont définitivement
adopté une politique anticléricale en Ita
lie. Il affirme que cet anticléricalisme a
eu pour origine l'encyclique Rerum no-
varum toutefois, dès les premières an
nées de leur organisation, ils prévoyaient
que la lutte la plus forte aurait été celle
contre l'Eglise catholique.
L'OsseruaJore Romano a publié une
réponse à cet article ; cependant VAvanti
découvre Jles préoccupations que donne
aux socialistes l'organisation sociale des
catholiques et l'énergie nouvelle de leur
action. Ces polémiques font en même
temps saisir un caractère spécial du so
cialisme italien. Jusqu'en ces derniers
temps, à cause du tempérament très reli
gieux des peuples de la péninsule, leur
propagande' se couvrait d'une certaine
neutralité bienveillante au catholicisme.
La campagne de conférences, souvent
contradictoires, entreprise par les démo
crates chrétiens, a forcé les meneurs so
cialistes à jeter leurs masques. : r
LA LOI SUR LES ASSOCIATIONS
La commission sénatoriale des asso
ciations a adopté l'article 18 nouveau,
dont nous avons publié le texte, qui lui
avait été apporté par M. Waldeck Rous
seau, en réduisant toutefois de six à trois
mois le délai accordé v aux associations
pour se conformer aux prescriptions de
la loi.- ■' ■ • '■■■■ ■■ ■■ •
CORRESPONDANCE ROME
A Montecitorio. — L'émigration et les
petits Italiens. — Pitié pour la Prô-
, vince romaine. —- La prise de Rome
et le désert romain d'après le « divin »
Baccelli. Les « soldats de Satan ».
Rome, 2§ mai..
La Chambre des. députés vient
d'entendre en Une seule séance deux
interpellations intéressantes.
; Une première avait pour objet
l'exploitation infâme des petits Ita
liens dans les pays étrangers et en
Italie. Les députés ont rappelé les
plus tristes détails sur le travail
exorbitant .et. souvent meurtrier
auxquels, sont soumis les petits émi
grés,' par exemple dans certaines
verreries françaises, C'est en effet
à l'industrie française que les hono
rables se sont attaques surtout.
Le ministre de l'intérieur, M. Gio-
litti, a reconnu l'exactitude de ces
doléances, et l'importance sociale
de cette plaie italienne. « Mais les
mesures préventives, a-t-il ajouté,
re.stent souvent inefficaces, parce
que les parëhts eux-mêmes entraî
nent avec eux leurs enfants dans
l'émigration, et les laissent à l'étran
ger tandis qu'eux-mêmes revien
nent au pays. Avant de réclamer
des nations voisines l'observation
des lois civiles et humaines, il est
nécessaire que l'Italie donne la pre
mière l'exemple du respect qui leur
est dû. V.Le ministre a terminé en
exprimant son espoir de voir abou
tir bientôt" le' projet de loi sur le
travail des enfants et des femmes.
. Cette question se rattache à l'é
migration italienne. Justement,
« l'œuvre d'assistance des ouvriers
italiens émigrés en Europe et dans
le Levânt » publie une enquête faite
par l'un de ses membres, M. le doc
teur Cafiero. L'auteur a borné son
enquête à la terre de labour. Par
exemple à Arpinum, le nombre des
passeports est monté en trois ans,
de 91 à 244; à Cassino, plus de 480"
chefs de famille ont. émigré pour
l'Amérique en quatre ans. Les vil
lages se dépeuplent; les bras man
quent pour les travaux des champs.
Cependant la terre de labour est
une des plaines les plus fertiles de
la péninsule. Maïs paysans et pro
priétaires sont découragés par les
exigences du fisc, et l'impossibilité
d'écouler les produits. Cette situa
tion économique intérieure fait
comprendre quelle importance doit
attacher l'Italie aux prochains trai
tés de commerce.
Une autre interpellation se ratta-
chait à la question romaine. Le
choix de Rome pour capitale de l'I
talie a entraîné des frais exception
nels : constructions.de palais, tra
vaux du Tibre, mesures de sûreté
exigées par-la présence de deux
cours et de deux corps diplomati
ques. La plupart de ces dépenses
grèvent directement le budget de la
seule province de Rome.
Périodiquement, les députés de
Rome et au Latium réclament du
gouvernement une répartition des
charges plus équitable. Toutes les
provinces, disent-ils, doivent par
ticiper aux frais que nécessite la
bonne tenue de la capitale du
royaume. Les conditions économi
ques de Rome et de ses environs
sont telles que la province ne retire
aucun avantage du fait de posséder
la capitale; aussi le Latium est, de
toutes les provinces, la plus char
gée d'impôts en proportion de la ri
chesse respective.
Les ministres de l'intérieur et
des finances ont répliqué qu'ils n'y
pouvaient rien. « La Providence,
s'est écrié ; ce dernier, distribue à
chacun sa part de malheurs! » Pour
Rome, cette part est d'être devenue
la capitale de l'Italie : c'est un mi
nistre qui le déclaré. :•
-Le député, qui interpellait, a de
mandé grâce au moins pour la pro
vince romaine. « Si la ville de
Rome, a-t-il dit, a eu de» avantages
à se voit devenir .capitale; la pro
vince, n'y. a nullement participé.
Sous le gouvernement passé, il n'y
avait que peu d'impôts; aujomv
d'hui ils sont quadruplés. »
: Cet aveu fait à la tribune de Mon
tecitorio.est à retenir.
• Comme on avait parlé de Rome,
le divin Guido Baccelli, Romain de
Rome,. devait y aller de sa rhéto
rique. Il est monté à la tribune en
tonitruant. « Il y- a une phrase sur
tout qui m'a déplu dans ce que nous:
venons d'entendre. On a dit : Quand
nous avons pris Rome 1 -r- Vous n'a
vez riea prisidu toufc £!'est la fata
lité historique qui avait depuis long?
temps .marqué à l'Italie sa glorieuse
capitale ! »
; Puis pour Rome et sa province,
il ne veut pas qu'on demande pitié,
mais justice. « Rome, est la tête de
ce géant, dont les membres, d'abord
épars, ont été réunis; la tête de ce
pays qui s'avance, grâce à la Pro
vidence,, vers de hautes destinées. II
ne s'agit pas de la Rome des Ro-
rnainSj mais de la Rome des Ita
liens. »
Ces accès de . rhétorique sont trop
curieux-pour ne pas être relevés.
M.Baccelli.demande surtout qu'on
fasse quelque .chose pour, le désert
qui entoure Rome, pour cc ces .200
mille hectares de terres incultes sur
lesquelles les contadini versent
leurs sueurs pour avoir le moyen
de s'acheter un peu de quinine con
tre la malaria. » L'ex-ministre de
l'instruction publique a été moins
heureux quand il s'est aventuré,
sur le terrain historique. Il a voulu
donner son explication du désert-
romain, c'est une trouvaille. Cent
historiens déjà ont démontré, avec*
documents à l'appui, que le triste
état de l'agro romano est dû aux ba
rons et propriétaires romains; que
contre leurs injustices sociales, les
Papes protestèrent énergiquement;
que ce fut même souvent pour le
Saint-Siège l'occasion de rappeler
les devoirs de la propriété et les
limites que rencontre le jus utendi
dans la fin que l'ordre providentiel
assigne â la terre, pourvoyeuse du ;
genre humain, Il y a dix ans que M.
Gabriel Ardant a réuni à ce sujet
les faits et les documents lesfplus
authentiques dans son ouvrage Pa
pes et paysans.
Pour M. Baccelli, l'explication
est beaucoup plus simple et plus...
mystique. « Les Papes conservaient,
ce triste désert autour de Rome,
pour que^ le pèlerin, après avoir
traversé à pied la campagne de
Rome, arrivât, tout asphyxié par le
néant (sic), devant Saint-Pierre et
tombât d'admiration devant les gloi
res du Pontife roi. » C'est ainsi
qu'en Italie on enseigne l'histoire.
Tout commentaire serait superflu.
- *
- - - - ;• • • * ¥ *
M. Baccelli, on l'a vu, ne veut plus
qu'on parle de « prise de Rome ».
Si la oc Ville éternelle », capitale
du monde catholique, a été rabais
sée à la situation de tête d'un royau
me de 30 millions d'hommes, qui
attendent toujours les hautes desti
nées toujours promises, c'est la «fa
talité historique qui l'a voulu.
II paraît que la maçonnerie ne
l'entend pas de la sorte. Son or-
fane officiel romain," la Patria, pu-
lie ce même jour, un article ayant
pour titre : « Pauvre Satan 1»
? Malgré ses blasphèmes, cette
prose ést trop suggestive pour n'ê
tre point citée en partie.
: UOsservatofe Romano invitait Za-
nàrdelli à instituer l'ordre des
« chevaliers de Satan » pour ré
compenser les mérites anticléri
caux. .& Ce pauvre diable de Satan,
réplique là'Patria, lés cléricaux ne
le laissent ni dormir, ni mourir en
paix. »
■ Puis vient l'explication maçonni
que de là prise dé 1 Rome :
tous les catholique^ exercent un
droit en s'ingérant dans la situa
tion de l'Eglise en Italie, et parti
culièrement à Rome, et en désirant
que le Pontife recouvre sa liberté
perdue. Quelquefois ce désir a pris
la forme de canons et de baïonnet
tes; et alors le pervers Satan a
rempli d'illusions séduisantes l'âme
des Italiens ; ils ont cru défendre la
patrie et ils défendaient Satan ; ils
sont morts par centaines sous les
murs de Rome et à Mentana. »
PJlPuis la calomnie maçonnique.
« A Mentana, les soldats du Saint-
Père ont été jusqu'à faire sauter
les yeux des blessés avec leurs
baïonnettes, pour enlever charita
blement de ces regards les lueurs
diaboliques. » Les condamnés à
mort «' mouraient enlacés à leur
Satan ».
Jusque-là, on pourrait croire • à
une plaisanterie satanique, d'iden
tifier la patrie italienne avec Sa
tan. Mais sur la fin de cet article
blasphématoire, le ton devient sé
rieux : c'est l'aveu de la lutte éter
nelle entre Dieu et l'adversaire.
« Cette foule qui suit Satan est
(1) Gabriel Ardant. Papes et paysans.
Paris, Gaume.
FEUILLETON DE L'UNIVERS
DU 3 juin 1901
QUINZAINES DRAMATIQUES
ET ARTISTIQUES
Le théâtre du Gymnase n'a vraiment
pas la main heureuse. Après tous les in
succès qui ont accueilli jusqu'ici toutes
ses pièces, il avait cru pouvoir mieux
terminer la saison dramatique. Il avait
fait choix d'une pièce de M. Àmbroise
Janvier de la Motte, dont le titre était à
lui seul toute une espérance : le Pres
tige. Et voilà que cette comédie, nouvelle
n'a pas plus de prestige que le fameux
M.Bourbeau, de comique mémoire.L'idée
n'était pourtant pas mauvaise.. L'auteur
avait voulu démontrer que le rang et la
fortune, les titres et les apparences bril
lantes dominent tout et autorisent tout,
dans une société frivole. Tel pauvre dia
ble est jugé'avec sévérité, parce qu'il est
pauvre. S'il était riche, on l'excuserait.
Tel individu obscur est traité, avec la
dernière rigueur, parce qu'il est de très
petite origine. S'il avait un nom retentis
sant, une particule et un titre, le monde
ne le blâmerait guère.
Il y a du faux et de l'injuste dans cette
constatation,mais il y a aussi unèpart de
vérité. Pour mettre en lumière, pour
en tirer un ,sujet scénique, il fallait du
tact, de l'adresse, du savoir-faire. C'est
ce qui a manqué à l'auteur. Il aconstruit
là-dessus une pièce gauche et embrouil
lée, sans morale, sans intérêt et sans es
prit. Déjà M. Janvier de la Motte avait
raté une idée à peu près semblable dans
une comédie qui dura peu, il y a dix
ou quinze ans. Cela s'appelait d'un nom
qui détonait singulièrement avec le su
jet : les Respectables. Mais, comme le
Prestige,ce futde la mauvaise psycholo
gie. Hier le public s'est franchement en
nuyé; or, quand le public s'ennuie, la
critique de la pièce est toute faite. Donc
celle, de M. Janvier de la Motte man
que tout à fait de prestige et il va lui
arriver ce ; qui petite pièce de M. Maurice Vaucaire aux
Français ; elle disparaîtra très prochai
nement de l'affiche. .
: Le Théâtre-Antoioe, qui donne, de.
temps à autre des œuvres,étrangères, a
représenté tout récemment le Voiturier
Henschel , drame en cinq actes de M.
Hauptmann, adapté par M. Thorel. En
voici la rapide analyse : Le voiturier
Henschel a une excellente femme qui
l'aime beaucoup. Cette femme est très
malade, et son état s'aggrave lors
qu'elle apprend que son mari la tra
hit avec une misérable créature,.nom
mée Ilanné. Mme Henschel, avant de
mourir, fait jurer à son mari qu'il n'é
pousera pas cette Ilanné. S'il manquait
par hasard à ce serment, qu'il ne s'é
tonne pas que toutes les calamités fon
dent sur lui 1 Mais l'influence de Hanné
est telle que le voiturier l'épouse. Qu'ar-
rive-t-il bientôt ? C'est que Hanné trompe.
Henschel avee le fils du cabaretier Ver-
melskirch. Henschel est averti de cette
trahison par un ancien serviteur, et pour
suivi par l'idée que sa première femme
se venge, ildevient fou et se tue.. ;
Ce n'est pas bien compliqué, comme.
vous le voyez. Mais cela est présenté
avec le plus entier réalisme et,l'auteur a
appuyé sur les notes de terreur et d'hor-
reur. Ceux qui aiment les émotions vio
lentes doivent être satisfaits, d'autant
que l'interprétation est aussi violente ;
que la pièce elle-même. Mais que veut :
prouver cette sombre histoire ? C'est qu'il
ne faut point offenser la morale et man
quera un serment, sous peine d'être châ
tié par les plus cruels .remords. Si telles
sont les. intention? de M. Hauptmann, je :
ne le blâmerais pas, tout en me récriant
contre certaines scènes brutales et en
tre autres contre .celle du cabaret qui
clôt le quatrième acte. M. Antoine a joué.
le rôle du voiturier avec unf énergie qui
lui a valu les bravos mérités du pu
blic. . .
M. Albert Guinon, l'auteur connu des
Jobards, n'a pu faire représenter au
Gymnase une comédie en quatre actes,
intitulée Décadence. La Censure en a
ajourné la représentation, parce que cet
ouvrage, qui se plait à railler une aristo
cratie dégénérée et une juiverie inso
lente, lui a paru de nature à causer quel-
que tumulte au théâtre, Les censeurs ont
cru que certaines déclarations pour
raient amener des spectateurs à s'in
jurier ou même à échanger des horions.
J'aime à croire aussi que des scènes
grossières ont dû leB effrayer. Le minis-
tre del'instruction publique, interpellé à
ce sujet, a dit qu'il y avait des accommo
dements avec la censure et que beau
coup d'auteurs, avant M. Guinon, avaient
yu lever le veto en consentant à opé-
rer les modifications nécessaires, co .mr
mandées par les circonstances ou par le
respect dû aux légitimes susceptibilités
du public. En attendant, M. Guinon a
publié sa pièce pour prouver que l'art
qu'il sert le met au-dessus des atteintes
de la Censurera laquelle il envoie l'ex
pression de son dédain^
Décadence est une satire violente de la
noblesse française et de la finance juives
Elle met.-en scène un duc de Barfieur.
ruiné qui, pour payer ses dettes, est forcé
d'avoir recours au jeune banquier juif
Nathan Strohman. Mais, pour avoir l'ar
gent nécessaire, il consent à donner sa
fille Jeannineen mariage à Nathan. Jean-
nine aimait le marquis de Chérancé, .un
ami d'enfance. Or, chose bizarre, c'est
le marquis, lui-même, c'est son frère,
le prince de Barfieur qui l'engagent à
épouser le banquier juif. Jeannine finit
par céder.Une fois mariée, elle ouvre son
hêtel à tous ses amis qui vivent sans
vergogne aux dépens de Nathan. Elle
ilirteavec le marquis de Chérancé et tout
annonce qu'à la comédie va succéder le
drame,. Quelque temps après, au çirque
Molier où s'amuse la jeune noblesse de
France en très vilaine compagnie, Jean
nine dit toute sa haine à Nathan, excite
sa jalousie et sa fureur et le quitte en ou
bliant tous ses devoirSiElle a agi comme
une folle,mais quand elle parle de s'en
fuir pour toujours avec le marquis, Na
than reparaît. Il lui rappelle que ce gen
tilhomme n'a pas un sou et qu'elle et lui
seront, réduits à la misère. Devant cette
perspective, la misérable Jeannine n'ose
aller plus loin. Elle reprendra le triste
collier que lui tend et impose le juif. .
Elle se rend donc, mais elle dit avec
haine à Nathan : « Vous m'achetez une
seconde fois ? — Evidemment, répond
l'autre. Vous êtes digne de nous, car on
a les Juifs qu'on mérite. » Et la pièce
finit par un.répugnant raccommodage.En
résumé,; M. Guinon a .voulu refaire le
Prince d'Aurec qui n'était pas déjà une
belle histoire. Il a forcé encore les si-
tuations et créé de parti pris des.scènes
bien vilaines. Il a englobé dans ses vio
lentes diatribes toute une caste et toute
une race, sans faire de distinctions.
Jeannine, son père, son frère, le banquier
juif, le marquis, tous sont des miséra
bles ou des pleutres. Est-ce de la satire ?
Certainement, mais c'est surtout de la
brutalité. Si la censure revient sur ses
veto , c'est qu'elle aura obtenu de nom
breux changements de l'auteur et mé
nagé les susceptibilités des nombreux
spectateurs qui auraient eu vraiment le
droit de s'irriter. La censure a depuis
longtemps l'habitude de laisser passer
trop de violences et surtout trop de mal
propretés. Puisqu'elle a l'intention de
prendre une fois son rôle au sérieux,
qu'elle demande donc aux auteurs d'ob
server enfin les convenances. On peut
tout dire au théâtre, aux juifs comme aux
autres. Il suffit pour cela, non pas d'être
cynique, mais spirituel: On me répondra
que ce n'est pas toujours facile. Alors
qu'on ne fasse pas de pièces !. Qui vous
y oblige ?.Jé reviendrai sur la pièea dç.
M. Guinon, si elle est jouée.La meilleure
partie est celle qui satirise le cirque Mo
lier, et là M. Guinon a raiBon.
• -
« •
J'ai été voir plusieurs fois l'exposition
dè l'Enfance au Petit Palais et j'en aurais
déjà parlé, si les Salons dont je vais finir
l'étude ne m'avaient empêché de le fe'ire,
Aujourd'hui les théâtres me laiosant qn
peu de place, je vais endcâflèr un aper^"
à mes lecteurs. Cette exposition, faite
dans un but charitable, car les bénéfices
iront aux diverses sociétés qui s'occu
pent de l'assistance et de la protection de
l'enfance, ne comporte pas que des col
lections admirables de dessins, de sta
tuettes, de poupées anciennes, de jouets,
de mille objets charmants et de tableaux.
Elle renferme aussi les indications les
plus intéressantes et les documents les
plus précis sur tout ce qui concerne les
secours donnés à l'Enfance par les éta
blissements d'instruction, d'hygiène et
de charité. Le visiteur peut donc à la
fois se récréer et s'instruire. Mon domai-
PARIS
Iff DÉPARTEMENTS
40 »
Sis mois...... 21 *
Trois mois il »
ÉTRANGES
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• L'ïïSÎVBRS ne répond pas des ciarmcrits qui M ssni adressée
. ftSÈNOSiClf. ' .
. KM. LAGRANGE, CERF ei C 1 *, 6» place d3 is B ouïés
PARIS, 2 JUIN im
SOaimaixijBS
L'impôt idéal G. d 'A zambu/a.
Correspondance ro
maine ***
La Rassegna-Naz to
nale L. G.
Les Bénédictins de
la Pierre-qui-Vire
aux Etats-Unis... D. P ourcin.
Le petit séminaire
de Saint-Pé p. v.
Feuilleton : Quln-
SSiJQ&s «fraffigJa&ues
et amjSkgxters H enri D ac.
A travers les revues.
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — La
loi sur les associations. — Le drame de
Marguerittes. —- Informations politiques
et parlementaires. — M. Loubet à La
Flèche.—Une lettre de M. Buffet, -r-
Le repos du dimanche. — La guerre du
Transvaal. — En Chine. — Dépêches
de l'étranger. — Alsace-Lorraine. —
Les anarchistes. — Chronique. —■ Let
tres, sciences et arts. — Les grèves. —
Echos de partout. — Les poésies de M.
l'abbé Deschamps. —•. Chronique ireli-
gieuse.— Nécrologie. — Guerre et ma
rine. — Tribunaux. — Nouvelles di
verses. — Revue de la Bourse. — An
nonces. — Calendrier.
nT p.— m ——M——
L'IMPOT IDÉAL
L'épée de Damoclès connu© sous
le nom d'impôt sur le revenu re
commence à se balancer sur nos
têtes.
Les économistes lui reprochent
plusieurs défauts. Le principal est
d 'être, par essence, l'impôt parfait.
L'idéal de la justice consisterait,
en effet, à ce que chacun fût imposé
selon ses moyens, c'est-à-dire selon
son revenu.
Seulement, il faudrait alors que
l'impôt en question fût, non seule
ment global, mais unique. Son ap
parition, pour signifier quelque
chose, devrait coïncider avec la dis
parition de tous les autres impôts.
Ceux-ci font double emploi, en
effet. Tous les impôts pèsent sur le
revenu* sauf les droits de succes
sion et de mutation, qui écornent
les capitaux et tuent dans l'œuf les
revenus de l'avenir". C'est. Avec ■ une
portion de notre revenu " que nous
achetons du sucre et du café, den
rées qui supportent des taxés énor
mes. C'est avec notre revenu que
nous payons le loyer de notre do
micile, loyer qui serait sensible
ment moins cher à Paris, par exem
ple, si le propriétaire de la maison
ne se déchargeait invisiblement
d 'une partie de ses propres impôts
sur le locataire, et si l'entrepre
neur qui l'a. construite n'avait pas
dû solder des droits d'octroi sur
les matériaux de,, construction.
L'idéal, la logique pure, vou
draient donc que tous les impôts
fussent abolis et que seul l'impôt
sur les revenus courbât sous son
ioug équitable la multitude des ci
toyens.
Mais alors il se passerait un phé
nomène bien intéressant et qui nous
fait regretter que « pour la beauté
du fait » nous ne puissions assister,
au moins pendant quelque temps, à
l'application du système.
Il y aurait, pour le public, une
révélation. -
Le contribuable découvrirait tout
à coup, d'une manière concrète,
brutale, aveuglante, une chose
dont les économistes l'avertissent
bieni mais qui ne pénètre les es
prits qu'à l'état de notion, abstraite
et vite oubliée : à savoir "que l'en-
•emble de ses impôts équivaut à la
confiscation annuelle au quart de
son revenu.
La mère de famille qui élève pé
niblement ses enfants avec quatre
mille francs de rente, verrait le per
cepteur lui dire chaque année :
« Madame, veuillez me remettre
mille francs; le gouvernement dai
gne vous autoriser à garder le
reste. »
L'ensemble des impôts prélevés
par l'Etat atteint, sous le bienheu
reux ministère de défense ou de
dépense républicaine, la somme de
trois milliards six cents millions.
Il y a, en outre, les impôts préle
vés par les villes : octrois ou taxes
substituées aux octrois, et les fa
meux centimes additionnels,, qui
ont un petit air si bénin sous ce
nom insidieux de « centimes ».
Il y a la part prélevée par les
conseils généraux.
Il y a enfin — et l'on n'y fait pas
assez d'attention—les frais imposés,
quoique ce ne soient pas des impôts,
sous forme d'honoraires aux offi
ciers ministériels : notaires, avoués,
huissiers, greffiers, courtiers mari
times, commissaires priseurs, syn
dics de faillite. Cet argent ne rentre
pas dans les caisses ae l'Etat, mais
il sort de la poche des citoyens par
la volonté de l'Etat, en vertu d'une
organisation impérativement créée
par l'Etat.
Il faudrait, pour bien faire, que
tous ces services fussent gratuits,
Sue l'Etat indemnisât les titulaires
es offices, et que la somme cor
respondante fût ajoutée au contin
gent réclamé à lHmpôt sur le re
venu.
Ce serait alors un beau spectacle,
et merveilleusement instructif; tel
lement instructif qu'il ne nous sera
jamais donné.
Le puhlic serait épouvanté de ce
que lui coûtent les services de l'E
tat, et des proportions que peut at
teindre ce que l'on appelle officielle
ment une « cotisation ».
L'Etat aime mieux pereevoir en
se cachant, par des combinaisons
qui accroissent tout simplement le
coût de la vie. Il y a bien les notes
du percepteur; mais elles servent
précisément à faire illusion au con
tribuable, qui se dit : « Bast! ce que
je vais remettre à ce monsieur assis
derrière sa grille est bien peu de
chose, en somme, en comparaison
de mes rentes, de mes appointe
ments, de mes bénéfices. »
Avec le système des impôts
multiples et indirects,.on obtient un
résultat précieux, qui est de dérou
ter absolument le contribuablei La
ménagère qui achète un kilo de su
cre ignore qu'elle verse huit sous à-
l'Etat, ou, si elle le sait, cela lui
fait moins d'effet que si l'Etat ve
nait lui demander les huit sous
après qu'elle a fait son emplette. Le
capitaliste qui touche les coupons
de ses valeurs, diminués du mon
tant de l'impôt, suppose qu'il n'à ja
mais été possesseur de la somme
ainsi soustraite, et fait tousses cal
culs en conséquence. Cela le vexe
beaucoup moins que si, ayant tou
ché le montant réel des coupons,
il trouvait, en rentrant chez lui, une
invitation à passar chez le percep
teur, pour y verser le dix pour
cent, ou davantage, dés intérêts ou
dividendes qu'il vient de palper.
Il est clair, après cela, que l'im
pôt sur le revenu, si on l'établit, ne
sera jamais qu'un impôt nouveau,
dont la lourdeur viendra ajouter à
celle des autres, ou qui ne rempla
cera, en les aggravant, que telle ou
telle taxe spéciale qui constituait
déjà, sous un autre nom, un impôt
sur le revenu. Ce sera un « remanie
ment », synonyme bienveillant du
terme d'« augmentation » dans la
langue des divers financiers qui se
sont succédé en France depuis le
commencement du XIX® siècle, où
nos arrière-grands-pères payaient
un demi-milliard, jusqu'au com
mencement du XX e , où nous payons
trois 1 milliards fctttëlni;
L'idéal des ministres des financés
n'est pas, en définitive, celui des
logiciens. Quant aux contribuables,
.ils auraient, eux, un treisièiné idéal,
qui serait de voir l'ensemble de3
impôts diminuer au lieu d'augmen
ter. Mais il paraît que cet idéal-là
est le plus dangereux, caries poli
ticiens de presque toutes les nuan
ces s'accordent pour le bannir de
nos pensées, comme on écarte de
l'esprit d'un pauvre fou les éner
vantes illusions et.les féeriques chi
mères.
G. d'Azambuja.
r—— , , . .
'BULLETINC
Le président de la République est
rentréhier soir de sa visite au Pryta.-
née de la, Flèche.
L'évacuation des territoires chinois
occupés par les troupes européennes
semble décidée généralement pour une
date prochaine. On annonce de Mar
seille que des offres sont faites aux ar-,
rnateurs afin de préparer le rapatrie
ment d'une partie de nos troupes.
La plupart des journaux français
combattent vivement le projet d'impôt
dit « de statistique » et qui gérait le
préambule de l'impôt sur le revenu.
4 Londres on se plaint beaucoup du
silence du War Office sur les affaires
du Transvaal. L'opinion générale est
que lord Kitchener n'a paé négligé de
faire connaître la situation réelle au
gouvernement, mais que celui-ci a le
parti-pris de dissimuler. .
. La proclamation de l'état de siège à la
Corogne a ramené l'ordre matériel sur
ce point de l'Espagne ; mais la surexci
tation des esprits est énorme. Il y a eu
en tout cinq morts et vingt blessés. La
grève est devenue générale. C'est une
manifestation contre la conduite des au
torités civiles, surtout contre le préfet
qui sera transféré à un autre poste.
En Italie, la naissance d'une prin
cesse royale au lieu d'un prince a causé
une déception très vive ; mais le monde
officiel et le public ont décidé de multi
plier néanmoins les démonstrations de
joie.
—: .—: •
NOUVELLES DE ROME
30 mai.
. Au Vatican.
s S. S. Léon XIII vient de nommer Mgr
Jean-Baptiste Lugari à la charge de son
auditeur, et Mgr Jacques Délia Chiesa,
substitut à la secrétairie d'Etat, à celle
de consulteur de la Sacrée-Congrégation
de l'Inquisition.
^ Aujourd'hui, Sa Sainteté a reçu eu au
dience solennelle S. Em. M. Cazo, en
voyé extraordinaire et ministre plénipo-
tentaire de Bolivie, qui a présenté au
Souverain Pontife les lettres l'accrédi
tant en cette qualité.
Après l'audience pontificale, Son Emi-
nence s'est rendue chez S. Em. le cardi
nal Rampolla.
Le parti socialiste.
Nous avons plusieurs fois parlé de la
position des députés socialistes vis-à-vis
du ministère et dans la Chambre.
Bien que l'extrême-gauche soit com
posée d'un tiers de socialistes et deux
tiers de républicains et de radicaux (90
députés), les socialistes dominent l'ex
trême-gauche.
Pour éviter le danger de l'obstruc
tionnisme, le ministère a cru devoir
s'appuyer sur la politique des socialistes,
et la majorité de la Chambre (centre
gauche) doit bon gré mal gré soutenir le
ministère afin .de ne paB risquer des ré
solutions dangereuses à la monarchie !
La politique des socialistes est au con
traire l'affirmation continuelle dé son.
indépendance !
Ils n'entendent soutenir le ministère
que si le ministère fait ce qui est dans
leurs désirs.
,..ÇçH§-P°V ii( ï ue vient d'avoir-Ja sanc
tion formelle du parti. Les représentants
des députés socialistes unis au comité
général socialiste, dans leur dernière
séance ont pris la délibération suivante :
? « La direction du parti d'accord avec
Je groupe parlementaire tout en recon
naissant que le parti socialiste ne peut
mettre sa confiance dans un gouverne
ment qui représente des intérêts oppo
sés à ceux de la classe prolétaire décide,
étant donné les conditions politiques et
^économiques du paya, que le groupe
parlementaire socialiste pourra, dans
chaque cas particulier, donner des votes
d'approbation au ministère, chaque fois
que son œuvre et ses réformes seront
conformes au développement normal de
la lutte" des classes et aux intérêts du
prolétariat. »
. La Presse.
Le journal Avantii organe du parti so
cialiste italien publie un article ayant
pour but d'expliquer les raisons pour les
quelles les socialistes ont définitivement
adopté une politique anticléricale en Ita
lie. Il affirme que cet anticléricalisme a
eu pour origine l'encyclique Rerum no-
varum toutefois, dès les premières an
nées de leur organisation, ils prévoyaient
que la lutte la plus forte aurait été celle
contre l'Eglise catholique.
L'OsseruaJore Romano a publié une
réponse à cet article ; cependant VAvanti
découvre Jles préoccupations que donne
aux socialistes l'organisation sociale des
catholiques et l'énergie nouvelle de leur
action. Ces polémiques font en même
temps saisir un caractère spécial du so
cialisme italien. Jusqu'en ces derniers
temps, à cause du tempérament très reli
gieux des peuples de la péninsule, leur
propagande' se couvrait d'une certaine
neutralité bienveillante au catholicisme.
La campagne de conférences, souvent
contradictoires, entreprise par les démo
crates chrétiens, a forcé les meneurs so
cialistes à jeter leurs masques. : r
LA LOI SUR LES ASSOCIATIONS
La commission sénatoriale des asso
ciations a adopté l'article 18 nouveau,
dont nous avons publié le texte, qui lui
avait été apporté par M. Waldeck Rous
seau, en réduisant toutefois de six à trois
mois le délai accordé v aux associations
pour se conformer aux prescriptions de
la loi.- ■' ■ • '■■■■ ■■ ■■ •
CORRESPONDANCE ROME
A Montecitorio. — L'émigration et les
petits Italiens. — Pitié pour la Prô-
, vince romaine. —- La prise de Rome
et le désert romain d'après le « divin »
Baccelli. Les « soldats de Satan ».
Rome, 2§ mai..
La Chambre des. députés vient
d'entendre en Une seule séance deux
interpellations intéressantes.
; Une première avait pour objet
l'exploitation infâme des petits Ita
liens dans les pays étrangers et en
Italie. Les députés ont rappelé les
plus tristes détails sur le travail
exorbitant .et. souvent meurtrier
auxquels, sont soumis les petits émi
grés,' par exemple dans certaines
verreries françaises, C'est en effet
à l'industrie française que les hono
rables se sont attaques surtout.
Le ministre de l'intérieur, M. Gio-
litti, a reconnu l'exactitude de ces
doléances, et l'importance sociale
de cette plaie italienne. « Mais les
mesures préventives, a-t-il ajouté,
re.stent souvent inefficaces, parce
que les parëhts eux-mêmes entraî
nent avec eux leurs enfants dans
l'émigration, et les laissent à l'étran
ger tandis qu'eux-mêmes revien
nent au pays. Avant de réclamer
des nations voisines l'observation
des lois civiles et humaines, il est
nécessaire que l'Italie donne la pre
mière l'exemple du respect qui leur
est dû. V.Le ministre a terminé en
exprimant son espoir de voir abou
tir bientôt" le' projet de loi sur le
travail des enfants et des femmes.
. Cette question se rattache à l'é
migration italienne. Justement,
« l'œuvre d'assistance des ouvriers
italiens émigrés en Europe et dans
le Levânt » publie une enquête faite
par l'un de ses membres, M. le doc
teur Cafiero. L'auteur a borné son
enquête à la terre de labour. Par
exemple à Arpinum, le nombre des
passeports est monté en trois ans,
de 91 à 244; à Cassino, plus de 480"
chefs de famille ont. émigré pour
l'Amérique en quatre ans. Les vil
lages se dépeuplent; les bras man
quent pour les travaux des champs.
Cependant la terre de labour est
une des plaines les plus fertiles de
la péninsule. Maïs paysans et pro
priétaires sont découragés par les
exigences du fisc, et l'impossibilité
d'écouler les produits. Cette situa
tion économique intérieure fait
comprendre quelle importance doit
attacher l'Italie aux prochains trai
tés de commerce.
Une autre interpellation se ratta-
chait à la question romaine. Le
choix de Rome pour capitale de l'I
talie a entraîné des frais exception
nels : constructions.de palais, tra
vaux du Tibre, mesures de sûreté
exigées par-la présence de deux
cours et de deux corps diplomati
ques. La plupart de ces dépenses
grèvent directement le budget de la
seule province de Rome.
Périodiquement, les députés de
Rome et au Latium réclament du
gouvernement une répartition des
charges plus équitable. Toutes les
provinces, disent-ils, doivent par
ticiper aux frais que nécessite la
bonne tenue de la capitale du
royaume. Les conditions économi
ques de Rome et de ses environs
sont telles que la province ne retire
aucun avantage du fait de posséder
la capitale; aussi le Latium est, de
toutes les provinces, la plus char
gée d'impôts en proportion de la ri
chesse respective.
Les ministres de l'intérieur et
des finances ont répliqué qu'ils n'y
pouvaient rien. « La Providence,
s'est écrié ; ce dernier, distribue à
chacun sa part de malheurs! » Pour
Rome, cette part est d'être devenue
la capitale de l'Italie : c'est un mi
nistre qui le déclaré. :•
-Le député, qui interpellait, a de
mandé grâce au moins pour la pro
vince romaine. « Si la ville de
Rome, a-t-il dit, a eu de» avantages
à se voit devenir .capitale; la pro
vince, n'y. a nullement participé.
Sous le gouvernement passé, il n'y
avait que peu d'impôts; aujomv
d'hui ils sont quadruplés. »
: Cet aveu fait à la tribune de Mon
tecitorio.est à retenir.
• Comme on avait parlé de Rome,
le divin Guido Baccelli, Romain de
Rome,. devait y aller de sa rhéto
rique. Il est monté à la tribune en
tonitruant. « Il y- a une phrase sur
tout qui m'a déplu dans ce que nous:
venons d'entendre. On a dit : Quand
nous avons pris Rome 1 -r- Vous n'a
vez riea prisidu toufc £!'est la fata
lité historique qui avait depuis long?
temps .marqué à l'Italie sa glorieuse
capitale ! »
; Puis pour Rome et sa province,
il ne veut pas qu'on demande pitié,
mais justice. « Rome, est la tête de
ce géant, dont les membres, d'abord
épars, ont été réunis; la tête de ce
pays qui s'avance, grâce à la Pro
vidence,, vers de hautes destinées. II
ne s'agit pas de la Rome des Ro-
rnainSj mais de la Rome des Ita
liens. »
Ces accès de . rhétorique sont trop
curieux-pour ne pas être relevés.
M.Baccelli.demande surtout qu'on
fasse quelque .chose pour, le désert
qui entoure Rome, pour cc ces .200
mille hectares de terres incultes sur
lesquelles les contadini versent
leurs sueurs pour avoir le moyen
de s'acheter un peu de quinine con
tre la malaria. » L'ex-ministre de
l'instruction publique a été moins
heureux quand il s'est aventuré,
sur le terrain historique. Il a voulu
donner son explication du désert-
romain, c'est une trouvaille. Cent
historiens déjà ont démontré, avec*
documents à l'appui, que le triste
état de l'agro romano est dû aux ba
rons et propriétaires romains; que
contre leurs injustices sociales, les
Papes protestèrent énergiquement;
que ce fut même souvent pour le
Saint-Siège l'occasion de rappeler
les devoirs de la propriété et les
limites que rencontre le jus utendi
dans la fin que l'ordre providentiel
assigne â la terre, pourvoyeuse du ;
genre humain, Il y a dix ans que M.
Gabriel Ardant a réuni à ce sujet
les faits et les documents lesfplus
authentiques dans son ouvrage Pa
pes et paysans.
Pour M. Baccelli, l'explication
est beaucoup plus simple et plus...
mystique. « Les Papes conservaient,
ce triste désert autour de Rome,
pour que^ le pèlerin, après avoir
traversé à pied la campagne de
Rome, arrivât, tout asphyxié par le
néant (sic), devant Saint-Pierre et
tombât d'admiration devant les gloi
res du Pontife roi. » C'est ainsi
qu'en Italie on enseigne l'histoire.
Tout commentaire serait superflu.
- *
- - - - ;• • • * ¥ *
M. Baccelli, on l'a vu, ne veut plus
qu'on parle de « prise de Rome ».
Si la oc Ville éternelle », capitale
du monde catholique, a été rabais
sée à la situation de tête d'un royau
me de 30 millions d'hommes, qui
attendent toujours les hautes desti
nées toujours promises, c'est la «fa
talité historique qui l'a voulu.
II paraît que la maçonnerie ne
l'entend pas de la sorte. Son or-
fane officiel romain," la Patria, pu-
lie ce même jour, un article ayant
pour titre : « Pauvre Satan 1»
? Malgré ses blasphèmes, cette
prose ést trop suggestive pour n'ê
tre point citée en partie.
: UOsservatofe Romano invitait Za-
nàrdelli à instituer l'ordre des
« chevaliers de Satan » pour ré
compenser les mérites anticléri
caux. .& Ce pauvre diable de Satan,
réplique là'Patria, lés cléricaux ne
le laissent ni dormir, ni mourir en
paix. »
■ Puis vient l'explication maçonni
que de là prise dé 1 Rome :
droit en s'ingérant dans la situa
tion de l'Eglise en Italie, et parti
culièrement à Rome, et en désirant
que le Pontife recouvre sa liberté
perdue. Quelquefois ce désir a pris
la forme de canons et de baïonnet
tes; et alors le pervers Satan a
rempli d'illusions séduisantes l'âme
des Italiens ; ils ont cru défendre la
patrie et ils défendaient Satan ; ils
sont morts par centaines sous les
murs de Rome et à Mentana. »
PJlPuis la calomnie maçonnique.
« A Mentana, les soldats du Saint-
Père ont été jusqu'à faire sauter
les yeux des blessés avec leurs
baïonnettes, pour enlever charita
blement de ces regards les lueurs
diaboliques. » Les condamnés à
mort «' mouraient enlacés à leur
Satan ».
Jusque-là, on pourrait croire • à
une plaisanterie satanique, d'iden
tifier la patrie italienne avec Sa
tan. Mais sur la fin de cet article
blasphématoire, le ton devient sé
rieux : c'est l'aveu de la lutte éter
nelle entre Dieu et l'adversaire.
« Cette foule qui suit Satan est
(1) Gabriel Ardant. Papes et paysans.
Paris, Gaume.
FEUILLETON DE L'UNIVERS
DU 3 juin 1901
QUINZAINES DRAMATIQUES
ET ARTISTIQUES
Le théâtre du Gymnase n'a vraiment
pas la main heureuse. Après tous les in
succès qui ont accueilli jusqu'ici toutes
ses pièces, il avait cru pouvoir mieux
terminer la saison dramatique. Il avait
fait choix d'une pièce de M. Àmbroise
Janvier de la Motte, dont le titre était à
lui seul toute une espérance : le Pres
tige. Et voilà que cette comédie, nouvelle
n'a pas plus de prestige que le fameux
M.Bourbeau, de comique mémoire.L'idée
n'était pourtant pas mauvaise.. L'auteur
avait voulu démontrer que le rang et la
fortune, les titres et les apparences bril
lantes dominent tout et autorisent tout,
dans une société frivole. Tel pauvre dia
ble est jugé'avec sévérité, parce qu'il est
pauvre. S'il était riche, on l'excuserait.
Tel individu obscur est traité, avec la
dernière rigueur, parce qu'il est de très
petite origine. S'il avait un nom retentis
sant, une particule et un titre, le monde
ne le blâmerait guère.
Il y a du faux et de l'injuste dans cette
constatation,mais il y a aussi unèpart de
vérité. Pour mettre en lumière, pour
en tirer un ,sujet scénique, il fallait du
tact, de l'adresse, du savoir-faire. C'est
ce qui a manqué à l'auteur. Il aconstruit
là-dessus une pièce gauche et embrouil
lée, sans morale, sans intérêt et sans es
prit. Déjà M. Janvier de la Motte avait
raté une idée à peu près semblable dans
une comédie qui dura peu, il y a dix
ou quinze ans. Cela s'appelait d'un nom
qui détonait singulièrement avec le su
jet : les Respectables. Mais, comme le
Prestige,ce futde la mauvaise psycholo
gie. Hier le public s'est franchement en
nuyé; or, quand le public s'ennuie, la
critique de la pièce est toute faite. Donc
celle, de M. Janvier de la Motte man
que tout à fait de prestige et il va lui
arriver ce ; qui
Français ; elle disparaîtra très prochai
nement de l'affiche. .
: Le Théâtre-Antoioe, qui donne, de.
temps à autre des œuvres,étrangères, a
représenté tout récemment le Voiturier
Henschel , drame en cinq actes de M.
Hauptmann, adapté par M. Thorel. En
voici la rapide analyse : Le voiturier
Henschel a une excellente femme qui
l'aime beaucoup. Cette femme est très
malade, et son état s'aggrave lors
qu'elle apprend que son mari la tra
hit avec une misérable créature,.nom
mée Ilanné. Mme Henschel, avant de
mourir, fait jurer à son mari qu'il n'é
pousera pas cette Ilanné. S'il manquait
par hasard à ce serment, qu'il ne s'é
tonne pas que toutes les calamités fon
dent sur lui 1 Mais l'influence de Hanné
est telle que le voiturier l'épouse. Qu'ar-
rive-t-il bientôt ? C'est que Hanné trompe.
Henschel avee le fils du cabaretier Ver-
melskirch. Henschel est averti de cette
trahison par un ancien serviteur, et pour
suivi par l'idée que sa première femme
se venge, ildevient fou et se tue.. ;
Ce n'est pas bien compliqué, comme.
vous le voyez. Mais cela est présenté
avec le plus entier réalisme et,l'auteur a
appuyé sur les notes de terreur et d'hor-
reur. Ceux qui aiment les émotions vio
lentes doivent être satisfaits, d'autant
que l'interprétation est aussi violente ;
que la pièce elle-même. Mais que veut :
prouver cette sombre histoire ? C'est qu'il
ne faut point offenser la morale et man
quera un serment, sous peine d'être châ
tié par les plus cruels .remords. Si telles
sont les. intention? de M. Hauptmann, je :
ne le blâmerais pas, tout en me récriant
contre certaines scènes brutales et en
tre autres contre .celle du cabaret qui
clôt le quatrième acte. M. Antoine a joué.
le rôle du voiturier avec unf énergie qui
lui a valu les bravos mérités du pu
blic. . .
M. Albert Guinon, l'auteur connu des
Jobards, n'a pu faire représenter au
Gymnase une comédie en quatre actes,
intitulée Décadence. La Censure en a
ajourné la représentation, parce que cet
ouvrage, qui se plait à railler une aristo
cratie dégénérée et une juiverie inso
lente, lui a paru de nature à causer quel-
que tumulte au théâtre, Les censeurs ont
cru que certaines déclarations pour
raient amener des spectateurs à s'in
jurier ou même à échanger des horions.
J'aime à croire aussi que des scènes
grossières ont dû leB effrayer. Le minis-
tre del'instruction publique, interpellé à
ce sujet, a dit qu'il y avait des accommo
dements avec la censure et que beau
coup d'auteurs, avant M. Guinon, avaient
yu lever le veto en consentant à opé-
rer les modifications nécessaires, co .mr
mandées par les circonstances ou par le
respect dû aux légitimes susceptibilités
du public. En attendant, M. Guinon a
publié sa pièce pour prouver que l'art
qu'il sert le met au-dessus des atteintes
de la Censurera laquelle il envoie l'ex
pression de son dédain^
Décadence est une satire violente de la
noblesse française et de la finance juives
Elle met.-en scène un duc de Barfieur.
ruiné qui, pour payer ses dettes, est forcé
d'avoir recours au jeune banquier juif
Nathan Strohman. Mais, pour avoir l'ar
gent nécessaire, il consent à donner sa
fille Jeannineen mariage à Nathan. Jean-
nine aimait le marquis de Chérancé, .un
ami d'enfance. Or, chose bizarre, c'est
le marquis, lui-même, c'est son frère,
le prince de Barfieur qui l'engagent à
épouser le banquier juif. Jeannine finit
par céder.Une fois mariée, elle ouvre son
hêtel à tous ses amis qui vivent sans
vergogne aux dépens de Nathan. Elle
ilirteavec le marquis de Chérancé et tout
annonce qu'à la comédie va succéder le
drame,. Quelque temps après, au çirque
Molier où s'amuse la jeune noblesse de
France en très vilaine compagnie, Jean
nine dit toute sa haine à Nathan, excite
sa jalousie et sa fureur et le quitte en ou
bliant tous ses devoirSiElle a agi comme
une folle,mais quand elle parle de s'en
fuir pour toujours avec le marquis, Na
than reparaît. Il lui rappelle que ce gen
tilhomme n'a pas un sou et qu'elle et lui
seront, réduits à la misère. Devant cette
perspective, la misérable Jeannine n'ose
aller plus loin. Elle reprendra le triste
collier que lui tend et impose le juif. .
Elle se rend donc, mais elle dit avec
haine à Nathan : « Vous m'achetez une
seconde fois ? — Evidemment, répond
l'autre. Vous êtes digne de nous, car on
a les Juifs qu'on mérite. » Et la pièce
finit par un.répugnant raccommodage.En
résumé,; M. Guinon a .voulu refaire le
Prince d'Aurec qui n'était pas déjà une
belle histoire. Il a forcé encore les si-
tuations et créé de parti pris des.scènes
bien vilaines. Il a englobé dans ses vio
lentes diatribes toute une caste et toute
une race, sans faire de distinctions.
Jeannine, son père, son frère, le banquier
juif, le marquis, tous sont des miséra
bles ou des pleutres. Est-ce de la satire ?
Certainement, mais c'est surtout de la
brutalité. Si la censure revient sur ses
veto , c'est qu'elle aura obtenu de nom
breux changements de l'auteur et mé
nagé les susceptibilités des nombreux
spectateurs qui auraient eu vraiment le
droit de s'irriter. La censure a depuis
longtemps l'habitude de laisser passer
trop de violences et surtout trop de mal
propretés. Puisqu'elle a l'intention de
prendre une fois son rôle au sérieux,
qu'elle demande donc aux auteurs d'ob
server enfin les convenances. On peut
tout dire au théâtre, aux juifs comme aux
autres. Il suffit pour cela, non pas d'être
cynique, mais spirituel: On me répondra
que ce n'est pas toujours facile. Alors
qu'on ne fasse pas de pièces !. Qui vous
y oblige ?.Jé reviendrai sur la pièea dç.
M. Guinon, si elle est jouée.La meilleure
partie est celle qui satirise le cirque Mo
lier, et là M. Guinon a raiBon.
• -
« •
J'ai été voir plusieurs fois l'exposition
dè l'Enfance au Petit Palais et j'en aurais
déjà parlé, si les Salons dont je vais finir
l'étude ne m'avaient empêché de le fe'ire,
Aujourd'hui les théâtres me laiosant qn
peu de place, je vais endcâflèr un aper^"
à mes lecteurs. Cette exposition, faite
dans un but charitable, car les bénéfices
iront aux diverses sociétés qui s'occu
pent de l'assistance et de la protection de
l'enfance, ne comporte pas que des col
lections admirables de dessins, de sta
tuettes, de poupées anciennes, de jouets,
de mille objets charmants et de tableaux.
Elle renferme aussi les indications les
plus intéressantes et les documents les
plus précis sur tout ce qui concerne les
secours donnés à l'Enfance par les éta
blissements d'instruction, d'hygiène et
de charité. Le visiteur peut donc à la
fois se récréer et s'instruire. Mon domai-
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