Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-04-16
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 avril 1901 16 avril 1901
Description : 1901/04/16 (Numéro 12108). 1901/04/16 (Numéro 12108).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710700t
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi iô Avril 1901
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Mardi 16 Avril iOOÏV., I a
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Six mois..... ; .21 ' o 26 50 *
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LE MONDE
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PARIS ÉTRANGER. '
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Six mois 10 » 13 a
Trois mois..... 5 b 6 S0
IiSS abonaeaënts partent âes 1" at 16 de chaque moii
L'USTVERS ne répond pas des manuscrits qui M sont adressé*
ANNONOE8
MM. LAGRANGE, CERF es C", 6, pïaco de !a Bourse
stasa
PARIS, 15 AVRIL 1961
SOMMAISIEI
Dès 1* premier tour.
Çà et li : La séques
tration de l'abbé
Foumler
Causerie littéraire :
Le cardinal Wiso-
IQ&Q i • • • » i • 11 *• •
P ierre V euillot.
J. M aktenay.
E dmond B iré.
Bulletin. — Nouvelle# do Rome. — Une
lettre de S. Em. le cardinal Perraud. —
L'anticléricalisme en Portugal. — Les
nouveaux cardinaux. — Mgr Bouquet.
— Eneore l'emploi du mot « cafard ». —
Illégalité. — Les édiles roubaisiens. —
Les a catholiques sociaux ». — Infor-
mations politiques et parlementaires. —
L'élection de M. de Caraman et la presse.
— tes fêtes de Toulon. — Le congrès de
Lens. — Uadagasear. — Dans le paya
des Somalis. — La guerre du Transvaal.
— Eu Chine. — Dépêches de .l'étranger.
— Chronique. — Lettres, science* et
: »rt». — Fêtes et réaniOES d'hier. — La
question ouvrière. — Le» grève». —
Echos de partout. — Mort chrétienne
de M. Rey Nécrologie. —Tribunaux.
Nouvelles diverses. — Calendrier. —
Dernière beure. — Tableau de la Bourse
eî bulletin financier.
DÈS LE PREHIER TOUR
On fait, en général, bon accueil à
L'idée de ne pas susciter de concur
rents aux 2*24 députés qui ont voté
contre la loi sur les associations. Il
y aura des circonscriptions où les
catholiques et les conservateurs
auront à vaincre une forte répu-
fnance. On leur demande, en effet,
s contribuer, de travailler même à
la réélection d'un quasi-socialiste ou
de quelque ancien sectaire opportu
niste, dont la semi-conversion n'of
fre guère de garanties. Cependant,
la nécessité de prendre cette réso
lution 'est presque partout admise.
D'abord, ..quiconque figure dans les
rangs des 224 a mérité la reconnais
sance des honnêtes gens, quels aue
soient son parti et son passé. Én-
suite, jamais l'union ne fut aussi
pressante, et voter pour les 224,
c'est le moyen de faire l'union dans
224 circonscriptions et de la faciliter
dans toutes les autres.
Quelques-uns formulent un» ré
serve.
-- On pourrait, disent-ils, garder
chacun sa liberté au premier tour.
Il est toujours bon de s'affirmer. A
l'opportuniste vis-à-vis duquel nous
conservons de la naéfiance, au ra
dical partisan de l'impôt progressif
sur le revenu et de la séparation da
l'Eglise et de l'Etat, pourquoi ne
point opposer, bien qu'ils aient été
des 224, un ferme catholique? Il
sera convenu, d'avance, qu'au se
cond tour, s'il a été moins favorisé,
notre candidat se retirera devant
l'opportuniste ou le radical en ques
tion...
Nous n'hésitons pas un instant
à répondre que la tactique serait
déplorable. La division est le luxe
des forts; nous ne pouvons donc
point nous la permettre. Se di
viser d'abord, pour s'unir après :
le système ne vaut rien. Il est très
facile de procéder à là première
opération; mais, elle est souvent
si bien faite qu'il devient impos
sible de réussir la seconde. On s'est
donné une poignée de main avant
d'engager le combat ; 1 a lutte sera
courtoise; c'est entendu... Cepen
dant, on s'échauffe. On a des ad
versaires communs qui s'efforcent
de semer la zizanie; les circons
tances, l'animation de la bataille
leur rendent la besogne aisée.
On a des partisans qui déploient
beaucoup de zèle et moins de tact.
Ils dépassent les bornes conve
nues; on ne veut pas leur infliger
de désaveu, car I© désir de vaincre
a grandi, et il ne faut , pas rebuter
leur- eoneburs qui semble néces
saire. Là-dessus, les reproches com
mencent à se croiser : —* Vous
manquez de correction 1 — Et vous,
de bonne foi!... Ladiscussion tourne
à l'aigee. On se menace des tribu
naux. C'est fini : la passion l'a
emporté. Des accusations graveB
s'échangent. Calomnies ; manœu
vres de la dernière heure ; toute la
lyre. ■ ■ .
Et brusquement, il faut parler en
ces termes: — Je recommande,
avec instance, à vos suffrages,
l'homme que j'appelais, il y a
quinze jours, mon loyal concurrent,
et, avant-hier, un petit-fils de ban
queroutier, panamiste lui-même et
traître au pays. Il m'en a dit aussi
de ce calibre. Unissons-nous Je
vous demande, mes chers conci
toyens, de lui confier les plus hauts
intérêts de la France...
Tout le monde n'est pas capable
d'opérer cette volte-face. Et quand
il se rencontre des candidats, meur-.
tris encore tout fraîchement de la
lutte, qui savent montrer pareille
abnégation, ces héros sont-ils fidè
lement suivis par leurs électeurs ?
Donner son suffrage à qui ne méri
tait, la veill®, que haine et mépris,
c'est un effort et c'est un revirement
auxquels certaines obstinations et
même certaines consciences ne par
viennent point à se décider.
Inventons-nous ees péripéties
pour les besoins de notre argu
mentation? Pas le moins du monde.
Mille exemples pourraient être in
voqués, fournis par les élections
législatives depuis vingt ans. Sans
doute, la bataille ne revêt pas tou
jours ce caractère de férocité.
Mais l'aventure n'est pas excep
tionnelle, et généralement la lutte,
même plus contenue, est assez
âpre pour engendrer do vives ran
cunes.
En outre, c'est fort bién de dire :
le concurrent catholique se retirera
devant l'opportuniste ou le radical
faisant partie des .224} si celui-ci a
obtenu, au premier tour, un nom
bre de voix supérieur. . Seulement,
pourra-t-on obtenir l'engagement
réciproque? Non, dix-neuf fois sur
vingt. Et il arrivera ce que nous
avons déjà vu si souvent. Par dis
cipline républicaine, pour n'être
point accusé de trahir au profit de
la réaction, l'opportuniste ou radi
cal se désistera en faveur du sec
taire. Celui-ci sera élu; nous au
rons obtenu ce résultat.
Formons-nous des hypothèses?
Point; nous rappelons des faits. Le
groupe Ribôt-Méline compterait
trente membres de plus à la Cham
bre, aux dépens de la gauch« jaco
bine, si des catholiques et des con
servateurs n'avaient maladroite
ment voulu, en mainte circonscrip
tion, supplanter les progressistes.
Gardons-nous de retomber dans
cette faute. En 1902, elle n'aurait
plus d'excuse. Et d'abord, il ne s'a
git point d'élire un grand nombre
de radicaux et de semi-socialistes,
liane sont qu'un® poignée parmi
les 224. Presque tous, les 224 sont
d« braves gens, des opportunistes
assagis, des libéraux. Sans aucun
doute, on peut souhaiter mieux.
Mais rappelons-nous que le mieux,
éternel ennemi du passable, est le
frand auxiliaire du pire. Il n'y a pas
e proverbe plus vrai. Mettons-nous
bien dans la tête qu'il ne saurait être
question, au prochain renouvelle
ment, d'obtenir une majorité d'élus
animés de l'esprit du comte Albert
de Mun. Il s'agit d'obtenir une ma
jorité qui suive M. Ribot. C'est tout
ce que nous pouvons avoir. Au
moins, tâchons-y.
•BVLLE71&C
Aujourd'hui se tient le Consistoire
secret au cour3 duquel seront créés
douze cardinaux et ae nombreux évo
ques, parmi lesquels le3 titulaires des
sièges vacants en France. Nous don
nons plus loin les actes du consistoire
et un résumé de l'allocution du Saint-
Père dans laquelle le Pape proteste con
tre les atteintes portées à la liberté de
l'Eglise par la loi sur les.associations.
Hier, dans l'arrondissement de Ram
bouillet, M. de Caraman, républicain
libéral, a élé élu député par plus de
8,600 voix contre M. Bascou, radical
ministériel. Il s'agissai t de remplacer
M. Marcel Ilabert.
Dans la Loire-Inférieure, M. Henri
Le Cour Grandmaison, conservateur,
a été élu sénateur en remplacement de
son frère M. Charles Le Cour Grand-
maison. ■ , ■
Aujourd'hui s'ouvre la. session de
printemps des conseils généraux. Plu
sieurs ministres sont absents' de Paris
et doivent assister aux débats des as
semblées départementales. ■.
M. Waldeck-Rousseau, dont la santé
continue à s'améliorer, doit partir pour
GÉnes mercredi.
Les journaux portugais publient une
lettre du Saint-Père à S. Em. le c-'ird'i-
nal Nette. Léon XIII manifeste s à con
solation de voir l'épiscopat, le clergé sé
culier et les eatholiques portugais dé
fendre la pleine conservation et les
droits des congrégations religieuses.
Le hronprinz allemand est arrivé hier
à Vienne où il a été reçu en grande so
lennité par l'empereur François-Jo
seph.
Le chancelier de l'empire allemand
est rentré k Berlin sans avoir eu une
nouvelle entrevue avec le ministre des
affaires étrangères d'Italie.
La convention de la Havane a décidé
d'envoyer à Washington une délégation
de cinq personnes, pour discuter avec
M. Mac Kinley les bases d'un accord en
treCuba et les Etats-Unis. La déléga
tion doit en référer ensuite à la conven
tion de la Havane.
NOUVELLES DE ROME
Le Pape préconisera ensuite les arche
vêques et évêques italiens et russes.
C'est dans le consistoire secret,qui sui
vra jeudi prochain le consistoire public,
que seront pourvas lea sièges français,
espagnols et autrichiens.
• m
Pierre V euillot.
Le consistoire secret da 15 avril (1).
Rome, 13 avril.
Lundi matin, à onze heures, doit avoir
lieu dans la salle ordinaire le consistoire
Becret annoncé.
La cérémonie 6e passera avec la solen
nité habituelle.
Le Pape, dans une courte allocution",
annoncera la création et publiera les
noms des douze nouveaux cardiuaux :
LL. EEm. Mgr Sanminiatelli, patriarche
latin de Gonstantinople ; Mgr délia
Volpe, majordome de Sa Sainteté ; Mgr
Martinelli,archevêque titulaire d Eplièse,
et délégué apostolique aux Etats-Unis;
Mgr Casimir Gennari, archevêque titu
laire de Lëpante, et assesseur de la con
grégation du Saint-Office ; Mgr deH'r
Olio, archevêque de Béaévent ; Mgr Bos-
chi, archevêque de Ferrare ; Mgr Ri-
boldi, évêque de Pavie et archevêque
nommé de Ravenne ; Mgr Bacilieri, évê
que de Térone ; Mgr de Kokiesko Pu-
zyna, prince évêque de Cracovia ; Mgr
Léon, baron de Skrbinsky, archevêque
de Prague ; Mgr Tripepi, substitut ée la
secrétairerie d'Etat ; Mgr Cavagnia, se
crétaire de la Congrégation des affaires
ecclésiastiques extraordinaires;
On se rappelle qu'au Consistoire du
19 juin 1899, Léon XIII avait annoncé
qu'il créait, mais en les réservant in petto,
deux cardinaux. Ces deux cardinaux
sont : LL. EE. Mgr Sanminiatelli, et Mgr
délia Volpe. Le Pape le dira dans ce Con
sistoire, et, dans le Sacré-Collège, ils
prendront rang d'après leur nomination
de juin 1899.
(i) Nous receons une dépêche de
notre correspondant qui. nous confirme
que tout s'est passé comme il l'annon
çait.
Immédiatement après le consistoire
secret, où interviennent seulement le
Papï et les cardinaux anciens, notifica
tion est faite aux nouveaux cardinaux
de leur élévation à la pourpre. Les mai-
très de cérémonies désignés se rendent
auprès de ceux des élus qui se trouvent à
Rome Ils leur portent, avec l'annonce
officielle de ieur dignité, la calotte rouge
qui en est le premier insigne.
En même temps ils les invitent à fse
rendre le lendemain soir au Vatican, où
le Souverain Pontife doit leur donner la
barrette rouge.
Aussitèt que ces maîtres de cérémo
nies ont rempli leur mission, commen
cent se que l'on appelle les visites di
calere. Chacun des nouveaux cardiaaux
reçoit de nombreux visiteurs qui jappor-
tent leurs félicitations.
Le cardinal Sanminiatelli recevra au
palaisDoria Panfili, sur la place Navone;
le cardinal délia Volpe, dansées appar
tements du Vatican ; le cardinal Gennari
au palais du Saint-Office, où ee trouve
ront aussi les eardiaaux Bcschi, deU'Olio,
et Riboldi ; le cardinal Bacilieri recevra
chez le cardinal Sanminiatelli ; le cardi
nal Tripepi, chez S. Em. le cardinal
Rampolla, secrétaire d'Etat de Sa Sain
teté ; et le cardinal Cavagnis, au palais
Lante.
— Ceux des nouveaux cardinaux qui
ne sont pas en ce moment à Rome, rece
vront la notification de leur promotion
par les ablégats et les gardes nobles qui
leur sont envoyés en qualité de courriers
apostoliques. Les gardes nobles portent
la calotte rouge, et les sbiégats la bar
rette. Dans les pays qui sont en relations
diplomatiques avec le Saint-Siège, c'est
un des privilèges du chef d'Etat de re
mettra lui même au nouveau prince de
l'Eglise la barrette rouge, apportée par
les ablégats C'est donc l'empereur Fran
çois- Joseph qui remettra la barrette à
LL. EEm. les archevêque et évêque de
Prague et d» Cracovie.
L'allocution du Pepe.
Nous recevons la dépêche sui
vante:
Rome, II h. 10 matin,
v Le Souverain Pontife a prenoncé ce
matin con allocution consietoriale. Il
s'afflige des hostilités centre l'Eglise qui
se sont rallumées simultanémentjen plu
sieurs parties de l'Europe. Le Saint-Père
a parlé avec tristesse de la loi destinée
à frapper les ordres religieux dans une
nation voisine, qui ne mérite pas une
telle calamité. Il a mis en relief l'incon-
eéqueace qu'il y a, pour un pays où est
proclamée la liberté entière pour tous, à
refuser l'existence même aux associa
tions dont les membres font profession
de pratiquer les conseils évangéiiques,
ou à la gêner.
Léon XIII a rappelé les manifestations
tumultueuses et violentes qui se sont
produites récemment en d'autres pays.
Cela fait présager et craindre des événe
ments pires encore pour l'Italie.
Le Souverain Pontife a fait allusien à
la dure condition qui est faite à la pa
pauté, et a parlé spécialement de la pro-
positi«n de loi sur le divorce qui sera
probablement déposée.
Çà et là
LA SEQUESTRATION DE L'ABBE
FOURNIER
Les fêtes de Pâquea furent célébrées
avec beaucoup d'éclat à Pari3, il y a cent
ans. Les fidèles, privés depuis longtemps
des cérémonies religieuses, affluèrent
dans les églises. On essayait d'oublier
les sanglantes orgies de la Terreur, et
les journaux favorables à Bonaparte
çhantaientà l'envi ies louanges du premier
consul qui avait, disaient ils, a rétabli
l'ordre et rouvert les temples ».
On aurait dit qu'un siècle s'était écoulé
depuis la chute de l'ancien régime.
« Le citoyen Larochefoucauld (fils de
l'ex-duc), écrivait la Gazette de France,
se rend à Dresde comme chargé d'afîai-
res de la République française, en rem
placement du citoyen Lavalette. s
Que de réflexions évoquent ces quel
ques lignes!;.. Il y a si peu d'années en
core que la vieille monarchie tradition
nelle semblait indestructible ! Un effroya
ble naufrage a soudainement englouti la
société française, et voilà que la Gazette
de France (la Gazette de France'.) re
late, comme une chose toute naturelle,
la nominationd'un Larochefoucauld à un
poste de la République. Que de chemin
parcouru en quelques années ! .
Donc, Paris semble calme et joyeux.
Le public suit les spectacles et s'arrache
les billets de la Loterie nationale. Si ie
tribunal criminel ne jugeait pas en ce
moment les conspirateurs du 8 nivôae —
Saint-Rêjaut, Carbon, Mile Adélaïde de
Cicé -— on ne se douterait pas que la
France vient de traverser une terrible
crise. Le Tout-Paris du Consulat s'a
muse. Les journaux racontent que Mme
Récamier a quêté à Saint-Roch le jour
de Pâques (5 avril 1801) et que les plus
hauts personnages du nouveau régime se
Eont rendus dans la vieille église fondée
par Louis XIV pour verser leur offrande
dans la bourse de soie de la « divine
Juliette s.
Il s'en faut cependant que le gouverne
ment consulaire néglige d'observer de
très près les Parisiens. Les journaux sont
soumis à un sévère contrôle. Seules, les
feuilles dites a littéraires s sont à peu
près libres. C'est ainsi que Mlle Lenor-
mand vient de créer : Le petit mot à,
l'oreille, avec une subvention de José
phine, laquelle aime fort les devine
resses.
Les membres du clergé sont particu
lièrement surveillés par la police de
Fouché. Parmi ceux qui inquiètent l'om
brageux gouvernement du premier con-
Eul, il en est un surtout qui prêché à
Saint-Roch avec beaucoup de succès et
qu'on a surnommé Is « Bourdaloue mo
derne s. C'est l'abbé Marie-Nicolas Four-
nier de la Contamine.
Du haut de cetta chaire, qui porte en
core la trace des balles de Vendémiaire,
le courageux prédicateur flétrit avec
véhémence les terroristes et leurs de
vanciers : les philosophes voltairiens.
Dans un de ces retentissants sermons,
l'abbé qualifie un jour l'exécution de
Louis XVI d' i assassinat juridique ».
La nuit suivante, il est arrêté et conduit
chez les fous, à Bicêtre.
La chose a été faite avec autant de cé-
lérité.que de discrétion. Fauohé possède
d'habiles agents. Personne ne sait ce
qu'est devenu l'éloquent prédicateur. Ses
amis, ses confrères s'alarment. Ils se
rendent au ministère de la police géné
rale qui eccupe alors la maison Juigné,
quai Voltaire. Us sont reçus, après une
longue attente, par Fouché qui paraît
tomber des nues et les renvoie à son se
crétaire général, Lombard-Taradeau, le
quel ne semble pas moins surpris que
son patron et conseille à ses visiteurs de
s'adresser au secrétaire particulier, M.
de Villiers. Celai-ci s'attendrit. Eh ! quoi,
M. l'abbé Fournier (un si digne homme !)
aurait disparu ! N'aurait-il pas été assas
siné par des chouans ? Des chouans ! Ah !
grand Dieu ! pourquoi auraient-il3 tué un
prêtre royaliste? Pour le dévaliser. Tout
s'expliquerait ainsi. D'ailleurR, on fera
uns enquête. C'est la réponse invariable
de tout bureaucrate qui veut se déro
ber.
Sur ce bon billet, M de Villiers écen-
duitles amis du prédicateur. Les semai
nes, les mois s'écoulent. Pas de nouvel
les. L'eai[uête a suit son cours ».
Bref, l'abbé Fouraier aurait été vrai
semblablement a oublié » à Bicêtre, s'il
n'avait pas eu la bonne fortune de comp
ter Mgr Fesch au nombre de ees amis.
Ce futur cardinal était en situation de se
renseigner exactement. Dès qu'il connut
la vérité, il sollicita du premier consul
l'élargissement de l'abbé. A la même
heure, paraissait une plaquette anonyme
intitulée : a Un petit mot sur la détention
de l'abbé Fournier. a L'auteur citait le
discours de Bonaparte au clergé d e Mi-
lan : e Je vous certifie qu'on rouvre lea
églises en France, que la religion y re
prend son ancien éclat et que le peupla
voit avec respect ses pasteurs qui revien
nent pleins de zèle au milieu de leurs
troupeaux abandonnés. »
L'auteur de ia brochure en question
feignait de croire que l'homme qui avait
prononcé de telles paroles était incapa
ble d'avoir de lui-même fait séquestrer
le prédicateur de Saint-Roch, et qu'il
avait simplement suivi les conseils des
régicides qui l'entouraient.
Le premier consul comprit enfin qu'il
était odieux de laisser dans une maison
de fous un ecclésiastique aussi respecta
ble que l'abbé Fournier, et il le fit trans
férer à la citadelle de Turin.
Peu de mois après, le prisonnier était
élargi et quelques années plus tard, il
était, grâce au crédit du cardinal Fesch,
nommé... chapelain et aunâôaier de l'em
pereur !
: On voit que le premier consul ne se
gênait pas pour interner, sans autre
forme de procès, les prêtres indépen
dants. Le public n'en était paG moins
convaincu que la Révolution avait pour
toujours aboli 1% lettre de cachet.
J. MANTENAY.
UNE
LETÏEE BE S. El LE CABBD1L ffîBAîl)
Mgr l'évêque d'Annecy veut bien,
nous communiquer la lettre sui
vante qu'il a reçue de S. Em. le oar-
dinal Perraud :
Autun, 12 avril.
Monseigneur,
Il y a seize mois, je vous adressais
félicitations et remerciements pour la
Lettre que vous veniez de publier, et où
vous exhortiez vos diocésains à lutter do
toutes leurs forces contre 1e dessein déjà
partiellement réalisé a de détruire radi
calement en France la religion catho
lique ».
- Les événements accomplis parmi noua
depuis cette époque ont donné tristement
raison à vos avertissements. Vou3 venez
de les renouveler par votre Lettre du 31
mars et vous les justifiez par les der
nières èt formidables attaques livrées à
la foi, à la conscience, aux droits des
Français qui entendent demeurer fidèles
à Jésus-Christ et à son Eglise.
Vous avez résainé la très lamentable,
mais aussi très instructive histoire des
développements successifs du plan ourdi
(on sait bien où et par qui) pour rendre
notre vie nationale complètement étran
gère aux enseignements et aux pratiques
du christianisme. Vous avez conduit cet
exposé jasqu'à son épisode le plus ré-
cest, je veux dire le travail auquel vient
de se livrer, dans ces trois derniers mois,
la Chambre des députés et le vote des
303 membres de cette Chambre qui ont
attaché pour jamais leur nom à un pro
jet de loi où sont frappés du même coup
la liberté sacrée de la vie religieuse, con
forme aux conseils évangéiiques ; — 2a
liberté de l'enseignement, réclamée par
les familles et inscrite dans noa Consti
tutions depuis un demi-siècle; — et ea-
fîn, les garanties fondamentales énon
cées dans la fameuse Déclaration des
droits de l'homme, surtout en ce qui
touche au droit inviolable de propriété.
De tous ces faits, et très particulière
ment du dernier en date, il vous eEt fa
cile de conclure et de prouver à quicon
que voudra lire avec attention votre let
tre du 31 mars, qu'il n'y a plus d'illusions
à garder, plus de temps à perdre.
a Quand vous verrez toutes ces choses,
disait Notre-Seigneur à ses apôtres, sa
chez que l'ennemi est tout proche et qae
déjà il occupe le Eeuil de vos portes. »
Quum videritis hsic omnia, scitote quia
prope est in januis (Matth, ,XXIV, 33).
■ Certes, Monseigneur, personne ne
pourra vous accuser d'avoir mis les ca
tholiques de France en garde contre des
périls imaginaires et poussé prématuré
ment le cri d'alarme. Sentinello toiy oUra
en éveil, vous n'avez pas ces^é depuis
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 16 AVRIL 1901
CAUSERIE LITTÉRAIRE
Le cardinal Wiseman (l),
I
Lé docteur Nicolas "Wiaeman, devenu
«n 1850 Ifc premier cardinal de Westmins
ter, est, avec Henry Newmann et le car
dinal Manning, une des plus hautes illus-
trations de l'AngJeterre et une des plus
chères gloires de l'Eglise. Selon l'heureu-
(e et très iuste expression du P. Bré-
m®nd (2), C'est une belle figure, très ro
maine et très anglaise à la fois, loyale et
:»oble, simple eohs des dehora un peu so
lennels, prompte aux grandes espéran
ces, entreprenante par instinct et persé
vérante par vertu.
De famille irlandaise, il naquit, le
2 acût 1802, à Séville, où son père eser-
(1) Le' cardinal Wiseman, sa vie et son
temps (1.802-1*65;, par Wllfrid Ward ; tra
duit de l'anglais par l'abbé Joseph Cardon,
«ïu diocèse 4'Autun. Deux volumes in-18.
Victor Lesoffr*, éditeur.90, rue Bonaparte,
3S01.
(2) Etudes relieuses des Pères de la
eompagnif de /èsufr, jjuméro du 29erep-
tsfœtrre fôM
(ait le négoce. Sa mère le déposa, tout
enfant, sur l'autel de la cathédrale et la
consacra au service de l'Eglise. Son ami
de cœur, le cardinal Manning. aimait à
retrouver, dans quelques-unes de ses
préférences et de ses aspirations reli
gieuses,l'influence de la catholique Espa
gne sur ses premières associations d'i
dées. « Il garda, écrit-il, au plus intime
de «on âme une empreinte profonde du
milieu qui l'avait vu naître. Jusqu'à son
derfiier jour, il manifesta en tout ce qui
concernait les œuvres, les entreprises et
les cérémonies de l'Eglise, une grandeur
d'idées.qui se rattache évidemment à la
catholique Espagne... Né dans une at
mosphère de splendeur catiiolique, toutes
ses eouceptions et ses visions du sanc
tuaire rappelaient ce qu'il avait vu dans
soa enfance', et ce qui devrait exister,
Biais qui hélas ! existe trop peu dans
l'Angleterre moderne, si froidement uti
litaire. »
A l'âge de huit ans, en' mars 1810, —
son père étant mort à Séville et sa mère
étant venue se fixer en Angleterre, — il
entra àSamt Cuthbert's collège,àUshaw.
près de Durhasa, qui avait alors pour
vice-recteur le célèbre historien Lingard.
Il était encore au collège, lorsqu'il se dé
cida à embrasser l'état ecclésiastique.
Le Pape Pie VII ayant résolu, sn lêlfi,
de rouvrir la collège anglais de Rome,
fermé depuis l'isvagion des Français en
1798, Nicolas Wiseman fut l'un des jeç-
nes clercs choisis pcrar former le noyarç
fëvïtigianî* * '
cinq autres élèves d'Ushaw et quelques
étudiants pris dans d'autres collèges.
Les quatre années qu'il passa au collè
ge anglais dans cette ville de Rome toute
pleine des splendeurs de la religion, des
plus nobles chefs-d'œuvre de l'art et des
plus grands souvenirs de l'histoire, fu
rent pour le. jeune étudiant d'une inénar
rable doupeur.
Le jeudi, jour du congé hebdomadaire,
on sortait souvent de Rome pour se ren
dre en quelque endroit intéressant. Les
vacances de Pâques et les grandes va
cances d'ét j se passaient dans une mai
son de campagne, propriété du collège,
à MonterPorzio, près deTusculum. Wise
man se sentait là, plus encore qu'en An
gleterre, dans sa vraie patrie. Il suivait
les cours de philosophie scolastique et de
théologie asseg sérieusement pour pren»
dre ses grades avec succès ; mais ses
goûts, à ce moment, ne le portaient pas
vers ce genre de science. L'étude (les
antiquités romaines, païennes et chré
tiennes, lui plaisait bien davantage, ainsi
que celle de la musique et de l'art italien,
dans Iç^uelle il fit dans la suite de réels
progrès. De bonne heure il s'était a(|onni
à l'étude des langues arabe et syriaque.
Ces études variées le passionnaient. Les
heures qu'il consaerait à la lecture étaient
de beau«oup plus nombreuses que celles
qu'exigeait ta règle, et les lettres de ses
anciens condisciples lui reprochent ve-
jçmtier? de ne s'accorder apeime récréa-
tioit. ■
qifQtîfleïïrttâ ti W
excursions dans les lieux d'un intérêt
historique, hors de Rome, cantribuaient
également à nourrir son esprit et à en
flammer son imagination. « La vie d'ùn
étudiant à Rome, écrit-il, en se repor
tant à cette époque, devrait être une vie
de continuelles jouissances... Il n'y a pas
jusqu'à ses heures de repos qui ne puis
sent l'aider dans ses études, tout en res
tant délicieusement récréatives. Chaque
jour, ses promenades le conduisent à
travers le domaine des arts, et ses rêve
ries, en suivant le courB des temps, s'ac
compagnent de miile souvenirs, de mille
associations d'idées, s
Les impressions reçues par Wise-.
man durant les cinq premières années
de sa vie d'études à Rome ne devaient
jamais l'abandonner. Elles faisaient,
pour ainsi dire, corps avec lui. Lorsque
plus tard le devoir le rappela en Angle
terre, il sentit qu'il avait laissé derrière
lui la partie ia plus heureuse de sa
vie.
II
Nicolas Wiseman reçut le grade
docteur en théologie, le 7 juillet 1824e
avant d'avoir atteint sa vingt-deuxièm,
année. Lé point capital de son examen
fut un» argumentation publique, 1'e.ctus
pu6lieu8 t cooime lè "nommaient iei étu-
diantj! anglais; fl était réservé aux can»
£$8*5 Ijs rjhis distingués. P&p* J?g czg
VwtâÎTty't'ê&iitféW foi
Le candidat avait à soutenir un certain
nombre de thèses théologiques, en pré
sence d'un nombreux auditoire. Ces thè
ses étaient distribuées d'avance, et il
était loisible aux contradicteurs de choi
sir celles qu'ils réservaient pour la dis
cussion.
Par une curieuse coïncidence, parmi
les amateurs qui assistèrent à cette sou
tenance, se trouvèrent le P. Capellari,
plus tard le Pape Grégoire XVI, et l'au
teur jde l'Essai sur l'indifférence, Félicité
de Lamennais.
, Vers la fin de cette année 1824, Wise-
raan entra définitivement dans les or
dres, et fut ordonné sous diacre le 18 dé
cembre 1824, diacre au mois de janvier"
suivant, et prêtre le 1Q mars 1825. En
J827, il devint vice-recteur du collège
anglais et eut ainsi une situation sta
ble à Rome. En cette même année
1827, il publiait § qp premier ouvrage,
les Horm Syriacse. iîlles consistais*
en trois dissertations. ]>
.. • . , ■■■.•■■ - première,
en partie tUeolo^quê, développait un
argument en f^yçuï du sens littéral
d'4 ? Hoc est corpus meum. Les
deux autres étaient intitulées : Contri
butions philologiques à l'histoire des
versions syriaques de l'Ancien Testa
ment. Ce sont elles qui révélèrent au
monde savant leur jeune auteur de vingt-
quatre e : t firent de lui une autorité
demeures classique après plus de soixan
te ans écoij'é?,
professeur de langues orientales à l'Uni
versité de Rome. Le Pape l'appelait en
même temps à prêcher, dans l'église de
Gesu o A{aria, au Corso, une suite de
sermons destinés a la colonie anglaise.
L'année suivante, en juin 1828° le doc
teur Gradwell, recteur du collège an
glais, fut nommé évêque et envoyé en
Angleterre. Wieeman, à peine âgé de
vingt-six ans, lui succéda dans sa charge
de recteur. Il devenait ainsi le représen
tant officiel des Anglais catholiques à
Rome.
Son rectorat devait durer douze an-
nées, de 1828 & 1840. En outre de sa
eciençe de l'antiquité et de son hubilet«
à interpréter les manuscrits orientaax.il
possédait plusieurs langues anciennes
modernes, s II pariait avec '
correction, écrivait ri
A**
-a
.acilité et
Ne\vm^n l ^n<»' , '
lui le cardinal
sans 1 — ^mi-douzaine do langues,
H de pour aucune on s'aperçût que
c était la parde d un étranger. Après dix
minutes de préparation, il pouvait, d«
haut de la chaire, prononcer une allocu
tion en français, ou s'adresser à l'asseni-
.blée choisie d'une académie italienne.
SeB lectures lui avaient acquis une réelle
connaissance des littératures française,
allemande et italienne. Excellent critique
d'art, connaisseur en musique, il pssgé-
dait, en outre, un vrai talent d'exécutant.
La liturgie et le cérémonial n'avaient
pour lui aucun secret... Ii semblait près-
Ëditkm $BQtidîeiiii«. —» lâ,103
mmmmmiMÊMmm'mii
I jJVLj
Mardi 16 Avril iOOÏV., I a
ÊBrnoN QuoTiDisNsia *
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On s'abonne & Rome; plaça du "GestX. 8 * -.
Ï2T
LE MONDE
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Où &3.'. «««•*»« SO 2)
Six mois 10 » 13 a
Trois mois..... 5 b 6 S0
IiSS abonaeaënts partent âes 1" at 16 de chaque moii
L'USTVERS ne répond pas des manuscrits qui M sont adressé*
ANNONOE8
MM. LAGRANGE, CERF es C", 6, pïaco de !a Bourse
stasa
PARIS, 15 AVRIL 1961
SOMMAISIEI
Dès 1* premier tour.
Çà et li : La séques
tration de l'abbé
Foumler
Causerie littéraire :
Le cardinal Wiso-
IQ&Q i • • • » i • 11 *• •
P ierre V euillot.
J. M aktenay.
E dmond B iré.
Bulletin. — Nouvelle# do Rome. — Une
lettre de S. Em. le cardinal Perraud. —
L'anticléricalisme en Portugal. — Les
nouveaux cardinaux. — Mgr Bouquet.
— Eneore l'emploi du mot « cafard ». —
Illégalité. — Les édiles roubaisiens. —
Les a catholiques sociaux ». — Infor-
mations politiques et parlementaires. —
L'élection de M. de Caraman et la presse.
— tes fêtes de Toulon. — Le congrès de
Lens. — Uadagasear. — Dans le paya
des Somalis. — La guerre du Transvaal.
— Eu Chine. — Dépêches de .l'étranger.
— Chronique. — Lettres, science* et
: »rt». — Fêtes et réaniOES d'hier. — La
question ouvrière. — Le» grève». —
Echos de partout. — Mort chrétienne
de M. Rey Nécrologie. —Tribunaux.
Nouvelles diverses. — Calendrier. —
Dernière beure. — Tableau de la Bourse
eî bulletin financier.
DÈS LE PREHIER TOUR
On fait, en général, bon accueil à
L'idée de ne pas susciter de concur
rents aux 2*24 députés qui ont voté
contre la loi sur les associations. Il
y aura des circonscriptions où les
catholiques et les conservateurs
auront à vaincre une forte répu-
fnance. On leur demande, en effet,
s contribuer, de travailler même à
la réélection d'un quasi-socialiste ou
de quelque ancien sectaire opportu
niste, dont la semi-conversion n'of
fre guère de garanties. Cependant,
la nécessité de prendre cette réso
lution 'est presque partout admise.
D'abord, ..quiconque figure dans les
rangs des 224 a mérité la reconnais
sance des honnêtes gens, quels aue
soient son parti et son passé. Én-
suite, jamais l'union ne fut aussi
pressante, et voter pour les 224,
c'est le moyen de faire l'union dans
224 circonscriptions et de la faciliter
dans toutes les autres.
Quelques-uns formulent un» ré
serve.
-- On pourrait, disent-ils, garder
chacun sa liberté au premier tour.
Il est toujours bon de s'affirmer. A
l'opportuniste vis-à-vis duquel nous
conservons de la naéfiance, au ra
dical partisan de l'impôt progressif
sur le revenu et de la séparation da
l'Eglise et de l'Etat, pourquoi ne
point opposer, bien qu'ils aient été
des 224, un ferme catholique? Il
sera convenu, d'avance, qu'au se
cond tour, s'il a été moins favorisé,
notre candidat se retirera devant
l'opportuniste ou le radical en ques
tion...
Nous n'hésitons pas un instant
à répondre que la tactique serait
déplorable. La division est le luxe
des forts; nous ne pouvons donc
point nous la permettre. Se di
viser d'abord, pour s'unir après :
le système ne vaut rien. Il est très
facile de procéder à là première
opération; mais, elle est souvent
si bien faite qu'il devient impos
sible de réussir la seconde. On s'est
donné une poignée de main avant
d'engager le combat ; 1 a lutte sera
courtoise; c'est entendu... Cepen
dant, on s'échauffe. On a des ad
versaires communs qui s'efforcent
de semer la zizanie; les circons
tances, l'animation de la bataille
leur rendent la besogne aisée.
On a des partisans qui déploient
beaucoup de zèle et moins de tact.
Ils dépassent les bornes conve
nues; on ne veut pas leur infliger
de désaveu, car I© désir de vaincre
a grandi, et il ne faut , pas rebuter
leur- eoneburs qui semble néces
saire. Là-dessus, les reproches com
mencent à se croiser : —* Vous
manquez de correction 1 — Et vous,
de bonne foi!... Ladiscussion tourne
à l'aigee. On se menace des tribu
naux. C'est fini : la passion l'a
emporté. Des accusations graveB
s'échangent. Calomnies ; manœu
vres de la dernière heure ; toute la
lyre. ■ ■ .
Et brusquement, il faut parler en
ces termes: — Je recommande,
avec instance, à vos suffrages,
l'homme que j'appelais, il y a
quinze jours, mon loyal concurrent,
et, avant-hier, un petit-fils de ban
queroutier, panamiste lui-même et
traître au pays. Il m'en a dit aussi
de ce calibre. Unissons-nous Je
vous demande, mes chers conci
toyens, de lui confier les plus hauts
intérêts de la France...
Tout le monde n'est pas capable
d'opérer cette volte-face. Et quand
il se rencontre des candidats, meur-.
tris encore tout fraîchement de la
lutte, qui savent montrer pareille
abnégation, ces héros sont-ils fidè
lement suivis par leurs électeurs ?
Donner son suffrage à qui ne méri
tait, la veill®, que haine et mépris,
c'est un effort et c'est un revirement
auxquels certaines obstinations et
même certaines consciences ne par
viennent point à se décider.
Inventons-nous ees péripéties
pour les besoins de notre argu
mentation? Pas le moins du monde.
Mille exemples pourraient être in
voqués, fournis par les élections
législatives depuis vingt ans. Sans
doute, la bataille ne revêt pas tou
jours ce caractère de férocité.
Mais l'aventure n'est pas excep
tionnelle, et généralement la lutte,
même plus contenue, est assez
âpre pour engendrer do vives ran
cunes.
En outre, c'est fort bién de dire :
le concurrent catholique se retirera
devant l'opportuniste ou le radical
faisant partie des .224} si celui-ci a
obtenu, au premier tour, un nom
bre de voix supérieur. . Seulement,
pourra-t-on obtenir l'engagement
réciproque? Non, dix-neuf fois sur
vingt. Et il arrivera ce que nous
avons déjà vu si souvent. Par dis
cipline républicaine, pour n'être
point accusé de trahir au profit de
la réaction, l'opportuniste ou radi
cal se désistera en faveur du sec
taire. Celui-ci sera élu; nous au
rons obtenu ce résultat.
Formons-nous des hypothèses?
Point; nous rappelons des faits. Le
groupe Ribôt-Méline compterait
trente membres de plus à la Cham
bre, aux dépens de la gauch« jaco
bine, si des catholiques et des con
servateurs n'avaient maladroite
ment voulu, en mainte circonscrip
tion, supplanter les progressistes.
Gardons-nous de retomber dans
cette faute. En 1902, elle n'aurait
plus d'excuse. Et d'abord, il ne s'a
git point d'élire un grand nombre
de radicaux et de semi-socialistes,
liane sont qu'un® poignée parmi
les 224. Presque tous, les 224 sont
d« braves gens, des opportunistes
assagis, des libéraux. Sans aucun
doute, on peut souhaiter mieux.
Mais rappelons-nous que le mieux,
éternel ennemi du passable, est le
frand auxiliaire du pire. Il n'y a pas
e proverbe plus vrai. Mettons-nous
bien dans la tête qu'il ne saurait être
question, au prochain renouvelle
ment, d'obtenir une majorité d'élus
animés de l'esprit du comte Albert
de Mun. Il s'agit d'obtenir une ma
jorité qui suive M. Ribot. C'est tout
ce que nous pouvons avoir. Au
moins, tâchons-y.
•BVLLE71&C
Aujourd'hui se tient le Consistoire
secret au cour3 duquel seront créés
douze cardinaux et ae nombreux évo
ques, parmi lesquels le3 titulaires des
sièges vacants en France. Nous don
nons plus loin les actes du consistoire
et un résumé de l'allocution du Saint-
Père dans laquelle le Pape proteste con
tre les atteintes portées à la liberté de
l'Eglise par la loi sur les.associations.
Hier, dans l'arrondissement de Ram
bouillet, M. de Caraman, républicain
libéral, a élé élu député par plus de
8,600 voix contre M. Bascou, radical
ministériel. Il s'agissai t de remplacer
M. Marcel Ilabert.
Dans la Loire-Inférieure, M. Henri
Le Cour Grandmaison, conservateur,
a été élu sénateur en remplacement de
son frère M. Charles Le Cour Grand-
maison. ■ , ■
Aujourd'hui s'ouvre la. session de
printemps des conseils généraux. Plu
sieurs ministres sont absents' de Paris
et doivent assister aux débats des as
semblées départementales. ■.
M. Waldeck-Rousseau, dont la santé
continue à s'améliorer, doit partir pour
GÉnes mercredi.
Les journaux portugais publient une
lettre du Saint-Père à S. Em. le c-'ird'i-
nal Nette. Léon XIII manifeste s à con
solation de voir l'épiscopat, le clergé sé
culier et les eatholiques portugais dé
fendre la pleine conservation et les
droits des congrégations religieuses.
Le hronprinz allemand est arrivé hier
à Vienne où il a été reçu en grande so
lennité par l'empereur François-Jo
seph.
Le chancelier de l'empire allemand
est rentré k Berlin sans avoir eu une
nouvelle entrevue avec le ministre des
affaires étrangères d'Italie.
La convention de la Havane a décidé
d'envoyer à Washington une délégation
de cinq personnes, pour discuter avec
M. Mac Kinley les bases d'un accord en
treCuba et les Etats-Unis. La déléga
tion doit en référer ensuite à la conven
tion de la Havane.
NOUVELLES DE ROME
Le Pape préconisera ensuite les arche
vêques et évêques italiens et russes.
C'est dans le consistoire secret,qui sui
vra jeudi prochain le consistoire public,
que seront pourvas lea sièges français,
espagnols et autrichiens.
• m
Pierre V euillot.
Le consistoire secret da 15 avril (1).
Rome, 13 avril.
Lundi matin, à onze heures, doit avoir
lieu dans la salle ordinaire le consistoire
Becret annoncé.
La cérémonie 6e passera avec la solen
nité habituelle.
Le Pape, dans une courte allocution",
annoncera la création et publiera les
noms des douze nouveaux cardiuaux :
LL. EEm. Mgr Sanminiatelli, patriarche
latin de Gonstantinople ; Mgr délia
Volpe, majordome de Sa Sainteté ; Mgr
Martinelli,archevêque titulaire d Eplièse,
et délégué apostolique aux Etats-Unis;
Mgr Casimir Gennari, archevêque titu
laire de Lëpante, et assesseur de la con
grégation du Saint-Office ; Mgr deH'r
Olio, archevêque de Béaévent ; Mgr Bos-
chi, archevêque de Ferrare ; Mgr Ri-
boldi, évêque de Pavie et archevêque
nommé de Ravenne ; Mgr Bacilieri, évê
que de Térone ; Mgr de Kokiesko Pu-
zyna, prince évêque de Cracovia ; Mgr
Léon, baron de Skrbinsky, archevêque
de Prague ; Mgr Tripepi, substitut ée la
secrétairerie d'Etat ; Mgr Cavagnia, se
crétaire de la Congrégation des affaires
ecclésiastiques extraordinaires;
On se rappelle qu'au Consistoire du
19 juin 1899, Léon XIII avait annoncé
qu'il créait, mais en les réservant in petto,
deux cardinaux. Ces deux cardinaux
sont : LL. EE. Mgr Sanminiatelli, et Mgr
délia Volpe. Le Pape le dira dans ce Con
sistoire, et, dans le Sacré-Collège, ils
prendront rang d'après leur nomination
de juin 1899.
(i) Nous receons une dépêche de
notre correspondant qui. nous confirme
que tout s'est passé comme il l'annon
çait.
Immédiatement après le consistoire
secret, où interviennent seulement le
Papï et les cardinaux anciens, notifica
tion est faite aux nouveaux cardinaux
de leur élévation à la pourpre. Les mai-
très de cérémonies désignés se rendent
auprès de ceux des élus qui se trouvent à
Rome Ils leur portent, avec l'annonce
officielle de ieur dignité, la calotte rouge
qui en est le premier insigne.
En même temps ils les invitent à fse
rendre le lendemain soir au Vatican, où
le Souverain Pontife doit leur donner la
barrette rouge.
Aussitèt que ces maîtres de cérémo
nies ont rempli leur mission, commen
cent se que l'on appelle les visites di
calere. Chacun des nouveaux cardiaaux
reçoit de nombreux visiteurs qui jappor-
tent leurs félicitations.
Le cardinal Sanminiatelli recevra au
palaisDoria Panfili, sur la place Navone;
le cardinal délia Volpe, dansées appar
tements du Vatican ; le cardinal Gennari
au palais du Saint-Office, où ee trouve
ront aussi les eardiaaux Bcschi, deU'Olio,
et Riboldi ; le cardinal Bacilieri recevra
chez le cardinal Sanminiatelli ; le cardi
nal Tripepi, chez S. Em. le cardinal
Rampolla, secrétaire d'Etat de Sa Sain
teté ; et le cardinal Cavagnis, au palais
Lante.
— Ceux des nouveaux cardinaux qui
ne sont pas en ce moment à Rome, rece
vront la notification de leur promotion
par les ablégats et les gardes nobles qui
leur sont envoyés en qualité de courriers
apostoliques. Les gardes nobles portent
la calotte rouge, et les sbiégats la bar
rette. Dans les pays qui sont en relations
diplomatiques avec le Saint-Siège, c'est
un des privilèges du chef d'Etat de re
mettra lui même au nouveau prince de
l'Eglise la barrette rouge, apportée par
les ablégats C'est donc l'empereur Fran
çois- Joseph qui remettra la barrette à
LL. EEm. les archevêque et évêque de
Prague et d» Cracovie.
L'allocution du Pepe.
Nous recevons la dépêche sui
vante:
Rome, II h. 10 matin,
v Le Souverain Pontife a prenoncé ce
matin con allocution consietoriale. Il
s'afflige des hostilités centre l'Eglise qui
se sont rallumées simultanémentjen plu
sieurs parties de l'Europe. Le Saint-Père
a parlé avec tristesse de la loi destinée
à frapper les ordres religieux dans une
nation voisine, qui ne mérite pas une
telle calamité. Il a mis en relief l'incon-
eéqueace qu'il y a, pour un pays où est
proclamée la liberté entière pour tous, à
refuser l'existence même aux associa
tions dont les membres font profession
de pratiquer les conseils évangéiiques,
ou à la gêner.
Léon XIII a rappelé les manifestations
tumultueuses et violentes qui se sont
produites récemment en d'autres pays.
Cela fait présager et craindre des événe
ments pires encore pour l'Italie.
Le Souverain Pontife a fait allusien à
la dure condition qui est faite à la pa
pauté, et a parlé spécialement de la pro-
positi«n de loi sur le divorce qui sera
probablement déposée.
Çà et là
LA SEQUESTRATION DE L'ABBE
FOURNIER
Les fêtes de Pâquea furent célébrées
avec beaucoup d'éclat à Pari3, il y a cent
ans. Les fidèles, privés depuis longtemps
des cérémonies religieuses, affluèrent
dans les églises. On essayait d'oublier
les sanglantes orgies de la Terreur, et
les journaux favorables à Bonaparte
çhantaientà l'envi ies louanges du premier
consul qui avait, disaient ils, a rétabli
l'ordre et rouvert les temples ».
On aurait dit qu'un siècle s'était écoulé
depuis la chute de l'ancien régime.
« Le citoyen Larochefoucauld (fils de
l'ex-duc), écrivait la Gazette de France,
se rend à Dresde comme chargé d'afîai-
res de la République française, en rem
placement du citoyen Lavalette. s
Que de réflexions évoquent ces quel
ques lignes!;.. Il y a si peu d'années en
core que la vieille monarchie tradition
nelle semblait indestructible ! Un effroya
ble naufrage a soudainement englouti la
société française, et voilà que la Gazette
de France (la Gazette de France'.) re
late, comme une chose toute naturelle,
la nominationd'un Larochefoucauld à un
poste de la République. Que de chemin
parcouru en quelques années ! .
Donc, Paris semble calme et joyeux.
Le public suit les spectacles et s'arrache
les billets de la Loterie nationale. Si ie
tribunal criminel ne jugeait pas en ce
moment les conspirateurs du 8 nivôae —
Saint-Rêjaut, Carbon, Mile Adélaïde de
Cicé -— on ne se douterait pas que la
France vient de traverser une terrible
crise. Le Tout-Paris du Consulat s'a
muse. Les journaux racontent que Mme
Récamier a quêté à Saint-Roch le jour
de Pâques (5 avril 1801) et que les plus
hauts personnages du nouveau régime se
Eont rendus dans la vieille église fondée
par Louis XIV pour verser leur offrande
dans la bourse de soie de la « divine
Juliette s.
Il s'en faut cependant que le gouverne
ment consulaire néglige d'observer de
très près les Parisiens. Les journaux sont
soumis à un sévère contrôle. Seules, les
feuilles dites a littéraires s sont à peu
près libres. C'est ainsi que Mlle Lenor-
mand vient de créer : Le petit mot à,
l'oreille, avec une subvention de José
phine, laquelle aime fort les devine
resses.
Les membres du clergé sont particu
lièrement surveillés par la police de
Fouché. Parmi ceux qui inquiètent l'om
brageux gouvernement du premier con-
Eul, il en est un surtout qui prêché à
Saint-Roch avec beaucoup de succès et
qu'on a surnommé Is « Bourdaloue mo
derne s. C'est l'abbé Marie-Nicolas Four-
nier de la Contamine.
Du haut de cetta chaire, qui porte en
core la trace des balles de Vendémiaire,
le courageux prédicateur flétrit avec
véhémence les terroristes et leurs de
vanciers : les philosophes voltairiens.
Dans un de ces retentissants sermons,
l'abbé qualifie un jour l'exécution de
Louis XVI d' i assassinat juridique ».
La nuit suivante, il est arrêté et conduit
chez les fous, à Bicêtre.
La chose a été faite avec autant de cé-
lérité.que de discrétion. Fauohé possède
d'habiles agents. Personne ne sait ce
qu'est devenu l'éloquent prédicateur. Ses
amis, ses confrères s'alarment. Ils se
rendent au ministère de la police géné
rale qui eccupe alors la maison Juigné,
quai Voltaire. Us sont reçus, après une
longue attente, par Fouché qui paraît
tomber des nues et les renvoie à son se
crétaire général, Lombard-Taradeau, le
quel ne semble pas moins surpris que
son patron et conseille à ses visiteurs de
s'adresser au secrétaire particulier, M.
de Villiers. Celai-ci s'attendrit. Eh ! quoi,
M. l'abbé Fournier (un si digne homme !)
aurait disparu ! N'aurait-il pas été assas
siné par des chouans ? Des chouans ! Ah !
grand Dieu ! pourquoi auraient-il3 tué un
prêtre royaliste? Pour le dévaliser. Tout
s'expliquerait ainsi. D'ailleurR, on fera
uns enquête. C'est la réponse invariable
de tout bureaucrate qui veut se déro
ber.
Sur ce bon billet, M de Villiers écen-
duitles amis du prédicateur. Les semai
nes, les mois s'écoulent. Pas de nouvel
les. L'eai[uête a suit son cours ».
Bref, l'abbé Fouraier aurait été vrai
semblablement a oublié » à Bicêtre, s'il
n'avait pas eu la bonne fortune de comp
ter Mgr Fesch au nombre de ees amis.
Ce futur cardinal était en situation de se
renseigner exactement. Dès qu'il connut
la vérité, il sollicita du premier consul
l'élargissement de l'abbé. A la même
heure, paraissait une plaquette anonyme
intitulée : a Un petit mot sur la détention
de l'abbé Fournier. a L'auteur citait le
discours de Bonaparte au clergé d e Mi-
lan : e Je vous certifie qu'on rouvre lea
églises en France, que la religion y re
prend son ancien éclat et que le peupla
voit avec respect ses pasteurs qui revien
nent pleins de zèle au milieu de leurs
troupeaux abandonnés. »
L'auteur de ia brochure en question
feignait de croire que l'homme qui avait
prononcé de telles paroles était incapa
ble d'avoir de lui-même fait séquestrer
le prédicateur de Saint-Roch, et qu'il
avait simplement suivi les conseils des
régicides qui l'entouraient.
Le premier consul comprit enfin qu'il
était odieux de laisser dans une maison
de fous un ecclésiastique aussi respecta
ble que l'abbé Fournier, et il le fit trans
férer à la citadelle de Turin.
Peu de mois après, le prisonnier était
élargi et quelques années plus tard, il
était, grâce au crédit du cardinal Fesch,
nommé... chapelain et aunâôaier de l'em
pereur !
: On voit que le premier consul ne se
gênait pas pour interner, sans autre
forme de procès, les prêtres indépen
dants. Le public n'en était paG moins
convaincu que la Révolution avait pour
toujours aboli 1% lettre de cachet.
J. MANTENAY.
UNE
LETÏEE BE S. El LE CABBD1L ffîBAîl)
Mgr l'évêque d'Annecy veut bien,
nous communiquer la lettre sui
vante qu'il a reçue de S. Em. le oar-
dinal Perraud :
Autun, 12 avril.
Monseigneur,
Il y a seize mois, je vous adressais
félicitations et remerciements pour la
Lettre que vous veniez de publier, et où
vous exhortiez vos diocésains à lutter do
toutes leurs forces contre 1e dessein déjà
partiellement réalisé a de détruire radi
calement en France la religion catho
lique ».
- Les événements accomplis parmi noua
depuis cette époque ont donné tristement
raison à vos avertissements. Vou3 venez
de les renouveler par votre Lettre du 31
mars et vous les justifiez par les der
nières èt formidables attaques livrées à
la foi, à la conscience, aux droits des
Français qui entendent demeurer fidèles
à Jésus-Christ et à son Eglise.
Vous avez résainé la très lamentable,
mais aussi très instructive histoire des
développements successifs du plan ourdi
(on sait bien où et par qui) pour rendre
notre vie nationale complètement étran
gère aux enseignements et aux pratiques
du christianisme. Vous avez conduit cet
exposé jasqu'à son épisode le plus ré-
cest, je veux dire le travail auquel vient
de se livrer, dans ces trois derniers mois,
la Chambre des députés et le vote des
303 membres de cette Chambre qui ont
attaché pour jamais leur nom à un pro
jet de loi où sont frappés du même coup
la liberté sacrée de la vie religieuse, con
forme aux conseils évangéiiques ; — 2a
liberté de l'enseignement, réclamée par
les familles et inscrite dans noa Consti
tutions depuis un demi-siècle; — et ea-
fîn, les garanties fondamentales énon
cées dans la fameuse Déclaration des
droits de l'homme, surtout en ce qui
touche au droit inviolable de propriété.
De tous ces faits, et très particulière
ment du dernier en date, il vous eEt fa
cile de conclure et de prouver à quicon
que voudra lire avec attention votre let
tre du 31 mars, qu'il n'y a plus d'illusions
à garder, plus de temps à perdre.
a Quand vous verrez toutes ces choses,
disait Notre-Seigneur à ses apôtres, sa
chez que l'ennemi est tout proche et qae
déjà il occupe le Eeuil de vos portes. »
Quum videritis hsic omnia, scitote quia
prope est in januis (Matth, ,XXIV, 33).
■ Certes, Monseigneur, personne ne
pourra vous accuser d'avoir mis les ca
tholiques de France en garde contre des
périls imaginaires et poussé prématuré
ment le cri d'alarme. Sentinello toiy oUra
en éveil, vous n'avez pas ces^é depuis
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 16 AVRIL 1901
CAUSERIE LITTÉRAIRE
Le cardinal Wiseman (l),
I
Lé docteur Nicolas "Wiaeman, devenu
«n 1850 Ifc premier cardinal de Westmins
ter, est, avec Henry Newmann et le car
dinal Manning, une des plus hautes illus-
trations de l'AngJeterre et une des plus
chères gloires de l'Eglise. Selon l'heureu-
(e et très iuste expression du P. Bré-
m®nd (2), C'est une belle figure, très ro
maine et très anglaise à la fois, loyale et
:»oble, simple eohs des dehora un peu so
lennels, prompte aux grandes espéran
ces, entreprenante par instinct et persé
vérante par vertu.
De famille irlandaise, il naquit, le
2 acût 1802, à Séville, où son père eser-
(1) Le' cardinal Wiseman, sa vie et son
temps (1.802-1*65;, par Wllfrid Ward ; tra
duit de l'anglais par l'abbé Joseph Cardon,
«ïu diocèse 4'Autun. Deux volumes in-18.
Victor Lesoffr*, éditeur.90, rue Bonaparte,
3S01.
(2) Etudes relieuses des Pères de la
eompagnif de /èsufr, jjuméro du 29erep-
tsfœtrre fôM
(ait le négoce. Sa mère le déposa, tout
enfant, sur l'autel de la cathédrale et la
consacra au service de l'Eglise. Son ami
de cœur, le cardinal Manning. aimait à
retrouver, dans quelques-unes de ses
préférences et de ses aspirations reli
gieuses,l'influence de la catholique Espa
gne sur ses premières associations d'i
dées. « Il garda, écrit-il, au plus intime
de «on âme une empreinte profonde du
milieu qui l'avait vu naître. Jusqu'à son
derfiier jour, il manifesta en tout ce qui
concernait les œuvres, les entreprises et
les cérémonies de l'Eglise, une grandeur
d'idées.qui se rattache évidemment à la
catholique Espagne... Né dans une at
mosphère de splendeur catiiolique, toutes
ses eouceptions et ses visions du sanc
tuaire rappelaient ce qu'il avait vu dans
soa enfance', et ce qui devrait exister,
Biais qui hélas ! existe trop peu dans
l'Angleterre moderne, si froidement uti
litaire. »
A l'âge de huit ans, en' mars 1810, —
son père étant mort à Séville et sa mère
étant venue se fixer en Angleterre, — il
entra àSamt Cuthbert's collège,àUshaw.
près de Durhasa, qui avait alors pour
vice-recteur le célèbre historien Lingard.
Il était encore au collège, lorsqu'il se dé
cida à embrasser l'état ecclésiastique.
Le Pape Pie VII ayant résolu, sn lêlfi,
de rouvrir la collège anglais de Rome,
fermé depuis l'isvagion des Français en
1798, Nicolas Wiseman fut l'un des jeç-
nes clercs choisis pcrar former le noyarç
fëvïtigianî* * '
cinq autres élèves d'Ushaw et quelques
étudiants pris dans d'autres collèges.
Les quatre années qu'il passa au collè
ge anglais dans cette ville de Rome toute
pleine des splendeurs de la religion, des
plus nobles chefs-d'œuvre de l'art et des
plus grands souvenirs de l'histoire, fu
rent pour le. jeune étudiant d'une inénar
rable doupeur.
Le jeudi, jour du congé hebdomadaire,
on sortait souvent de Rome pour se ren
dre en quelque endroit intéressant. Les
vacances de Pâques et les grandes va
cances d'ét j se passaient dans une mai
son de campagne, propriété du collège,
à MonterPorzio, près deTusculum. Wise
man se sentait là, plus encore qu'en An
gleterre, dans sa vraie patrie. Il suivait
les cours de philosophie scolastique et de
théologie asseg sérieusement pour pren»
dre ses grades avec succès ; mais ses
goûts, à ce moment, ne le portaient pas
vers ce genre de science. L'étude (les
antiquités romaines, païennes et chré
tiennes, lui plaisait bien davantage, ainsi
que celle de la musique et de l'art italien,
dans Iç^uelle il fit dans la suite de réels
progrès. De bonne heure il s'était a(|onni
à l'étude des langues arabe et syriaque.
Ces études variées le passionnaient. Les
heures qu'il consaerait à la lecture étaient
de beau«oup plus nombreuses que celles
qu'exigeait ta règle, et les lettres de ses
anciens condisciples lui reprochent ve-
jçmtier? de ne s'accorder apeime récréa-
tioit. ■
qifQtîfleïïrttâ ti W
excursions dans les lieux d'un intérêt
historique, hors de Rome, cantribuaient
également à nourrir son esprit et à en
flammer son imagination. « La vie d'ùn
étudiant à Rome, écrit-il, en se repor
tant à cette époque, devrait être une vie
de continuelles jouissances... Il n'y a pas
jusqu'à ses heures de repos qui ne puis
sent l'aider dans ses études, tout en res
tant délicieusement récréatives. Chaque
jour, ses promenades le conduisent à
travers le domaine des arts, et ses rêve
ries, en suivant le courB des temps, s'ac
compagnent de miile souvenirs, de mille
associations d'idées, s
Les impressions reçues par Wise-.
man durant les cinq premières années
de sa vie d'études à Rome ne devaient
jamais l'abandonner. Elles faisaient,
pour ainsi dire, corps avec lui. Lorsque
plus tard le devoir le rappela en Angle
terre, il sentit qu'il avait laissé derrière
lui la partie ia plus heureuse de sa
vie.
II
Nicolas Wiseman reçut le grade
docteur en théologie, le 7 juillet 1824e
avant d'avoir atteint sa vingt-deuxièm,
année. Lé point capital de son examen
fut un» argumentation publique, 1'e.ctus
pu6lieu8 t cooime lè "nommaient iei étu-
diantj! anglais; fl était réservé aux can»
£$8*5 Ijs rjhis distingués. P&p* J?g czg
VwtâÎTty't'ê&iitféW foi
Le candidat avait à soutenir un certain
nombre de thèses théologiques, en pré
sence d'un nombreux auditoire. Ces thè
ses étaient distribuées d'avance, et il
était loisible aux contradicteurs de choi
sir celles qu'ils réservaient pour la dis
cussion.
Par une curieuse coïncidence, parmi
les amateurs qui assistèrent à cette sou
tenance, se trouvèrent le P. Capellari,
plus tard le Pape Grégoire XVI, et l'au
teur jde l'Essai sur l'indifférence, Félicité
de Lamennais.
, Vers la fin de cette année 1824, Wise-
raan entra définitivement dans les or
dres, et fut ordonné sous diacre le 18 dé
cembre 1824, diacre au mois de janvier"
suivant, et prêtre le 1Q mars 1825. En
J827, il devint vice-recteur du collège
anglais et eut ainsi une situation sta
ble à Rome. En cette même année
1827, il publiait § qp premier ouvrage,
les Horm Syriacse. iîlles consistais*
en trois dissertations. ]>
.. • . , ■■■.•■■ - première,
en partie tUeolo^quê, développait un
argument en f^yçuï du sens littéral
d'4 ? Hoc est corpus meum. Les
deux autres étaient intitulées : Contri
butions philologiques à l'histoire des
versions syriaques de l'Ancien Testa
ment. Ce sont elles qui révélèrent au
monde savant leur jeune auteur de vingt-
quatre e : t firent de lui une autorité
demeures classique après plus de soixan
te ans écoij'é?,
professeur de langues orientales à l'Uni
versité de Rome. Le Pape l'appelait en
même temps à prêcher, dans l'église de
Gesu o A{aria, au Corso, une suite de
sermons destinés a la colonie anglaise.
L'année suivante, en juin 1828° le doc
teur Gradwell, recteur du collège an
glais, fut nommé évêque et envoyé en
Angleterre. Wieeman, à peine âgé de
vingt-six ans, lui succéda dans sa charge
de recteur. Il devenait ainsi le représen
tant officiel des Anglais catholiques à
Rome.
Son rectorat devait durer douze an-
nées, de 1828 & 1840. En outre de sa
eciençe de l'antiquité et de son hubilet«
à interpréter les manuscrits orientaax.il
possédait plusieurs langues anciennes
modernes, s II pariait avec '
correction, écrivait ri
A**
-a
.acilité et
Ne\vm^n l ^n<»' , '
lui le cardinal
sans 1 — ^mi-douzaine do langues,
H de pour aucune on s'aperçût que
c était la parde d un étranger. Après dix
minutes de préparation, il pouvait, d«
haut de la chaire, prononcer une allocu
tion en français, ou s'adresser à l'asseni-
.blée choisie d'une académie italienne.
SeB lectures lui avaient acquis une réelle
connaissance des littératures française,
allemande et italienne. Excellent critique
d'art, connaisseur en musique, il pssgé-
dait, en outre, un vrai talent d'exécutant.
La liturgie et le cérémonial n'avaient
pour lui aucun secret... Ii semblait près-
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