Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-03-14
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 mars 1901 14 mars 1901
Description : 1901/03/14 (Numéro 12076). 1901/03/14 (Numéro 12076).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710668m
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Jeudi 14 Mars 1001
Edition ^uotidieane. — 12,076
mm
SmAi 14 1901
ÉDITION ÔUOTIDISSÏÎÎS.
PARIS
E» DÉPARTEMENTS
On aa 40 a
Six mois...... 21 »
Trois mois..... 11 »
ÉTRANGER
(UNION POSTALE^
SI »
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UN NUMÉRO
Paris............... 10 cent, -
Départements..... 15 «—
BUREAUX : Paris,, rue Cassette, 17
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ET
LE MONDE
5ÉBITÏ0$ SEm-gpOTmiENSB-
PARIS ETRANGER '
' ' ■ '&% DÉPARTEMENTS (BNIOK POSTAIS} x -
On an. 20 » 26 n ■ .
Six mois...... 10 » 13 »
Trois mois..... 5 » 6 SO
' Les ationnemënta partent des 1** et 13 da rfiaqne mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
• ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C is , 6, place dé la Bourse
PARIS, 13 MARS 1901
SOMMAIRE
L'œuvre pédagogi
que . Eusène Tavernibr.
Oà etlà: Tristesses
* et espérances Prosper Gerald.
A la Chambre..,... Gabriel bk Triors.
Au Sénat ...'...,... J. M.
Lettres dé Belgique. L.
Nouvelles agricoles A. de V illiers de
^ L ' I sl B-A DA M . :■
Bulletin. —Religieuse récompensée. — La
liberté d'assooiation. — Pour les congré
gations. — Le scandale de Lille. — Infor
mation® politique» et parlementaires. —
L'affaire Déroulède-Buffet.—Daas l'Ex-;
trème-Sud-Algérien.— En Angleterre. —
La guerre àu Transvaai. — Sa Chine. —
Dapêchea de l'étranger. — A travers la
presse. — Chronique. — Lettres, sciences
et arts. — Réunion d'étudiants.— .Echos
de partout. — Les graves. — Chronique
religieuse.-— Chambre des députés.—■
Nécrologie. — Guerre bunaux. — Nouvelles diverses. — Qak-n-
Srisrt. — Bourtte et bulletin financier. —
De --r,;ôre heure.
L'ŒUVRE PÉDAGOGIQUE
On ne songe plus à . dire j ou plu
tôt on n'ose plus dire, que c'est le
maître d'école allemand qui nous a
vaincus en 1870. Cette formule, au
trefois prestigieuse, est laissée de
côté, non seulement parce qu'elle
est usée pour avoir servi à tant
d'imbéciles et d'ignorants comme à
tant de malins et de farceurs, -mais
aussi parce qu'elle semble n'avoir
contenu qu'une idée incomplète,
fausse et plus ; ou moins absurde.
Après vingt ans de labeur, les
fétichistes de l'enseignement ont
fait une grande découverte : c'est
que la science a besoin d'être com
plétée par l'éducation. Alors l'en
thousiasme, qui se. dissipait en fu
mée, a'repris de la vigueur , comme
un brasier épuisé sur lequel on jet
terait des bottes de paille. Lueur
intense, mais passagère.
Que reste-t-il enfin?Un immense
inventaire a été dressé, qui, pro
clame des résultats décourageants.
Etalée devant le Parlement, l'œu
vre scolaire est apparue comme un
énorme produit mal fabriqué, mal
conçu, raté. 11 faut la refondre.
Un philosophe très savant, bril
lant écrivain, penseur original,
vient de résumer, dans la Revue,
politique et parlementaire j les avis
qu'il a donnés en divers endroits,
depuis quelques années déjà. M.
Fouillée n'est pas catholique, ni
chrétien, ni même, à proprement
parler* déiste. Il a fait de Platon,
de Berkeley et de Spinosa un mé
lange avec lequel il a composé son
système, appelé par lui « l'idée-
force ». On ne lui reprochera pas
d'être asservi sous le poids des dog
mes.
Il juge ea toute liberté. Libres-
penseurs, ocoutez-le "donc. D'ail-
feurs sa critique, qui possède une
rare pénétration, parle un langage
vigoureux, clair et très élégant.
. Quelles espérances n'avait pas
excitées la culture historique ? Or,
M. Fouillée la montre pratiquée par
« des historiens spécialistes,. dont
« on emplit la tête de faits, presque
« tous contestés ou d'une signifi-
« cation assurément contestable, ».
Les grammairiens sont pires ^sur
tout lorsque, ayant « des préten-
« tions à la science, ils deviennent
« des philologues ». Ils ne soupçon
nent rien de plus intéressant et^ de
plus nécessaire que d'enseigner à la
jeunesse la grammaire et la pho
nétique du moyen âge. M. Fouillée
c ;te leurs livres classiques. Futurs
ingénieurs, ou futurs avocats, ou
future commerçants, ayez soin d'ap
prendre comment a après c, g, non
précédés îi'o ou a et après j de
vient ié (capra, chievre - mand (u)
care, mangier)méditez le patois
qui raconte les ineptes amours
d'Aucassin et Nicolettel Ces éditions
classiques sont « des mines d'éru-
« dition tudesque, avec des colon-
« nés de notes en petits caractères,
« à effrayer un bénédictin ». Au
milieu de tant de notes savantes,
philologiques et « historiques », ja
mais un mot de réflexion morale.
Les grammairiens versent «. dans
« leurs programmes et dans la tête
« des élèves comme dans un en-.
<.( ton noir ». -
L'histoire littéraire se développe
de -la même façon. Est-il donc in?
dispensable, demande M, Fouillée,
de savoir que « les principaux gen-
« res lyriques des troubadours
« étaient la romance, la.pastourelle,
«le retroenge, la ballette, le ser-
.« vantois, le motet et le jeu parti »?
t^t que les genres du Midi étaient
« la pastourelle, la canzone et le
« g irrente, qu'il faut bien se garder
« de confondre avec le servantois »?
DaJis les. sujets composition
donnés au baccalauréat, le theatre
absorbe « les trois quarté La
jeunesse est fort occupée à faire
l'analyse des « feux » de Mithridate
ou de'Phèdre, comme aussi à puiser
un enseignement moral dans les
aventures de Rousseau avec Mme
de Warens, Mme d'IIoudetot pt.
Thérèse Levassèur. On leur trace
une méthode de critique dramàti-
fue parce que, évidemment, en
rance tout élève qui'tait des étu
des «r littéraires est destiné; à, être
« ou romancier, ou auteur dramati-
« que, tout au moins journaliste» !
M. Fouillée cite les conclusions
d'un professeur de Toulouse, M.
Bouasse, qhi constate que la plu
part des bacheliers ès sciences ne
savent pas comment fonctionne un
baromètre. Le même professeur as
sure qu' « en mettant dans le même
« crâne toutes les connaissances
« mathématiques des cent derniers
« élèves de l'école polytechnique,
« on ne ferait qu'un ignorant » et il
gémit sur « l'épouvantable nullité
« mathématique de tout ce qui, n'a
,« pas eu l'espoir un instant de sor-
« tir dans les carrières civiles ».
De même,M. Fouillée emprunte à
un autre professeur d'autres exem
ples qur prouvent, selon M/ Lipp-
mann,que chez les auteurs des pro
grammes n'existe « aucun souci de
« la.qualité,c'est-à-dire de la solidité
« du savoir ». Lès programmes ac
tuels du simple baccalauréat, dit •
M. Fouillée, sont tracés par deshom
me s « qui semblent n'avoir jamais
«connu que des candidats à la li
ce cence et à l'agrégation ou qui ne
« songent qu'aux cinq ou six pré-
cr miers élèves des grands lycées de
« Paris ».
En développant, k avec beaucoup
de verve et 'de logique, ce réquisi
toire plein de faits, l'éminerit écri-
vain ne perd pas de vue un instant
l'idée qu'il veut readre évidente : à
"savoir, que les éducateurs contem
porains n'ont vraiment aucune idée
générale de l'éducation, parce qu'ils
manquent de toute doctrine philoso
phique. ,
On devrait dire encore (et M.
Fouillée le dit à peu près) qu'ils
sont même dépourvus au sens phi
losophique.
En! bien,\ et les professeurs.de
philosophie à quoi servent-ils donc
et dans quel état se trouvent leur
science .et leur esprit? Ici le ré
quisitoire s'arrête et cède la place
à un chant d'espérance où domine
le ton dé la fierté. •
Qui se doutait, sauf M. Fouillée,
M. Jaurès et quelques autres, que
la philosophie fût si florissante ?
Assurément, elle est active. On
n'a qu'à jeter un coup d'oeil sur les
catalogues 'de certaines librairies
pour constater que sa production
égale celle de la chimie, de la phy
sique, de la mécanique, de la géolo
gie, de la littérature, etc. Mais
qu'elle échappe à l'éparpiliement où
s'embrouillent les autres sciences et
qu'elle ait mieux que celles-ci une
méthode, une base et des conclu
sions, voilà du nouveau.
M. Fouillée a bien l'air de confon
dre le besoin de certitudes philoso
phiques avec la possession de certi
tudes.On a de l'appétit,mais cela ne
prouve pas qu T il yaitdes provisions
suffisantes. JDans le monde des pro
fesseurs, les esprits distingués et
cultivés sont nombreux, mais pres
que tous fonctionnent au hasard.
Au fond, il s'en doute. Et même
quand il cite les assurances, néces
sairement triomphales, multipliées
par M. Jaurès, il ne peut s'empê
cher de sourire. Et enfin, pour affir
mer que là philosophie contempo
raine est plus favorisée que les au
tres branches de l'enseignement, il
a besoin d'exprimer l'espérance que
tant de ressources seront mises en
valeur.
Une espérance, en effet, et rien
de plus - , et peut-être beaucoup
moins, car ici la seule chose qui ap
paraisse clairement c'est le vœu, le
désir de M. Fouillée.
Il avoue que là philosophie man
que de « direction ». Va-t-il s'offrir
à remplir cette charge? Non, il s'est
trop moqué de Victor Cousin, qui
prétendait pétrir de sa main fébrile
les intelligences et les âmes.
Cependant il souhaite bien une ré
forme qui n'est pas sans analogie
avec la fameuse entreprise de Cou
sin.
Il voudrait voir la philosophie
enseignée par des prêtres. Quels
prêtres ? Les nôtres ? Vous ne pou
vez le croire. En effet. Ces pretres
seraient prêtres, sans être prêtres,
tout en étant prêtres. Ecoutez : # La
« force de l'enseignement catholi-
« que venait de ce que tous les pro-
« fesseurs étaient des prêtre s et, à.
« ce titre, des moralistes, des di-
« recteurs de conscience,*bons ou
« mauvais. » Alors, « l'enseigne-
« ment secondaire laïque aurait une
« force, irrésistible s'il était donné.
« par des philosophes, se considè
re rant eux-mêmes plus ou moins,
« comme des prêtres de la société
« nouvelle, fondée sur l'union des
« libres-esprits. »
Le besoin de retrouver n'importe
où la doctrine expulsée avec l'en
seignement religieux, ce besoin est
si ardent que peut-être la proposi
tion de M. Fouillée, présentée à la
Chambre, semblerait une idée ma
gnifique, la fameuse idée-force: qui
a souvent exalté l'éminent écri-
yain.
Mais le mouvement de joie pour
rait subir un arrêt brusque et tour
ner à une rapide dégringolade. Car,
en fait de notions fondamentales, il
n'y a plus presque rien dans les
cerveaux. On bavarde et on s'échauf
fe en l'honneur de la raison et de la
conscience, mais, parmi nos libres-
peuseurs, presque personne ne veut
ou n'ose prendre soin de dire à
quoi ressemblent ces choses-là et
quelle idée peuvent s'en faire les
pédagogues, ni les écrivains, ni les
législateurs.
Sous prétexte que la conscience
se démontre par ells-même, des
millions d'individus refusent de
s'imposer un moment de réflexion
à cet égard. Le mot est sur toutes
les lèvres, mais, pour une foule;
immense, c'est un mot-fétiche. Unis:
dans une sorte de conspiration ins
tinctive et "obstinée, des lettrés et;
des badauds, des sceptiques et
des énergumènes attestent la cons
ciente sans vouloir jamais essayer,
de dire comment, pourquoi, pari
l'effet de quel hasard il se fait que:
chaque homme porte en lui une loi
morale, ni d'où peut venir cette loi.
Si M. Fouillée se décidait à risquer
l'expérience, il observerait un cu-i
rieux phénomène d'ahurissement,
entêté, qui lui fournirait encore lai
matière d'une brillante étude. „
Eugène T avernier.
ÏÏULLETI&C
Hier, la Chambre a repoussé par 515
uoix contre 34 l'amendement Zévaès qui
prononçait la suppression dé boutés les
congrégations.
Puis, on a également repoussé par 311
voix contre 2iQjt l'amendement Renault-
Morlière qui supprimait pour les con
grégations la nécessité de l'autorisation
mais donnait au gouvernement le droit
'de les dissoudre par simple décret.
Pressée de voter cette'loi antilibérale,
la Chambre a décidé de siéger demain,
jour de la Mi-Carême.
On trouvera plus loin des détails sur
les opérations militaires dirigées dans
le Sud-Algérien par le général Servière
et au cours desquelles nos troupes ont
éprouvé des pertes sensibles.
Les catholiques anglais semblent de
voir obtenir prochainement une satisfac
tion: on annonce, en effet, que, sur le
désir d'Edouard VII, le gouvernement ne
combattra pas le projet de loi déposé par
M. Redmond et modifiant la formule
du serment imposé au nouveau souve
rain. <
Oh signale de nouveaux désordres en
Espagne. Une collision s'est produite
entre manifestants et gendarmes. Un
homme a été tué, trois blessés.
En Catalogne, 65 usines, paraît-il,
sont fermées.
Le Kronprinz représentant Guil
laume II est venu, à Munich, assister,
ainsi que l'empereur d'Autriche, aux
fêtes du 80' anniversaire du régentLuit-
pold. Il est reparti dans la soirée pour
Berlin. . .
Le docteur Leyds fait démentir offi
ciellement qu'il ait été chargé de télé
graphier au vice-président du Trans-
vaal au sujet des négociations entre les
Anglais et le général Botha.
La peste c&ntinue à se développer au
Cap : on signale, en effet, de nouveaux
cas.
Çà et là
TRISTESSES ET ESPÉRANCES *
Depuis un rooment, les médecins tant-
pis qui prenaient part à notre petite réu
nion triomphaient sur toute la ligne. Ils
étaient en majorité, avaient le verbe plus
haut que leurs confrères, et parlaient
avec une assurance où l'obstination en
trait pour une certaine part.
La discussion avait commencé sans
qu'on s'en doutât. Un jeuBe prêtre venait
de parler des difficultés qu'il rencontrait
au début de son ministère : quelques jours
auparavant, il avait reçu, à la sacristie,
la visite d'une brave paroissienne, et le
dialogue suivant, — qu'on ose à peine re
produire tant il est invraisemblable, mais
qui est authentique, — s'était engagé :
— Est-ce bien vrai, monsieur le curé,
que vous ne voulez pas admettre mon
petit à faire sa première communion?
— Je ne demanderais pas mieux, ma
pauvre femme. Mais votre' fils ignore
totalement le catéchisme.
— Oh ! monsieur le curé, comme vous
êtes sévère ! Il l'apprenait tous les soirs,
à la veillée.
^ Il n'a pas su un traître mot, à l'exa
men de vendredi. Ainsi, pour vous en
donner un exemple, il n'a même pas pu
me répondre quel jour Notre-Seigneur
était moTt.
— Ah! faites excuse, monsieur le curé,
je vais vous dire. C'est que nous ne li
sons pas les journaux, à la maison. Et
nous ne savions même pas que le pauvre
Notre-Seigneur fût malade.
Et après avoir ri de l'histoire, on avait
philosophé. Et vous, comprenez ce qu'on
avait bien pu dire sur les malheurs du
temps : en bas, c'étaient l'ignorance la
plus profondé, et une indifférence reli
gieuse inconnue jusqu'alors, et des scan
dales vraiment inouïs, etc., etc. *, en haut,
l'orage de plus en plus menaçant, amon
celé par une haine satanique et par une
insigne mauvaise foi, orage que rien,
semblait-il, ne pourrait conjurer. Tout
allait sombrer, la famille et la société.
Autrefois, le médecin tant-pis,dans des
circonstances analogues, avait une for
mule d'autant plus retentissante qu'elle
était plus creuse : « Il n'y a rien, rien à
faire. » Et il abandonnait son malade,
parce que, sans doute, il y avait fort, il
y avait trop à faire. "
Aujourd'hui, le pessimisme a encore !
empiré. La formule a varié un peu, mais
ne laisse pas non plus l'ombre d'un !
espoir, et l'on s'écrie : « Tout est perdu,
nous sommes un peuple fini. » Que si vous
répondez :
Je ne veux point mourir encore,
on vous soupçonne d'inintelligence ou de
vues intéressées.
C'est-ce qui m'était arrivé ce jour-là.
Et bien que les arguments ad hominem,
surtout quand ils ont des intentions hos
tiles, n'aient guère coutume de me trou
bler, —car on n'a recours aux mauvaises
raisons que lorsque les bonnes font dé
faut,— je m'étais décidé à ne pas insis
ter,lorsque notre hôte prit là parole.
C'est un prêtre que je n'ai point le loi
sir de vous présenter ; qu'il xae suffise de
dite que je ne lui connais nul ennemi,que
sa paroisse est fervente coynme aux beaux
jours, la bibliothèque soigneusement en
tretenue j et que son cœur digne de son
grand esprit est resté j|eune malgré les
cheveux blancs. /
—Mes amis, dit-il, n'êtes-vous point un
peu trop sévères pour taotre temps ? Som
mes-nous donc aussi bas que vous voulez
bien le dire ? Voilà deux points d'interro
gation auxquels je âne permettrai de ré
pondre un mot. .
« Je ne vous demande pas de fermer
les yeux sur le mal qui existe, pas davan
tage de ne point lutter contre celui qu'on
prépare, mais, après cette précaution;
oratoire, permettez-moi d'ouvrir deux, li
vrés. Le premier, c'çst l'Evangile. »
Et. sortant i de sa poche son Novûm
Testamentum, le même qu'il'méditait au
temps béni de son grand séminaire, et
qu'il n'a point quitté depuis, il nous relut
les différents passages où Notre-Sei
gneur. prédit à ses apôtres— et à leurB
successeurs — qu'ils seraient sans re-
làohe persécutés, calomniés, traînés de-
van t les tribunaux. Il nous conseilla de
méditer la Passion du Sauveur, et d'in
sister, en contemplant la croix, sur ces
paroles divinès : « Le serviteur n'est paB
plus grand que le maître. » .
— Savez-vous, ajouta le bon vieill ard,
en fermant le livre sacré, que vous me
rappelez les apôtres, au soir du Ven
dredi-Saint. Leur état d'âme n'était pas
sans analogie avec celui d'un grand nom
bre de nos contemporains. Tout était
perdu, certes, à leurs yeux charnels, et
leurs espérances, et leurs rêves, et peut-
"être aussi l'amour sans bornes qu'ils
avaient vpué au Sauveur. Celui-ci venait
d'expirer, n'ayant, au pied de son gibet,
pousi.recevoir son dernier soupir, que
trois amis : deux femmes et un seul
homme.
« Si, après le drame sanglant, l'un des
disciples, dans la maison où ils s'étaient
cachés par crainte des Juifs, prenant
comme moi la parole, eût affirmé que
tout espoiT n'était point envolé, qu'il fal
lait encore et quand même avoir con
fiance en Celui qui si souvent avait com
mandé comme un maître aux maladies et
à la mort, on l'eût, j'en suis. bien sûr,
soupçonné de folie. Et pourtant, le divin
Crucifié n'avait-il point dit: « Quand
« j'aurai été élevé en croix, j'attirerai tout
« à moi. » Ce mot aurait dû rassurer les
apôtres, comme devraient nous réconfor
ter nous-mêmes tarit d'autres paroles
tombées des,,mêmes lèvres: « D'où vient
< votre trouble, hommes de peu de foi?...
« Confiance, mes bons et fidèles servi-
« teurs, n'oubliez pas que j'ai vaincu le
« monde... Je suis avec vous jusqu'à la
« consommation des siècles... etc. »
Les paroles-du vénérable prêtre, dites
avec calme, mais avec conviction,
avaient produit leur effet. Je recom-
mençais à relever la tête, moins con
fus et... vengé. Notre hôte se hâta d'a
jouter : '
— Et que diriez-veus, maintenant, si
nous ouvrions l'histoire de l'Eglise? Ce
serait un lieu commun que d'insister sur
les premiers siècles ; relisez Quo va dis,
rappelez-vous les scènes des catacom
bes, descendez dans l'arène avec nés mil-
lions de martyrs, assistez au supplice des
saints apôtres Pierre et Paul, voyez les
hérétiques s'acharnant avec rage sur
chacun des dogmes de notre Credo j sui
vez les barbares dans leur marche dévas
tatrice que rien ne parvenait à arrêter...
« Vous me répondrez peut-être :« Très
< bien, mais l'Eglise venait de naître, et
a ilestnaturelque les difficultés aient en-
« touré son berceau. Aujourd'hui, dix-
« neuf siècles se sont écoulés, pendant
a lesquels, marchant sur les traces du
« la vérité et la vertu, son Credo et son
« Décalogue', semences fécondes d'où
« est sortie la civilisation. Et comme ré-
* compensera société moderne la traque
« et veut lui donner le coup de mort.
« L'Eglise, hier universellement respec
te tée, n'est-elle pas ' aujourd'hui l'enne-
« mié, la grande ennemie ? »
« Là, encore, permettez-moi de ne pas
être tout à fait de votre avis. Puisque
vous récusez le témoignage des premiers
siècles de l'Eglise, passons en revue les
derniers. Quel est, dites-moi, celui dans
lequel vous eussiez été heureux de.
vivre? «
or Le dix-huitième a vu le règne de
Voltaire et des Encyclopédistes, la lutte
la plus acharnée contre Dieu et l'idée re
ligieuse. Aussi a -it -il roulé des flots de
boue et a-t-il expiré dans des flots de
sang. '
« Si le XVII e siècle a eu ses grandeurs,
que nul n'admire plus que moi, il a eu
ses tares aussi. N'oublions pas que les
jansénistes d'un côté, les gallicans de
l'autre, ont conduit bien près de l'abîme
notre belle Eglise de France.
a Le nom de Luther éclaire d'une
lueur sinistré le XVI* siècle. Le protes
tantisme n'a guère affranchi que les
passions, et avec elles, il a déchaîné, la
guerre civile. Je ne dis rien des ValoiB,
n'ayant point mentionné plus haut les
méeurs faciles de Louis XIV et les; dé
bauches de son successeur.
« Le XV* siècle a connu le grand
schisme d'Occident, épreuve terrible et
angoissante, qui dura près de quarante-
ans et fut si préjudiciable à l'Eglise.
« Je ne veux ici accorder qu'une sim
ple mention an XIV' siècle, rempli par
les horreurs et par les hontes de la
guerre de Cent ans.
« Vous voyez que le mal ne date pas
d'aujourd'hui. Vous savez aussi, comme
je l'ai entendu dire, non sans éloquence,
par un saint prélat, que chacune des épo
ques du XIX® siècle qui fut le nôtre, qui
fut le mien, eut ses folles tentatives con
tre la religion. Mais nous sommes ainsi
faits. Nous oublions les épreuves de la
veille, celles dont nos pères ont triomphé,
pour ne voir que celles qui nous entou
rent et nous menacent.
c Mes chers amis, confiance malgré
tout, confiance et espoir; le Christ vain
cra. Je connais trop le passé, je ne con
nais pas assez l'avenir. Le jour d'aujour
d'hui, notre place providentielle peuvent
encore nous fournir, si nous le voulons
et si nous cessons de douter de Dieu, une
ample et attrayante utilisation de notre
bonne volonté et dé noâ forces. »
Mon résumé vous semblera bien pâle,
cher et vieil ami, et vous me reprocherez
sans doute d'être terriblement indiscret.
Mais comme vous me pardonneriez tout
cela, si vous pouviez lire, au fond de
.mon cœur, mon admiration, ma recon
naissance et mon affection, et aussi mon
désir d'être utile peut-être à quelqueâme
attristée, én me faisant l'écho de vos pa
roles d'espoir!
Prosper Gérald.
' « r
RELIGIEUSES RÉCOMPENSÉES
Sur la liste des médailles d'honneur
et des mentions honorables, décernés
sur la proposition du ministre de l'inté
rieur, figure :
Mme Bruyeror (Marie-Rose), en reli
gion sœur Marie-Julie, infirmière déta
chée à l'ambulance de Beni-Saf (dépar
tement d'Oran). — (Mention honorable.)
A LA CHAMBRE
Le droit d'association.
La Chambre a repoussé hier la
motion jacobine de M. Zévaès, qui
supprimait, purement et simple
ment toutes les congrégations, et
un amendement de M. Renault-
Morlière qui tendait à rendre la loi
moins brutalement destructive.
M. Zévaès, on s'en souvient, avait,
au milieu d'odieuses calomnies con
tre les ordres religieux, insisté sur
le préjudice social causé par les
vœux, surtout par le vœu d'obéis-
> sance; M. Plichon, en un discours
très énergique, destiné à faire une
fois de plus justice des allégations
des sectaires, a lu quelques extraits
du programme et des statuts impo
sés aux membres du parti ou
vrier.
Nous avons appris ainsi que cha
que adhérent s'engage « à ne sou-
; lever jamais aucun conflit sous cou
leur de liberté individuelle », et à
faire taire « toute considération per-
i sonnellé », résumant sa soumission
. définitive et absolue en une formule
l que M. Zévaès et M. Trouillot cher
cheraient en vain dans la constitu
tion de saint Ignace : « J'ai signé le
présent pour etre invoqué contre
moi si je venais à y faillir. »
Les socialistes n'ont pas caché
I leur mauvaise humeur et leur gêne
devant ces révélations ; l'une et
j l'autre se sont accrues, lorsque
' l'éloquent député du Nord, répon-
: dant à l'accusation portée contre
• certaines congrégations d'avoir leur
? supérieur hors de France, rappelait
qu'il existe un comité international
permanent, qui reçoit lé mot d'or
dre de l'étranger, et qui,se mêle
assez de netre politique intérieure
pour être appelé à donner son avis
sur l'entrée d'un « camarade » dans
un ministère bourgeois.
La motion Zévaès était d'ailleurs
combattue par le gouvernement et
par la commission. Celle-ci, par la
voix de M. Trouillot, n'hésitait
point à affirmer sans rire que le
projet avait voulu respecter les
droits acquis, « en supprimant ceux
qui étaient irrégulièrement usur
pés ».
Les arguments de M. Waldeck-
Rousseau ont paru plus sérieux si
le but poursuivi n'est pas moins hy
pocrite. Il sait bien qu'une mesure
franchement révolutionnaire n'au
rait aucunechanced'être approuvée,
il n'y pouvait voir qu'un péril pour
le vote final de la. loi, et plus nous
avançons dans cette douloureuse
discussion, où chaque jour la liber
té semble être davantage mécon
nue", plus se manifeste le souci de
ne demander que ce que la majo
rité semble résolue à concéder.
Il importe toutefois de retenir un
aveu : si le président du conseil est
impitoyable aux congrégations non
autorisées, il ne manque point une
occasion de rendre nommage aux
congrégations autorisées, qui assis
tent plus de 70,000 enfants, vieil
lards ou infirmes, et dont les char
ges, on nous l'avouait assez ingé-
nuement,ne pourraientêtre imposées
à l'Etat.
Après un nouveau discours de
M. Zévaès qui avait apporté la théo
logie du P. Gury, et qui ne parlait
plus du milliard 1 , mais « des mil
liards » accumulés par les congré
gations^ une question de tactique
s'est trouvée posée.
« Il faut détruire tous les ordres
religieux, avait dit le député de l'I
sère ; on ne discute pas avec la
Eeste, on la supprime ! » Le pro-
lème était moins simple; il s'a
gissait, par-dessus tout, de ne point
bouleverser le projet de la commis
sion ; l'ardeur des plus résolus a
cédé devant cette exigence.
C'est ainsi que M. Henri Ricard
et M. Rabier sont décidés à repous
ser toute modification pouvant re
tarder le vote d'une loi « impatiem
ment attendue par le pays (!) » ;
M. Gouzy, au nom du groupe radi
cal socialiste, se refusait à voter
l'amendement,tout en restant «con
vaincu que les idées de M. Zévaès
seront réalisées dans un avenir
prochain » ; enfin, les révolutionnai
res eux-mêmes, par la voix de
M. Allemane, pour les débuts à là
tribune du nouveau député du XI",
« écartaient tout prétexte, fourni par
les adversaires de la loi, de la faire
échouer», ils se réservent de dé
poser une proposition distincte pour
la suppression de toutes les con
grégations.
En fin de compte, . M. Zévaès a
pu grouper à peine 33 voix pour sa
motion, tandis que 504 suffrages la
repoussaient.
On a statué ensuite sur un amen
dement de M. Renault-Morlière,
proposant de laisser se former li
brement les congrégations, sous
réserve d'une déclaration, du droit
pour l'administration d'inspecter
les immeubles par elles occupés,
et de la faculté pour le chef de
l'Etat de les dissoudre par décret
rendu en conseil des ministres.
C'était là rester bien loin de la
liberté,et M. Perreau, chargé de dé
fendre l'amendement, en l'absence
de M. Renault-Morlière, prenait
soin^ d'expliquer combien peu ce
système donnait satisfaction aux
principes libéraux, et qu'il n'était
présenté que comme « une atteinte
moins grave au droit » et comme
ne constituant pas, ail même titre
que le projet, « l'étranglement sans
phrasé». .
Commission et gouvernement
n'en voulaient naturellement pas
entendre parler ; M. Waldecli-Rous-
seau a déclaré ne vouloir admettre
à aucun prix que « la mainmorte
puisse se -reconstituer hors du con
trôle de l'Etat », et le système, em
prunté par un groupe de progres
sistes au projet Goblet, et présenté
par eux comme un moindre mal,
était repoussé par 305 voix contre
232. ^
Voilà M. Goblet définitivement
classé réactionnaire et clérical.
Gabriel de T biors.
AU SÉNAT
Les contrats d'assurances. — Les dom
mages causés par le gibier. — Pro
jets divers.
En l'absence de M. Caillaux, qui
n'a pu venir au Luxembourg en rai
son de^ son état de santé, le Sénat a
remis à mardi prochain la discus
sion d<3 la loi sur les patentes et il a
adopté sans débat une proposition
relative à un crédit applicable aux
dépenses de la Chambre; le projet
concernant les contrats d'assuran
ces, la proposition relative à la ré
paration des dommages causés aux
récoltes par le gibier et le projet
concernant l'échange de mandats-
poste par voie télégraphique entre
la France et l'Angleterre.
Enfin; la haute assemblée a
adopté, après avoir rejeté un amen
dement de M. Strauss, la proposi
tion ayant pour objet de garantir
leur travail et leurs emplois aux ré
servistes et aux territoriaux appelés
à faire leur période d'instruction
militaire. .
La prochaine séance aura lieu
vendredi.
, J. M.
LETTRES DE BELGIQUE
7 mars.
La politique au Parlement : le projet, de loi
d'amnistie, — les réformes militaires, —
la convention relative au Congo.
; Nous nous traînons depuis longtemps
dans l'ornière de la politique pure, c'est-
à-dire que les préoccupations d'ordre
économique ou social ont passé, au se
cond plan. Cela pourrait bien se prolon
ger encore, malgré la bonne volonté des
catholiques et les réclamations des dé
mocrates, et grâce aux dispositions des
partis libéral et socialiste.
Le premier, on ne sait que trop pour-,
guoi, préfère la politicaille (qu'on ma
pardonne ce terme) aux affaires sérieu
ses : par incapacité et par égoïsme.
Incapacité ; car ses chefs l'ont, de lon
gue date, condamné à l'habitude des
querelles stériles renouvelées du Bas-
Empire, ballotté entre les accès de pré»
trophobie et les ambitions mesquines é&
quelques parvenus sans génie.
Egoïsme ; car tout se réduit, pour les
Edition ^uotidieane. — 12,076
mm
SmAi 14 1901
ÉDITION ÔUOTIDISSÏÎÎS.
PARIS
E» DÉPARTEMENTS
On aa 40 a
Six mois...... 21 »
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ÉTRANGER
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UN NUMÉRO
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LE MONDE
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Six mois...... 10 » 13 »
Trois mois..... 5 » 6 SO
' Les ationnemënta partent des 1** et 13 da rfiaqne mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
• ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C is , 6, place dé la Bourse
PARIS, 13 MARS 1901
SOMMAIRE
L'œuvre pédagogi
que . Eusène Tavernibr.
Oà etlà: Tristesses
* et espérances Prosper Gerald.
A la Chambre..,... Gabriel bk Triors.
Au Sénat ...'...,... J. M.
Lettres dé Belgique. L.
Nouvelles agricoles A. de V illiers de
^ L ' I sl B-A DA M . :■
Bulletin. —Religieuse récompensée. — La
liberté d'assooiation. — Pour les congré
gations. — Le scandale de Lille. — Infor
mation® politique» et parlementaires. —
L'affaire Déroulède-Buffet.—Daas l'Ex-;
trème-Sud-Algérien.— En Angleterre. —
La guerre àu Transvaai. — Sa Chine. —
Dapêchea de l'étranger. — A travers la
presse. — Chronique. — Lettres, sciences
et arts. — Réunion d'étudiants.— .Echos
de partout. — Les graves. — Chronique
religieuse.-— Chambre des députés.—■
Nécrologie. — Guerre
Srisrt. — Bourtte et bulletin financier. —
De --r,;ôre heure.
L'ŒUVRE PÉDAGOGIQUE
On ne songe plus à . dire j ou plu
tôt on n'ose plus dire, que c'est le
maître d'école allemand qui nous a
vaincus en 1870. Cette formule, au
trefois prestigieuse, est laissée de
côté, non seulement parce qu'elle
est usée pour avoir servi à tant
d'imbéciles et d'ignorants comme à
tant de malins et de farceurs, -mais
aussi parce qu'elle semble n'avoir
contenu qu'une idée incomplète,
fausse et plus ; ou moins absurde.
Après vingt ans de labeur, les
fétichistes de l'enseignement ont
fait une grande découverte : c'est
que la science a besoin d'être com
plétée par l'éducation. Alors l'en
thousiasme, qui se. dissipait en fu
mée, a'repris de la vigueur , comme
un brasier épuisé sur lequel on jet
terait des bottes de paille. Lueur
intense, mais passagère.
Que reste-t-il enfin?Un immense
inventaire a été dressé, qui, pro
clame des résultats décourageants.
Etalée devant le Parlement, l'œu
vre scolaire est apparue comme un
énorme produit mal fabriqué, mal
conçu, raté. 11 faut la refondre.
Un philosophe très savant, bril
lant écrivain, penseur original,
vient de résumer, dans la Revue,
politique et parlementaire j les avis
qu'il a donnés en divers endroits,
depuis quelques années déjà. M.
Fouillée n'est pas catholique, ni
chrétien, ni même, à proprement
parler* déiste. Il a fait de Platon,
de Berkeley et de Spinosa un mé
lange avec lequel il a composé son
système, appelé par lui « l'idée-
force ». On ne lui reprochera pas
d'être asservi sous le poids des dog
mes.
Il juge ea toute liberté. Libres-
penseurs, ocoutez-le "donc. D'ail-
feurs sa critique, qui possède une
rare pénétration, parle un langage
vigoureux, clair et très élégant.
. Quelles espérances n'avait pas
excitées la culture historique ? Or,
M. Fouillée la montre pratiquée par
« des historiens spécialistes,. dont
« on emplit la tête de faits, presque
« tous contestés ou d'une signifi-
« cation assurément contestable, ».
Les grammairiens sont pires ^sur
tout lorsque, ayant « des préten-
« tions à la science, ils deviennent
« des philologues ». Ils ne soupçon
nent rien de plus intéressant et^ de
plus nécessaire que d'enseigner à la
jeunesse la grammaire et la pho
nétique du moyen âge. M. Fouillée
c ;te leurs livres classiques. Futurs
ingénieurs, ou futurs avocats, ou
future commerçants, ayez soin d'ap
prendre comment a après c, g, non
précédés îi'o ou a et après j de
vient ié (capra, chievre - mand (u)
care, mangier)méditez le patois
qui raconte les ineptes amours
d'Aucassin et Nicolettel Ces éditions
classiques sont « des mines d'éru-
« dition tudesque, avec des colon-
« nés de notes en petits caractères,
« à effrayer un bénédictin ». Au
milieu de tant de notes savantes,
philologiques et « historiques », ja
mais un mot de réflexion morale.
Les grammairiens versent «. dans
« leurs programmes et dans la tête
« des élèves comme dans un en-.
<.( ton noir ». -
L'histoire littéraire se développe
de -la même façon. Est-il donc in?
dispensable, demande M, Fouillée,
de savoir que « les principaux gen-
« res lyriques des troubadours
« étaient la romance, la.pastourelle,
«le retroenge, la ballette, le ser-
.« vantois, le motet et le jeu parti »?
t^t que les genres du Midi étaient
« la pastourelle, la canzone et le
« g irrente, qu'il faut bien se garder
« de confondre avec le servantois »?
DaJis les. sujets composition
donnés au baccalauréat, le theatre
absorbe « les trois quarté La
jeunesse est fort occupée à faire
l'analyse des « feux » de Mithridate
ou de'Phèdre, comme aussi à puiser
un enseignement moral dans les
aventures de Rousseau avec Mme
de Warens, Mme d'IIoudetot pt.
Thérèse Levassèur. On leur trace
une méthode de critique dramàti-
fue parce que, évidemment, en
rance tout élève qui'tait des étu
des «r littéraires est destiné; à, être
« ou romancier, ou auteur dramati-
« que, tout au moins journaliste» !
M. Fouillée cite les conclusions
d'un professeur de Toulouse, M.
Bouasse, qhi constate que la plu
part des bacheliers ès sciences ne
savent pas comment fonctionne un
baromètre. Le même professeur as
sure qu' « en mettant dans le même
« crâne toutes les connaissances
« mathématiques des cent derniers
« élèves de l'école polytechnique,
« on ne ferait qu'un ignorant » et il
gémit sur « l'épouvantable nullité
« mathématique de tout ce qui, n'a
,« pas eu l'espoir un instant de sor-
« tir dans les carrières civiles ».
De même,M. Fouillée emprunte à
un autre professeur d'autres exem
ples qur prouvent, selon M/ Lipp-
mann,que chez les auteurs des pro
grammes n'existe « aucun souci de
« la.qualité,c'est-à-dire de la solidité
« du savoir ». Lès programmes ac
tuels du simple baccalauréat, dit •
M. Fouillée, sont tracés par deshom
me s « qui semblent n'avoir jamais
«connu que des candidats à la li
ce cence et à l'agrégation ou qui ne
« songent qu'aux cinq ou six pré-
cr miers élèves des grands lycées de
« Paris ».
En développant, k avec beaucoup
de verve et 'de logique, ce réquisi
toire plein de faits, l'éminerit écri-
vain ne perd pas de vue un instant
l'idée qu'il veut readre évidente : à
"savoir, que les éducateurs contem
porains n'ont vraiment aucune idée
générale de l'éducation, parce qu'ils
manquent de toute doctrine philoso
phique. ,
On devrait dire encore (et M.
Fouillée le dit à peu près) qu'ils
sont même dépourvus au sens phi
losophique.
En! bien,\ et les professeurs.de
philosophie à quoi servent-ils donc
et dans quel état se trouvent leur
science .et leur esprit? Ici le ré
quisitoire s'arrête et cède la place
à un chant d'espérance où domine
le ton dé la fierté. •
Qui se doutait, sauf M. Fouillée,
M. Jaurès et quelques autres, que
la philosophie fût si florissante ?
Assurément, elle est active. On
n'a qu'à jeter un coup d'oeil sur les
catalogues 'de certaines librairies
pour constater que sa production
égale celle de la chimie, de la phy
sique, de la mécanique, de la géolo
gie, de la littérature, etc. Mais
qu'elle échappe à l'éparpiliement où
s'embrouillent les autres sciences et
qu'elle ait mieux que celles-ci une
méthode, une base et des conclu
sions, voilà du nouveau.
M. Fouillée a bien l'air de confon
dre le besoin de certitudes philoso
phiques avec la possession de certi
tudes.On a de l'appétit,mais cela ne
prouve pas qu T il yaitdes provisions
suffisantes. JDans le monde des pro
fesseurs, les esprits distingués et
cultivés sont nombreux, mais pres
que tous fonctionnent au hasard.
Au fond, il s'en doute. Et même
quand il cite les assurances, néces
sairement triomphales, multipliées
par M. Jaurès, il ne peut s'empê
cher de sourire. Et enfin, pour affir
mer que là philosophie contempo
raine est plus favorisée que les au
tres branches de l'enseignement, il
a besoin d'exprimer l'espérance que
tant de ressources seront mises en
valeur.
Une espérance, en effet, et rien
de plus - , et peut-être beaucoup
moins, car ici la seule chose qui ap
paraisse clairement c'est le vœu, le
désir de M. Fouillée.
Il avoue que là philosophie man
que de « direction ». Va-t-il s'offrir
à remplir cette charge? Non, il s'est
trop moqué de Victor Cousin, qui
prétendait pétrir de sa main fébrile
les intelligences et les âmes.
Cependant il souhaite bien une ré
forme qui n'est pas sans analogie
avec la fameuse entreprise de Cou
sin.
Il voudrait voir la philosophie
enseignée par des prêtres. Quels
prêtres ? Les nôtres ? Vous ne pou
vez le croire. En effet. Ces pretres
seraient prêtres, sans être prêtres,
tout en étant prêtres. Ecoutez : # La
« force de l'enseignement catholi-
« que venait de ce que tous les pro-
« fesseurs étaient des prêtre s et, à.
« ce titre, des moralistes, des di-
« recteurs de conscience,*bons ou
« mauvais. » Alors, « l'enseigne-
« ment secondaire laïque aurait une
« force, irrésistible s'il était donné.
« par des philosophes, se considè
re rant eux-mêmes plus ou moins,
« comme des prêtres de la société
« nouvelle, fondée sur l'union des
« libres-esprits. »
Le besoin de retrouver n'importe
où la doctrine expulsée avec l'en
seignement religieux, ce besoin est
si ardent que peut-être la proposi
tion de M. Fouillée, présentée à la
Chambre, semblerait une idée ma
gnifique, la fameuse idée-force: qui
a souvent exalté l'éminent écri-
yain.
Mais le mouvement de joie pour
rait subir un arrêt brusque et tour
ner à une rapide dégringolade. Car,
en fait de notions fondamentales, il
n'y a plus presque rien dans les
cerveaux. On bavarde et on s'échauf
fe en l'honneur de la raison et de la
conscience, mais, parmi nos libres-
peuseurs, presque personne ne veut
ou n'ose prendre soin de dire à
quoi ressemblent ces choses-là et
quelle idée peuvent s'en faire les
pédagogues, ni les écrivains, ni les
législateurs.
Sous prétexte que la conscience
se démontre par ells-même, des
millions d'individus refusent de
s'imposer un moment de réflexion
à cet égard. Le mot est sur toutes
les lèvres, mais, pour une foule;
immense, c'est un mot-fétiche. Unis:
dans une sorte de conspiration ins
tinctive et "obstinée, des lettrés et;
des badauds, des sceptiques et
des énergumènes attestent la cons
ciente sans vouloir jamais essayer,
de dire comment, pourquoi, pari
l'effet de quel hasard il se fait que:
chaque homme porte en lui une loi
morale, ni d'où peut venir cette loi.
Si M. Fouillée se décidait à risquer
l'expérience, il observerait un cu-i
rieux phénomène d'ahurissement,
entêté, qui lui fournirait encore lai
matière d'une brillante étude. „
Eugène T avernier.
ÏÏULLETI&C
Hier, la Chambre a repoussé par 515
uoix contre 34 l'amendement Zévaès qui
prononçait la suppression dé boutés les
congrégations.
Puis, on a également repoussé par 311
voix contre 2iQjt l'amendement Renault-
Morlière qui supprimait pour les con
grégations la nécessité de l'autorisation
mais donnait au gouvernement le droit
'de les dissoudre par simple décret.
Pressée de voter cette'loi antilibérale,
la Chambre a décidé de siéger demain,
jour de la Mi-Carême.
On trouvera plus loin des détails sur
les opérations militaires dirigées dans
le Sud-Algérien par le général Servière
et au cours desquelles nos troupes ont
éprouvé des pertes sensibles.
Les catholiques anglais semblent de
voir obtenir prochainement une satisfac
tion: on annonce, en effet, que, sur le
désir d'Edouard VII, le gouvernement ne
combattra pas le projet de loi déposé par
M. Redmond et modifiant la formule
du serment imposé au nouveau souve
rain. <
Oh signale de nouveaux désordres en
Espagne. Une collision s'est produite
entre manifestants et gendarmes. Un
homme a été tué, trois blessés.
En Catalogne, 65 usines, paraît-il,
sont fermées.
Le Kronprinz représentant Guil
laume II est venu, à Munich, assister,
ainsi que l'empereur d'Autriche, aux
fêtes du 80' anniversaire du régentLuit-
pold. Il est reparti dans la soirée pour
Berlin. . .
Le docteur Leyds fait démentir offi
ciellement qu'il ait été chargé de télé
graphier au vice-président du Trans-
vaal au sujet des négociations entre les
Anglais et le général Botha.
La peste c&ntinue à se développer au
Cap : on signale, en effet, de nouveaux
cas.
Çà et là
TRISTESSES ET ESPÉRANCES *
Depuis un rooment, les médecins tant-
pis qui prenaient part à notre petite réu
nion triomphaient sur toute la ligne. Ils
étaient en majorité, avaient le verbe plus
haut que leurs confrères, et parlaient
avec une assurance où l'obstination en
trait pour une certaine part.
La discussion avait commencé sans
qu'on s'en doutât. Un jeuBe prêtre venait
de parler des difficultés qu'il rencontrait
au début de son ministère : quelques jours
auparavant, il avait reçu, à la sacristie,
la visite d'une brave paroissienne, et le
dialogue suivant, — qu'on ose à peine re
produire tant il est invraisemblable, mais
qui est authentique, — s'était engagé :
— Est-ce bien vrai, monsieur le curé,
que vous ne voulez pas admettre mon
petit à faire sa première communion?
— Je ne demanderais pas mieux, ma
pauvre femme. Mais votre' fils ignore
totalement le catéchisme.
— Oh ! monsieur le curé, comme vous
êtes sévère ! Il l'apprenait tous les soirs,
à la veillée.
^ Il n'a pas su un traître mot, à l'exa
men de vendredi. Ainsi, pour vous en
donner un exemple, il n'a même pas pu
me répondre quel jour Notre-Seigneur
était moTt.
— Ah! faites excuse, monsieur le curé,
je vais vous dire. C'est que nous ne li
sons pas les journaux, à la maison. Et
nous ne savions même pas que le pauvre
Notre-Seigneur fût malade.
Et après avoir ri de l'histoire, on avait
philosophé. Et vous, comprenez ce qu'on
avait bien pu dire sur les malheurs du
temps : en bas, c'étaient l'ignorance la
plus profondé, et une indifférence reli
gieuse inconnue jusqu'alors, et des scan
dales vraiment inouïs, etc., etc. *, en haut,
l'orage de plus en plus menaçant, amon
celé par une haine satanique et par une
insigne mauvaise foi, orage que rien,
semblait-il, ne pourrait conjurer. Tout
allait sombrer, la famille et la société.
Autrefois, le médecin tant-pis,dans des
circonstances analogues, avait une for
mule d'autant plus retentissante qu'elle
était plus creuse : « Il n'y a rien, rien à
faire. » Et il abandonnait son malade,
parce que, sans doute, il y avait fort, il
y avait trop à faire. "
Aujourd'hui, le pessimisme a encore !
empiré. La formule a varié un peu, mais
ne laisse pas non plus l'ombre d'un !
espoir, et l'on s'écrie : « Tout est perdu,
nous sommes un peuple fini. » Que si vous
répondez :
Je ne veux point mourir encore,
on vous soupçonne d'inintelligence ou de
vues intéressées.
C'est-ce qui m'était arrivé ce jour-là.
Et bien que les arguments ad hominem,
surtout quand ils ont des intentions hos
tiles, n'aient guère coutume de me trou
bler, —car on n'a recours aux mauvaises
raisons que lorsque les bonnes font dé
faut,— je m'étais décidé à ne pas insis
ter,lorsque notre hôte prit là parole.
C'est un prêtre que je n'ai point le loi
sir de vous présenter ; qu'il xae suffise de
dite que je ne lui connais nul ennemi,que
sa paroisse est fervente coynme aux beaux
jours, la bibliothèque soigneusement en
tretenue j et que son cœur digne de son
grand esprit est resté j|eune malgré les
cheveux blancs. /
—Mes amis, dit-il, n'êtes-vous point un
peu trop sévères pour taotre temps ? Som
mes-nous donc aussi bas que vous voulez
bien le dire ? Voilà deux points d'interro
gation auxquels je âne permettrai de ré
pondre un mot. .
« Je ne vous demande pas de fermer
les yeux sur le mal qui existe, pas davan
tage de ne point lutter contre celui qu'on
prépare, mais, après cette précaution;
oratoire, permettez-moi d'ouvrir deux, li
vrés. Le premier, c'çst l'Evangile. »
Et. sortant i de sa poche son Novûm
Testamentum, le même qu'il'méditait au
temps béni de son grand séminaire, et
qu'il n'a point quitté depuis, il nous relut
les différents passages où Notre-Sei
gneur. prédit à ses apôtres— et à leurB
successeurs — qu'ils seraient sans re-
làohe persécutés, calomniés, traînés de-
van t les tribunaux. Il nous conseilla de
méditer la Passion du Sauveur, et d'in
sister, en contemplant la croix, sur ces
paroles divinès : « Le serviteur n'est paB
plus grand que le maître. » .
— Savez-vous, ajouta le bon vieill ard,
en fermant le livre sacré, que vous me
rappelez les apôtres, au soir du Ven
dredi-Saint. Leur état d'âme n'était pas
sans analogie avec celui d'un grand nom
bre de nos contemporains. Tout était
perdu, certes, à leurs yeux charnels, et
leurs espérances, et leurs rêves, et peut-
"être aussi l'amour sans bornes qu'ils
avaient vpué au Sauveur. Celui-ci venait
d'expirer, n'ayant, au pied de son gibet,
pousi.recevoir son dernier soupir, que
trois amis : deux femmes et un seul
homme.
« Si, après le drame sanglant, l'un des
disciples, dans la maison où ils s'étaient
cachés par crainte des Juifs, prenant
comme moi la parole, eût affirmé que
tout espoiT n'était point envolé, qu'il fal
lait encore et quand même avoir con
fiance en Celui qui si souvent avait com
mandé comme un maître aux maladies et
à la mort, on l'eût, j'en suis. bien sûr,
soupçonné de folie. Et pourtant, le divin
Crucifié n'avait-il point dit: « Quand
« j'aurai été élevé en croix, j'attirerai tout
« à moi. » Ce mot aurait dû rassurer les
apôtres, comme devraient nous réconfor
ter nous-mêmes tarit d'autres paroles
tombées des,,mêmes lèvres: « D'où vient
< votre trouble, hommes de peu de foi?...
« Confiance, mes bons et fidèles servi-
« teurs, n'oubliez pas que j'ai vaincu le
« monde... Je suis avec vous jusqu'à la
« consommation des siècles... etc. »
Les paroles-du vénérable prêtre, dites
avec calme, mais avec conviction,
avaient produit leur effet. Je recom-
mençais à relever la tête, moins con
fus et... vengé. Notre hôte se hâta d'a
jouter : '
— Et que diriez-veus, maintenant, si
nous ouvrions l'histoire de l'Eglise? Ce
serait un lieu commun que d'insister sur
les premiers siècles ; relisez Quo va dis,
rappelez-vous les scènes des catacom
bes, descendez dans l'arène avec nés mil-
lions de martyrs, assistez au supplice des
saints apôtres Pierre et Paul, voyez les
hérétiques s'acharnant avec rage sur
chacun des dogmes de notre Credo j sui
vez les barbares dans leur marche dévas
tatrice que rien ne parvenait à arrêter...
« Vous me répondrez peut-être :« Très
< bien, mais l'Eglise venait de naître, et
a ilestnaturelque les difficultés aient en-
« touré son berceau. Aujourd'hui, dix-
« neuf siècles se sont écoulés, pendant
a lesquels, marchant sur les traces du
« Décalogue', semences fécondes d'où
« est sortie la civilisation. Et comme ré-
* compensera société moderne la traque
« et veut lui donner le coup de mort.
« L'Eglise, hier universellement respec
te tée, n'est-elle pas ' aujourd'hui l'enne-
« mié, la grande ennemie ? »
« Là, encore, permettez-moi de ne pas
être tout à fait de votre avis. Puisque
vous récusez le témoignage des premiers
siècles de l'Eglise, passons en revue les
derniers. Quel est, dites-moi, celui dans
lequel vous eussiez été heureux de.
vivre? «
or Le dix-huitième a vu le règne de
Voltaire et des Encyclopédistes, la lutte
la plus acharnée contre Dieu et l'idée re
ligieuse. Aussi a -it -il roulé des flots de
boue et a-t-il expiré dans des flots de
sang. '
« Si le XVII e siècle a eu ses grandeurs,
que nul n'admire plus que moi, il a eu
ses tares aussi. N'oublions pas que les
jansénistes d'un côté, les gallicans de
l'autre, ont conduit bien près de l'abîme
notre belle Eglise de France.
a Le nom de Luther éclaire d'une
lueur sinistré le XVI* siècle. Le protes
tantisme n'a guère affranchi que les
passions, et avec elles, il a déchaîné, la
guerre civile. Je ne dis rien des ValoiB,
n'ayant point mentionné plus haut les
méeurs faciles de Louis XIV et les; dé
bauches de son successeur.
« Le XV* siècle a connu le grand
schisme d'Occident, épreuve terrible et
angoissante, qui dura près de quarante-
ans et fut si préjudiciable à l'Eglise.
« Je ne veux ici accorder qu'une sim
ple mention an XIV' siècle, rempli par
les horreurs et par les hontes de la
guerre de Cent ans.
« Vous voyez que le mal ne date pas
d'aujourd'hui. Vous savez aussi, comme
je l'ai entendu dire, non sans éloquence,
par un saint prélat, que chacune des épo
ques du XIX® siècle qui fut le nôtre, qui
fut le mien, eut ses folles tentatives con
tre la religion. Mais nous sommes ainsi
faits. Nous oublions les épreuves de la
veille, celles dont nos pères ont triomphé,
pour ne voir que celles qui nous entou
rent et nous menacent.
c Mes chers amis, confiance malgré
tout, confiance et espoir; le Christ vain
cra. Je connais trop le passé, je ne con
nais pas assez l'avenir. Le jour d'aujour
d'hui, notre place providentielle peuvent
encore nous fournir, si nous le voulons
et si nous cessons de douter de Dieu, une
ample et attrayante utilisation de notre
bonne volonté et dé noâ forces. »
Mon résumé vous semblera bien pâle,
cher et vieil ami, et vous me reprocherez
sans doute d'être terriblement indiscret.
Mais comme vous me pardonneriez tout
cela, si vous pouviez lire, au fond de
.mon cœur, mon admiration, ma recon
naissance et mon affection, et aussi mon
désir d'être utile peut-être à quelqueâme
attristée, én me faisant l'écho de vos pa
roles d'espoir!
Prosper Gérald.
' « r
RELIGIEUSES RÉCOMPENSÉES
Sur la liste des médailles d'honneur
et des mentions honorables, décernés
sur la proposition du ministre de l'inté
rieur, figure :
Mme Bruyeror (Marie-Rose), en reli
gion sœur Marie-Julie, infirmière déta
chée à l'ambulance de Beni-Saf (dépar
tement d'Oran). — (Mention honorable.)
A LA CHAMBRE
Le droit d'association.
La Chambre a repoussé hier la
motion jacobine de M. Zévaès, qui
supprimait, purement et simple
ment toutes les congrégations, et
un amendement de M. Renault-
Morlière qui tendait à rendre la loi
moins brutalement destructive.
M. Zévaès, on s'en souvient, avait,
au milieu d'odieuses calomnies con
tre les ordres religieux, insisté sur
le préjudice social causé par les
vœux, surtout par le vœu d'obéis-
> sance; M. Plichon, en un discours
très énergique, destiné à faire une
fois de plus justice des allégations
des sectaires, a lu quelques extraits
du programme et des statuts impo
sés aux membres du parti ou
vrier.
Nous avons appris ainsi que cha
que adhérent s'engage « à ne sou-
; lever jamais aucun conflit sous cou
leur de liberté individuelle », et à
faire taire « toute considération per-
i sonnellé », résumant sa soumission
. définitive et absolue en une formule
l que M. Zévaès et M. Trouillot cher
cheraient en vain dans la constitu
tion de saint Ignace : « J'ai signé le
présent pour etre invoqué contre
moi si je venais à y faillir. »
Les socialistes n'ont pas caché
I leur mauvaise humeur et leur gêne
devant ces révélations ; l'une et
j l'autre se sont accrues, lorsque
' l'éloquent député du Nord, répon-
: dant à l'accusation portée contre
• certaines congrégations d'avoir leur
? supérieur hors de France, rappelait
qu'il existe un comité international
permanent, qui reçoit lé mot d'or
dre de l'étranger, et qui,se mêle
assez de netre politique intérieure
pour être appelé à donner son avis
sur l'entrée d'un « camarade » dans
un ministère bourgeois.
La motion Zévaès était d'ailleurs
combattue par le gouvernement et
par la commission. Celle-ci, par la
voix de M. Trouillot, n'hésitait
point à affirmer sans rire que le
projet avait voulu respecter les
droits acquis, « en supprimant ceux
qui étaient irrégulièrement usur
pés ».
Les arguments de M. Waldeck-
Rousseau ont paru plus sérieux si
le but poursuivi n'est pas moins hy
pocrite. Il sait bien qu'une mesure
franchement révolutionnaire n'au
rait aucunechanced'être approuvée,
il n'y pouvait voir qu'un péril pour
le vote final de la. loi, et plus nous
avançons dans cette douloureuse
discussion, où chaque jour la liber
té semble être davantage mécon
nue", plus se manifeste le souci de
ne demander que ce que la majo
rité semble résolue à concéder.
Il importe toutefois de retenir un
aveu : si le président du conseil est
impitoyable aux congrégations non
autorisées, il ne manque point une
occasion de rendre nommage aux
congrégations autorisées, qui assis
tent plus de 70,000 enfants, vieil
lards ou infirmes, et dont les char
ges, on nous l'avouait assez ingé-
nuement,ne pourraientêtre imposées
à l'Etat.
Après un nouveau discours de
M. Zévaès qui avait apporté la théo
logie du P. Gury, et qui ne parlait
plus du milliard 1 , mais « des mil
liards » accumulés par les congré
gations^ une question de tactique
s'est trouvée posée.
« Il faut détruire tous les ordres
religieux, avait dit le député de l'I
sère ; on ne discute pas avec la
Eeste, on la supprime ! » Le pro-
lème était moins simple; il s'a
gissait, par-dessus tout, de ne point
bouleverser le projet de la commis
sion ; l'ardeur des plus résolus a
cédé devant cette exigence.
C'est ainsi que M. Henri Ricard
et M. Rabier sont décidés à repous
ser toute modification pouvant re
tarder le vote d'une loi « impatiem
ment attendue par le pays (!) » ;
M. Gouzy, au nom du groupe radi
cal socialiste, se refusait à voter
l'amendement,tout en restant «con
vaincu que les idées de M. Zévaès
seront réalisées dans un avenir
prochain » ; enfin, les révolutionnai
res eux-mêmes, par la voix de
M. Allemane, pour les débuts à là
tribune du nouveau député du XI",
« écartaient tout prétexte, fourni par
les adversaires de la loi, de la faire
échouer», ils se réservent de dé
poser une proposition distincte pour
la suppression de toutes les con
grégations.
En fin de compte, . M. Zévaès a
pu grouper à peine 33 voix pour sa
motion, tandis que 504 suffrages la
repoussaient.
On a statué ensuite sur un amen
dement de M. Renault-Morlière,
proposant de laisser se former li
brement les congrégations, sous
réserve d'une déclaration, du droit
pour l'administration d'inspecter
les immeubles par elles occupés,
et de la faculté pour le chef de
l'Etat de les dissoudre par décret
rendu en conseil des ministres.
C'était là rester bien loin de la
liberté,et M. Perreau, chargé de dé
fendre l'amendement, en l'absence
de M. Renault-Morlière, prenait
soin^ d'expliquer combien peu ce
système donnait satisfaction aux
principes libéraux, et qu'il n'était
présenté que comme « une atteinte
moins grave au droit » et comme
ne constituant pas, ail même titre
que le projet, « l'étranglement sans
phrasé». .
Commission et gouvernement
n'en voulaient naturellement pas
entendre parler ; M. Waldecli-Rous-
seau a déclaré ne vouloir admettre
à aucun prix que « la mainmorte
puisse se -reconstituer hors du con
trôle de l'Etat », et le système, em
prunté par un groupe de progres
sistes au projet Goblet, et présenté
par eux comme un moindre mal,
était repoussé par 305 voix contre
232. ^
Voilà M. Goblet définitivement
classé réactionnaire et clérical.
Gabriel de T biors.
AU SÉNAT
Les contrats d'assurances. — Les dom
mages causés par le gibier. — Pro
jets divers.
En l'absence de M. Caillaux, qui
n'a pu venir au Luxembourg en rai
son de^ son état de santé, le Sénat a
remis à mardi prochain la discus
sion d<3 la loi sur les patentes et il a
adopté sans débat une proposition
relative à un crédit applicable aux
dépenses de la Chambre; le projet
concernant les contrats d'assuran
ces, la proposition relative à la ré
paration des dommages causés aux
récoltes par le gibier et le projet
concernant l'échange de mandats-
poste par voie télégraphique entre
la France et l'Angleterre.
Enfin; la haute assemblée a
adopté, après avoir rejeté un amen
dement de M. Strauss, la proposi
tion ayant pour objet de garantir
leur travail et leurs emplois aux ré
servistes et aux territoriaux appelés
à faire leur période d'instruction
militaire. .
La prochaine séance aura lieu
vendredi.
, J. M.
LETTRES DE BELGIQUE
7 mars.
La politique au Parlement : le projet, de loi
d'amnistie, — les réformes militaires, —
la convention relative au Congo.
; Nous nous traînons depuis longtemps
dans l'ornière de la politique pure, c'est-
à-dire que les préoccupations d'ordre
économique ou social ont passé, au se
cond plan. Cela pourrait bien se prolon
ger encore, malgré la bonne volonté des
catholiques et les réclamations des dé
mocrates, et grâce aux dispositions des
partis libéral et socialiste.
Le premier, on ne sait que trop pour-,
guoi, préfère la politicaille (qu'on ma
pardonne ce terme) aux affaires sérieu
ses : par incapacité et par égoïsme.
Incapacité ; car ses chefs l'ont, de lon
gue date, condamné à l'habitude des
querelles stériles renouvelées du Bas-
Empire, ballotté entre les accès de pré»
trophobie et les ambitions mesquines é&
quelques parvenus sans génie.
Egoïsme ; car tout se réduit, pour les
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