Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-03-11
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 mars 1901 11 mars 1901
Description : 1901/03/11 (Numéro 12073). 1901/03/11 (Numéro 12073).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7106643
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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Lundi 11 Mars 1801
Edition auûiidienne. — 13,073
ÉDITI ON QUOTID IENNE
ÉTRANGER
(union postal^
. 61 • »
26 BO
14 D
PARIS
gï départements
Un as......... 40 »
Six mois „ 21 »
Trois mois..... 11 »
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UN NUMÉRO i !*® ris 10 cent.
( Départements..... 15 —
BUREAUX : Paris, rue Cassette, 17
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
ET
LE MONDE
Lundi 11 Mars ÎSOÎ^
iDmow SEsa-QuoxmîEïSîffs
! , PARIS ÉTRANGER
S? DÉPARTEMENTS (UNIOH POSTALE)
Un an... 20 » 28 ®
Six mois. 10 » 18 »
Trois mois....» g » 6 BO
Etes abonnements partent des I e * et Î6 de ebaque mole
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits gui lui sent adressât
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C'«, 6, place de la Bourse
BBSKQnBBKBi
PARIS, 10 MARS 1901
SOMMAIRE
Le dernier recense
ment en Allema
gne H. O etty.
En Angleterre F. L.
Un document socia
liste .. Paul Lapeyre.
Correspondance ro
maine ***
Les funérailles de
Mgr Dabert. C. prieur.
L es conférences du ■
Luxembourg Edouard Alexandre
Ceux que j'ai con
nus. . A. Rabtoul.
Feuilleton : Saint
Vincent de Paul vu
dans-sa correspon
dance.. Chanoine B.
Bulletin. — Le doyen des curés. — La li
berté des pères de famille. — Un scan
dale à Lille. — L'affaire Déroulède-Buffet.
— Informations politiques et parlement
ialres. — Dans le Sud-Algérien. — Dé
pêches de l'étranger. — La fête du Pe
tit-Palais. — Chronique.— Lettres, scien
ces et arts. — Echos de partout. — Les
grèves. — Chronique religieuse. — Pro
fanations sacrilèges. — Eglise et patrie.
—• Nécrologie. — Guerre et marine. —
Tribunaux. — Nouvelles diverses. — Re
vue de la Bourse. — Calendrier.
LE DERNIER RECENSEMENT
EN ALIEMIGXE -
La dépopulation de la France,
préoccupe depuis de longues an
nées les esprits vraiment soucieux
de l'avenir de la patrie. Pendant
que, tout autour d'elle, les puissan
ces alliées ou rivales continuent
leur marche ascendante, la France
seule reste stationnaire, n'arrivant
Eas à atteindre les 40 millions, d'ha-
itants que depuis longtemps elle
aurait dû dépasser.
L'Allemagne obéit à un mouve
ment contraire. D'année en année,
de recensement à recensement, elle
voit sa population augmenter dans
des proportions toujours grandis-
. santés. Le dernier recensement ac
cuse la plus forte augmentation de
puis les soixante dernières années.
Cette augmentation est de 4 mil
lions, soit 7,78 pour cent, portant
la population de l'empire allemand
à 56,345,014 habitants, 27,731,067
personnes du séxe masculin et
28,613,"947 personnes du sexe fémi
nin. C'est donc près de 20 millions
d'habitants de plus que la France,
et cette augmentation extraordi
naire est le fait de trente années !
Les patriotes français trouveront
facilement les raisons de ce phéno
mène. Des voix autorisées dénon
cent le danger; elles se perdent
dans le désert, impuissantes à pro
duire un mouvement dans le sens
d'une réforme toujours. désirée et
jamais réalisée.
Sur les 56 millions d'habitants de
l'empire allemand, la Prusse comp
te 34 millions et demi, la Bavière 6
millions, la Saxe 4 millions. Le re
censement accuse 33 villes dépas
sant les 100,000 habitants avec une
population de 9,108,812 personnes.
La situation exceptionnellement
p'rospère de l'industrie et du com
merce allemands explique assez ce
nombre toujours croissant des
grandes villes. Les dernières sta
tistiques sur le travail allemand
témoignent de la puissante expan
sion des forces nationales. Aussi
bien l'émigration diminue : pour le
port de Hambourg il n'y a eu que
7,617- émigrants allemands sur
80,858 personnes qui sont allées à
l'étranger, 3,000 de moins qu'en
1899.
L'Alsace-Lorraine semble re -
prendre ses traditions.. d'autrefois
pour obéir à un mouvement de pro
gression. Le recensement du 1 er dé
cembre dernier a établi la présence
en Alsace-Lorraine d'une popula
tion de 1,717,451 personnes contre
1,640,986 en 1895. Il y a donc eu une
augmentation de 76,465 personnes,
soit 4,66 p. 100. :
La population totale .se répartit
de la manière suivante : Basse-Al
sace, 658,383 personnes, soit 38,33
p. 100; Haute-Alsace : 494,9ê2 per
sonnes, soit 28,82 p. 100; Lorraine,
564,116 personnes, soit 32,85- p. 100.
Les trois départements ont aug
menté le chiffre de leur population ;
la Basse-Alsace de 19,759, la Haute-
Alsace de 17,475, la Lorraine de
39,231 personnes.
Si l'en prend en considération les
résultats des recensements* anté
rieurs, on constate qu'il y a eu,
d'un recensement à l'autre, une
augmentation constante de la popu
lation dans les arrondissements d®
Strasbourg ville, Strasbourg cam
pagne, et Mulhouse, une diminution
constante dans les arrondissements
..de Schlestadt, Altkirch et Boulay.
Dans les autres districts, le mouve
ment est variable, tantôt augmen
tation, tantôt diminution.
En 1895,on comptait 111 commu
nes de plus de 2,000 habitants, au
jourd'hui il y en a 121, soit 10 en
plus. Cette population a augmenté
en cinq années de plus de 70,000
personnes. En 1895 la population
totale de ces csmmunes se chiffrait
par 756,643 habitants, en 1901 par
826,885 personnes. Les communes
de moins de 2,000 habitants accu
sent un chiffre de population de
890,566 personnes contre 884,343 en
1895.
Strasbourg est monté d© 135,608
habitants à 150,267, soit 14,660 per
sonnes en plus; Mulhouse compte
aujourd'hui 89,012 habitants contre
82,986 en 1895; Colmar se présente
avec 36,796 habitants contre 33,146.
Metz par contre a diminué de 1,370
habitants, 58,424 contre 59,794 en
1895.
En Alsace-Lorraine cemme dans
tout l'Empire d'Allemagne, l'aug
mentation se fait au détriment de la
campagne. La plupart des commu
nes rurales ont sensiblement dimi
nué de population. Tout se porte
vers la ville. Mais on a beau pous
ser le cri d'alarme, le mouvement
continue irrésistiblè et probable
ment le nouveau régime d'impôts
qu'on veut introduire ne l'arrêtera
point.
II. C ETTY.
ÏÏULLÈTI&C
L'événement d'hier, au point de vue
de la politique intérieure, c'est la. visite
officielle faite au président de la Répu
blique par le nouveau bureau nationa
liste du conseil municipal de Paris.
Le soir, M. et Mme Loubet ont assisté
à la fête donnée au Petit-Palais des
Champs Elysée5 par le conseil général
de la Seine.
Il va donc falloir changer d'ortho
graphe.
On annonce que M. Leygues a envoyé
line circulaire aux recteurs pour rendre
exécutoires - les réformes orthographi
ques adoptées par l'Académie française
et le conseil supérieur de l'instruction
publique.
De l'étranger, fort peu de nouvelles.
L'état de santé de Guillaume II est
satisfaisant. Toutefois, il ne pourra se
rendre après-demain à Munich, où ira
l'empereur d'Autriche, pour fêter l'an
niversaire du prince régent de Bavière.
En Chine, on continue de discuter la
question des indemnités. Disette d'in
formations ; on n'annonce même pas
un nouveau désaccord entre les puis-.
sances. .
Pas de changement dans la. situation,
militaire au Transvaal. On parle tou
jours des négociations entre lord Kit-
chener et le général Botha, mais sans
rien saveir de positif.
On annonce que les divers comités
boerophiles d'Europe et d'Amérique
viennent de se fédérer. Réunis à Paris,
leurs délégués vont s'occuper d'organi
ser une action commune.
EN ANGLETERRE
Deux, questions, entre toutes,
sont présentement à l'ordre du
jour chez nos voisins d'outre-Man
che, et préoccupent très vivement
l'opinion publique : 1° les négocia
tions de lord Ivitchener avec Te gé
néral Botha; 2* la réforme militaire.
Si, comme on l'espère à Lon
dres, les négociations du Transvaal
aboutissent, c'est probablement la
fin à bref délai de cette ruineuse,
de cette douloureuse guerre sud-
africaine, la fin d'un terrible et
obsédant cauchemar.
Quant à la question de la réforma
militaire, née ae cette guerre même,
les deux Chambres du Parlement
anglais viennent de s'en trouver
saisies assez diversement et d'une
façon retentissante.
A la Chambre des Lords, la ques
tion a été traitée à un point de vue
rétrospectif et personnel, dans une
discussion très vive où l'ex-généra-
lissime des armées britanniques, le
général lord Wolseley, et Fex-mi-
nistredela guerre, lord Lansdowne,
s* sont mutuellement reproché les
insuffisances de l'organisation mi
litaire et les graves défectuosités
qu'a mises en pleine, en triste lu
mière, la guerre sud-africaine.
Au demeurant, cette controverse
des deux nobles champions n'a
plus guèrë qu'un intérêt historique
ou de curiosité pour le public du
Continent. Tout autre est l'intérêt
qu'offre le projet de réformes mili
taires dont le ministre actuel de la
guerre,M. Brodrick, a fait avant-hier
l'exposé devant la Chambre des Com
munes. Sans abandonner encore,
pour le recrutement, le procédé ex
clusif des engagements, volontaires,
le projet comporte un ensemble de
réformes qui doivent accroître con
sidérablement les effectifs réels et
les facultés de mobilisation et de
transport par mer des armées brit
anniques, en même temps qu'elles
se trouveront pourvues d'un arme
ment mis au niveau des derniers
perfectionnements. On croit même
entrevoir, dans le passage de
l'exposé où M. Brodrick parle
de la question du recrutement, que
si, après cette nouvelle expé
rience, les engagements volontaires
ne suffisaient pas à procurer à la
Grande-Bretagne la force militaire
ample, vigoureuse et toujours'dis-
ponible qu'elle veut avoir,' et sur la
quelle elle veut pouvoir compter,
même à l'improviste, le gouverne
ment anglais n'hésiterait pas, chose
inouïe, à proposer l'adoption du
recrutementforcé et du service mi
litaire obligatoire!
La violence du courant impéria
liste, dans le Royaume-Uni, est telle
aujourd hui que le succès d'une si
étonnante réforme n'a plus rien
d'improbable.
L'Angleterre insulaire devenant,
grâce aux leçons de la guerre sud-
africaine, une grande puissance mi
litaire sur terre, en même temps
qu'elle reste la plus grande de tou
tes les puissances maritimes, c'est
une vision nouvelle à laquelle les
grands Etats du Continent doivent
se préparer.
F. L.
UN DOCUMENT SOCIALISTE
M. le député Rouanet a bien voulu
s'occuper de mon ouvrage le Ca
tholicisme social dans la Revue so
cialiste dont il est directeur. Son
droit assurément était de critiquer
mon livre et de démontrer de son
mieux qu'il ne vaut rien.
Je ne me suis jamais attendu à
convertir d'un coup les socialistes,
surtout ceux qui vivent du socia
lisme et lui doivent des places.
Mais j'ai aussi le droit de réclamer
contre les fausses interprétations
et les travestissements de ma pen
sée. Ce droit, je vais me permettre
d'en user à l'égard de M. Roua
net.
Le directeur de la Revue socialiste
commence par faire un rapproche
ment ou plutôt une opposition entre
le livre de M. Max Tùrmann sur le
Développement du catholicisme so
cial depuis l'encyclique Rerum no-
varum, qu'il vient d'analyser, et le
mien dont il entame le compte
rendu. « Là où M. Turmann* dit-il,
s'étend complaisamment, exagé
rant la portée des œuvres, s'ex-
tasiant sur les merveilles réali
sées par le catholicisme, M. La-
peyre ne voit que fantasmagorie
et vain décor, verbiage creux, pa
rades stériles. » Ce que dit cette
phrase est absolument inexact. J'ai
sur le mouvement catholico-social
et sur les œuvres qu'il a produites,
la même opinion que M. Turmann.
Il suffit de lire la préfacé de mon
troisième volume pour s'en convain
cre. Si j'ai signalé en de nombreux
passages de la fantasmagorie et du
vain décor, c'est justement dans ce
qui a été fait en dehors et à l'en-_
contre du catholicisme social. Cette
distinction, qui est capitale, fait
tout le fond de mon ouvrage. Il est
singulier que M. Rouanet donne
"comme ma pensée ce qui en ést le
contré-pied. Et pourtant M. Roua
net passe pour intelligent. D'où
peut donc provenir une telle mé
prise?
Evidemment, M. Rouanet avait
son siège fait d'avance. Il fallait,
coûte que coûte, qu'il aboutît à la
conclusion qu'il nous présente en
ces termes: « Impuissance et déri
sion! Voilà la mouvement social
catholique... Impuissante et déri
soire pour le bien, cette force (l'E
glise) est toute-puissante pour le
mal. On l'a bien vu'dans l'affaire
Dreyfus. AyoQS garde, donc, de la
mépriser, sous peine de nous aper
cevoir trop tard des dangers que
« l'Infâme » sème sous nos pas. »
Comment a-t-il pu donner une
apparence de logique à une conclu
sion -venant après l'analyse d'un
livre qui, d'un bout à l'autre, est
un plaidoyer pour la cause du peu
ple et un appel à la réconciliation
des claese3 *? C'est bien simple : en
donnant comme l'expression de
l'essence du catholicisme — avouée
par nous-mêmes — ce que nous si
gnalons comme des imperfections,
des abus, des déviations à corriger.
Ainsi, M. Rouanet Cite de mqp
livre les phrases suivantes : « La
plupart des ecclésiastiques qui vi
vent dans les centres ouvriers et
agricoles ne se mêlent pas plus à
ces populations que l'eau avec
l'huile... Une fois prêtre, le fils de
paysan ne se considère plus comme
appartenant à la même classe so
ciale que ses parents. » Ces phra
ses qui expriment un état de choses
récent, local, transitoire et que je
ne signale que parce que j'ai le désir
et l'espoir de le voir disparaître,
M. Rouanet voudrait faire croire
qu'elles affirment un fait général,
permanent et nécessaire. « Le
clergé, dit M. Rouanet, ne s'adresse
pas aux humbles, ne vit pas pour
eux, ne se mêle ni à leurs joies, ni
à leurs douleurs... -La place du
prêtre est, aujourd'hui comme hier,
comme toujours, ^marquée au châ
teau du bourgeois parvenu, comme
elle le fut jadis dans le manoir féo
dal du seigneur enrichi par les ra
pines et le pillage. » Je laisse ces
affirmations au directeur de la
Revue socialiste. Je n'ai jamais dit
pareille chose ; et je ne l'ai pas dit
parce que je ne l'ai pas vu dans
l'histoire. Si je l'y avais vu, je n'au
rais pas écrit mon livre, ou plutôt je
l'aurais écrit dans un sens tout
opposé.
J'ai vu sans doute dans l'his
toire bien des cas de négligence,
d'abus et même de corruption.
Mais ces cas, tout exceptionnels,
ne ressortent précisément que- par
ce que le fond général est l'observa
tion de la règle. Et la règle fonda
mentale a été, et reste aujourd'hui
comme toujours, que le clergé est la
providence des malheureux, l'appui
du peuple, le soutien des faibles, la
source humaine de la miséricorde
et de la charité. C'est pour rappeler
les catholiques à ces traditions
incontestables, un peu oubliées de
nos jours; que j'ai écrit mon ou
vrage. M. Rouanet pense-t-il que je
serais assez fou pour engager les
catholiques dans des voies absolu
ment nouvelles ?Dans l'Eglise, in
nombrables sont les réformateurs,
c'est-à-dire ceux qui veulent rame
ner à l'Evangile ou y maintenir les
foules chrétiennes ; mais les trans
formateurs n'existent pas. Le ca
tholicisme social n'est pas autre
chose que le catholicisme pris dans
ses traditions légitimes, ce qui
n'exclut pas d'ailleurs les dévelop
pements logiques de ces tradi
tions.
Autre exemple de l'habileté avec
laquelle M. Rouanet a su dénaturer
ma pensée : il cite la phrase sui
vante de mon livre : « Les protes
tants trouvent dans la foi et certains
catholiques dans la confession un
moyen fort ingénieux pour vivre
dans le mal. ». Voici le commen
taire qu'en fait M. Rouanet : « Vous
saisissez le procédé. Tous les pro
testants vivent dans le mal, cer-?
tains catholiques, tout en observant
les règles de l'Eglise, y vivent aussi.
Mais c'est le petit nombre, tandis
que chez les protestants, c'est l'u
nanimité. . » Ce commentaire diffère
totalement du sens que j'ai voulu
donner à ma pensée, ainsi qu'en
témoigne le contexte. J'ai si peu
voulu dire que certains catholiques
vivaient mal tout en observant les
règles de l'Eglise, que le chapitre
auquel est empruntée la citation a
été écrit, précisément, pour rappe
ler que les catholiques qui agissent
ainsi, violent les règles de l'Eglise,
et se font de la confession une idée
fausse, notamment au sujet de la
satisfaction, de la contrition et du
bon propos. En cela ils sont igno-
pants ou inconséquents. Je n'ai pas
dit davantage que tous les protes
tants vécussent dans le mal ; j'ai dit
que leur principe du salut par la foi
seule, poussé à sa conséquence lo
gique, est de nature à les rendre
très indulgents pour eux-mêmes,
grâce à Ta facilité excessive qu'ils
trouvent dans la miséricorde di
vine. Et il est évident que leur prin
cipe, déroulé à fond, doit aboutir
là. Mais je suis le premier à recon
naître que tous les protestants
n'arrivent pas à cette extrémité. Di
verses influences salutaires en re
tiennent beaucoup à différents de
grés dans une heureuse inconsé
quence. Ainsi par inconséquence,
certains catholiques vivent mal ;
par inconséquence aussi, certains
protestants, beaucoup si l'on veut,
vivent bien. 'Mais il vaudrait mieux
n'être ni inconséquent ni pécheur.
On voit combien M. Rouanet a mal
traduit ma pensée.
Il ne s'est pas borné à ce seul
travestissement. Voici en quels ter
mes il résume mes idées sur l'or
ganisme social : « Supérieurs, infé
rieurs, nobles et manants, patrons
et ouvriers sont, à l'origine, des ca
tégories de races spéciales et doi
vent se perpétuer, sous le contrôle
de l'Eglise gardienne de la hiérar
chie. » Je n'ai dit nulle part que
« les nobles etmanants, les patrons
et les ouvriers étaient, à l'origine,
des catégories de races spéciales v>.
J'ai dit le contraire à peu près tout
le long de l'ouvrage. J'admets, sans
doute, la diversité des fonctions so
ciales et, à ce titre, la distinction
entre patrons et ouvriers. Mais
j'affirme partout l'identité de race
et, de la part des supérieurs, la sé
vérité plus grande des devoirs. La
pensée fondamentale que je déve
loppe est ce texte de l'Evangile :
« Que celui qui veut être le premier
d'entre tous se. fasse le serviteur
de tous. » Je dis sans doute que
l'hérédité dans le bien est une foree
qu'il importe de mettre au service
de la société,— et n'est-il pas bon
de mettre une force de plus au ser
vice du bien social? — mais je de
mande formellement le fonctionne
ment d'une institution qui ait le
pouvoir de désanoblir les indignes.
Est-ce là vouloir que des « races
spéciales se perpétuent » ?
Aussi a-t-il fallu à M. Rouanet
une audace peu commune pour
écrire, à côté ae ces contre-vérités :
« La pensée catholique est naturel
lement calomniatrice. » Une affir
mation si grosse demande à être ap
puyée de quelques preuves. Le di
recteur de la Revue socialiste es
time son" public d'humeur assez
facile pour s'accommoder de celles
qu'il leur donne. Les voici. J'ai ca
lomnié M. Jaurès en disant qu'après
avoir « affiché la prétention cfa proté
ger les travailleurs, il s'était livré
aux juifs, leurs plus perfides enne
mis,et avait fait pour le cempte des
voleurs et des traîtres cette odieuse
campagne contre l'armée ». Vrai
ment si j'ai calomnié M. Jaurès en
disant cela, il faut déclarer que tous
les journaux et l'immense majorité
des Français l'ont calomnié aussi
en parlant dans le même sens, et
qu'il s'est calomnié lui-même en
publiant dans divers journaux des
articles qui n'étaient que des plai
doyers pour les juifs en général et
Dreyfus en particulier, deux fois
condamné pour trahison. Si le mot
de voleur est venu aussi sous ma
plume, c'est à cause de la coïnci
dence frappante qui a porté les
mêmes hommes à vouloir étouffer
l'affaire, du Panama et recommen
cer perpétuellement l'affaire Drey
fus. M. Rouanet a tort de ne pas
nous croire assez intelligents pour
apercevoir le sens qui se dégage, de
cette double énormité.
J'ai dit aussi : « Il serait à sou
haiter que les socialistes fussent
incorruptibles ; mais ils ne le sont
pas et ne le deviendront jamais,
tant qu'ils s'en tiendront à leurs
doctrines socialistes actuelles..»
M. Rouanet, en transcrivant cette
phrase, substitue le mot honnête au
mot incorruptible. La différence de -
sens est assez grande pour que je
puisse qualifier cette substitution
de déloyale.
Si j'avais écrit que les socialistes
ne sont pas « honnêtes », je parai- '
trais avoir voulu dire qu'ils ont
tous commis des malhonnêtetés ; ce
n'est pas ce que j'ai dit. J'ai écrit
qu'ils ne sont pas « incorrupti
bles », c'est-à-dire que, lorsqu'ils
auront besoin de puiser dans une
force morale supérieure de quoi
résister à une tentative de corrup
tion, ils ne trouveront pas cette
force, puisqu'ils se la sont enlevée
par l'athéisme. Leur honnêteté na
turelle peut 11e pas choir grâce à
FEUILLETON DE h'UNIVERS
DU 11 MARS 1901
SAffl ÏKffiï II ÎÀliL
VU DANS SA CORRESPONDANCE
Suite (1).
XVIII
Relations de Vincent avec les reines,
les dames de charité et les hauts
personnages. — La vraie reine est la
FILLE'DE CHARITÉ. — LETTRE A LA REINE
de Pologne. — Correspondance avec
LA REINE RÉGENTE. — LETTRE AUX DAMES
DE LA CHARITÉ DE PARIS. — MME LA
PRÉSIDENTE GOUSSANT. —LETTRÉS AUX
BIENFAITEURS. — ABONDANTES AUMÔ
NES.
Je voudrais montrer maintenant Vin
cent dans sa correspondance avec- ses
auxiliaires puissants, les reines, leg
dames de la charité, les hauts person
nages, dont la générosité lui vient en
aide dans ses entreprises charitables.
Au préalable, je crois cependant de
voir dire que la vraie reine, celle qui
l'aide davantage,donne le plus d'éclat à
ses oeuvres, est cette pauvre fille du peu
ple dont il avait fait une fille de la Cha-
(1) Voir l'Univers du 4 février.
rité. Celle-là, dit-il, est la reine qui sera
couronnée au ciel.
Les autres reines, la reine régente, la
reine de Pologne, comme les dames de
la charité, donnaient l'or et l'argent ;
l'humblç fille du peuple (2) donnait, elle,
sa vie avec une générosité sans pareille.
Elle ne tarda pas à devenir légion; les
Filles de la Charité se multiplièrent, en
effet, rapidement. Quelles charmantes
lettres il leur écrit pour les encourager
de plus en plus à ce don si généreux
d'elles-mêmes ! Mes yeux sont tombés
sur celle-ci : « Je suis fort réjoui, ma
chère sœur, écrit-il à l'une d'elles, de
l'avis que vous me donnez par votre chère
lettre et loue Dieu des bénédictions qu'il
donne à vos petits travaux; je l'en re
mercie de tout mon cœur et le supplie
que, par sa bonté, il ait pour agréable de
vous continuer ses bénédictions de plus
en plus, et de vous conserver en bonne
santé, vous et toutes vos chères sœurs
qui sont avec vous, lesquelles je salue
(2) Les Filles de la Charité, dans le prin
cipe, étaient d'humbles paysannes, de pau
vres filles du peuple conquises à Dieu et
aux immolations de la vie chrétienne par
les prédications de Vincent et de ses mis
sionnaires. Une raison qui fit qu'on ne vou
lut pas d'elles à l'IIôtel-Dieu de Paris où,
cependant les dames de la charité étaient
toutes-puissantes, c'est que ces humbles
filles n'avaient pas une éducation suffisante;
nous trouvons cela dans une le 'tro de Vin
cent à Mlle Le Gras. On remarquera cepen
dant avec quel grand respect il les traitait et
de quelle considération il les entourait.
avec toute l'affection qui m'est possible.
Je vous supplie avec elles d'être bien
soigneuses, autant que vos emplois vous
le pourront permettre, de bien fidèlement
observer vos règles et d'être bien hum
bles et bien soumises à tout ce que vous
ordonnera M. l'abbé Dedroit, touchant le
service des pauvres, croyant que c'est là
le vrai moyen de vous rendre de plus en
plus agréables aux yeux de Dieu et vraies
Filles de la Charité en laquelle je supplie
Notre-Seigneur de vous conserver jus
qu'à la mort, qui est le temps qu'il s'est
réBervé pour vous couronner et vous
donner la récompense de vos travaux.
Adieu, ma chèfe fille, je me recommande
à vos prières, en vous disant que j'écris
aussi à mon dit sieur l'abbé pour vous
recommander à lui, et que je suis tou
jours, comme vous savez, en l'amour de
Jésus-Christ, etc. » Il est difficile de ren
contrer quelque chose de plus gracieux.
Nous allons voir comment ij met ces
pauvres filles au rang de reines. Mlle Le
Gras envoie pour une fondation dans un
hôpital deux de ces saintes filles : le
voyage sera long et non sans danger; elle
les recommande aux prières de Vincent;
Le cœur du saint ne peut plus f al ors con
tenir son enthousiasme, il éclate, dans
une réponse à Mlle Le Gras, en des ter
mes qui sont d'une vraie éloquence :
« Très volontiers, dit-il, je prie Notre-Sei
gneur qu'il donne sa sainte bénédiction à
nos chères Sœurs et qu'il leur fasse part
de l 'esprit qu'il a donné aux saintes fem
mes qui l'accompagnaient et coopéraient
avec lui à son œuvre de charité. Bon
Dieu, mademoiselle, quel bonheur ont
ces bonnes filles de s'en aller continuer
la charité que Notre-Seigneur exerçait
sur la terre, au lieu où elles vont ! Et qui
le dirait, les voyant ensemble comme
elles sont dans ce coche, qu'elles s'en
vont pour une œuvre si admirable aux
yeux de Dieu et des anges? Oh! que le ciel
se réjouira de voir cela, et que les louan
ges qu'elles en auront dans l'autre monde
seront admirables ! Qu'elles iront la tête
levée au jour du jugement ! Certes, il
me semble que les couronnes et les em
pires sont de la boue en comparaison de
celles dont elles seront couronnées. Il ne
reste qu'à aviser qu'elles se comportent
dans l'esprit de la sainte Vierge en leur
voyage et en leur action. » Ici Vincent
donne des conseils pleins de sagesse, et
il termine ainsi sa lettre : a En agissant
de la sorte, il se trouvera devant Dieu
qu'elles auront mené une vie fort sainte,
et que, de pauvres filles, elles devien
dront de grandes reines au ciel. »
Je trouverais plus de vingt lettres ou
la cordialité chrétienne de Vincent pour
ces futures reines du ciel se manifeste
avec des éclats éblouissants et des char
mes qui ravissent. J'ai cru devoir consa
crer les premières lignes de cet article à
ces admirables Filles de la Charité. Pas
sons aux reines de la terre. J'ai hâte de
donner en entier la lettre suivante écrito
à la reine de Pologne (3) :
(3) Marie-Louise de Gonzague et de Ne-
a Madame, on me mande que Votre
Majesté a donné à la mission de Varsovie
le bénéfice de Clatkizi. Il'est fort consi
dérable, et cette grâce toute royale avec
laquelle vous nous l'avez donné me fait
prendre la confiance de remercier Votre
Majesté. Or, c'est, madame, ce que je
fais avec toute l'humilité et toute l'affec
tion qui me sont possibles. Je prie Notre-
Seigneur qu'il soit lui-même votre ré
compense et qu'il glorifie le nom de Vo
tre Majesté pour le bien qu'il y a lieu
d'espérer qui en proviendra. M. le supé
rieur de la mission me mande encore
que le produit dudit bénéfice pourra
donner commencement et quelque pro
grès au séminaire qui doit être établi,
qu'à cet effet nous lui envoyions douze
prêtres ; et c'est, madame, ce que je fe
rai par la première commodité. Il m'a
mandé de plus comment Votre Majesté a
dressé votre grand hôtel pour y faire
élever de pauvres filles par celles de la
Charité, et que déjà Yotre Majesté les y
a logées.
« Mlle Le Gras et nous, avons été fort
touchés, comme aussi la plupart des
pauvres filles de cette compagnie, qui
se trouvaient ici, il y a deux jours, à la
vers épousa Wladislas, roi de Pologne, en
1045. Elle était sœur de la célèbre Palatine
dont Bossuet fit l'oraison funèbre. La reine
régente l'avait dotée de £00,000 livres. Cette
pieuse "reine avait connu Vincent de Paul
i i'aaaeinblée des dames de la charité et
appela plus tard en Pologne les prôtres de
ja Mission et les Filles de la Charité,
conférence que je leur fis; et où je vis
sensiblement la reconnaissance de ces
pauvres filles qui est si grande que ja
mais je ne les avais vues si touchées que
pendant le récit que je leur fis de la
bonté que Votre Majesté a pour elles. Il
en fut de même quand je leur dis que
Votre Majesté filait et dévidait le fil qu'il
faut pour coudre le linge des pauvres.
Cela est sans exemple dans l'Eglise de
Dieu. Nous savons bien que l'histoire
nous fait voir une princesse qui filait le
fil qui devait servir à couvrir son corps,
mais je ne me ressouviens d'aucune qui
ait porté la piété au point que Votre Ma-
jesté l'a fait, en employant l'ouvrage de
ses mains au service des pauvres.Et "c'est,
madame, ce que je pense que. Notre-
Seigneur fait voir aHX anges et aux âmes
bienheureuses comme l'objet de leur ad
miration, et ce que l'Eglise voit en ça
même esprit. Loué soit Dieu, madame,
des grâces auxquelles il fait participer
Votre Majesté! Qu'il vous conserve long
temps pour édifier de la sorte son
Eglise! »
Il y a encore plusieurs autres lettres
pareillement gracieuses à la reine de
Pologne. Il écrit aussi à la reine régente,
mais le plus souvent ce sont des lettres
d'affaires. On voit, à la façon dont elles,
sont rédigées, qu'il avait ses entrées
libres et une grande autorité à la cour.
On se recommande à Vincent pour ob-
tefcir les faveurs d'Anne d 'Autriche. Il
prie quelquefois la reine de ne point se
laisser surprendre par les courtisans;
r ^ |
Lundi 11 Mars 1801
Edition auûiidienne. — 13,073
ÉDITI ON QUOTID IENNE
ÉTRANGER
(union postal^
. 61 • »
26 BO
14 D
PARIS
gï départements
Un as......... 40 »
Six mois „ 21 »
Trois mois..... 11 »
abonnements partent des i" et 16 do chaque mois
UN NUMÉRO i !*® ris 10 cent.
( Départements..... 15 —
BUREAUX : Paris, rue Cassette, 17
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
ET
LE MONDE
Lundi 11 Mars ÎSOÎ^
iDmow SEsa-QuoxmîEïSîffs
! , PARIS ÉTRANGER
S? DÉPARTEMENTS (UNIOH POSTALE)
Un an... 20 » 28 ®
Six mois. 10 » 18 »
Trois mois....» g » 6 BO
Etes abonnements partent des I e * et Î6 de ebaque mole
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits gui lui sent adressât
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C'«, 6, place de la Bourse
BBSKQnBBKBi
PARIS, 10 MARS 1901
SOMMAIRE
Le dernier recense
ment en Allema
gne H. O etty.
En Angleterre F. L.
Un document socia
liste .. Paul Lapeyre.
Correspondance ro
maine ***
Les funérailles de
Mgr Dabert. C. prieur.
L es conférences du ■
Luxembourg Edouard Alexandre
Ceux que j'ai con
nus. . A. Rabtoul.
Feuilleton : Saint
Vincent de Paul vu
dans-sa correspon
dance.. Chanoine B.
Bulletin. — Le doyen des curés. — La li
berté des pères de famille. — Un scan
dale à Lille. — L'affaire Déroulède-Buffet.
— Informations politiques et parlement
ialres. — Dans le Sud-Algérien. — Dé
pêches de l'étranger. — La fête du Pe
tit-Palais. — Chronique.— Lettres, scien
ces et arts. — Echos de partout. — Les
grèves. — Chronique religieuse. — Pro
fanations sacrilèges. — Eglise et patrie.
—• Nécrologie. — Guerre et marine. —
Tribunaux. — Nouvelles diverses. — Re
vue de la Bourse. — Calendrier.
LE DERNIER RECENSEMENT
EN ALIEMIGXE -
La dépopulation de la France,
préoccupe depuis de longues an
nées les esprits vraiment soucieux
de l'avenir de la patrie. Pendant
que, tout autour d'elle, les puissan
ces alliées ou rivales continuent
leur marche ascendante, la France
seule reste stationnaire, n'arrivant
Eas à atteindre les 40 millions, d'ha-
itants que depuis longtemps elle
aurait dû dépasser.
L'Allemagne obéit à un mouve
ment contraire. D'année en année,
de recensement à recensement, elle
voit sa population augmenter dans
des proportions toujours grandis-
. santés. Le dernier recensement ac
cuse la plus forte augmentation de
puis les soixante dernières années.
Cette augmentation est de 4 mil
lions, soit 7,78 pour cent, portant
la population de l'empire allemand
à 56,345,014 habitants, 27,731,067
personnes du séxe masculin et
28,613,"947 personnes du sexe fémi
nin. C'est donc près de 20 millions
d'habitants de plus que la France,
et cette augmentation extraordi
naire est le fait de trente années !
Les patriotes français trouveront
facilement les raisons de ce phéno
mène. Des voix autorisées dénon
cent le danger; elles se perdent
dans le désert, impuissantes à pro
duire un mouvement dans le sens
d'une réforme toujours. désirée et
jamais réalisée.
Sur les 56 millions d'habitants de
l'empire allemand, la Prusse comp
te 34 millions et demi, la Bavière 6
millions, la Saxe 4 millions. Le re
censement accuse 33 villes dépas
sant les 100,000 habitants avec une
population de 9,108,812 personnes.
La situation exceptionnellement
p'rospère de l'industrie et du com
merce allemands explique assez ce
nombre toujours croissant des
grandes villes. Les dernières sta
tistiques sur le travail allemand
témoignent de la puissante expan
sion des forces nationales. Aussi
bien l'émigration diminue : pour le
port de Hambourg il n'y a eu que
7,617- émigrants allemands sur
80,858 personnes qui sont allées à
l'étranger, 3,000 de moins qu'en
1899.
L'Alsace-Lorraine semble re -
prendre ses traditions.. d'autrefois
pour obéir à un mouvement de pro
gression. Le recensement du 1 er dé
cembre dernier a établi la présence
en Alsace-Lorraine d'une popula
tion de 1,717,451 personnes contre
1,640,986 en 1895. Il y a donc eu une
augmentation de 76,465 personnes,
soit 4,66 p. 100. :
La population totale .se répartit
de la manière suivante : Basse-Al
sace, 658,383 personnes, soit 38,33
p. 100; Haute-Alsace : 494,9ê2 per
sonnes, soit 28,82 p. 100; Lorraine,
564,116 personnes, soit 32,85- p. 100.
Les trois départements ont aug
menté le chiffre de leur population ;
la Basse-Alsace de 19,759, la Haute-
Alsace de 17,475, la Lorraine de
39,231 personnes.
Si l'en prend en considération les
résultats des recensements* anté
rieurs, on constate qu'il y a eu,
d'un recensement à l'autre, une
augmentation constante de la popu
lation dans les arrondissements d®
Strasbourg ville, Strasbourg cam
pagne, et Mulhouse, une diminution
constante dans les arrondissements
..de Schlestadt, Altkirch et Boulay.
Dans les autres districts, le mouve
ment est variable, tantôt augmen
tation, tantôt diminution.
En 1895,on comptait 111 commu
nes de plus de 2,000 habitants, au
jourd'hui il y en a 121, soit 10 en
plus. Cette population a augmenté
en cinq années de plus de 70,000
personnes. En 1895 la population
totale de ces csmmunes se chiffrait
par 756,643 habitants, en 1901 par
826,885 personnes. Les communes
de moins de 2,000 habitants accu
sent un chiffre de population de
890,566 personnes contre 884,343 en
1895.
Strasbourg est monté d© 135,608
habitants à 150,267, soit 14,660 per
sonnes en plus; Mulhouse compte
aujourd'hui 89,012 habitants contre
82,986 en 1895; Colmar se présente
avec 36,796 habitants contre 33,146.
Metz par contre a diminué de 1,370
habitants, 58,424 contre 59,794 en
1895.
En Alsace-Lorraine cemme dans
tout l'Empire d'Allemagne, l'aug
mentation se fait au détriment de la
campagne. La plupart des commu
nes rurales ont sensiblement dimi
nué de population. Tout se porte
vers la ville. Mais on a beau pous
ser le cri d'alarme, le mouvement
continue irrésistiblè et probable
ment le nouveau régime d'impôts
qu'on veut introduire ne l'arrêtera
point.
II. C ETTY.
ÏÏULLÈTI&C
L'événement d'hier, au point de vue
de la politique intérieure, c'est la. visite
officielle faite au président de la Répu
blique par le nouveau bureau nationa
liste du conseil municipal de Paris.
Le soir, M. et Mme Loubet ont assisté
à la fête donnée au Petit-Palais des
Champs Elysée5 par le conseil général
de la Seine.
Il va donc falloir changer d'ortho
graphe.
On annonce que M. Leygues a envoyé
line circulaire aux recteurs pour rendre
exécutoires - les réformes orthographi
ques adoptées par l'Académie française
et le conseil supérieur de l'instruction
publique.
De l'étranger, fort peu de nouvelles.
L'état de santé de Guillaume II est
satisfaisant. Toutefois, il ne pourra se
rendre après-demain à Munich, où ira
l'empereur d'Autriche, pour fêter l'an
niversaire du prince régent de Bavière.
En Chine, on continue de discuter la
question des indemnités. Disette d'in
formations ; on n'annonce même pas
un nouveau désaccord entre les puis-.
sances. .
Pas de changement dans la. situation,
militaire au Transvaal. On parle tou
jours des négociations entre lord Kit-
chener et le général Botha, mais sans
rien saveir de positif.
On annonce que les divers comités
boerophiles d'Europe et d'Amérique
viennent de se fédérer. Réunis à Paris,
leurs délégués vont s'occuper d'organi
ser une action commune.
EN ANGLETERRE
Deux, questions, entre toutes,
sont présentement à l'ordre du
jour chez nos voisins d'outre-Man
che, et préoccupent très vivement
l'opinion publique : 1° les négocia
tions de lord Ivitchener avec Te gé
néral Botha; 2* la réforme militaire.
Si, comme on l'espère à Lon
dres, les négociations du Transvaal
aboutissent, c'est probablement la
fin à bref délai de cette ruineuse,
de cette douloureuse guerre sud-
africaine, la fin d'un terrible et
obsédant cauchemar.
Quant à la question de la réforma
militaire, née ae cette guerre même,
les deux Chambres du Parlement
anglais viennent de s'en trouver
saisies assez diversement et d'une
façon retentissante.
A la Chambre des Lords, la ques
tion a été traitée à un point de vue
rétrospectif et personnel, dans une
discussion très vive où l'ex-généra-
lissime des armées britanniques, le
général lord Wolseley, et Fex-mi-
nistredela guerre, lord Lansdowne,
s* sont mutuellement reproché les
insuffisances de l'organisation mi
litaire et les graves défectuosités
qu'a mises en pleine, en triste lu
mière, la guerre sud-africaine.
Au demeurant, cette controverse
des deux nobles champions n'a
plus guèrë qu'un intérêt historique
ou de curiosité pour le public du
Continent. Tout autre est l'intérêt
qu'offre le projet de réformes mili
taires dont le ministre actuel de la
guerre,M. Brodrick, a fait avant-hier
l'exposé devant la Chambre des Com
munes. Sans abandonner encore,
pour le recrutement, le procédé ex
clusif des engagements, volontaires,
le projet comporte un ensemble de
réformes qui doivent accroître con
sidérablement les effectifs réels et
les facultés de mobilisation et de
transport par mer des armées brit
anniques, en même temps qu'elles
se trouveront pourvues d'un arme
ment mis au niveau des derniers
perfectionnements. On croit même
entrevoir, dans le passage de
l'exposé où M. Brodrick parle
de la question du recrutement, que
si, après cette nouvelle expé
rience, les engagements volontaires
ne suffisaient pas à procurer à la
Grande-Bretagne la force militaire
ample, vigoureuse et toujours'dis-
ponible qu'elle veut avoir,' et sur la
quelle elle veut pouvoir compter,
même à l'improviste, le gouverne
ment anglais n'hésiterait pas, chose
inouïe, à proposer l'adoption du
recrutementforcé et du service mi
litaire obligatoire!
La violence du courant impéria
liste, dans le Royaume-Uni, est telle
aujourd hui que le succès d'une si
étonnante réforme n'a plus rien
d'improbable.
L'Angleterre insulaire devenant,
grâce aux leçons de la guerre sud-
africaine, une grande puissance mi
litaire sur terre, en même temps
qu'elle reste la plus grande de tou
tes les puissances maritimes, c'est
une vision nouvelle à laquelle les
grands Etats du Continent doivent
se préparer.
F. L.
UN DOCUMENT SOCIALISTE
M. le député Rouanet a bien voulu
s'occuper de mon ouvrage le Ca
tholicisme social dans la Revue so
cialiste dont il est directeur. Son
droit assurément était de critiquer
mon livre et de démontrer de son
mieux qu'il ne vaut rien.
Je ne me suis jamais attendu à
convertir d'un coup les socialistes,
surtout ceux qui vivent du socia
lisme et lui doivent des places.
Mais j'ai aussi le droit de réclamer
contre les fausses interprétations
et les travestissements de ma pen
sée. Ce droit, je vais me permettre
d'en user à l'égard de M. Roua
net.
Le directeur de la Revue socialiste
commence par faire un rapproche
ment ou plutôt une opposition entre
le livre de M. Max Tùrmann sur le
Développement du catholicisme so
cial depuis l'encyclique Rerum no-
varum, qu'il vient d'analyser, et le
mien dont il entame le compte
rendu. « Là où M. Turmann* dit-il,
s'étend complaisamment, exagé
rant la portée des œuvres, s'ex-
tasiant sur les merveilles réali
sées par le catholicisme, M. La-
peyre ne voit que fantasmagorie
et vain décor, verbiage creux, pa
rades stériles. » Ce que dit cette
phrase est absolument inexact. J'ai
sur le mouvement catholico-social
et sur les œuvres qu'il a produites,
la même opinion que M. Turmann.
Il suffit de lire la préfacé de mon
troisième volume pour s'en convain
cre. Si j'ai signalé en de nombreux
passages de la fantasmagorie et du
vain décor, c'est justement dans ce
qui a été fait en dehors et à l'en-_
contre du catholicisme social. Cette
distinction, qui est capitale, fait
tout le fond de mon ouvrage. Il est
singulier que M. Rouanet donne
"comme ma pensée ce qui en ést le
contré-pied. Et pourtant M. Roua
net passe pour intelligent. D'où
peut donc provenir une telle mé
prise?
Evidemment, M. Rouanet avait
son siège fait d'avance. Il fallait,
coûte que coûte, qu'il aboutît à la
conclusion qu'il nous présente en
ces termes: « Impuissance et déri
sion! Voilà la mouvement social
catholique... Impuissante et déri
soire pour le bien, cette force (l'E
glise) est toute-puissante pour le
mal. On l'a bien vu'dans l'affaire
Dreyfus. AyoQS garde, donc, de la
mépriser, sous peine de nous aper
cevoir trop tard des dangers que
« l'Infâme » sème sous nos pas. »
Comment a-t-il pu donner une
apparence de logique à une conclu
sion -venant après l'analyse d'un
livre qui, d'un bout à l'autre, est
un plaidoyer pour la cause du peu
ple et un appel à la réconciliation
des claese3 *? C'est bien simple : en
donnant comme l'expression de
l'essence du catholicisme — avouée
par nous-mêmes — ce que nous si
gnalons comme des imperfections,
des abus, des déviations à corriger.
Ainsi, M. Rouanet Cite de mqp
livre les phrases suivantes : « La
plupart des ecclésiastiques qui vi
vent dans les centres ouvriers et
agricoles ne se mêlent pas plus à
ces populations que l'eau avec
l'huile... Une fois prêtre, le fils de
paysan ne se considère plus comme
appartenant à la même classe so
ciale que ses parents. » Ces phra
ses qui expriment un état de choses
récent, local, transitoire et que je
ne signale que parce que j'ai le désir
et l'espoir de le voir disparaître,
M. Rouanet voudrait faire croire
qu'elles affirment un fait général,
permanent et nécessaire. « Le
clergé, dit M. Rouanet, ne s'adresse
pas aux humbles, ne vit pas pour
eux, ne se mêle ni à leurs joies, ni
à leurs douleurs... -La place du
prêtre est, aujourd'hui comme hier,
comme toujours, ^marquée au châ
teau du bourgeois parvenu, comme
elle le fut jadis dans le manoir féo
dal du seigneur enrichi par les ra
pines et le pillage. » Je laisse ces
affirmations au directeur de la
Revue socialiste. Je n'ai jamais dit
pareille chose ; et je ne l'ai pas dit
parce que je ne l'ai pas vu dans
l'histoire. Si je l'y avais vu, je n'au
rais pas écrit mon livre, ou plutôt je
l'aurais écrit dans un sens tout
opposé.
J'ai vu sans doute dans l'his
toire bien des cas de négligence,
d'abus et même de corruption.
Mais ces cas, tout exceptionnels,
ne ressortent précisément que- par
ce que le fond général est l'observa
tion de la règle. Et la règle fonda
mentale a été, et reste aujourd'hui
comme toujours, que le clergé est la
providence des malheureux, l'appui
du peuple, le soutien des faibles, la
source humaine de la miséricorde
et de la charité. C'est pour rappeler
les catholiques à ces traditions
incontestables, un peu oubliées de
nos jours; que j'ai écrit mon ou
vrage. M. Rouanet pense-t-il que je
serais assez fou pour engager les
catholiques dans des voies absolu
ment nouvelles ?Dans l'Eglise, in
nombrables sont les réformateurs,
c'est-à-dire ceux qui veulent rame
ner à l'Evangile ou y maintenir les
foules chrétiennes ; mais les trans
formateurs n'existent pas. Le ca
tholicisme social n'est pas autre
chose que le catholicisme pris dans
ses traditions légitimes, ce qui
n'exclut pas d'ailleurs les dévelop
pements logiques de ces tradi
tions.
Autre exemple de l'habileté avec
laquelle M. Rouanet a su dénaturer
ma pensée : il cite la phrase sui
vante de mon livre : « Les protes
tants trouvent dans la foi et certains
catholiques dans la confession un
moyen fort ingénieux pour vivre
dans le mal. ». Voici le commen
taire qu'en fait M. Rouanet : « Vous
saisissez le procédé. Tous les pro
testants vivent dans le mal, cer-?
tains catholiques, tout en observant
les règles de l'Eglise, y vivent aussi.
Mais c'est le petit nombre, tandis
que chez les protestants, c'est l'u
nanimité. . » Ce commentaire diffère
totalement du sens que j'ai voulu
donner à ma pensée, ainsi qu'en
témoigne le contexte. J'ai si peu
voulu dire que certains catholiques
vivaient mal tout en observant les
règles de l'Eglise, que le chapitre
auquel est empruntée la citation a
été écrit, précisément, pour rappe
ler que les catholiques qui agissent
ainsi, violent les règles de l'Eglise,
et se font de la confession une idée
fausse, notamment au sujet de la
satisfaction, de la contrition et du
bon propos. En cela ils sont igno-
pants ou inconséquents. Je n'ai pas
dit davantage que tous les protes
tants vécussent dans le mal ; j'ai dit
que leur principe du salut par la foi
seule, poussé à sa conséquence lo
gique, est de nature à les rendre
très indulgents pour eux-mêmes,
grâce à Ta facilité excessive qu'ils
trouvent dans la miséricorde di
vine. Et il est évident que leur prin
cipe, déroulé à fond, doit aboutir
là. Mais je suis le premier à recon
naître que tous les protestants
n'arrivent pas à cette extrémité. Di
verses influences salutaires en re
tiennent beaucoup à différents de
grés dans une heureuse inconsé
quence. Ainsi par inconséquence,
certains catholiques vivent mal ;
par inconséquence aussi, certains
protestants, beaucoup si l'on veut,
vivent bien. 'Mais il vaudrait mieux
n'être ni inconséquent ni pécheur.
On voit combien M. Rouanet a mal
traduit ma pensée.
Il ne s'est pas borné à ce seul
travestissement. Voici en quels ter
mes il résume mes idées sur l'or
ganisme social : « Supérieurs, infé
rieurs, nobles et manants, patrons
et ouvriers sont, à l'origine, des ca
tégories de races spéciales et doi
vent se perpétuer, sous le contrôle
de l'Eglise gardienne de la hiérar
chie. » Je n'ai dit nulle part que
« les nobles etmanants, les patrons
et les ouvriers étaient, à l'origine,
des catégories de races spéciales v>.
J'ai dit le contraire à peu près tout
le long de l'ouvrage. J'admets, sans
doute, la diversité des fonctions so
ciales et, à ce titre, la distinction
entre patrons et ouvriers. Mais
j'affirme partout l'identité de race
et, de la part des supérieurs, la sé
vérité plus grande des devoirs. La
pensée fondamentale que je déve
loppe est ce texte de l'Evangile :
« Que celui qui veut être le premier
d'entre tous se. fasse le serviteur
de tous. » Je dis sans doute que
l'hérédité dans le bien est une foree
qu'il importe de mettre au service
de la société,— et n'est-il pas bon
de mettre une force de plus au ser
vice du bien social? — mais je de
mande formellement le fonctionne
ment d'une institution qui ait le
pouvoir de désanoblir les indignes.
Est-ce là vouloir que des « races
spéciales se perpétuent » ?
Aussi a-t-il fallu à M. Rouanet
une audace peu commune pour
écrire, à côté ae ces contre-vérités :
« La pensée catholique est naturel
lement calomniatrice. » Une affir
mation si grosse demande à être ap
puyée de quelques preuves. Le di
recteur de la Revue socialiste es
time son" public d'humeur assez
facile pour s'accommoder de celles
qu'il leur donne. Les voici. J'ai ca
lomnié M. Jaurès en disant qu'après
avoir « affiché la prétention cfa proté
ger les travailleurs, il s'était livré
aux juifs, leurs plus perfides enne
mis,et avait fait pour le cempte des
voleurs et des traîtres cette odieuse
campagne contre l'armée ». Vrai
ment si j'ai calomnié M. Jaurès en
disant cela, il faut déclarer que tous
les journaux et l'immense majorité
des Français l'ont calomnié aussi
en parlant dans le même sens, et
qu'il s'est calomnié lui-même en
publiant dans divers journaux des
articles qui n'étaient que des plai
doyers pour les juifs en général et
Dreyfus en particulier, deux fois
condamné pour trahison. Si le mot
de voleur est venu aussi sous ma
plume, c'est à cause de la coïnci
dence frappante qui a porté les
mêmes hommes à vouloir étouffer
l'affaire, du Panama et recommen
cer perpétuellement l'affaire Drey
fus. M. Rouanet a tort de ne pas
nous croire assez intelligents pour
apercevoir le sens qui se dégage, de
cette double énormité.
J'ai dit aussi : « Il serait à sou
haiter que les socialistes fussent
incorruptibles ; mais ils ne le sont
pas et ne le deviendront jamais,
tant qu'ils s'en tiendront à leurs
doctrines socialistes actuelles..»
M. Rouanet, en transcrivant cette
phrase, substitue le mot honnête au
mot incorruptible. La différence de -
sens est assez grande pour que je
puisse qualifier cette substitution
de déloyale.
Si j'avais écrit que les socialistes
ne sont pas « honnêtes », je parai- '
trais avoir voulu dire qu'ils ont
tous commis des malhonnêtetés ; ce
n'est pas ce que j'ai dit. J'ai écrit
qu'ils ne sont pas « incorrupti
bles », c'est-à-dire que, lorsqu'ils
auront besoin de puiser dans une
force morale supérieure de quoi
résister à une tentative de corrup
tion, ils ne trouveront pas cette
force, puisqu'ils se la sont enlevée
par l'athéisme. Leur honnêteté na
turelle peut 11e pas choir grâce à
FEUILLETON DE h'UNIVERS
DU 11 MARS 1901
SAffl ÏKffiï II ÎÀliL
VU DANS SA CORRESPONDANCE
Suite (1).
XVIII
Relations de Vincent avec les reines,
les dames de charité et les hauts
personnages. — La vraie reine est la
FILLE'DE CHARITÉ. — LETTRE A LA REINE
de Pologne. — Correspondance avec
LA REINE RÉGENTE. — LETTRE AUX DAMES
DE LA CHARITÉ DE PARIS. — MME LA
PRÉSIDENTE GOUSSANT. —LETTRÉS AUX
BIENFAITEURS. — ABONDANTES AUMÔ
NES.
Je voudrais montrer maintenant Vin
cent dans sa correspondance avec- ses
auxiliaires puissants, les reines, leg
dames de la charité, les hauts person
nages, dont la générosité lui vient en
aide dans ses entreprises charitables.
Au préalable, je crois cependant de
voir dire que la vraie reine, celle qui
l'aide davantage,donne le plus d'éclat à
ses oeuvres, est cette pauvre fille du peu
ple dont il avait fait une fille de la Cha-
(1) Voir l'Univers du 4 février.
rité. Celle-là, dit-il, est la reine qui sera
couronnée au ciel.
Les autres reines, la reine régente, la
reine de Pologne, comme les dames de
la charité, donnaient l'or et l'argent ;
l'humblç fille du peuple (2) donnait, elle,
sa vie avec une générosité sans pareille.
Elle ne tarda pas à devenir légion; les
Filles de la Charité se multiplièrent, en
effet, rapidement. Quelles charmantes
lettres il leur écrit pour les encourager
de plus en plus à ce don si généreux
d'elles-mêmes ! Mes yeux sont tombés
sur celle-ci : « Je suis fort réjoui, ma
chère sœur, écrit-il à l'une d'elles, de
l'avis que vous me donnez par votre chère
lettre et loue Dieu des bénédictions qu'il
donne à vos petits travaux; je l'en re
mercie de tout mon cœur et le supplie
que, par sa bonté, il ait pour agréable de
vous continuer ses bénédictions de plus
en plus, et de vous conserver en bonne
santé, vous et toutes vos chères sœurs
qui sont avec vous, lesquelles je salue
(2) Les Filles de la Charité, dans le prin
cipe, étaient d'humbles paysannes, de pau
vres filles du peuple conquises à Dieu et
aux immolations de la vie chrétienne par
les prédications de Vincent et de ses mis
sionnaires. Une raison qui fit qu'on ne vou
lut pas d'elles à l'IIôtel-Dieu de Paris où,
cependant les dames de la charité étaient
toutes-puissantes, c'est que ces humbles
filles n'avaient pas une éducation suffisante;
nous trouvons cela dans une le 'tro de Vin
cent à Mlle Le Gras. On remarquera cepen
dant avec quel grand respect il les traitait et
de quelle considération il les entourait.
avec toute l'affection qui m'est possible.
Je vous supplie avec elles d'être bien
soigneuses, autant que vos emplois vous
le pourront permettre, de bien fidèlement
observer vos règles et d'être bien hum
bles et bien soumises à tout ce que vous
ordonnera M. l'abbé Dedroit, touchant le
service des pauvres, croyant que c'est là
le vrai moyen de vous rendre de plus en
plus agréables aux yeux de Dieu et vraies
Filles de la Charité en laquelle je supplie
Notre-Seigneur de vous conserver jus
qu'à la mort, qui est le temps qu'il s'est
réBervé pour vous couronner et vous
donner la récompense de vos travaux.
Adieu, ma chèfe fille, je me recommande
à vos prières, en vous disant que j'écris
aussi à mon dit sieur l'abbé pour vous
recommander à lui, et que je suis tou
jours, comme vous savez, en l'amour de
Jésus-Christ, etc. » Il est difficile de ren
contrer quelque chose de plus gracieux.
Nous allons voir comment ij met ces
pauvres filles au rang de reines. Mlle Le
Gras envoie pour une fondation dans un
hôpital deux de ces saintes filles : le
voyage sera long et non sans danger; elle
les recommande aux prières de Vincent;
Le cœur du saint ne peut plus f al ors con
tenir son enthousiasme, il éclate, dans
une réponse à Mlle Le Gras, en des ter
mes qui sont d'une vraie éloquence :
« Très volontiers, dit-il, je prie Notre-Sei
gneur qu'il donne sa sainte bénédiction à
nos chères Sœurs et qu'il leur fasse part
de l 'esprit qu'il a donné aux saintes fem
mes qui l'accompagnaient et coopéraient
avec lui à son œuvre de charité. Bon
Dieu, mademoiselle, quel bonheur ont
ces bonnes filles de s'en aller continuer
la charité que Notre-Seigneur exerçait
sur la terre, au lieu où elles vont ! Et qui
le dirait, les voyant ensemble comme
elles sont dans ce coche, qu'elles s'en
vont pour une œuvre si admirable aux
yeux de Dieu et des anges? Oh! que le ciel
se réjouira de voir cela, et que les louan
ges qu'elles en auront dans l'autre monde
seront admirables ! Qu'elles iront la tête
levée au jour du jugement ! Certes, il
me semble que les couronnes et les em
pires sont de la boue en comparaison de
celles dont elles seront couronnées. Il ne
reste qu'à aviser qu'elles se comportent
dans l'esprit de la sainte Vierge en leur
voyage et en leur action. » Ici Vincent
donne des conseils pleins de sagesse, et
il termine ainsi sa lettre : a En agissant
de la sorte, il se trouvera devant Dieu
qu'elles auront mené une vie fort sainte,
et que, de pauvres filles, elles devien
dront de grandes reines au ciel. »
Je trouverais plus de vingt lettres ou
la cordialité chrétienne de Vincent pour
ces futures reines du ciel se manifeste
avec des éclats éblouissants et des char
mes qui ravissent. J'ai cru devoir consa
crer les premières lignes de cet article à
ces admirables Filles de la Charité. Pas
sons aux reines de la terre. J'ai hâte de
donner en entier la lettre suivante écrito
à la reine de Pologne (3) :
(3) Marie-Louise de Gonzague et de Ne-
a Madame, on me mande que Votre
Majesté a donné à la mission de Varsovie
le bénéfice de Clatkizi. Il'est fort consi
dérable, et cette grâce toute royale avec
laquelle vous nous l'avez donné me fait
prendre la confiance de remercier Votre
Majesté. Or, c'est, madame, ce que je
fais avec toute l'humilité et toute l'affec
tion qui me sont possibles. Je prie Notre-
Seigneur qu'il soit lui-même votre ré
compense et qu'il glorifie le nom de Vo
tre Majesté pour le bien qu'il y a lieu
d'espérer qui en proviendra. M. le supé
rieur de la mission me mande encore
que le produit dudit bénéfice pourra
donner commencement et quelque pro
grès au séminaire qui doit être établi,
qu'à cet effet nous lui envoyions douze
prêtres ; et c'est, madame, ce que je fe
rai par la première commodité. Il m'a
mandé de plus comment Votre Majesté a
dressé votre grand hôtel pour y faire
élever de pauvres filles par celles de la
Charité, et que déjà Yotre Majesté les y
a logées.
« Mlle Le Gras et nous, avons été fort
touchés, comme aussi la plupart des
pauvres filles de cette compagnie, qui
se trouvaient ici, il y a deux jours, à la
vers épousa Wladislas, roi de Pologne, en
1045. Elle était sœur de la célèbre Palatine
dont Bossuet fit l'oraison funèbre. La reine
régente l'avait dotée de £00,000 livres. Cette
pieuse "reine avait connu Vincent de Paul
i i'aaaeinblée des dames de la charité et
appela plus tard en Pologne les prôtres de
ja Mission et les Filles de la Charité,
conférence que je leur fis; et où je vis
sensiblement la reconnaissance de ces
pauvres filles qui est si grande que ja
mais je ne les avais vues si touchées que
pendant le récit que je leur fis de la
bonté que Votre Majesté a pour elles. Il
en fut de même quand je leur dis que
Votre Majesté filait et dévidait le fil qu'il
faut pour coudre le linge des pauvres.
Cela est sans exemple dans l'Eglise de
Dieu. Nous savons bien que l'histoire
nous fait voir une princesse qui filait le
fil qui devait servir à couvrir son corps,
mais je ne me ressouviens d'aucune qui
ait porté la piété au point que Votre Ma-
jesté l'a fait, en employant l'ouvrage de
ses mains au service des pauvres.Et "c'est,
madame, ce que je pense que. Notre-
Seigneur fait voir aHX anges et aux âmes
bienheureuses comme l'objet de leur ad
miration, et ce que l'Eglise voit en ça
même esprit. Loué soit Dieu, madame,
des grâces auxquelles il fait participer
Votre Majesté! Qu'il vous conserve long
temps pour édifier de la sorte son
Eglise! »
Il y a encore plusieurs autres lettres
pareillement gracieuses à la reine de
Pologne. Il écrit aussi à la reine régente,
mais le plus souvent ce sont des lettres
d'affaires. On voit, à la façon dont elles,
sont rédigées, qu'il avait ses entrées
libres et une grande autorité à la cour.
On se recommande à Vincent pour ob-
tefcir les faveurs d'Anne d 'Autriche. Il
prie quelquefois la reine de ne point se
laisser surprendre par les courtisans;
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