Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-03-08
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 mars 1901 08 mars 1901
Description : 1901/03/08 (Numéro 12070). 1901/03/08 (Numéro 12070).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710661z
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
"Vendredi 8 Mars 1601
Edition quotidienne. •— 12,070
Vendredi 8 Mars
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ^ ÉTRANGER
. st départements (union postale}
Un an ...40 » 51 » •
Six mois...... 21 » 26 50
Trois mois 11 » 14 »
Si63 abonnements partent des 1 er et 13 de oïtaqae mois
UN NUMÉRO i \?® ris
[ Départements.:...
10 cent.
15 -
ET
BUREAUX : Paria, rue Cassette» 1?
On s'abonne à Rome, place du Gesù,8
PARIS, - 7 MARS 1901
•JSOMi&lAIXtta
P ierre V eoiuot.
J oseph L eoueu.
ÛWï
U n vicaire de cam
pagne.
H yacinthe G lottin.
edouard alexandre
Un homme de bon
sens i...
Çà et lî : Un juge
ment téméraire.,..
Le parlement fran
çais vu.de Rome..
Les affirmations de
M "W aldeck-Rous-
■■■ ■ ■ 862111 •• •
Les congrégations
autorisées d'hom
mes...............
Les conférences li
bres de l'Institut
catholique........
Bulletin. — Qu'eBt devenu Léo Taxil?- r-
Pour la liberté. — La loi sur les associa
tions. — Le doyen des curés, rr- Infozma
tions politiques et parlementaires.
L'affaire Buffet-Déroulèdel — Un attén-
" tat contre Guillaume II. —■ En Espagne.
— En Angleterre. — La guerre du f rans-
vaal. —.En Chine. — Dépêche» de l'é
tranger. -y Chronique. — Lettres, scien
ces et *rtï ■ - —* : Les; grèves. — Ecbo* d«
partout- — Société des agriculteurs de
France.— Néorologie. —■ Les obsèques
du général Henrion Bertier. — Querre et
marinel — Tribunaux. — L'attentat con
tre M. B. Desohanel. — Nouvelles diver
ses. —■ Calendrier. — Bourse et bulletin
financier. — Dernière heure.
UN HOMME DE BON SENS
No# jacobins ont déjà tiréun par
ti trop avantageux de l'équipée de
Reuilly et des incidents connexes,
pour ne point essayer d'en profiter
encore; On les a aonc vus s'effor
cer de prendre les-révélations de
M. Déroulède au sérieux. Ils récla-.
maient une nouvelle convocation de
la Haute-Cour et. des poursuites
contre M. Charles Dupuy, flanqué
de plusieurs généraux.
Mais le chef de la Ligue des Pa
triotes a si bien fait, que M. Ranc
lui-même .commence à craindre
d'être ridicule. L'ancien sénateur
n'ose pas insister. Comment soute :
nir qu'une reprise du procès s'im
pose, et beaucoup plus grave que
les ^débats d'il y a quinze mois,
quand -il faudrait baser toute cette
grosse affaire sur des propos de M.
Déroulède ?... Ce dernier est jugé,
maintenant, de façon définitive, et ce
ne sont pas ses amis qui se mon
trent les moins sévères. Si l'exilé de
Saint-Sébastien veut pourfendre,
après M. Buffet, tous ceux qui font
obstacle à ce qu'on le prenne au sé
rieux, il ne devra pas s épargner lui-
même ; il a droit, plus que personne,
à sôii coup d'épée ou de pistolet.
Il en réchappera, espérons-le, et
Êermettons-nous de lui donner u.ri
on conseil pour sa conduite après
cette crise. C'est d'imiter M. Char
les Dupuy. En voilà un qui, ne se
compromettra point par des dis
cours et des explications ! Il a été
bien attaqué, depuis quelques jours,
v à propos de son attitude comme
chef du gouvernement lors de l'é
quipée de M. Déroulède. Plusieurs
. journaux demandaient qu'il fût in
culpé de haute trahison. Sans aller
jusque-là, des radicaux de marque,
qui ont autorité sur le ministère et
le Parlement, insinuaient que lé
rôle de l'ancien président du con
seil leur paraissait fort suspect ; ils
ajeutaient qu'il fallait éclaircir à
fond cette affaire. M. Charles Dupuy
n'a pas soufflé mot. Il n'a pas mema
eu 1 air d'èntendre. Il est plus fort
que M. Déroulède.
Maintenant, l'émotion tombe ; elle
était d'ailleurs artificielle.. Ceux,
très nombreux du reste, qui"avaient,
dès le premier jour,refusé de pren
dre au sérieux les propos où M. Dé
roulède se proclamait un conspira
teur sérieux, sont justifiés. En ce
qui concerne M. Dupuy, on com
mence à reconnaître que son calme
■ et son mutisme prouvent qu'il est
hemme de bon sens.
Il l'est Mais on pouvait s'en dou
ter déjà ;. car il l'avait démontré
d'une façon plus probante encore,
à notre avis, dans une autre occa
sion, et c'est justement quand il
était président du conseil, au mo
ment de la fameuse équipée. Ce
jour-là, M. Charles Dupuy a été
homme de bon sens, dans toute
la force du terme.
Il est naïf, le président de la Li
gue des Patriotes ! C'est le 23 fé-
vrier, à deux heures du matin, qu'il
s'est aperçu de là présence* parmi
ses fidèles, d'un agent de M., le duc.
d'Orléans. Découverte tardive. Ët il
ne paraît point encore s'être avisé
de cette réflexion, qu'il devait y
avoir aussi, dans son entourage,
quelqu'un de la police.
Le doute ne nous semble pas per
mis là-dessus. Un conspirateur aussi
bruyant que M. Déroulède attire
trop, violente trop l'attention pour
n'être pas surveillé. Tout le monde
savait que le chef des Patriotes s'a
gitait ^impossible au gouvernement
de ne point s'en apercevoir. M.
Dupuy, sans y attacher beaucoup
d'importance, a dû s'en occuper un
peu et se ménager des informations
captées à la source.
L'entendez-vous monologuer dans
son cabinet, M. le président du con
seil,le matin des obsèques de Fé
lix Faure?— Ce Déroulède, il a
tenu des conciliabules jusqu'à trois
heures, cette nuit, d'après les rap
ports de mes agents. Pourvu que
cet écervelé, qui se fait illusion sur
son prestige et sa force, n'aille pas,
cet après-midi, essayer de susciter
quelque désordre, quelque échauf-
fourée ! Pourvu qu'il ne me mette
point dans la nécessité de sévir,un.
peu brutalement, ce qui donnerait'
à croire que la situation est vrai
ment grave et augmenterait l'effer
vescence des, esprits! Sans doute, !
c'est un « hanneton », comme dit
M. ,de Cassagnac, mais brave et ré
solu. Voilà le cas ou jamais de pré
venir, afin de n'avoir point à ré
primer, Tout au moins, s'il fait, une
algarade, arrangeons-nous pour que,
ce soit un avortement. Nous pour- i
rons le traiter par le ridicule, sys
tème de la douche...
Et M. Dupuy, se promenant de
long en large, continue : — Le plus
"malheureux serait qu'un général ou
colonel, entraîné presque malgré
lui et perdant la tête, né commit
quelque sottise à l'ardente sollicita
tion de Déroulède. Ce général ou
colonel n'irait pas loin, je crois ;
mais quelle affaire, peut-être quel
exemple ! Et quelle répercussion l
Pour le coup; il faudrait se montrer
rigoureux. Evitons d'être conduit à
cette extrémité. A tout hasard, je
vais faire modifier la répartition des
troupes.. Les chefs seront changés
de place. Nous dérouterons ainsi
notrecônspirateur... . .
Le conspirateur fut dérouté, en
effet. Il ne voulut pas cependant
avoir tramé un complot et préparé
un attentat pour rien. Il fit son équi
pée. Se souvient-on. du succès de
ridicule? L'issue de l'affaire rédui
sait M. Déroulède à l'impuissance;
il est vrai que le changement n'était
pas considérable: : Quelque»; mois
plus tard, convoquant la Haute-
Cour, lé ministère Waldeck-Rous
seau s'efforçait, pour les besoins de
sa politique, de transformer le chef
des Patriotes en conspirateur sé
rieux. Mais l'exilé de Saint-Sébas
tien y à mis bon ordré. Vraiment ce
n'était pas la peine de faire tant
d'histoires et de causer tant de
troubles pour revenir au résultat
que M. Charles Dupuy, avec son
bon sens, avait obtenu si vite et si
facilement.
■ Pierre Veuillôt.
*BULLETI&C
La Chambre se réunit aujourd'hui et
continue la diseussion.de la loi sur le
droit d'association.
- Les électeurs deJLa-deuxième circons-
cription d'Angoulême et ceux de Ram
bouillet sont convoqués pour le 31 mars
afin d'élire leurs députés en remplace
ment de M M.. Déroulède et Marcel Ha-
bert.
M. Miller and vient d'adresser une
circulaire aux préfets pour leur donner
des instructions sur l'application du
décret organisant les conseils du travail.
On trouvera aux Information» l'analyse
de ce document officiel. '•
Hier, à: Brème, Guillaume II a été
Vobjet d'un attentât : un individu qui
* dit être ouvrier et qui paraît avoir l'es-
,j?nf déséquilibré, a lancé sur la voiture
impériale un morceau de fer qui a bles
sé légèrement le souverain à la joue.
En Espagne, M. Sagasta est arrivé à
constituer un cabinet. On trouvera plus.
loin le nom des-nouveaux ministres qui
ont prêté serment. Le général Weyler,
qui a reçu le portefeuille de la guerre,
vient de lever l'état de siège.
En Portugal, on signale de nouvelles•
manifestations contre les catholiques. On
mande, en effet, d'Oporto que, dans la
nuit de dimanche, on jeta des pierres
contre le collège du Sacré-Cœur, situé;
dans un faubourg de la ville. La police
a. arrêté douze individus.
Le ministre de la guerre a donné
l'ordre de consigner les troupes.
Une information de source officielle
dément que Vempereur de Chine ait
l'intention de retourner à Pékin et
même de quitter actuellement Si-N'g an-
Fou.
Çà et là
UN JUGEMENT TEMERAIRE
... C'était un grand vieillard un peu
courbé, à demi paralytique,et tout à fait
sourd. Dans le quartier Martainville, où
la plupart des miséreux de Rouen cachent
leur détresse et parfois leurs révoltes, le
bonhomme était connu sous le nom de
« père Sans-Peur «...probablement parce
qu'il était timide à l'excè8, d'une timidité
d'enfant, ou encore de pauvre qui, à
force de heurter des obstacles sur le che
min de l'existencè, a perdu le courage
d'en affronter de nouveaux. Son nom vé
ritable était d'une saveur bien rouen-
jiaise : le très humble héros de cette très
humble anecdote s'appelait Crochemore.
Et un parrain facétieux avait, à l'aube
du dernier siècle, affublé le pauvre
diable du prénom de Magloire, ce qui
prouve une fois de plus que comme
pince-sans-rire, les Normands sont bien
supérieurs aux Gascons et aux Marseil
lais (c'est un Normand qui parle).
Magloire Crochemore n'avait pas d'his
toire, et pourtant, il n'était guère heu
reux. Durant un demi-siècle, il avait,
moyennant 150 francs d'honoraires men
suels, moulé de belles lettres anglaises,
bâtardes, gothiques, et des chiffres ara
LE MONDE
ÉDITION SSm-QUOTEDIENNE
PARIS ÉTRANGES
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■ L'UMVERS ne répond pas dés manuscrits qui M sont adressés
---ANNONCES '"■■■• •
' MM. LAGRANGE, CERF et C 1 ®, 6, place de la Bourse
bes garantis bon teint, sur les grands
livres d'un petit marchand de rouenne-
ries. Celui-ci ayant fait faillite, son fidèle!
comptable se trouva sans placé à soixante-
dix ans. Tandis que le vieil employé re
tournait vers sa chambrette, n'ayant pas
même la force de "pleurer; d'envisager;
les jours de jeûne et de froidure qui lé
conduiraient lentement à une mort igno
rée, il aurait entendu, si déjà il n'avait
« été de l'oreille », que quelqu'un, d'un
pas rapide, marchait derrière lui. Un
jeune homme qui ne payait pas de mine,
avec son visage blême ét son veston râpé,
le rejoignit devant l'admirable portail dé
l'église Saint-MacloU, dentelle de pierre
que tissèrent des artistes croyants, et
que peu à peu les années effritent. Et
une voix fraîche cria bientôt près du
vieillard :
—. Père Crochemore vous n'allez pas
être heureux.. Je crains bien que vous ne;
trouviez plus à employer votre calligra
phie, pourtant si ' pleine; de mérite. Il ne
fait guère bon chercher un emploi, lors
qu'on porte comme vous une .tête couron
née de neige. Peut-être .rêvez-vôus d'en
trer à l'hospice ? Mais,vous le savez bien,;
pour être admis dans ce dernier asile de ;
la misère, il ne faut point être.si dénué;
de tout qu'on n'ait pas même ùn appui...
C'est votre cas, pauvre père Magloire, et!
ce fut le mien... Vous souvient-il du jour
où,sortarit de l'orphelinat de Saint-Guil-'
laume, je débutai chez le patron, il y -»
six ans? Tout était nouveau pour moi, les
étoffes, les grands livres, et les clients, et
les commis. On songeait à railler mon
inexpérience, bien plutôt qu'à l'éclairer.
On me facilitait des « gaffes » qui me fe
raient congédier dans un délai très bref.
Alors un vieillard se pencha vers moi,
d'un geste paternel. Il m'initia aux mys
tères de la cour du « roi Coton», et de la
comptabilité en partie double: Grâce à
ses leçons, et à ma jeunesse aussi, je ne
suis plus en peine de retrouver un emploi,
au moins provisoire. Et . pour ce protec
teur d'hier, qui aujourd'hui souffre, il me
serait doux d'être un ûls dévoué et ten
dre. Père Crochemorei voulez-vous que
désormais nous fassions là soupe en
semble ?... »
Et il en fut comme l'avait dit Edmond
Prévost. Durant six mois, ces deux misè
res vécurent côte à côte, s'adoucissant
l'une l'autre. Et puis, l'heure de la cons
cription sonna pour le jeune homme. Et
comme il n'était soutien de famille que
par adoption, il dut partir.
Ce fut dans ces circonstancèa-que des
voisins, témoins de la détresse du père
Magloire, la signalèrent au bureau de
bienfaisance, qui lui accorda cinq francs
par mois, et à la Société de Saint-Vincent
de Paul, qui me délégua comme visiteur
auprès du bonhomme. Que sa chambrette
était propre, et son accueil ouvert, et sa
gratitude fertile en effusions, et sa mé
moire fertile en souvenirs 1 Pour être sûr
de ne point se trouver à court d'histoires,
il recommençait vingt fois là même, se
contentant d'augmenter chaque édition
dans des proportions notables...
On prétend que les Rouennais coupènt
volontiers les sous en quatre. Je veux
bien l'admettre, quoique cette opération
soit plutôt malaisée. Mais il faut rendre
au moins à certains de mes compatriotes
cette justice qu'ils savent donner quatre
sous quand d'autres en donneraient un.
Aussi, quoique la fée de la fortune eût
oublié de rendre visite à mon berceau,
grâce au concours dé quelques amis dont
la charité tout ensèmble était large et
discrète, jepus durant deux années assu
rer au père Crochemore une médiocrité
qui n'était ni dorée, ni même argentée,
mais qui à la rigueur... l'empêchait de
mourir de faim. Et j'étais très heureux
d'avoir rencontré sur mon chemin le vieux
Magloire. Quand je redescendais de sa
chambrette, comme je jugeais douce la
bienfaisance ! Et comme je plaignais les
sociologues qui affirment que la plupart
des assistés inscrits sur les registres des
œuvres charitables ou philanthropiques
sont des professionnels, des exploiteurs !
Je le connaissais, moi, le vrai, le bon
pauvre... \ "
Aussi'ma désillusion fut-elle profonde,
et bien cruelle, lorsque je crus m'aper-
cevoir que j'avais été dupe. C'était un
soir d'hiver où la neige avait" étendu sur,
le pavé rouennais son manteau lugubre
aimé seulement des poètes; et qui faisait
paraître plus noires les vieilles pierres
des cent clochers chantés par-Victor
Hugo (en réalité, il n'y en a guère qu'une
vingtaine). Je ne sais quelle besogne de
reportage m'amena dans un humble dé
bit de vins de la rue Damiette. L'établis
sement porte cette enseigne pompeuse :
Café des Trois-Piliers, mais on n'y trouva
que des piliers..', de cabaret. Dans un
angle, tout près du poêle, un grand vieil
lard, vêtu d'une redingote correcte et
pourtant si râpée ! était attablé devant
un verre de café fumant, et il « en gril
lait une » avec un air de satisfaction
tranquille, lisant la Dépêche du soir,
feuille éphémère oubliée aujourd'hui. Ce
bonhomme, qui avait toutes les allures
d'un habitué des Trois Piliers..i 'c'était
Magloire Crochemore. Et presque simul
tanément j'eus deux visions contradic
toires : celle de a mon pauvre » faisant
bombance, se grisant peut-être avec
l'argent de la charité, puis celle du même
bonhomme, mourant sur un matelas
cousu d'or et de titres, ainsi que parfois
on voit expirer de vieux mendiants, dans
les faits divers. En tous cas, il n'y avait
pas de doute : l'ancien comptable devait
être au moins « à l'aise », puisqu'il allait
au café.
Je me contins ce soir-là et, après avoir
adressé un bref salut au père Magloire,
je sortis.Mais le lendemain, avant l'heure
où d'ordinaire les reporters se lèvent,
j'étais chez mos protégé, et je le chapi
trais avec toute lâ-foiigué dé la vingtièmé
année, avec une 1 indignation dont je rou»
*§ià maintenant, car elle n'était pas digne
d'un vrai chrétien. Un fugitif éclair pasr
sa dans les yeux du vieillard, et je crus
qu'il allait me répondre sur le même ton;
ce qui au moins m'aurait ité presque une
excuse. Mais il ressaisit vite son sang-
froid, ou bien sa timidité coutumière re
parut, et lissant de la main sa longue
barbe blanche, il me dit seulement, très
calme : '
—Monsieur Joseph (il se plaisait à me
nommer ainsi, avec une intonation pater
nelle), la différence dé nos âges et les
dures paroles que vous vënez de m'a-
dresser me justifieraient peut-être de
vous donner -une leçon, mais la reçon^
naissance que : j'ai pour vous- me permet
seulement quelques conseils. En ce qui
concerne «ion cas particulier, il est très
simple : chaque soir'd'hiver; à huit heu-
reBj quand laibibliôthèque municipale et
les églises sont closes, quand les calori
fères font grève, je vais là-bas ; j'y dîrie, !
près du poêle, d'iin sou de pain, de deux
î,tignoles, d'un mazagran et d'une cigà-j
rette ; ma dépense totale est de quarante!
centimes, car la bonne ides Trois-Piliers,
qui a deviné ma détressé, sé contente de:
très intermittents pourboires. Ainsi; je
n'allume chez moi ni feu ni lampe, Et 'si
je vais au café..., c'est par économies, i ;
Mais la question est d'ordre plue gé
néral. Vous êtes jeune, et vous désirez
être bon. Les philosophes yohs diront.
« Ne jugez pas trop vite. » Le Maître de.
la Sagesse est allé plus loin. Il a dit: « Ne:
jugez point du tout, afin de n'être point
jugés. » Etsi vous le permettez; j'ajoute-i
rai, moi : Principalement, ne jugez point'
les pauvres, jamais. Pour avoir quelque,
droit à le faire, il faudrait avoir enduré;
ce qu'ils endurent, et redouté ce qu'ils
redoutent.
« Tel miséreux qui a la faiblesse de s'ar-;
réter devant un comptoir d'étain,et qui y;
boit un verre d'affreux trois-six, savez-;
vous pour quels labeurs il cherche du
courage, et pour quelles douleurs "11
cherche l'oubli ? Il prend un mauvais
moyen qui ne le conduira pas au but
rêvé, je vous l'accorde ; mais la pauvreté
est une grande excuse, et l'ignorance
aussi. A cet homme ilsera beaucoup par
donné, parce qu'il ne sait pâs, et parce
qu'il souffre... »
Je n'oserais dire que depuis lors les
sages et chrétiennes paroles de mon
vieux pauvre ont été la règle de ma vie.
Mais elles sont restées gravées en un
coin de ma mémoire, ou plutôt de mon
cœur. Et j'ai voulu les retracer ici, pres
que textuelles, en toute leur simplicité,
avec leur saveur un peu âpre, et douce
pourtant comme si, par la bouche de cet
humble, une voix avait parlé; qui venait
du ciel.
Joseph L egueu. ..
i ., • ♦ : -—■" ....
QU'EST DEVENU LÉO TAXIL ?
Un journal protestant, le Signai, pose
cette question au sujet d'une brochure
qu'un Américain, M- Henry Charles Lea,
vient de publier sous le titre Léo Taxilj
Diana Vaughan et l'Eglise romaine. M.
Lea est anticlérical; et il a une façon
d'écrire l'histoire qui ne manque pas
d'une certaine analogie avec les premiers
ouvrages de Taxil. Cependant il témoigne
à ce mystificateur beaucoup de mépris,
qu'il voudrait faire rejaillir sur le catho
licisme.
En mentionnant l'apparition de la bro
chure, le Signal se montre désireux de
savoir ce que le misérable fourbe est de
venu. Peut-être la feuille protestante a-,
t-elle un moyen de se renseigner assez
facilement. A diverses reprises, pendant
le plus fort de la campagne dreyfusarde,
le bruit a couru qu'un des journaux sou
tenus par la juiverie, les . Droits de
l'homme probablement, comptait Léo
Taxil parmi ses collaborateurs.
Etant donné son rôle et ses relations,
le Signal doit être en état de savoir si le
fait est vrai.
LE PARLEMENT FRANÇAIS
VU DE ROME (*)
Ralliement.
Rome, 3 mars.
Que le groupe parlementaire des
constitutionnels catholiques reste
dans la lutte présente, et devienne,
dans les prochaines. batailles élec
torales, la tête, l'état-major de tou
tes les forces catholiques, et ce se
rait, du même coup, la constitution
en France de ce « centre » que de
puis si longtemps nous souhaitent
nos meilleurs amis.
Les électeurs, qui n'entendent
pas renier la religion de leur pays,
qui ne veulent pas non plus de bou
leversement politique, sont la ma
jorité. Le jour où on saura les ral
lier, ces troupes imposeront à tous
le respect de leurs libertés.
Les catholiques ont donc un beau
rôle à jouer pour le salut du pays.
Certains d'entre eux auront peut-
être à sacrifier, à ce grand objectif,
les restes de préférences politiques,
Et sans doute, ces préférences sont
infiniment respectables, mais ils
sont les premiers à l'avouer : il n'y
a plus à l'heure présente de préten-,
dant sérieux qui les incarne. ■»
D'ailleurs, le ralliement de toutes
les forces catholiques autour d'un
état-maior formé ae parlementaires
qui ont fait leurs preuves, a le grand
avantage de mettre un terme a tou
(*) Voir le n° du 6 mars.
tes les discussions théoriques; 'oij
passé des abstractions sur le ! ter r
rain plus sûr des réalités concrètes.
Plus les électeurs constitution
nels catholiques se serreront au
tour de ces chefs tout désignés pour
lès conduire à la bataillé, et plus ils
augmenteront leur puissance mëmé
■pour les luttes présentes: 1 ,
. - On hé voit vraiment pas- 'ce qui
pourrait s'opposer à. ce ralliement
général autour de'M. Pioù et dè ses
amis.
Personne ne pourrait mettre sé
rieusement en/douté leurs convic
tions. i; " . '
- Ils pnt l'expérience .consommée
des hommes et des choses de l'ac
tion politique et électorale".
Ils jouissent, sans avoir, besoin
d'aucune autre investiture, du pres-r
tige et dè l'autorité qui envelop
pent, en des pays démocratiques;
les élus du suffrage universel.
Ils ont donc plus qu'aucun autre
groupe ou- comité ancien ou nou
veau-les qualités nécessaires pour
mener les électeurs catholiques aux
batailles décisives pour la liDerté et
le droit commun.
C'est aux catholiques de France
à transformer ces batailles en.'vie?
foires à force de générosité, de bon
sèns, dè discipline, de concentra
tion autour de cet état-major natu
rel qu'est le groupe des députés
constitutionnels catholiques.
L. G.
_— ___— + —:—_—
'LES:
AîlIBMiTMS BE M.
Monsieur le rédacteur; ! :
Je lis; dans YUnivers du 3 mars, le;
démenti du chanoine Méresse à M. le;
'président du conseil, alifirmànt que « le
- Clairon des Alpes avait été, pendant très
longtemps, l'organe s de l'évêque dé Gre
noble, Mgr Fava ».
• Vdtre témoignage vient corroborer ce
lui du secrétaire. Pour tout> esprit im
partial , la cause est entendue. « Les ri
res et applaudissements à gauche » 'n'y
-feront rien.
Permettez-moi de saisir cette occasion
pour- relever une autre affirmation de
M. le président du conseil. Je n'ai pas
souvenance de l'avoir vu démentir à la
tribune. Et pourtant elle- en vaut la
■^eihei " • . ; '■ ' •
C'était au cours de la mémorable séan
ce du 21 janvier. L'auteur* du trop fa
meux projet parcourait « les sommets de
l'Histoire », y cherchant une justifica-
tion. Il citait une phrase, trois lignes,de
ChaHemagne, condamnant lés religieux
infidèles à leurs vœux. Cette condamna
tion n'avait aucun rapport avec la loi en
cours de discussion. Mais invoquer Char-
lemagne à tort ou à raison, quelle érudi
tion ! Cela ne devait-il pas suffire à une
majorité toute disposée 'à faire' acte de
foi à l'infaillibilité de son maître?
Da Charlemagne, le maître passait à
saint Louis; Et des Etablissements de
saint Louis, il tirait trois principes, ëni-
fermant, disait-il, la législation royale
contre les congrégations. A cela il s'y a
fu'un petit malheur. C'est que' le docu
ment est apocryphe. La preuve en est
faite depuis longtemps, en dépit des « ap
plaudissements à gauche ».
« Le grand ' recueil de dispositions lé
gislatives, connu sous le nom des Etablis
sements de Saint-LoUis; est une œuvra
privée de jurisconsultes, postérieure, en
grande partie, à son règne, pleine de dis
positions incohérentes ou même contra
dictoires, et qui ne saurait être considé
rée comme; un codé général des lois/lu
temps de saint Louis, recueillies par son
ordré. » C'est Guizot qui parle.
; « On a longtemps attribué à saint Louis
un recueil connu sous le nom d'Etablisse
ments. On a démontré de nos jours que
ce recueil n'avait rien d'officiel ; qu'il était
l'œuvre d'un simple praticien de l'Orléa
nais. ». Nous entendons M. 0. Dareste,
historien universitaire. N w
Avouons que le président du conseil
est bien mal renseigné ou de bien mau
vaise foi !
Ûn vicaire de campagne.
— 1_ —« 1
POUR LA LIBERTÉ
Nous avons publié, il y a quelques
jours, comme la plupart de nos confrè
res, le manifeste du comité général de
défense des libertés d'association et d'en
seignement. Ce manifeste rédigé en ter
mes excellents devait obtenir l'adhésion
de tous les hommes vraiment libéraux
et grouper toutes les énergies et toutes
les générosités.
Comme oh pourra le constater par la
publication de la deuxième liste d'adhé
sion, nombreux ont été ceux qui ont tenu
à se faire inscrire et à soutenir .de leurs
souscriptions les efforts du comité.
C'est pour répondre au désir qui lui est
manifesté de différents côtés que le co
mité fait imprimer en ce moment des
feuilles destinées à recueillir les adhé
sions des électeurs: Il est à désirer que
dans chaque département, chaque ar
rondissement, on s'organise de manière
à mettre en évidence, par ce moyen fa
cile, la volonté formelle du pays de dé
fendre nos libertés fondamentales : li
berté de conscience, liberté d'associa
tion, liberté d'enseignement.
Ce sera comme un référendum dont
l'importance n'échappera à personne.
Les signatures (qu'il est inutile de faire
légaliser) devront être adressées direc
tement ou par l'entremise du comité
local, à M. Fortin,*76, rue des Saints-
Pères, Paris. C'est à cette même adresse
qu'on peut se procurer les feuilles d'ad-
nésion.
Lettre dé Mgr l'évêque de Cïermont
à M51. les sénateur» ef députés du
Puy-de-Dôme.
Mgr l'évêque de Cïermont vient ✓
d'adresser à MM. les sénateurs et à
MM. lès députés du Puy-de-Dôme
une lettre relative au projet de loi
contre les congrégations religieu
ses.
Mgr Belmont, avant d'examiner
les griefs reprochés aux ordres re
ligieux par les auteurs du projet de
loi et d'en démontrer l'inanité, jette
un regard sur les conséquences de
la suppression des congrégations :
" C'en serait fait désormais de nos mis
sions, écoles et hospiOas catholiques qui
constituent là meilleure base du prestige
de la France dan» les pays lointains,
comme en Syrie, en Egypte, en Chi
ne, etc. ; car le personnel de ces établis-
senients fourni par .des congrégations
pour la plupart non reconnues, ne pour
rait plus se recruter ni même subsister
dès le jour où leurs maisons-mères, en
France, seraient .fermées. Leur place se
rait immédiatement prise par d'autres
nations qui ne manqueraient pas de sou
tenir de toutes manières lëurg mission
naires et leurs ïejigieux;-et ce serait
autant de perdu pour l'influence fran
çaise.- ■ ■ ■ ■ ■ ■ ...
C'en serait fait de nos admirables éta
blissements scientifiques tels que ceux
de Beyrouth, Zi-ka-Wei, Madagascar,
créés et dirigés par des Jésuites.
C'en serait fait aussi des écoles chré
tiennes libres, des asiles et hospices ou
verts par la charité en France et aux co
lonies.
Pensez-vous pouvoir trouver un per
sonnel disposé, non seulement à partir,
sice.n'est à d'onéreuses conditions, pour
nos colonies lointaines, mais encore prêt
à fournir d'aussi utiles agents de civi
lisation que le sont nos religieux et reli
gieuses?
Et, en France, avez-vous bien consi
déré la charge que vous assumeriez ?
Jugez en par ce département du Puy-de-
; Dôme. . ■ ! •
Pour remplacer les 294 écoles congré-
ganistes libres et quelques-unes non en
core laïcisées, toutes remplies d'élèves,
Si les écoles publiques le sont également,
il faudra en construire plus de 300 au
tres et les pourvoir d'un personnel ensei
gnant. C'est à peiné si vous en avez créé
autant depuis 1880, et vous devez savoir
au prix de quels sacrifices. En votant la
loi sur les associations, vous condamne-
.riez les contribuables à voir redoubler
leurs charges pour être moins bien ser
vis que par le passé, car votre nouveau
personnel serait improvisé, et ne serait
plus soutenu par l'émulation des écoles
rivale è.
■ ■ Avant (le voter une loi dont lés
conséquences seraient si graves,
Mgr l'évêque de Cïermont'engage
MM. les députés et MM. les séna
teurs du Puy-de-Dôme à examiner
les raisons qui leur en feraient un
devoir :
Est-ce le danger de la mainmorte ?
mais, d'après le tableau officiel que vous
avez entre les mains, les biens de main
morte des 200,000 religieux s'élèveraient
non pas à un milliard, mais à 435,315,862
francs (t. I", p. 1042, col. 4), dont il faut
défalquer 206,835,982 fr. 72 d'hypothè
ques (col. 21 )1 Et en examinant seulement '
les pages 636-647 qui concernent notre
département, il ne nous a pas'été diffîcilè
de constater que ce document, composé
avec ' une incroyable précipitation, ne
possède aucune valeur probante. Ne
classe-t-il pas, en effet (pages 642 et 646,
col. 3, 4 et 5), comme biens de main-
morte, des propriétés privées qui, à ce .
titre, ne peuvent figurer, et, en effet, ne
figurent point dans la colonne (p. 643-
645, colv 25) de l'impôt de mainmorte ? et
ne remarquez-vous pas (pi 638, n® 798),
une_ congrégation qui posséderait des
biens d'une valeur de 444,950 francs, les
quels seraient grevés d'hypothèques pour
683,730 francs, (col. 21) ? Ce tableau offi
ciel abonde en bévues de ce genre.
On vous a fait entendre, je le sais, que
la fortune des religieux,la mainmorte,-
par conséquent, aurait beaucoup pro
gressé depuis vingt ans ; on vous a donné
pour preuveB le grand nombre d'écoles
qu'ils ont ouvertes dans cette période.
Sans doute, il y a dans le département
environ 300 écoles congréganistes libres
qui, il y a vingt ans, n'existaient pas, ou
étaient des écoles publiques rétribuées
par l'Etat et les communes et ont été laï
cisées depuis lors. Depuis ce temps, elles
subsistent à leurs risques et périls dans
des locauxloués ou appartenant déjàau^
congrégations qui les dirigent. Est-ce à
dire que celles-ci en soient devenues plus
riches? Ce que coûtent les écoles publi
ques vous dit assez que leurs charges se
raient intolérables sans leur esprit de
pauvreté qui permet à deux ou trois re
ligieuses de se contenter, pour leur sub
sistance; de ce qui ne suffirait pas à une
seule de vos plus modestes adjointes laï
ques.
Du reste, vous n'ignorez pas que la
mainmorte ne peut s'accroître d'un cen:
time de rente ni d'un centimètre de ter
rain sans un décret du chef de l'Etat. Or,
depuis vingt ans, vous ne trouverez pas
un seul décret de ce genre pour le dépar
tement du Puy-de-Dôme, et si vous faites
exécuter un recensement des biens de
mainmorte plus exact que celui qu'on
vous a soumis, vous verrez que dans ces
vingt dernières années, il y a eu, non pas
augmentation, mais au contraire dimi
nution par le fait des saisies et ventes
pratiquées par l'enregistrement.
Vous ne sauriez donc être dupes de la
fantasmagorie des chiffres qu'on a fait
miroiter devant vous pour attribuer à la
mainmorte une importance et un pro
grès imaginaires.
Vous ne sauriez l'être davantage des
sophismies employés pour vous prouver
l'immoralité des vœux des religieux^
ainsi que leur influence néfaste sur la va
leur des individus qui les émettent et la
/
Edition quotidienne. •— 12,070
Vendredi 8 Mars
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ^ ÉTRANGER
. st départements (union postale}
Un an ...40 » 51 » •
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PARIS, - 7 MARS 1901
•JSOMi&lAIXtta
P ierre V eoiuot.
J oseph L eoueu.
ÛWï
U n vicaire de cam
pagne.
H yacinthe G lottin.
edouard alexandre
Un homme de bon
sens i...
Çà et lî : Un juge
ment téméraire.,..
Le parlement fran
çais vu.de Rome..
Les affirmations de
M "W aldeck-Rous-
■■■ ■ ■ 862111 •• •
Les congrégations
autorisées d'hom
mes...............
Les conférences li
bres de l'Institut
catholique........
Bulletin. — Qu'eBt devenu Léo Taxil?- r-
Pour la liberté. — La loi sur les associa
tions. — Le doyen des curés, rr- Infozma
tions politiques et parlementaires.
L'affaire Buffet-Déroulèdel — Un attén-
" tat contre Guillaume II. —■ En Espagne.
— En Angleterre. — La guerre du f rans-
vaal. —.En Chine. — Dépêche» de l'é
tranger. -y Chronique. — Lettres, scien
ces et *rtï ■ - —* : Les; grèves. — Ecbo* d«
partout- — Société des agriculteurs de
France.— Néorologie. —■ Les obsèques
du général Henrion Bertier. — Querre et
marinel — Tribunaux. — L'attentat con
tre M. B. Desohanel. — Nouvelles diver
ses. —■ Calendrier. — Bourse et bulletin
financier. — Dernière heure.
UN HOMME DE BON SENS
No# jacobins ont déjà tiréun par
ti trop avantageux de l'équipée de
Reuilly et des incidents connexes,
pour ne point essayer d'en profiter
encore; On les a aonc vus s'effor
cer de prendre les-révélations de
M. Déroulède au sérieux. Ils récla-.
maient une nouvelle convocation de
la Haute-Cour et. des poursuites
contre M. Charles Dupuy, flanqué
de plusieurs généraux.
Mais le chef de la Ligue des Pa
triotes a si bien fait, que M. Ranc
lui-même .commence à craindre
d'être ridicule. L'ancien sénateur
n'ose pas insister. Comment soute :
nir qu'une reprise du procès s'im
pose, et beaucoup plus grave que
les ^débats d'il y a quinze mois,
quand -il faudrait baser toute cette
grosse affaire sur des propos de M.
Déroulède ?... Ce dernier est jugé,
maintenant, de façon définitive, et ce
ne sont pas ses amis qui se mon
trent les moins sévères. Si l'exilé de
Saint-Sébastien veut pourfendre,
après M. Buffet, tous ceux qui font
obstacle à ce qu'on le prenne au sé
rieux, il ne devra pas s épargner lui-
même ; il a droit, plus que personne,
à sôii coup d'épée ou de pistolet.
Il en réchappera, espérons-le, et
Êermettons-nous de lui donner u.ri
on conseil pour sa conduite après
cette crise. C'est d'imiter M. Char
les Dupuy. En voilà un qui, ne se
compromettra point par des dis
cours et des explications ! Il a été
bien attaqué, depuis quelques jours,
v à propos de son attitude comme
chef du gouvernement lors de l'é
quipée de M. Déroulède. Plusieurs
. journaux demandaient qu'il fût in
culpé de haute trahison. Sans aller
jusque-là, des radicaux de marque,
qui ont autorité sur le ministère et
le Parlement, insinuaient que lé
rôle de l'ancien président du con
seil leur paraissait fort suspect ; ils
ajeutaient qu'il fallait éclaircir à
fond cette affaire. M. Charles Dupuy
n'a pas soufflé mot. Il n'a pas mema
eu 1 air d'èntendre. Il est plus fort
que M. Déroulède.
Maintenant, l'émotion tombe ; elle
était d'ailleurs artificielle.. Ceux,
très nombreux du reste, qui"avaient,
dès le premier jour,refusé de pren
dre au sérieux les propos où M. Dé
roulède se proclamait un conspira
teur sérieux, sont justifiés. En ce
qui concerne M. Dupuy, on com
mence à reconnaître que son calme
■ et son mutisme prouvent qu'il est
hemme de bon sens.
Il l'est Mais on pouvait s'en dou
ter déjà ;. car il l'avait démontré
d'une façon plus probante encore,
à notre avis, dans une autre occa
sion, et c'est justement quand il
était président du conseil, au mo
ment de la fameuse équipée. Ce
jour-là, M. Charles Dupuy a été
homme de bon sens, dans toute
la force du terme.
Il est naïf, le président de la Li
gue des Patriotes ! C'est le 23 fé-
vrier, à deux heures du matin, qu'il
s'est aperçu de là présence* parmi
ses fidèles, d'un agent de M., le duc.
d'Orléans. Découverte tardive. Ët il
ne paraît point encore s'être avisé
de cette réflexion, qu'il devait y
avoir aussi, dans son entourage,
quelqu'un de la police.
Le doute ne nous semble pas per
mis là-dessus. Un conspirateur aussi
bruyant que M. Déroulède attire
trop, violente trop l'attention pour
n'être pas surveillé. Tout le monde
savait que le chef des Patriotes s'a
gitait ^impossible au gouvernement
de ne point s'en apercevoir. M.
Dupuy, sans y attacher beaucoup
d'importance, a dû s'en occuper un
peu et se ménager des informations
captées à la source.
L'entendez-vous monologuer dans
son cabinet, M. le président du con
seil,le matin des obsèques de Fé
lix Faure?— Ce Déroulède, il a
tenu des conciliabules jusqu'à trois
heures, cette nuit, d'après les rap
ports de mes agents. Pourvu que
cet écervelé, qui se fait illusion sur
son prestige et sa force, n'aille pas,
cet après-midi, essayer de susciter
quelque désordre, quelque échauf-
fourée ! Pourvu qu'il ne me mette
point dans la nécessité de sévir,un.
peu brutalement, ce qui donnerait'
à croire que la situation est vrai
ment grave et augmenterait l'effer
vescence des, esprits! Sans doute, !
c'est un « hanneton », comme dit
M. ,de Cassagnac, mais brave et ré
solu. Voilà le cas ou jamais de pré
venir, afin de n'avoir point à ré
primer, Tout au moins, s'il fait, une
algarade, arrangeons-nous pour que,
ce soit un avortement. Nous pour- i
rons le traiter par le ridicule, sys
tème de la douche...
Et M. Dupuy, se promenant de
long en large, continue : — Le plus
"malheureux serait qu'un général ou
colonel, entraîné presque malgré
lui et perdant la tête, né commit
quelque sottise à l'ardente sollicita
tion de Déroulède. Ce général ou
colonel n'irait pas loin, je crois ;
mais quelle affaire, peut-être quel
exemple ! Et quelle répercussion l
Pour le coup; il faudrait se montrer
rigoureux. Evitons d'être conduit à
cette extrémité. A tout hasard, je
vais faire modifier la répartition des
troupes.. Les chefs seront changés
de place. Nous dérouterons ainsi
notrecônspirateur... . .
Le conspirateur fut dérouté, en
effet. Il ne voulut pas cependant
avoir tramé un complot et préparé
un attentat pour rien. Il fit son équi
pée. Se souvient-on. du succès de
ridicule? L'issue de l'affaire rédui
sait M. Déroulède à l'impuissance;
il est vrai que le changement n'était
pas considérable: : Quelque»; mois
plus tard, convoquant la Haute-
Cour, lé ministère Waldeck-Rous
seau s'efforçait, pour les besoins de
sa politique, de transformer le chef
des Patriotes en conspirateur sé
rieux. Mais l'exilé de Saint-Sébas
tien y à mis bon ordré. Vraiment ce
n'était pas la peine de faire tant
d'histoires et de causer tant de
troubles pour revenir au résultat
que M. Charles Dupuy, avec son
bon sens, avait obtenu si vite et si
facilement.
■ Pierre Veuillôt.
*BULLETI&C
La Chambre se réunit aujourd'hui et
continue la diseussion.de la loi sur le
droit d'association.
- Les électeurs deJLa-deuxième circons-
cription d'Angoulême et ceux de Ram
bouillet sont convoqués pour le 31 mars
afin d'élire leurs députés en remplace
ment de M M.. Déroulède et Marcel Ha-
bert.
M. Miller and vient d'adresser une
circulaire aux préfets pour leur donner
des instructions sur l'application du
décret organisant les conseils du travail.
On trouvera aux Information» l'analyse
de ce document officiel. '•
Hier, à: Brème, Guillaume II a été
Vobjet d'un attentât : un individu qui
* dit être ouvrier et qui paraît avoir l'es-
,j?nf déséquilibré, a lancé sur la voiture
impériale un morceau de fer qui a bles
sé légèrement le souverain à la joue.
En Espagne, M. Sagasta est arrivé à
constituer un cabinet. On trouvera plus.
loin le nom des-nouveaux ministres qui
ont prêté serment. Le général Weyler,
qui a reçu le portefeuille de la guerre,
vient de lever l'état de siège.
En Portugal, on signale de nouvelles•
manifestations contre les catholiques. On
mande, en effet, d'Oporto que, dans la
nuit de dimanche, on jeta des pierres
contre le collège du Sacré-Cœur, situé;
dans un faubourg de la ville. La police
a. arrêté douze individus.
Le ministre de la guerre a donné
l'ordre de consigner les troupes.
Une information de source officielle
dément que Vempereur de Chine ait
l'intention de retourner à Pékin et
même de quitter actuellement Si-N'g an-
Fou.
Çà et là
UN JUGEMENT TEMERAIRE
... C'était un grand vieillard un peu
courbé, à demi paralytique,et tout à fait
sourd. Dans le quartier Martainville, où
la plupart des miséreux de Rouen cachent
leur détresse et parfois leurs révoltes, le
bonhomme était connu sous le nom de
« père Sans-Peur «...probablement parce
qu'il était timide à l'excè8, d'une timidité
d'enfant, ou encore de pauvre qui, à
force de heurter des obstacles sur le che
min de l'existencè, a perdu le courage
d'en affronter de nouveaux. Son nom vé
ritable était d'une saveur bien rouen-
jiaise : le très humble héros de cette très
humble anecdote s'appelait Crochemore.
Et un parrain facétieux avait, à l'aube
du dernier siècle, affublé le pauvre
diable du prénom de Magloire, ce qui
prouve une fois de plus que comme
pince-sans-rire, les Normands sont bien
supérieurs aux Gascons et aux Marseil
lais (c'est un Normand qui parle).
Magloire Crochemore n'avait pas d'his
toire, et pourtant, il n'était guère heu
reux. Durant un demi-siècle, il avait,
moyennant 150 francs d'honoraires men
suels, moulé de belles lettres anglaises,
bâtardes, gothiques, et des chiffres ara
LE MONDE
ÉDITION SSm-QUOTEDIENNE
PARIS ÉTRANGES
■ - - ' départements (oniom postale)
^ Un an.»*•*«.*« 20 ® .243 m.
Six mois 10 » 13 »
Trois mois... 5 ». 8 5© >
"Les abonnamôata partent des I e * et 18 da chaque mois
■ L'UMVERS ne répond pas dés manuscrits qui M sont adressés
---ANNONCES '"■■■• •
' MM. LAGRANGE, CERF et C 1 ®, 6, place de la Bourse
bes garantis bon teint, sur les grands
livres d'un petit marchand de rouenne-
ries. Celui-ci ayant fait faillite, son fidèle!
comptable se trouva sans placé à soixante-
dix ans. Tandis que le vieil employé re
tournait vers sa chambrette, n'ayant pas
même la force de "pleurer; d'envisager;
les jours de jeûne et de froidure qui lé
conduiraient lentement à une mort igno
rée, il aurait entendu, si déjà il n'avait
« été de l'oreille », que quelqu'un, d'un
pas rapide, marchait derrière lui. Un
jeune homme qui ne payait pas de mine,
avec son visage blême ét son veston râpé,
le rejoignit devant l'admirable portail dé
l'église Saint-MacloU, dentelle de pierre
que tissèrent des artistes croyants, et
que peu à peu les années effritent. Et
une voix fraîche cria bientôt près du
vieillard :
—. Père Crochemore vous n'allez pas
être heureux.. Je crains bien que vous ne;
trouviez plus à employer votre calligra
phie, pourtant si ' pleine; de mérite. Il ne
fait guère bon chercher un emploi, lors
qu'on porte comme vous une .tête couron
née de neige. Peut-être .rêvez-vôus d'en
trer à l'hospice ? Mais,vous le savez bien,;
pour être admis dans ce dernier asile de ;
la misère, il ne faut point être.si dénué;
de tout qu'on n'ait pas même ùn appui...
C'est votre cas, pauvre père Magloire, et!
ce fut le mien... Vous souvient-il du jour
où,sortarit de l'orphelinat de Saint-Guil-'
laume, je débutai chez le patron, il y -»
six ans? Tout était nouveau pour moi, les
étoffes, les grands livres, et les clients, et
les commis. On songeait à railler mon
inexpérience, bien plutôt qu'à l'éclairer.
On me facilitait des « gaffes » qui me fe
raient congédier dans un délai très bref.
Alors un vieillard se pencha vers moi,
d'un geste paternel. Il m'initia aux mys
tères de la cour du « roi Coton», et de la
comptabilité en partie double: Grâce à
ses leçons, et à ma jeunesse aussi, je ne
suis plus en peine de retrouver un emploi,
au moins provisoire. Et . pour ce protec
teur d'hier, qui aujourd'hui souffre, il me
serait doux d'être un ûls dévoué et ten
dre. Père Crochemorei voulez-vous que
désormais nous fassions là soupe en
semble ?... »
Et il en fut comme l'avait dit Edmond
Prévost. Durant six mois, ces deux misè
res vécurent côte à côte, s'adoucissant
l'une l'autre. Et puis, l'heure de la cons
cription sonna pour le jeune homme. Et
comme il n'était soutien de famille que
par adoption, il dut partir.
Ce fut dans ces circonstancèa-que des
voisins, témoins de la détresse du père
Magloire, la signalèrent au bureau de
bienfaisance, qui lui accorda cinq francs
par mois, et à la Société de Saint-Vincent
de Paul, qui me délégua comme visiteur
auprès du bonhomme. Que sa chambrette
était propre, et son accueil ouvert, et sa
gratitude fertile en effusions, et sa mé
moire fertile en souvenirs 1 Pour être sûr
de ne point se trouver à court d'histoires,
il recommençait vingt fois là même, se
contentant d'augmenter chaque édition
dans des proportions notables...
On prétend que les Rouennais coupènt
volontiers les sous en quatre. Je veux
bien l'admettre, quoique cette opération
soit plutôt malaisée. Mais il faut rendre
au moins à certains de mes compatriotes
cette justice qu'ils savent donner quatre
sous quand d'autres en donneraient un.
Aussi, quoique la fée de la fortune eût
oublié de rendre visite à mon berceau,
grâce au concours dé quelques amis dont
la charité tout ensèmble était large et
discrète, jepus durant deux années assu
rer au père Crochemore une médiocrité
qui n'était ni dorée, ni même argentée,
mais qui à la rigueur... l'empêchait de
mourir de faim. Et j'étais très heureux
d'avoir rencontré sur mon chemin le vieux
Magloire. Quand je redescendais de sa
chambrette, comme je jugeais douce la
bienfaisance ! Et comme je plaignais les
sociologues qui affirment que la plupart
des assistés inscrits sur les registres des
œuvres charitables ou philanthropiques
sont des professionnels, des exploiteurs !
Je le connaissais, moi, le vrai, le bon
pauvre... \ "
Aussi'ma désillusion fut-elle profonde,
et bien cruelle, lorsque je crus m'aper-
cevoir que j'avais été dupe. C'était un
soir d'hiver où la neige avait" étendu sur,
le pavé rouennais son manteau lugubre
aimé seulement des poètes; et qui faisait
paraître plus noires les vieilles pierres
des cent clochers chantés par-Victor
Hugo (en réalité, il n'y en a guère qu'une
vingtaine). Je ne sais quelle besogne de
reportage m'amena dans un humble dé
bit de vins de la rue Damiette. L'établis
sement porte cette enseigne pompeuse :
Café des Trois-Piliers, mais on n'y trouva
que des piliers..', de cabaret. Dans un
angle, tout près du poêle, un grand vieil
lard, vêtu d'une redingote correcte et
pourtant si râpée ! était attablé devant
un verre de café fumant, et il « en gril
lait une » avec un air de satisfaction
tranquille, lisant la Dépêche du soir,
feuille éphémère oubliée aujourd'hui. Ce
bonhomme, qui avait toutes les allures
d'un habitué des Trois Piliers..i 'c'était
Magloire Crochemore. Et presque simul
tanément j'eus deux visions contradic
toires : celle de a mon pauvre » faisant
bombance, se grisant peut-être avec
l'argent de la charité, puis celle du même
bonhomme, mourant sur un matelas
cousu d'or et de titres, ainsi que parfois
on voit expirer de vieux mendiants, dans
les faits divers. En tous cas, il n'y avait
pas de doute : l'ancien comptable devait
être au moins « à l'aise », puisqu'il allait
au café.
Je me contins ce soir-là et, après avoir
adressé un bref salut au père Magloire,
je sortis.Mais le lendemain, avant l'heure
où d'ordinaire les reporters se lèvent,
j'étais chez mos protégé, et je le chapi
trais avec toute lâ-foiigué dé la vingtièmé
année, avec une 1 indignation dont je rou»
*§ià maintenant, car elle n'était pas digne
d'un vrai chrétien. Un fugitif éclair pasr
sa dans les yeux du vieillard, et je crus
qu'il allait me répondre sur le même ton;
ce qui au moins m'aurait ité presque une
excuse. Mais il ressaisit vite son sang-
froid, ou bien sa timidité coutumière re
parut, et lissant de la main sa longue
barbe blanche, il me dit seulement, très
calme : '
—Monsieur Joseph (il se plaisait à me
nommer ainsi, avec une intonation pater
nelle), la différence dé nos âges et les
dures paroles que vous vënez de m'a-
dresser me justifieraient peut-être de
vous donner -une leçon, mais la reçon^
naissance que : j'ai pour vous- me permet
seulement quelques conseils. En ce qui
concerne «ion cas particulier, il est très
simple : chaque soir'd'hiver; à huit heu-
reBj quand laibibliôthèque municipale et
les églises sont closes, quand les calori
fères font grève, je vais là-bas ; j'y dîrie, !
près du poêle, d'iin sou de pain, de deux
î,tignoles, d'un mazagran et d'une cigà-j
rette ; ma dépense totale est de quarante!
centimes, car la bonne ides Trois-Piliers,
qui a deviné ma détressé, sé contente de:
très intermittents pourboires. Ainsi; je
n'allume chez moi ni feu ni lampe, Et 'si
je vais au café..., c'est par économies, i ;
Mais la question est d'ordre plue gé
néral. Vous êtes jeune, et vous désirez
être bon. Les philosophes yohs diront.
« Ne jugez pas trop vite. » Le Maître de.
la Sagesse est allé plus loin. Il a dit: « Ne:
jugez point du tout, afin de n'être point
jugés. » Etsi vous le permettez; j'ajoute-i
rai, moi : Principalement, ne jugez point'
les pauvres, jamais. Pour avoir quelque,
droit à le faire, il faudrait avoir enduré;
ce qu'ils endurent, et redouté ce qu'ils
redoutent.
« Tel miséreux qui a la faiblesse de s'ar-;
réter devant un comptoir d'étain,et qui y;
boit un verre d'affreux trois-six, savez-;
vous pour quels labeurs il cherche du
courage, et pour quelles douleurs "11
cherche l'oubli ? Il prend un mauvais
moyen qui ne le conduira pas au but
rêvé, je vous l'accorde ; mais la pauvreté
est une grande excuse, et l'ignorance
aussi. A cet homme ilsera beaucoup par
donné, parce qu'il ne sait pâs, et parce
qu'il souffre... »
Je n'oserais dire que depuis lors les
sages et chrétiennes paroles de mon
vieux pauvre ont été la règle de ma vie.
Mais elles sont restées gravées en un
coin de ma mémoire, ou plutôt de mon
cœur. Et j'ai voulu les retracer ici, pres
que textuelles, en toute leur simplicité,
avec leur saveur un peu âpre, et douce
pourtant comme si, par la bouche de cet
humble, une voix avait parlé; qui venait
du ciel.
Joseph L egueu. ..
i ., • ♦ : -—■" ....
QU'EST DEVENU LÉO TAXIL ?
Un journal protestant, le Signai, pose
cette question au sujet d'une brochure
qu'un Américain, M- Henry Charles Lea,
vient de publier sous le titre Léo Taxilj
Diana Vaughan et l'Eglise romaine. M.
Lea est anticlérical; et il a une façon
d'écrire l'histoire qui ne manque pas
d'une certaine analogie avec les premiers
ouvrages de Taxil. Cependant il témoigne
à ce mystificateur beaucoup de mépris,
qu'il voudrait faire rejaillir sur le catho
licisme.
En mentionnant l'apparition de la bro
chure, le Signal se montre désireux de
savoir ce que le misérable fourbe est de
venu. Peut-être la feuille protestante a-,
t-elle un moyen de se renseigner assez
facilement. A diverses reprises, pendant
le plus fort de la campagne dreyfusarde,
le bruit a couru qu'un des journaux sou
tenus par la juiverie, les . Droits de
l'homme probablement, comptait Léo
Taxil parmi ses collaborateurs.
Etant donné son rôle et ses relations,
le Signal doit être en état de savoir si le
fait est vrai.
LE PARLEMENT FRANÇAIS
VU DE ROME (*)
Ralliement.
Rome, 3 mars.
Que le groupe parlementaire des
constitutionnels catholiques reste
dans la lutte présente, et devienne,
dans les prochaines. batailles élec
torales, la tête, l'état-major de tou
tes les forces catholiques, et ce se
rait, du même coup, la constitution
en France de ce « centre » que de
puis si longtemps nous souhaitent
nos meilleurs amis.
Les électeurs, qui n'entendent
pas renier la religion de leur pays,
qui ne veulent pas non plus de bou
leversement politique, sont la ma
jorité. Le jour où on saura les ral
lier, ces troupes imposeront à tous
le respect de leurs libertés.
Les catholiques ont donc un beau
rôle à jouer pour le salut du pays.
Certains d'entre eux auront peut-
être à sacrifier, à ce grand objectif,
les restes de préférences politiques,
Et sans doute, ces préférences sont
infiniment respectables, mais ils
sont les premiers à l'avouer : il n'y
a plus à l'heure présente de préten-,
dant sérieux qui les incarne. ■»
D'ailleurs, le ralliement de toutes
les forces catholiques autour d'un
état-maior formé ae parlementaires
qui ont fait leurs preuves, a le grand
avantage de mettre un terme a tou
(*) Voir le n° du 6 mars.
tes les discussions théoriques; 'oij
passé des abstractions sur le ! ter r
rain plus sûr des réalités concrètes.
Plus les électeurs constitution
nels catholiques se serreront au
tour de ces chefs tout désignés pour
lès conduire à la bataillé, et plus ils
augmenteront leur puissance mëmé
■pour les luttes présentes: 1 ,
. - On hé voit vraiment pas- 'ce qui
pourrait s'opposer à. ce ralliement
général autour de'M. Pioù et dè ses
amis.
Personne ne pourrait mettre sé
rieusement en/douté leurs convic
tions. i; " . '
- Ils pnt l'expérience .consommée
des hommes et des choses de l'ac
tion politique et électorale".
Ils jouissent, sans avoir, besoin
d'aucune autre investiture, du pres-r
tige et dè l'autorité qui envelop
pent, en des pays démocratiques;
les élus du suffrage universel.
Ils ont donc plus qu'aucun autre
groupe ou- comité ancien ou nou
veau-les qualités nécessaires pour
mener les électeurs catholiques aux
batailles décisives pour la liDerté et
le droit commun.
C'est aux catholiques de France
à transformer ces batailles en.'vie?
foires à force de générosité, de bon
sèns, dè discipline, de concentra
tion autour de cet état-major natu
rel qu'est le groupe des députés
constitutionnels catholiques.
L. G.
_— ___— + —:—_—
'LES:
AîlIBMiTMS BE M.
Monsieur le rédacteur; ! :
Je lis; dans YUnivers du 3 mars, le;
démenti du chanoine Méresse à M. le;
'président du conseil, alifirmànt que « le
- Clairon des Alpes avait été, pendant très
longtemps, l'organe s de l'évêque dé Gre
noble, Mgr Fava ».
• Vdtre témoignage vient corroborer ce
lui du secrétaire. Pour tout> esprit im
partial , la cause est entendue. « Les ri
res et applaudissements à gauche » 'n'y
-feront rien.
Permettez-moi de saisir cette occasion
pour- relever une autre affirmation de
M. le président du conseil. Je n'ai pas
souvenance de l'avoir vu démentir à la
tribune. Et pourtant elle- en vaut la
■^eihei " • . ; '■ ' •
C'était au cours de la mémorable séan
ce du 21 janvier. L'auteur* du trop fa
meux projet parcourait « les sommets de
l'Histoire », y cherchant une justifica-
tion. Il citait une phrase, trois lignes,de
ChaHemagne, condamnant lés religieux
infidèles à leurs vœux. Cette condamna
tion n'avait aucun rapport avec la loi en
cours de discussion. Mais invoquer Char-
lemagne à tort ou à raison, quelle érudi
tion ! Cela ne devait-il pas suffire à une
majorité toute disposée 'à faire' acte de
foi à l'infaillibilité de son maître?
Da Charlemagne, le maître passait à
saint Louis; Et des Etablissements de
saint Louis, il tirait trois principes, ëni-
fermant, disait-il, la législation royale
contre les congrégations. A cela il s'y a
fu'un petit malheur. C'est que' le docu
ment est apocryphe. La preuve en est
faite depuis longtemps, en dépit des « ap
plaudissements à gauche ».
« Le grand ' recueil de dispositions lé
gislatives, connu sous le nom des Etablis
sements de Saint-LoUis; est une œuvra
privée de jurisconsultes, postérieure, en
grande partie, à son règne, pleine de dis
positions incohérentes ou même contra
dictoires, et qui ne saurait être considé
rée comme; un codé général des lois/lu
temps de saint Louis, recueillies par son
ordré. » C'est Guizot qui parle.
; « On a longtemps attribué à saint Louis
un recueil connu sous le nom d'Etablisse
ments. On a démontré de nos jours que
ce recueil n'avait rien d'officiel ; qu'il était
l'œuvre d'un simple praticien de l'Orléa
nais. ». Nous entendons M. 0. Dareste,
historien universitaire. N w
Avouons que le président du conseil
est bien mal renseigné ou de bien mau
vaise foi !
Ûn vicaire de campagne.
— 1_ —« 1
POUR LA LIBERTÉ
Nous avons publié, il y a quelques
jours, comme la plupart de nos confrè
res, le manifeste du comité général de
défense des libertés d'association et d'en
seignement. Ce manifeste rédigé en ter
mes excellents devait obtenir l'adhésion
de tous les hommes vraiment libéraux
et grouper toutes les énergies et toutes
les générosités.
Comme oh pourra le constater par la
publication de la deuxième liste d'adhé
sion, nombreux ont été ceux qui ont tenu
à se faire inscrire et à soutenir .de leurs
souscriptions les efforts du comité.
C'est pour répondre au désir qui lui est
manifesté de différents côtés que le co
mité fait imprimer en ce moment des
feuilles destinées à recueillir les adhé
sions des électeurs: Il est à désirer que
dans chaque département, chaque ar
rondissement, on s'organise de manière
à mettre en évidence, par ce moyen fa
cile, la volonté formelle du pays de dé
fendre nos libertés fondamentales : li
berté de conscience, liberté d'associa
tion, liberté d'enseignement.
Ce sera comme un référendum dont
l'importance n'échappera à personne.
Les signatures (qu'il est inutile de faire
légaliser) devront être adressées direc
tement ou par l'entremise du comité
local, à M. Fortin,*76, rue des Saints-
Pères, Paris. C'est à cette même adresse
qu'on peut se procurer les feuilles d'ad-
nésion.
Lettre dé Mgr l'évêque de Cïermont
à M51. les sénateur» ef députés du
Puy-de-Dôme.
Mgr l'évêque de Cïermont vient ✓
d'adresser à MM. les sénateurs et à
MM. lès députés du Puy-de-Dôme
une lettre relative au projet de loi
contre les congrégations religieu
ses.
Mgr Belmont, avant d'examiner
les griefs reprochés aux ordres re
ligieux par les auteurs du projet de
loi et d'en démontrer l'inanité, jette
un regard sur les conséquences de
la suppression des congrégations :
" C'en serait fait désormais de nos mis
sions, écoles et hospiOas catholiques qui
constituent là meilleure base du prestige
de la France dan» les pays lointains,
comme en Syrie, en Egypte, en Chi
ne, etc. ; car le personnel de ces établis-
senients fourni par .des congrégations
pour la plupart non reconnues, ne pour
rait plus se recruter ni même subsister
dès le jour où leurs maisons-mères, en
France, seraient .fermées. Leur place se
rait immédiatement prise par d'autres
nations qui ne manqueraient pas de sou
tenir de toutes manières lëurg mission
naires et leurs ïejigieux;-et ce serait
autant de perdu pour l'influence fran
çaise.- ■ ■ ■ ■ ■ ■ ...
C'en serait fait de nos admirables éta
blissements scientifiques tels que ceux
de Beyrouth, Zi-ka-Wei, Madagascar,
créés et dirigés par des Jésuites.
C'en serait fait aussi des écoles chré
tiennes libres, des asiles et hospices ou
verts par la charité en France et aux co
lonies.
Pensez-vous pouvoir trouver un per
sonnel disposé, non seulement à partir,
sice.n'est à d'onéreuses conditions, pour
nos colonies lointaines, mais encore prêt
à fournir d'aussi utiles agents de civi
lisation que le sont nos religieux et reli
gieuses?
Et, en France, avez-vous bien consi
déré la charge que vous assumeriez ?
Jugez en par ce département du Puy-de-
; Dôme. . ■ ! •
Pour remplacer les 294 écoles congré-
ganistes libres et quelques-unes non en
core laïcisées, toutes remplies d'élèves,
Si les écoles publiques le sont également,
il faudra en construire plus de 300 au
tres et les pourvoir d'un personnel ensei
gnant. C'est à peiné si vous en avez créé
autant depuis 1880, et vous devez savoir
au prix de quels sacrifices. En votant la
loi sur les associations, vous condamne-
.riez les contribuables à voir redoubler
leurs charges pour être moins bien ser
vis que par le passé, car votre nouveau
personnel serait improvisé, et ne serait
plus soutenu par l'émulation des écoles
rivale è.
■ ■ Avant (le voter une loi dont lés
conséquences seraient si graves,
Mgr l'évêque de Cïermont'engage
MM. les députés et MM. les séna
teurs du Puy-de-Dôme à examiner
les raisons qui leur en feraient un
devoir :
Est-ce le danger de la mainmorte ?
mais, d'après le tableau officiel que vous
avez entre les mains, les biens de main
morte des 200,000 religieux s'élèveraient
non pas à un milliard, mais à 435,315,862
francs (t. I", p. 1042, col. 4), dont il faut
défalquer 206,835,982 fr. 72 d'hypothè
ques (col. 21 )1 Et en examinant seulement '
les pages 636-647 qui concernent notre
département, il ne nous a pas'été diffîcilè
de constater que ce document, composé
avec ' une incroyable précipitation, ne
possède aucune valeur probante. Ne
classe-t-il pas, en effet (pages 642 et 646,
col. 3, 4 et 5), comme biens de main-
morte, des propriétés privées qui, à ce .
titre, ne peuvent figurer, et, en effet, ne
figurent point dans la colonne (p. 643-
645, colv 25) de l'impôt de mainmorte ? et
ne remarquez-vous pas (pi 638, n® 798),
une_ congrégation qui posséderait des
biens d'une valeur de 444,950 francs, les
quels seraient grevés d'hypothèques pour
683,730 francs, (col. 21) ? Ce tableau offi
ciel abonde en bévues de ce genre.
On vous a fait entendre, je le sais, que
la fortune des religieux,la mainmorte,-
par conséquent, aurait beaucoup pro
gressé depuis vingt ans ; on vous a donné
pour preuveB le grand nombre d'écoles
qu'ils ont ouvertes dans cette période.
Sans doute, il y a dans le département
environ 300 écoles congréganistes libres
qui, il y a vingt ans, n'existaient pas, ou
étaient des écoles publiques rétribuées
par l'Etat et les communes et ont été laï
cisées depuis lors. Depuis ce temps, elles
subsistent à leurs risques et périls dans
des locauxloués ou appartenant déjàau^
congrégations qui les dirigent. Est-ce à
dire que celles-ci en soient devenues plus
riches? Ce que coûtent les écoles publi
ques vous dit assez que leurs charges se
raient intolérables sans leur esprit de
pauvreté qui permet à deux ou trois re
ligieuses de se contenter, pour leur sub
sistance; de ce qui ne suffirait pas à une
seule de vos plus modestes adjointes laï
ques.
Du reste, vous n'ignorez pas que la
mainmorte ne peut s'accroître d'un cen:
time de rente ni d'un centimètre de ter
rain sans un décret du chef de l'Etat. Or,
depuis vingt ans, vous ne trouverez pas
un seul décret de ce genre pour le dépar
tement du Puy-de-Dôme, et si vous faites
exécuter un recensement des biens de
mainmorte plus exact que celui qu'on
vous a soumis, vous verrez que dans ces
vingt dernières années, il y a eu, non pas
augmentation, mais au contraire dimi
nution par le fait des saisies et ventes
pratiquées par l'enregistrement.
Vous ne sauriez donc être dupes de la
fantasmagorie des chiffres qu'on a fait
miroiter devant vous pour attribuer à la
mainmorte une importance et un pro
grès imaginaires.
Vous ne sauriez l'être davantage des
sophismies employés pour vous prouver
l'immoralité des vœux des religieux^
ainsi que leur influence néfaste sur la va
leur des individus qui les émettent et la
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