Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-03-05
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 mars 1901 05 mars 1901
Description : 1901/03/05 (Numéro 12067). 1901/03/05 (Numéro 12067).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7106588
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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Mardi 5 Mars, 1901 ~
Edition {g&otidienns 12,067.
Mardi 5 Mars iSCP^r-iop;
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Les abonneiaëats partent Ses 1 er et 16 de ehaqae mois:
l'PMVEBS ne répond pas des manuscrits qui tut sont adressés
ANNONCES
. LAGRANGE, CERF et O, 6, placela Bourse
PARIS, 4 MARS 1901-;,
SOMMAIRE
Les débris de la
conspiration E ugène T avernier.
Correspondance ro
maine ***
La situation en Au
triche . A.
L'anniversaire de
Léon XIII à Mont
martre. ...... FR4NÇOIS VETJÏUOT.
Causerie littéraire :
Un ami dé Mme de
Rambouillet....... E dm«nd B iré.
ÎBuIletin. — Nouvalîea dft Home. — Le port
- de la soutane. — La liberté d'association.
. La consultation de M" Barboux. — Mgr
Dabert. — ïntematianB politiques et par-
i-smeataires. —Dans l'Extrême>Sud algé
rien. — JE» Espagne. — La guerre du
. Transvaal.— En Chine. — Dépêches de
l'étranger. — A travers la presse. —
. Chronique. — Les fêtes et réunions
d'hier.— Au Sillon. — Institut populaire^
— Réuni®n des étudiants. — Les grèves.
— Echoe de partout. — Nécrologie. —
Nouvellws diverses. — Calendrier/—:
Bourse et bulletin financier. — Dernière
feeura.
i! ira 1 u (ibpirâiioî
On trouva ces temps derniers, à
Paris,. un cadavre coupé en mor
ceaux et dont l'identité n'a pu être
établie. Peu après, la ville de Lyon
s'occupa elle aussi de débris analo
gues, mais d'un : autre sexe. . Quel
était «et homme? Quelle était cette
femvne ? Quels assassins les avaient
airiSi désarticulés ? On l'ignore. _
Une victime encore plus intéres
sante vient d'être découverte, qui a
subi un traitement du même genre.
Celle-là du moins est connue : c'est
la conspiration organisée » par M.
Déroulède et qui fut mise en mor
ceaux le jour ou elle devait réussir,
lors de l'enterrement de M. Félix
Faure. ■, J
On croyait qu elle s'était rompue
(d'elle-même, faute de la solidité né
cessaire. Mais le chef de l'entre
prise a raconté qu'un traître la
fit échouer au dernier Rioment
en transmettant des instructions
qui la désorganisaient^-
Il y avait trois tronçons % les^ pa-
triotës, dirigés par M. Déroulède;
les antisémites, conduits par M.
Guérin ; les royalistes % qui mar
chaient avec M. Buffet.^
En somme, c'était une marche
convergente qui devait forcément, à
l'heure décisive, devenir divergente.
MM. Déroulède et Guérin ne s'en
tendaient guère; les patriotes ré
publicains et les royalistes ne se
soutenaient qu'avec l'idée récipro
que de se jouer finalement un bon
tour, c'ést-à : dire? le plus mauvais
tour. Alliés la veille, ennemis le
lendemain : c'était la base du com
plot.
Vraiment, il avait des chances de
craqUer.
Des exemples fournis par l'his
toire contemporaine fortifiaient en
core les pressentiments que fait
naître toute alliance conclue entre
rivaux. A la veille du coup d'Etat de
1851, orléanistes et républicains,
qui le voyaient venir, ne voulaient
pas céder les uns aux autres et fi
nirent par lui ouvrir le chemin,
dans lequel il les bouscula.
Durant" la seconde période de
l'Empire, la célébré entente qui
s'appela 1' «• Union- libérale », réu
nit encore les républicains et les
orléanistes. Ils ébranlèrent beau
coup le gouvernement de Napo
léon III, affaibli d'ailleurs par ses
fautes. Il y eut de belles passes d'ar
mes ; on consomma énormément de
littérature et de traits d'esprit. On
fit; surtout; élire des .députés répu
blicains. Le 4 septembre, les orléa
nistes purent- s'apercevoir qu'ils
avaient, d'une manière très efficace,
travaillé pour la république^ c'est-
à-dire contre eux-mêmes.
Ils n'ont pas manqué de recom
mencer, tellement sont utiles les
leçons de l'expérience et de l'his
toire!
En manœuvrant de concert avec
M. Déroulède, ils avaient bien l'in
tention de le rouler. On l'aurait
éclipsé àu moment décisif ; on au
rait mis sur le pavois M. le duè
d'Orléans. Mais qui pouvait croire
que M. Déroulède aurait pris facile-
'ment son parti de l'éclipsé? Et
même le roi'était-il prêt à paraître ?
Tant de récits ont envahi la circula
tion qu'il, est devenu très difficile
de se procurer une opinion raison-,
nable.
Il y a deux ans, plusieurs jour
naux ont raconté que lorsque M.
Buffet pressait M. le duc d'Orléans
de se rapprocher de Paris,' il reçut
un refus télégraphique, d'un laço*.
nisme empruuté au vocabulaire de
M Zola. Ce n'est sans doute pas
vrai.
Ce qui est vrai jusqu'à l'évidence,
c'est que le che£ des royalistes ne
croyait pas au succès de l'aventuré ;
en quoi il a montré une incontes
table pénétration. •.
Voyez-vous le duc d'Orléans se
glissant dans Paris à la faveur de
l'agitation provoquée par M. Dérou
lède et voulant faire proclamer la
royauté avec le concours des hom
mes qui s'insurgeaient pour établir
la république plébiscitaire ! Voyez-
vous les deux chefs en conflit et
s'arrêtant réciproquement, tandis'
que le gouvernement menacé les
envoie tous les deux au poste!
C'est déjà bien suffisant de voir
les journaux et les politiciens se
livrer tout à coup au jeu de la de
vinette et se demander en public le
nom du conspirateur qui aurait'
trahi. M. Guérin, que M. Jaurès dé
signait, est justifié par M. Dérou
lède et par M. Pierre Richard. M.
Thiébaud est hors de cause; '■
Mais M. Déroulède et M. Buffet
ayant continué de s'envoyer des dé
mentis, les inévitables témoins ap
paraissent et s'occupent de fixer un
point de rencontre entre Bruxelles
et Saint-Sébastien. De la prison de
Clairvaux, M. Guérin expédie lui
aussi des démentis et des témoins
à M. Jaurès, qui déclare que le car
tel n'est pas rédigé en termes suf
fisamment aimables. ■
■Aujourd'hui, probablement, à la
Chambre, la majorité ministérielle,
profitant deces révélations (qui ont
révélé si peu de choses),prononcera
la déchéance de M. Déroulède; car
il était encore député.
La conspiration sera sans doute
« classée » comme les autres affai
res où se trouvaient des cadavres
coupés en morceaux. Peut-être, ce
pendant, pour celle-là, réussira-t-on
quelque jour à connaître le coupa
ble. Le libéral M. Ranc en soupire
d'espérance joyeuse et voit en rêve
une nouvelle Haute-Côur qui con
damnera des. généraux; des reli
gieux, d'anciens ministres. Même
quelqu'un de très. tolérant a pro
posé de mettre en jugement le gé
néral de Pellieux, qui est mort.
Eugène T avernte^'.
"BULLETIN
Aujourd'hui, la Chambre discute là
question de la déchéance de MM. Dérou
lède èt Marcel Habert. (
Hier, dans l'arrondissement de Gien, M.
Guingand, radical, a été élu député par
1,281 voix contre M. Defaucamberge,
progressiste, qui a obtenu 6,316 suffra-
qes. " ■
A Marseille,; le- mouvement gréviste
continué h se dével&pper. On signale
plusieurs incidents dont on trouvera
plus loin le récit.
On annonce que le ■général Servières,
commandant nos forces dans le Sud-
Oranais, vient de se rendredans le nord
du Touat pour pmtéger les populations
soumises à la Frknce contre toute nou
velle attaque dçs Marocains.
' Le général Azcarraga ayant définiti
vement décliné la mission de former le
cabinet, la reine régente d'Espagne a
confié cette mission à. M. Villaverde.
Celui-ci compte avoir constitué aujour
d'hui son ministère qui sera un minis
tère de concentration conservatrice,
En Angleterre, il semble bien que le
parti conservateur perde actuellement
quelque peu de terrain. Hier, @nt eu
lieu, à Londres, des élections pour le
« County Concil * ; contrairement à la
tradition, elles ont eu un caractère po
litique et les partisans du cabinet Sa lis-
bury ont éprouvé un échec. "
En ce qui concerne les affaires de
Chine, on s'occupe toujours beaucoup
de Ventente intervenue entre la cour et
la Rus&f} au sujet de la Mandchourie.
Il parait que le texte publié*n'est pas-
; exact et que cette publication serait le
fait des diplomates chinois qui vou
draient susciter *tm conflit entre les puis
sances européennes.
NOUVELLES DE ROME
CORRESPONDANCE ROMAINE
En province.
Le premier du mois de mars a eu lieu
à Milan l'inauguration de l'Université
populaire' avec un discours de Gabriel
d'Annunzio. Cette inauguration a fait
beaucoup de bruit à cause de l'impor
tance que les partis populaires de Milan
ont voulu donner à M. d'Annunzio, le nou
veau chantre de Garibaldi.
En effet le poète de Pescava lut pour la
circonstance le troisième chant de son
poème sur le héros de Caprera, et natu
rellement fut beaucoup applaudi. .
Les francs-maçons ont voulu fêter de"
cette manière un nouveau progrès de, l'a
théisme et du néo -paganisme dont M. d'An
nunzio est la personnification. Ces mes
sieurs ne comprennent sans doute pas que
de la sorte on détruit les bases mêmes de
l'Université populaire, -pour laquelle la
grande majorité du peuple italien, qui-
est encore catholique, ne peut avoir que-
de la méfiance et de. l'antipathie: '
LA LIBERTÉ D'ASSOCIATION
On nous écrit de Nantes
Sur la demande du comité de défense
religieuse de Nantes, M. Boyer de Bouil-
lane, magistrat démissionnaire, avocat
à la cour d'appel de Paris, vient de faire
une conférence des plùs remarquables
sur la liberté d'association. Avec une lo
gique infatigable, il a détruit un à un.
tous les arguments ministériels, et a été
salué à maintes reprises par les applaur,
dissements enthousiastes d'une salle
comble. Le comte Catta, président du
comité, a proposé un ordre du jour éner
gique, voté à l'unanimité par près d'un
millier d'assistants.
Nous espérons qu'à l'exemple de la
grande cité nantaise, la France entière
se lèvera dans un irrésistible mouvement
de réprobation.
LE PORT DE LA SSOTAIE
EN CASSATION
Le commissaire de police de Saint-
Etienne s'est pourvu en cassation contre
le jugement qui acquitte, les cinq ecclé
siastiques.
Le gouvernement, pour en finir sans
doute avec ces arrêtés et ces poursuites
niaises, a fait déférer par ce commissaire
le jugement à la cour suprême, comptant
que l'arrêt de cette cour, dont le sens
n'est pas douteux, mettra fin aux fantai
sies burlesques des maires,assez ridicu
les pour interdire le port de la soutane.
LE « HiGiflEBT HISTORIQUE.» ES ITALIE
Ce qui se cache derrière la fantasmagorie
des noms. — Les anciens partis et leur
agonie., r— Comment la.Gauche « histori
que » a. enfanté les partis extrêmes. —
-Pour apprivoiser les masses. — Le mou
vement tournant de la Maçonnerie uni
verselle : son grand effort dacs les pays
latins.
II
* On a exposé, dans la précédente
correspondance, comment la Droite
historique avait définitivement dis
paru comme parti, dès 1876. Quel
ques-uns de ses membres ont ce
pendant surnagé, soit à cause de
leur valeur personnelle, soit à cause
de la souplesse de leurs maximes
politiques.
Visconti-Venosta a été, de cette
manière, rappelé aux'affaires étran
gères, en 1896, et y avait été main-*
tenu jusqu'à la toute dernière crise.
Di Rudini, en 1891 et en 1896 pa
rut, un moment même, rétablir la
fortune de son parti. Pelleux, ins
piré et soutenu au Parlement par
-Sonnine, fut chargé de comprimer
les . partis populaires : on sait qu'il
échoua.
Pnnitti, industriel milanais, in
troduit dans le ministère Zanar-
delli par un coup d'audace, disent
les partisans du cabinet, a tâché de
se refaire une virginité progres
siste en préconisant dans un dis
cours-programme les réformes que
so'îi parti a toujours combattues, et
en*:) acquiesçant au système de la
triple alliance qu'il avait lui-même
fréquemment critiqué. ,
Si, à ces noms relativement cori-
j nus, on ajoute celui de Colombo,
qui fut président à la Chambre à
l'époque de l'obstructionnisme, l'on
aura passéjen revue àpeu près tous
les représentants marquants de la
» défunte Droite « historique ».
D'autres noms ont,-depuis quel
que temps, sollicité l'attention du
lecteur qui- s'intéresse au mouve
ment de la politique italienne, et qui
en remarque la connexion étroite
avec les intérêts de l'Eglise.
C'est Depretis, le vainqueur de la
Droite, qui gouverna, d'une façon
presque continue jusqu'à sa mort,
e'est-à-direxj& 1876 à 1887.
C'est Crispi, qui' de 1887 à 1896,
rapplit de sa mégalomanie, et qui
domina par son absolutisme toute
la politique italienne.
Puis, c'est Villa, le président de
la' Chambre actuelle, dont il fut
question, Un moment, pour la suc-
cession-de Saracco;—c'est Baccelli,
— celui que les Romains appellent
le divin Baccelli, il divo, — qui oc
cupa longtemps le ministère de
l'instruction publique, aussi fer
vent serviteur des Loges qu'il avait
été, avant 1870, flexible fonction-
nairé du Pape ; — c'est Gianturco,
qui faillit s'illustrer, sous le minis- '
tère précédent, en fondant une-Uni
versité théologique antipontificale à
Bari ; — c'est Finali, le fugitif minis
tre du Trésor, dans les dernières
semaines du même ministère Sa
racco; —r c'est Saracco lui-même,
hier écarté du pouvoir, et .chargé
d'éloges par ses vainqueurs...
C'est Zanardelli enfin, * et c'est
Giolitti, les deux chefs du cabinet
d'aujourd'hui. Le premier, vieillard
de soixante-douze ans, appartient à
la génération des conspirateurs ita
liens. Né à Brescia, il prit, en 1858,
une part active aux menées que Ca-
vour combinait de concert avec les
libéraux lombards ; en 1860, il était
àNaples avec Garibaldi. Député dès
1859, il fut plusieurs fois ministre
de la justice et des cultes, sous-De
pretis, Cairoli (un des chefs de la
Gauche historique, mort aujour
d'hui) et Crispi. Dans- ce dernier
ministère, il rédigea le projet du
Code pénal qui punit de la prison
et de l'amende les actes ou les pa
roles des ministres du culte «. hos
tiles à l'Etat ou à l'intégrité du ter
ritoire ». Zanardelli, en ces derniers
temps, fit partie du cabinet Pel-
loux, participa même aux premiers
actes de répression exercés par ce
ministère, puis il se déjugea et dé
missionna.
Zanardelli est un franc-maçon no
toire, des plus influents. La Gazetta.
di Brescia, qu'i\ inspire, est un des
coryphées des journaux anticléri
caux en Italie.
Quant à Giolitti, son nom est plus
connu du public européen que ce
lui de Zanardelli. Les scandales de
la Banque romaine, qui le firent
tomber du pouvoir, ont eu, en ef
fet, un retentissement universel;
Giolitti, président du conseil à cette
époque, ne se prêta qu'après trois
mois d'hésitation à la nomination
d'une commission parlementaire,
chargée de faire une enquête sur
les comptes de la Banque. Le blâ
me que cette commission infligea à
Giolitti, qu'elle taxa de négligence,
compromit pour un temps la car
rière de cet homme politique. On a
vu, en une correspondance précé
dente, comment M. Giolitti était
parvenu à reconquérir une influence
considérable. Il donne la main, par
son programme de réformes socia
les, à Sacchi et aux radicaux.
Le voici ministre de l'intérieur en
des circonstances qui ne laissent
pas d'être critiques : il suffit de son
ger, pour en convenir, à l'intensité
de certains conflits économiques
auxquels il a été fait allusion ailleur^
et à la situation terrible des Pouil-
les.
Tous ces hommes appartiennent
à la Gauche « historique ». Seule
ment, pour ne pas se faire une idée
inexacte de cette classification, il
faut tenir compte des modifications
qu'a subie? ce parti, par suite de la
politique panachée adoptée par De
pretis dès 1882, et qui amena celui-
ci à mélanger systématiquement les
divers partis dans son ministère. Il •
faut ouvrir les yeux aUssi sur révo
lution que dessiaent un certain
-nombre de «es membres et de ses
organes, et sur laquelle nous insis
terons bientôt.
LA SITUATION EN AUTRICHE
Notre correspondant nons écrit
de Vienne, le 20 courant :
Avant d'analyser les impressions que
le discours du . trône a produites dans
les cercles parlementaires, si nous fai
sions un peu de statistique ? Elle est par
fois le plus éloquent des commentaires.
Dans une Chambre composée de 405 dé
putés (par conséquent bien inférieure en
nombre à la Chambre française ou ita
lienne, sans parler de la Chambre des
communes), il y a 24 .partis, soït 24 clubs
parlementaires, s'il vous plaît. Ils se
nomment : Allemands libéraux, Alle
mands démocrates; Allemands radicaux,
Antisémites, Union® libre allemande, Al
lemands catholiques, Jeunes Tchèques,
Tchèques agrariens, Tchèques socialis
tes; Tchèques cléricaux, Polonais, Polo
nais démocrates, Ruthènes, Slovènes,
Croates, Serbes, Italiens, Roumains,
Grande propriété foncière allemande,
Conservateurs féodaux, Centre, Mittel-
partei de la propriété foncière, Socia
listes purs et Sauvages (wilde):* Est-ce
assez ? Or je vous demande un peu ce que
valent après ces indications^ effrayantes
l'optimisme affecté du gouvernement et
les conseils du discours jdu trône ? Les
Tchèques, par exemple, revienne^ ren
forcés, mais émiettés. Nous ayons, en
effet, 53 Jeunes Tchèques, du parti Grœgr-
Ilérold, 6 Tchèques agrariens, entêtés
dans leurs revendications économiques-
nationales, 4 Ouvriers tchèques, dont
déjà le fameux chef, M. Klofats, fait pen-;
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 5 mars 1901
CAUSERIELITTÉRAIRE
Un ami de Mme de "Rambouillet (1).
I
Parmi les figures qui apparaissent au
second plan dans les Mémoires et les
Correspondances de la première moitié
du XVII* siècle, il en est une qui méri
tait peut-être de n'être pas complète
ment oubliée; C'est celle d'un homme
que toutes les biographies; sans excep
tion, ont passé sous silence, mais dont le
nom se rencontre à maintes reprises bous
la plume de Richelieu, à tout instant
sous celles de Chapelain et de Voiture ;
qui fut le protecteur de Voiture et « la
meilleur des amis de Mme de Rambouil
let » ; qui fit vaillamment la guerre Bans
être soldat, se mêla de négociations et
d'intrigues sans être diplomate et intri
gant, et qui vécut enfin, estimé, lionoré,
aimé, au sein d'une société aristocrati-
(1) Chaudebonne, le meilleur des amis
de Mme de Rambouillet,.par M. J. Brun-
Durand, membre du comité des travaux
historiques. Grenoble, librairie dauphinoise,
.H. Falqiie et Félix Perrin, 1900. t
que et littéraire, sans être homme de let
tres ni grand seigneur.
C'est la figure.de ce galant homme que
M. Brun-Durand vient de tirer de l'om
bre où elle dormait depuis plus de deux
siècles et qu'il nous présente aujourd'hui
dans des pages érudites à la fois et agréa
bles. '.V",
Claude d'Eurre naquit vers 1580 %.
Allex, petit bourg .du Dauphiné, où soi#
père, Louis d'Eurre, seigneur du Puy
Saint-Martin, avait une sorte de manoir
ou de maison forte sur l'emplacement
du château actuel. Le seigneur du Puy
Saint-Martin fit preuve de générosité vis-
à-vis des pauvres, en leur léguant, par
testament en date du 17 juillet 1592, une
a rente annuelle de cent escus sel, paya
ble chaque année le Vendredy-Saint,
sçavoir, une année à cinq pauvres gaV-
çons, pour leur faire apprendre un art et
mestier,- et l'autre année, à cinq pauvres
filles, pour les marier ». Mais, par ce
même testament, il déshéritait ses trois
fils cadets—dont était Claude — au pro
fit de l'aîné, institué son héritier univer
sel/..: ■ .
Privé ainsi de toute part dans l'héri
tage paternel, Claude d'Eurre hérita, en
revanche, d'un oncle maternel, le fief de
Chaudebonne (2), dont il prit le nom.
Bien que la seigneurie d'un* méchant
village perdu dans les montagnes du
Diois ne constituât pas, tant s'en faut, un
(2) Commune du canton de la Motte-Cha-
lançon (Drôwe). .
riche apanage, il s'y renferma pendant
de longues années, laissant ses deux puî
nés courir le monde à la recherche de la
fortune.L'un des deux (3) au ipoina Igi ren
contra, puisqu'il devint marquis de Tref-
fort et de Pont-d'Ain, et lieutenant géné
ral des armées du roi, aprèir avoir été
ambassadeur en Savoie et commandant
de la citadelle de Turin.
Chaudebonne courait sur la quaran
taine lorsqu'il sortit de sa retraite, en
.1618, et résolut de paraître à la cour. Il
se fit assez promptement une place dans
son nouveau milieu, y devint assez vite
quelqu'un pour que les Mémoires du
temps parlent de lui dès le mois de
mai 1621. Racontant le siège de Saint-
Jean d'Angéïy par Lesdiguières, Fente-
nay-Mareuil dit, èn effet, qu'il y avait
parmi les assiégèants : « M. de Che-
vreuse,le cardinal de Guise, qui voulait
quitter le cardinalat pour se faire che
valier de Malte ; le marquis de "ftiémi-
nès, M. de Bressieu, M. de Chaudebonne
et quantité d'autr.es volontaires, qui fi
rent tous merveille, tout le monde estant
en pourpoint. » On dirait aujoufd'hui en
habit da ville.
A peu de temps de là, Chaudebonne
était attaché, comme gentilhomme de la
chambre, à Monsieur, frère du roi, celui
que l'histoire appelle Gaston • d'Orléans
et qui n'était encore j à ce moment-là,
(3) Rostaing-Antoine d'Euîre, seigneur
d'Aiguebonne-
que le duc d'Anjou (4). Le cadet de la
maison d'Eurre avait du sens et du juge
ment, de l'esprit même, avec cela beau
coup de loyauté et de désintéressement et
un dévouement à l'épreuve. Enfin, il
était de ces hommes que les puissants et
les' ambitieux ont d'autant plus intérêt à
prendre à leur servioe, lorsqu'ils en ren
contrent, que n'ayant pas d'ambition
pour eux-mêmes, ils en ont volontiers
pour ceux à qui ils s'attachent, et sont
pour eux d'utiles points d'appui dans la
bonne fortune, et, dans la mauvaise, une
précieuse ressource, sans être jamais
une charge'ni un embarras. -
En 1624, le duc d'Anjou n'avait encore
que seize ans. Abusant de son inexpé
rience, son gouverneur, Jean-Baptiste
d'Ornano, le compromit dans des intri
gues dirigées contre Richelieu. Louis XIII
enjoignit à d'Ornano de se retirer au
Pont-Saint-Esprit, jet, comme il s'y re-
fusà, le fit arrêter, mettre à la Bastille et,
finalement, enfermer dans le château de
Caen. Chaudebonne eut le même sort.
Moins de deux mois après, d'Ornano
et Chaudebonne, rendus à la liberté, re
prenaient leur place auprès de Monsieur.
Richelieu leur prodigua même à ce
point ses faveurs que, dix-sept mois
après s6n élargissement, au mois de
janvier 1626, le gouverneur de Gaston
(4) Le frèm de Louis XIII ne devint duo
d'Orléans qu'à la suite de son mariage avec :
Mlle de Montpensier, c'est-à-dire au mois
d'août 1626. * '
recevait le bâton de maréchal de France;
mais les faveurs n'eurent pas plus d'ef
fet que les rigueurs sur des hommes dont
le dévouement au fils puîné d'Henri avait
. qiielque chose de passionné. Après
comme avant, ils s'efforcèrent de pous
ser ce prince vers le trône, ils firent une
opposition plus ou moins ouverte, mais
incessante, à la politique du cardinal.
Ces nouvelles et dangereuses intrigues
ne pouvaient rester impunies. Le 4 niai
1626, à Fontainebleau, dans le cabinet
même du roi et en sa présence, un capi
taine des gardes se saisit d'Ornano, pen
dant que Chaudebonne était arrêté de
son côté par "un exempt.
' Emmenés de Fontainebleau le lende
main, les deux prisonniers furent incar
cérés dans le donjon de Vinccnnes. Le
Parlement reçut ordre de leur faire leur
procès sur l'heure; mais il y..mit si peu
de hâte, que d'Ornano mourut en prison,
quatre moiq apr^s, le 3 septembre 1626,
sans avoir été jugé. Le procès fut aban
donné, et Chaudebonne, à peu de temps
de là, fut remis en liberté ; il avait eu
d'ailleurs pour avocat auprès du tout-
puissant cardinal le P. Joseph, à qui Ri
chelieu adressa la fort- curieuse et très
belle lettre que voici :
I « Mon Père, pour responce à ce dont
vous m'av.és escrit touchant le sieur de
Chaudebonne, je vous diray librement
que je l'estime beaucoup. Je le tiens
homme de parole et de cœur, et vous as
sure que je seray bien aise de le servir
auprès du roy. Au reste vous çognoisséa
dant au forcené allemand Wolff, et un
Tchèque clérical, abhorrant, dans son
splendide isolement, le libéralisme de
ses co-nationaux.
Cette atomisation se voit clairement
quand on compare les chiffres de l'ancienne
majorité et de la nouvelle. Dahs l'ancienne
Chambre la droite était composée de 206
membres, plus 10 n'appartenant à aucun
parti (wilde) mais votant régulièrement
avec la droite, — contre 189 députés de la
gauche allemande. Actuellement la droite
est descendue au chiffre- de 183 et la
gauche a gagné. • •
Elle se chiffre à 195 membres. - Nous ne
comptons pas ici les 27 catholiques alle
mands qui oscillent entre la communauté
de race avec les autres Allemands et leurs
affinités de principes avec les membres
de la droite slave. Que peut-on espérer
d'une pareille Chambre?
Lé discours de la couronne s'est d'ail-
leurs.chargé d'assombrir la situation en
soulevant la question de la langue alle
mande. Deux choses ont gâté complète
ment l'appel de l'empereur à concorde
et au travail : la déclaration significative
sur le caractère de là constitution autri
chienne, octroyée par l'empereur à ses
peuples, ce qui en d'autres termes veut
dire simplement que les peuples n'ont
aucun droit à la constitution que le soa-
verain-peut révoquer à son gré; et le pas
sage sur la nécessité de conserver la
langue allemande (l'empereur a dit :
« l'unité de la langue », — ce qui revient
au même) j dans certaines branches de
l'administration. Le mot unité a surtout
blessé les députés slaves. Car c'est le
retour indirect à la théorie de la Staats-
prache (langue d'Etat) proclamant la su
périorité de l'allemand sur les autres
langues de l'Empire.
La discussion sur l'adresse à l'empe- '
reur a accentué les divergences irrémé
diables qui existent entre Slaves et Alle
mands. On n'a pu aboutir qu'à une décla~
ration laconique de loyalisme et les
débats ont été parfois aussi orageux que
dans l'ancienne Chambre. Nous avons le
nouveau bureau. Le président est un
grand seigneur allemand modéré, le
comte Vetter von der Liîie, le premier
vice-président encore un Allemand, le
docteur Prade, et le second un tchèque;
le docteur Zatschek. Va-t-on aborder là
discussion du budget et puis cette longue
liste de projets de lois annoncé! dans lè
discours du trône ? Ghi lo sa ? Ce qui est
certain, c'est que la question des langues
provoquera de nouvelles explosions de
colère et que cette nouvelle tentative de
gouverner en Autriche avec un parlement
centraliste élu par catégories et non par
suffrage universel va échouer misérable
ment.
Et après? Après; l'autoritarisme, dé
guisé jusqu'au jour où quelque nouveau
Sadowa déchirera le pacte créé par, le
Sadowa de 18661 J'ai toujours insisté
dans mes correspondances à YUnivers,
sur ce fait que la politique intérieure
de l'Autriche dépend de l'orientation*
extérieure de l'Europe. En effet, toutes
ces nationalités n'ayant d'autre lien entre
elles que la sujétion au même souverain,
l'empire doit subir fatalement le sort de
la dynastie. Or la dynastie est assez bien
assise pour ne rien craindre d'une lutte
t de races impuissantes par elles-mêmes
à provoquer une révolution. Mais le jour
où l'Autriche perdra une grande armée,
la race allemande vaincue sjûbira les
conséquences de la victoire de*la race
slave ;ou, au contraire,dans une Autriche
victorieuse, la race slave descendra au
rang de race inférieure comme sous le
régime allemand de "1855. Toute la ques
tion autrichienne est là.
A. '
P. S. - t . Le bruit court du mariage
morganatique de l'empereur avec Mme-
Schratt, l'ancienné sociétaire du Burg-
theater, son amie fidèle et intelligente
depuis trente années. L'empereur lui
conférerait le titre de comtesse de Ilohe-
nembs. Je vous donne cette nouvelle sous
la plus grande réserve, mais elle circule
incontestablement et avec persistance
dans les cercles de la cour pour, lesquels
ce mariage ne serait pas .une surprise.
mon humeur ; si ie ne faisais cas de luy,
je ne le dirais pas. Je vous remercie des
offres qu'il vous ^a faites, tant pour le
service du roy, de la reyne que pour mon
particulier. Quand il plaira au roy de le
tirer du lieu où il est, ce sera; sans stipu
ler aucune condition particulière avec
luy, et ceux qui l'assisteront le feront
sans dessein. Il est en lieu de tout pro
mettre,il serait peu' honneste d'exiger des
paroles d'une personne qui est en l'estat
auquel il est. La conscience d'un homme
d'honneur luy fait faire plus que tous les
serments du monde faits en lieu con-
trainct.
« Monsieur (5) est parfaitement bien
auprès du roy. Sa Majesté en est fort
contente. Pour mon particulier, vqus
sçavés bien que je ne souhaite rien au
monde çomme là tranquillité de cet estât
et de voir Monsieur grand et heureux
dans le bonheur et la prospérité des
affaires du roy. Par ce moyen, il Eera
bien aysé à tous ceux qui serviront Mon
sieur de servir le roy et l'Estat, puisque
ces deux choses ne requièrent rien qui
ne soit advantageux à Monsieur.
« Les intrigues de femmes nuisent
plus à M. de Chaudebonne qu'autre
chose. Je suis, comme vous le sçavai,
mon Père, tout que vous vouddrés
pour vous (6). »
(5) Gaston d'Orléans. '
(6) Lettre du cardinal de Richelieu,
t. VII, p. 588.
1
BcîhV | |
Mardi 5 Mars, 1901 ~
Edition {g&otidienns 12,067.
Mardi 5 Mars iSCP^r-iop;
.. ÈWTÏO^r QIIOCTMEÎsKaS
; > ''PARIS '
. .. 3ï-BS« > A ! IVTEMEm'3
Un an - 40 ». ,
Six mois...... <• 21 : .
Trois mois..11
ETRANGER -,
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Les abonneiaëats partent Ses 1 er et 16 de ehaqae mois:
l'PMVEBS ne répond pas des manuscrits qui tut sont adressés
ANNONCES
. LAGRANGE, CERF et O, 6, placela Bourse
PARIS, 4 MARS 1901-;,
SOMMAIRE
Les débris de la
conspiration E ugène T avernier.
Correspondance ro
maine ***
La situation en Au
triche . A.
L'anniversaire de
Léon XIII à Mont
martre. ...... FR4NÇOIS VETJÏUOT.
Causerie littéraire :
Un ami dé Mme de
Rambouillet....... E dm«nd B iré.
ÎBuIletin. — Nouvalîea dft Home. — Le port
- de la soutane. — La liberté d'association.
. La consultation de M" Barboux. — Mgr
Dabert. — ïntematianB politiques et par-
i-smeataires. —Dans l'Extrême>Sud algé
rien. — JE» Espagne. — La guerre du
. Transvaal.— En Chine. — Dépêches de
l'étranger. — A travers la presse. —
. Chronique. — Les fêtes et réunions
d'hier.— Au Sillon. — Institut populaire^
— Réuni®n des étudiants. — Les grèves.
— Echoe de partout. — Nécrologie. —
Nouvellws diverses. — Calendrier/—:
Bourse et bulletin financier. — Dernière
feeura.
i! ira 1 u (ibpirâiioî
On trouva ces temps derniers, à
Paris,. un cadavre coupé en mor
ceaux et dont l'identité n'a pu être
établie. Peu après, la ville de Lyon
s'occupa elle aussi de débris analo
gues, mais d'un : autre sexe. . Quel
était «et homme? Quelle était cette
femvne ? Quels assassins les avaient
airiSi désarticulés ? On l'ignore. _
Une victime encore plus intéres
sante vient d'être découverte, qui a
subi un traitement du même genre.
Celle-là du moins est connue : c'est
la conspiration organisée » par M.
Déroulède et qui fut mise en mor
ceaux le jour ou elle devait réussir,
lors de l'enterrement de M. Félix
Faure. ■, J
On croyait qu elle s'était rompue
(d'elle-même, faute de la solidité né
cessaire. Mais le chef de l'entre
prise a raconté qu'un traître la
fit échouer au dernier Rioment
en transmettant des instructions
qui la désorganisaient^-
Il y avait trois tronçons % les^ pa-
triotës, dirigés par M. Déroulède;
les antisémites, conduits par M.
Guérin ; les royalistes % qui mar
chaient avec M. Buffet.^
En somme, c'était une marche
convergente qui devait forcément, à
l'heure décisive, devenir divergente.
MM. Déroulède et Guérin ne s'en
tendaient guère; les patriotes ré
publicains et les royalistes ne se
soutenaient qu'avec l'idée récipro
que de se jouer finalement un bon
tour, c'ést-à : dire? le plus mauvais
tour. Alliés la veille, ennemis le
lendemain : c'était la base du com
plot.
Vraiment, il avait des chances de
craqUer.
Des exemples fournis par l'his
toire contemporaine fortifiaient en
core les pressentiments que fait
naître toute alliance conclue entre
rivaux. A la veille du coup d'Etat de
1851, orléanistes et républicains,
qui le voyaient venir, ne voulaient
pas céder les uns aux autres et fi
nirent par lui ouvrir le chemin,
dans lequel il les bouscula.
Durant" la seconde période de
l'Empire, la célébré entente qui
s'appela 1' «• Union- libérale », réu
nit encore les républicains et les
orléanistes. Ils ébranlèrent beau
coup le gouvernement de Napo
léon III, affaibli d'ailleurs par ses
fautes. Il y eut de belles passes d'ar
mes ; on consomma énormément de
littérature et de traits d'esprit. On
fit; surtout; élire des .députés répu
blicains. Le 4 septembre, les orléa
nistes purent- s'apercevoir qu'ils
avaient, d'une manière très efficace,
travaillé pour la république^ c'est-
à-dire contre eux-mêmes.
Ils n'ont pas manqué de recom
mencer, tellement sont utiles les
leçons de l'expérience et de l'his
toire!
En manœuvrant de concert avec
M. Déroulède, ils avaient bien l'in
tention de le rouler. On l'aurait
éclipsé àu moment décisif ; on au
rait mis sur le pavois M. le duè
d'Orléans. Mais qui pouvait croire
que M. Déroulède aurait pris facile-
'ment son parti de l'éclipsé? Et
même le roi'était-il prêt à paraître ?
Tant de récits ont envahi la circula
tion qu'il, est devenu très difficile
de se procurer une opinion raison-,
nable.
Il y a deux ans, plusieurs jour
naux ont raconté que lorsque M.
Buffet pressait M. le duc d'Orléans
de se rapprocher de Paris,' il reçut
un refus télégraphique, d'un laço*.
nisme empruuté au vocabulaire de
M Zola. Ce n'est sans doute pas
vrai.
Ce qui est vrai jusqu'à l'évidence,
c'est que le che£ des royalistes ne
croyait pas au succès de l'aventuré ;
en quoi il a montré une incontes
table pénétration. •.
Voyez-vous le duc d'Orléans se
glissant dans Paris à la faveur de
l'agitation provoquée par M. Dérou
lède et voulant faire proclamer la
royauté avec le concours des hom
mes qui s'insurgeaient pour établir
la république plébiscitaire ! Voyez-
vous les deux chefs en conflit et
s'arrêtant réciproquement, tandis'
que le gouvernement menacé les
envoie tous les deux au poste!
C'est déjà bien suffisant de voir
les journaux et les politiciens se
livrer tout à coup au jeu de la de
vinette et se demander en public le
nom du conspirateur qui aurait'
trahi. M. Guérin, que M. Jaurès dé
signait, est justifié par M. Dérou
lède et par M. Pierre Richard. M.
Thiébaud est hors de cause; '■
Mais M. Déroulède et M. Buffet
ayant continué de s'envoyer des dé
mentis, les inévitables témoins ap
paraissent et s'occupent de fixer un
point de rencontre entre Bruxelles
et Saint-Sébastien. De la prison de
Clairvaux, M. Guérin expédie lui
aussi des démentis et des témoins
à M. Jaurès, qui déclare que le car
tel n'est pas rédigé en termes suf
fisamment aimables. ■
■Aujourd'hui, probablement, à la
Chambre, la majorité ministérielle,
profitant deces révélations (qui ont
révélé si peu de choses),prononcera
la déchéance de M. Déroulède; car
il était encore député.
La conspiration sera sans doute
« classée » comme les autres affai
res où se trouvaient des cadavres
coupés en morceaux. Peut-être, ce
pendant, pour celle-là, réussira-t-on
quelque jour à connaître le coupa
ble. Le libéral M. Ranc en soupire
d'espérance joyeuse et voit en rêve
une nouvelle Haute-Côur qui con
damnera des. généraux; des reli
gieux, d'anciens ministres. Même
quelqu'un de très. tolérant a pro
posé de mettre en jugement le gé
néral de Pellieux, qui est mort.
Eugène T avernte^'.
"BULLETIN
Aujourd'hui, la Chambre discute là
question de la déchéance de MM. Dérou
lède èt Marcel Habert. (
Hier, dans l'arrondissement de Gien, M.
Guingand, radical, a été élu député par
1,281 voix contre M. Defaucamberge,
progressiste, qui a obtenu 6,316 suffra-
qes. " ■
A Marseille,; le- mouvement gréviste
continué h se dével&pper. On signale
plusieurs incidents dont on trouvera
plus loin le récit.
On annonce que le ■général Servières,
commandant nos forces dans le Sud-
Oranais, vient de se rendredans le nord
du Touat pour pmtéger les populations
soumises à la Frknce contre toute nou
velle attaque dçs Marocains.
' Le général Azcarraga ayant définiti
vement décliné la mission de former le
cabinet, la reine régente d'Espagne a
confié cette mission à. M. Villaverde.
Celui-ci compte avoir constitué aujour
d'hui son ministère qui sera un minis
tère de concentration conservatrice,
En Angleterre, il semble bien que le
parti conservateur perde actuellement
quelque peu de terrain. Hier, @nt eu
lieu, à Londres, des élections pour le
« County Concil * ; contrairement à la
tradition, elles ont eu un caractère po
litique et les partisans du cabinet Sa lis-
bury ont éprouvé un échec. "
En ce qui concerne les affaires de
Chine, on s'occupe toujours beaucoup
de Ventente intervenue entre la cour et
la Rus&f} au sujet de la Mandchourie.
Il parait que le texte publié*n'est pas-
; exact et que cette publication serait le
fait des diplomates chinois qui vou
draient susciter *tm conflit entre les puis
sances européennes.
NOUVELLES DE ROME
CORRESPONDANCE ROMAINE
En province.
Le premier du mois de mars a eu lieu
à Milan l'inauguration de l'Université
populaire' avec un discours de Gabriel
d'Annunzio. Cette inauguration a fait
beaucoup de bruit à cause de l'impor
tance que les partis populaires de Milan
ont voulu donner à M. d'Annunzio, le nou
veau chantre de Garibaldi.
En effet le poète de Pescava lut pour la
circonstance le troisième chant de son
poème sur le héros de Caprera, et natu
rellement fut beaucoup applaudi. .
Les francs-maçons ont voulu fêter de"
cette manière un nouveau progrès de, l'a
théisme et du néo -paganisme dont M. d'An
nunzio est la personnification. Ces mes
sieurs ne comprennent sans doute pas que
de la sorte on détruit les bases mêmes de
l'Université populaire, -pour laquelle la
grande majorité du peuple italien, qui-
est encore catholique, ne peut avoir que-
de la méfiance et de. l'antipathie: '
LA LIBERTÉ D'ASSOCIATION
On nous écrit de Nantes
Sur la demande du comité de défense
religieuse de Nantes, M. Boyer de Bouil-
lane, magistrat démissionnaire, avocat
à la cour d'appel de Paris, vient de faire
une conférence des plùs remarquables
sur la liberté d'association. Avec une lo
gique infatigable, il a détruit un à un.
tous les arguments ministériels, et a été
salué à maintes reprises par les applaur,
dissements enthousiastes d'une salle
comble. Le comte Catta, président du
comité, a proposé un ordre du jour éner
gique, voté à l'unanimité par près d'un
millier d'assistants.
Nous espérons qu'à l'exemple de la
grande cité nantaise, la France entière
se lèvera dans un irrésistible mouvement
de réprobation.
LE PORT DE LA SSOTAIE
EN CASSATION
Le commissaire de police de Saint-
Etienne s'est pourvu en cassation contre
le jugement qui acquitte, les cinq ecclé
siastiques.
Le gouvernement, pour en finir sans
doute avec ces arrêtés et ces poursuites
niaises, a fait déférer par ce commissaire
le jugement à la cour suprême, comptant
que l'arrêt de cette cour, dont le sens
n'est pas douteux, mettra fin aux fantai
sies burlesques des maires,assez ridicu
les pour interdire le port de la soutane.
LE « HiGiflEBT HISTORIQUE.» ES ITALIE
Ce qui se cache derrière la fantasmagorie
des noms. — Les anciens partis et leur
agonie., r— Comment la.Gauche « histori
que » a. enfanté les partis extrêmes. —
-Pour apprivoiser les masses. — Le mou
vement tournant de la Maçonnerie uni
verselle : son grand effort dacs les pays
latins.
II
* On a exposé, dans la précédente
correspondance, comment la Droite
historique avait définitivement dis
paru comme parti, dès 1876. Quel
ques-uns de ses membres ont ce
pendant surnagé, soit à cause de
leur valeur personnelle, soit à cause
de la souplesse de leurs maximes
politiques.
Visconti-Venosta a été, de cette
manière, rappelé aux'affaires étran
gères, en 1896, et y avait été main-*
tenu jusqu'à la toute dernière crise.
Di Rudini, en 1891 et en 1896 pa
rut, un moment même, rétablir la
fortune de son parti. Pelleux, ins
piré et soutenu au Parlement par
-Sonnine, fut chargé de comprimer
les . partis populaires : on sait qu'il
échoua.
Pnnitti, industriel milanais, in
troduit dans le ministère Zanar-
delli par un coup d'audace, disent
les partisans du cabinet, a tâché de
se refaire une virginité progres
siste en préconisant dans un dis
cours-programme les réformes que
so'îi parti a toujours combattues, et
en*:) acquiesçant au système de la
triple alliance qu'il avait lui-même
fréquemment critiqué. ,
Si, à ces noms relativement cori-
j nus, on ajoute celui de Colombo,
qui fut président à la Chambre à
l'époque de l'obstructionnisme, l'on
aura passéjen revue àpeu près tous
les représentants marquants de la
» défunte Droite « historique ».
D'autres noms ont,-depuis quel
que temps, sollicité l'attention du
lecteur qui- s'intéresse au mouve
ment de la politique italienne, et qui
en remarque la connexion étroite
avec les intérêts de l'Eglise.
C'est Depretis, le vainqueur de la
Droite, qui gouverna, d'une façon
presque continue jusqu'à sa mort,
e'est-à-direxj& 1876 à 1887.
C'est Crispi, qui' de 1887 à 1896,
rapplit de sa mégalomanie, et qui
domina par son absolutisme toute
la politique italienne.
Puis, c'est Villa, le président de
la' Chambre actuelle, dont il fut
question, Un moment, pour la suc-
cession-de Saracco;—c'est Baccelli,
— celui que les Romains appellent
le divin Baccelli, il divo, — qui oc
cupa longtemps le ministère de
l'instruction publique, aussi fer
vent serviteur des Loges qu'il avait
été, avant 1870, flexible fonction-
nairé du Pape ; — c'est Gianturco,
qui faillit s'illustrer, sous le minis- '
tère précédent, en fondant une-Uni
versité théologique antipontificale à
Bari ; — c'est Finali, le fugitif minis
tre du Trésor, dans les dernières
semaines du même ministère Sa
racco; —r c'est Saracco lui-même,
hier écarté du pouvoir, et .chargé
d'éloges par ses vainqueurs...
C'est Zanardelli enfin, * et c'est
Giolitti, les deux chefs du cabinet
d'aujourd'hui. Le premier, vieillard
de soixante-douze ans, appartient à
la génération des conspirateurs ita
liens. Né à Brescia, il prit, en 1858,
une part active aux menées que Ca-
vour combinait de concert avec les
libéraux lombards ; en 1860, il était
àNaples avec Garibaldi. Député dès
1859, il fut plusieurs fois ministre
de la justice et des cultes, sous-De
pretis, Cairoli (un des chefs de la
Gauche historique, mort aujour
d'hui) et Crispi. Dans- ce dernier
ministère, il rédigea le projet du
Code pénal qui punit de la prison
et de l'amende les actes ou les pa
roles des ministres du culte «. hos
tiles à l'Etat ou à l'intégrité du ter
ritoire ». Zanardelli, en ces derniers
temps, fit partie du cabinet Pel-
loux, participa même aux premiers
actes de répression exercés par ce
ministère, puis il se déjugea et dé
missionna.
Zanardelli est un franc-maçon no
toire, des plus influents. La Gazetta.
di Brescia, qu'i\ inspire, est un des
coryphées des journaux anticléri
caux en Italie.
Quant à Giolitti, son nom est plus
connu du public européen que ce
lui de Zanardelli. Les scandales de
la Banque romaine, qui le firent
tomber du pouvoir, ont eu, en ef
fet, un retentissement universel;
Giolitti, président du conseil à cette
époque, ne se prêta qu'après trois
mois d'hésitation à la nomination
d'une commission parlementaire,
chargée de faire une enquête sur
les comptes de la Banque. Le blâ
me que cette commission infligea à
Giolitti, qu'elle taxa de négligence,
compromit pour un temps la car
rière de cet homme politique. On a
vu, en une correspondance précé
dente, comment M. Giolitti était
parvenu à reconquérir une influence
considérable. Il donne la main, par
son programme de réformes socia
les, à Sacchi et aux radicaux.
Le voici ministre de l'intérieur en
des circonstances qui ne laissent
pas d'être critiques : il suffit de son
ger, pour en convenir, à l'intensité
de certains conflits économiques
auxquels il a été fait allusion ailleur^
et à la situation terrible des Pouil-
les.
Tous ces hommes appartiennent
à la Gauche « historique ». Seule
ment, pour ne pas se faire une idée
inexacte de cette classification, il
faut tenir compte des modifications
qu'a subie? ce parti, par suite de la
politique panachée adoptée par De
pretis dès 1882, et qui amena celui-
ci à mélanger systématiquement les
divers partis dans son ministère. Il •
faut ouvrir les yeux aUssi sur révo
lution que dessiaent un certain
-nombre de «es membres et de ses
organes, et sur laquelle nous insis
terons bientôt.
LA SITUATION EN AUTRICHE
Notre correspondant nons écrit
de Vienne, le 20 courant :
Avant d'analyser les impressions que
le discours du . trône a produites dans
les cercles parlementaires, si nous fai
sions un peu de statistique ? Elle est par
fois le plus éloquent des commentaires.
Dans une Chambre composée de 405 dé
putés (par conséquent bien inférieure en
nombre à la Chambre française ou ita
lienne, sans parler de la Chambre des
communes), il y a 24 .partis, soït 24 clubs
parlementaires, s'il vous plaît. Ils se
nomment : Allemands libéraux, Alle
mands démocrates; Allemands radicaux,
Antisémites, Union® libre allemande, Al
lemands catholiques, Jeunes Tchèques,
Tchèques agrariens, Tchèques socialis
tes; Tchèques cléricaux, Polonais, Polo
nais démocrates, Ruthènes, Slovènes,
Croates, Serbes, Italiens, Roumains,
Grande propriété foncière allemande,
Conservateurs féodaux, Centre, Mittel-
partei de la propriété foncière, Socia
listes purs et Sauvages (wilde):* Est-ce
assez ? Or je vous demande un peu ce que
valent après ces indications^ effrayantes
l'optimisme affecté du gouvernement et
les conseils du discours jdu trône ? Les
Tchèques, par exemple, revienne^ ren
forcés, mais émiettés. Nous ayons, en
effet, 53 Jeunes Tchèques, du parti Grœgr-
Ilérold, 6 Tchèques agrariens, entêtés
dans leurs revendications économiques-
nationales, 4 Ouvriers tchèques, dont
déjà le fameux chef, M. Klofats, fait pen-;
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 5 mars 1901
CAUSERIELITTÉRAIRE
Un ami de Mme de "Rambouillet (1).
I
Parmi les figures qui apparaissent au
second plan dans les Mémoires et les
Correspondances de la première moitié
du XVII* siècle, il en est une qui méri
tait peut-être de n'être pas complète
ment oubliée; C'est celle d'un homme
que toutes les biographies; sans excep
tion, ont passé sous silence, mais dont le
nom se rencontre à maintes reprises bous
la plume de Richelieu, à tout instant
sous celles de Chapelain et de Voiture ;
qui fut le protecteur de Voiture et « la
meilleur des amis de Mme de Rambouil
let » ; qui fit vaillamment la guerre Bans
être soldat, se mêla de négociations et
d'intrigues sans être diplomate et intri
gant, et qui vécut enfin, estimé, lionoré,
aimé, au sein d'une société aristocrati-
(1) Chaudebonne, le meilleur des amis
de Mme de Rambouillet,.par M. J. Brun-
Durand, membre du comité des travaux
historiques. Grenoble, librairie dauphinoise,
.H. Falqiie et Félix Perrin, 1900. t
que et littéraire, sans être homme de let
tres ni grand seigneur.
C'est la figure.de ce galant homme que
M. Brun-Durand vient de tirer de l'om
bre où elle dormait depuis plus de deux
siècles et qu'il nous présente aujourd'hui
dans des pages érudites à la fois et agréa
bles. '.V",
Claude d'Eurre naquit vers 1580 %.
Allex, petit bourg .du Dauphiné, où soi#
père, Louis d'Eurre, seigneur du Puy
Saint-Martin, avait une sorte de manoir
ou de maison forte sur l'emplacement
du château actuel. Le seigneur du Puy
Saint-Martin fit preuve de générosité vis-
à-vis des pauvres, en leur léguant, par
testament en date du 17 juillet 1592, une
a rente annuelle de cent escus sel, paya
ble chaque année le Vendredy-Saint,
sçavoir, une année à cinq pauvres gaV-
çons, pour leur faire apprendre un art et
mestier,- et l'autre année, à cinq pauvres
filles, pour les marier ». Mais, par ce
même testament, il déshéritait ses trois
fils cadets—dont était Claude — au pro
fit de l'aîné, institué son héritier univer
sel/..: ■ .
Privé ainsi de toute part dans l'héri
tage paternel, Claude d'Eurre hérita, en
revanche, d'un oncle maternel, le fief de
Chaudebonne (2), dont il prit le nom.
Bien que la seigneurie d'un* méchant
village perdu dans les montagnes du
Diois ne constituât pas, tant s'en faut, un
(2) Commune du canton de la Motte-Cha-
lançon (Drôwe). .
riche apanage, il s'y renferma pendant
de longues années, laissant ses deux puî
nés courir le monde à la recherche de la
fortune.L'un des deux (3) au ipoina Igi ren
contra, puisqu'il devint marquis de Tref-
fort et de Pont-d'Ain, et lieutenant géné
ral des armées du roi, aprèir avoir été
ambassadeur en Savoie et commandant
de la citadelle de Turin.
Chaudebonne courait sur la quaran
taine lorsqu'il sortit de sa retraite, en
.1618, et résolut de paraître à la cour. Il
se fit assez promptement une place dans
son nouveau milieu, y devint assez vite
quelqu'un pour que les Mémoires du
temps parlent de lui dès le mois de
mai 1621. Racontant le siège de Saint-
Jean d'Angéïy par Lesdiguières, Fente-
nay-Mareuil dit, èn effet, qu'il y avait
parmi les assiégèants : « M. de Che-
vreuse,le cardinal de Guise, qui voulait
quitter le cardinalat pour se faire che
valier de Malte ; le marquis de "ftiémi-
nès, M. de Bressieu, M. de Chaudebonne
et quantité d'autr.es volontaires, qui fi
rent tous merveille, tout le monde estant
en pourpoint. » On dirait aujoufd'hui en
habit da ville.
A peu de temps de là, Chaudebonne
était attaché, comme gentilhomme de la
chambre, à Monsieur, frère du roi, celui
que l'histoire appelle Gaston • d'Orléans
et qui n'était encore j à ce moment-là,
(3) Rostaing-Antoine d'Euîre, seigneur
d'Aiguebonne-
que le duc d'Anjou (4). Le cadet de la
maison d'Eurre avait du sens et du juge
ment, de l'esprit même, avec cela beau
coup de loyauté et de désintéressement et
un dévouement à l'épreuve. Enfin, il
était de ces hommes que les puissants et
les' ambitieux ont d'autant plus intérêt à
prendre à leur servioe, lorsqu'ils en ren
contrent, que n'ayant pas d'ambition
pour eux-mêmes, ils en ont volontiers
pour ceux à qui ils s'attachent, et sont
pour eux d'utiles points d'appui dans la
bonne fortune, et, dans la mauvaise, une
précieuse ressource, sans être jamais
une charge'ni un embarras. -
En 1624, le duc d'Anjou n'avait encore
que seize ans. Abusant de son inexpé
rience, son gouverneur, Jean-Baptiste
d'Ornano, le compromit dans des intri
gues dirigées contre Richelieu. Louis XIII
enjoignit à d'Ornano de se retirer au
Pont-Saint-Esprit, jet, comme il s'y re-
fusà, le fit arrêter, mettre à la Bastille et,
finalement, enfermer dans le château de
Caen. Chaudebonne eut le même sort.
Moins de deux mois après, d'Ornano
et Chaudebonne, rendus à la liberté, re
prenaient leur place auprès de Monsieur.
Richelieu leur prodigua même à ce
point ses faveurs que, dix-sept mois
après s6n élargissement, au mois de
janvier 1626, le gouverneur de Gaston
(4) Le frèm de Louis XIII ne devint duo
d'Orléans qu'à la suite de son mariage avec :
Mlle de Montpensier, c'est-à-dire au mois
d'août 1626. * '
recevait le bâton de maréchal de France;
mais les faveurs n'eurent pas plus d'ef
fet que les rigueurs sur des hommes dont
le dévouement au fils puîné d'Henri avait
. qiielque chose de passionné. Après
comme avant, ils s'efforcèrent de pous
ser ce prince vers le trône, ils firent une
opposition plus ou moins ouverte, mais
incessante, à la politique du cardinal.
Ces nouvelles et dangereuses intrigues
ne pouvaient rester impunies. Le 4 niai
1626, à Fontainebleau, dans le cabinet
même du roi et en sa présence, un capi
taine des gardes se saisit d'Ornano, pen
dant que Chaudebonne était arrêté de
son côté par "un exempt.
' Emmenés de Fontainebleau le lende
main, les deux prisonniers furent incar
cérés dans le donjon de Vinccnnes. Le
Parlement reçut ordre de leur faire leur
procès sur l'heure; mais il y..mit si peu
de hâte, que d'Ornano mourut en prison,
quatre moiq apr^s, le 3 septembre 1626,
sans avoir été jugé. Le procès fut aban
donné, et Chaudebonne, à peu de temps
de là, fut remis en liberté ; il avait eu
d'ailleurs pour avocat auprès du tout-
puissant cardinal le P. Joseph, à qui Ri
chelieu adressa la fort- curieuse et très
belle lettre que voici :
I « Mon Père, pour responce à ce dont
vous m'av.és escrit touchant le sieur de
Chaudebonne, je vous diray librement
que je l'estime beaucoup. Je le tiens
homme de parole et de cœur, et vous as
sure que je seray bien aise de le servir
auprès du roy. Au reste vous çognoisséa
dant au forcené allemand Wolff, et un
Tchèque clérical, abhorrant, dans son
splendide isolement, le libéralisme de
ses co-nationaux.
Cette atomisation se voit clairement
quand on compare les chiffres de l'ancienne
majorité et de la nouvelle. Dahs l'ancienne
Chambre la droite était composée de 206
membres, plus 10 n'appartenant à aucun
parti (wilde) mais votant régulièrement
avec la droite, — contre 189 députés de la
gauche allemande. Actuellement la droite
est descendue au chiffre- de 183 et la
gauche a gagné. • •
Elle se chiffre à 195 membres. - Nous ne
comptons pas ici les 27 catholiques alle
mands qui oscillent entre la communauté
de race avec les autres Allemands et leurs
affinités de principes avec les membres
de la droite slave. Que peut-on espérer
d'une pareille Chambre?
Lé discours de la couronne s'est d'ail-
leurs.chargé d'assombrir la situation en
soulevant la question de la langue alle
mande. Deux choses ont gâté complète
ment l'appel de l'empereur à concorde
et au travail : la déclaration significative
sur le caractère de là constitution autri
chienne, octroyée par l'empereur à ses
peuples, ce qui en d'autres termes veut
dire simplement que les peuples n'ont
aucun droit à la constitution que le soa-
verain-peut révoquer à son gré; et le pas
sage sur la nécessité de conserver la
langue allemande (l'empereur a dit :
« l'unité de la langue », — ce qui revient
au même) j dans certaines branches de
l'administration. Le mot unité a surtout
blessé les députés slaves. Car c'est le
retour indirect à la théorie de la Staats-
prache (langue d'Etat) proclamant la su
périorité de l'allemand sur les autres
langues de l'Empire.
La discussion sur l'adresse à l'empe- '
reur a accentué les divergences irrémé
diables qui existent entre Slaves et Alle
mands. On n'a pu aboutir qu'à une décla~
ration laconique de loyalisme et les
débats ont été parfois aussi orageux que
dans l'ancienne Chambre. Nous avons le
nouveau bureau. Le président est un
grand seigneur allemand modéré, le
comte Vetter von der Liîie, le premier
vice-président encore un Allemand, le
docteur Prade, et le second un tchèque;
le docteur Zatschek. Va-t-on aborder là
discussion du budget et puis cette longue
liste de projets de lois annoncé! dans lè
discours du trône ? Ghi lo sa ? Ce qui est
certain, c'est que la question des langues
provoquera de nouvelles explosions de
colère et que cette nouvelle tentative de
gouverner en Autriche avec un parlement
centraliste élu par catégories et non par
suffrage universel va échouer misérable
ment.
Et après? Après; l'autoritarisme, dé
guisé jusqu'au jour où quelque nouveau
Sadowa déchirera le pacte créé par, le
Sadowa de 18661 J'ai toujours insisté
dans mes correspondances à YUnivers,
sur ce fait que la politique intérieure
de l'Autriche dépend de l'orientation*
extérieure de l'Europe. En effet, toutes
ces nationalités n'ayant d'autre lien entre
elles que la sujétion au même souverain,
l'empire doit subir fatalement le sort de
la dynastie. Or la dynastie est assez bien
assise pour ne rien craindre d'une lutte
t de races impuissantes par elles-mêmes
à provoquer une révolution. Mais le jour
où l'Autriche perdra une grande armée,
la race allemande vaincue sjûbira les
conséquences de la victoire de*la race
slave ;ou, au contraire,dans une Autriche
victorieuse, la race slave descendra au
rang de race inférieure comme sous le
régime allemand de "1855. Toute la ques
tion autrichienne est là.
A. '
P. S. - t . Le bruit court du mariage
morganatique de l'empereur avec Mme-
Schratt, l'ancienné sociétaire du Burg-
theater, son amie fidèle et intelligente
depuis trente années. L'empereur lui
conférerait le titre de comtesse de Ilohe-
nembs. Je vous donne cette nouvelle sous
la plus grande réserve, mais elle circule
incontestablement et avec persistance
dans les cercles de la cour pour, lesquels
ce mariage ne serait pas .une surprise.
mon humeur ; si ie ne faisais cas de luy,
je ne le dirais pas. Je vous remercie des
offres qu'il vous ^a faites, tant pour le
service du roy, de la reyne que pour mon
particulier. Quand il plaira au roy de le
tirer du lieu où il est, ce sera; sans stipu
ler aucune condition particulière avec
luy, et ceux qui l'assisteront le feront
sans dessein. Il est en lieu de tout pro
mettre,il serait peu' honneste d'exiger des
paroles d'une personne qui est en l'estat
auquel il est. La conscience d'un homme
d'honneur luy fait faire plus que tous les
serments du monde faits en lieu con-
trainct.
« Monsieur (5) est parfaitement bien
auprès du roy. Sa Majesté en est fort
contente. Pour mon particulier, vqus
sçavés bien que je ne souhaite rien au
monde çomme là tranquillité de cet estât
et de voir Monsieur grand et heureux
dans le bonheur et la prospérité des
affaires du roy. Par ce moyen, il Eera
bien aysé à tous ceux qui serviront Mon
sieur de servir le roy et l'Estat, puisque
ces deux choses ne requièrent rien qui
ne soit advantageux à Monsieur.
« Les intrigues de femmes nuisent
plus à M. de Chaudebonne qu'autre
chose. Je suis, comme vous le sçavai,
mon Père, tout que vous vouddrés
pour vous (6). »
(5) Gaston d'Orléans. '
(6) Lettre du cardinal de Richelieu,
t. VII, p. 588.
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