Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-02-26
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 février 1901 26 février 1901
Description : 1901/02/26 (Numéro 12060). 1901/02/26 (Numéro 12060).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7106520
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 26 Féffrioï iôQJl
*£âi ■fcV'*L Aff JfcS? QyOXÎUISKarfî
Edition guotidi&nne: —■ 13,060
Mardi 26 Février 19Ôi
PARIS
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LE MONDE
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l'UNÏVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont idresié
ANNONCES
MÎÎ. LAGRANGE, CERF et C'« t 6, place de la Bourse
PARIS, 25 FÉVRIER 1901
^ » •>. 'J "-Jf. Jflfcï* • -
JSOItftAlAÏIÇBI
Le cas de M\ de
Pressensé ......... E ugène T a.ctrnikr.
Un programme élec
toral.. ......; .... E. V. '
Réformes sociales.. pierke VsuiîiOï.
Çà et là : Château-
masitra......... G. d 'A zambwa.
M. Brunetièra à
Tours J. M essise.
La journée du Sa
cré- Cœur. Edouard àlexakdre
Feuilleton: Une Car- .
mélite royale...... G eoffhoy de G rand-
maison .
— Bénédiction pontificale. — Pro
testation. — Le port de la soutane.—
Infoioiitioâs poiUiqucs ét parîtmen-
tai «s. — Dans l'Exiême-Sud-Algérien.
— Madagascar. — La mission Gentil. —
En Espagne. — En Chine. — î a gusne
du Tt**iia-vaal — Dépêche* de l'étranger.
— A travers la presse. — Le repos du di
manche. — La . question ouvrière. Les
graves. — Nécrologie. — Les anarchistes.
— L'accident daNoisy-le-Sec.— Nouvelles,
diverses.— Oal'ntbieï. — Bourse et bul
letin financier: — Dernière heure.
LE CAS DE S.'DE PRESSENSÉ
Dans son numéro du 19 février,
un journal protestant, La Vie nou
velle, rend compte d'une conférence
où M. de Pressens© a pris la parole.
C'était à une .séance de la Ligue des
droits de l'homme, sous la prési
dence de M:Guieys^e, député.
La réunion était fumeuse. II. pa
rait que, malgré « la fumée des ciga
rettes et des pipes » on respirait là
« un air vivifiant ». C'est la Vienou-
velle qui le constate.
Sans doute l'athmosphère était
pleine aussi d'un esprit pacificateur,
à en juger d'après les idées, le ton
et les manières de M. de Pressensé.»
« Sans gestes, sans éclat de voix,
a avec une facilité d'improvisation
« prodigieuse, il parle d'une façon
« unie et excitante à la fois, sans eri-
« "volée'lyrique, sans image; mais,
« à travers le tissu transparent et
« serré des mots, on aperçoit la
« pointe étincelante d'une épée. A.
« ia fin de chaque période, presque
« chaque phrase, le rideau de mots
,.« se déchire et l'épée nue apparaît,
1 « vraiment terrible. C'est un spec-
« tacle captivant »
Aux bourgeois et aux ouvriers'qui
viennent chercher là des leçons
philosophiques, morales, politiques
et sociales, le rédacteur de - VAu
rore..Au Temps distribue donc
un enseignement d'une assez belle
allure, guerrière.
Delà part d'un adversaire du mi
litarisme; le procédé est incohérent.
Mais nous sommes accoutumés à
voir certains apôtres de la tolérance
déployer une ardeur forcenée. Pour
les jacobins de l'époque glorieuse,
'la guillotine était lé symbole et
l'instrument de la fraternité. Avant
eux, Luther avait prêché l'Evangile
e» soufflant la fureur du massacre ;
et Calvin avait èmployé laproscrip-:
tion, la prison le bûcher. En Al
lemagne, la Réforme's'est épanouie
au milieu du pillage et de l'exter
mination.
Protestant, M. de Pressensé l'est-'
. il toujours? On l'ignore, et lui plus
que tout autre ; car l'une des parti
cularités de son personnage est de
ne jamais savoir où il en est.
Il éprouva, vers 1894, un violent
et durable accès de catholicisme.
Alors il exhortait ses frères à rom
pre avec leurs préventions tradi
tionnelles et à s'avancer, ver# Ro
me. Dans là ville de Lausanne,-il
prononça.dês conférences qui scan
dalisèrent énormément les pasteurs
de divers pays. Quelque temps
après, publiant une étude sur Ma'n-
ning, il se montrait l'admirateur
enthousiaste du cardinal et de la
doctrine et de la hiérarchie romai
nes.
Toutefois, comme il connaît, si
non s©n opinion, du moins son
tempérament, il prenait ses mesu
res pour le cas, probable selon lui,
où la logique lui paraîtrait un joug
insupportable. 11 déclarait qu'il ne
s'engageait pas à suivre les con
seils qu'il donnait et que même il
ne s'engageait à rien. •
Devant la Ligue des droits de
l'homme, au milieu de la famée qui
s'harmonisait a'vec l'état de son cer
veau, il a goûté la sensation d'un
équilibre complet et s'est expliqué
sur pette tentative d'unité religieuse
et sur l'immense reculade qui en a
été la suite. C'est très simple : :
« Il y a quelques années, en étu-
« diani une grande figure anglaise,
« j'avais pensé, j'avais cru qu'une
« coopération pouvait s'établir entre
« l'Eglise de Rome et la société ci-
« vile issue de la Révolution, mais
« je me suis -trompé, je reconnais
« mon erreur. »
D'après la feuille protestante, « le
«chantre passionné dé Manning
« fut réveillé de son rêve par l'af-
c freux procès d'il y a trois ans ».
s Ce qui est affreux, ce n'est pas le
procès de Dreyfus, mais le complot
organisé à ce sujet,'sous prétexte
de réparer une injustice dont la
plupart dos dreyfusards se soucient
comme un poisson d'une pomme,
peut-on dire suivant le langage du
divin Hugo, prophète lui aussi,
prophète de toutes les contradic
tions. .
Déchaîner la lutte religieuse et la
lutte -sociale, affaiblir et avilir sa
patrie devant le monde, pousser au
chambardement pour reviser un
procès, on ne vit jamais, pareille
hypocrisie ni frénésie pareille.
L'impulsion . étant produite, la"
fièvre s'enivrant de ses excès, nom
bre de prédicants se sont trouvés
tout de suite transformés en éner-
gumènes ; et l'on a eu et.l'on a en*-
core ce spectacle de ministres de
l'Evangile vociférant la Carmagnole.
: Quelques-uns ont ressaisi une
partie de leur raison et s'inquiètent
de-la surexcitation qui continue de
posséder les autres. La Vie nou
velle constate que « les anciennes
« convictions chrétiennes » de M.
de Pressensé « paraissent avoir
prendre très. bien, comment « le
« collectivisme où maintenant il se
a complaît » peut être considéré
« comme l'aboutissant logique, de
« l'Evangile et de la Révolution ».
Elle désavoue, doucement et
avec embarras, mais enfin elle dé
savoue l'euphémisme fourbe et scé
lérat par lequel M. de Pressensé
propose de confisquer, en grande
partie, les biens des congréga-
nistes. Simple transfert de propriété
dit le rédacteur , du Temps-Aurore,
prédicant anarchiste et commu
niste.
Mon Dieu, ce n'est pas la pre
mière fois que les Réformés font le
plongeon dans l'anarchie et de là
dans la tyrannie. A côté de Luther
les socialistes et même les commu
nistes étaient nombreux,sans parler
des assassins vulgaires, pillards qui
s'en donnaient à cœur joie pour la
restauration des bonnes mœurs. Des
programmes où M. Guesde trouve
rait de quoi nourrir son inspiration
étaient apparus tout de suite. L'his
toire a relaté les « douze équitables
articles. ». présentés au.nom dés
paysans fanatiques jet qui insti
tuaient le partage. Dans le Tyrol, ce
fut mieux encore qu'en Pranconie :
Michel Gesmayer élabora une Cons
titution nationale qui supprimait
l'inégalité des fortunes. Elle suppri
mait même le commerce individuel
et fixait dans la ville de Trieste le
siège d'une immense, industrie ad
ministrative où les. étoffes, ia soie,
les chaussure^, etc., devaient être
confectionnées,sous la surveillance
d'un fonctionnaire spécial. En même
temps, la théorie du massacre était
préchée, au nom de l'Evangile, par
mille et mille factums, dont l'un des
types est l 'Adresse des frères de l'O-
berland k l'assemblée générale des'
paysans allemands.'
Qu'un prédicant passe vite de
l'exhortation religieuse au socialis
me et au collectivisme, le fait ne
doit déconcerter que la candeur.
Sans doute, il y a, dans le cas de M.
de Pressensé, certaines circonstan
ces particulières, un phénomène
personnel de psychologie compli
quée ; mais, d'une façon générale, le
protestantisme aune pente i*apide
vers ces aberrations.
Voyez la disposition mentale du .
croyant individualiste : il est sa"
règle à lui-même en matière de foi;
il puise ordinairement au hasard
dans la Bible, dont la compréhen
sion exige le concours de sciences
vastes et variées, s'il est doué d'ar
deur, s'il veut sortir de la- routine, il
s'égare presque fatalement; égaré,
il s'exalte ; son exaltation s'affole
dans le vide ou dans les contradic
tions ; comme il s'est persuadé, par
nécessité, qu'il possède les lumiè
res dont il demeure dépourvu, il
s'habitue de plus en plus à confon
dre les principes et la doctrine avec
ses aspirations propres, avec son
tempérament, avec son humeur; il
se prend lui-même pour la mesure
de la vérité. Luther lui a dit :
« Tout homme qui annonce la parole
« du Christ peut affirmer que sa
« bouche est la bouche même du
«; Christ » ; et Calvin, fou de despo
tisme, a donné l'exemple d'une théo
cratie personnelle. La séduction de
dominer par son dogme, par sa loi
civile, par la force, guette le pré
dicant et souvent elle en fait le jouet
du délire frénétique.
Dénier à l'Eglise catholique,com
me une insupportable prétention,
le droit d'interpréter souveraine
ment l'Ecriture, c'est un blasphème,
mais c'est aussi un énorme enfanr
tillage. Cette magistrature doctri
nale, tout hérétique se l'attri
bue, et avec une incompétence fla
grante. Il se flatte qu'il protège la
liberté;'mais il entend une liberté
calculée sur celle qui lui plaît et
dont il fournit le type. Lui, lui seul,
en fait de droits, de principes et
de doctrine. C'est le jacobin par
fait, trois siècles avant Robespierre
et cent ans après..
Evidemment, le cas de M. de
Pressensé a une ampleur et une
intensité qui tiennent, pour une
bonne partie, au caractère du per
sonnage; mais il manifeste aussi
les tendances plus ou moins inévi
tables qui, eh général, dérivent de
l'esprit protestant.
Eugène T avernier.
— - ; , :
'BULLETIN
Hier, dans la Charente, a eu lieu una
élection sénatoriale, nécessitée par le
mort deM.Brothier-, c'est le docteur La-
combe,vice-président du conseil général,
républicain ministériel, qui a été élu
contre M. Damai, républicain libéral.
? Plusieurs membres du cabinel Wal-
t:ck-lloiisseau.ont présidé hier des réu-
ous; nous signalons tout particulière
ment les déclarations faites par M■ Mil
ler and au banquet du XII' arrondisse
ment, relativement aux réformes sociales
qu'il a opérées depuis qa 'il est ministre
du commerce.
.Le comité fédéral des'mineurs s'est
rjitni hier à Saint-Etienne et a pris un
certain nombre de décisions dont on
troxwera plus loin le texte; parmi celles-
ci, on remarquera la deuxième résolu
tion dans laquelle, sans explications, on
a décidé la « grève générale ».
Aujourd'hui, à Madrid, se réunit le
conseil des ministres. On affirme que le
cabinet donnera sa démission, mais que
le général Azcarraga sera chargé de le
reconstituer. '
L'état de siège est maintenu jusqu'à
présent.
Le roi Edouard VII a quitté hier l'An
gleterre, se rendant auprès de sa sœur
l'impératrice Frédéric.
Si l'on en croit les dépêches de Pékin,
l&sreprésentantsdçs puissances auraient
déclaré se contenter des_satisfactions ac
cordées par le gouvernement chinois.
II PROGRAMME ELECTORAL
M. le marquis de Castellane, an
cien député et père du comte de Cas
tellane, député actuel des Basses-
Alpes, interrogé sur les prochaines
élections générales, a formulé le pro
gramme suivant que reproduisent
-divers journaux :
Le programme nationaliste aux pro
chaines élections n'est pas à faire, mais
il est fait. Et ses principaux articles sont :
/Constatation de la forme républicaine.
Acceptation d'un impôt égal sur tous
les revenus, sur ceux des capitaux comme
sur ceux de la terre.
Respect du Concordat.
Respect de l'individualisme et guerre
aja collectivisme.
Affirmation de l'alliance franco-russe.
Tout Français qui ne souscrira point
à ce programme pourra se dire royaliste,
bonapartiste, catholique, libre-penseur ou
anglophile ; s'il se dit nationaliste, il se
trompera où il nous trompera.
- Ce programme joint au mérite
d'être court, celui d'avoir du bon.
Mais, par suite même de sa brièveté,
il appelle des commentaires.
« Le respect du Concordat » im-
,r>Hque évidemment pour tout hom
me loyal et de bon sens, le rejet
du projet de loi'-contre les congré
gations. Cependant, cela n'étant pas
spécifié, beaucoup des députés mi
nistériels qui le voteront; se pré
tendront « concordataires ». N'est-
ce pas aujourd'hui la prétention de
M. Waldcck-Rousseau et de ses col
lègues? Ces mêmes députés pour
ront également accepter les trois
autres articles du-programme-Cas
tellane et les voilà tous nationa
listes.
Ce n'est pas ainsi que la « Patrie
française », elle-même, déjà trop
large, entend le nationalisme. M. de
Castellane ne doit pas aller plus
loin qu'elle.
Des éclaircissements sont donc
. nécessaires-.
En at tendant nous répétons qu'au
point de vue des députés sortants,,
les hommes d'ordre et de liberté
sincèrement respectueux du con
cordat, devront écarter absolument
quiconque aura voté le projet Wal-
deck-Rousseau et, par suite, de
vront accepter quiconque l'aura re
poussé. .
Ce sera dur quelquefois, mais il y
a des sacrifices qu'il faut savoir
faire, surtout envers ceux qui un
jour, contrairement à l'ensemble de
leur doctrine et au mot d'ordre de
leur parti, auront servi le droit.
C'est la conduite que tint le parti
catholique au temps de Louis-Phi
lippe, alors qu'il s'agissait aussi de
la liberté de l'enseignement et des
congréganistes. Elle avait des côtés
■périlleux cette conduite ;.cependant,
après réflexion, on s'y résigna et
au total on s'en trouva bien.
E. 'V.
; ; : .
. HÊFOMiiS SOCIALES
M. Mjllerand estime qu'il fait d'ex
cellente besogne. Il l'a dit, hier,
dans un banquet que lui offraient
les électeurs ' de son . arrondisse
ment; et il s'est , efforcé de le dé
montrer.
Pour faire cette preuve, le minis
tre du commerce et de l'industrie a
énuméré complaisamment. les di
verses réformes qu'il a introduites,
par décrets ou voie législative, dans
le code du travail. Il a parlé aussi
de quelques projets que les Cham
bres n'ont pas encore adoptés. Nos
lecteurs trouveront plus loin ce pas
sage de son discours.
Nous le déclarons en toute fran
chise : presque toutes les améliora
tions sociales qu'a réalisées M.
Millerand ou qu'il propose nous
paraissent dignes d'être approu
vées. Pourquoi ne le dirions-nous
pas, d'ailleurs, puisque nous pou
vons saluer au passage la plupart
de ces. innovations comme de vieil
les connaissances ? Prenez la peine
de parcourir l'énumération que fai
sait hier le ministre, vous aurez
l'impression de lire un fragment du
programme, déjà traditionnel, des
catholiques sociaux.
M. Millerand est collectiviste; il
l'affirme, et nous l'en croyons. Mais,
à considérer ses actes, nous n'y
voyons rien, depuis qu'il est au gou
vernement, qui s'inspire des théo
ries du collectivisme. Nous n'y
voyons même rien, sans tout ap
prouver pour cela, qui paraisse con
duire à la mise en œuvre de ces
doctrines.
— Alors, va-t-on nous demander,
vous êtes de son avis et trouvez
qu'il fait d'excellente besogne?...
Pas du tout, devons-nous répondre,
M. Millerand, au pouvoir, constitue,
à nos yeux, un danger public;
Eu premier lieu, il est d'un minis
tère qui veut déchaîner, sous pré
texte de défense républicaine, une
persécution odieuse. Celle-ci serait,
pour la Franco, une cause de main
tes ruines, de discordes et d'affai
blissement. On ne peut douter que
M. Millerand soit des plus acharnés
à pousser le cabinet dans cette voie.
Quelques bonnes réformes sociales
nous paraissent, à ce prix, infini
ment trop chères.
En second lieu, ce collectiviste a
beau ne pas faire de colleetivisme
en tant que membre du gouverne
ment, sa seule présence au pouvoir
n'en donne pas moins au collecti
visme et- à toutes les théories de
destruction, sans parler des appé
tits révolutionnaires, un furieux
élan. Plusieurs élections l'ont déjà
prouvé. Si cela dure, nous en au
rons d'autres preuves, et terri
bles. *
C'est pourquoi, très ardemment,
nous souhaitons la chute de M. Mil
lerand et de tous ses collègues.
Pierre V euillot.
-Tg ♦ ______
Chaque demande de changement
d'adresse doit être accompagnée de
50 centimes en timbres-poste.
■ BÉSÉBICTIOit PflilTIfICilE
. M. l'abbé Gayraud vient de rece
voir de Rome la lettre suivante,
dont nous le félicitons cordiale
ment :
Très révérend monsieur,
Le Saint-Père a bien voulu agréer
l'hommage de l'adhésion filiale que vous
lui avez adressée par mon entremisa
après la publication de l'Encyclique sur
la Démocratie chrétienne.
Sa Sainteté espère pouvoir se réjouir
des fruils de sa sollicitude apostolique;
et en attendant, Elle vous envoie sa bé
nédiction en ténipignage de sa bienveil
lance paternelle. '
En vou3 faisant cette communication,
je suis heureux de me rediiv., avec des
sentiments de particulière estime, votre
très affectionné serviteur,
Cardinal Ra.mpoi.la.
Rome. -19 février.
Réo. a blé Gayraud,dép\ilé du Finistère
à Paris.
Çà et là
CHATEAU-MASURE
C'est une vieille.maison, au bout d'une
large avenue silencieuse, dans un quar
tier excentrique de Paris.
Elle surgit, inattendue, au milieu d'un
enclos broussailleux, entouré de murail
les basses. C'est une bâtisse noirâtre;
composée d'un corps de logis et d'une
aile gauche. Lés rnurs ont des aira de
lépreux, . niais de lépreux encore soli
des. Auiour, dedans, ni vie ni bruit.
Derrière les fenêtres fermées doivent ré
gner d'éternelles ténèbres. Le rat doit
avoir pris les parquets et l'araignée les
plafonds, pendant que le papier des ta
pisseries s'effiloche en pendeloques ra
cornies le long des cloisons humides, et
que les vrilles patientes de la pluie s'es
criment impunément sur les toits.
Cette bâtisse fut une façon de château,
une villa tout au moins. Devant le corps
de logis règne un péristyle à colonnes.
Ce péristyle est habité par deux sta
tues, muses ou divinités rustiques. Sont-
elles en marbre ou en simple pierre ? On
n'en sait rien. La matière, quelle qu'elle
soit, est trop brunie, verdie, salie. Cette
brousse inhospitalière qui s'étend autour
de la maison fut un jardin autrefois, un
parc peut-être. Quelques arbres survi
vent et tortillent lamentablement leurs
rameaux.nus dans un oi<îl d'hiver. Ce
parc devait s'étendre plus loin, sur l'es
pace occupé par l'avenue et par les ruea
adjacentes, percées depuis peu. L'expro
priation a tout sabré, sauf ce petit coin
où croît maintenant une forêt vierge,
forêt vierge maigre et mesquine comme
il peut en croître sous nos climats.
L'aile droite a disparu. Une.des rues
nouvelles était trop proche et a balayé,
pour se faire place, toute celte partie du
bâtiment. De longs rectangles très nets
indiquent encore, dans la muraille, les»
portes par lesquelles on passait des piè
ces du corps de logis dans les pièces de
l'aile. Ces rectangles ont été bouchés
avec de la maçonnerie, hideux cata
plasme sur la plaie béante d'une amputa
tion qui, si l'on pouvait tressaillir dans,
la tombe, aurait troublé le bommeil de
biendes générations ^endormies»
Par derrière, autre spectacle. Une igno-
b'e masure, de construction'relativement
récente, est venue s'adosser à la façade
postérieure du corps de logis.. Impossible
de juger s'il'y avait là aussi un péristyle,
des colonnes, des muses, ou simplement
un fronton, une porte,un perron gracieux,
des urnes, une balustrade. Un gros pâté
de matériaux.innommables s'est collé
contre la maison, comme s'il avait craint
de crouler sans cet appui robuste et sé
culaire. Pourquoi çe taudis ? A quoi sert-
il, ou servait^il ? Car le voilà, semble-t-
il, aussi inhabité que le reste ? Qui le fit
taamiimiFiiMaa
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 26 février 1900
UNE CARMÉLITE ROYALE
MADAME LOUISE DE FRANCE
-t.'
C'est une histoire très simple qui veut
être contée très simplement.
Et cependant, elle tou«he par certains
côtés à de redoutables problèmes : l'ex
piation des fautes humaines, le mérite 4e
la souffrance, l'holocauste d'une âme
pour le salut d'une autre, le rachat d'une
race par l'immolation volontaire, le sa
crifice de l'innocent pour le coupable. Ce
sont là de grands mystères, les plus
émouvants de notre foi.
.Te ne crois pas qu'il soit possible de les
oublier en feuilletant la Vie de Madame
Louise de Fraîice. Sa vocation présente
sans doute d'autres aspects encore, mais
le point précis, délicat, décisif est o« je
le dis, elle y puise d'ailleurs une gran
deur et une importance dont se rehausse,
singulièrement,pour notre histoiremême,
sa résolution.
Lesévénements le montreront, je pense,
sans autre commentaire. Ecoutons-les :
Le 15 juillet 1737, au château de Ver
sailles, la reine Marie Leckzinska met
tait au monde une petite princesse que
son père Louis XV, s'il faut en croire la
chronique, appela lui-même : (. Madame
dernière. » Louise-Marie de France était
mince, menue; avec des yeux vifSj une
grande mobilité d'expression, le besoin
de l'activité,; de l'exubérance dans le
geste, de la saillie dans.» la parole. A
l'abbaye de Fonteyrault, où, comme ses
soeurs aînées, elle fut envoyée pour son
éducation, elle manifesta constamment
cette ardeur juvénile. Un' jour, elle
tomba ; un mauvais chirurgien de villag»
(choix à tout le moins singulier pour une
fille du roi dans une des premières ab
bayes du royaume) se méprit sur sa
chute ; on s'aperçut trop tard que sa
taille demeurait un peu déviée.
Elle plaisantait dans la suite sur cette
épaule droite trop haute, et un jour elle
traça de la sorte son portrait : « Fort
petite, grosse tête, grand front, sourcils
noirs, yeux gris, nez crochu, mentoi
fourchu, gresse comme une boule et
bossue. »
Il y a de l'espièglerie dans cette pein
ture, elle exagère ses défauts physiques,
comme il est probable que Nattier exagé
rait quelque-peu ses qualités extérieures
dans ce tableau au contraire charmant
des galeries de Versailles où sa mignonne
personne se drape d'une robe jaune gar
nie de fourrures. La figure est vraiment
agréable ; les contemporains disaient
qu'elle était pleine de feu, et de fait une
physionomie intelligente .n'est jamais
laide.
Trois années après sa première commu
nion, elle sortait de Fontevrault, et, à
quatorze ans, faisait ses débuts à la cour.
On n'était pas encore aux jours de grande
puissance de Mme de Pompadour, mais
déjà un vent de licence soufflait en maî
tre dans le palais du roi très chrétien.
Madame Louise, par son âge, par sa fer
meté, par les principes religieux de sa
petite enfance surtout, en demeura à l'é
cart.
Elle avaifrles défauts, de ses qualités :
vive et par suite violente, noble et dès
lors hautaine. Les anecdotes peignent
souvent à merveille les caractères. En
voici une : une de ses femmes (qui por
tait un bandeau sur un œil malade) lui
faisait une observation inexacte : « Si
vous mettiez vos deux yeux, dit assez
méchamment la princesse, vous ne me
verriez peutTêtre pas faire ce que je ne
fais pas. — J'ai assez d'un oeil, mada
me, répliqua la servante; pour voir au
moins que vous êtes bien orgueilleuse. »
(Ces domestiques de cour nous montrent
en passant que leur liberté d'allures ne
rencontrait point des tyrans chez leurs
maîtres.) — Madame Louise s'arrêta net:
« Vousavezraison, me pardonnez vous?»
Et elle ajouta, avec un soupir très con
vaincu : « Hélas! il faudra que je m'en
confesse ! »
, On ne se corrige pas tout, d'une foiB.
Autre trait analogue : ses femmes s'étaient
permis de s'asseoir pendant son repas :
« Debout! s'il vous plaît; madame Louise
boit! » — Gourmandant un autre jour
une camériste : « Suis-je pas la fille de
votre roi?» — A quoi la servante, bien
inspirée (décidément ces suivantes
avaient de la riposte) : « Et moi, madame,
suis-je pas la fille de votre Dieu? »
De pareilles vérités, de semblables
sentiments allaient droit au cœur de la
jeune princesse. Elles excitaient dans
son esprit des réflexions sérieuses, elles
entretenaient dans son âme son goût
pour la piété, et comme Louise de France
ne faisait guère les choses à demi, elle
aimait manifester très publiquement ses
convictions et ses respects.
Un jour qu'elle passait devant Saict-
Roeh, un prêtre descendait les marches
de l'église, portant le viatique; elle fit
arrêter ses chevaux, se jeta hors de son
carrosse et dans lapoussière s'agenouilla
pour recevoir la bénédiction de Notre-Sei
gneur. — Le duc de Luynes rapporte le
fait dans ses Mémoires.
Dans son Journal, l'avocat Barbier,
de son côté, racontant sa première entrée
solennelle à Paris, — c'était en 1761, elle
avait donc 24 ans, et on estimera-assez
extraordinaire, soit dit en passant, qu'on
n'eût point encore songé à lui faire visi
ter la capitale,— Barbier note la volonté
expresse de la princesse : sa première"
démarche serait d'aller prier à Nôtres
Dame, puis aussitôt de s'agenouiller au
tombeau.de la patronne de la ville, sainte
Geneviève. Le reste des présentations et
des galas officiels viendrait après.
Je ne ramasserai point ici les ordures
des pamphlets secrets du dix-huitième
siècle; pour tout témoin d'autorité indis
cutée, il reste qu'au milieu des scandales
de la eourde Louis XV, Madame Louise
demeurait sans reproches. Une vocation
secrète la protégeant, germait dans son
cœur : dès 1751^ un touchant spectacle
avait éclairé sed velléités et fixé ses hési
tations : elle assista, conduite par Marie
Leczinska, au Carmel .de la rue de Gre
nelle, à la vêture de la belle Thaïs de
Gramont, comtesse de Rupelmonde, dame
du palais de la reine.
Son confident, Je saint archevêque de
Paris, Christophe de Beaumont, voulut
éprouver une vocation si particulière. La
fille de Louis XV au couvent ! Elle pa
tienta. Puis les deuils : la "mort de la
reine, celle du dauphin créèrent à Mme
Louis&des devoirs de famille qu'elle ne
pensa pas à éviter. Elle gardait son désir
et songeait à son choix : 'serait-ce à la
Visitation? Là naissait et se développait
cette dévotion au Sacré-Cœur ddnt sa
mère lui avait fait connaître l'attrait.
Mais l'éducation des jeunes filles ne pou
vait coïncider avec son désir de recueil
lement et de silence. Irait-elle retrouver
ses anciennes maîtresses les Bénédic
tines ? La « crosse » bien certainement
l'attendrait là, et elle prétendait éloigner
t«ute occasion de vanité nouvelle en quit
tant celles dont sa naissance l'entou
rait.
Sa pensée s'habitua secrètement aux
mortifications du Carmet et sa vocation
religieuse s'en comprend mieux.
Elle-même a révélé, elle le savait sans
doute, le pourquoi de sa détermination.
« Je vais vous dire ce qui m'a engagé à
quitter le monde, quelque brillant qu'il
pût être pour moi, et quoique je n'y fusse
pas à portée, par mon "rang, d'y courir
certains dangers, oà d'autres peuvent se
trouver : ces motifs ont été mes péchés,
la nécessité de la pénitence en cette vie
ou en l'autre, pénitence qu'il est bien plus
difficile de faire dans une vie commode,
surtout aimant mes aises comme je les
aimais; la parabole du chameau qui pas
serait plutôt par le trou d'une aiguille
qu'un riche n'entrerait dans le royaume
du ciel ; le précepte de l'aumône qui doit
s'étendre sur tout* le superflu, et ce su
perflu pour moi était immense ; enfin le
désir de posséder Dieu éternellement, et
de jouir de la couronne qui nous est pré
parée dans le ciel. »
Le spectacle des fautes du'roi, des pé
chés paternels inspirait son cœur,
elle voulait racheter pat une immolation
personnelle et une souffrance continue
les scandales de Louis XV,.et de fait, sa
pauvre bure de Carmélite couvre autant
qu'il est possible les souillures du man
teau royal. Mourante, Marie Leczinska
lui confiait le salut de cette âme malade:
« Aimez bien le roi, votre .père ; je vous
le confie. Aimez-le comme je "i'ai aimé,
dans la douleur plus encore que dans la
joie. »
Après de lqngues années de ré
flexions, d'hésitations si l'on ; .veut,
elle entre dans le cloître où elle doit
s!immoler. Elle marche dans la voie,
pour elle doublement royale de la croix j /_
Louis XV aimait beaucoup ses filles,
comme il faisait toutes choses, en égdïste: .
La demand'e de Louise le surprit, toute
fois le poids du sacrifice devant peser sur
d'autres épaules que sur les siennes, il
■ accorda son consentement ; il le fit mê
me de bonne grâce et avec une dignité
toute souveraine.
« Versailles, 18 février 1770.
« Monsieur l'archevêque, chère fille,
m'ayant rendu compte de tout ce que
vous lui avez dit et mandé, vous aura
sûrement rapporté avec exactitude tout
ce que je lui ai répondu. Si c'est pour
Dieu seul, je ne puis m'opposer à sa vo
lonté ni à votre détermination. Depuis
dix-huit ans, vous devez avoir fait vos
réflexions, je n'ai plus à vous en deman
der. 11 paraît même que vos arrange
ments sont faits. Vous pourrez en parler
à vos sœurs quand vous le jugerez à pro-
*£âi ■fcV'*L Aff JfcS? QyOXÎUISKarfî
Edition guotidi&nne: —■ 13,060
Mardi 26 Février 19Ôi
PARIS
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LE MONDE
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l'UNÏVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont idresié
ANNONCES
MÎÎ. LAGRANGE, CERF et C'« t 6, place de la Bourse
PARIS, 25 FÉVRIER 1901
^ » •>. 'J "-Jf. Jflfcï* • -
JSOItftAlAÏIÇBI
Le cas de M\ de
Pressensé ......... E ugène T a.ctrnikr.
Un programme élec
toral.. ......; .... E. V. '
Réformes sociales.. pierke VsuiîiOï.
Çà et là : Château-
masitra......... G. d 'A zambwa.
M. Brunetièra à
Tours J. M essise.
La journée du Sa
cré- Cœur. Edouard àlexakdre
Feuilleton: Une Car- .
mélite royale...... G eoffhoy de G rand-
maison .
— Bénédiction pontificale. — Pro
testation. — Le port de la soutane.—
Infoioiitioâs poiUiqucs ét parîtmen-
tai «s. — Dans l'Exiême-Sud-Algérien.
— Madagascar. — La mission Gentil. —
En Espagne. — En Chine. — î a gusne
du Tt**iia-vaal — Dépêche* de l'étranger.
— A travers la presse. — Le repos du di
manche. — La . question ouvrière. Les
graves. — Nécrologie. — Les anarchistes.
— L'accident daNoisy-le-Sec.— Nouvelles,
diverses.— Oal'ntbieï. — Bourse et bul
letin financier: — Dernière heure.
LE CAS DE S.'DE PRESSENSÉ
Dans son numéro du 19 février,
un journal protestant, La Vie nou
velle, rend compte d'une conférence
où M. de Pressens© a pris la parole.
C'était à une .séance de la Ligue des
droits de l'homme, sous la prési
dence de M:Guieys^e, député.
La réunion était fumeuse. II. pa
rait que, malgré « la fumée des ciga
rettes et des pipes » on respirait là
« un air vivifiant ». C'est la Vienou-
velle qui le constate.
Sans doute l'athmosphère était
pleine aussi d'un esprit pacificateur,
à en juger d'après les idées, le ton
et les manières de M. de Pressensé.»
« Sans gestes, sans éclat de voix,
a avec une facilité d'improvisation
« prodigieuse, il parle d'une façon
« unie et excitante à la fois, sans eri-
« "volée'lyrique, sans image; mais,
« à travers le tissu transparent et
« serré des mots, on aperçoit la
« pointe étincelante d'une épée. A.
« ia fin de chaque période, presque
« chaque phrase, le rideau de mots
,.« se déchire et l'épée nue apparaît,
1 « vraiment terrible. C'est un spec-
« tacle captivant »
Aux bourgeois et aux ouvriers'qui
viennent chercher là des leçons
philosophiques, morales, politiques
et sociales, le rédacteur de - VAu
rore..Au Temps distribue donc
un enseignement d'une assez belle
allure, guerrière.
Delà part d'un adversaire du mi
litarisme; le procédé est incohérent.
Mais nous sommes accoutumés à
voir certains apôtres de la tolérance
déployer une ardeur forcenée. Pour
les jacobins de l'époque glorieuse,
'la guillotine était lé symbole et
l'instrument de la fraternité. Avant
eux, Luther avait prêché l'Evangile
e» soufflant la fureur du massacre ;
et Calvin avait èmployé laproscrip-:
tion, la prison le bûcher. En Al
lemagne, la Réforme's'est épanouie
au milieu du pillage et de l'exter
mination.
Protestant, M. de Pressensé l'est-'
. il toujours? On l'ignore, et lui plus
que tout autre ; car l'une des parti
cularités de son personnage est de
ne jamais savoir où il en est.
Il éprouva, vers 1894, un violent
et durable accès de catholicisme.
Alors il exhortait ses frères à rom
pre avec leurs préventions tradi
tionnelles et à s'avancer, ver# Ro
me. Dans là ville de Lausanne,-il
prononça.dês conférences qui scan
dalisèrent énormément les pasteurs
de divers pays. Quelque temps
après, publiant une étude sur Ma'n-
ning, il se montrait l'admirateur
enthousiaste du cardinal et de la
doctrine et de la hiérarchie romai
nes.
Toutefois, comme il connaît, si
non s©n opinion, du moins son
tempérament, il prenait ses mesu
res pour le cas, probable selon lui,
où la logique lui paraîtrait un joug
insupportable. 11 déclarait qu'il ne
s'engageait pas à suivre les con
seils qu'il donnait et que même il
ne s'engageait à rien. •
Devant la Ligue des droits de
l'homme, au milieu de la famée qui
s'harmonisait a'vec l'état de son cer
veau, il a goûté la sensation d'un
équilibre complet et s'est expliqué
sur pette tentative d'unité religieuse
et sur l'immense reculade qui en a
été la suite. C'est très simple : :
« Il y a quelques années, en étu-
« diani une grande figure anglaise,
« j'avais pensé, j'avais cru qu'une
« coopération pouvait s'établir entre
« l'Eglise de Rome et la société ci-
« vile issue de la Révolution, mais
« je me suis -trompé, je reconnais
« mon erreur. »
D'après la feuille protestante, « le
«chantre passionné dé Manning
« fut réveillé de son rêve par l'af-
c freux procès d'il y a trois ans ».
s Ce qui est affreux, ce n'est pas le
procès de Dreyfus, mais le complot
organisé à ce sujet,'sous prétexte
de réparer une injustice dont la
plupart dos dreyfusards se soucient
comme un poisson d'une pomme,
peut-on dire suivant le langage du
divin Hugo, prophète lui aussi,
prophète de toutes les contradic
tions. .
Déchaîner la lutte religieuse et la
lutte -sociale, affaiblir et avilir sa
patrie devant le monde, pousser au
chambardement pour reviser un
procès, on ne vit jamais, pareille
hypocrisie ni frénésie pareille.
L'impulsion . étant produite, la"
fièvre s'enivrant de ses excès, nom
bre de prédicants se sont trouvés
tout de suite transformés en éner-
gumènes ; et l'on a eu et.l'on a en*-
core ce spectacle de ministres de
l'Evangile vociférant la Carmagnole.
: Quelques-uns ont ressaisi une
partie de leur raison et s'inquiètent
de-la surexcitation qui continue de
posséder les autres. La Vie nou
velle constate que « les anciennes
« convictions chrétiennes » de M.
de Pressensé « paraissent avoir
« collectivisme où maintenant il se
a complaît » peut être considéré
« comme l'aboutissant logique, de
« l'Evangile et de la Révolution ».
Elle désavoue, doucement et
avec embarras, mais enfin elle dé
savoue l'euphémisme fourbe et scé
lérat par lequel M. de Pressensé
propose de confisquer, en grande
partie, les biens des congréga-
nistes. Simple transfert de propriété
dit le rédacteur , du Temps-Aurore,
prédicant anarchiste et commu
niste.
Mon Dieu, ce n'est pas la pre
mière fois que les Réformés font le
plongeon dans l'anarchie et de là
dans la tyrannie. A côté de Luther
les socialistes et même les commu
nistes étaient nombreux,sans parler
des assassins vulgaires, pillards qui
s'en donnaient à cœur joie pour la
restauration des bonnes mœurs. Des
programmes où M. Guesde trouve
rait de quoi nourrir son inspiration
étaient apparus tout de suite. L'his
toire a relaté les « douze équitables
articles. ». présentés au.nom dés
paysans fanatiques jet qui insti
tuaient le partage. Dans le Tyrol, ce
fut mieux encore qu'en Pranconie :
Michel Gesmayer élabora une Cons
titution nationale qui supprimait
l'inégalité des fortunes. Elle suppri
mait même le commerce individuel
et fixait dans la ville de Trieste le
siège d'une immense, industrie ad
ministrative où les. étoffes, ia soie,
les chaussure^, etc., devaient être
confectionnées,sous la surveillance
d'un fonctionnaire spécial. En même
temps, la théorie du massacre était
préchée, au nom de l'Evangile, par
mille et mille factums, dont l'un des
types est l 'Adresse des frères de l'O-
berland k l'assemblée générale des'
paysans allemands.'
Qu'un prédicant passe vite de
l'exhortation religieuse au socialis
me et au collectivisme, le fait ne
doit déconcerter que la candeur.
Sans doute, il y a, dans le cas de M.
de Pressensé, certaines circonstan
ces particulières, un phénomène
personnel de psychologie compli
quée ; mais, d'une façon générale, le
protestantisme aune pente i*apide
vers ces aberrations.
Voyez la disposition mentale du .
croyant individualiste : il est sa"
règle à lui-même en matière de foi;
il puise ordinairement au hasard
dans la Bible, dont la compréhen
sion exige le concours de sciences
vastes et variées, s'il est doué d'ar
deur, s'il veut sortir de la- routine, il
s'égare presque fatalement; égaré,
il s'exalte ; son exaltation s'affole
dans le vide ou dans les contradic
tions ; comme il s'est persuadé, par
nécessité, qu'il possède les lumiè
res dont il demeure dépourvu, il
s'habitue de plus en plus à confon
dre les principes et la doctrine avec
ses aspirations propres, avec son
tempérament, avec son humeur; il
se prend lui-même pour la mesure
de la vérité. Luther lui a dit :
« Tout homme qui annonce la parole
« du Christ peut affirmer que sa
« bouche est la bouche même du
«; Christ » ; et Calvin, fou de despo
tisme, a donné l'exemple d'une théo
cratie personnelle. La séduction de
dominer par son dogme, par sa loi
civile, par la force, guette le pré
dicant et souvent elle en fait le jouet
du délire frénétique.
Dénier à l'Eglise catholique,com
me une insupportable prétention,
le droit d'interpréter souveraine
ment l'Ecriture, c'est un blasphème,
mais c'est aussi un énorme enfanr
tillage. Cette magistrature doctri
nale, tout hérétique se l'attri
bue, et avec une incompétence fla
grante. Il se flatte qu'il protège la
liberté;'mais il entend une liberté
calculée sur celle qui lui plaît et
dont il fournit le type. Lui, lui seul,
en fait de droits, de principes et
de doctrine. C'est le jacobin par
fait, trois siècles avant Robespierre
et cent ans après..
Evidemment, le cas de M. de
Pressensé a une ampleur et une
intensité qui tiennent, pour une
bonne partie, au caractère du per
sonnage; mais il manifeste aussi
les tendances plus ou moins inévi
tables qui, eh général, dérivent de
l'esprit protestant.
Eugène T avernier.
— - ; , :
'BULLETIN
Hier, dans la Charente, a eu lieu una
élection sénatoriale, nécessitée par le
mort deM.Brothier-, c'est le docteur La-
combe,vice-président du conseil général,
républicain ministériel, qui a été élu
contre M. Damai, républicain libéral.
? Plusieurs membres du cabinel Wal-
t:ck-lloiisseau.ont présidé hier des réu-
ous; nous signalons tout particulière
ment les déclarations faites par M■ Mil
ler and au banquet du XII' arrondisse
ment, relativement aux réformes sociales
qu'il a opérées depuis qa 'il est ministre
du commerce.
.Le comité fédéral des'mineurs s'est
rjitni hier à Saint-Etienne et a pris un
certain nombre de décisions dont on
troxwera plus loin le texte; parmi celles-
ci, on remarquera la deuxième résolu
tion dans laquelle, sans explications, on
a décidé la « grève générale ».
Aujourd'hui, à Madrid, se réunit le
conseil des ministres. On affirme que le
cabinet donnera sa démission, mais que
le général Azcarraga sera chargé de le
reconstituer. '
L'état de siège est maintenu jusqu'à
présent.
Le roi Edouard VII a quitté hier l'An
gleterre, se rendant auprès de sa sœur
l'impératrice Frédéric.
Si l'on en croit les dépêches de Pékin,
l&sreprésentantsdçs puissances auraient
déclaré se contenter des_satisfactions ac
cordées par le gouvernement chinois.
II PROGRAMME ELECTORAL
M. le marquis de Castellane, an
cien député et père du comte de Cas
tellane, député actuel des Basses-
Alpes, interrogé sur les prochaines
élections générales, a formulé le pro
gramme suivant que reproduisent
-divers journaux :
Le programme nationaliste aux pro
chaines élections n'est pas à faire, mais
il est fait. Et ses principaux articles sont :
/Constatation de la forme républicaine.
Acceptation d'un impôt égal sur tous
les revenus, sur ceux des capitaux comme
sur ceux de la terre.
Respect du Concordat.
Respect de l'individualisme et guerre
aja collectivisme.
Affirmation de l'alliance franco-russe.
Tout Français qui ne souscrira point
à ce programme pourra se dire royaliste,
bonapartiste, catholique, libre-penseur ou
anglophile ; s'il se dit nationaliste, il se
trompera où il nous trompera.
- Ce programme joint au mérite
d'être court, celui d'avoir du bon.
Mais, par suite même de sa brièveté,
il appelle des commentaires.
« Le respect du Concordat » im-
,r>Hque évidemment pour tout hom
me loyal et de bon sens, le rejet
du projet de loi'-contre les congré
gations. Cependant, cela n'étant pas
spécifié, beaucoup des députés mi
nistériels qui le voteront; se pré
tendront « concordataires ». N'est-
ce pas aujourd'hui la prétention de
M. Waldcck-Rousseau et de ses col
lègues? Ces mêmes députés pour
ront également accepter les trois
autres articles du-programme-Cas
tellane et les voilà tous nationa
listes.
Ce n'est pas ainsi que la « Patrie
française », elle-même, déjà trop
large, entend le nationalisme. M. de
Castellane ne doit pas aller plus
loin qu'elle.
Des éclaircissements sont donc
. nécessaires-.
En at tendant nous répétons qu'au
point de vue des députés sortants,,
les hommes d'ordre et de liberté
sincèrement respectueux du con
cordat, devront écarter absolument
quiconque aura voté le projet Wal-
deck-Rousseau et, par suite, de
vront accepter quiconque l'aura re
poussé. .
Ce sera dur quelquefois, mais il y
a des sacrifices qu'il faut savoir
faire, surtout envers ceux qui un
jour, contrairement à l'ensemble de
leur doctrine et au mot d'ordre de
leur parti, auront servi le droit.
C'est la conduite que tint le parti
catholique au temps de Louis-Phi
lippe, alors qu'il s'agissait aussi de
la liberté de l'enseignement et des
congréganistes. Elle avait des côtés
■périlleux cette conduite ;.cependant,
après réflexion, on s'y résigna et
au total on s'en trouva bien.
E. 'V.
; ; : .
. HÊFOMiiS SOCIALES
M. Mjllerand estime qu'il fait d'ex
cellente besogne. Il l'a dit, hier,
dans un banquet que lui offraient
les électeurs ' de son . arrondisse
ment; et il s'est , efforcé de le dé
montrer.
Pour faire cette preuve, le minis
tre du commerce et de l'industrie a
énuméré complaisamment. les di
verses réformes qu'il a introduites,
par décrets ou voie législative, dans
le code du travail. Il a parlé aussi
de quelques projets que les Cham
bres n'ont pas encore adoptés. Nos
lecteurs trouveront plus loin ce pas
sage de son discours.
Nous le déclarons en toute fran
chise : presque toutes les améliora
tions sociales qu'a réalisées M.
Millerand ou qu'il propose nous
paraissent dignes d'être approu
vées. Pourquoi ne le dirions-nous
pas, d'ailleurs, puisque nous pou
vons saluer au passage la plupart
de ces. innovations comme de vieil
les connaissances ? Prenez la peine
de parcourir l'énumération que fai
sait hier le ministre, vous aurez
l'impression de lire un fragment du
programme, déjà traditionnel, des
catholiques sociaux.
M. Millerand est collectiviste; il
l'affirme, et nous l'en croyons. Mais,
à considérer ses actes, nous n'y
voyons rien, depuis qu'il est au gou
vernement, qui s'inspire des théo
ries du collectivisme. Nous n'y
voyons même rien, sans tout ap
prouver pour cela, qui paraisse con
duire à la mise en œuvre de ces
doctrines.
— Alors, va-t-on nous demander,
vous êtes de son avis et trouvez
qu'il fait d'excellente besogne?...
Pas du tout, devons-nous répondre,
M. Millerand, au pouvoir, constitue,
à nos yeux, un danger public;
Eu premier lieu, il est d'un minis
tère qui veut déchaîner, sous pré
texte de défense républicaine, une
persécution odieuse. Celle-ci serait,
pour la Franco, une cause de main
tes ruines, de discordes et d'affai
blissement. On ne peut douter que
M. Millerand soit des plus acharnés
à pousser le cabinet dans cette voie.
Quelques bonnes réformes sociales
nous paraissent, à ce prix, infini
ment trop chères.
En second lieu, ce collectiviste a
beau ne pas faire de colleetivisme
en tant que membre du gouverne
ment, sa seule présence au pouvoir
n'en donne pas moins au collecti
visme et- à toutes les théories de
destruction, sans parler des appé
tits révolutionnaires, un furieux
élan. Plusieurs élections l'ont déjà
prouvé. Si cela dure, nous en au
rons d'autres preuves, et terri
bles. *
C'est pourquoi, très ardemment,
nous souhaitons la chute de M. Mil
lerand et de tous ses collègues.
Pierre V euillot.
-Tg ♦ ______
Chaque demande de changement
d'adresse doit être accompagnée de
50 centimes en timbres-poste.
■ BÉSÉBICTIOit PflilTIfICilE
. M. l'abbé Gayraud vient de rece
voir de Rome la lettre suivante,
dont nous le félicitons cordiale
ment :
Très révérend monsieur,
Le Saint-Père a bien voulu agréer
l'hommage de l'adhésion filiale que vous
lui avez adressée par mon entremisa
après la publication de l'Encyclique sur
la Démocratie chrétienne.
Sa Sainteté espère pouvoir se réjouir
des fruils de sa sollicitude apostolique;
et en attendant, Elle vous envoie sa bé
nédiction en ténipignage de sa bienveil
lance paternelle. '
En vou3 faisant cette communication,
je suis heureux de me rediiv., avec des
sentiments de particulière estime, votre
très affectionné serviteur,
Cardinal Ra.mpoi.la.
Rome. -19 février.
Réo. a blé Gayraud,dép\ilé du Finistère
à Paris.
Çà et là
CHATEAU-MASURE
C'est une vieille.maison, au bout d'une
large avenue silencieuse, dans un quar
tier excentrique de Paris.
Elle surgit, inattendue, au milieu d'un
enclos broussailleux, entouré de murail
les basses. C'est une bâtisse noirâtre;
composée d'un corps de logis et d'une
aile gauche. Lés rnurs ont des aira de
lépreux, . niais de lépreux encore soli
des. Auiour, dedans, ni vie ni bruit.
Derrière les fenêtres fermées doivent ré
gner d'éternelles ténèbres. Le rat doit
avoir pris les parquets et l'araignée les
plafonds, pendant que le papier des ta
pisseries s'effiloche en pendeloques ra
cornies le long des cloisons humides, et
que les vrilles patientes de la pluie s'es
criment impunément sur les toits.
Cette bâtisse fut une façon de château,
une villa tout au moins. Devant le corps
de logis règne un péristyle à colonnes.
Ce péristyle est habité par deux sta
tues, muses ou divinités rustiques. Sont-
elles en marbre ou en simple pierre ? On
n'en sait rien. La matière, quelle qu'elle
soit, est trop brunie, verdie, salie. Cette
brousse inhospitalière qui s'étend autour
de la maison fut un jardin autrefois, un
parc peut-être. Quelques arbres survi
vent et tortillent lamentablement leurs
rameaux.nus dans un oi<îl d'hiver. Ce
parc devait s'étendre plus loin, sur l'es
pace occupé par l'avenue et par les ruea
adjacentes, percées depuis peu. L'expro
priation a tout sabré, sauf ce petit coin
où croît maintenant une forêt vierge,
forêt vierge maigre et mesquine comme
il peut en croître sous nos climats.
L'aile droite a disparu. Une.des rues
nouvelles était trop proche et a balayé,
pour se faire place, toute celte partie du
bâtiment. De longs rectangles très nets
indiquent encore, dans la muraille, les»
portes par lesquelles on passait des piè
ces du corps de logis dans les pièces de
l'aile. Ces rectangles ont été bouchés
avec de la maçonnerie, hideux cata
plasme sur la plaie béante d'une amputa
tion qui, si l'on pouvait tressaillir dans,
la tombe, aurait troublé le bommeil de
biendes générations ^endormies»
Par derrière, autre spectacle. Une igno-
b'e masure, de construction'relativement
récente, est venue s'adosser à la façade
postérieure du corps de logis.. Impossible
de juger s'il'y avait là aussi un péristyle,
des colonnes, des muses, ou simplement
un fronton, une porte,un perron gracieux,
des urnes, une balustrade. Un gros pâté
de matériaux.innommables s'est collé
contre la maison, comme s'il avait craint
de crouler sans cet appui robuste et sé
culaire. Pourquoi çe taudis ? A quoi sert-
il, ou servait^il ? Car le voilà, semble-t-
il, aussi inhabité que le reste ? Qui le fit
taamiimiFiiMaa
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 26 février 1900
UNE CARMÉLITE ROYALE
MADAME LOUISE DE FRANCE
-t.'
C'est une histoire très simple qui veut
être contée très simplement.
Et cependant, elle tou«he par certains
côtés à de redoutables problèmes : l'ex
piation des fautes humaines, le mérite 4e
la souffrance, l'holocauste d'une âme
pour le salut d'une autre, le rachat d'une
race par l'immolation volontaire, le sa
crifice de l'innocent pour le coupable. Ce
sont là de grands mystères, les plus
émouvants de notre foi.
.Te ne crois pas qu'il soit possible de les
oublier en feuilletant la Vie de Madame
Louise de Fraîice. Sa vocation présente
sans doute d'autres aspects encore, mais
le point précis, délicat, décisif est o« je
le dis, elle y puise d'ailleurs une gran
deur et une importance dont se rehausse,
singulièrement,pour notre histoiremême,
sa résolution.
Lesévénements le montreront, je pense,
sans autre commentaire. Ecoutons-les :
Le 15 juillet 1737, au château de Ver
sailles, la reine Marie Leckzinska met
tait au monde une petite princesse que
son père Louis XV, s'il faut en croire la
chronique, appela lui-même : (. Madame
dernière. » Louise-Marie de France était
mince, menue; avec des yeux vifSj une
grande mobilité d'expression, le besoin
de l'activité,; de l'exubérance dans le
geste, de la saillie dans.» la parole. A
l'abbaye de Fonteyrault, où, comme ses
soeurs aînées, elle fut envoyée pour son
éducation, elle manifesta constamment
cette ardeur juvénile. Un' jour, elle
tomba ; un mauvais chirurgien de villag»
(choix à tout le moins singulier pour une
fille du roi dans une des premières ab
bayes du royaume) se méprit sur sa
chute ; on s'aperçut trop tard que sa
taille demeurait un peu déviée.
Elle plaisantait dans la suite sur cette
épaule droite trop haute, et un jour elle
traça de la sorte son portrait : « Fort
petite, grosse tête, grand front, sourcils
noirs, yeux gris, nez crochu, mentoi
fourchu, gresse comme une boule et
bossue. »
Il y a de l'espièglerie dans cette pein
ture, elle exagère ses défauts physiques,
comme il est probable que Nattier exagé
rait quelque-peu ses qualités extérieures
dans ce tableau au contraire charmant
des galeries de Versailles où sa mignonne
personne se drape d'une robe jaune gar
nie de fourrures. La figure est vraiment
agréable ; les contemporains disaient
qu'elle était pleine de feu, et de fait une
physionomie intelligente .n'est jamais
laide.
Trois années après sa première commu
nion, elle sortait de Fontevrault, et, à
quatorze ans, faisait ses débuts à la cour.
On n'était pas encore aux jours de grande
puissance de Mme de Pompadour, mais
déjà un vent de licence soufflait en maî
tre dans le palais du roi très chrétien.
Madame Louise, par son âge, par sa fer
meté, par les principes religieux de sa
petite enfance surtout, en demeura à l'é
cart.
Elle avaifrles défauts, de ses qualités :
vive et par suite violente, noble et dès
lors hautaine. Les anecdotes peignent
souvent à merveille les caractères. En
voici une : une de ses femmes (qui por
tait un bandeau sur un œil malade) lui
faisait une observation inexacte : « Si
vous mettiez vos deux yeux, dit assez
méchamment la princesse, vous ne me
verriez peutTêtre pas faire ce que je ne
fais pas. — J'ai assez d'un oeil, mada
me, répliqua la servante; pour voir au
moins que vous êtes bien orgueilleuse. »
(Ces domestiques de cour nous montrent
en passant que leur liberté d'allures ne
rencontrait point des tyrans chez leurs
maîtres.) — Madame Louise s'arrêta net:
« Vousavezraison, me pardonnez vous?»
Et elle ajouta, avec un soupir très con
vaincu : « Hélas! il faudra que je m'en
confesse ! »
, On ne se corrige pas tout, d'une foiB.
Autre trait analogue : ses femmes s'étaient
permis de s'asseoir pendant son repas :
« Debout! s'il vous plaît; madame Louise
boit! » — Gourmandant un autre jour
une camériste : « Suis-je pas la fille de
votre roi?» — A quoi la servante, bien
inspirée (décidément ces suivantes
avaient de la riposte) : « Et moi, madame,
suis-je pas la fille de votre Dieu? »
De pareilles vérités, de semblables
sentiments allaient droit au cœur de la
jeune princesse. Elles excitaient dans
son esprit des réflexions sérieuses, elles
entretenaient dans son âme son goût
pour la piété, et comme Louise de France
ne faisait guère les choses à demi, elle
aimait manifester très publiquement ses
convictions et ses respects.
Un jour qu'elle passait devant Saict-
Roeh, un prêtre descendait les marches
de l'église, portant le viatique; elle fit
arrêter ses chevaux, se jeta hors de son
carrosse et dans lapoussière s'agenouilla
pour recevoir la bénédiction de Notre-Sei
gneur. — Le duc de Luynes rapporte le
fait dans ses Mémoires.
Dans son Journal, l'avocat Barbier,
de son côté, racontant sa première entrée
solennelle à Paris, — c'était en 1761, elle
avait donc 24 ans, et on estimera-assez
extraordinaire, soit dit en passant, qu'on
n'eût point encore songé à lui faire visi
ter la capitale,— Barbier note la volonté
expresse de la princesse : sa première"
démarche serait d'aller prier à Nôtres
Dame, puis aussitôt de s'agenouiller au
tombeau.de la patronne de la ville, sainte
Geneviève. Le reste des présentations et
des galas officiels viendrait après.
Je ne ramasserai point ici les ordures
des pamphlets secrets du dix-huitième
siècle; pour tout témoin d'autorité indis
cutée, il reste qu'au milieu des scandales
de la eourde Louis XV, Madame Louise
demeurait sans reproches. Une vocation
secrète la protégeant, germait dans son
cœur : dès 1751^ un touchant spectacle
avait éclairé sed velléités et fixé ses hési
tations : elle assista, conduite par Marie
Leczinska, au Carmel .de la rue de Gre
nelle, à la vêture de la belle Thaïs de
Gramont, comtesse de Rupelmonde, dame
du palais de la reine.
Son confident, Je saint archevêque de
Paris, Christophe de Beaumont, voulut
éprouver une vocation si particulière. La
fille de Louis XV au couvent ! Elle pa
tienta. Puis les deuils : la "mort de la
reine, celle du dauphin créèrent à Mme
Louis&des devoirs de famille qu'elle ne
pensa pas à éviter. Elle gardait son désir
et songeait à son choix : 'serait-ce à la
Visitation? Là naissait et se développait
cette dévotion au Sacré-Cœur ddnt sa
mère lui avait fait connaître l'attrait.
Mais l'éducation des jeunes filles ne pou
vait coïncider avec son désir de recueil
lement et de silence. Irait-elle retrouver
ses anciennes maîtresses les Bénédic
tines ? La « crosse » bien certainement
l'attendrait là, et elle prétendait éloigner
t«ute occasion de vanité nouvelle en quit
tant celles dont sa naissance l'entou
rait.
Sa pensée s'habitua secrètement aux
mortifications du Carmet et sa vocation
religieuse s'en comprend mieux.
Elle-même a révélé, elle le savait sans
doute, le pourquoi de sa détermination.
« Je vais vous dire ce qui m'a engagé à
quitter le monde, quelque brillant qu'il
pût être pour moi, et quoique je n'y fusse
pas à portée, par mon "rang, d'y courir
certains dangers, oà d'autres peuvent se
trouver : ces motifs ont été mes péchés,
la nécessité de la pénitence en cette vie
ou en l'autre, pénitence qu'il est bien plus
difficile de faire dans une vie commode,
surtout aimant mes aises comme je les
aimais; la parabole du chameau qui pas
serait plutôt par le trou d'une aiguille
qu'un riche n'entrerait dans le royaume
du ciel ; le précepte de l'aumône qui doit
s'étendre sur tout* le superflu, et ce su
perflu pour moi était immense ; enfin le
désir de posséder Dieu éternellement, et
de jouir de la couronne qui nous est pré
parée dans le ciel. »
Le spectacle des fautes du'roi, des pé
chés paternels inspirait son cœur,
elle voulait racheter pat une immolation
personnelle et une souffrance continue
les scandales de Louis XV,.et de fait, sa
pauvre bure de Carmélite couvre autant
qu'il est possible les souillures du man
teau royal. Mourante, Marie Leczinska
lui confiait le salut de cette âme malade:
« Aimez bien le roi, votre .père ; je vous
le confie. Aimez-le comme je "i'ai aimé,
dans la douleur plus encore que dans la
joie. »
Après de lqngues années de ré
flexions, d'hésitations si l'on ; .veut,
elle entre dans le cloître où elle doit
s!immoler. Elle marche dans la voie,
pour elle doublement royale de la croix j /_
Louis XV aimait beaucoup ses filles,
comme il faisait toutes choses, en égdïste: .
La demand'e de Louise le surprit, toute
fois le poids du sacrifice devant peser sur
d'autres épaules que sur les siennes, il
■ accorda son consentement ; il le fit mê
me de bonne grâce et avec une dignité
toute souveraine.
« Versailles, 18 février 1770.
« Monsieur l'archevêque, chère fille,
m'ayant rendu compte de tout ce que
vous lui avez dit et mandé, vous aura
sûrement rapporté avec exactitude tout
ce que je lui ai répondu. Si c'est pour
Dieu seul, je ne puis m'opposer à sa vo
lonté ni à votre détermination. Depuis
dix-huit ans, vous devez avoir fait vos
réflexions, je n'ai plus à vous en deman
der. 11 paraît même que vos arrange
ments sont faits. Vous pourrez en parler
à vos sœurs quand vous le jugerez à pro-
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