Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-02-24
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 février 1901 24 février 1901
Description : 1901/02/24 (Numéro 12058). 1901/02/24 (Numéro 12058).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Dimanche 24 Févrter 1901
Edition £uoiidié&xiLâ. » 42,058
Dimanche 24 Février ISOi
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aaaaaarcjM
ÉÎSTÎÔH QUOTIDIENNES
PARIS ÉTRANGER
, E3P DÉPARTEMENTS (UNION POSTALE^
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ANNONCES
MSI. LAGRANGE, CERF et C", 6, place de la Bourse
BBgswtwai
PARIS, 23 FÉVRIER 3SOI
Le vœu de chasteté.
La grève ........ .
Çà st. là : Ruskin et
la Bible..........
A la Chsiabra.
Au Sénat
Lettres de Belgique.
Les conférences du
Luxembourg...
Chronique musi
cale*. 1.. • •..
Y ves L ancètre. ,
E ugenë T a veilfsîs?.
M ax T uraiann.
gabmsï. ub . T RÏORS,
J. M akïenay.
-L.
E douard A le x andre
G. de B oisjoelin.
Bulletin. — L'affaire de Laval. — Le port
' de la soutane. — Congréganistes décorés.,
— Grave concession.; r— Une lettre du
Saiut-Siège à Mgr Rumeau. — La santé
de Mgr Dabert. — Le vœu des Dames
lyonnaises. — Icform&a&Zi* politiques
et jtaH^me^.tai'es. — Alsace-Lorraine. —
En Espagne. —■ En Angleterre, -r- En
Cfclïie. — Dépêc.bes de l'étranger. —
Chronique. Echos de partout. — Les
grèves. — Les œuvres de dom Bosco. —
Chronique religieuse. ~ Une incinération
à Reims. — Nécrologie. — Guerre et ma
rine. — Tribunaux. — Nouvelles diverses.
— Jardin d'acclimatation. — Oskn 'jriof.
— Bourse et bulletin financier. — Der
nière feeure. ..
LE VŒU DE CHASTETÉ
Est-ce à raison du vœu de chas
teté que Me Religieux abdique
quelque chose de la aignité et de la
personnalité humaine Y
Est-ce à raison de cette abdica
tion qu'il se met hors de la société
et que le législateur entend le met
tre hors du droit commun?
La question revient à celle-ci :
La chasteté est-elle une tare pour
l'homme qui l'observe?Jusqu'ici la
loi, d'accord avec les mœurs pu
bliques, flétrit et . punit les actes
opposés à la pudeur, lorsqu'ils
prennent un caractère de publicité.
Elle juge que les atteintes publi
ques à la morale corrompent les
mœurs; et, parce que la corruption
désagrège le corps social, elle en
tend au moins la réprimer ne
réussissant guère à la prévenir. La
chasteté est donc à ses yeux le sel
do la conservation sociale, tandis
que l'immoralité en est 1® dissol
vant. Sous peine d'être en contra^
diction avec elle-même, la loi ne
saurait, il va sans dire, incriminer
chez les Religieux ce qu'elle pres
crit indirectement au citoyen.
Serait-ce parcs que le Religieux
renonce"au mariage" qu'il perdrait
sa dignité d'homme et le droit d'être
protégé par la loi ? . .
Il faudrait, dans ce cas, édicter le
mariage obligatoire. Chose difficile,
le mariage étant un des. actes du
citoyen qui dépendent le plus de sa
liberté ; contracté de force, le ma
riage n'existe pas.
Fera-t-on une loi qui forcera le
citoyen à vouloir librement ce qu'il
ne veut pas, à prendre un engage
ment de nature essentiellement li
bre? Avant d'y contraindre le Reli
gieux, qu'on y contraigne tout le
monde. On discutera la loi. Interdire
au Religieux ou au prêtre d'être
chastes et de s'engager par vœu,
sous peine d'être déchus d'un droit
reconnu à tous les citoyens, est
chose hardie même pour des légis
lateurs insouciants de la justice,
sourds aux injonctions de la cons
cience. La raison, le bon sens pro
ment enraciné dans les mœurs
chrétiennes la notion, la sublimité
du renoncement aux œuvres de la
chair. -
Cette vérité demeure encore in
tacte : la prédominance de l'esprit
sur la chair, la supériorité des qua
lités et des oeuvres de l'intelligence
sur les qualités et lés œuvres du
corps. Plus l'intelligence tend à se
: dégager des nécessités de l'ordre
inférieur, plus elle acquiert de faci
lité d'évolution dans l'ordrej qui lui
est propre.
Ainsi dégagé et vraiment af
franchi, l'homme tend de plus en
pluâ à monter. Le Religieux couçt
a. ce but par le double vœu de pau
vreté et de chasteté. Par le pre
mier, il s'engage à n'user que du
strict nécessaire pour la conserva
tion de la vie. Par le second, il s'en
gage à renoncer tout à fait à dés
jouissances inutiles à sa propre con
servation, et à reproduire, sous la
forme "humaine, autant qu'il lui est
possible, la vie même et la dignité
ae l'ange.
Beaucoup qui se sondent eux-
mêmes hochent la tête et disent :
« Cela n'est pas possible. » Jésus-
Christ prévoyait ce scepticisme et
cette impossibilité pour le grand
nombre, quand il disait : Qui potest
cnpere, capiit. Entende ce discours
qui est capable de l'entendre. Mes
sieurs qui voulez proscrire les ci
toyens faisant vœu de pauvreté et
de chasteté, cette loi n'est pas pour
vous,, d'accord; elle n'e<3t pas pour
le grand- nombre, d'accord. Mais
quel principe pris dans la nature de
l'homme ou dans la nature du droit
invoquerez-vous pour taxer d'indi
gnité la pauvreté ou la chasteté?
L'ùne est un élément de pacifica
tion ; l'autre un élémènt de conser
vation. Le pauvre volontaire apaise
par son exemple le pauvre malgré
lui. Il lui apprend à. porter le rude
fardeau de ses misères. Le chaste
volontaire est une leçon permanente
pour l'homme qui a ouvert la digue
à ses passions : il est le sel qui em
pêche la dissolution de pénétrer
.dans le corps social. Faites à l'un
et à l'autre une place d'honneur. Le
bon sens le réclame, l'intérêt pu
blic l'exige. Ne vous privez pas d'un
secours dont la perte avilirait l'es
prit public et abaisserait le niveau
social. . - „.
La rais„on désespère d'être enten--
due. Les dieux du jour sont comme
les idoles d'autrefois. Ils. ont des
yeux et ne voient pas, des oreilles
et n'entendent pas. Il n'y a pas seu
lement deux Frances. il y a deux
morales, deux logiques, deux lan
gues. Quand souïàera sur ces ido
les de carton le vent de la vérité qui
ne laissera debout que les principes
immuables sur lesquels reposent la
stabilité.de la société et la paix du
monde?
Yves Lancètbe.
ÏÏULLETI&C
Hier, è la Chambre, après un débat
mouvementé,on aadoptéuneproposition
de M. Klotz relative à la, progressivité
dans les droits de succession. Ce vote est
un échec four le ministère.
Le Sénat examine aujourd'hui le bud
get qui a été voté hier par la Chambre.
Il est donc h peu près certain que nous
n'aurons pas de'nouveau douzième pro
visoire. 4 .
Lé juge de paix de Villejuif a rendu
hier son jugement dans la question du
port de la soutane : M. l'abbé Aigouy a
été acquitté. Le maire du Kremlin-Bï-
cétre en sera donc pour ses grotesques
procédés. '
Une communication du ministère de
la guerre annonce que, dans le Sud-
Algérien, nos troupes viennent de rem
porter un glorieux succès. On trouvera
des détails, en Dernière Heure.
Au Reichsrath autrichien, la séance
d'hier a été tumulteuse : les députés de
la Bohême ont protesté contre la façon
dont le bureau de l'assemblée a fait tra
duire le texte de$ demandes d'interpel
lations rédigées en langue tchèque.
À Madrid,on annonce toujours que le
cabinet Azcarraga va démissionner ;
mais, au préalable, le ministère veut
supprimer l'état de siège.
On télégraphie de Pékin que « le gou
vernement^chinois ayant,c@nseri.ti■ aux
châtiments exigés par les ministres des
puissances, le maréchal de Waldersee a
décidé d'ajourner l'expédition proje
tée ».
tration qui mêle les couches d©»
l'humanité et qui amène à la sur-:
face les couchés inférieures.
En dépit des efforts déployés
pour produire la gf ève générale,;
on peut croire que le conflit des be
soins, des intérêts et des senti
ments rendra impossible cette crise
nouvelle et si dangereuse. Mais l'ex
tension continue des organismes
ouvriers est plus qu'un symbole,
c'est un fait réel, c'est 1& prélude:
d'ua Changement considérable." "
Sous la vieille monarchie, au mi
lieu de la splendeur qui environnait
Louis XIV et dont tout le reste
était éclipsé, Saint-Simon déplorait
et s'indignait de voir la bourgeoisie
envahir toutes les grandes fonc
tions, elle qui tenait déjà les peti
tes. « Le chancelier Voisin, disait^-
il, avait essentiellement la plus par
faite qualité sans laquelle nul ne
pouvait entrer et n'est jamais en?
tré dans le conseil de Louis XIV,
en tout son règne, qui est la pleine
et parfaite roture, si l'on en excepte
le seul duc de Beauvilliers. »
Si la bourgeoisie se laissait dé
posséder de son influence et de sa
force comme la noblesse d'autre
fois, ce serait en grande partie par
ce qu'elle aurait, à son tour, perdu
. ..l' esprit de réforme et d'initiative,
1 "| ï^deiïï* w eT'ï r âôtivité qui déroute
raient les desseins pervers des ex-
ploiteurs'socialistes.
Eugène Ta vernies:
-0-
LA GHÉV1
Parce qu'elle n'a pas encore fait
couler le sang à Montceàu; parce
qu'elle se terminera peut-être bien
tôt sans avoir causé tous les rava
ges qu'elle faisait craindre, ce.n'est
pas tin motif de la considérer com
me un fait peu important.
Elle est devenue un phénomène
èndémique et presque régulier,
mais elle manifeste .un état de cho
ses qui constitue un changement
profond dans notre régime social.
Que l'agitation s'apaise en Saône-
et-Loire, elle renaîtra sans doute
dans le Nord ou dans l'Aveyron.
Elle passera non seulement du
Centre, à l'Est ou au Midi, mais
d'une industrie à l'autre.
Les statistiques officieuses ^dres
sées chaque mois constatent qu'il
n'y a pour ainsi dire, pendant une
année, plus un seul jour sans grève.
En réalité, elle est permanente.
Elle a sa méthode, son organisa
tion,son état-mâjor,ses spécialistes.
Un groupe décide, un signal reten
tit et, sous un prétexte quelconque,
les ouvriers de tél ou tel endroit
cessent le travail, retrouvant, hors
de l'usine, des chefs, une .espèce de
règlement, un salaire. D'une région
et d'une profession à l'autre, des
subsides volontaires sont échangés.
Nombre d'individus, quelques-uns
d'origine et de nature bourgeoise,
apportent à la grève le concours de
leur expérience et de leur ambition.
Ainsi en 89, des nobles entretenaient
l'agitation au profit du Tiers-Etat,
lui frayaient la route, le pous
saient.
Or, il n'y et pas cinquante ans que
le délit dit de « coalition » a été
rayé de nos lois. Le droit de s'as
socier, refusé aux ouvriers par la
bourgeoisie de 89, leur a été réndu
sous une forme violente, comme
un moyen de lutte, non seulement
pour la résistance mais pour la con
quête. ". .
La grève, c'est une sorte de pé
riode électorale permanente où les
agitateurs gagnent leur prestige et
posent leur candidature. Nous
avons un.bon nombre de députés
qui sont arrivés par la grève ; nous
en aurons plus encore.
Ils agissent ainsi sur les lois et
remuent le monde de l'industrie et
du commerce. Voyez combien de
mesures nouvelles ont atteint la
propriété, l'héritage, la terre!
Ainsi, tantôt rapide et brutale,
tantôt lente, s'accomplit une infil-
ÇSà et là
RUSKIN ET LA BIBLE
Depuis quelques années, l'Angleterre
religieuse attire l'attention des catholi
ques de France. '
Plusieurs livres, publiés chez nous,ont
grandement contribué à orienter les es
prits dans cette voie. Pour ne parler que
des plus récents, nous citerons les belles
études de M. Thureau-Dangin sur la
Renaissance catholique en A.ngleterre
au XIX e siècle (1) : dans ces pages re
marquables, réminent académicien ex
pose ce que l'on appelle le « mouvement
d'Oxford » et ce qui constitue, chez nos
voisins d'Outre-Manche, les origines de
la rénovation chrétiénne. Nous devons
mentionner aussi le volume, à la fois si
personnel e t si renseigné, de Mlle Lucie
Félijt-Faure sur Newman (2). Nous de
vrions indiquer également le Wiseman
de M. Wilfrid Ward (3).
Mais nous voulons aujourd'hui signa
ler avec quelques détails un ouvrage,
tout récent, qui nous fait connaître un
autre aspect de l'histoire religieuse de
l'Angleterre durant le siècle passé. C'est
le livre que M. et Mme J. Brunhes ont
consacré à Ruskin (4).
Les auteurs ne se sont pas proposé de
nous raconter, par le menu, la vie de
l'illustre écrivain anglais. Ils n'ont point
voulu non plus analyserses quatre-vingts
volumes. Mais, ayant une connaissance
précise «le son œuvre immense, ayant
consulté les très nombreux articles et les
études qui ont paru à son "sujet, ils ont
mis à profit leur vaste érudition pour ré
soudre un des problèmes les plus délicats
que rencontre tout biographe d'un pen
seur : ils se sont attachés à rechercher
et à retracer la genèse des idées de Rus
kin.
Or, de leur consciencieuse et péné
trante enquête, ils ont conclu qu'une
a influence primordiale et permanente»
se révélait à travers les livres de l'auteur
britannique : c'est l'influence de la Bible.
Leur ouvrage est la démonstration,
claire, forte, convaincante, de cette con
clusion.
A notre vif regret, nous ne pouvons ré
sumer cette démonstration, finement dé
duite et solidement établie ; mais nous
croyons devoir noter deux ou trois points
qui nous ont paru présenter un particu
lier intérêt.
Sa formation intellectuelle et morale,
essentiellement biblique, Ruskin la dut
à sa mère. Voici à ce propos une page
de Prœterita, dans laquelle l'auteur
raconte ses souvenirs d'enfance :
« Aussitôt qae je fus capable de
lire couramment, dit»il, ma mère entre
prit avec moi un cours de Bible, qui,
jusqu'à mon entrée à Oxford, ne fut ja
mais interrompu. Nous lisions les ver
sets tour à tour, elle surveillait d'abord
chacune des intonations de ma voix et
corrigeait celles qui étaient fausses, jus
qu'à ce qu'elle me fit comprendre avec
justesse et vigueur le verset que j'étais
capable de saisir... Ainsi, elle commença
au premier verset de la Genèse et alla
droit à travers la Bible jusqu'au dernier
verset de l'Apocalypse... Si le nom était
difficile, meilleur était l'exercice de pro
nonciation ; si le chapitre était.ènnuyeux,
meilleure était la leçon depatience; s'il
était rebutant, meilleure était la leçon de
..foi. » : . .""" ' :
Dès sa plus tendre enfance, Ruskin eut
donc l'âme et l'esprit comme imprégnés
des Livres Saints. il apprit à penser en
lisant l'Ecriture et l'on a pu dire que
pour « les connaissances successives qui
s'ajoutèrent à la connaissance de la
Bible », celle-ci « devait en être le trait
d'union, mieux encore, le centre » ; « les
choses les plus diverses devaient se trou
ver rapprochées de ce centre unique, et
(1) Pion, Nourrit et Cie, éditeurs.
, (2) Perrin, éditeur.
(3) Lecoffre, éditeur.
. (4) H. J. Brunhes, Ruskin et la Bible,
pour servir à l'histoire d'une pensée. Per
rin, éditeur, 1901. :
toute œuvre belle apparaître à Ruskin,
non comme un fait isolé et indépendant,
ragis comme ayant sa place ou du moins
un terme de comparaison- dans le monde
biblique et comme dépendant de la pa
role de Dieu ».
Cette première discipline devait lais
ser une empreinte définitive sur l'esprit
de Ruskin. On nous en donne des preu
ves multipïea et décisives. En des pa
ges fort curieuses, on nous montre cem-
ment l'autenr de ' Modem' Painters
« voyait la nature à travers la Bible »'
et comment aussi « il voyait la Bible
«.travers la nature ». Il y a làdes remar
ques d'un haut intérêt qui éclairent d'un
jour nouveau cette « religion de la
beauté »: dont Ruskin a été l'un des ini
tiateurs.
La Bible n'a pas seulement influé sur.
les conceptions esthétiques de Ruskia,;
elle a aussi'déterminé ses idées sociales.
Dans un chapitre, nourri de faits, où
abondent les citations choisies et mises
en valeur avec un art parfait, M. et Mme
J. Brunhes établissent que le grand
écrivain anglais est arrivé à des conclu
sions économiques très proches de celles
adoptées par les catholiques sociaux.
; Pour permettre d'avoir une idée de la
manière et des doctrines de l'auteur de
Fors Clavigera, nous ne croyons mieux
faire que de reproduire les quelques
lignes suivantes adressées par Ruskin
i a'une.dame de ses amies qui offrait
des dîners assez fréquemment ». La page
ne manque pas de piquant :
« Vous donnerez probablement un dî
ner aujourd'hui, écrit Ruskin. Faites, s'il
vous plaît, ce que je vous demande de
faire et remarquez q.ue je vous ie de
mande très sérieusement. Tous ceux
d'entre nous qui ont quelque foi dans le
christianisme souhaiteraient .que le
Christ fût actuellement ën vie. Supposez
qu'il vous a prévenue par un mot qu'il
viendra dîner avec vous aujourd'hui et
qu'il vous a priée de ne faire aucun
changement parmi vos hôies à cause de
Lui... Voici ce que je vous demande de
faire. Décidez d'abord ce que vous aurez
pour dîner^/Cela fait, réfléchissez à la
manière dont vous placerez vos convives :
qui devra s'asseoir à la droite du Christ,
à la gauche, en face de" Lui ? etc... ; enfin
considérez un peu de quoi vous parlerez;
supposez — ce qui est fort possible —
que le Christ vous dise de continuer a
parler comme s'il n'était pas là et de ne
pas vous occuper de Lui. Vous ne pouvez
faire pareille chose, me répondrez-vous ?
Alors ? chère madame, comment faites-
•■"cus d'habitude? Ne faites.vous pas.pro
fession de croire que le Christ est là tou
jours, que vou3 le voyiez ou non ?;Pour
quoi sa présence visible ferait-elle sem
blable différence ? »
Quand on a lu cette page, on peut diffi
cilement nier la séduisante originalité de
l'écrivain anglais. Et quand on a lu le
très beau livre de M. et de Mme J. Bru
nhes, il est à peu près impossible de
contester que la Bible n'ait été Tune des
sources les plus fécondes de sa pensée
puissamment originale. ■
Max T urmann.
— : i « ——^ :
L'AFFAIRE DE LAVAL
On nous écrit de Laval que notre
première note-sur. la levée de l'in
terdit du R. P. Ilamelin,. où nous
disions que ce religieux • ne devait
pas rentrer dans le diocèse, était
exacte. L'information nous venant
d'une source sérieuse, nous croyons
bien faire en la mentionnant. Du
reste, au cas où elle serait erronée,
on ne tarderait point à sortir d'in
certitude. Si le R. P. Hamelih est
libre de rentrer à Laval, il y- ren-;
trera évidemment sous peu, eb l'on
sera fixé. , ♦
LE PORT DE LA SOUTANE
Acquittement de M. l'al>bé Aigouy
Hier, M. Millet, juge de paix de Ville-
juif, agissant comme président du tribu
nal de simple police de cette commune,
a rendu son jugement dans l'affaire de
M. l'abbé Aigouy, vicaire de Gentilly,
qui s'était montré en soutane sur le ter
ritoire de Kremlin-Bicêtre, malgré l'ar
rêté d'interdiction du costume ecclésias
tique pris par M. Thomas, maire de^cette
commune.
La salle d'audience était comble. Le
public, visiblement sympathique à l'abbé
Aigouy, attendait, avec impatience le
prononcé du jugement.
Ce j ugement acquitte l'abbé Aigouy et,
par conséquent, condamne le maire de
défense républicaine Çui administre avec
tant de bizarrerie la commune de Krem
lin-Bicêtre. Voici les considérants de ce
jugement :
. Attendu que l'abbé Aigouy est cité à
comparaître devapt le tribunal de simple
police à,la suite de deux procès-verbaux
dressés, le premier le 22 décembre 1900, par
l'agent-voyer communal de Kremtin-Bicê-
tre, le deuxième le 14 janvier • 1901 par l'ap
pariteur de la même commune, pourinfrac-
tion à. l'arrêté municipal du 10 novembre
1900 interdisant le port du costume ecclé
siastique sur le territoire de la commune
de Kremlin-Bicêtre;
Attendu qu'un troisième procès-verbal a
été dressé le 22 janvier 1901, par l'appari
teur du Kremlin-Bicêtre ; quli n'y a pas
lieu de statuer à l'audience pour faits visés
dans ces procès-verbaux ; mais que le mi
nistère public a demandé qu'il -fût . aussi
statué sur cette denriiôre infraction, *çt que
M. l'abbé Aigouy a oonsenti à ce qu'il, fût
ainsi procédé ;
Ouï le ministère public et M 8 Jean Le-
rolle, avocat de M. l'abbé Aigouy, présent à
1 audience;
Attendu que M. l'abbé Aigouy invoque
pour sa défense que l'arrêté pris par le
maire du Kremlin-Bicêtre est illégal ;
Que ni l'article 43 de la loi de germinal
an X, ni l'arrêté du 17 ventôse an XII n'oat
aucune sasetion pénale ; '
Qu'enfin, l'arrêté s'usvisé'ne lui serait pas
applicable comme exerçant un culte re
connu par l'Etat sur l'étendue de la com
mune du Kremlin-Bicêtre ;
Attendu que les tribunaux de police aux
quels sont déférées les infractions à lin
arrêté municioal doivent vérifier si cet
arrêté est légal;. : :
, Attendu qu'il- résulte des tçrmes de l'ar
ticle 97 de la loi du 5 avril 1884 J que l'auto
rité municipale. ne; ^»eut réglementer : par.
arrêté que ce qui intéresse le bon ordre, la
sûreté et la sécurité .publique.;
Que le fait reproché à l'abbé Aigouy ne
rentre dans aucune de ces matières et ne'
porte atteinte ni'au bon ordre, ni à la sû
reté, ni à la sécurité publique ; qu'au swr-
plus l'arrété ne visé aucun des articles de'
1a loi du 5 avril 1884 et n'est pas motivé par
des considérations d'ordre public; que cet
arrêté excède donc les pouvoirs de l'auto
rité municipale en ce qui touche l'absence
de sanction; . ; .
Attendu que ni l'article 48 de la loi de :
germinal an X, ni l'arrêté du 17 ventôse an
XII n'édictant de sanction pénale à leur
disposition, il ne peut appartenir à un maire
d'y. ajouter par un simple arrêté;
Attendu que la règle -Nulla pain a. sinelege
est une règle absolue, que dans ces condi
tions l'article 471, paragraphe 15, ne peut
trouver son application ; et sans qu'il soit
besoin de statuer sur lés autres moyens
invoqués par les inculpés,
Par ces motifs: * • :
Déclare l'arrêté pris par le maire du Krem
lin-Bicêtre.illégal et renvoie l'abbé Aigouy
des fins de la plainte sans dépens.
Ce jugement a été accueilli par des ap
plaudissements chaleureux. A la sortie
de l'audience. M. l'abbé Aigouy a été sa
lué par une foule d'amis connus et incon
nus qui ont tenu à protester contre l'ar
bitraire du maire Thomas.
Quatre autres prévenus, MM. Ruault
étKumpf, élèves aux Missions étrangè
res, et MM. Deis et 'Petit, étudiants en
Sorbonne, ont été déférés au même tri
bunal dont le jugement, après celui rendu;
hier, n'est pas douteux.
CORSBtGilISUS DECOSÊS
Le Journal officiel vient de publier l^i
liste des décorations académiques accor
dées à l'occasion de l'Exposition.
Nous y relevons les noms suivants :
Officiers d'académie. Mlle Caroline
Bara (en religion sœur Alvérie), professeur
à l'institut des jeunes aveugles de Lille.
M. Chauvreau (en religion frère Narcis
se), directeur de l'institut de Roachin-
Lille.
La sœur Alvérie appartient à cette ad
mirable congrégation des Filles de la
Sagesse qu'on trouve partoutoù il y a du
dévouement à dépenser : hôpitaux mili
taires, maisons de folles, colonies;etc.,—
et qui dirige à Lille, 131, rue Royale,
une maison d'aveugles et" de sourdes-
muettes.
Née àDinard, descendant par sa mère
d'une illustre famille irlandaise, les Dil-
lon-Kavanagh, Mlle Caroline Bara, en
religion sceiir Alvérie, est âgée de 79 ans
— et voici 57 ans qu'elle s'est vouée à
l'enseigneme'nt des filles aveugles. ;
M. Oh^uvreaii, en religion frère Nar
cisse, né en 18-18, en Vendée, d'un père
instituteur, s'est, depuis plus de trente
ans, consacré à l'enseignement des jeu
nes aveugles. Voici sept années qu'il di
rige avec beaucoup de zèle, de tact et
d'intelligence, l'œuvre de Ronchin, si
généralement sympathique à Lille et
dans toute la région.
GRAVE CONCESSION
M. Léon Bigot, dans le Voltaire, dé
clare que les congrégations sont deve
nues dangereuses à partir du moment où
l'abbé de Rancé prit la terrible résolu
tion de se faire trappiste.
Ce fut alors la mode delà Trappe, des
Trappes, devrions-nous dire, et véritable
ment le péril des congrégations com
mença !
« Commença! » Est-il possible? Et les
« ténèbres du moyen âge » ? Et les « hor-:
retfrs de l'Inquisition »? M. Léon Bigot ;
ose donc absoudre d'un trait de plume
des siècles entiers de ferveur et d'acti-l
vité monastique! Mais il va se faire cons-;
puer par tous ses amie !
En tout cas, l'idée est originale. Faire
de l'abbé de Rancé l'inaugurateurdu pé
ril congréganiste, plutôt que de s'èn
prendre à saint Bernard ou à saint Be
noît, c'est montrer qu'on, est capable de
conceptions personnelles, et tous les anti
cléricaux ne sauraient se vanter d'une,
pareille indépendance d'esprit.
A LA CHAMBRE
A propos du budget.
La séance d'hier a été longue,
tumultueuse et confuse ; elle s'est
prolongée jusqu'à neuf heures ; on
a suspendu l'ordre du jour pour le
reprendre plus tard, sang nul souci
des traditions parlementaires ; on a
crié, voté des têxtes importants
après enavoir à peine entendu le li -r
bellé ; on a lassé, par un vrai-déver
gondage de successives fantaisies,
la sëreine patience du président, le
vénérable M. Aynard^
Tout cela était bien fait pour dé
soler quelques-uns des partisans,
avant tout, de la régularité dans les
discussions ; nous n'en devons re
tenir que la conclusion : un reten
tissant échec pour le ministère.
Il n'importe plus guère de res
pecter les formes de la procédure
parlementaire, alors qu'il s'agit
d'affaiblir un gouvernement de dé
composition nationale,-^— et si mo
dérés et libéraux répugnent à me
ner jusqu'au bout certains combats,
il en est qui considèrent comme un
devoir de s'associer à des manœu
vres d'opposition imaginées par
d'autres.
M. Anthime-Ménard reprenait
hier son amendement, déjà soumis
à la Chambre lors de la première
discussion du budget, et introdui
sant la progressivité dans les droits
d e mutation par . d écè s ou entre
vifs. Ce système arrivait, on ïe sait,
à doubler le montant de ces droits
pour une succession supérieure à
vin^t. millions. . .
.. al Kiotz et quelques-uns de ses
amis ont voulu surenchérir, et éten
dre l'échelle de . la prqgression de
manière à porter le droit à 64 pour
cent sur un héritage de cent mil
lions ; ils réclamaient pour consa
crer. ce principe nouveau, le vote
d'une proposition distincte de la loi"
sur leg successions.
. :■ Le gouvernement et la commis
sion du budget proposaient la dis
jonction de l'amendement Anthime-
Ménard, n'ayant garde d'ailleurs
d'émettre un avis sur le fond : ia
disjonction a été adoptée par 3,30
voix contre 190.
Restait la motion Klotz à laquelle
M. Anthimè-Ménard se ralliait,
en retirant son propre amende
ment.-
. « On ne peut interrompre l'exa
men du budget! » proclamait le mi
nistre des finances, >— et, de son
côté, le président déclarait ne pou
voir mettre aux vois que le jnain-
tien ou l'interruption de l'ordre du
jour.
Suspendre une discussion pour
en entamer une autre, au pied levé î
Qu'allait-il advenir, grand dieux?
Et les vieux parlementaires s'affo
laient, et M. Rouvier levait les bras
au. ciel, protestant n'avoir même
pas entendu le texte de la motion, si
grosse de conséquences ; — la com
mission du budget, parla voix de
M. Coonery, de M. Guillain, de M.
Boudenoot, adjurait la Chambre
d'achever du moins l'examen de la
loi de finances.
De leur-côté, M. Klotz, M. Sern-
bat, et aussi M. Ménard insistaient
pour la discussion immédiate. Tout
cela au milieu des hurlements, du
bruit des pupitres, des interpella
tions se croisant tandis.que- l'infor
tuné ministre des finances, seul
pour faire tête à l'orage, demeurait
affalé sur son banc.
La suspension de l'ordre du jour
a été votée par 318 voix contre 211
— l'urgence par 351 voix contre 93
t —— et le passage à la discussion des
articles par 396 voix contre 61.
On s'est assez longuement battu
sur- le fond,, et nous avons pu savoir
de M. Caillaux que le gouvernement
qui veut bien de la progression un
peu, et aussi de la proportionnalité,
s'effraie, en fin de compte,du prin
cipe posé par M. Ménard d'abord,
puis par M. Klotz.
Le ministre a d'ailleurs tenté de
détourner le coup,: n'oubliant même
point l'habituel couplet sur le cabi
net de « défense républicaine »,sans
rien trouver à répondre aux Justes
observations de M. Denys Ûochin
qui avait montré combien peu sont
qualifiés pour parler de confisca
tion ceux qui s'associèrent le collec
tiviste Millerand, et qui s'apprêtent
à spolier toute une classe de ci
toyens. .
On a voté, par 375 voix contre 101,
la proposition Klotz.
Une autre amertume était réser
vée à M. Caillaux... Un projet de
résolution de M. Gauthier (de Cla-
gny) a surgi; il était ainsi conçu :
« La Chambre, comptant sur le
gouvernement pour défendre devant
le Sénat la proposition de loi qu'elle
vient de voter, passe à l'ordre du
jour. »
— Et le budget ? disait M. Cail
laux.-On a consenti à achever le
budget.
— A lundi! ont crié quelques
terre-neuve, et le renvoi à lundi
était voté par 329 voix contre 146.
Mais voici que le convalescent do
\ la place Beauvau fait savoir qu'il
Siendra à la séance de lundi; on
veut revenir ce jour-là au droit
d'association.
—Qu'adviendra-t-il de ma motion?
demande M. Gauthier.
— Je demande la logique ! clame M.
Cadenat-— et le président de-lui ré
pondre : « Ne venez point la cher
cher ici! »
Il est plus de huit heures ; on. s'é
chauffe; les cris redoublent; c'est
M. Zévaès qui résout le problème en
imaginant de tenir une autre séance
dans cinq minutes.
Par 284 voix contre 215, il en est
ainsi décidé, et sur le coup de neuf
heures on votait, par 360 voix-con-
tre43, la proposition Gauthier. v .
Voici le ministre des finances
sommé d'appuyer, au Luxembourg,
un régime fiscal des successions
qu'il combattait désespérément au
Palais-Bourbon ! Beaucoup de ceux
qui le votèrent, d'aille ; urs, ont voulu
bien plutôt faire échec au gouver
nement que consacrer une échelle
de progression, périlleuse pour le
droit de propriété lui-même.
Il s'est rencontré des ministères
qui s'en allaient pour une moindre
avanie. \
Gabriel de T rioks
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ANNONCES
MSI. LAGRANGE, CERF et C", 6, place de la Bourse
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PARIS, 23 FÉVRIER 3SOI
Le vœu de chasteté.
La grève ........ .
Çà st. là : Ruskin et
la Bible..........
A la Chsiabra.
Au Sénat
Lettres de Belgique.
Les conférences du
Luxembourg...
Chronique musi
cale*. 1.. • •..
Y ves L ancètre. ,
E ugenë T a veilfsîs?.
M ax T uraiann.
gabmsï. ub . T RÏORS,
J. M akïenay.
-L.
E douard A le x andre
G. de B oisjoelin.
Bulletin. — L'affaire de Laval. — Le port
' de la soutane. — Congréganistes décorés.,
— Grave concession.; r— Une lettre du
Saiut-Siège à Mgr Rumeau. — La santé
de Mgr Dabert. — Le vœu des Dames
lyonnaises. — Icform&a&Zi* politiques
et jtaH^me^.tai'es. — Alsace-Lorraine. —
En Espagne. —■ En Angleterre, -r- En
Cfclïie. — Dépêc.bes de l'étranger. —
Chronique. Echos de partout. — Les
grèves. — Les œuvres de dom Bosco. —
Chronique religieuse. ~ Une incinération
à Reims. — Nécrologie. — Guerre et ma
rine. — Tribunaux. — Nouvelles diverses.
— Jardin d'acclimatation. — Oskn 'jriof.
— Bourse et bulletin financier. — Der
nière feeure. ..
LE VŒU DE CHASTETÉ
Est-ce à raison du vœu de chas
teté que Me Religieux abdique
quelque chose de la aignité et de la
personnalité humaine Y
Est-ce à raison de cette abdica
tion qu'il se met hors de la société
et que le législateur entend le met
tre hors du droit commun?
La question revient à celle-ci :
La chasteté est-elle une tare pour
l'homme qui l'observe?Jusqu'ici la
loi, d'accord avec les mœurs pu
bliques, flétrit et . punit les actes
opposés à la pudeur, lorsqu'ils
prennent un caractère de publicité.
Elle juge que les atteintes publi
ques à la morale corrompent les
mœurs; et, parce que la corruption
désagrège le corps social, elle en
tend au moins la réprimer ne
réussissant guère à la prévenir. La
chasteté est donc à ses yeux le sel
do la conservation sociale, tandis
que l'immoralité en est 1® dissol
vant. Sous peine d'être en contra^
diction avec elle-même, la loi ne
saurait, il va sans dire, incriminer
chez les Religieux ce qu'elle pres
crit indirectement au citoyen.
Serait-ce parcs que le Religieux
renonce"au mariage" qu'il perdrait
sa dignité d'homme et le droit d'être
protégé par la loi ? . .
Il faudrait, dans ce cas, édicter le
mariage obligatoire. Chose difficile,
le mariage étant un des. actes du
citoyen qui dépendent le plus de sa
liberté ; contracté de force, le ma
riage n'existe pas.
Fera-t-on une loi qui forcera le
citoyen à vouloir librement ce qu'il
ne veut pas, à prendre un engage
ment de nature essentiellement li
bre? Avant d'y contraindre le Reli
gieux, qu'on y contraigne tout le
monde. On discutera la loi. Interdire
au Religieux ou au prêtre d'être
chastes et de s'engager par vœu,
sous peine d'être déchus d'un droit
reconnu à tous les citoyens, est
chose hardie même pour des légis
lateurs insouciants de la justice,
sourds aux injonctions de la cons
cience. La raison, le bon sens pro
ment enraciné dans les mœurs
chrétiennes la notion, la sublimité
du renoncement aux œuvres de la
chair. -
Cette vérité demeure encore in
tacte : la prédominance de l'esprit
sur la chair, la supériorité des qua
lités et des oeuvres de l'intelligence
sur les qualités et lés œuvres du
corps. Plus l'intelligence tend à se
: dégager des nécessités de l'ordre
inférieur, plus elle acquiert de faci
lité d'évolution dans l'ordrej qui lui
est propre.
Ainsi dégagé et vraiment af
franchi, l'homme tend de plus en
pluâ à monter. Le Religieux couçt
a. ce but par le double vœu de pau
vreté et de chasteté. Par le pre
mier, il s'engage à n'user que du
strict nécessaire pour la conserva
tion de la vie. Par le second, il s'en
gage à renoncer tout à fait à dés
jouissances inutiles à sa propre con
servation, et à reproduire, sous la
forme "humaine, autant qu'il lui est
possible, la vie même et la dignité
ae l'ange.
Beaucoup qui se sondent eux-
mêmes hochent la tête et disent :
« Cela n'est pas possible. » Jésus-
Christ prévoyait ce scepticisme et
cette impossibilité pour le grand
nombre, quand il disait : Qui potest
cnpere, capiit. Entende ce discours
qui est capable de l'entendre. Mes
sieurs qui voulez proscrire les ci
toyens faisant vœu de pauvreté et
de chasteté, cette loi n'est pas pour
vous,, d'accord; elle n'e<3t pas pour
le grand- nombre, d'accord. Mais
quel principe pris dans la nature de
l'homme ou dans la nature du droit
invoquerez-vous pour taxer d'indi
gnité la pauvreté ou la chasteté?
L'ùne est un élément de pacifica
tion ; l'autre un élémènt de conser
vation. Le pauvre volontaire apaise
par son exemple le pauvre malgré
lui. Il lui apprend à. porter le rude
fardeau de ses misères. Le chaste
volontaire est une leçon permanente
pour l'homme qui a ouvert la digue
à ses passions : il est le sel qui em
pêche la dissolution de pénétrer
.dans le corps social. Faites à l'un
et à l'autre une place d'honneur. Le
bon sens le réclame, l'intérêt pu
blic l'exige. Ne vous privez pas d'un
secours dont la perte avilirait l'es
prit public et abaisserait le niveau
social. . - „.
La rais„on désespère d'être enten--
due. Les dieux du jour sont comme
les idoles d'autrefois. Ils. ont des
yeux et ne voient pas, des oreilles
et n'entendent pas. Il n'y a pas seu
lement deux Frances. il y a deux
morales, deux logiques, deux lan
gues. Quand souïàera sur ces ido
les de carton le vent de la vérité qui
ne laissera debout que les principes
immuables sur lesquels reposent la
stabilité.de la société et la paix du
monde?
Yves Lancètbe.
ÏÏULLETI&C
Hier, è la Chambre, après un débat
mouvementé,on aadoptéuneproposition
de M. Klotz relative à la, progressivité
dans les droits de succession. Ce vote est
un échec four le ministère.
Le Sénat examine aujourd'hui le bud
get qui a été voté hier par la Chambre.
Il est donc h peu près certain que nous
n'aurons pas de'nouveau douzième pro
visoire. 4 .
Lé juge de paix de Villejuif a rendu
hier son jugement dans la question du
port de la soutane : M. l'abbé Aigouy a
été acquitté. Le maire du Kremlin-Bï-
cétre en sera donc pour ses grotesques
procédés. '
Une communication du ministère de
la guerre annonce que, dans le Sud-
Algérien, nos troupes viennent de rem
porter un glorieux succès. On trouvera
des détails, en Dernière Heure.
Au Reichsrath autrichien, la séance
d'hier a été tumulteuse : les députés de
la Bohême ont protesté contre la façon
dont le bureau de l'assemblée a fait tra
duire le texte de$ demandes d'interpel
lations rédigées en langue tchèque.
À Madrid,on annonce toujours que le
cabinet Azcarraga va démissionner ;
mais, au préalable, le ministère veut
supprimer l'état de siège.
On télégraphie de Pékin que « le gou
vernement^chinois ayant,c@nseri.ti■ aux
châtiments exigés par les ministres des
puissances, le maréchal de Waldersee a
décidé d'ajourner l'expédition proje
tée ».
tration qui mêle les couches d©»
l'humanité et qui amène à la sur-:
face les couchés inférieures.
En dépit des efforts déployés
pour produire la gf ève générale,;
on peut croire que le conflit des be
soins, des intérêts et des senti
ments rendra impossible cette crise
nouvelle et si dangereuse. Mais l'ex
tension continue des organismes
ouvriers est plus qu'un symbole,
c'est un fait réel, c'est 1& prélude:
d'ua Changement considérable." "
Sous la vieille monarchie, au mi
lieu de la splendeur qui environnait
Louis XIV et dont tout le reste
était éclipsé, Saint-Simon déplorait
et s'indignait de voir la bourgeoisie
envahir toutes les grandes fonc
tions, elle qui tenait déjà les peti
tes. « Le chancelier Voisin, disait^-
il, avait essentiellement la plus par
faite qualité sans laquelle nul ne
pouvait entrer et n'est jamais en?
tré dans le conseil de Louis XIV,
en tout son règne, qui est la pleine
et parfaite roture, si l'on en excepte
le seul duc de Beauvilliers. »
Si la bourgeoisie se laissait dé
posséder de son influence et de sa
force comme la noblesse d'autre
fois, ce serait en grande partie par
ce qu'elle aurait, à son tour, perdu
. ..l' esprit de réforme et d'initiative,
1 "| ï^deiïï* w eT'ï r âôtivité qui déroute
raient les desseins pervers des ex-
ploiteurs'socialistes.
Eugène Ta vernies:
-0-
LA GHÉV1
Parce qu'elle n'a pas encore fait
couler le sang à Montceàu; parce
qu'elle se terminera peut-être bien
tôt sans avoir causé tous les rava
ges qu'elle faisait craindre, ce.n'est
pas tin motif de la considérer com
me un fait peu important.
Elle est devenue un phénomène
èndémique et presque régulier,
mais elle manifeste .un état de cho
ses qui constitue un changement
profond dans notre régime social.
Que l'agitation s'apaise en Saône-
et-Loire, elle renaîtra sans doute
dans le Nord ou dans l'Aveyron.
Elle passera non seulement du
Centre, à l'Est ou au Midi, mais
d'une industrie à l'autre.
Les statistiques officieuses ^dres
sées chaque mois constatent qu'il
n'y a pour ainsi dire, pendant une
année, plus un seul jour sans grève.
En réalité, elle est permanente.
Elle a sa méthode, son organisa
tion,son état-mâjor,ses spécialistes.
Un groupe décide, un signal reten
tit et, sous un prétexte quelconque,
les ouvriers de tél ou tel endroit
cessent le travail, retrouvant, hors
de l'usine, des chefs, une .espèce de
règlement, un salaire. D'une région
et d'une profession à l'autre, des
subsides volontaires sont échangés.
Nombre d'individus, quelques-uns
d'origine et de nature bourgeoise,
apportent à la grève le concours de
leur expérience et de leur ambition.
Ainsi en 89, des nobles entretenaient
l'agitation au profit du Tiers-Etat,
lui frayaient la route, le pous
saient.
Or, il n'y et pas cinquante ans que
le délit dit de « coalition » a été
rayé de nos lois. Le droit de s'as
socier, refusé aux ouvriers par la
bourgeoisie de 89, leur a été réndu
sous une forme violente, comme
un moyen de lutte, non seulement
pour la résistance mais pour la con
quête. ". .
La grève, c'est une sorte de pé
riode électorale permanente où les
agitateurs gagnent leur prestige et
posent leur candidature. Nous
avons un.bon nombre de députés
qui sont arrivés par la grève ; nous
en aurons plus encore.
Ils agissent ainsi sur les lois et
remuent le monde de l'industrie et
du commerce. Voyez combien de
mesures nouvelles ont atteint la
propriété, l'héritage, la terre!
Ainsi, tantôt rapide et brutale,
tantôt lente, s'accomplit une infil-
ÇSà et là
RUSKIN ET LA BIBLE
Depuis quelques années, l'Angleterre
religieuse attire l'attention des catholi
ques de France. '
Plusieurs livres, publiés chez nous,ont
grandement contribué à orienter les es
prits dans cette voie. Pour ne parler que
des plus récents, nous citerons les belles
études de M. Thureau-Dangin sur la
Renaissance catholique en A.ngleterre
au XIX e siècle (1) : dans ces pages re
marquables, réminent académicien ex
pose ce que l'on appelle le « mouvement
d'Oxford » et ce qui constitue, chez nos
voisins d'Outre-Manche, les origines de
la rénovation chrétiénne. Nous devons
mentionner aussi le volume, à la fois si
personnel e t si renseigné, de Mlle Lucie
Félijt-Faure sur Newman (2). Nous de
vrions indiquer également le Wiseman
de M. Wilfrid Ward (3).
Mais nous voulons aujourd'hui signa
ler avec quelques détails un ouvrage,
tout récent, qui nous fait connaître un
autre aspect de l'histoire religieuse de
l'Angleterre durant le siècle passé. C'est
le livre que M. et Mme J. Brunhes ont
consacré à Ruskin (4).
Les auteurs ne se sont pas proposé de
nous raconter, par le menu, la vie de
l'illustre écrivain anglais. Ils n'ont point
voulu non plus analyserses quatre-vingts
volumes. Mais, ayant une connaissance
précise «le son œuvre immense, ayant
consulté les très nombreux articles et les
études qui ont paru à son "sujet, ils ont
mis à profit leur vaste érudition pour ré
soudre un des problèmes les plus délicats
que rencontre tout biographe d'un pen
seur : ils se sont attachés à rechercher
et à retracer la genèse des idées de Rus
kin.
Or, de leur consciencieuse et péné
trante enquête, ils ont conclu qu'une
a influence primordiale et permanente»
se révélait à travers les livres de l'auteur
britannique : c'est l'influence de la Bible.
Leur ouvrage est la démonstration,
claire, forte, convaincante, de cette con
clusion.
A notre vif regret, nous ne pouvons ré
sumer cette démonstration, finement dé
duite et solidement établie ; mais nous
croyons devoir noter deux ou trois points
qui nous ont paru présenter un particu
lier intérêt.
Sa formation intellectuelle et morale,
essentiellement biblique, Ruskin la dut
à sa mère. Voici à ce propos une page
de Prœterita, dans laquelle l'auteur
raconte ses souvenirs d'enfance :
« Aussitôt qae je fus capable de
lire couramment, dit»il, ma mère entre
prit avec moi un cours de Bible, qui,
jusqu'à mon entrée à Oxford, ne fut ja
mais interrompu. Nous lisions les ver
sets tour à tour, elle surveillait d'abord
chacune des intonations de ma voix et
corrigeait celles qui étaient fausses, jus
qu'à ce qu'elle me fit comprendre avec
justesse et vigueur le verset que j'étais
capable de saisir... Ainsi, elle commença
au premier verset de la Genèse et alla
droit à travers la Bible jusqu'au dernier
verset de l'Apocalypse... Si le nom était
difficile, meilleur était l'exercice de pro
nonciation ; si le chapitre était.ènnuyeux,
meilleure était la leçon depatience; s'il
était rebutant, meilleure était la leçon de
..foi. » : . .""" ' :
Dès sa plus tendre enfance, Ruskin eut
donc l'âme et l'esprit comme imprégnés
des Livres Saints. il apprit à penser en
lisant l'Ecriture et l'on a pu dire que
pour « les connaissances successives qui
s'ajoutèrent à la connaissance de la
Bible », celle-ci « devait en être le trait
d'union, mieux encore, le centre » ; « les
choses les plus diverses devaient se trou
ver rapprochées de ce centre unique, et
(1) Pion, Nourrit et Cie, éditeurs.
, (2) Perrin, éditeur.
(3) Lecoffre, éditeur.
. (4) H. J. Brunhes, Ruskin et la Bible,
pour servir à l'histoire d'une pensée. Per
rin, éditeur, 1901. :
toute œuvre belle apparaître à Ruskin,
non comme un fait isolé et indépendant,
ragis comme ayant sa place ou du moins
un terme de comparaison- dans le monde
biblique et comme dépendant de la pa
role de Dieu ».
Cette première discipline devait lais
ser une empreinte définitive sur l'esprit
de Ruskin. On nous en donne des preu
ves multipïea et décisives. En des pa
ges fort curieuses, on nous montre cem-
ment l'autenr de ' Modem' Painters
« voyait la nature à travers la Bible »'
et comment aussi « il voyait la Bible
«.travers la nature ». Il y a làdes remar
ques d'un haut intérêt qui éclairent d'un
jour nouveau cette « religion de la
beauté »: dont Ruskin a été l'un des ini
tiateurs.
La Bible n'a pas seulement influé sur.
les conceptions esthétiques de Ruskia,;
elle a aussi'déterminé ses idées sociales.
Dans un chapitre, nourri de faits, où
abondent les citations choisies et mises
en valeur avec un art parfait, M. et Mme
J. Brunhes établissent que le grand
écrivain anglais est arrivé à des conclu
sions économiques très proches de celles
adoptées par les catholiques sociaux.
; Pour permettre d'avoir une idée de la
manière et des doctrines de l'auteur de
Fors Clavigera, nous ne croyons mieux
faire que de reproduire les quelques
lignes suivantes adressées par Ruskin
i a'une.dame de ses amies qui offrait
des dîners assez fréquemment ». La page
ne manque pas de piquant :
« Vous donnerez probablement un dî
ner aujourd'hui, écrit Ruskin. Faites, s'il
vous plaît, ce que je vous demande de
faire et remarquez q.ue je vous ie de
mande très sérieusement. Tous ceux
d'entre nous qui ont quelque foi dans le
christianisme souhaiteraient .que le
Christ fût actuellement ën vie. Supposez
qu'il vous a prévenue par un mot qu'il
viendra dîner avec vous aujourd'hui et
qu'il vous a priée de ne faire aucun
changement parmi vos hôies à cause de
Lui... Voici ce que je vous demande de
faire. Décidez d'abord ce que vous aurez
pour dîner^/Cela fait, réfléchissez à la
manière dont vous placerez vos convives :
qui devra s'asseoir à la droite du Christ,
à la gauche, en face de" Lui ? etc... ; enfin
considérez un peu de quoi vous parlerez;
supposez — ce qui est fort possible —
que le Christ vous dise de continuer a
parler comme s'il n'était pas là et de ne
pas vous occuper de Lui. Vous ne pouvez
faire pareille chose, me répondrez-vous ?
Alors ? chère madame, comment faites-
•■"cus d'habitude? Ne faites.vous pas.pro
fession de croire que le Christ est là tou
jours, que vou3 le voyiez ou non ?;Pour
quoi sa présence visible ferait-elle sem
blable différence ? »
Quand on a lu cette page, on peut diffi
cilement nier la séduisante originalité de
l'écrivain anglais. Et quand on a lu le
très beau livre de M. et de Mme J. Bru
nhes, il est à peu près impossible de
contester que la Bible n'ait été Tune des
sources les plus fécondes de sa pensée
puissamment originale. ■
Max T urmann.
— : i « ——^ :
L'AFFAIRE DE LAVAL
On nous écrit de Laval que notre
première note-sur. la levée de l'in
terdit du R. P. Ilamelin,. où nous
disions que ce religieux • ne devait
pas rentrer dans le diocèse, était
exacte. L'information nous venant
d'une source sérieuse, nous croyons
bien faire en la mentionnant. Du
reste, au cas où elle serait erronée,
on ne tarderait point à sortir d'in
certitude. Si le R. P. Hamelih est
libre de rentrer à Laval, il y- ren-;
trera évidemment sous peu, eb l'on
sera fixé. , ♦
LE PORT DE LA SOUTANE
Acquittement de M. l'al>bé Aigouy
Hier, M. Millet, juge de paix de Ville-
juif, agissant comme président du tribu
nal de simple police de cette commune,
a rendu son jugement dans l'affaire de
M. l'abbé Aigouy, vicaire de Gentilly,
qui s'était montré en soutane sur le ter
ritoire de Kremlin-Bicêtre, malgré l'ar
rêté d'interdiction du costume ecclésias
tique pris par M. Thomas, maire de^cette
commune.
La salle d'audience était comble. Le
public, visiblement sympathique à l'abbé
Aigouy, attendait, avec impatience le
prononcé du jugement.
Ce j ugement acquitte l'abbé Aigouy et,
par conséquent, condamne le maire de
défense républicaine Çui administre avec
tant de bizarrerie la commune de Krem
lin-Bicêtre. Voici les considérants de ce
jugement :
. Attendu que l'abbé Aigouy est cité à
comparaître devapt le tribunal de simple
police à,la suite de deux procès-verbaux
dressés, le premier le 22 décembre 1900, par
l'agent-voyer communal de Kremtin-Bicê-
tre, le deuxième le 14 janvier • 1901 par l'ap
pariteur de la même commune, pourinfrac-
tion à. l'arrêté municipal du 10 novembre
1900 interdisant le port du costume ecclé
siastique sur le territoire de la commune
de Kremlin-Bicêtre;
Attendu qu'un troisième procès-verbal a
été dressé le 22 janvier 1901, par l'appari
teur du Kremlin-Bicêtre ; quli n'y a pas
lieu de statuer à l'audience pour faits visés
dans ces procès-verbaux ; mais que le mi
nistère public a demandé qu'il -fût . aussi
statué sur cette denriiôre infraction, *çt que
M. l'abbé Aigouy a oonsenti à ce qu'il, fût
ainsi procédé ;
Ouï le ministère public et M 8 Jean Le-
rolle, avocat de M. l'abbé Aigouy, présent à
1 audience;
Attendu que M. l'abbé Aigouy invoque
pour sa défense que l'arrêté pris par le
maire du Kremlin-Bicêtre est illégal ;
Que ni l'article 43 de la loi de germinal
an X, ni l'arrêté du 17 ventôse an XII n'oat
aucune sasetion pénale ; '
Qu'enfin, l'arrêté s'usvisé'ne lui serait pas
applicable comme exerçant un culte re
connu par l'Etat sur l'étendue de la com
mune du Kremlin-Bicêtre ;
Attendu que les tribunaux de police aux
quels sont déférées les infractions à lin
arrêté municioal doivent vérifier si cet
arrêté est légal;. : :
, Attendu qu'il- résulte des tçrmes de l'ar
ticle 97 de la loi du 5 avril 1884 J que l'auto
rité municipale. ne; ^»eut réglementer : par.
arrêté que ce qui intéresse le bon ordre, la
sûreté et la sécurité .publique.;
Que le fait reproché à l'abbé Aigouy ne
rentre dans aucune de ces matières et ne'
porte atteinte ni'au bon ordre, ni à la sû
reté, ni à la sécurité publique ; qu'au swr-
plus l'arrété ne visé aucun des articles de'
1a loi du 5 avril 1884 et n'est pas motivé par
des considérations d'ordre public; que cet
arrêté excède donc les pouvoirs de l'auto
rité municipale en ce qui touche l'absence
de sanction; . ; .
Attendu que ni l'article 48 de la loi de :
germinal an X, ni l'arrêté du 17 ventôse an
XII n'édictant de sanction pénale à leur
disposition, il ne peut appartenir à un maire
d'y. ajouter par un simple arrêté;
Attendu que la règle -Nulla pain a. sinelege
est une règle absolue, que dans ces condi
tions l'article 471, paragraphe 15, ne peut
trouver son application ; et sans qu'il soit
besoin de statuer sur lés autres moyens
invoqués par les inculpés,
Par ces motifs: * • :
Déclare l'arrêté pris par le maire du Krem
lin-Bicêtre.illégal et renvoie l'abbé Aigouy
des fins de la plainte sans dépens.
Ce jugement a été accueilli par des ap
plaudissements chaleureux. A la sortie
de l'audience. M. l'abbé Aigouy a été sa
lué par une foule d'amis connus et incon
nus qui ont tenu à protester contre l'ar
bitraire du maire Thomas.
Quatre autres prévenus, MM. Ruault
étKumpf, élèves aux Missions étrangè
res, et MM. Deis et 'Petit, étudiants en
Sorbonne, ont été déférés au même tri
bunal dont le jugement, après celui rendu;
hier, n'est pas douteux.
CORSBtGilISUS DECOSÊS
Le Journal officiel vient de publier l^i
liste des décorations académiques accor
dées à l'occasion de l'Exposition.
Nous y relevons les noms suivants :
Officiers d'académie. Mlle Caroline
Bara (en religion sœur Alvérie), professeur
à l'institut des jeunes aveugles de Lille.
M. Chauvreau (en religion frère Narcis
se), directeur de l'institut de Roachin-
Lille.
La sœur Alvérie appartient à cette ad
mirable congrégation des Filles de la
Sagesse qu'on trouve partoutoù il y a du
dévouement à dépenser : hôpitaux mili
taires, maisons de folles, colonies;etc.,—
et qui dirige à Lille, 131, rue Royale,
une maison d'aveugles et" de sourdes-
muettes.
Née àDinard, descendant par sa mère
d'une illustre famille irlandaise, les Dil-
lon-Kavanagh, Mlle Caroline Bara, en
religion sceiir Alvérie, est âgée de 79 ans
— et voici 57 ans qu'elle s'est vouée à
l'enseigneme'nt des filles aveugles. ;
M. Oh^uvreaii, en religion frère Nar
cisse, né en 18-18, en Vendée, d'un père
instituteur, s'est, depuis plus de trente
ans, consacré à l'enseignement des jeu
nes aveugles. Voici sept années qu'il di
rige avec beaucoup de zèle, de tact et
d'intelligence, l'œuvre de Ronchin, si
généralement sympathique à Lille et
dans toute la région.
GRAVE CONCESSION
M. Léon Bigot, dans le Voltaire, dé
clare que les congrégations sont deve
nues dangereuses à partir du moment où
l'abbé de Rancé prit la terrible résolu
tion de se faire trappiste.
Ce fut alors la mode delà Trappe, des
Trappes, devrions-nous dire, et véritable
ment le péril des congrégations com
mença !
« Commença! » Est-il possible? Et les
« ténèbres du moyen âge » ? Et les « hor-:
retfrs de l'Inquisition »? M. Léon Bigot ;
ose donc absoudre d'un trait de plume
des siècles entiers de ferveur et d'acti-l
vité monastique! Mais il va se faire cons-;
puer par tous ses amie !
En tout cas, l'idée est originale. Faire
de l'abbé de Rancé l'inaugurateurdu pé
ril congréganiste, plutôt que de s'èn
prendre à saint Bernard ou à saint Be
noît, c'est montrer qu'on, est capable de
conceptions personnelles, et tous les anti
cléricaux ne sauraient se vanter d'une,
pareille indépendance d'esprit.
A LA CHAMBRE
A propos du budget.
La séance d'hier a été longue,
tumultueuse et confuse ; elle s'est
prolongée jusqu'à neuf heures ; on
a suspendu l'ordre du jour pour le
reprendre plus tard, sang nul souci
des traditions parlementaires ; on a
crié, voté des têxtes importants
après enavoir à peine entendu le li -r
bellé ; on a lassé, par un vrai-déver
gondage de successives fantaisies,
la sëreine patience du président, le
vénérable M. Aynard^
Tout cela était bien fait pour dé
soler quelques-uns des partisans,
avant tout, de la régularité dans les
discussions ; nous n'en devons re
tenir que la conclusion : un reten
tissant échec pour le ministère.
Il n'importe plus guère de res
pecter les formes de la procédure
parlementaire, alors qu'il s'agit
d'affaiblir un gouvernement de dé
composition nationale,-^— et si mo
dérés et libéraux répugnent à me
ner jusqu'au bout certains combats,
il en est qui considèrent comme un
devoir de s'associer à des manœu
vres d'opposition imaginées par
d'autres.
M. Anthime-Ménard reprenait
hier son amendement, déjà soumis
à la Chambre lors de la première
discussion du budget, et introdui
sant la progressivité dans les droits
d e mutation par . d écè s ou entre
vifs. Ce système arrivait, on ïe sait,
à doubler le montant de ces droits
pour une succession supérieure à
vin^t. millions. . .
.. al Kiotz et quelques-uns de ses
amis ont voulu surenchérir, et éten
dre l'échelle de . la prqgression de
manière à porter le droit à 64 pour
cent sur un héritage de cent mil
lions ; ils réclamaient pour consa
crer. ce principe nouveau, le vote
d'une proposition distincte de la loi"
sur leg successions.
. :■ Le gouvernement et la commis
sion du budget proposaient la dis
jonction de l'amendement Anthime-
Ménard, n'ayant garde d'ailleurs
d'émettre un avis sur le fond : ia
disjonction a été adoptée par 3,30
voix contre 190.
Restait la motion Klotz à laquelle
M. Anthimè-Ménard se ralliait,
en retirant son propre amende
ment.-
. « On ne peut interrompre l'exa
men du budget! » proclamait le mi
nistre des finances, >— et, de son
côté, le président déclarait ne pou
voir mettre aux vois que le jnain-
tien ou l'interruption de l'ordre du
jour.
Suspendre une discussion pour
en entamer une autre, au pied levé î
Qu'allait-il advenir, grand dieux?
Et les vieux parlementaires s'affo
laient, et M. Rouvier levait les bras
au. ciel, protestant n'avoir même
pas entendu le texte de la motion, si
grosse de conséquences ; — la com
mission du budget, parla voix de
M. Coonery, de M. Guillain, de M.
Boudenoot, adjurait la Chambre
d'achever du moins l'examen de la
loi de finances.
De leur-côté, M. Klotz, M. Sern-
bat, et aussi M. Ménard insistaient
pour la discussion immédiate. Tout
cela au milieu des hurlements, du
bruit des pupitres, des interpella
tions se croisant tandis.que- l'infor
tuné ministre des finances, seul
pour faire tête à l'orage, demeurait
affalé sur son banc.
La suspension de l'ordre du jour
a été votée par 318 voix contre 211
— l'urgence par 351 voix contre 93
t —— et le passage à la discussion des
articles par 396 voix contre 61.
On s'est assez longuement battu
sur- le fond,, et nous avons pu savoir
de M. Caillaux que le gouvernement
qui veut bien de la progression un
peu, et aussi de la proportionnalité,
s'effraie, en fin de compte,du prin
cipe posé par M. Ménard d'abord,
puis par M. Klotz.
Le ministre a d'ailleurs tenté de
détourner le coup,: n'oubliant même
point l'habituel couplet sur le cabi
net de « défense républicaine »,sans
rien trouver à répondre aux Justes
observations de M. Denys Ûochin
qui avait montré combien peu sont
qualifiés pour parler de confisca
tion ceux qui s'associèrent le collec
tiviste Millerand, et qui s'apprêtent
à spolier toute une classe de ci
toyens. .
On a voté, par 375 voix contre 101,
la proposition Klotz.
Une autre amertume était réser
vée à M. Caillaux... Un projet de
résolution de M. Gauthier (de Cla-
gny) a surgi; il était ainsi conçu :
« La Chambre, comptant sur le
gouvernement pour défendre devant
le Sénat la proposition de loi qu'elle
vient de voter, passe à l'ordre du
jour. »
— Et le budget ? disait M. Cail
laux.-On a consenti à achever le
budget.
— A lundi! ont crié quelques
terre-neuve, et le renvoi à lundi
était voté par 329 voix contre 146.
Mais voici que le convalescent do
\ la place Beauvau fait savoir qu'il
Siendra à la séance de lundi; on
veut revenir ce jour-là au droit
d'association.
—Qu'adviendra-t-il de ma motion?
demande M. Gauthier.
— Je demande la logique ! clame M.
Cadenat-— et le président de-lui ré
pondre : « Ne venez point la cher
cher ici! »
Il est plus de huit heures ; on. s'é
chauffe; les cris redoublent; c'est
M. Zévaès qui résout le problème en
imaginant de tenir une autre séance
dans cinq minutes.
Par 284 voix contre 215, il en est
ainsi décidé, et sur le coup de neuf
heures on votait, par 360 voix-con-
tre43, la proposition Gauthier. v .
Voici le ministre des finances
sommé d'appuyer, au Luxembourg,
un régime fiscal des successions
qu'il combattait désespérément au
Palais-Bourbon ! Beaucoup de ceux
qui le votèrent, d'aille ; urs, ont voulu
bien plutôt faire échec au gouver
nement que consacrer une échelle
de progression, périlleuse pour le
droit de propriété lui-même.
Il s'est rencontré des ministères
qui s'en allaient pour une moindre
avanie. \
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