Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-02-19
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 février 1901 19 février 1901
Description : 1901/02/19 (Numéro 12053). 1901/02/19 (Numéro 12053).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 19 Février 1901
Édition quotidienne, — 13,053
Mardi 19 Février 1901
SDmONQUOTmiSNNE
PARIS ÉTRANGER
ES DÉPARTEMENTS (UNION POSTAI®}
On an 40 » 51 »
-Six mois 21 » 26 50
Trois mois..... 11 » 14 »
|«es abonnements partent des 1 er et 18 de chaque mois
UN NUMÉRO I ^® ris V 10 cent.
( Départements..... 15 —
BUREAUX : Paris, rue Cassetto, 17
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
33 T
LE MONDE
tDSTSOU BEm-QUOTWmNSi^
■ PARIS ÉTRANGER
ET DÉPAHTKMENX3 (UNIO* POSTALE)
Un an......... 20 s 26 »
Six mois...... 10 » 13 »
Trois mois,..,,' 5 » 6 SO
Les abonnements partent des 1" et 18 'de chaque moi.»
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits gui M sont idmsês
ANNONCES
l. LAGRANGE, GERP et C", 6, place de la Bourse
PARIS, 18 FÉVRIER 1901
ëOMMAIHB
Le « bloc » — E ugène T avernibr.
Leçons à divers E ogene V euillot.
Nouvelles agricoles -A., de V illiers de
VI sle -A dau.
Causerie littéraire :
,,, Niçolas Morèau;... E dmond B iré.
ftuiletfr. —- Nouvelles dp Rome. — L'em
ploi du milliard. — Les sectaires. — Le
port de la soutane. — Lettré de S. Em.
le cardinal Lecot. — Lettre de S. Em. le
cardinal jCoullié.—Le fisc et les con
grégations. — Information» politiques et
parlementaires.—■ En Espagne. — La
guerré du Transvaai — En Chine. —•
Dépèehfls de. l'étranger. :— Chronique. —
Lettres, sciences et arts. — Institut ca
tholique de Paris.-n Fêtes et réunions
d'hier. —• Schns de partout. — Les grè-
: ves. — La grotte de Lourdes au Vatio n.
— Chronique religieuse. — Mgr Aida y
' Bancho. — Guerre et marine. — Trlbu-
naux. — Nouvelle» diverses. — o&Un-
firier. — Bourse et bulletin financier.
— Dernière heure.
LE BLOC
Cinquante centimes pour une
très mince brochure, ce n'est pas
tin prix démocratique, surtout main
tenant que la foule a pris l'habitude
de payer un sou certains journaux
politiques, lesquels parfois contien
nent six pages.
- L'aspect de la nouvelle publica
tion entreprise par M. Clémenceau
n'a rien d'attrayant non plus: sur la
couverture rouge, une sorte d'éti
quette blanche "allongée exhibe le
titre,"le sous-titre, le nom du rédac
teur, l'adresse du bureau, tout cela
en caractères noirs qui semblent
avoir été tracés à la main. C'est un
raffinement d'art. Les quatre lettres
du mot Bloc sont collees et même
enchevêtrées : c'est sans doute un
symbole destiné à manifester l'é
troite cohésion des idées enfermées
dans ce moule. En effet, un bloc in
tellectuel doit être compact comme
un autre.
L'ancien député, devenu simple
journaliste, a choisi cette appella
tion en souvenir d'un mot prononcé
par lui à la tribune, lorsqu'on dis
cutait, je crois, sur les incidents
bruyants qu'avait provoqués une
pièce de théâtre, Thermidor , Il la
qualifiait de « mauvais drame » et
niait la possibilité de flétrir Roboo^
pierre sans offenser toute la Révo
lution. Celle-ci, disait-il, est un bloc
dont on ne. peut rien distraire.
Le fait est que la période révolu
tionnaire est un prodigieux pêle-
mêle; mais, entre les problèmes dif
ficiles qu'elle a engendrés, il y a
celui de savoir où elle commence
et où elle finit.
D'après la plupart des historiens,
le duc dft Larochefoucauld-Lian-
court ayant réveillé Louis XVI pour
lui annoncer la prisé de la Bastille,
le roi s'écria : « C'est donc une ré
volte ! » Le duc répondit : — « Non,
sire, c'est une révolution. »
On a le droit aussi de la. faire re
monter au serment du Jeu de Pau
me, lorsque les représentants des
Etats, malgré l'injonction du souve
rain, décidèrent de délibérer en un
seul corps, brisant ainsi une règle
séculaire. Et puis, s'il s'agissait de
remonter aux causes directes, on en
trouverait d'assez anciennes.
Et Napoléon, qui disait* non sans
quelque bon motif : « Je suis , la Ré
volution à cheval, » il procède bien
des événements multipliés depuis
1789. Ce n'est pas un ricochet de
hasard. M. Clémenceau accepterait
donc le grand capitaine, auteur du
Concordat? Quel énorme sacrifice
sur l'autel de la logiquel. Admet-il
que l'on distraie du,.bloc l'empire
amené par la Révolution ou que l'on
distingue entre Napoléon et le gé
néral Bonaparte ? Quelle inconsé
quence!
M. Clémenceau n'en éprouve pas
beaucoup de gêne parce qu'il s'est
accoutumé à voir les inconsé
quences sortir naturellement de sa
logique.
Ne serait-il donc pas logicien, lui
qui. veut surtout êtr® cela? Mon
Dieu, il possède une logique, rude
et prompte, quelquefois ingénieuse ;
mais elle s'est toujours trouvée gou
vernée par une humeur qui se com.-
pose d'un singulier mélange d'em
portement et d'opiniâtreté. Il veut
d'une volonté intense, grisée de sa
force et de son audace et qui fait
penser, avec un fort grossissement.,
aux aveugles exigences d'un enfant
en colère.
Assurément cette énorme volonté
sait utiliser l'observation et le cal
cul. Par exemple, elle entend que
ces ressources lui servent unique
ment à se satisfaire et non pas à
s'éclairer.
Ainsi, livré à son tempérament
entier et combatif, jl a été, lui, ré
publicain, plus nuisible que n'im- :
porte quel adversaire pour le parti
républicain. Combien de crises mi
nistérielles a-t-il fait surgir, provo
quant les complications, épuisant
les hommes ? M. Clémenceau n'en
sait-plus le nombre.
Libre-penseur, antichrétien (on dit
qu'il ne tut point baptisé), il a traité
la religion suivant la méthode rudi-
mentaire, puérile bien qu'odieuse,
qui s'appelle simplement et exacte
ment la haine. Ce n'est point parce
que les doctrines et les croyances
lui paraissent fausses qu'il les dé^
teste :-c'est parce qu'il les déteste,
qu'il les tient pour- tausses.
Les arguments qu'il emploie con
tre elles lui sont d'ordinaire sug
gérés par une aversion foncière,
souvent frémissante, impétueuse,
acharnée. Son raisonnement frappe,
mord, déchire, maudit, aussi bien
de propos délibéré et sur un ton
bref et méprisant que dans la cha
leur de la fièvre.
Phénomène plus curiéux : proba
blement, en fin de compte, M Clé
menceau n'est pas athée. Ayant
gardé un certain sens positif, il
soupçonne dans l'existence et dans
la marche des choses et des êtres
une force d 'une autre nature, qui les
dirige et qui leur commanda. Il no
veut pas plier devant cette force ; Il
la brave," il la défie, avec ténacité,
avec entrain, avec ivrooeo. Ce n est
pas une pose : c'est une passion qui
se nourrit de son ardeur.
Si ce républicain fut, pour le
vieux parti républicain, un fléau, il
s'est également porté à lui-même le
plus grave préjudice. Campé sur le
terrain politique comme pour un
duel de chaque jour, il a dépensé
son activité à se faire des ennemis;
et les rares amis recueillis à tra
vers les circonstances et à travers
les combinaisons lui furent plus
dangereux encore. Effondré avec
Cornélius, il ai retrouvé un emploi
de chef d'attaque dans la troupe
dreyfusienne*.
L'abominable charivari ayant pris
fin au bout de trois ans,puisque ici:
bas tout doit finir, le lutteur a re
commencé la lutte qui est sa loi. Un
journal hebdomadaire, bizarrement
dénommé en sous-titre gazette heb'
dom.ada.ire (c'est bien ancien ré»
gime) et qu'il rédige tout seul, lui
sert à dire ce qu'il veut.
Dans quelques rédactions de jour
naux on regarde le D loc, par curio
sité, nullement par intérêt, car il
est vide. M. Clémenceau continue
de combattre le ministère et la re
ligion. Il condamne M. Waldeck-
Itousseau pour avoir fait l'amnis
tie et ainsi abandonne l'affaire Drey
fus. Il demande l'abolition du Con
cordat et de la vie côngréganiste,en
réclamant la liberté totale !
A M. Jaurès, qui le lit et Ië- con
tredit, M. Clémenceau reproche de
ne pas le lire avec un soin suffisant.
Le, tribun n'admet pas que les con
grégations puissent même s'occu
per de charité. Le rédacteur du
Bloc, qui, cela va sans dire, entend
supprimer les congrégations et la
mainmorte, propose de laisser aux
« sociétés civiles » pleine liberté
« d'adorer, de prier, d'enseigner,
« de secourir ».
Car il ne lâche pas la liberté,
comme un vulgaire jacobin. Non
pas qu'il y croie beaucoup, mais il
veut y croire. De tant de théories
qu'il a rencontrées toutes faites, ou
qu'il aimprovisées suivant les con
jonctures, ce vouloir obstine lui de
meure comme seule ressource. Il y
a du Schopenhauer làrdedans ; et
justement* M. Fournière déclare
que M. Clémenceau reste paralysé
par une espèce de métaphysique
très inférieure.
Ainsi, on ne le r comprend plus,
lui qui passait pour avoir l'esprit
clair. C'est qu'il prétend à tout prix
que la libre-pensée fournisse des
doctrines. Or elleest creuse, absolu
ment; et M. Clémenceau,qui eut de
la précision et de la verve, s'épui>#*
à tisser des théories avec des con
tradictions, dans un journal dont il
a voulu,, pour s'y remuer plus à
l'aise, êtreile seul rédacteur et dont
il sera bientôt le lecteur unique.
Peut être même finira t-il par trou
ver ennuyeuse cette double beso
gne, vraiment peu un rapport avec
la. destinée d'un être intelligent.
Eugène T â.vernier.
:——_—« — ^—
^BULLETll7S£
Hier, dans le XI' arrondissement,a eu
lieu le second tour de scrutin pour l'é
lection d'un député en remplacement de
M. Baudin : M. Allemane. socialiste
révolutionnaire, a été élu contre M. Max
Régis, nationaliste antisémite..
A Cfialon et à Montceau-les-Mines,
la journée d'hier a été plus calme qu'on
n'osait l'espérer. 'Il s est 'cependant pro
duit des manifestations dont on trouve
ra plus loin le détail.
La situation en Espagne continué à
paraître grave. La censure militaire ne
laisse publier aucune nouvelle relative
aux troubles . ara is aes leares parucu?
Hères signalent une violenta agitation,
-surtout a Viilence, Grenade et Séville.
La crise ministérielle est ajournée
jusqu'au conseil d'après demain. Mais
il semble probable que le général.Azcar-
raga et ses collègues donneront leur
démission ; on parle toujours de la
constitution d'un cabinet Silvela.
Les ministres étrangers à. Pékin vien
nent de recevoir une réponse de la cour
chinoise. Il est probable que cette ré
ponse, reproduisant les offrep déjà for
mulées par l'empereur de Chine, ne sera
pas jugée suffisante par les puissances.
; * :
NOUVELLES DE ROME
Au Vatican.
Aujourd'hui samedi 16 février, S. S.
Léon XIII a reçu:en audience particu
lière S. G. Mgr Ângelo Maria Doici,
évêque de Gubbio.
La presse et le nouveau ministère.
La Stampa de Turin à propos du nou
veau ministère, fait ces réflexions :
« M. Giolitti dans "son discours a dit
très clairement qu'en Italie les partis
étaient au nombre de trois : le clérical, le
constitutionnel et le socialiste.
« Pourquoi en faire un quatrième qui
embrasse à la fois les constitutionnels et
les anticonstitutionnels ? Un ministère
semblable n'aura pas la force de donner
au pays un gouvernement sûr et sta
ble ! »
Le Messaggero de Rome dit :
«Le ministère Zanardelli aura quel
ques semaines de vie tranquille, puis la
situation s'embrouillera de nouveau. »
- -Le Corriere délia Sera de Milan :
« Après le refus de Luzzatti d'occuper
le ministère du trésor, on s'est adressé à
Finali, à Wollenburg, à Guicciardini,
sans aucun résultat. On ne pouvait pas
se passer cependant du ministre du tré
sor dans un ministère qui devait se pro
poser pour b.ut ; principal de réformer les
finances du pays.
« Eh ! bien ! Au dernier instant on a
trouvé Di Broglio qui n'aurait jamais
songé à se voir un jour ministre du tré
sor avec Zanardelli et Giolitti ; lui qui
selon le Popolo Romano est un conser-
vatore di carattere ! t>
La Tribuna de Rome adresse à Pri-
netti (nouveau ministre des affaires
étrangères) ces mots très significatifs :
« Deux ans ne sont pas écoulés, du jour
où le député de Brivio (Prinetti) décla
rait à la Ghambre qu'il votait les lois
réactionnaires de Pelloux avec enthou
siasme, et qu'il adhérait au magnifique
discours de l'honorable Sonnino.
« Maintenant il devra changer de lan-
Au total* cette élection, qui n'est
pas un. succès pour le ministère, car
son premier candidat, le radical, a
dû se retirèr devant le communard,»
donne aux oppositions un avis qui
réparera la défaite si Pon sait en
profiter. Elle montre à la « Patrie;
française » les inconvénients, les
dangers de l'hésitation et.prouve à
ses alliés des groupes extrêmes
que pour battre les bandes minis
térielles, ils doivent compter avec
les modérés.
Eugène V buillox.
L'EMPLOI DU MILLIARD
WAvanti, journal socialiste, reproche
aux « légalitaires » de n'avoir pas voulu .
renoncer aux dépenses militaires ( et afr-
firme :
« C'est une cho-»e très imprudente, que
îd&" prouver aussi clairement que la
dynastie et lies institutions sontinsépara-
blesdesdépensesquiruineht notre pays !»
Sans nous attarder, au ton commina
toire de YAvanti, remarquons l'attitude
peu bienveillante de la Stampa et de la
Tribùna. Si ces deux journaux, qui ap
partiennent à 1 honorable Roux, hier en
core l'allié de Giolitti, tiennent un pareir
langage, quelle sera la solidité du minis
tère ? .. . ,..
LEÇONS A DIVERS
Le ministère compte une vic
toire électorale: à Paris. Son candi
dat de seconde main, le socialiste^
communard, M. Allemane,l'a empor
té de 900 voix sur le candidat natio
naliste, et, surtout, antisémite* M.
Max Régis.
Ce résultat, que le parti de l'or
dre prévoyait, nedonne pas un vrai
succès au ministère. Ce. n'est en
effet ni à lui, ni aux mérites du can
didat Allemane qu'il faut l'attri
buer ; c'est au défaut d'organisation
et de politique des oppositions. Elles
ont manqué de coup d'œil, de déci
sion et n'ont pas su combattre. La
faute en est particulièrement au co
mité directeur de la « Patrie fran
çaise ».
C'est à ce comité, fort des très
nombreuses adhésions qu'il a re
çues et de sa belle victoire lors des
dernières - élections municipales,
qu'il appartenait de présenter un
candidat et de diriger la lutte. Au
contraire, il s'est effacé; En pareille
matière, qui s'efface s'affaiblit, et
c'est par là que la défaite d'hier est
grave. Il y a eu défaillance des chefs
qui avaient demandé le commande
ment, auxquels on l'avait donné et
qui avaient vaincu.
Evidemment le comité de la « Pa
trie française;» a compris tout de
suite que la candidaturede M. Max
Régis ne répondait pas aux aspira
tions de la majorité dés électeurs.
Il l'a dit par son silence ; il fallait
oser le dire, en parlant, en agissant*
en faisant un autre choix.
Sans doute, il y aurait alors eu
conflit entre le comité et les deux
journaux qui s'étaient hâtés de pré
senter M. Max Régis, avec.la réso»
lution de l'imposer. Mieux valait
risquer ce conflit avant la bataille
que de livrer celle-ci à contre-cœur
avec la certitude d'être battu. Toute
direction entraîne des devoirs et des
ennuis : en cette occurrence il fallait
accepter fermement ceux-ci pour
bien remplir ceux-là.
Un exemple.
- Pour commenter l'éloquente et
ferme protestation que S. G. Mgr
Deramecourt, évêque de Soissons,
vient d'adresser aux sénateurs et
députés de l'Aisne, voici le tableau
des biens possédés pu occupés par
les congrégations dans soii cuo-
cèse:
ImBieûhl<>s possédés ou oc- ' •
cupés par les cong?éga-
tions, au 1 er janvier 1900- •"
* (valeur vénale) : 4.927.280 fr.
(Tableau officiel, Tome. I, Page. 1031.)
Ces immeubles se composent
de :
Orpelinats..
Salles d'asiles.
Ouvroirs
Hôpitaux:...i..;
Hospices............ s
Maisons de retraite,......
Asile d'aliénés.,... .........
Ecole des sourdes-muettes.
Ecole de jeunes aveugles...
Ecoles primaires............
'Dispensaires.
Asiles de vieillards....... .
12
37
14
2
22
■ 4
1
i
1
122
15
5
Total : 236 maisons hospitalières
consacrées au service des pauvres
et des infirmes. 1
LES SECTAIRES
Les anticléricaux de Montbnson ne
montrent pas une vigilance inférieure à
leur amour de la liberté. ;
Tout récemment, dit le Mémorial de la
Loire , ils ont dénoncé un instituteur qui
a ne craindrait pas de se montrer chaque
dimanche à l'église »!
C'est absurde et odieux. Mai«, au fond,
cette manifestation d'intolérance ne sort
pas du commun des procédés, sectaires.
• Le maire de Neufchàtelatrpuvé mieux.
Il ne se borne à l'injustice et à l'arbi
traire. Il fait de l'esprit.
A une malheureuse, malade, qui de
mandait un secours, 11 s'est permis de
répondre :
Madame,
Si vous avez besoin de médicaments,
vous, pouvez vous adresser à la commu
nauté au couvent, qui sera très heureux de
vous les-procurer en guise de remerci-
ments de leur avoir, donné votre fille comme
élève;.
Votre bien dévoué,
- ' . F resnaye , fils.
L'individu, qui écrit cela, n'a qu'une
excuse : évidemment, il ne comprend pas
ce qu'il fait ; c'est un inconscient.
LE PORT DE LA SOUTANE
Maintenant, nous allons avoir à citer
les maires anticléricaux qui ne veulent
point se couvrir de ridicule en interdi
sant le port de la soutane.
Après ceux de Toucy et de Saint-Fàr-
geau, voici M. Intins, maire de Gien,
qu'on avait rangé, parmi les proscrip-
teurs du costume ecclésiastique et qui
tient à déclarer que, non seulement il n'a
pas pris cette "mesure, mais qu'il n'a pas
l'intention de la prendre. ■
. .—r A Saint-Etienne, ou le maire avait
d'abord qualifié de grotesque la séance
du conseil municipal dans laquelle on
avait voté l'interdiction du.port de la
soutane, cette décision « grotesque » est
furieusement appliquée.
Le Mémorial de la Loire enregistre, en
effet, quatre procès-verbaux dressés con
tre les abbés Molin, curé de Chambœuf,
Suchet, de la maison de retraite de Ver-
naison, Mourier et Iiabey, professeurs
au collège Saint-Michel.
La ville de Saint^Etienne est bien sous
le régime des grotesques.
LETTRE M S.EI. LE CASMAIIEC0I
. Les coHgrégatioo» religieuses.
S. Em. le cardinal Lecot, arche
vêque de Bordeaux, consacré sa
lettre pastorale à l'occasion du Ca
rême, aux congrégations religieuses
et à la Démocratie chrétienne.
; Après avoir rappelé les mesures
qui menacent les congrégations re
ligieuses, Son Eminence ajoute :
Y a-t-il donc eu. quelque part des cul
pabilités qui justifient ou des méprises
qui expliquent ces châtiments ?
. Des culpabilités? Il ne nous appartient
pas de nous prononcer dans une cause où
nous serions à la fois juge et partie. Mais
ce que nous avons dit, ce que nous répé
terons jusqu'à la fin, avec le sentiment
de luyautc qui nuus anime à l'ogavd df>
tous, le voici : S il y a parmi nous des
coupables, qu'on it-B cite à la barre de
nos tribunaux et qu'on leB juge. Si, sur
tout, ces coupab es sont dans l'eriseigiie-
me»t, les enquêtes sont faciles : il t-era
toujours possible de saisir les traces d'un
enseignement politique en désaccord avec
nos institutions, d'une influence exercée,
dans l'éducation, au déiriment des grands
principes, conservateurs de l'esprit pa
triotique et de la paix sociale. Qu on soit
sans pitié à l'égard des personnes ou des
écoles qui se seraient mises en opposi
tion avec la loi. Mais, de grâce, qu'on res
pecte les innocents ; qu'on ne juge pas
tout un corps par la façon de faire d'un
dè ses membres, et qu'on ne fasse pas
tous lés instituts responsables de la faute
d'un seul.
Des méprises? Oh! c'est là, plutôt,
qu'il faut chercher la cause de nos in
quiétudes et l'explication des menaces
qui nous terrifient. .
Oui, vous vous méprenez sur la valeur
morale de nos congrégations enseignan
tes, vous qui formez vos jugements sur
d'odieuses calomnies, dont les journaux
irréligieux se sont faits les organes, et
dont nos jurys, sans peur et sans repro
che. ont fait si facilement justice.
Vous vous méprenez sur les aspira
tions de ces maitres chrétiens, qui ont
voué leur vie à renseignement, non pour
faire des générations de politiciens d'a
venture, mais pour donner à la patrie
des citoyens vertueux qui l'honorent et
des enfants qui se sacrifient à ses inté
rêts et à sa gloire.
Vous vous méprenez quand vous re
gardez nos maisons d'éducation comme
autant de foyers où se trament et s'orga
nisent des oppositions autres que l'oppo
sition au mal, et la lutte contre tout ce
qui peut compromettre l'honneur.
Développer l'intelligence en rendant le
travail plus facile et plus fructueux ; for
mer le cœur en épurant ses instincts, en
élevant ses sentiments, en lui inspirant
la vaillance dans les luîtes intimes de la
vertu contre la passion ; fonder ainsi des
caractères qui ne se démentiront jamais
au milieu des fluctuations d'un monde
sans principes et sans lois : tel est le but
unique et l'unique pensée de nos écoles
congréganistes ou séculières, et jamais,
nous l'affirmons, nous n'aurions permis
qu'H en fut autrement.
Or, • cette besogne que nous faisons,
d'autres que nous ne peuvent la faire en
d'aussi bonnes conditions. Vous aurez
ailleurs l'enseignement qui donne la
science, l'éducation qui essaie d'établir
les principes des mœurs et d'élever le
jeune homme à la pratique des vertus so
ciales. <
Nous vous accorderons davantage.
Certaines écoles, lycées ou collèges, au
ront un enseignement religieux, donné
par de zéks aumôniers, sous le regard
bienveillant d'un directeur catholique ;
cela peut être, et cela est. Mais toutes
les écoles sont-elles dans ces condi
tions?
Mais la gravité, l'autorité douce qui se
dégage d* la personne du prêtre, la con-
FEUILLETON DB L'UNIVERS
DU 1!) FÉVRIER 1901
CAUSERIE LITTÉRAIRE
. Nicolas Moreau (1).
I .
Jacob Nicôlas-Moreau, né én 1717,
mort en 1803, a été historiographe de
France ; il a composé cent deux ouvrages
(pas un de moins) *, il avait de l'esprit et
du talent, — et pourtant il est aussi in
connu, aussi oublié qu'il soit possible de
î'çtre. Heureusement pour lùi, il avait eu
l'idée, sur ses vieux jours, d'écrire ses
Souvenirs. Ils viennent d'être publiés par
(es soins de M, Camille Hevmelin, et ils
méritent d'être lus.
Les Souvenirs de Nicolas Moreau for
ment deux volumes. Le second vient seu
lement de paraître ; le premier est de
182?.
_ Jacob-Nicolas Moreau est né, le 20 dé
cembre 1717, à Saint-Florentin, petite
ville de Bourgogne, située au confluent
. (1) Mes Souvenirs, par Jacob-Nicolas Mo
reau, historiographe de France, collation-
n4s, annotés et publiés par Camille Hernie-
Jitji Deux volutaes jn-g,. Librairie pion,
fSSS-'i§ffi. '' "'V - :>
del'Armance et de l'Armançon. Son pèrè
était un avocat de province, peu fortuné,
mais qui n'avait que huit enfants (c'était,
enoe temps là, une petite famille). Dès
que Nicolas eut quinze ans, il fut envoyé
à Paris, au collège de Beauvais, placé
sous l'administration du Parlement et
l'un de ceux où la religion était le mieux
connue et les mœurs le plus surveillées.
« Mes succès, dit-il, me placèrent, dès
ma première composition, sur la chaire
de premier empereur en- rhétorique;..
Pendant deux ans que je restai sur les
bancs de rhétorique, j'eus tous les prix;
Je fis ensuite deux ans de philosophié
sous M. Poitevin, et m'étant lié d'amitié
avec un de mes condisciples, fils d'un
président à mortier de Toulouse, nom
mé Caulet de Grammont, nous dévorâ
mes avec ardeur les mathématiques*
Aussitôt après, js me mis à l'histoire,
pour laquelle j'ai toujours eu le plus
grand goût. Jé passai dans ce^ collège^
sous les Roi lin, les Mesenguy, les Coffin
et les Crevier, beaucoup plus de temps
qu'il n'en fallait pour acquérir les con
naissances qui me manquaient. »
Je respecte, comme il convient, l'Uni
versité actuelle; mais je ne vois pas trop
d'ici — même à Paris— le collège où
l'on pourrait aujourd'hui rencontrer des
professeurs comme Coffin, Mesenguy,
Crevier et Roi lin.
Au sortir du collège, le jeune Nicolas,
en même temps qu'il faisait son droit,
^tait admis dans l'intimité d'une famille,
qui n'était rien moins qfue celle dn chan
celier d'Aguesseau. Moreau était un tout
petit bourgeois, fils d'un obscur avocat
de province ; mais il avait de l'esprit, il
avait eu des succès dans l'Université, il
faisait agréablement les vers ; il n'en
fallait pas davantage pour qu'il fût reçu
dans l'une des plus grandes maisons du
royaume. « Ce temps, dit-il, a été le plus
agréable de ma vie, je n'avais aucune
célébrité, mais j'étais heureux. J'étais
jeune, j'avais une figure agréable, on me
comblait de bontés, et les parents eux-
mêmes m'avaient pris en amitié. » Un
peu plus loin, il dira eneore de ces an
nées de sa jeunesse,-que ce furent des
années «délicieuses ».
Reçu avocat en 1741,- Moreau com
mença à plaider en 1746. Il eut quelque
succès au barreau; et ces nouvelles an
nées ne furent pas moins 1 heureuses que
les précédentes, a Je conciliais, écrit-il,
avec un travail que j'aimaisle, plaisir des
belles-lettres, que je n'ai jamais négli
gées, et les charmes de la société, que
j'ai goôtés, d«.ns ma jeunesse, de la ma
nière la plus- vive. J'étais le matin au
Palais ; je travaillais l'après-midi chez
moi, et à huit heures du soir, j'oubliais
les affaires comme si elles n'eussent ja
mais existé. Je soupais dans les meilleu
res et les- plus agréables compagnies,'
sans astres vues, sans autre objet que de
m'y amuser de la meilleure foi du
monde. »
Quand venaient les vacances, il les
passait dans les plus belles terres et les
plus agyéables châteaux, tantôt chez Je
président Molé à Champlâtreux,' tantôt à
Coubert chez le petit-fils de Samuel Ber
nard, ou eHCore à Rosny chez les Sé-
nozan, à Bruyères chez le président
de Maupeou. « J'étais, dit-il encore, ré*
pandu dans tout ce que la cour et la ville
avaient de meilleure société ; j'y étais
avec d'autant plus d'agréments, que je
n'avais besoin de personne et que je ne
demandais rien. » Décidément, ce mal
heureux ancien régime, dont l'on a 7 dit
tant de mal, n'était pas si dur que cela
pour les bourgeois, même les plus mo
destes.
' Tout en plaidant, il continuait à culti
ver les lettres; Il publiait des brochures,
des écrits satiriques, dont plusieurs eu-
rent un grand succès, particulièrement
celui qu'il fit paraître én 1755, sous ce
titre î les Cacouacs. C'est à ce moment
qu'il imagina une correspondance hollan
daise,- sous le couvert de laquelle il lui
serait loisible de parlèr tout à son aise
des divers sujets à l'ordre du jour. Il in
titula son ouvrage : Y Observateur hollan
dais. Sa première lettre parut au mois de
septembre 1755. La quarante-sixième et
dernière est .du -12 février 1759. Ces let
tres, dont la réunion forme cinq volumes,
obtinrent une vogue prodigieuse. Elles
furent traduites dans toutes les langues,
vantées dans les diverses publications
périodiques dé l'Europe, contrefàites en
Hollande, en Italie, en Allemagne, pen
dant qu'en Angleterre il en paraissait
plusieurs réfutations.
: .Jîoï'esu, dans cet ouvrage, avait fait
preuve d'une rare connaissance des affai
res de l'Europe ; il avait montré qu'il
pouvait rendre de réels services. Ainsi en
jugèrent les ministres. Au lendemain de
la dernière lettre de l'Observateur , au
mois de mars 1759, M. de Silhouette, qui
venait d'être nommé contrôleur général,
lui offrit, au nom du roi, J..e s'installer à
Versailles, où il serait placé à la tète de
là bibliothèque attachée au contrôle gé
néral des finances, a*'ec le titre d'auoeat
des finances du roi. Il aurait pour mis
sion d'étudier leB lois et de répondre aux
consultations des ministres sur toutes les
parties de l'administration qui devaient
être réglées par des ordonnances. Un
traitement annuel de 15,000 livres lui se
rait attribué, sans préjudice d'un contrat
de rente viagère de 4,000 livres. Moreau
accepta, et, quittant son appartement de
la rue du-Petit Bourbon, à Paris, il vint
occuper, rue de l'Oraagerie, à Versailles,
le logement qui lui était affecté dans une
maison dépendant du contrôle général.
II
Nicolas. Moreau était un intrépide tra
vailleur. En même temps qu'il remplis
sait avec zèle toutes les obligations de sa
place, il trouvait le temps de composer,
de 1760 à 1767, quatorze ouvrages, dont
le plus important parut, en 1764, sous ce
titre : Leçons de morale; de politïqm et
de droit public, puisées dans l'histoire
dé nctre mvnarchië, ou KSuveau- plan
d'étude de l'histoire de France, rédîgé
par les ordres et d'après les vues de Mgr
le dauphin, pour l'instruction des prin
ces, ses enfants.
Le 27 septembre 1759, Moreau avait
épousé, en l'église Saint Sulpice, Mlle de
Coulange, sœur du baron de Coulange,
lieutenant-colonel du régiment de cava
lerie Colonel-général. L'année suivante,
sa femme lui avait été enlevée, après
deux jours d'une maladie de nerfs cruelle
et imprévue. H -se remaria, le 4 février
1767, avec une jeune Irlandaise sans for
tune, Marie-Louise O'Neill. $a situation
était du reste, à ce moment, des plus
brillantes. Outre les appointements de
15.000 livres qu'il touchait depuis 1759. il
recevait du roi une gratification annuelle
de 3;000 livres. A la fin de 1769, le dépôt
des Chartes, dont la garde lui était con
fiée, fut installé au coin de la place Ven
dôme, du côté des Capucines, et Moreau
y obtint un logement, ce qui lui épargna
la dépense du loyer de mille écus qu'il
avait, à cette date, dans la rue Basse-du-
Rempart. En 1770, lors du mariage du
Dauphin avec l'archiduchesse Marie-
Antoinette, il fut nommé bibliothécaire
de madame la dauphine. La même an
née, onï forma la maison du comte de
Provence; et Moreau y entra avec le titre
de premier conseiller ; cette charge le
mettait, dans le conseil du prince, immé
diatement après le chancelier et le surin
tendant.
0#s diverses fonctions ne. Temp4«
cbaient pas du r este cPs se livr'fV, aVec la
Édition quotidienne, — 13,053
Mardi 19 Février 1901
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PARIS ÉTRANGER
ES DÉPARTEMENTS (UNION POSTAI®}
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PARIS, 18 FÉVRIER 1901
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Le « bloc » — E ugène T avernibr.
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Nouvelles agricoles -A., de V illiers de
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Causerie littéraire :
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ftuiletfr. —- Nouvelles dp Rome. — L'em
ploi du milliard. — Les sectaires. — Le
port de la soutane. — Lettré de S. Em.
le cardinal Lecot. — Lettre de S. Em. le
cardinal jCoullié.—Le fisc et les con
grégations. — Information» politiques et
parlementaires.—■ En Espagne. — La
guerré du Transvaai — En Chine. —•
Dépèehfls de. l'étranger. :— Chronique. —
Lettres, sciences et arts. — Institut ca
tholique de Paris.-n Fêtes et réunions
d'hier. —• Schns de partout. — Les grè-
: ves. — La grotte de Lourdes au Vatio n.
— Chronique religieuse. — Mgr Aida y
' Bancho. — Guerre et marine. — Trlbu-
naux. — Nouvelle» diverses. — o&Un-
firier. — Bourse et bulletin financier.
— Dernière heure.
LE BLOC
Cinquante centimes pour une
très mince brochure, ce n'est pas
tin prix démocratique, surtout main
tenant que la foule a pris l'habitude
de payer un sou certains journaux
politiques, lesquels parfois contien
nent six pages.
- L'aspect de la nouvelle publica
tion entreprise par M. Clémenceau
n'a rien d'attrayant non plus: sur la
couverture rouge, une sorte d'éti
quette blanche "allongée exhibe le
titre,"le sous-titre, le nom du rédac
teur, l'adresse du bureau, tout cela
en caractères noirs qui semblent
avoir été tracés à la main. C'est un
raffinement d'art. Les quatre lettres
du mot Bloc sont collees et même
enchevêtrées : c'est sans doute un
symbole destiné à manifester l'é
troite cohésion des idées enfermées
dans ce moule. En effet, un bloc in
tellectuel doit être compact comme
un autre.
L'ancien député, devenu simple
journaliste, a choisi cette appella
tion en souvenir d'un mot prononcé
par lui à la tribune, lorsqu'on dis
cutait, je crois, sur les incidents
bruyants qu'avait provoqués une
pièce de théâtre, Thermidor , Il la
qualifiait de « mauvais drame » et
niait la possibilité de flétrir Roboo^
pierre sans offenser toute la Révo
lution. Celle-ci, disait-il, est un bloc
dont on ne. peut rien distraire.
Le fait est que la période révolu
tionnaire est un prodigieux pêle-
mêle; mais, entre les problèmes dif
ficiles qu'elle a engendrés, il y a
celui de savoir où elle commence
et où elle finit.
D'après la plupart des historiens,
le duc dft Larochefoucauld-Lian-
court ayant réveillé Louis XVI pour
lui annoncer la prisé de la Bastille,
le roi s'écria : « C'est donc une ré
volte ! » Le duc répondit : — « Non,
sire, c'est une révolution. »
On a le droit aussi de la. faire re
monter au serment du Jeu de Pau
me, lorsque les représentants des
Etats, malgré l'injonction du souve
rain, décidèrent de délibérer en un
seul corps, brisant ainsi une règle
séculaire. Et puis, s'il s'agissait de
remonter aux causes directes, on en
trouverait d'assez anciennes.
Et Napoléon, qui disait* non sans
quelque bon motif : « Je suis , la Ré
volution à cheval, » il procède bien
des événements multipliés depuis
1789. Ce n'est pas un ricochet de
hasard. M. Clémenceau accepterait
donc le grand capitaine, auteur du
Concordat? Quel énorme sacrifice
sur l'autel de la logiquel. Admet-il
que l'on distraie du,.bloc l'empire
amené par la Révolution ou que l'on
distingue entre Napoléon et le gé
néral Bonaparte ? Quelle inconsé
quence!
M. Clémenceau n'en éprouve pas
beaucoup de gêne parce qu'il s'est
accoutumé à voir les inconsé
quences sortir naturellement de sa
logique.
Ne serait-il donc pas logicien, lui
qui. veut surtout êtr® cela? Mon
Dieu, il possède une logique, rude
et prompte, quelquefois ingénieuse ;
mais elle s'est toujours trouvée gou
vernée par une humeur qui se com.-
pose d'un singulier mélange d'em
portement et d'opiniâtreté. Il veut
d'une volonté intense, grisée de sa
force et de son audace et qui fait
penser, avec un fort grossissement.,
aux aveugles exigences d'un enfant
en colère.
Assurément cette énorme volonté
sait utiliser l'observation et le cal
cul. Par exemple, elle entend que
ces ressources lui servent unique
ment à se satisfaire et non pas à
s'éclairer.
Ainsi, livré à son tempérament
entier et combatif, jl a été, lui, ré
publicain, plus nuisible que n'im- :
porte quel adversaire pour le parti
républicain. Combien de crises mi
nistérielles a-t-il fait surgir, provo
quant les complications, épuisant
les hommes ? M. Clémenceau n'en
sait-plus le nombre.
Libre-penseur, antichrétien (on dit
qu'il ne tut point baptisé), il a traité
la religion suivant la méthode rudi-
mentaire, puérile bien qu'odieuse,
qui s'appelle simplement et exacte
ment la haine. Ce n'est point parce
que les doctrines et les croyances
lui paraissent fausses qu'il les dé^
teste :-c'est parce qu'il les déteste,
qu'il les tient pour- tausses.
Les arguments qu'il emploie con
tre elles lui sont d'ordinaire sug
gérés par une aversion foncière,
souvent frémissante, impétueuse,
acharnée. Son raisonnement frappe,
mord, déchire, maudit, aussi bien
de propos délibéré et sur un ton
bref et méprisant que dans la cha
leur de la fièvre.
Phénomène plus curiéux : proba
blement, en fin de compte, M Clé
menceau n'est pas athée. Ayant
gardé un certain sens positif, il
soupçonne dans l'existence et dans
la marche des choses et des êtres
une force d 'une autre nature, qui les
dirige et qui leur commanda. Il no
veut pas plier devant cette force ; Il
la brave," il la défie, avec ténacité,
avec entrain, avec ivrooeo. Ce n est
pas une pose : c'est une passion qui
se nourrit de son ardeur.
Si ce républicain fut, pour le
vieux parti républicain, un fléau, il
s'est également porté à lui-même le
plus grave préjudice. Campé sur le
terrain politique comme pour un
duel de chaque jour, il a dépensé
son activité à se faire des ennemis;
et les rares amis recueillis à tra
vers les circonstances et à travers
les combinaisons lui furent plus
dangereux encore. Effondré avec
Cornélius, il ai retrouvé un emploi
de chef d'attaque dans la troupe
dreyfusienne*.
L'abominable charivari ayant pris
fin au bout de trois ans,puisque ici:
bas tout doit finir, le lutteur a re
commencé la lutte qui est sa loi. Un
journal hebdomadaire, bizarrement
dénommé en sous-titre gazette heb'
dom.ada.ire (c'est bien ancien ré»
gime) et qu'il rédige tout seul, lui
sert à dire ce qu'il veut.
Dans quelques rédactions de jour
naux on regarde le D loc, par curio
sité, nullement par intérêt, car il
est vide. M. Clémenceau continue
de combattre le ministère et la re
ligion. Il condamne M. Waldeck-
Itousseau pour avoir fait l'amnis
tie et ainsi abandonne l'affaire Drey
fus. Il demande l'abolition du Con
cordat et de la vie côngréganiste,en
réclamant la liberté totale !
A M. Jaurès, qui le lit et Ië- con
tredit, M. Clémenceau reproche de
ne pas le lire avec un soin suffisant.
Le, tribun n'admet pas que les con
grégations puissent même s'occu
per de charité. Le rédacteur du
Bloc, qui, cela va sans dire, entend
supprimer les congrégations et la
mainmorte, propose de laisser aux
« sociétés civiles » pleine liberté
« d'adorer, de prier, d'enseigner,
« de secourir ».
Car il ne lâche pas la liberté,
comme un vulgaire jacobin. Non
pas qu'il y croie beaucoup, mais il
veut y croire. De tant de théories
qu'il a rencontrées toutes faites, ou
qu'il aimprovisées suivant les con
jonctures, ce vouloir obstine lui de
meure comme seule ressource. Il y
a du Schopenhauer làrdedans ; et
justement* M. Fournière déclare
que M. Clémenceau reste paralysé
par une espèce de métaphysique
très inférieure.
Ainsi, on ne le r comprend plus,
lui qui passait pour avoir l'esprit
clair. C'est qu'il prétend à tout prix
que la libre-pensée fournisse des
doctrines. Or elleest creuse, absolu
ment; et M. Clémenceau,qui eut de
la précision et de la verve, s'épui>#*
à tisser des théories avec des con
tradictions, dans un journal dont il
a voulu,, pour s'y remuer plus à
l'aise, êtreile seul rédacteur et dont
il sera bientôt le lecteur unique.
Peut être même finira t-il par trou
ver ennuyeuse cette double beso
gne, vraiment peu un rapport avec
la. destinée d'un être intelligent.
Eugène T â.vernier.
:——_—« — ^—
^BULLETll7S£
Hier, dans le XI' arrondissement,a eu
lieu le second tour de scrutin pour l'é
lection d'un député en remplacement de
M. Baudin : M. Allemane. socialiste
révolutionnaire, a été élu contre M. Max
Régis, nationaliste antisémite..
A Cfialon et à Montceau-les-Mines,
la journée d'hier a été plus calme qu'on
n'osait l'espérer. 'Il s est 'cependant pro
duit des manifestations dont on trouve
ra plus loin le détail.
La situation en Espagne continué à
paraître grave. La censure militaire ne
laisse publier aucune nouvelle relative
aux troubles . ara is aes leares parucu?
Hères signalent une violenta agitation,
-surtout a Viilence, Grenade et Séville.
La crise ministérielle est ajournée
jusqu'au conseil d'après demain. Mais
il semble probable que le général.Azcar-
raga et ses collègues donneront leur
démission ; on parle toujours de la
constitution d'un cabinet Silvela.
Les ministres étrangers à. Pékin vien
nent de recevoir une réponse de la cour
chinoise. Il est probable que cette ré
ponse, reproduisant les offrep déjà for
mulées par l'empereur de Chine, ne sera
pas jugée suffisante par les puissances.
; * :
NOUVELLES DE ROME
Au Vatican.
Aujourd'hui samedi 16 février, S. S.
Léon XIII a reçu:en audience particu
lière S. G. Mgr Ângelo Maria Doici,
évêque de Gubbio.
La presse et le nouveau ministère.
La Stampa de Turin à propos du nou
veau ministère, fait ces réflexions :
« M. Giolitti dans "son discours a dit
très clairement qu'en Italie les partis
étaient au nombre de trois : le clérical, le
constitutionnel et le socialiste.
« Pourquoi en faire un quatrième qui
embrasse à la fois les constitutionnels et
les anticonstitutionnels ? Un ministère
semblable n'aura pas la force de donner
au pays un gouvernement sûr et sta
ble ! »
Le Messaggero de Rome dit :
«Le ministère Zanardelli aura quel
ques semaines de vie tranquille, puis la
situation s'embrouillera de nouveau. »
- -Le Corriere délia Sera de Milan :
« Après le refus de Luzzatti d'occuper
le ministère du trésor, on s'est adressé à
Finali, à Wollenburg, à Guicciardini,
sans aucun résultat. On ne pouvait pas
se passer cependant du ministre du tré
sor dans un ministère qui devait se pro
poser pour b.ut ; principal de réformer les
finances du pays.
« Eh ! bien ! Au dernier instant on a
trouvé Di Broglio qui n'aurait jamais
songé à se voir un jour ministre du tré
sor avec Zanardelli et Giolitti ; lui qui
selon le Popolo Romano est un conser-
vatore di carattere ! t>
La Tribuna de Rome adresse à Pri-
netti (nouveau ministre des affaires
étrangères) ces mots très significatifs :
« Deux ans ne sont pas écoulés, du jour
où le député de Brivio (Prinetti) décla
rait à la Ghambre qu'il votait les lois
réactionnaires de Pelloux avec enthou
siasme, et qu'il adhérait au magnifique
discours de l'honorable Sonnino.
« Maintenant il devra changer de lan-
Au total* cette élection, qui n'est
pas un. succès pour le ministère, car
son premier candidat, le radical, a
dû se retirèr devant le communard,»
donne aux oppositions un avis qui
réparera la défaite si Pon sait en
profiter. Elle montre à la « Patrie;
française » les inconvénients, les
dangers de l'hésitation et.prouve à
ses alliés des groupes extrêmes
que pour battre les bandes minis
térielles, ils doivent compter avec
les modérés.
Eugène V buillox.
L'EMPLOI DU MILLIARD
WAvanti, journal socialiste, reproche
aux « légalitaires » de n'avoir pas voulu .
renoncer aux dépenses militaires ( et afr-
firme :
« C'est une cho-»e très imprudente, que
îd&" prouver aussi clairement que la
dynastie et lies institutions sontinsépara-
blesdesdépensesquiruineht notre pays !»
Sans nous attarder, au ton commina
toire de YAvanti, remarquons l'attitude
peu bienveillante de la Stampa et de la
Tribùna. Si ces deux journaux, qui ap
partiennent à 1 honorable Roux, hier en
core l'allié de Giolitti, tiennent un pareir
langage, quelle sera la solidité du minis
tère ? .. . ,..
LEÇONS A DIVERS
Le ministère compte une vic
toire électorale: à Paris. Son candi
dat de seconde main, le socialiste^
communard, M. Allemane,l'a empor
té de 900 voix sur le candidat natio
naliste, et, surtout, antisémite* M.
Max Régis.
Ce résultat, que le parti de l'or
dre prévoyait, nedonne pas un vrai
succès au ministère. Ce. n'est en
effet ni à lui, ni aux mérites du can
didat Allemane qu'il faut l'attri
buer ; c'est au défaut d'organisation
et de politique des oppositions. Elles
ont manqué de coup d'œil, de déci
sion et n'ont pas su combattre. La
faute en est particulièrement au co
mité directeur de la « Patrie fran
çaise ».
C'est à ce comité, fort des très
nombreuses adhésions qu'il a re
çues et de sa belle victoire lors des
dernières - élections municipales,
qu'il appartenait de présenter un
candidat et de diriger la lutte. Au
contraire, il s'est effacé; En pareille
matière, qui s'efface s'affaiblit, et
c'est par là que la défaite d'hier est
grave. Il y a eu défaillance des chefs
qui avaient demandé le commande
ment, auxquels on l'avait donné et
qui avaient vaincu.
Evidemment le comité de la « Pa
trie française;» a compris tout de
suite que la candidaturede M. Max
Régis ne répondait pas aux aspira
tions de la majorité dés électeurs.
Il l'a dit par son silence ; il fallait
oser le dire, en parlant, en agissant*
en faisant un autre choix.
Sans doute, il y aurait alors eu
conflit entre le comité et les deux
journaux qui s'étaient hâtés de pré
senter M. Max Régis, avec.la réso»
lution de l'imposer. Mieux valait
risquer ce conflit avant la bataille
que de livrer celle-ci à contre-cœur
avec la certitude d'être battu. Toute
direction entraîne des devoirs et des
ennuis : en cette occurrence il fallait
accepter fermement ceux-ci pour
bien remplir ceux-là.
Un exemple.
- Pour commenter l'éloquente et
ferme protestation que S. G. Mgr
Deramecourt, évêque de Soissons,
vient d'adresser aux sénateurs et
députés de l'Aisne, voici le tableau
des biens possédés pu occupés par
les congrégations dans soii cuo-
cèse:
ImBieûhl<>s possédés ou oc- ' •
cupés par les cong?éga-
tions, au 1 er janvier 1900- •"
* (valeur vénale) : 4.927.280 fr.
(Tableau officiel, Tome. I, Page. 1031.)
Ces immeubles se composent
de :
Orpelinats..
Salles d'asiles.
Ouvroirs
Hôpitaux:...i..;
Hospices............ s
Maisons de retraite,......
Asile d'aliénés.,... .........
Ecole des sourdes-muettes.
Ecole de jeunes aveugles...
Ecoles primaires............
'Dispensaires.
Asiles de vieillards....... .
12
37
14
2
22
■ 4
1
i
1
122
15
5
Total : 236 maisons hospitalières
consacrées au service des pauvres
et des infirmes. 1
LES SECTAIRES
Les anticléricaux de Montbnson ne
montrent pas une vigilance inférieure à
leur amour de la liberté. ;
Tout récemment, dit le Mémorial de la
Loire , ils ont dénoncé un instituteur qui
a ne craindrait pas de se montrer chaque
dimanche à l'église »!
C'est absurde et odieux. Mai«, au fond,
cette manifestation d'intolérance ne sort
pas du commun des procédés, sectaires.
• Le maire de Neufchàtelatrpuvé mieux.
Il ne se borne à l'injustice et à l'arbi
traire. Il fait de l'esprit.
A une malheureuse, malade, qui de
mandait un secours, 11 s'est permis de
répondre :
Madame,
Si vous avez besoin de médicaments,
vous, pouvez vous adresser à la commu
nauté au couvent, qui sera très heureux de
vous les-procurer en guise de remerci-
ments de leur avoir, donné votre fille comme
élève;.
Votre bien dévoué,
- ' . F resnaye , fils.
L'individu, qui écrit cela, n'a qu'une
excuse : évidemment, il ne comprend pas
ce qu'il fait ; c'est un inconscient.
LE PORT DE LA SOUTANE
Maintenant, nous allons avoir à citer
les maires anticléricaux qui ne veulent
point se couvrir de ridicule en interdi
sant le port de la soutane.
Après ceux de Toucy et de Saint-Fàr-
geau, voici M. Intins, maire de Gien,
qu'on avait rangé, parmi les proscrip-
teurs du costume ecclésiastique et qui
tient à déclarer que, non seulement il n'a
pas pris cette "mesure, mais qu'il n'a pas
l'intention de la prendre. ■
. .—r A Saint-Etienne, ou le maire avait
d'abord qualifié de grotesque la séance
du conseil municipal dans laquelle on
avait voté l'interdiction du.port de la
soutane, cette décision « grotesque » est
furieusement appliquée.
Le Mémorial de la Loire enregistre, en
effet, quatre procès-verbaux dressés con
tre les abbés Molin, curé de Chambœuf,
Suchet, de la maison de retraite de Ver-
naison, Mourier et Iiabey, professeurs
au collège Saint-Michel.
La ville de Saint^Etienne est bien sous
le régime des grotesques.
LETTRE M S.EI. LE CASMAIIEC0I
. Les coHgrégatioo» religieuses.
S. Em. le cardinal Lecot, arche
vêque de Bordeaux, consacré sa
lettre pastorale à l'occasion du Ca
rême, aux congrégations religieuses
et à la Démocratie chrétienne.
; Après avoir rappelé les mesures
qui menacent les congrégations re
ligieuses, Son Eminence ajoute :
Y a-t-il donc eu. quelque part des cul
pabilités qui justifient ou des méprises
qui expliquent ces châtiments ?
. Des culpabilités? Il ne nous appartient
pas de nous prononcer dans une cause où
nous serions à la fois juge et partie. Mais
ce que nous avons dit, ce que nous répé
terons jusqu'à la fin, avec le sentiment
de luyautc qui nuus anime à l'ogavd df>
tous, le voici : S il y a parmi nous des
coupables, qu'on it-B cite à la barre de
nos tribunaux et qu'on leB juge. Si, sur
tout, ces coupab es sont dans l'eriseigiie-
me»t, les enquêtes sont faciles : il t-era
toujours possible de saisir les traces d'un
enseignement politique en désaccord avec
nos institutions, d'une influence exercée,
dans l'éducation, au déiriment des grands
principes, conservateurs de l'esprit pa
triotique et de la paix sociale. Qu on soit
sans pitié à l'égard des personnes ou des
écoles qui se seraient mises en opposi
tion avec la loi. Mais, de grâce, qu'on res
pecte les innocents ; qu'on ne juge pas
tout un corps par la façon de faire d'un
dè ses membres, et qu'on ne fasse pas
tous lés instituts responsables de la faute
d'un seul.
Des méprises? Oh! c'est là, plutôt,
qu'il faut chercher la cause de nos in
quiétudes et l'explication des menaces
qui nous terrifient. .
Oui, vous vous méprenez sur la valeur
morale de nos congrégations enseignan
tes, vous qui formez vos jugements sur
d'odieuses calomnies, dont les journaux
irréligieux se sont faits les organes, et
dont nos jurys, sans peur et sans repro
che. ont fait si facilement justice.
Vous vous méprenez sur les aspira
tions de ces maitres chrétiens, qui ont
voué leur vie à renseignement, non pour
faire des générations de politiciens d'a
venture, mais pour donner à la patrie
des citoyens vertueux qui l'honorent et
des enfants qui se sacrifient à ses inté
rêts et à sa gloire.
Vous vous méprenez quand vous re
gardez nos maisons d'éducation comme
autant de foyers où se trament et s'orga
nisent des oppositions autres que l'oppo
sition au mal, et la lutte contre tout ce
qui peut compromettre l'honneur.
Développer l'intelligence en rendant le
travail plus facile et plus fructueux ; for
mer le cœur en épurant ses instincts, en
élevant ses sentiments, en lui inspirant
la vaillance dans les luîtes intimes de la
vertu contre la passion ; fonder ainsi des
caractères qui ne se démentiront jamais
au milieu des fluctuations d'un monde
sans principes et sans lois : tel est le but
unique et l'unique pensée de nos écoles
congréganistes ou séculières, et jamais,
nous l'affirmons, nous n'aurions permis
qu'H en fut autrement.
Or, • cette besogne que nous faisons,
d'autres que nous ne peuvent la faire en
d'aussi bonnes conditions. Vous aurez
ailleurs l'enseignement qui donne la
science, l'éducation qui essaie d'établir
les principes des mœurs et d'élever le
jeune homme à la pratique des vertus so
ciales. <
Nous vous accorderons davantage.
Certaines écoles, lycées ou collèges, au
ront un enseignement religieux, donné
par de zéks aumôniers, sous le regard
bienveillant d'un directeur catholique ;
cela peut être, et cela est. Mais toutes
les écoles sont-elles dans ces condi
tions?
Mais la gravité, l'autorité douce qui se
dégage d* la personne du prêtre, la con-
FEUILLETON DB L'UNIVERS
DU 1!) FÉVRIER 1901
CAUSERIE LITTÉRAIRE
. Nicolas Moreau (1).
I .
Jacob Nicôlas-Moreau, né én 1717,
mort en 1803, a été historiographe de
France ; il a composé cent deux ouvrages
(pas un de moins) *, il avait de l'esprit et
du talent, — et pourtant il est aussi in
connu, aussi oublié qu'il soit possible de
î'çtre. Heureusement pour lùi, il avait eu
l'idée, sur ses vieux jours, d'écrire ses
Souvenirs. Ils viennent d'être publiés par
(es soins de M, Camille Hevmelin, et ils
méritent d'être lus.
Les Souvenirs de Nicolas Moreau for
ment deux volumes. Le second vient seu
lement de paraître ; le premier est de
182?.
_ Jacob-Nicolas Moreau est né, le 20 dé
cembre 1717, à Saint-Florentin, petite
ville de Bourgogne, située au confluent
. (1) Mes Souvenirs, par Jacob-Nicolas Mo
reau, historiographe de France, collation-
n4s, annotés et publiés par Camille Hernie-
Jitji Deux volutaes jn-g,. Librairie pion,
fSSS-'i§ffi. '' "'V - :>
del'Armance et de l'Armançon. Son pèrè
était un avocat de province, peu fortuné,
mais qui n'avait que huit enfants (c'était,
enoe temps là, une petite famille). Dès
que Nicolas eut quinze ans, il fut envoyé
à Paris, au collège de Beauvais, placé
sous l'administration du Parlement et
l'un de ceux où la religion était le mieux
connue et les mœurs le plus surveillées.
« Mes succès, dit-il, me placèrent, dès
ma première composition, sur la chaire
de premier empereur en- rhétorique;..
Pendant deux ans que je restai sur les
bancs de rhétorique, j'eus tous les prix;
Je fis ensuite deux ans de philosophié
sous M. Poitevin, et m'étant lié d'amitié
avec un de mes condisciples, fils d'un
président à mortier de Toulouse, nom
mé Caulet de Grammont, nous dévorâ
mes avec ardeur les mathématiques*
Aussitôt après, js me mis à l'histoire,
pour laquelle j'ai toujours eu le plus
grand goût. Jé passai dans ce^ collège^
sous les Roi lin, les Mesenguy, les Coffin
et les Crevier, beaucoup plus de temps
qu'il n'en fallait pour acquérir les con
naissances qui me manquaient. »
Je respecte, comme il convient, l'Uni
versité actuelle; mais je ne vois pas trop
d'ici — même à Paris— le collège où
l'on pourrait aujourd'hui rencontrer des
professeurs comme Coffin, Mesenguy,
Crevier et Roi lin.
Au sortir du collège, le jeune Nicolas,
en même temps qu'il faisait son droit,
^tait admis dans l'intimité d'une famille,
qui n'était rien moins qfue celle dn chan
celier d'Aguesseau. Moreau était un tout
petit bourgeois, fils d'un obscur avocat
de province ; mais il avait de l'esprit, il
avait eu des succès dans l'Université, il
faisait agréablement les vers ; il n'en
fallait pas davantage pour qu'il fût reçu
dans l'une des plus grandes maisons du
royaume. « Ce temps, dit-il, a été le plus
agréable de ma vie, je n'avais aucune
célébrité, mais j'étais heureux. J'étais
jeune, j'avais une figure agréable, on me
comblait de bontés, et les parents eux-
mêmes m'avaient pris en amitié. » Un
peu plus loin, il dira eneore de ces an
nées de sa jeunesse,-que ce furent des
années «délicieuses ».
Reçu avocat en 1741,- Moreau com
mença à plaider en 1746. Il eut quelque
succès au barreau; et ces nouvelles an
nées ne furent pas moins 1 heureuses que
les précédentes, a Je conciliais, écrit-il,
avec un travail que j'aimaisle, plaisir des
belles-lettres, que je n'ai jamais négli
gées, et les charmes de la société, que
j'ai goôtés, d«.ns ma jeunesse, de la ma
nière la plus- vive. J'étais le matin au
Palais ; je travaillais l'après-midi chez
moi, et à huit heures du soir, j'oubliais
les affaires comme si elles n'eussent ja
mais existé. Je soupais dans les meilleu
res et les- plus agréables compagnies,'
sans astres vues, sans autre objet que de
m'y amuser de la meilleure foi du
monde. »
Quand venaient les vacances, il les
passait dans les plus belles terres et les
plus agyéables châteaux, tantôt chez Je
président Molé à Champlâtreux,' tantôt à
Coubert chez le petit-fils de Samuel Ber
nard, ou eHCore à Rosny chez les Sé-
nozan, à Bruyères chez le président
de Maupeou. « J'étais, dit-il encore, ré*
pandu dans tout ce que la cour et la ville
avaient de meilleure société ; j'y étais
avec d'autant plus d'agréments, que je
n'avais besoin de personne et que je ne
demandais rien. » Décidément, ce mal
heureux ancien régime, dont l'on a 7 dit
tant de mal, n'était pas si dur que cela
pour les bourgeois, même les plus mo
destes.
' Tout en plaidant, il continuait à culti
ver les lettres; Il publiait des brochures,
des écrits satiriques, dont plusieurs eu-
rent un grand succès, particulièrement
celui qu'il fit paraître én 1755, sous ce
titre î les Cacouacs. C'est à ce moment
qu'il imagina une correspondance hollan
daise,- sous le couvert de laquelle il lui
serait loisible de parlèr tout à son aise
des divers sujets à l'ordre du jour. Il in
titula son ouvrage : Y Observateur hollan
dais. Sa première lettre parut au mois de
septembre 1755. La quarante-sixième et
dernière est .du -12 février 1759. Ces let
tres, dont la réunion forme cinq volumes,
obtinrent une vogue prodigieuse. Elles
furent traduites dans toutes les langues,
vantées dans les diverses publications
périodiques dé l'Europe, contrefàites en
Hollande, en Italie, en Allemagne, pen
dant qu'en Angleterre il en paraissait
plusieurs réfutations.
: .Jîoï'esu, dans cet ouvrage, avait fait
preuve d'une rare connaissance des affai
res de l'Europe ; il avait montré qu'il
pouvait rendre de réels services. Ainsi en
jugèrent les ministres. Au lendemain de
la dernière lettre de l'Observateur , au
mois de mars 1759, M. de Silhouette, qui
venait d'être nommé contrôleur général,
lui offrit, au nom du roi, J..e s'installer à
Versailles, où il serait placé à la tète de
là bibliothèque attachée au contrôle gé
néral des finances, a*'ec le titre d'auoeat
des finances du roi. Il aurait pour mis
sion d'étudier leB lois et de répondre aux
consultations des ministres sur toutes les
parties de l'administration qui devaient
être réglées par des ordonnances. Un
traitement annuel de 15,000 livres lui se
rait attribué, sans préjudice d'un contrat
de rente viagère de 4,000 livres. Moreau
accepta, et, quittant son appartement de
la rue du-Petit Bourbon, à Paris, il vint
occuper, rue de l'Oraagerie, à Versailles,
le logement qui lui était affecté dans une
maison dépendant du contrôle général.
II
Nicolas. Moreau était un intrépide tra
vailleur. En même temps qu'il remplis
sait avec zèle toutes les obligations de sa
place, il trouvait le temps de composer,
de 1760 à 1767, quatorze ouvrages, dont
le plus important parut, en 1764, sous ce
titre : Leçons de morale; de politïqm et
de droit public, puisées dans l'histoire
dé nctre mvnarchië, ou KSuveau- plan
d'étude de l'histoire de France, rédîgé
par les ordres et d'après les vues de Mgr
le dauphin, pour l'instruction des prin
ces, ses enfants.
Le 27 septembre 1759, Moreau avait
épousé, en l'église Saint Sulpice, Mlle de
Coulange, sœur du baron de Coulange,
lieutenant-colonel du régiment de cava
lerie Colonel-général. L'année suivante,
sa femme lui avait été enlevée, après
deux jours d'une maladie de nerfs cruelle
et imprévue. H -se remaria, le 4 février
1767, avec une jeune Irlandaise sans for
tune, Marie-Louise O'Neill. $a situation
était du reste, à ce moment, des plus
brillantes. Outre les appointements de
15.000 livres qu'il touchait depuis 1759. il
recevait du roi une gratification annuelle
de 3;000 livres. A la fin de 1769, le dépôt
des Chartes, dont la garde lui était con
fiée, fut installé au coin de la place Ven
dôme, du côté des Capucines, et Moreau
y obtint un logement, ce qui lui épargna
la dépense du loyer de mille écus qu'il
avait, à cette date, dans la rue Basse-du-
Rempart. En 1770, lors du mariage du
Dauphin avec l'archiduchesse Marie-
Antoinette, il fut nommé bibliothécaire
de madame la dauphine. La même an
née, onï forma la maison du comte de
Provence; et Moreau y entra avec le titre
de premier conseiller ; cette charge le
mettait, dans le conseil du prince, immé
diatement après le chancelier et le surin
tendant.
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