Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-01-16
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 16 janvier 1901 16 janvier 1901
Description : 1901/01/16 (Numéro 12019). 1901/01/16 (Numéro 12019).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
DEPOT LÊG.V ^
Mercredi 16 Janvier 1301
Edition quotidLieEaa. — 12,019
Mercredi 16 Jan?
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
Un an 40 »
Six mois...... 21 »
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ETRANGER
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UN NUMÉRO
Paris 10 cent.
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LE MONDE
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits gui lui sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C !e , 6, place dé là Bouts'?!
PARIS, 15 JANVIETî 1901 '
SOMMAIRES
Résistance... et ré
formes Pierre Veuhaoï.
A la Chambre.. .... Gabriel de Triors.
La crise chinoise... L. G.
Correspondance ro
maine ,.. ***
Les conférences du
Luxembourg Edouard Alexandre
Nouvelles agricoles A. de Villiers de
l'Isle-Adam.
Bulletin. — La poésie du Pape. — Solida
rité. — La lettre de Léon XIII et l'épis-
copat. — Informations politiques et par
lementaires. — Le discours du généra
Geslin de Bourgogne.— La guerre du
. TranBvaal..— En Chine. — Dépêches de
l 'étranger. — Chronique.—-Lettres, scien
ces et arts. — Institut catholique de
Paris. — A la Société de géographie. —
Echos de partout. — Chambre dés dépu
tés ; Interpellation de M. Sembat sur la
Lettre du Pape. — Charles Hermite. —•
Nécrologie. — Guerre et marine. •—
Tribunaux. — Six trains sous la neige.
— Nouvelles diverses. — Calendrier. —
Bourse et bulletin financier. — Dernière
heure.
RÉSISTANCE... ET RÉFORMES
Au pouvoir ou dans l'opposition,
qu'il veuille garder sa place ou
prendre celle des autres, un parti
ne saurait se contenter d'un pro-
framme négatif. L'expérience le
émontre ; et le raisonnement
aussi.
Nous luttons contre les sectaires
et les révolutionnaires. Amenés par
la logique à unir leurs forces, nos
ennemis s'attaquent en même temps
aux bases morales et aux bases
matérielles de l'ordre social. On
voit dans leur camp des hommes
qui seraient volontiers d'étroits et;
rigoureux conservateurs, sans leur
haine de la religion. Mais cette fu
reur les domine et les affole à tel
point, qu'ils multiplient les conces
sions aux tenants du collectivisme,
pour conserver ces derniers-dans
lés troupes lancées contre l'Eglise.
Les socialistes profitent de l'au
baine. Un certain nombre^ d'entre
eux, utopistes sincères et même non-
sans quelque générosité, ne sont
pas enclins à la persécution. Ils
aimeraient mieux se consacrer à
une autre besogne. On leur fait
passer trop de temps à tourmenter
les moines. Mais, donnant, donnant.
S'ils servent les passions des sec
taires, ils s'en servent encore davan
tage. L'alliance est nouée, solide
ment. Ce sera d'abord l'Eglise qui
en paiera les frais; ce seront en
suite nos radicaux bourgeois qui
solderont le compte.
Pour résister à cette coalition des,
jacobins et des révolutionnaires,
nous voyons, enfin, tendre à s'u
nir la masse des honnêtes gens.
Sous la menace d'un danger com
mun, se rapprochent, tous ceux;
qui veulent à la fois l'ordre et la li
berté contenue par une règle mo
rale. On comprend de plus en plus
qu'il, faut laisser résolument de côté
les questions, secondaires après
tout, qui nous ont si longtemps di
visés. Le devoir, évident à nos yeux,
est de favoriser cette alliance, au
prix même de sérieux, sacrifices.
Nous sommes exactement à bord
d'un navire en grand péril de som
brer corps et biens. Dans une telle
Situation, il faut se résoudre à faire
la part de l'eau. Abandonnons-lui '
non seulement des souvenirs pré
cieux, mais encore des objets de
première utilité. Plus tard, sans
doute, nous regretterons d'avoir
été acculés à l'obligation de les
Êerdre, et nous devrons consacrer
eaucôup de temps et de peines à
reconstituer nos ressources, à ré
tablir nos droits. Nous nous re
mettrons au travail. Pour cela, il
est une première condition: c'est
de ne pas périr dans la tourmente
actuelle.
-Unissons-nous donc à tous ceux
qui veulent, du moins, préserver ce
3ui reste. Ne leur-demandons point
'autres engagements. La tempête
passée, si nous nous tirons avec
eux d'affaire, ils reconnaîtront eux-
mêmes qu'il faut, pour ne plus être
exposé à de pareilles catastrophes,
revenir à des précautions et relever
certaines défenses qu'ils avaient
abandonnées jadis. En outre, dé
sormais confiants, ils auront appré
cié notre concours et voudront le
garder. -
Voilà toute une partie, très im
portante, du programme. Elle con
cerne la résistance ; nous devons'
apporter à- son accomplissement
beaucoup de notre énergie.
Beaucoup ; ...pas tout. A côté du
négatif, alignons des revendications
positives. Répétons-le, il ne suffit
point, en politique, de dire : non...;:
Non aux sectaires, non aux révolu-;
tionnaires, très bien. Mais oui à
ceux qui réclament, de bonne foi et
dans la mesure pratique et admis
sible, des améliorations et des ré
formes.
L'exemple de nos voisins doit
nous instruire. A plusieurs repri
ses, les tories anglais ont reconquis
le pouvoir en se plaçant à la tête,
malgré leur nom de conservateurs,
des mouvements qui conduisaient
aux profondes transformations éco
nomiques et sociales. Si les catho
liques belges gardent le gouverne
ment depuis aix-sept ans bientôt,
c'est, pour une ' grande part au
moins, à cause des vastes réformes
qu'ils ont epérées, notamment, dans
la législation ouvrière et dans l'or
ganisation du suffrage. Ils nous ont:
montr é la route ; suivons-les.
Nous ne détacherons point des
sectaires la masse des travailleurs,
si nous n'avons jamais que des ob
jections à élever quand d'autres lui
parlent de mesurés à prendre pour '
améliorer sa condition. Et, sans
doute, souvent nos objections peu
vent être fort justes. Nous avons
raison de prouver aux ouvriers de
la ville et des champs qu'on les
leurre, et que, sous prétexte de les
servir, On les exploite. Mais cela
dit, prenons donc à notre tour en
mains, avec plus de désintéresse
ment, de sagesse et de sincérité
que nos adversaires, la cause de
ceux qui peinent! Quand nous ne
leur recommanderons plus seule
ment de savoir se restreindre, ils
nous écouteront bien davantage;
peu à peu, ils - nous suivront. Et
notre programme de réformes fera
passer notre programme de résis
tance.
Diminuer, d'une part, les charges
budgétaires qui pèsent sur le tra
vailleur ; lui procurer, en même
temps, plus de bien-être, plus de
sécurité et plus de dignité aussi,
par tout un ensemble de lois ou
vrières : voilà, il nous semble, la
base d'un programme (Faction. Ne
vaut-ii pas mieux travailler à l'éta
blir, puis à l'exécuter, . que d'at
tendre toujours le salut d'un César?
Et d'ailleurs, ne vous y trompez
pas, César, s'il venait, comme il
aurait besoin de rester populaire,
irait très loin dans la voie des ré
formes.
Pierre Veuillot.
~ ÏÏVLLETIPC
Hier, à la Chambre, ori a d'abord dis
cuté V interpellation de M. Sa lis relative
a.u sinistre de la Russie et a l'insuffi
sance des moyens de sauvetage. Puis on
.est arrivé au débat, très attendu, sur
la Lettre de Léon XIII. On trouvera plus
loin le compte rendu de cette impor
tante séance et nous reproduisons des
extraits des principaux discours pro
noncés, notamment des déclarations de
M. Waldeck-Rousseau. La discussion
s'est. terminée par le vote d'un ordre du
jour approuvant les déclarations de M.
Wa Ideck-Ro usseau. .
M. Jules Dansette, député du Nord,
vient de déposer une proposition de loi,
portant rétablissement du scrutin de
liste pour les élections à la Chambre des
députés et organisation de la représen
tation proportionnelle.
Le roi de Suède reprendra le 21 jan
vier la direction des affaires gouverne
mentales qu'il avait dû. abandonner
par raison de Santé. ■ %
Le mariage de la reine Wilhelmine
en Hollande est fixé au! février.
Une dépêche de Pékin affirme que le
protocole de paix a été signé par les plé
nipotentiaires chinois, qui ont aban
donné toute idée de protester contre une
clause quelconque.
Les troupes russes évacuent la pro
vince du Tchi-Li et se dirigent vers la
Mandchourie. Il ne reste qu'un millier
d'hommes destinés à constituer la garde
de la légation à Pékin et les gardes de
Tien-Tsin et de Ghan-Hai-Kouan.
M. Chamberlain, ministre des colo
nies, a, paraît-il, demandé au gouverne
ment de Terre-Neuve de {maintenir le
statu quo en ce qui concerne le « French
shore », les négociations ayant été rou
vertes avec la France sur la question en
litige.
« _
LA POÉSJEJU PAPE
Voici la traduction de la poésie, dont
nous avons donné hier le texte latin. Il
est malheureusement impossible de ren
dre,en passant d'une langue dans l'autre,
la couleur des termes et l'harmonie du
rythme : '
l'an du christ mil neuf cent
la veille des calendes de janvier
PAR JÉSUS-CHRIST
que le siècle naissant '
s'inaugure -
Un siècle s'en va, qui s'illustra en
cultivant les sciences utiles. Qui
conque est épris du bien-être géné
ral et de la mise au jour des forces
de la nature, doit célébrer ce. siècle
par des chants.
. Pour moi, les fautes du siècle qui
meurt me frappent davantage. Je
m'en afflige et je frémis. O honte !
combien nombreux m'apparaissent,
lorsque je regarde en arrière, les
monuments de son déshonneur!
Pleurerai-je les carnages, les
sceptres brisés, la liberté laissée au
monstre de la licence, ou la guerre
funeste dirigée, avec mille ruses,
contre la citadelle du Vatican?
Qu'est devenue la gloire — gloire
que ne ternissait aucune servitude
— de cette Rome, la reine des cités,
que les siècles et les peuples du
rant tant de générations, ont véné
rée comme le séjour des Pontifes?,
Malheur aux lois qui se séparent
de Dieu! Quelle loi de l'honnête,
quelle fidélité peut alors subsister?
C'est les ébranler que de les arra
cher de l'autel, et faire crouler tout
l'édifice des droits.
Entendez-vous? Le troupeau des
insensés qui se disent sages affiche,
des desseins volontairement impies.
Il s'efforce de ravaler à la matière
brute la suprême divinité.
Il dédaigne, dans sa folie, la ge
nèse supérieure de notre race. Re
paissant son esprit d'ombres vai
nes, il confond l'homme et la bête
dans une origine qui ne peut leur
être commune.
Ilélas! combien il est ignomi
nieux, l'abîme où roule la force
aveugle de l'orgueil effréné ! Obser^
vez, mortels, les ordres en tout
temps redoutables de Dieu :
De Dieu qui seul est la vie, la vé
rité certaine, qui est la voie droite
et unique conduisant au Ciel. Lui
seul peut rendre aux hôtes de la
terre, suivant leurs vœux,les années
qui s'écoulent.
C'est lui-même qui naguère a con*
duit vers les cendres sacrées de
Pierre des foules de pieux fidèles
dont les intentions étaient saintes,
et cette renaissance de la piété n'est
pas un vain présage.
Jésus, maître du temps à venir,
bénis le cours du siècle qui se lève :
contrains par ta puissance divine
les nations rebelles à suivre une
voie meilleure.
Fais éclor© les germes d'une paix
bienfaisante ; que les colères, les
troubles et les funestes guerres
s'apaisent enfin ; rejette dans le
royaume des ténèbres les fourbe
ries des hommes pervers.
Que sous ta conduite une seule
inspiration guide les rois, si bien
qu'ils s'appliquent à observer tes
lois ; qu'il y ait un seul bercail et un
seul Pasteur; qu'une Foi unique di
rige le monde.
J'ai achevé ma course, et, par ta
grâce, j'ai vécu deux fois neuf lus
tres. Mets le comble à tes bienfaits,
je t'en supplie, fais qua les vœux
de ton Léon qui te prie ne retom
bent pas stériles.
LÉON XIII.
A LA CHAMBRE
La lettre du Souverain Pontife.
Sans doute M. Sembat eût-il jugé
plus sage de ne pas interpeller s'il
avait pu prévoir que M. Waldeclt-
Rousseau réclamerait, pour le Sou
verain Pontife, le droit de donner
aux catholiques français les conseils
paternels contenus dans son admi
rable lettre au cardinal Richard, et
s'il avait pensé que la Chambre, à
une majorité r de 328 voix contre
146, se refuserait à enjoindre au
gouvernement de poursuivre la sé
paration de l'Eglise et de l'Etat.
Il est vrai que, peu après, une
faible majorité de 15 voix s'est ren
contrée pour reculer devant une
nouvelle affirmation de la nécessité
de maintenir le Concordat, mais
c'était là peut-être beaucoup deman-
der à un parlement trop porté à
l'hésitation, voire à l'incohérence;
la première manifestation avait
d'ailleurs jeté le trouble dans les
rangs socialistes, assez pour trans--
former en déroute le succès es
compté depuis quelques jours.
M. Sembat, pour dire le vrai, s'é
tait montré singulièrement exi
geant; ne prétendait-il pas, après:
avoir sommé le gouvernement de
présenter des remontrances au Va
tican, faire tomber le vénérable ar
chevêque de Paris sous le coup de
l'article 207 du Code pénal, pour la
publication du document pontifical
. dans la Semaine religieuse, et pour
sa communication aux archevêques
et évêques de Franco? . .
On pense si l'extrême-gauche a
trépigné^ hurlé de joie, à la pensée
que le cardinal Richard pourrait
etrë condamné au bannissement.. Il
a fallu qué M. Ribot, sans attendre
les explications du président du
conseil, protestât contre une aussi
singulière théorie de droit criminel,
«t vînt affirmer, avec un courage et
une netteté qu'on eut voulu rencon
trer toujours dans ses paroles et
dans ses actes, que le Pape ne sau
rait être considéré comme un étran-
fjer, mais qu'il doit être tenu pour
e chef spirituel de tous les catnoli-
ques.
La leçon qui a paru fort dure à M.
Sembat s'est trouvée d'ailleurs ap
puyée par M. Waldeck-Rousseau.
Son discours,liabile et d'une argu
mentation serrée, s'est poursuivi'
— pourquoi ne pas. le dire ? — sur
un ton de modération et de défé
rence, dont l'attitude générale du
{>résident du conseil aurait pu nous
aire craindre de le voir, sur quel
ques points, s'écarter.
Avec un certain nombre de ren
gaines gallicanes ressassées par
tous les gouvernements; à côté de
la théorie vieillotte, jamais renou
velée, de l'indépendance et de la
souveraineté absolue du pouvoir
civil, sur laquelle M. Waldeck-
Rousseau se trouvait d'ailleurs en
communauté de principes avec M.
de Ramel, on trouvera dans ces dé
clarations le souci des égards dus
au glorieux Pontife, ami de la
France, et une réfutation très nette
des prétentions de M. Sembat.
Le gouvernement n'a pas pensé
qu'il y eût rien, dans la lettre de
Léon XIII, qui outrepassât le droit 1
du Pape de parler aux catholiques
français d'une législation qui n'est
pas encore en discussion — et le
président du conseil pouvait rappe-
1er que, chaque fois que la voix de !
Rome s'était adressée directement
à la France depuis vingt ans, elle
avait eu pour résultat de fortifier
la grandeur de notre pays et de
faire l'union parmi nous.
Quant à la publication du docu
ment pontifical par les soins du
cardinal Richard, M. Waldeck-
Rousseau s'est attaché à expliquer
à l'orateur socialiste — sans avoir
la prétention de le convaincre -4-
qu'il n'y avait point là motif à pour
suites criminelles, et qu'on ne sau
rait sérieusement assimiler à des
actes de propagande dangereuse,
les sages et paternels conseils du
Pape aux catholiques français. :
Cinq ordres du jour étaient pré
sentés comme sanction à ce dé
bat ; tous approuvaient, d'ailleurs,
plus ou moins expressément les
déclarations du président du con
seil, même celui des socialistes qui^
: une fois convaincus de s.'être four
voyés, n'avaient garde d'accentuer
leur échec, — et tous semblaient
"au gouvernement indifféremment
acceptables.
Le texte de M. Sembat qui s'éle
vait contre « toute ingérence étran
gère dans nos discussions » a été
ecàrté par 257 voix contre 249 ; il en
a été de même d'une formule pro
posée par MM. Ribot, Aynard et
Poincaré qui a été repoussée par
269 voix contre 229, et qui, tout en
approuvant les déclarations du gou
vernement, « affirmait le droit du
pouvoir civil de régler souverai
nement la situation légale des con-.
grégations ». '
Enfin on a voté, par division, sur
un ordre du jour de MM. de la Battit
et Sarrazin La Chambre approuve
les déclarations du gouvèrnement, et
compte sur sa fermeté pour assurer
la défense des droits de l'Etat. »
On a adopté la première partie
par 393 voix contre 74, etla seconde
par 284 voix contre 80.
C'est ici que se plaçait Taddi:
tion de M. Iloltz : « et résolue, dès
la promulgation dé la loi sur les
associations, a poursuivre la sépa
ration de l'Eglise et de"M. Oh. Bernard appuyait cette
motion, en se déclarant prêt à voter
la loi qui va spolier les congréga
tions — tandis que M. Boutard,
quoique partisan 1 de la séparation
et adversaire, comme il disait avec
l'élégance de langage qui le carac
térise, « du souverain que vous ap
pelez le Pape », considérait l'addi
tion comme « un traquenard ». En
fin de compte, elle était repoussée,
par 328 voix contre 146, sans que la
majorité consentît à aller plus loin
et à voter une autre addition de M.
Gauthier (de Clagny), « et résolue à
maintenir le Concordat ».
Il y avait là vraiment trop de ré
solutions à prendre, en un seul
jour. On est resté sur le refus de
dénoncer le Concordat, et on a dé
claré, par 261 voix contre 246, qu'il
n'y avait pas lieu de proclamer qu'il
doit être maintenu.
... Il y a beau temps, hélas! que
les catholiques n'exercent plus le
droit de réclamer tout ce qui leur
est dû : la manifestation d'hier n ? est
point sans leur paraître consolante,
— et peut-être cette préface au dé
bat qui s'ouvre aujourd'hui, que
M. Sembat voulait, suivant l'expres
sion de M. Ribot, rendre « irritante
et violente », contribuera-t-elle à :
jeter quelques clartés de justice et
aussi de patriotisme dans la cons
cience de ceux qui hésitent encore
à sanctionner une infamie. .
Gabriel de Triors.
» :
SOLIDARITÉ
Monsieur le rédacteur en chef, *
Il est toujours bonde déjouer les ma
nœuvres de ses adversaires, manœuvres
qu'il ne sied pas de marquer du fer rouge
delà déloyauté, mais qu'il ne convient
pas de laisser libres de propager des
bruits aussi faux que malveillants et per
fides. A l'occasion de l'assaut furieux:
que se proposent de livrer demain nos
adversaires, toutes secteB réunies, aux
ordres religieux, les uns disent : Le clergé
séculier demeure indifférent et se désin
téresse de cette charge à fond contre leB
religieux ; et les autres prétendent que ce
n'est pas sans un secret contentement que
les prêtres séculiers voient attaquer les
prêtres réguliers qui, selon leur dire,
seraient des compétiteurs redoutables et
dangereux.
Or, soit ignorance, soit mauvaise-foi,
les uns ètles autres sont dans une erreur
profonde et les hommes hostiles, par
leurs enquêtes aussi discrètes que mul
tipliées, en savent bien quelque chose.
Sauf de bien rares exceptions, car il y a
des esprits paradoxaux partout, tous les
prêtres séculiers ont la plus grande véné
ration pour les prêtres réguliers qu'ils
regardent comme des frères et des auxi
liaires des plus précieux suscités par la
divine Prodivence. Et si, voués à la prière
et aux œuvres de paix, de piété et de cha
rité, ils ne craignaient de soulever les
passions déjà trop surexcitées, tous si
gneraient volontiers cette brève et nette
pétition qu'ils adresseraient aux sénateurs
et aux députés :
« Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
Une foisde plus par la bouche de Léon,
Pierre, le pasteur des pasteurs, le vicaire
du Christ sur terre, a parlé.
Veuillez relire sa lettre adressée à S.
Jim. le cardinal archevêque de Paris et
vous saurez ce îjue les prêtres séculiers
de la France et de tout le monde catho
lique pensent des religieux de tous les
ordres suscités par la divine Providence
dans l'intérêt de toutes les nations de
l'Univers.
Dieu vous inspire de favoriser le déve
loppement de tous ces ordres et de toutes
leurs oeuvres, messieurs les sénateurs et
messieurs les députés, et vous aurez bien
mérité de l'humanité en général' et de la
patrie française en particulier.
C ! est le vœu, n'en doutez j>as, de l'im
mense majorité, pour ne pas dire de l'u
nanimité des prêtres séculiers de la
France.
Ce voeu, réalisezrle, et tous vous béni
ront. » * ■ .
Pour ses frères en le sacerdoce
catholique.
UN CURÉ-I)OYE.\.
: » ' -
LA CRISE CHINOISE
Les vice-rois et gouverneurs.
A peine arrivé à la cour impériale,
le prince Tuan fit voir son hostilité
contre les étrangers. Il lui fallut
d'abord renverser les obstacles in
térieurs qui auraient pu contrarier
ses desseins.
Il se rendit maître du Tsung-li-
Yamen, en s'en attribuant la pré
sidence ; puis il fit nommer deux
boxeurs ; fit disgrâcier cinq mem
bres de ce GOnseil, qui furent en
suite mis à mort; tua dix-sept au
tres fonctionnaires importants. Le
prince Ching, ancien président du
f sung-li-Yamen, ' Joung-Lou, pré
sident du grand conseil, coururent
eux-mêmes les, plus grands dan
gers. Le vieux Li-Iiuag-Tchang
n'eût certainement pas été épargné
s'il avait été à Pékin.
Le prince Tuan lança alors des
édita de proscription contre tout ce
qui était étranger. Heureusement,
on ne lui obéit pas partout. Nous;
ne ^parlerons pas de la Mongolie.
Dans la Chine propre, qui nous oc
cupe surtout en toute cette étude,
on voit se manifester à ce moment;
critique le double courant qui divise
les Chinois eux-mêmes relativement ;
aux étrangers. Parmi les vice-rois
et gouverneurs de provinces, un:
seul partageait toute la haine du
régent contre les Européens : célui-
là seul obéit à la lettre. C'était jus
tement cet ancien gouverneur du
Chan-ïoung, avec qui les mission
naires allemands eurent les premiè
res difficultés. Transféré, comme
nous l'avons déjà dit, dans le Chan-
Si, il y déchaîna les massacres, qui
emportèrent deux évêques avec
leurs prêtres et leurs chrétiens.
, Mais tous les autres gouverneurs,
tous les vice-rois sans exception,
comprirent que s'il était possible:
d'exterminer les étrangers de pre
mière et deuxième catégorie, leur
disparition ne durerait qu'un temps,
que de toutes parts d'autres ac
courraient les venger, et que l'Em
pire céleste aurait à subir des châ
timents terribles. C'est cette crainte
qui explique comment, dans toutes
les autres provinces, les édits d'ex
termination restèrent, en fin d-e
compte, lettre morte. Il y eut bien
ici et là quelque mouvement suscité
par des mandarins ou des lettrés
plus haineux que sages ; mais si le
prince Tuan eût été mieux obéi, il
ne fût pas resté un seul Européen
en Chine.
Sur d'autres points, à Shanghaï,
par exemple, il y eut des craintes
plus ou moins vives, parce qu'on
n'était point sûr des dispositions
des vicerrois ou gouverneurs.
C'est au même dissentiment qu 'il
faut peut-être attribuer le salut des
légations et du Pé-tang. Dans les
premiers jours des deux sièges, l'at
taque fut terrible. Le prince Tuan.
avait lancé, avec les boxeurs, les
soldats réguliers appartenant aux
troupes les plus fanatiques et les
mieux armées, celles de Toun-fou-?
sian. Mais bientôt il dut quitter Pé
kin avec ces réguliers, pour aller
à la rencontre des forces alliées.
Lee soldats, qu'il laissait autour
des légations et du Pétang, agirent
dès lors avec moins de fureur. Il
semble que si les chefs qui res
taient à leur tête, le prince King et
Joung-Lou, avaient sérieusement
voulu raser les bâtiments étran-
fjers, comme ils en avaient reçu
'ordre, la résistance eût été impos
sible. Par exemple, il leur eût été
facile de diriger sur la légation
d'Angleterre, de deux points con
vergents, un feu plongeant qui l'eût
démolie en quelques heures.
Les chefs paraissent avoir choisi
un moyen terme pour se « sauver
la face » tout à la fois vis-à-vis du •
prince Tuan, et vis-à-vis des étran
gers, dont ils savaient et redou
taient la prochaine arrivée. Ils se
contentèrent de suivre une partie
seulement des instructions qu'ils
avaient reçues ; ils n'étaient en
voyés là que pour aider les boxeurs
qui s'étaient chargés, eux, de mas
sacrer sans pitié, mais qui em
ployaient seulement les vieilles ar
mes chinoises. Ils ne firent pas autrë
chose que de leur frayer la voie
jusqu'aux murailles assiégées. Par
exemple, au Pétang. les troupes
régulières ouvrirent à GOups de ca
nons, une large trouée à travers les
maisons et constructions attenan
tes ; leurs canons tonnèrent, jus
qu'à ce que le. chemin fût ainsi pré
paré aux boxeurs, à travers des
ruines jusqu'aux murs si vigoureu
sement défendus ; si le tir avait con
tinué contre ces murailles, la dé
fense eût été presque impossible.
Heureusement, il s'arrêta, alors
ue déjà les assiégés se deman-
aient comment défendre les larges
brèches qui menaçaient de trouer
partout leurs derniers remparts.
D'ailleurs les défenseurs du Pé
tang entendirent souvent des alter
cations très vives entre les boxeurs
et les soldats réguliers de la se
conde période, du siège. « Vous ne
marchez pas avec nous, disaient les
boxeurs, vous sous jetez en avant,
et puis vous nous laissez tuer sans
nous défendre. —Nous faisons ce
qui nous a été commandé, répon
daient les autres ; nous n'avons
rien, nous, contre les « adorateurs
du Seigneur du ciel ».
Mille autres incidents viennent
confirmer cette conjecture qui
oblige à distinguer, pour la respon
sabilité et le châtiment, entre trou
pes chinoises et troupes chinoises.
Après sa déroute, avant de fuir
avec l'impératrice, le prince Tuan
lui fit signer un édit condamnant
à mort le prince Ching et Joung-
Lou, parce qu'ils n'avaient point
rasé, suivant l'ordre, les maisons
des étrangers.
Par là s'expliquerait aussi cette
espèce de trêve dont les légations
bénéficièrent pendant une vingtaine
de jours, et durant laquelle les Chi
nois osèrent leur offrir des rafraî
chissements et des pastèques. Au
Pè-tang, on ne comprenait rien à
ce silence inaccoutumé du côté de
l'Est, et on en augurait les plus gra
ves éventualités.
De même encore, après la prise
de Pékin, les alliés ont plusieurs
fois trouvé des troupes régulières
qui, au lieu de les combattre, leur
préparaient des vivres, et tiraient
elles-mêmes sur les boxeurs.
. L. G.
• — : i » ■. , —i :
CORRESPONDANCE ROMAINE
Iiome, 10 janvier.
SUB HOSTILI BQMÂTIOKE
La propagande protestante à Rome.
Léon XIII Vient, comme vous
l'avez déjà annoncé, d'ajouter un
acte à tous les actes qui, dans ces
derniers temps, ont ruiné le rêve
d'une conciliation libérale.
Répondant au discours du duc do
Norfolk, que l'on a pu lire déjà, le
Pape s'est exprimé en ces termes :
« Tous, vous déplorez les maux
qui Nous affligent dans cette situa
tion pénible que nous subissons
plutôt que de renoncer à des .droits
sacrés et à l'indépendance qui Nous
est nécessaire pour le libre exercice,
à travers le monde, de Notre minis
tère apostolique.
a Dans ces derniers temps, comme
vous avez pu le constater vous-
mêmes, un nouveau suiet d'amer
tume s'ajoute à Nos douleurs. Sous
Nos -yeux, .dans cette Ville sainte,
3ui devrait être le centre respecté
e la catholicité, il est permis à des
sociétés de propagande religieuse
de profiter des tristes conditions
économiques du pays pour corrom
pre la foi de Nos enfants, et cela, au
nom du faux principe du jugement
privé, qui affecte pourtant de lais
ser à chacun le droit d'interpréter
à sa façon la doctrine du Christ.
« Vous avez raison de protester
contre cet état de choses qui vous
fait mieux comprendre les circons
tances douloureuses dans lesquel
les Nous avons vécu pendant les
vingt-trois années de Notre -ponti?
ficat. »
On a pu constater déjà, dans la
causerie que le Souverain Pontife a
adressée au comité international,
dimanche dernier, combien Léon
XIII se préoccupe de la propagande
protestante à Rome.
C'est là, en effet, une des mani
festations de l'incessante activité
des ennemis de la Papauté. C'est
d'un œil extrêmement bienveillant
qu'ils considèrent la propagande
insidieuse du protestantisme au
sein des masses populaires.
Entre les sectes qui dépensent
des sommes considérables pour
arracher au Pontife suprême « sea
enfants », etla maison qui lui a pris
son peuple, il y a sympathie ins
tinctive. Le 20 septembre , nous
l'avons observé, a été marqué par
l'indifférence das Romains : les
maisons plus ou moins « évangéli-
ques y> se sont au contraire ce jour-
là tapissées de bannières et couver
tes d'inscriptions.
Du moins, le Quirinal doit être
fixé maintenant sur le succès d'une
politique à double face: il s'était
Mercredi 16 Janvier 1301
Edition quotidLieEaa. — 12,019
Mercredi 16 Jan?
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
Un an 40 »
Six mois...... 21 »
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UN NUMÉRO
Paris 10 cent.
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On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
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LE MONDE
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Les abonnements partent des I e * et 18 de chaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits gui lui sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C !e , 6, place dé là Bouts'?!
PARIS, 15 JANVIETî 1901 '
SOMMAIRES
Résistance... et ré
formes Pierre Veuhaoï.
A la Chambre.. .... Gabriel de Triors.
La crise chinoise... L. G.
Correspondance ro
maine ,.. ***
Les conférences du
Luxembourg Edouard Alexandre
Nouvelles agricoles A. de Villiers de
l'Isle-Adam.
Bulletin. — La poésie du Pape. — Solida
rité. — La lettre de Léon XIII et l'épis-
copat. — Informations politiques et par
lementaires. — Le discours du généra
Geslin de Bourgogne.— La guerre du
. TranBvaal..— En Chine. — Dépêches de
l 'étranger. — Chronique.—-Lettres, scien
ces et arts. — Institut catholique de
Paris. — A la Société de géographie. —
Echos de partout. — Chambre dés dépu
tés ; Interpellation de M. Sembat sur la
Lettre du Pape. — Charles Hermite. —•
Nécrologie. — Guerre et marine. •—
Tribunaux. — Six trains sous la neige.
— Nouvelles diverses. — Calendrier. —
Bourse et bulletin financier. — Dernière
heure.
RÉSISTANCE... ET RÉFORMES
Au pouvoir ou dans l'opposition,
qu'il veuille garder sa place ou
prendre celle des autres, un parti
ne saurait se contenter d'un pro-
framme négatif. L'expérience le
émontre ; et le raisonnement
aussi.
Nous luttons contre les sectaires
et les révolutionnaires. Amenés par
la logique à unir leurs forces, nos
ennemis s'attaquent en même temps
aux bases morales et aux bases
matérielles de l'ordre social. On
voit dans leur camp des hommes
qui seraient volontiers d'étroits et;
rigoureux conservateurs, sans leur
haine de la religion. Mais cette fu
reur les domine et les affole à tel
point, qu'ils multiplient les conces
sions aux tenants du collectivisme,
pour conserver ces derniers-dans
lés troupes lancées contre l'Eglise.
Les socialistes profitent de l'au
baine. Un certain nombre^ d'entre
eux, utopistes sincères et même non-
sans quelque générosité, ne sont
pas enclins à la persécution. Ils
aimeraient mieux se consacrer à
une autre besogne. On leur fait
passer trop de temps à tourmenter
les moines. Mais, donnant, donnant.
S'ils servent les passions des sec
taires, ils s'en servent encore davan
tage. L'alliance est nouée, solide
ment. Ce sera d'abord l'Eglise qui
en paiera les frais; ce seront en
suite nos radicaux bourgeois qui
solderont le compte.
Pour résister à cette coalition des,
jacobins et des révolutionnaires,
nous voyons, enfin, tendre à s'u
nir la masse des honnêtes gens.
Sous la menace d'un danger com
mun, se rapprochent, tous ceux;
qui veulent à la fois l'ordre et la li
berté contenue par une règle mo
rale. On comprend de plus en plus
qu'il, faut laisser résolument de côté
les questions, secondaires après
tout, qui nous ont si longtemps di
visés. Le devoir, évident à nos yeux,
est de favoriser cette alliance, au
prix même de sérieux, sacrifices.
Nous sommes exactement à bord
d'un navire en grand péril de som
brer corps et biens. Dans une telle
Situation, il faut se résoudre à faire
la part de l'eau. Abandonnons-lui '
non seulement des souvenirs pré
cieux, mais encore des objets de
première utilité. Plus tard, sans
doute, nous regretterons d'avoir
été acculés à l'obligation de les
Êerdre, et nous devrons consacrer
eaucôup de temps et de peines à
reconstituer nos ressources, à ré
tablir nos droits. Nous nous re
mettrons au travail. Pour cela, il
est une première condition: c'est
de ne pas périr dans la tourmente
actuelle.
-Unissons-nous donc à tous ceux
qui veulent, du moins, préserver ce
3ui reste. Ne leur-demandons point
'autres engagements. La tempête
passée, si nous nous tirons avec
eux d'affaire, ils reconnaîtront eux-
mêmes qu'il faut, pour ne plus être
exposé à de pareilles catastrophes,
revenir à des précautions et relever
certaines défenses qu'ils avaient
abandonnées jadis. En outre, dé
sormais confiants, ils auront appré
cié notre concours et voudront le
garder. -
Voilà toute une partie, très im
portante, du programme. Elle con
cerne la résistance ; nous devons'
apporter à- son accomplissement
beaucoup de notre énergie.
Beaucoup ; ...pas tout. A côté du
négatif, alignons des revendications
positives. Répétons-le, il ne suffit
point, en politique, de dire : non...;:
Non aux sectaires, non aux révolu-;
tionnaires, très bien. Mais oui à
ceux qui réclament, de bonne foi et
dans la mesure pratique et admis
sible, des améliorations et des ré
formes.
L'exemple de nos voisins doit
nous instruire. A plusieurs repri
ses, les tories anglais ont reconquis
le pouvoir en se plaçant à la tête,
malgré leur nom de conservateurs,
des mouvements qui conduisaient
aux profondes transformations éco
nomiques et sociales. Si les catho
liques belges gardent le gouverne
ment depuis aix-sept ans bientôt,
c'est, pour une ' grande part au
moins, à cause des vastes réformes
qu'ils ont epérées, notamment, dans
la législation ouvrière et dans l'or
ganisation du suffrage. Ils nous ont:
montr é la route ; suivons-les.
Nous ne détacherons point des
sectaires la masse des travailleurs,
si nous n'avons jamais que des ob
jections à élever quand d'autres lui
parlent de mesurés à prendre pour '
améliorer sa condition. Et, sans
doute, souvent nos objections peu
vent être fort justes. Nous avons
raison de prouver aux ouvriers de
la ville et des champs qu'on les
leurre, et que, sous prétexte de les
servir, On les exploite. Mais cela
dit, prenons donc à notre tour en
mains, avec plus de désintéresse
ment, de sagesse et de sincérité
que nos adversaires, la cause de
ceux qui peinent! Quand nous ne
leur recommanderons plus seule
ment de savoir se restreindre, ils
nous écouteront bien davantage;
peu à peu, ils - nous suivront. Et
notre programme de réformes fera
passer notre programme de résis
tance.
Diminuer, d'une part, les charges
budgétaires qui pèsent sur le tra
vailleur ; lui procurer, en même
temps, plus de bien-être, plus de
sécurité et plus de dignité aussi,
par tout un ensemble de lois ou
vrières : voilà, il nous semble, la
base d'un programme (Faction. Ne
vaut-ii pas mieux travailler à l'éta
blir, puis à l'exécuter, . que d'at
tendre toujours le salut d'un César?
Et d'ailleurs, ne vous y trompez
pas, César, s'il venait, comme il
aurait besoin de rester populaire,
irait très loin dans la voie des ré
formes.
Pierre Veuillot.
~ ÏÏVLLETIPC
Hier, à la Chambre, ori a d'abord dis
cuté V interpellation de M. Sa lis relative
a.u sinistre de la Russie et a l'insuffi
sance des moyens de sauvetage. Puis on
.est arrivé au débat, très attendu, sur
la Lettre de Léon XIII. On trouvera plus
loin le compte rendu de cette impor
tante séance et nous reproduisons des
extraits des principaux discours pro
noncés, notamment des déclarations de
M. Waldeck-Rousseau. La discussion
s'est. terminée par le vote d'un ordre du
jour approuvant les déclarations de M.
Wa Ideck-Ro usseau. .
M. Jules Dansette, député du Nord,
vient de déposer une proposition de loi,
portant rétablissement du scrutin de
liste pour les élections à la Chambre des
députés et organisation de la représen
tation proportionnelle.
Le roi de Suède reprendra le 21 jan
vier la direction des affaires gouverne
mentales qu'il avait dû. abandonner
par raison de Santé. ■ %
Le mariage de la reine Wilhelmine
en Hollande est fixé au! février.
Une dépêche de Pékin affirme que le
protocole de paix a été signé par les plé
nipotentiaires chinois, qui ont aban
donné toute idée de protester contre une
clause quelconque.
Les troupes russes évacuent la pro
vince du Tchi-Li et se dirigent vers la
Mandchourie. Il ne reste qu'un millier
d'hommes destinés à constituer la garde
de la légation à Pékin et les gardes de
Tien-Tsin et de Ghan-Hai-Kouan.
M. Chamberlain, ministre des colo
nies, a, paraît-il, demandé au gouverne
ment de Terre-Neuve de {maintenir le
statu quo en ce qui concerne le « French
shore », les négociations ayant été rou
vertes avec la France sur la question en
litige.
« _
LA POÉSJEJU PAPE
Voici la traduction de la poésie, dont
nous avons donné hier le texte latin. Il
est malheureusement impossible de ren
dre,en passant d'une langue dans l'autre,
la couleur des termes et l'harmonie du
rythme : '
l'an du christ mil neuf cent
la veille des calendes de janvier
PAR JÉSUS-CHRIST
que le siècle naissant '
s'inaugure -
Un siècle s'en va, qui s'illustra en
cultivant les sciences utiles. Qui
conque est épris du bien-être géné
ral et de la mise au jour des forces
de la nature, doit célébrer ce. siècle
par des chants.
. Pour moi, les fautes du siècle qui
meurt me frappent davantage. Je
m'en afflige et je frémis. O honte !
combien nombreux m'apparaissent,
lorsque je regarde en arrière, les
monuments de son déshonneur!
Pleurerai-je les carnages, les
sceptres brisés, la liberté laissée au
monstre de la licence, ou la guerre
funeste dirigée, avec mille ruses,
contre la citadelle du Vatican?
Qu'est devenue la gloire — gloire
que ne ternissait aucune servitude
— de cette Rome, la reine des cités,
que les siècles et les peuples du
rant tant de générations, ont véné
rée comme le séjour des Pontifes?,
Malheur aux lois qui se séparent
de Dieu! Quelle loi de l'honnête,
quelle fidélité peut alors subsister?
C'est les ébranler que de les arra
cher de l'autel, et faire crouler tout
l'édifice des droits.
Entendez-vous? Le troupeau des
insensés qui se disent sages affiche,
des desseins volontairement impies.
Il s'efforce de ravaler à la matière
brute la suprême divinité.
Il dédaigne, dans sa folie, la ge
nèse supérieure de notre race. Re
paissant son esprit d'ombres vai
nes, il confond l'homme et la bête
dans une origine qui ne peut leur
être commune.
Ilélas! combien il est ignomi
nieux, l'abîme où roule la force
aveugle de l'orgueil effréné ! Obser^
vez, mortels, les ordres en tout
temps redoutables de Dieu :
De Dieu qui seul est la vie, la vé
rité certaine, qui est la voie droite
et unique conduisant au Ciel. Lui
seul peut rendre aux hôtes de la
terre, suivant leurs vœux,les années
qui s'écoulent.
C'est lui-même qui naguère a con*
duit vers les cendres sacrées de
Pierre des foules de pieux fidèles
dont les intentions étaient saintes,
et cette renaissance de la piété n'est
pas un vain présage.
Jésus, maître du temps à venir,
bénis le cours du siècle qui se lève :
contrains par ta puissance divine
les nations rebelles à suivre une
voie meilleure.
Fais éclor© les germes d'une paix
bienfaisante ; que les colères, les
troubles et les funestes guerres
s'apaisent enfin ; rejette dans le
royaume des ténèbres les fourbe
ries des hommes pervers.
Que sous ta conduite une seule
inspiration guide les rois, si bien
qu'ils s'appliquent à observer tes
lois ; qu'il y ait un seul bercail et un
seul Pasteur; qu'une Foi unique di
rige le monde.
J'ai achevé ma course, et, par ta
grâce, j'ai vécu deux fois neuf lus
tres. Mets le comble à tes bienfaits,
je t'en supplie, fais qua les vœux
de ton Léon qui te prie ne retom
bent pas stériles.
LÉON XIII.
A LA CHAMBRE
La lettre du Souverain Pontife.
Sans doute M. Sembat eût-il jugé
plus sage de ne pas interpeller s'il
avait pu prévoir que M. Waldeclt-
Rousseau réclamerait, pour le Sou
verain Pontife, le droit de donner
aux catholiques français les conseils
paternels contenus dans son admi
rable lettre au cardinal Richard, et
s'il avait pensé que la Chambre, à
une majorité r de 328 voix contre
146, se refuserait à enjoindre au
gouvernement de poursuivre la sé
paration de l'Eglise et de l'Etat.
Il est vrai que, peu après, une
faible majorité de 15 voix s'est ren
contrée pour reculer devant une
nouvelle affirmation de la nécessité
de maintenir le Concordat, mais
c'était là peut-être beaucoup deman-
der à un parlement trop porté à
l'hésitation, voire à l'incohérence;
la première manifestation avait
d'ailleurs jeté le trouble dans les
rangs socialistes, assez pour trans--
former en déroute le succès es
compté depuis quelques jours.
M. Sembat, pour dire le vrai, s'é
tait montré singulièrement exi
geant; ne prétendait-il pas, après:
avoir sommé le gouvernement de
présenter des remontrances au Va
tican, faire tomber le vénérable ar
chevêque de Paris sous le coup de
l'article 207 du Code pénal, pour la
publication du document pontifical
. dans la Semaine religieuse, et pour
sa communication aux archevêques
et évêques de Franco? . .
On pense si l'extrême-gauche a
trépigné^ hurlé de joie, à la pensée
que le cardinal Richard pourrait
etrë condamné au bannissement.. Il
a fallu qué M. Ribot, sans attendre
les explications du président du
conseil, protestât contre une aussi
singulière théorie de droit criminel,
«t vînt affirmer, avec un courage et
une netteté qu'on eut voulu rencon
trer toujours dans ses paroles et
dans ses actes, que le Pape ne sau
rait être considéré comme un étran-
fjer, mais qu'il doit être tenu pour
e chef spirituel de tous les catnoli-
ques.
La leçon qui a paru fort dure à M.
Sembat s'est trouvée d'ailleurs ap
puyée par M. Waldeck-Rousseau.
Son discours,liabile et d'une argu
mentation serrée, s'est poursuivi'
— pourquoi ne pas. le dire ? — sur
un ton de modération et de défé
rence, dont l'attitude générale du
{>résident du conseil aurait pu nous
aire craindre de le voir, sur quel
ques points, s'écarter.
Avec un certain nombre de ren
gaines gallicanes ressassées par
tous les gouvernements; à côté de
la théorie vieillotte, jamais renou
velée, de l'indépendance et de la
souveraineté absolue du pouvoir
civil, sur laquelle M. Waldeck-
Rousseau se trouvait d'ailleurs en
communauté de principes avec M.
de Ramel, on trouvera dans ces dé
clarations le souci des égards dus
au glorieux Pontife, ami de la
France, et une réfutation très nette
des prétentions de M. Sembat.
Le gouvernement n'a pas pensé
qu'il y eût rien, dans la lettre de
Léon XIII, qui outrepassât le droit 1
du Pape de parler aux catholiques
français d'une législation qui n'est
pas encore en discussion — et le
président du conseil pouvait rappe-
1er que, chaque fois que la voix de !
Rome s'était adressée directement
à la France depuis vingt ans, elle
avait eu pour résultat de fortifier
la grandeur de notre pays et de
faire l'union parmi nous.
Quant à la publication du docu
ment pontifical par les soins du
cardinal Richard, M. Waldeck-
Rousseau s'est attaché à expliquer
à l'orateur socialiste — sans avoir
la prétention de le convaincre -4-
qu'il n'y avait point là motif à pour
suites criminelles, et qu'on ne sau
rait sérieusement assimiler à des
actes de propagande dangereuse,
les sages et paternels conseils du
Pape aux catholiques français. :
Cinq ordres du jour étaient pré
sentés comme sanction à ce dé
bat ; tous approuvaient, d'ailleurs,
plus ou moins expressément les
déclarations du président du con
seil, même celui des socialistes qui^
: une fois convaincus de s.'être four
voyés, n'avaient garde d'accentuer
leur échec, — et tous semblaient
"au gouvernement indifféremment
acceptables.
Le texte de M. Sembat qui s'éle
vait contre « toute ingérence étran
gère dans nos discussions » a été
ecàrté par 257 voix contre 249 ; il en
a été de même d'une formule pro
posée par MM. Ribot, Aynard et
Poincaré qui a été repoussée par
269 voix contre 229, et qui, tout en
approuvant les déclarations du gou
vernement, « affirmait le droit du
pouvoir civil de régler souverai
nement la situation légale des con-.
grégations ». '
Enfin on a voté, par division, sur
un ordre du jour de MM. de la Battit
et Sarrazin La Chambre approuve
les déclarations du gouvèrnement, et
compte sur sa fermeté pour assurer
la défense des droits de l'Etat. »
On a adopté la première partie
par 393 voix contre 74, etla seconde
par 284 voix contre 80.
C'est ici que se plaçait Taddi:
tion de M. Iloltz : « et résolue, dès
la promulgation dé la loi sur les
associations, a poursuivre la sépa
ration de l'Eglise et de
motion, en se déclarant prêt à voter
la loi qui va spolier les congréga
tions — tandis que M. Boutard,
quoique partisan 1 de la séparation
et adversaire, comme il disait avec
l'élégance de langage qui le carac
térise, « du souverain que vous ap
pelez le Pape », considérait l'addi
tion comme « un traquenard ». En
fin de compte, elle était repoussée,
par 328 voix contre 146, sans que la
majorité consentît à aller plus loin
et à voter une autre addition de M.
Gauthier (de Clagny), « et résolue à
maintenir le Concordat ».
Il y avait là vraiment trop de ré
solutions à prendre, en un seul
jour. On est resté sur le refus de
dénoncer le Concordat, et on a dé
claré, par 261 voix contre 246, qu'il
n'y avait pas lieu de proclamer qu'il
doit être maintenu.
... Il y a beau temps, hélas! que
les catholiques n'exercent plus le
droit de réclamer tout ce qui leur
est dû : la manifestation d'hier n ? est
point sans leur paraître consolante,
— et peut-être cette préface au dé
bat qui s'ouvre aujourd'hui, que
M. Sembat voulait, suivant l'expres
sion de M. Ribot, rendre « irritante
et violente », contribuera-t-elle à :
jeter quelques clartés de justice et
aussi de patriotisme dans la cons
cience de ceux qui hésitent encore
à sanctionner une infamie. .
Gabriel de Triors.
» :
SOLIDARITÉ
Monsieur le rédacteur en chef, *
Il est toujours bonde déjouer les ma
nœuvres de ses adversaires, manœuvres
qu'il ne sied pas de marquer du fer rouge
delà déloyauté, mais qu'il ne convient
pas de laisser libres de propager des
bruits aussi faux que malveillants et per
fides. A l'occasion de l'assaut furieux:
que se proposent de livrer demain nos
adversaires, toutes secteB réunies, aux
ordres religieux, les uns disent : Le clergé
séculier demeure indifférent et se désin
téresse de cette charge à fond contre leB
religieux ; et les autres prétendent que ce
n'est pas sans un secret contentement que
les prêtres séculiers voient attaquer les
prêtres réguliers qui, selon leur dire,
seraient des compétiteurs redoutables et
dangereux.
Or, soit ignorance, soit mauvaise-foi,
les uns ètles autres sont dans une erreur
profonde et les hommes hostiles, par
leurs enquêtes aussi discrètes que mul
tipliées, en savent bien quelque chose.
Sauf de bien rares exceptions, car il y a
des esprits paradoxaux partout, tous les
prêtres séculiers ont la plus grande véné
ration pour les prêtres réguliers qu'ils
regardent comme des frères et des auxi
liaires des plus précieux suscités par la
divine Prodivence. Et si, voués à la prière
et aux œuvres de paix, de piété et de cha
rité, ils ne craignaient de soulever les
passions déjà trop surexcitées, tous si
gneraient volontiers cette brève et nette
pétition qu'ils adresseraient aux sénateurs
et aux députés :
« Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
Une foisde plus par la bouche de Léon,
Pierre, le pasteur des pasteurs, le vicaire
du Christ sur terre, a parlé.
Veuillez relire sa lettre adressée à S.
Jim. le cardinal archevêque de Paris et
vous saurez ce îjue les prêtres séculiers
de la France et de tout le monde catho
lique pensent des religieux de tous les
ordres suscités par la divine Providence
dans l'intérêt de toutes les nations de
l'Univers.
Dieu vous inspire de favoriser le déve
loppement de tous ces ordres et de toutes
leurs oeuvres, messieurs les sénateurs et
messieurs les députés, et vous aurez bien
mérité de l'humanité en général' et de la
patrie française en particulier.
C ! est le vœu, n'en doutez j>as, de l'im
mense majorité, pour ne pas dire de l'u
nanimité des prêtres séculiers de la
France.
Ce voeu, réalisezrle, et tous vous béni
ront. » * ■ .
Pour ses frères en le sacerdoce
catholique.
UN CURÉ-I)OYE.\.
: » ' -
LA CRISE CHINOISE
Les vice-rois et gouverneurs.
A peine arrivé à la cour impériale,
le prince Tuan fit voir son hostilité
contre les étrangers. Il lui fallut
d'abord renverser les obstacles in
térieurs qui auraient pu contrarier
ses desseins.
Il se rendit maître du Tsung-li-
Yamen, en s'en attribuant la pré
sidence ; puis il fit nommer deux
boxeurs ; fit disgrâcier cinq mem
bres de ce GOnseil, qui furent en
suite mis à mort; tua dix-sept au
tres fonctionnaires importants. Le
prince Ching, ancien président du
f sung-li-Yamen, ' Joung-Lou, pré
sident du grand conseil, coururent
eux-mêmes les, plus grands dan
gers. Le vieux Li-Iiuag-Tchang
n'eût certainement pas été épargné
s'il avait été à Pékin.
Le prince Tuan lança alors des
édita de proscription contre tout ce
qui était étranger. Heureusement,
on ne lui obéit pas partout. Nous;
ne ^parlerons pas de la Mongolie.
Dans la Chine propre, qui nous oc
cupe surtout en toute cette étude,
on voit se manifester à ce moment;
critique le double courant qui divise
les Chinois eux-mêmes relativement ;
aux étrangers. Parmi les vice-rois
et gouverneurs de provinces, un:
seul partageait toute la haine du
régent contre les Européens : célui-
là seul obéit à la lettre. C'était jus
tement cet ancien gouverneur du
Chan-ïoung, avec qui les mission
naires allemands eurent les premiè
res difficultés. Transféré, comme
nous l'avons déjà dit, dans le Chan-
Si, il y déchaîna les massacres, qui
emportèrent deux évêques avec
leurs prêtres et leurs chrétiens.
, Mais tous les autres gouverneurs,
tous les vice-rois sans exception,
comprirent que s'il était possible:
d'exterminer les étrangers de pre
mière et deuxième catégorie, leur
disparition ne durerait qu'un temps,
que de toutes parts d'autres ac
courraient les venger, et que l'Em
pire céleste aurait à subir des châ
timents terribles. C'est cette crainte
qui explique comment, dans toutes
les autres provinces, les édits d'ex
termination restèrent, en fin d-e
compte, lettre morte. Il y eut bien
ici et là quelque mouvement suscité
par des mandarins ou des lettrés
plus haineux que sages ; mais si le
prince Tuan eût été mieux obéi, il
ne fût pas resté un seul Européen
en Chine.
Sur d'autres points, à Shanghaï,
par exemple, il y eut des craintes
plus ou moins vives, parce qu'on
n'était point sûr des dispositions
des vicerrois ou gouverneurs.
C'est au même dissentiment qu 'il
faut peut-être attribuer le salut des
légations et du Pé-tang. Dans les
premiers jours des deux sièges, l'at
taque fut terrible. Le prince Tuan.
avait lancé, avec les boxeurs, les
soldats réguliers appartenant aux
troupes les plus fanatiques et les
mieux armées, celles de Toun-fou-?
sian. Mais bientôt il dut quitter Pé
kin avec ces réguliers, pour aller
à la rencontre des forces alliées.
Lee soldats, qu'il laissait autour
des légations et du Pétang, agirent
dès lors avec moins de fureur. Il
semble que si les chefs qui res
taient à leur tête, le prince King et
Joung-Lou, avaient sérieusement
voulu raser les bâtiments étran-
fjers, comme ils en avaient reçu
'ordre, la résistance eût été impos
sible. Par exemple, il leur eût été
facile de diriger sur la légation
d'Angleterre, de deux points con
vergents, un feu plongeant qui l'eût
démolie en quelques heures.
Les chefs paraissent avoir choisi
un moyen terme pour se « sauver
la face » tout à la fois vis-à-vis du •
prince Tuan, et vis-à-vis des étran
gers, dont ils savaient et redou
taient la prochaine arrivée. Ils se
contentèrent de suivre une partie
seulement des instructions qu'ils
avaient reçues ; ils n'étaient en
voyés là que pour aider les boxeurs
qui s'étaient chargés, eux, de mas
sacrer sans pitié, mais qui em
ployaient seulement les vieilles ar
mes chinoises. Ils ne firent pas autrë
chose que de leur frayer la voie
jusqu'aux murailles assiégées. Par
exemple, au Pétang. les troupes
régulières ouvrirent à GOups de ca
nons, une large trouée à travers les
maisons et constructions attenan
tes ; leurs canons tonnèrent, jus
qu'à ce que le. chemin fût ainsi pré
paré aux boxeurs, à travers des
ruines jusqu'aux murs si vigoureu
sement défendus ; si le tir avait con
tinué contre ces murailles, la dé
fense eût été presque impossible.
Heureusement, il s'arrêta, alors
ue déjà les assiégés se deman-
aient comment défendre les larges
brèches qui menaçaient de trouer
partout leurs derniers remparts.
D'ailleurs les défenseurs du Pé
tang entendirent souvent des alter
cations très vives entre les boxeurs
et les soldats réguliers de la se
conde période, du siège. « Vous ne
marchez pas avec nous, disaient les
boxeurs, vous sous jetez en avant,
et puis vous nous laissez tuer sans
nous défendre. —Nous faisons ce
qui nous a été commandé, répon
daient les autres ; nous n'avons
rien, nous, contre les « adorateurs
du Seigneur du ciel ».
Mille autres incidents viennent
confirmer cette conjecture qui
oblige à distinguer, pour la respon
sabilité et le châtiment, entre trou
pes chinoises et troupes chinoises.
Après sa déroute, avant de fuir
avec l'impératrice, le prince Tuan
lui fit signer un édit condamnant
à mort le prince Ching et Joung-
Lou, parce qu'ils n'avaient point
rasé, suivant l'ordre, les maisons
des étrangers.
Par là s'expliquerait aussi cette
espèce de trêve dont les légations
bénéficièrent pendant une vingtaine
de jours, et durant laquelle les Chi
nois osèrent leur offrir des rafraî
chissements et des pastèques. Au
Pè-tang, on ne comprenait rien à
ce silence inaccoutumé du côté de
l'Est, et on en augurait les plus gra
ves éventualités.
De même encore, après la prise
de Pékin, les alliés ont plusieurs
fois trouvé des troupes régulières
qui, au lieu de les combattre, leur
préparaient des vivres, et tiraient
elles-mêmes sur les boxeurs.
. L. G.
• — : i » ■. , —i :
CORRESPONDANCE ROMAINE
Iiome, 10 janvier.
SUB HOSTILI BQMÂTIOKE
La propagande protestante à Rome.
Léon XIII Vient, comme vous
l'avez déjà annoncé, d'ajouter un
acte à tous les actes qui, dans ces
derniers temps, ont ruiné le rêve
d'une conciliation libérale.
Répondant au discours du duc do
Norfolk, que l'on a pu lire déjà, le
Pape s'est exprimé en ces termes :
« Tous, vous déplorez les maux
qui Nous affligent dans cette situa
tion pénible que nous subissons
plutôt que de renoncer à des .droits
sacrés et à l'indépendance qui Nous
est nécessaire pour le libre exercice,
à travers le monde, de Notre minis
tère apostolique.
a Dans ces derniers temps, comme
vous avez pu le constater vous-
mêmes, un nouveau suiet d'amer
tume s'ajoute à Nos douleurs. Sous
Nos -yeux, .dans cette Ville sainte,
3ui devrait être le centre respecté
e la catholicité, il est permis à des
sociétés de propagande religieuse
de profiter des tristes conditions
économiques du pays pour corrom
pre la foi de Nos enfants, et cela, au
nom du faux principe du jugement
privé, qui affecte pourtant de lais
ser à chacun le droit d'interpréter
à sa façon la doctrine du Christ.
« Vous avez raison de protester
contre cet état de choses qui vous
fait mieux comprendre les circons
tances douloureuses dans lesquel
les Nous avons vécu pendant les
vingt-trois années de Notre -ponti?
ficat. »
On a pu constater déjà, dans la
causerie que le Souverain Pontife a
adressée au comité international,
dimanche dernier, combien Léon
XIII se préoccupe de la propagande
protestante à Rome.
C'est là, en effet, une des mani
festations de l'incessante activité
des ennemis de la Papauté. C'est
d'un œil extrêmement bienveillant
qu'ils considèrent la propagande
insidieuse du protestantisme au
sein des masses populaires.
Entre les sectes qui dépensent
des sommes considérables pour
arracher au Pontife suprême « sea
enfants », etla maison qui lui a pris
son peuple, il y a sympathie ins
tinctive. Le 20 septembre , nous
l'avons observé, a été marqué par
l'indifférence das Romains : les
maisons plus ou moins « évangéli-
ques y> se sont au contraire ce jour-
là tapissées de bannières et couver
tes d'inscriptions.
Du moins, le Quirinal doit être
fixé maintenant sur le succès d'une
politique à double face: il s'était
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