Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-01-10
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 janvier 1901 10 janvier 1901
Description : 1901/01/10 (Numéro 12013). 1901/01/10 (Numéro 12013).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710605d
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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Nt-iCa--
Jeudi 1G Janvier 1901
i mu in mu "TTiiii«n m i i mil—iiiwiiii wiiiiihiwnni
Edition 4uotidiôiin0. «•» 12,013
Jeudi 10 Janvier 19Ô1
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
et départements
Un an 40 »
Six mois...... 21 »
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LE MONDE
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L'UNIVERS ne répond pas-des manuscrits qui M sont adressés
- ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et 0'", 6, place de la Bourse
.... PARIS, 9 JANVIER 1901
SOMMAIRE
Quatre-vingts voix ; Pierre veuxltof.
Autres éclaircisse
ments. ....... Eugène Veuillot.
Le plan Waldeck, . . Eugène Tavbrnier
Çà et.. là.: Le style,
c 'est l'homme..,.. A. de SÉGUB.
La guerre sud-afri
caine F. L.
A la Chambre..,... Gabriel de Triors.
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — La let
tre de S.S. Léon XIII et l'épiscopat. —
Les éleciioHS autrichiennes. — Une me
sure odièuse.—Le port de la soutane. —
L'habit ecclésiastique. — Le fisc et les
congrégations. —Informations politiques
et parlementaires. — < A l'Hôtel de Ville.
— A travers la presse. — Chronique. —
Lettres, sciences et arts. — En Chine.
# — La guerre du Transvaal — Dépêches
de l'étranger. — Une grotte de Lourdes
dans les jardins du Vatican. — Cours de
religion. — Bulletin bibliographique. —
Chronique religieuse. — En province. —
Néorologie.— Kchos de partout. — Guerie
et marine; —Un paquebot en perdition.
— Le froid et la neige. — Tribunaux. —
Nouvelles diverses. — Calendrier. -^Bour
se et bulletin financier. — Dernière
heure.
QlATitE-VMTS VOIX
C'est le chiffre, rond, de la ma
jorité, à la Chambre. Seulement, il
y a deux sortes de scrutins. Au
scrutin public, cette majorité vote
pour le ministère. Au scrutin se
cret, elle vote contre lui. La propor-
, tion se renvèrse exactement.
Une fois encore, ^existence de
cette majorité contradictoire est
prouvée par la réélection de M.Des-
chanel.
On voudrait diminuer la portée dé
cette manifestation, en disant que
le vainqueur d'hier est plus sympa*
thique,— que son concurrent malheureux.
L'explication serait à peine admis
sible, même si M. Deschanel ne
l'avait emporté que de quelques
suffrages. La vérité n'est point là.
M. Brisson ne pla.it qu'à, moitié,
sans doute, à certains députés de
la gauche. Mais tous les députés du
centre et de la droite ne sont pas
férus de son vainqueur. Au point
de vue professionnel, M. Brisson,
pour triste qu'il soit, préside bienj
avec une suffisante impartialité.
Plus agréable à voir, c'est positif,
M. Deschanel manque parfois'un
peu de souplesse et de présence
d'esprit. Tous les deux peuvent
donc rencontrer quelques récalci
trants dans leurs partis respectifs.
Et voilà qui rétablit à peu près l'é
quilibre.,
En- tout cas, ces considérations
secondaires ne sauraient détermi
ner un gros écart de voix.
L'élection d'hier est une élection
politique; Pendant la session qui
s'ouvre ©t qui doit être d'une im
portance capitale, l'esprit de tolé
rance et l'esprit sectaire vont se
trouver aux prises, nettement. M.
Deschanel a 1 honneur de représen
ter le premier ; M. Brisson inearné
le second; Nul ne s'y trompe. Le
cabinet Waldeck-Rousseau, qui s'ap
puie de plus en plus sur toutes les
forces sectaires, a fait campagne,
ouvertement et ardemment, contre
M. Deschanel et pour M. Brisson.
De part et d'autre, on s'est averti,
on s'est rallié. Aucune équivoque;
pas la moindre incertitude ; la ques
tion posée n'en comportait pas. Il
s'agissait, pour la Chambre, de
" manifester par son premier vote ses
véritables tendances Peut-on croire
que, dans une occasion si grave,
des préférences personnelles et le
désir de voir au fauteuil une figure
avenante modifient plus de quatre
ou cinq bulletins?
Le parti de la tolérance l'a em
porté de soixante-dix-neuf voix sur
le parti de l'oppression. Voilà le ré
sultat, très clair, du vote. Et l'élec
tion des vice-présidents, où les deux
modérés, MM. Cochery et Aynard,
tiennent de loin la tête, souligne
cette victoire. -
C'était au scrutin secret. Cé genre
de scrutin a ses défauts. Mais il a
une qualité incontestable : il est
sincère. La réélection de M. Des
chanel nous démontre donc, et par
lin vote plus significatif cette fois
que jamais encore, qu'il y a au Pa
lais-Bourbon une majorité modé
rée, semi-libérale, contraire à la
politique et aux projets du minis
tère Waldeck-Millerand.
Iléîas! ce , n'est pas une décou
verte; c'est une confirmation! Nous
le savons bien, que le- cabinet ac
tuel n'a pas véritablement la majo
rité à la Chambre. Mais ce que nous
savons aussi, c'est qu'à tous les
.scrutins publics, depuis vingt mois
îhîentôt, quand il a posé la question
de confiance, les bulletins qui lui
étaient favorables l'ont emporté
dans l'urne sur les hostiles. Une
cinquantaine de députés, qui trou
vent mauvaise et dangereuse l'œu
vre du ministère, n osent pas le
dire, en donnant leurs noms. Ils ap
prouvent tout haut ce qu'ils blâment
tout bas. Nous ignorons comment
ces pusillanimes cherchent à s'ex
cuser vis-à-vis de leurs conscien
ces. Peut-.être n'essaient-ils même
point. Ce qu'on doit leur déclarer,
c'est "qu'ils soat plus méprisables
que les sectaires..
N'auront-ils pas,, un jour, deux
minutes dè courage? Tout arrive;
et il est possible que la défaite
éclatante de M. Brisson, en leur
prouvant qu'il y a décidément une
"majorité pour une autre politique^
les détermine à se prononcer enfin
contre celle de M. Waldeck-Rous-
seau. Mais si l'espoir n'est pas dé
fendu, on aurait tort de trop s'y
confier. ~ ,
Pierre Veuillot.
"BULLETI&C
A la Chambre, la. première, ou plutôt
les deux premières séances de la. session
ordinaire ont èléprésidées par M. Rau
line, doyen d'âge.
Nous avons reproduit hier en Der
nière Heure Véloquente allocution du dé
puté conservateur de la Manche qui a
été presque unanimement applaudie.
Après quoi, la Chambre a nommé son
bureau définitif. Nos lecteurs savent
déjà que M. Deschanel a battu son con
current ministériel, M. Brisson, par
296 voix contre 217.
Hier, au Sénat, la première séance a
été présidée par M. Wallon, doyen d'âge,
qui a prononcé un admirable discours.
La Haute assemblée a décidé de procé
der demain à l'élection de son bureau
définitif.
Le Reichstag vient de rentrer en ses
sion-, on trouvera plus kmi une brève
analyse du discours du trône.
Les Etats-Unis viennent de proposer
que les questions relatives à l'indemni
té chinoise et à l'établissement des tiai-
tès de commerce avec le Céleste-Empire
fussent examinées et résolues par une
commission internationale, siégeant soit
à Washington, soit dans la, capitale
d'une des puissances alliées.
On n'a aujourd'hui aucune nouvelle
importante de la guerre du Transvaal,
mais les dépêches publiées indiquent
que les Boers continuent leur marche
vers le sud dans la colonie du Cap et
qu'ils trouvent bon accueil auprès des
Afrikanders.
+
NOUVELLES DE ROME
Sa Sainteté Léon XUI.
Rome, 6 janvier.
Aujourd'hui, 6 janvier, à 5 heures, le
Souverain Pontife est descendu à Saint-
Pierre, pour offrir solennellement au
Christ Rédempteur le XX® siècle. Le
Saint-Père avait consenti à se rendre aux
conseils du docteur Lapponi et s'était
abstenu de célébrer lui-même la messe
pontificale, qui a inauguré le siècle, dès
sa première heure, dans la basilique va-
ticane. Il a cependant, comme nous l'a
vons annoncé, dit la messe, au même
moment, dans sa chapelle privée. —
C'est pour satisfaire plus complètement
sa piété que le Pape a voulu accomplir la
cérémonie de ce soir. Le Te Deum a été
entonné par Léon XIII qui a, ensuite,
donné la bénédiction pontificale à la mul«
titude de ses fidèles. A l'arrivée et au
départ, le Pape a été acclamé avec en
thousiasme par la foule immense qui
remplissait Saint-Pierre. ■:
La basilique était, splendidement illu
minée comme dans la nuitdu 1" janvier.
Etaient présents un grand nombre de
cardinaux etd'évêques; la comtesse de
Trani; S. Exc. M. Nisard. ambassadeur
de France, avec MM. de Navenne et
Laudet.
— Aujourd'hui aussi, vers midi, a eu
lieu, au Vatican, dans les locaux du Bel
védère, un banquet -organisé par le co
mité romain, en faveur de mille pau
vres. ■
Audiences pontificales.
Le 4 janvier, S. S. Léon Xlllia reçu,
en audience particulière, S. G. Mgr J.
Gentili, "archevêque d'Agra (Asie). Le
même jour, comme YUnivers l'a annon
cé déjà, le Pape a reçu le duc de Nor
folk.
A propos de cette audience et du- pèle
rinage anglais, la Tribuna avait publié
des commentaires assez perfides. Le duc
de Norfolk a cpupé court aux légendes
qu'on tâchait de créer. Si les pèlerins
anglais ont retardé leur visite, à Rome,
ils n'ont eu aucunement l'intention de
protester contre la prétendue hostilité de
quelques prélats à l'égard de l'Angle
terre ; a les motifs de ce retard sont indi
qués à la première page du manuel de
prières » des pèlerins, en tête de laquelle
on lit que les pèlerins anglais sont venus
à Rome pour accomplir un acte d'hom
mage et d'amour au Rédempteur au com
mencement du siècle.
La vie catholique & Rome.
A Saint-André délia Valle, l'octave de
l'Epiphanie est solennlsée,. comme les
années précédentes,, par une série de cé
rémonies, dans les divers rites catholi
ques orientaux. Aujourd'hui, dimanche,
l'office pontifical a été célébré dans le
rite syro-maronite; il le sera demain
lundi, dans le rite arménien, mardi, dans
le rite chaldéen; mercredi, le Rme arch.
Smolikowski, supérieur général des Ré-
surrectionnistes, chantera la messe so
lennelle dans le rite slave ; jeudi, l'office
pontifical sera célébrédans le rite syrien ;
vendredi, Mgr B. Lwicki chantera la
messe dans le rite gréco-ruthène ; sa
medi, Mgr L. Maladinoff dira la messe ,
dans le rite gréco-bulgare ; dimanche,
Mgr G. Schiro, archevêque titulaire de
Néocésar ée, célébrera la messe pontificale
dans le rite grec. Cette coutume qui ex
prime au vif l'union de l'Orient chrétien
à l'Eglise romaine a été inaugurée à Saint
André delle valle par le vénérable Pal-
lotti en 1836 ; l'apostolique fondateur de
la Pia Soc ietà delle Missioni'{ Pallot-
tini) semble avoir pressenti les direc
tions pontificales-sur l'union des églises
et sur le respect des rites orientaux.-
: ♦ .■ ;•
AUTRES ÉCUIRCISSEKENTS
Des journaux plus ou moins ré-
fractaires annoncent que plusieurs
évêques « se sont ralliés autour de
la lettre de Léon XIII »; d'autres
disent se sontassociés alalettrepon-
tificale.
Ces journaux et ceux qui se tai
sent peuvent dire en toute assu
rance que tout l'épiscopat français
s'associe sans réserve aux instruc
tions pontificales et juge la ques
tion aes congrégations comme la
juge le Pape. Il n'y a pas, il ne peut
pas y avoir de dissidence sur ce
point.
Le même accord existe et s'affir- j
mera au besoin dans tout le clergé
paroissial et parmi tous les prêtres j
voués plus particulièrement aux
diverses œuvres de charité, d'en
seignement, de propagande.
Parce que des difficultés surgis
sent quelquefois entre un curé et des
religieux, certaines feuilles et cer
taines gens veulent croire à une
hostilité profonde entre les séculiers
et les réguliers. Allons donc ! C'est
se tromper gravement sur les uns
comme sur les autres et leur faire
injure également. Il peut y avoir,
par circonstance, des rivalités, des
froissements, même des querelles;
mais quand les principes sont en
cause l'entente est absolue et cor
diale. C'est le devoir et c ? est le fait.
On le verra.
Le projet de loi contré les con-
grégations, étant un acte de persé
cution, sera aussi une œuvre d'u
nion. Il n'a pas à la créer, l'union :
elle existe, mais il la rendra plus
éclatante. Voici ce que nous écrit
un curé de campagne :
Le fourbe (lisez le ministre des cul
tes), dans son discours de Toulouse, a
représenté le clergé régulier et le clergé
séculier comme des frères ennemis, très
heureux celui-ci de voir tomber celui-là;
Il va devant la Chambre formuler la
même accusation. Si le Pape n'avait pas
parlé, il l'eut probablement rangé parmi
les approbateurs de son projet de loi...
Si le clergé séculier est appelé à par
ler, il prouvera tout le contraire ; il sera
unanime à protester contre la loi qui
veut frapper les congrégations... Je le
vois par le langage qui se tient dans no
tre diocèse.
M. Waldeck-Rousseau, président
dû conseil, ministre de l'intérieur
et des cultes,est l'homme de France
le mieux en situation d'être large
ment informé. Qu'il use .de ses
moyens d'information et il saura
qu'à Toulouse... et ailleurs il a
parlé contre la vérité. On est libre
de croire qu'il le savait au moment
même où il parlait.
Eugène Veuillot.
LE PLAN WALDECK
L'un des correspondants pari
siens du Journal de Genève, lequel
dans la circonstance n'est rien de
moins que M. Sabatier, le profes
seur de théologie protestante, indi
que comment M. Waldeck-Rous
seau a été amené à engager la lutte
religieuse :
Causant l'autre jour avec un homme
parfaitement au courant des choses et
des hommes politiques et lui ayant nette
ment posé la question, il me répondit en
ces termes : a M. Waldeck-Rousseau est
un beau joueur ; il compte sur son étoile,
sur son talent et la souplesse de son es
prit. Il est difficile d'admettre qu'il s'est
lancé dans cette grosse opération par
passion anticléricale. Mais il avait be
soin de la passion anticléricale, comme
il avait besoin du concours des socialis
tes. Il compte se servir de l'une comme
de l'autre pour se maintenir au pouvoir.
Vous n'ignorez pas que sa majorité par
lementaire est composée de deux frac
tions qui ne s'aiment guère et qu'il n'est
pas facile de tenir unies. Les radicaux
jalousent les socialistes et en ont peur,
surtout au point de vue électoral. Pour
les retenir, le ministère n'avait qu'un
moyen : la guerre au cléricalisme. Il y
a sur ce point un parti pris, ou, si vous
aimez mieux, un respect humain qui fera
toujours marcher la gauche républicaine
malgré elle.
« Voilà pourquoi M. Waldeck-Reusseau,
dans son discours de Toulouse et depuis
lors, n'a cessé de mettre le vote de la loi
sur le droit d'association en tête de son
programme politique. Jusqu'à présent
l'événement lui a donné raison; Les ré
publicains l'ont suivi, malgré M. Méline,
et M. Barthou lui-même, tout en faisant
surtout le reste de la politique ministé
rielle les plus expresses réserves, s'est
rallié à la partie de cette politique qui
vise les congrégations religieuses. C'est
ainsi, par diplomatie parlementaire plus
peut être que par décision indépendante
et réfléchie, que M. Waldeck Rousseau a
été conduit à soulever le terrible pro
blème en question et s'est imposé la
tâGhe de le résoudre ou de périr. »
Le correspondant du Journal de
Genève est d'avis que le programme
est dangereux, puisque « la logique
« des choses et la politique du mi-
« nistère nous mènent, à la pro-
« chaine échéance électorale, dans
« une situation où les républicains
« n'auront guère qu'à choisir, eom-
t me en Belgique, entre le socia
le lisme et le cléricalisme ». C'est
pourquoi M. Sabatier se demande si
"lé gouvernement a p^éyu « toute la
« violence de la tempête qu'il va
« déchaîner... et s'il ne se laissera
« pas effrayer par les événements
« et les Complications qui vont sur-
« gir au dedans et au dehors ».
M. Sabatier aurait voulu que le
gouvernement essayât de diviser ls
clergé séculier et les congrégations.
Il reproche aux républicains fran
çais ae s'être toujours laissé égarer
par leur fanatisme irreligieux. Sa
conclusion est que ce serait bien
étonnant « s'ils n'étaient pas encore
« unefoisvaincusous'ilsnepayaient
« pas la victoire si cher qu'ils fus-
« sent ies premiers à la regretter ».
N'oublions pas que ces paroles
sévères sont prononcées par un
adversaire du catholicisme, par un
écrivain très au courant delà poli
tique internationale et dreyfusard
militant. Ainsi les hommes intelli
gents et prévoyants ont peur. Quel
les sont donc les complications
qu'ils s'attendent à voir surgir au
dehors ?
Eugène Tavernier. -
Çà et là
LE STYLE, C'EST L'HOMME
Buffon l'a dit, et il a eu raison de. le
dire : le style c'est l'homme, parce que
lé style est,comme la parole, la manifes
tation de la pensée. La pensée de l'hom
me est diverse, la parçle, dite ou écrite,
l'est aussi ; et l'expression de la pensée
prend naturellement la forme, la cou
leur; la n«ance de l'esprit qui la produit,
comme l'habit prend la forme .du corps
qu'il recouvre.
Néanmoins, il y a des écrivains, même
parmi les plus célèbres, dont le style n'a
aucune originalité dans l'expression,
mais qui révèle l'âme par la pensée, par
le sentiment. Examinez"le style de Voir
taire, il est net, limpide, lumineux mê
me à force de clarté ; original, il ne l'est
point. Ce style pourrait revêtir des pen
sées, des sentiments élevés, religieux,
aimables et bons, tout aussi bien que les
imaginations de l'auteur de la Pucelle ;
c'est par le fond seul qu'il révèle la ma
lice, l'impiété furieuse de l'esprit de Vol
taire, esprit de mensonge sacrilège, de
rire haineux et de rage satanique.
Les écrivains de génie sont tous origi
naux ; c'est le caractère propre des grands
classiques du dix-septième siècle: C'est
auési celui des cinq ou six grands écri^
vains du dix-neuvième, tels que Chateau-
.briand,.Lacordaire et nos_trois grands
poètes, Lamartine, Musset, Victor Hugo.
Victor Hugo, pour ne parler que de lui,
a l'originalité d'une puissance poussée
jusqu'au débordement, d'une grandeur
poussée jusqu'à i'énormité. II passe du
ridicule au sublime, dusublime au ridi
cule avec une incroyable aisance, et c'est
par cet excès d'originalité qu'il prête si
facilement à l'imitation et à la parodie.
Après ces grands noms, je puis nom
mer aussi Louis Veuillot, toujours admi
rable dans l'expression des sentiments
les plus tendres, de l'enthousiasme le
plus généreux, comme dans ses saintes
colères, ses ironies les plus acérées, ses
flagellations les plus retentissantes. Il
exprime ce qu'il pense, ce qu'il sait, ce
qu'il aime ou déteste, ce qu'il admire ou
méprise, avec une vigueur, une élo
quence, un charme, toujours les mêmes,
parce qu'il est toujours vrai. Le beau,
comme il l'a dit lui-même dans un vers
justement c<51èl/re- i
Le beau, c'est le bon sens qui parle bon
[français.
Je me rappelle, «t c'est ce qui m'a don
né l'idée de ces réflexions, une aventure
assez originale, aventure littéraire déjà
lointaine, que je raconterai aussi simple
ment que s'il s'agissait d'un autre que
moi.
J'écrivais déjà de temps en temps, en
amateur, dans YUnivers, habitude que
j'ai toujours conservée, et Louis Veuillot
me témoignait la plus aimable bonté.
Un jour il me demanda de lui rendre un
service; il s'agissait d'un article qu'il
avaitpromia à mon frère, Mgr de Ségur,
sur un de ses ouvrages, et qu'il ne trou
vait pas le temps d'écrire : a Faites-le
pour moi, me dit-il; je le reverrai et je
le signerai : vous en aurez la peine, j'en
aurai la gloire et je vous en serai recon
naissant. »
Je me défendis mollement de ce dan
gereux honneur, car au fond j'étais très
flatté de la proposition, et je me mis à l'œu
vre. Deux jours après, j'apportai mon
article à Veuillot qui le lut, le trouva
parfait, y changea quatre ou cinq mots,
et le signa bravement.
,. L'article parut. Le jour même, ma
sœur Sabine, qui n'était pas encore en
trée à la Visitation, et qui lisait son cher
Univers avec exactitude, me dit, dès
qu'elle m'aperçut : « As-tu lu le bel arti
cle de Louis Veuillot sur le livre de Gas
ton ?—Tu le trouves beau?fis-je souriant.
— Charmant, et toi? — Moi aussi, car
c'est moi qui l'ai fait! — Toi ! pas possi
ble ! — Merci du compliment, mais c'est
comme cela. — Comment, poursuivit-
elle me prenant le journal, et me mon
trant une phrase, c'est toi qui as écrit ce
mot-là? — Celui-là, non. — Et celui-ci ?
—-î- Non plus. — Et ce troisième ? — Pas
davantage ! «
J'espérais qu'elle me ferait grâce du
quatrième et du cinquième. Elle fut im
pitoyable ; les cinf mots y passèrent,
partout sans hésiter elle avait reconnu la
griffe du maître.
Si du moins elle avait pu se tromper à
mon avantage et reconnaître quelque
chose de Veuillot dans un seul petit pas
sage de mpn cru, elle eût de sa douce
main pans£. la blessure faite à mon
amour-propre. Mais non, je dus boire le
calice jusqu'à la lie, je ne me consolai
qu'en gardant pour moi les découvertes
de ma sœur, tout en confiant à quelques
intimes, sous le sceau du secret, que j'é
tais l'auteur de l'article. i
Qui oserait dire, après cette épreuve
que M. de Buffon s'est trompé en écrivant
sa phrase célèbre : Le style, c'est l'hom
me? -
A. DE SÉGUR.
L& GUERRE SUO-AFRICÂiNE
Les nouvelles dé l'Afrique aus
trale sont rares et ne répondent
que très imparfaitement à notre cu
riosité impatiente, à l'intérêt si lé
gitime et si passionné avec lequel le
monde civilisé suit pas à pas le
drame formidable qui déroule là-
bas ses péripéties inattendues. Ce
n'est pas tout ; on dirait que la cen
sure Britannique, après avoir trié
les maigres informations qu'elle
est forcée de laisser passer, prend
en outre s©in dé les manipuler, et
de telle sorte que de leurs rensei
gnements, devenus obscurs ou con
tradictoires, il est à peu près im
possible de tirer une -idée nette ou
d'ensemble touchant la situation
respective des belligérants, et en
core moins de hasarder des prévi
sions fondées sur une notion exacte
de l'état réel des choses.
Malgré cela, des faits considéra
bles sont acquis et constatés, même
par ' la presse d'outre-Manche ;
ceux-ci, entre autres. : tandis que le
général Botha retient au nord de
l'Etat d'Orange et dans le Trans
vaal le gros des forces britanni
ques, les nombreux chefs boers qui,
à la tête de colonnes ou comman
dos à effectifs variables, mais d'une
hardiesse et d'une mobilité admira
bles, ont envahi la colonie du Cap,
ces chefs, disons-nous, se répandent
sur un territoire d'une, énorme
étendue (quelque chose comme la
France et l'Allemagne .réunies),
coupent où menacent les principales
lignes de chemins de fer, voies in
dispensables de ravitaillement pouf 1
les troupes et les garnisons anglai
ses, dont ils paralysent ainsi les
mouvements, et se rapprochent très
sensiblement de la ville même du
Cap.
Ces faits indéniables ont-ils toute
la portée qu'à première vue on se
rait tenté deleur attribuer? C'est la
question que'l'on doit se poser,et à
laquelle on ne pourrait répondre
avec quelque autorité que si-l'on
était bien exactement renseigné sur
les dispositions et les actes des
Afrikanders.
Que ceux-ci donnent ..aux Boers
un concours notableet très précieux,
soit en renforçant leurs rangs, soit
en les ravitaillant et en leur four
nissant d'opportuns renseignements,
cela n'est pas douteux; mais ce
concours persévérera-t-il jusqu'au
bout, sous la menace, des repres
sions impitoyables auxquelles il ex
pose les Afrikanders qui seront
convaincus de participation à la
guerre, c'est-à-dire, dans l'espèce, à
une révolte, puisque'les cokms du
Cap sont sujets britanniques? Il y a
là, nous le répétons, une question à
laquelle seuls les faits répondront;
mais leur réponse peut bien être
conjecturée moyennant une alterna
tive, car elle est toute dans la pré
vision-erronée ou fondée d'un sou
lèvement général des Afrikanders :
si ce soulèvement n'a pas lieu les
Boers seront finalement vaincus et
peut être exterminés; s'il se produit,
les Anglais perdront l'Afrique aus
trale comme ils ont perdu les Etats-
Unis.
F. L.
A LÀ CHAMBRE
La défaite de M. Brisson.
Mauvaise journée pour le cabinet
qui voit décidément, dans tous les
scrutins secrets et dès qu'un vote
peut être émis librement, sa majorité
l'abandonner.
M. Paul Deschanel est réélu pré
sident par 296 voix, tandis que M.
Brisson, candidat de la concentra
tion radicale socialiste, n'en obtient
que_217.
Ce n'est point faute cependant
d'avoir battu, le rappel dans les lo
ges et arrière-loges eh faveur du
sinistre sectaire ; ce n'est point
faute d'avoir cherché à lui conquérir
des suffrages nouveaux par des me
naces et des promesses — il a tout
juste trois voix de moins qu'il y a
un an.
Ses amis, jusqu'à la dernière
heure, avaient escompté la lâcheté
et l'ambition d'une cinquantaine de
députés, qui devaient déplacer en
faveur de l'homme de la franc-ma
çonnerie la majorité acquise à M.
Paul Deschanel.
Du côté de la gauche etdel'ex-
trême-gauche, pendant, le défilé à
la tribune, on semblait vouloir scru
ter un à un les plis fermés que les
votants douteux jetaient dans l'up-
■ ne, et le général André, qu'aucun
devoir professionnel n'appelait hier 1
au Palais-Bourbon, était là, lui
aussi, immobile dans l'hémicycle,
prêt à saluer le triomphe de son pa
tron.
Il a fallu déchanter et, après
avoir entendu, formulée par le pré-
sident_ d'â^e, M Rauline, la belle
définitionde la République libérale,
les jacobins et les sectaires ont en
registré leur retentissant échec.
Pouvons-nous espérer, comme le
proclamait imprudemment, pour
stimuler le zèle de ses amis du Par
lement, un organe anticlérical, que
l'élection de M. Paul Deschanel en
traînera la lamentable faillite des
projets de loi sectaires?
Les catholiques n'osent l'espé
rer ; ils savent qu'ils auront à lut
ter pied à pied pour empêcher la
législation jacobine d'enlever à l'E
glise et aux congrégations religieu
ses ce qui leur reste de liberté; ils
savent aussi que, dans une bataille
à visage découvert, il est plus fa
cile aux partis extrêmes de dominer
et d'entraîner par la peur.
Il est certain, toutefois, que le
grand débat va s'ouvrir dans des
conditions plus favorables, dirigé
par, un président qu'on vient (le
réélire, non seulement-pour la dis
tinction de son esprit et l'aménité
de son caractère, mais aussi pour
le soin qu'on attend de lui à faire
toujours respecter la liberté des
orateurs.
Il nous est bien permis, d'ailleurs,
pour l'instant, de nous féliciter d'un
succès auquel .nos adversaires at
tachaient un si haut prix.
Les quatre vice-présidents ont
été réélus :
MM. G. Cochery. ......... 341 voix
Aynard.. ........... 328
Maurice Faurè. 313
Mesureur 204
Sept secrétaires ont été élus au
premier tour :
M.M. Surcouf ... 333 voix
Brindeau.... ... 327 -
. Rajon................ 297
Massé.. .... 281
Bonipard 259
De l'Estourbeillon.... 255
Rouland ; 255
Il a fallu un deuxième tour de
scrutin pour le huitième secrétaire ;
on avait mis en ballottage le jeune
révolutionnaire J.-L. Breton, connu
par ses attaques sottes et haineu
ses contre l'armée, et on lui a fina
lement préféré M. Compayré, élu
par 187 voix. >
Deux questeurs ont" pu être pro-,
clamés sans ballottage : MM. Gus
tave Rivet, avec 286 voix, et Leche-
vallie'r, avec 2'85.
Pour M. Guillemet, troisième
questeur sortant, il a fallu trois
tours de scrutin.
Après le deuxième tour, on s'est
avisé de l'absence du « quorum »,
et alors que la Chambre venait de
fixer sa prochaine séance à jeudi,
l'extrême-gauche a réclamé et ob
tenu après pointage qu'une séance
serait tenue dans cinq minutes,
c'est-à-dire à huit heures et demie,
pour achever l'élection du bureau
et pour pouvoir, suivant le vœu du
socialiste Walter, « fixer dès jeudi
l'ordre du jour des prochains tra
vaux ».
A neuf heures, enfin, M. Guille
met était proclamé élu questeur par
81 suffrages contre 53 donnés à M.
Ilerbet.
Le président d'âge, M. Rauline,
n'a point voulu lever cette deuxième
séance sansremercier ses collègues
de l'accueil qui lui avait été fait.
Jeudi, M. Paul Deschanel prési
dera à l'installation du bureau dé
finitif, —et M. Walter pourra récla
mer la discussion immédiate et sans
désemparer de la loi con tre-les con
grégations.
Reste à savoir si la Chambre sera
aussi pressée que l'ancien maire
jacobin de Saint-Denis.
. Gabriel de Triors.
—= ♦ : — —
LA LETTRE DE S. S. LÉON XIII
ET L'ÉPISCOPAT
Presque toutes les Semaines reli
gieuses ont déjà publié la lettre
adressée par Sa Sainteté Léon XIII
à S. Em. le cardinal Richard et re
lative aux congrégations religieu
ses.
Plusieurs ont accompagné d'ad-^
hésions chaleureuses ce grave do
cument.
La Semaine de Viviers s'exprime
ainsi:
Dans cette Lettre, si modérée déformé,
mais si forte de raisons et si précise, pas
une ligne, nous pourrions dire pas ùn
mot, qui ne respire le plus généreux, le
plus magnanime amour de la France.
Puisse cette grande voix être entendue
par ceux qui ont mission de présider, en
ce moment, à ses destinées et qui, en
rouvrant plus vive que jamais l'ère des
divisions religieuses au sein d'un pays
qui a tant besoin d'apaisement, encour
raient une responsabilité si lourde devant
leur patrie et devant l'histoire !
A l'occasion des réceptions du
1 er janvier, NN. SS. les évêques ont
également parlé du document pon
tifical.
Nt-iCa--
Jeudi 1G Janvier 1901
i mu in mu "TTiiii«n m i i mil—iiiwiiii wiiiiihiwnni
Edition 4uotidiôiin0. «•» 12,013
Jeudi 10 Janvier 19Ô1
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
et départements
Un an 40 »
Six mois...... 21 »
Trois mois 11 »
ETRANGER
(union postal^
51 »
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UN NUMÉRO l Paris -- 10 cent.
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On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
LE MONDE
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et départements (uniok postale)
Un an 20 » 28 »
Six mois...... 10 » 13 »
Trois mois 5 » - 6 50
Les abonnements partent des 1« et 16 de chaque moi»
L'UNIVERS ne répond pas-des manuscrits qui M sont adressés
- ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et 0'", 6, place de la Bourse
.... PARIS, 9 JANVIER 1901
SOMMAIRE
Quatre-vingts voix ; Pierre veuxltof.
Autres éclaircisse
ments. ....... Eugène Veuillot.
Le plan Waldeck, . . Eugène Tavbrnier
Çà et.. là.: Le style,
c 'est l'homme..,.. A. de SÉGUB.
La guerre sud-afri
caine F. L.
A la Chambre..,... Gabriel de Triors.
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — La let
tre de S.S. Léon XIII et l'épiscopat. —
Les éleciioHS autrichiennes. — Une me
sure odièuse.—Le port de la soutane. —
L'habit ecclésiastique. — Le fisc et les
congrégations. —Informations politiques
et parlementaires. — < A l'Hôtel de Ville.
— A travers la presse. — Chronique. —
Lettres, sciences et arts. — En Chine.
# — La guerre du Transvaal — Dépêches
de l'étranger. — Une grotte de Lourdes
dans les jardins du Vatican. — Cours de
religion. — Bulletin bibliographique. —
Chronique religieuse. — En province. —
Néorologie.— Kchos de partout. — Guerie
et marine; —Un paquebot en perdition.
— Le froid et la neige. — Tribunaux. —
Nouvelles diverses. — Calendrier. -^Bour
se et bulletin financier. — Dernière
heure.
QlATitE-VMTS VOIX
C'est le chiffre, rond, de la ma
jorité, à la Chambre. Seulement, il
y a deux sortes de scrutins. Au
scrutin public, cette majorité vote
pour le ministère. Au scrutin se
cret, elle vote contre lui. La propor-
, tion se renvèrse exactement.
Une fois encore, ^existence de
cette majorité contradictoire est
prouvée par la réélection de M.Des-
chanel.
On voudrait diminuer la portée dé
cette manifestation, en disant que
le vainqueur d'hier est plus sympa*
thique,
L'explication serait à peine admis
sible, même si M. Deschanel ne
l'avait emporté que de quelques
suffrages. La vérité n'est point là.
M. Brisson ne pla.it qu'à, moitié,
sans doute, à certains députés de
la gauche. Mais tous les députés du
centre et de la droite ne sont pas
férus de son vainqueur. Au point
de vue professionnel, M. Brisson,
pour triste qu'il soit, préside bienj
avec une suffisante impartialité.
Plus agréable à voir, c'est positif,
M. Deschanel manque parfois'un
peu de souplesse et de présence
d'esprit. Tous les deux peuvent
donc rencontrer quelques récalci
trants dans leurs partis respectifs.
Et voilà qui rétablit à peu près l'é
quilibre.,
En- tout cas, ces considérations
secondaires ne sauraient détermi
ner un gros écart de voix.
L'élection d'hier est une élection
politique; Pendant la session qui
s'ouvre ©t qui doit être d'une im
portance capitale, l'esprit de tolé
rance et l'esprit sectaire vont se
trouver aux prises, nettement. M.
Deschanel a 1 honneur de représen
ter le premier ; M. Brisson inearné
le second; Nul ne s'y trompe. Le
cabinet Waldeck-Rousseau, qui s'ap
puie de plus en plus sur toutes les
forces sectaires, a fait campagne,
ouvertement et ardemment, contre
M. Deschanel et pour M. Brisson.
De part et d'autre, on s'est averti,
on s'est rallié. Aucune équivoque;
pas la moindre incertitude ; la ques
tion posée n'en comportait pas. Il
s'agissait, pour la Chambre, de
" manifester par son premier vote ses
véritables tendances Peut-on croire
que, dans une occasion si grave,
des préférences personnelles et le
désir de voir au fauteuil une figure
avenante modifient plus de quatre
ou cinq bulletins?
Le parti de la tolérance l'a em
porté de soixante-dix-neuf voix sur
le parti de l'oppression. Voilà le ré
sultat, très clair, du vote. Et l'élec
tion des vice-présidents, où les deux
modérés, MM. Cochery et Aynard,
tiennent de loin la tête, souligne
cette victoire. -
C'était au scrutin secret. Cé genre
de scrutin a ses défauts. Mais il a
une qualité incontestable : il est
sincère. La réélection de M. Des
chanel nous démontre donc, et par
lin vote plus significatif cette fois
que jamais encore, qu'il y a au Pa
lais-Bourbon une majorité modé
rée, semi-libérale, contraire à la
politique et aux projets du minis
tère Waldeck-Millerand.
Iléîas! ce , n'est pas une décou
verte; c'est une confirmation! Nous
le savons bien, que le- cabinet ac
tuel n'a pas véritablement la majo
rité à la Chambre. Mais ce que nous
savons aussi, c'est qu'à tous les
.scrutins publics, depuis vingt mois
îhîentôt, quand il a posé la question
de confiance, les bulletins qui lui
étaient favorables l'ont emporté
dans l'urne sur les hostiles. Une
cinquantaine de députés, qui trou
vent mauvaise et dangereuse l'œu
vre du ministère, n osent pas le
dire, en donnant leurs noms. Ils ap
prouvent tout haut ce qu'ils blâment
tout bas. Nous ignorons comment
ces pusillanimes cherchent à s'ex
cuser vis-à-vis de leurs conscien
ces. Peut-.être n'essaient-ils même
point. Ce qu'on doit leur déclarer,
c'est "qu'ils soat plus méprisables
que les sectaires..
N'auront-ils pas,, un jour, deux
minutes dè courage? Tout arrive;
et il est possible que la défaite
éclatante de M. Brisson, en leur
prouvant qu'il y a décidément une
"majorité pour une autre politique^
les détermine à se prononcer enfin
contre celle de M. Waldeck-Rous-
seau. Mais si l'espoir n'est pas dé
fendu, on aurait tort de trop s'y
confier. ~ ,
Pierre Veuillot.
"BULLETI&C
A la Chambre, la. première, ou plutôt
les deux premières séances de la. session
ordinaire ont èléprésidées par M. Rau
line, doyen d'âge.
Nous avons reproduit hier en Der
nière Heure Véloquente allocution du dé
puté conservateur de la Manche qui a
été presque unanimement applaudie.
Après quoi, la Chambre a nommé son
bureau définitif. Nos lecteurs savent
déjà que M. Deschanel a battu son con
current ministériel, M. Brisson, par
296 voix contre 217.
Hier, au Sénat, la première séance a
été présidée par M. Wallon, doyen d'âge,
qui a prononcé un admirable discours.
La Haute assemblée a décidé de procé
der demain à l'élection de son bureau
définitif.
Le Reichstag vient de rentrer en ses
sion-, on trouvera plus kmi une brève
analyse du discours du trône.
Les Etats-Unis viennent de proposer
que les questions relatives à l'indemni
té chinoise et à l'établissement des tiai-
tès de commerce avec le Céleste-Empire
fussent examinées et résolues par une
commission internationale, siégeant soit
à Washington, soit dans la, capitale
d'une des puissances alliées.
On n'a aujourd'hui aucune nouvelle
importante de la guerre du Transvaal,
mais les dépêches publiées indiquent
que les Boers continuent leur marche
vers le sud dans la colonie du Cap et
qu'ils trouvent bon accueil auprès des
Afrikanders.
+
NOUVELLES DE ROME
Sa Sainteté Léon XUI.
Rome, 6 janvier.
Aujourd'hui, 6 janvier, à 5 heures, le
Souverain Pontife est descendu à Saint-
Pierre, pour offrir solennellement au
Christ Rédempteur le XX® siècle. Le
Saint-Père avait consenti à se rendre aux
conseils du docteur Lapponi et s'était
abstenu de célébrer lui-même la messe
pontificale, qui a inauguré le siècle, dès
sa première heure, dans la basilique va-
ticane. Il a cependant, comme nous l'a
vons annoncé, dit la messe, au même
moment, dans sa chapelle privée. —
C'est pour satisfaire plus complètement
sa piété que le Pape a voulu accomplir la
cérémonie de ce soir. Le Te Deum a été
entonné par Léon XIII qui a, ensuite,
donné la bénédiction pontificale à la mul«
titude de ses fidèles. A l'arrivée et au
départ, le Pape a été acclamé avec en
thousiasme par la foule immense qui
remplissait Saint-Pierre. ■:
La basilique était, splendidement illu
minée comme dans la nuitdu 1" janvier.
Etaient présents un grand nombre de
cardinaux etd'évêques; la comtesse de
Trani; S. Exc. M. Nisard. ambassadeur
de France, avec MM. de Navenne et
Laudet.
— Aujourd'hui aussi, vers midi, a eu
lieu, au Vatican, dans les locaux du Bel
védère, un banquet -organisé par le co
mité romain, en faveur de mille pau
vres. ■
Audiences pontificales.
Le 4 janvier, S. S. Léon Xlllia reçu,
en audience particulière, S. G. Mgr J.
Gentili, "archevêque d'Agra (Asie). Le
même jour, comme YUnivers l'a annon
cé déjà, le Pape a reçu le duc de Nor
folk.
A propos de cette audience et du- pèle
rinage anglais, la Tribuna avait publié
des commentaires assez perfides. Le duc
de Norfolk a cpupé court aux légendes
qu'on tâchait de créer. Si les pèlerins
anglais ont retardé leur visite, à Rome,
ils n'ont eu aucunement l'intention de
protester contre la prétendue hostilité de
quelques prélats à l'égard de l'Angle
terre ; a les motifs de ce retard sont indi
qués à la première page du manuel de
prières » des pèlerins, en tête de laquelle
on lit que les pèlerins anglais sont venus
à Rome pour accomplir un acte d'hom
mage et d'amour au Rédempteur au com
mencement du siècle.
La vie catholique & Rome.
A Saint-André délia Valle, l'octave de
l'Epiphanie est solennlsée,. comme les
années précédentes,, par une série de cé
rémonies, dans les divers rites catholi
ques orientaux. Aujourd'hui, dimanche,
l'office pontifical a été célébré dans le
rite syro-maronite; il le sera demain
lundi, dans le rite arménien, mardi, dans
le rite chaldéen; mercredi, le Rme arch.
Smolikowski, supérieur général des Ré-
surrectionnistes, chantera la messe so
lennelle dans le rite slave ; jeudi, l'office
pontifical sera célébrédans le rite syrien ;
vendredi, Mgr B. Lwicki chantera la
messe dans le rite gréco-ruthène ; sa
medi, Mgr L. Maladinoff dira la messe ,
dans le rite gréco-bulgare ; dimanche,
Mgr G. Schiro, archevêque titulaire de
Néocésar ée, célébrera la messe pontificale
dans le rite grec. Cette coutume qui ex
prime au vif l'union de l'Orient chrétien
à l'Eglise romaine a été inaugurée à Saint
André delle valle par le vénérable Pal-
lotti en 1836 ; l'apostolique fondateur de
la Pia Soc ietà delle Missioni'{ Pallot-
tini) semble avoir pressenti les direc
tions pontificales-sur l'union des églises
et sur le respect des rites orientaux.-
: ♦ .■ ;•
AUTRES ÉCUIRCISSEKENTS
Des journaux plus ou moins ré-
fractaires annoncent que plusieurs
évêques « se sont ralliés autour de
la lettre de Léon XIII »; d'autres
disent se sontassociés alalettrepon-
tificale.
Ces journaux et ceux qui se tai
sent peuvent dire en toute assu
rance que tout l'épiscopat français
s'associe sans réserve aux instruc
tions pontificales et juge la ques
tion aes congrégations comme la
juge le Pape. Il n'y a pas, il ne peut
pas y avoir de dissidence sur ce
point.
Le même accord existe et s'affir- j
mera au besoin dans tout le clergé
paroissial et parmi tous les prêtres j
voués plus particulièrement aux
diverses œuvres de charité, d'en
seignement, de propagande.
Parce que des difficultés surgis
sent quelquefois entre un curé et des
religieux, certaines feuilles et cer
taines gens veulent croire à une
hostilité profonde entre les séculiers
et les réguliers. Allons donc ! C'est
se tromper gravement sur les uns
comme sur les autres et leur faire
injure également. Il peut y avoir,
par circonstance, des rivalités, des
froissements, même des querelles;
mais quand les principes sont en
cause l'entente est absolue et cor
diale. C'est le devoir et c ? est le fait.
On le verra.
Le projet de loi contré les con-
grégations, étant un acte de persé
cution, sera aussi une œuvre d'u
nion. Il n'a pas à la créer, l'union :
elle existe, mais il la rendra plus
éclatante. Voici ce que nous écrit
un curé de campagne :
Le fourbe (lisez le ministre des cul
tes), dans son discours de Toulouse, a
représenté le clergé régulier et le clergé
séculier comme des frères ennemis, très
heureux celui-ci de voir tomber celui-là;
Il va devant la Chambre formuler la
même accusation. Si le Pape n'avait pas
parlé, il l'eut probablement rangé parmi
les approbateurs de son projet de loi...
Si le clergé séculier est appelé à par
ler, il prouvera tout le contraire ; il sera
unanime à protester contre la loi qui
veut frapper les congrégations... Je le
vois par le langage qui se tient dans no
tre diocèse.
M. Waldeck-Rousseau, président
dû conseil, ministre de l'intérieur
et des cultes,est l'homme de France
le mieux en situation d'être large
ment informé. Qu'il use .de ses
moyens d'information et il saura
qu'à Toulouse... et ailleurs il a
parlé contre la vérité. On est libre
de croire qu'il le savait au moment
même où il parlait.
Eugène Veuillot.
LE PLAN WALDECK
L'un des correspondants pari
siens du Journal de Genève, lequel
dans la circonstance n'est rien de
moins que M. Sabatier, le profes
seur de théologie protestante, indi
que comment M. Waldeck-Rous
seau a été amené à engager la lutte
religieuse :
Causant l'autre jour avec un homme
parfaitement au courant des choses et
des hommes politiques et lui ayant nette
ment posé la question, il me répondit en
ces termes : a M. Waldeck-Rousseau est
un beau joueur ; il compte sur son étoile,
sur son talent et la souplesse de son es
prit. Il est difficile d'admettre qu'il s'est
lancé dans cette grosse opération par
passion anticléricale. Mais il avait be
soin de la passion anticléricale, comme
il avait besoin du concours des socialis
tes. Il compte se servir de l'une comme
de l'autre pour se maintenir au pouvoir.
Vous n'ignorez pas que sa majorité par
lementaire est composée de deux frac
tions qui ne s'aiment guère et qu'il n'est
pas facile de tenir unies. Les radicaux
jalousent les socialistes et en ont peur,
surtout au point de vue électoral. Pour
les retenir, le ministère n'avait qu'un
moyen : la guerre au cléricalisme. Il y
a sur ce point un parti pris, ou, si vous
aimez mieux, un respect humain qui fera
toujours marcher la gauche républicaine
malgré elle.
« Voilà pourquoi M. Waldeck-Reusseau,
dans son discours de Toulouse et depuis
lors, n'a cessé de mettre le vote de la loi
sur le droit d'association en tête de son
programme politique. Jusqu'à présent
l'événement lui a donné raison; Les ré
publicains l'ont suivi, malgré M. Méline,
et M. Barthou lui-même, tout en faisant
surtout le reste de la politique ministé
rielle les plus expresses réserves, s'est
rallié à la partie de cette politique qui
vise les congrégations religieuses. C'est
ainsi, par diplomatie parlementaire plus
peut être que par décision indépendante
et réfléchie, que M. Waldeck Rousseau a
été conduit à soulever le terrible pro
blème en question et s'est imposé la
tâGhe de le résoudre ou de périr. »
Le correspondant du Journal de
Genève est d'avis que le programme
est dangereux, puisque « la logique
« des choses et la politique du mi-
« nistère nous mènent, à la pro-
« chaine échéance électorale, dans
« une situation où les républicains
« n'auront guère qu'à choisir, eom-
t me en Belgique, entre le socia
le lisme et le cléricalisme ». C'est
pourquoi M. Sabatier se demande si
"lé gouvernement a p^éyu « toute la
« violence de la tempête qu'il va
« déchaîner... et s'il ne se laissera
« pas effrayer par les événements
« et les Complications qui vont sur-
« gir au dedans et au dehors ».
M. Sabatier aurait voulu que le
gouvernement essayât de diviser ls
clergé séculier et les congrégations.
Il reproche aux républicains fran
çais ae s'être toujours laissé égarer
par leur fanatisme irreligieux. Sa
conclusion est que ce serait bien
étonnant « s'ils n'étaient pas encore
« unefoisvaincusous'ilsnepayaient
« pas la victoire si cher qu'ils fus-
« sent ies premiers à la regretter ».
N'oublions pas que ces paroles
sévères sont prononcées par un
adversaire du catholicisme, par un
écrivain très au courant delà poli
tique internationale et dreyfusard
militant. Ainsi les hommes intelli
gents et prévoyants ont peur. Quel
les sont donc les complications
qu'ils s'attendent à voir surgir au
dehors ?
Eugène Tavernier. -
Çà et là
LE STYLE, C'EST L'HOMME
Buffon l'a dit, et il a eu raison de. le
dire : le style c'est l'homme, parce que
lé style est,comme la parole, la manifes
tation de la pensée. La pensée de l'hom
me est diverse, la parçle, dite ou écrite,
l'est aussi ; et l'expression de la pensée
prend naturellement la forme, la cou
leur; la n«ance de l'esprit qui la produit,
comme l'habit prend la forme .du corps
qu'il recouvre.
Néanmoins, il y a des écrivains, même
parmi les plus célèbres, dont le style n'a
aucune originalité dans l'expression,
mais qui révèle l'âme par la pensée, par
le sentiment. Examinez"le style de Voir
taire, il est net, limpide, lumineux mê
me à force de clarté ; original, il ne l'est
point. Ce style pourrait revêtir des pen
sées, des sentiments élevés, religieux,
aimables et bons, tout aussi bien que les
imaginations de l'auteur de la Pucelle ;
c'est par le fond seul qu'il révèle la ma
lice, l'impiété furieuse de l'esprit de Vol
taire, esprit de mensonge sacrilège, de
rire haineux et de rage satanique.
Les écrivains de génie sont tous origi
naux ; c'est le caractère propre des grands
classiques du dix-septième siècle: C'est
auési celui des cinq ou six grands écri^
vains du dix-neuvième, tels que Chateau-
.briand,.Lacordaire et nos_trois grands
poètes, Lamartine, Musset, Victor Hugo.
Victor Hugo, pour ne parler que de lui,
a l'originalité d'une puissance poussée
jusqu'au débordement, d'une grandeur
poussée jusqu'à i'énormité. II passe du
ridicule au sublime, dusublime au ridi
cule avec une incroyable aisance, et c'est
par cet excès d'originalité qu'il prête si
facilement à l'imitation et à la parodie.
Après ces grands noms, je puis nom
mer aussi Louis Veuillot, toujours admi
rable dans l'expression des sentiments
les plus tendres, de l'enthousiasme le
plus généreux, comme dans ses saintes
colères, ses ironies les plus acérées, ses
flagellations les plus retentissantes. Il
exprime ce qu'il pense, ce qu'il sait, ce
qu'il aime ou déteste, ce qu'il admire ou
méprise, avec une vigueur, une élo
quence, un charme, toujours les mêmes,
parce qu'il est toujours vrai. Le beau,
comme il l'a dit lui-même dans un vers
justement c<51èl/re- i
Le beau, c'est le bon sens qui parle bon
[français.
Je me rappelle, «t c'est ce qui m'a don
né l'idée de ces réflexions, une aventure
assez originale, aventure littéraire déjà
lointaine, que je raconterai aussi simple
ment que s'il s'agissait d'un autre que
moi.
J'écrivais déjà de temps en temps, en
amateur, dans YUnivers, habitude que
j'ai toujours conservée, et Louis Veuillot
me témoignait la plus aimable bonté.
Un jour il me demanda de lui rendre un
service; il s'agissait d'un article qu'il
avaitpromia à mon frère, Mgr de Ségur,
sur un de ses ouvrages, et qu'il ne trou
vait pas le temps d'écrire : a Faites-le
pour moi, me dit-il; je le reverrai et je
le signerai : vous en aurez la peine, j'en
aurai la gloire et je vous en serai recon
naissant. »
Je me défendis mollement de ce dan
gereux honneur, car au fond j'étais très
flatté de la proposition, et je me mis à l'œu
vre. Deux jours après, j'apportai mon
article à Veuillot qui le lut, le trouva
parfait, y changea quatre ou cinq mots,
et le signa bravement.
,. L'article parut. Le jour même, ma
sœur Sabine, qui n'était pas encore en
trée à la Visitation, et qui lisait son cher
Univers avec exactitude, me dit, dès
qu'elle m'aperçut : « As-tu lu le bel arti
cle de Louis Veuillot sur le livre de Gas
ton ?—Tu le trouves beau?fis-je souriant.
— Charmant, et toi? — Moi aussi, car
c'est moi qui l'ai fait! — Toi ! pas possi
ble ! — Merci du compliment, mais c'est
comme cela. — Comment, poursuivit-
elle me prenant le journal, et me mon
trant une phrase, c'est toi qui as écrit ce
mot-là? — Celui-là, non. — Et celui-ci ?
—-î- Non plus. — Et ce troisième ? — Pas
davantage ! «
J'espérais qu'elle me ferait grâce du
quatrième et du cinquième. Elle fut im
pitoyable ; les cinf mots y passèrent,
partout sans hésiter elle avait reconnu la
griffe du maître.
Si du moins elle avait pu se tromper à
mon avantage et reconnaître quelque
chose de Veuillot dans un seul petit pas
sage de mpn cru, elle eût de sa douce
main pans£. la blessure faite à mon
amour-propre. Mais non, je dus boire le
calice jusqu'à la lie, je ne me consolai
qu'en gardant pour moi les découvertes
de ma sœur, tout en confiant à quelques
intimes, sous le sceau du secret, que j'é
tais l'auteur de l'article. i
Qui oserait dire, après cette épreuve
que M. de Buffon s'est trompé en écrivant
sa phrase célèbre : Le style, c'est l'hom
me? -
A. DE SÉGUR.
L& GUERRE SUO-AFRICÂiNE
Les nouvelles dé l'Afrique aus
trale sont rares et ne répondent
que très imparfaitement à notre cu
riosité impatiente, à l'intérêt si lé
gitime et si passionné avec lequel le
monde civilisé suit pas à pas le
drame formidable qui déroule là-
bas ses péripéties inattendues. Ce
n'est pas tout ; on dirait que la cen
sure Britannique, après avoir trié
les maigres informations qu'elle
est forcée de laisser passer, prend
en outre s©in dé les manipuler, et
de telle sorte que de leurs rensei
gnements, devenus obscurs ou con
tradictoires, il est à peu près im
possible de tirer une -idée nette ou
d'ensemble touchant la situation
respective des belligérants, et en
core moins de hasarder des prévi
sions fondées sur une notion exacte
de l'état réel des choses.
Malgré cela, des faits considéra
bles sont acquis et constatés, même
par ' la presse d'outre-Manche ;
ceux-ci, entre autres. : tandis que le
général Botha retient au nord de
l'Etat d'Orange et dans le Trans
vaal le gros des forces britanni
ques, les nombreux chefs boers qui,
à la tête de colonnes ou comman
dos à effectifs variables, mais d'une
hardiesse et d'une mobilité admira
bles, ont envahi la colonie du Cap,
ces chefs, disons-nous, se répandent
sur un territoire d'une, énorme
étendue (quelque chose comme la
France et l'Allemagne .réunies),
coupent où menacent les principales
lignes de chemins de fer, voies in
dispensables de ravitaillement pouf 1
les troupes et les garnisons anglai
ses, dont ils paralysent ainsi les
mouvements, et se rapprochent très
sensiblement de la ville même du
Cap.
Ces faits indéniables ont-ils toute
la portée qu'à première vue on se
rait tenté deleur attribuer? C'est la
question que'l'on doit se poser,et à
laquelle on ne pourrait répondre
avec quelque autorité que si-l'on
était bien exactement renseigné sur
les dispositions et les actes des
Afrikanders.
Que ceux-ci donnent ..aux Boers
un concours notableet très précieux,
soit en renforçant leurs rangs, soit
en les ravitaillant et en leur four
nissant d'opportuns renseignements,
cela n'est pas douteux; mais ce
concours persévérera-t-il jusqu'au
bout, sous la menace, des repres
sions impitoyables auxquelles il ex
pose les Afrikanders qui seront
convaincus de participation à la
guerre, c'est-à-dire, dans l'espèce, à
une révolte, puisque'les cokms du
Cap sont sujets britanniques? Il y a
là, nous le répétons, une question à
laquelle seuls les faits répondront;
mais leur réponse peut bien être
conjecturée moyennant une alterna
tive, car elle est toute dans la pré
vision-erronée ou fondée d'un sou
lèvement général des Afrikanders :
si ce soulèvement n'a pas lieu les
Boers seront finalement vaincus et
peut être exterminés; s'il se produit,
les Anglais perdront l'Afrique aus
trale comme ils ont perdu les Etats-
Unis.
F. L.
A LÀ CHAMBRE
La défaite de M. Brisson.
Mauvaise journée pour le cabinet
qui voit décidément, dans tous les
scrutins secrets et dès qu'un vote
peut être émis librement, sa majorité
l'abandonner.
M. Paul Deschanel est réélu pré
sident par 296 voix, tandis que M.
Brisson, candidat de la concentra
tion radicale socialiste, n'en obtient
que_217.
Ce n'est point faute cependant
d'avoir battu, le rappel dans les lo
ges et arrière-loges eh faveur du
sinistre sectaire ; ce n'est point
faute d'avoir cherché à lui conquérir
des suffrages nouveaux par des me
naces et des promesses — il a tout
juste trois voix de moins qu'il y a
un an.
Ses amis, jusqu'à la dernière
heure, avaient escompté la lâcheté
et l'ambition d'une cinquantaine de
députés, qui devaient déplacer en
faveur de l'homme de la franc-ma
çonnerie la majorité acquise à M.
Paul Deschanel.
Du côté de la gauche etdel'ex-
trême-gauche, pendant, le défilé à
la tribune, on semblait vouloir scru
ter un à un les plis fermés que les
votants douteux jetaient dans l'up-
■ ne, et le général André, qu'aucun
devoir professionnel n'appelait hier 1
au Palais-Bourbon, était là, lui
aussi, immobile dans l'hémicycle,
prêt à saluer le triomphe de son pa
tron.
Il a fallu déchanter et, après
avoir entendu, formulée par le pré-
sident_ d'â^e, M Rauline, la belle
définitionde la République libérale,
les jacobins et les sectaires ont en
registré leur retentissant échec.
Pouvons-nous espérer, comme le
proclamait imprudemment, pour
stimuler le zèle de ses amis du Par
lement, un organe anticlérical, que
l'élection de M. Paul Deschanel en
traînera la lamentable faillite des
projets de loi sectaires?
Les catholiques n'osent l'espé
rer ; ils savent qu'ils auront à lut
ter pied à pied pour empêcher la
législation jacobine d'enlever à l'E
glise et aux congrégations religieu
ses ce qui leur reste de liberté; ils
savent aussi que, dans une bataille
à visage découvert, il est plus fa
cile aux partis extrêmes de dominer
et d'entraîner par la peur.
Il est certain, toutefois, que le
grand débat va s'ouvrir dans des
conditions plus favorables, dirigé
par, un président qu'on vient (le
réélire, non seulement-pour la dis
tinction de son esprit et l'aménité
de son caractère, mais aussi pour
le soin qu'on attend de lui à faire
toujours respecter la liberté des
orateurs.
Il nous est bien permis, d'ailleurs,
pour l'instant, de nous féliciter d'un
succès auquel .nos adversaires at
tachaient un si haut prix.
Les quatre vice-présidents ont
été réélus :
MM. G. Cochery. ......... 341 voix
Aynard.. ........... 328
Maurice Faurè. 313
Mesureur 204
Sept secrétaires ont été élus au
premier tour :
M.M. Surcouf ... 333 voix
Brindeau.... ... 327 -
. Rajon................ 297
Massé.. .... 281
Bonipard 259
De l'Estourbeillon.... 255
Rouland ; 255
Il a fallu un deuxième tour de
scrutin pour le huitième secrétaire ;
on avait mis en ballottage le jeune
révolutionnaire J.-L. Breton, connu
par ses attaques sottes et haineu
ses contre l'armée, et on lui a fina
lement préféré M. Compayré, élu
par 187 voix. >
Deux questeurs ont" pu être pro-,
clamés sans ballottage : MM. Gus
tave Rivet, avec 286 voix, et Leche-
vallie'r, avec 2'85.
Pour M. Guillemet, troisième
questeur sortant, il a fallu trois
tours de scrutin.
Après le deuxième tour, on s'est
avisé de l'absence du « quorum »,
et alors que la Chambre venait de
fixer sa prochaine séance à jeudi,
l'extrême-gauche a réclamé et ob
tenu après pointage qu'une séance
serait tenue dans cinq minutes,
c'est-à-dire à huit heures et demie,
pour achever l'élection du bureau
et pour pouvoir, suivant le vœu du
socialiste Walter, « fixer dès jeudi
l'ordre du jour des prochains tra
vaux ».
A neuf heures, enfin, M. Guille
met était proclamé élu questeur par
81 suffrages contre 53 donnés à M.
Ilerbet.
Le président d'âge, M. Rauline,
n'a point voulu lever cette deuxième
séance sansremercier ses collègues
de l'accueil qui lui avait été fait.
Jeudi, M. Paul Deschanel prési
dera à l'installation du bureau dé
finitif, —et M. Walter pourra récla
mer la discussion immédiate et sans
désemparer de la loi con tre-les con
grégations.
Reste à savoir si la Chambre sera
aussi pressée que l'ancien maire
jacobin de Saint-Denis.
. Gabriel de Triors.
—= ♦ : — —
LA LETTRE DE S. S. LÉON XIII
ET L'ÉPISCOPAT
Presque toutes les Semaines reli
gieuses ont déjà publié la lettre
adressée par Sa Sainteté Léon XIII
à S. Em. le cardinal Richard et re
lative aux congrégations religieu
ses.
Plusieurs ont accompagné d'ad-^
hésions chaleureuses ce grave do
cument.
La Semaine de Viviers s'exprime
ainsi:
Dans cette Lettre, si modérée déformé,
mais si forte de raisons et si précise, pas
une ligne, nous pourrions dire pas ùn
mot, qui ne respire le plus généreux, le
plus magnanime amour de la France.
Puisse cette grande voix être entendue
par ceux qui ont mission de présider, en
ce moment, à ses destinées et qui, en
rouvrant plus vive que jamais l'ère des
divisions religieuses au sein d'un pays
qui a tant besoin d'apaisement, encour
raient une responsabilité si lourde devant
leur patrie et devant l'histoire !
A l'occasion des réceptions du
1 er janvier, NN. SS. les évêques ont
également parlé du document pon
tifical.
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