Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-01-08
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 janvier 1901 08 janvier 1901
Description : 1901/01/08 (Numéro 12011). 1901/01/08 (Numéro 12011).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k710603n
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi S Janvier 1901
Ediiioa quotidienne. — 12,011
Mardi 8 Janvier 1Ô01
frri^rT»7aBBr»tiffinrii^^ •< rv» rr;rBfrngm'm mw wwwiwr
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
et départements
Un an 40 »
Six mois 21 »
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LE MONDE
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Six mois 10 » 13 »
Trois mois 5 » 6 50
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui s ont adressés
ANNONCES
MM. LAGftANGE, CERF et C'®> 6, place de la Bourse
PARIS, 7 JANVIER 1901
SOMMAIRE
EuaÈNE Tavernier.
F. L.
Edouard Alexandre
Edmoxd Biré.
s Un fauve ou un
fou »
La question de la
Mandchourie
et là : Pour les
jeunes filles.......
Causerie littéraire :
MgrFoumier......
Bulletin. — Nouvelles dp borne. -- Dé
menti.— La liberté selon Tourgnol. -—
La désaffectation cl'un-petit sémiaalre. —
Le port de la soutane. — Injustice dis-
tributive. — Le Bon-Pasteur. — Les biens
des congrégations. — Information* po
litique* et parlementaires: — La déco-,
ration de Landrecies. — Un télégramme
de Léon XIII. — La guerre du Traii»-
va&i — En Ohine. — Notre corps expédi
tionnaire. — Dèpêcùes de l'étrangei.—
Chronique. — Lettrés-, sciences et art».
-— Institut catholique de Lille. — Le
conseil supérieur du travail; — La ques
tion ouvrière. — Echos de* partout. *—
Chronique religieuse. — Nécrologie.
Guerre et marine. — Tribunaux. —Le
froid. — La peste. — Nouvelles diver
ses. — Gaiendrler. — Bourse et bulletin
financier. -- Dernttre heure.
UN FAUVE OU UH FOU
L'autré~jour, dans le Gaulois, M.
Léon Daudet résumait les œuvres
accomplies parle siècle achevé, qui
fut,disait-il, «le siècle de la vitesse,
de la légende et del'analyse. »
D'une touche brève, rapide et
sûre, souvent brillante, le fils du
grand romancier marquait les pha
ses du prodigieux mouvement où
s'épanouirent, où se mêlèrent par
fois, l'épopée napoléonienne, la
littérature,la science expérimentale
et l'invention mécanique.
Il a bien discerné la direction et
le caractère de tant d'efforts en ap
parence confus, en réalité ordonnés
à une œuvre harmonique dont leg
traits généraux deviennent de plus
en plus visibles :
« ... Toute là poésie lyriqué de ce
siècle ne m'apparaît. ainsi que com
me l'antichambre ardente de la |oi,
un intervalle entre la période sèche
et sceptique du dix-huitième, le pé-
dantisme enivré des encyclopédis
tes, de Diderot, Jean-Jacques, Am
père et Voltaire et le renouveau de
passion religieuse qui frémit déjà
dans l'heure présente. C'est l'insi
nuante majesté du christianisme
qu'ilnous ressaisit par toits les biais,
tous les■ détours, comme si Dieu ru
sait avec l'homme. Tantôt il se sert
du lyrisme, tantôt de la légende,
tantôt de la solidarité qui n'est, si
l'on peut dire ainsi, que la tradition
dans l'espace. Par la solidarité, les
hommes ne cherchent-ils pas àjse
rejoindre dans le moment, comfne
ils sont rejoints à leurs ancêtres
par la ■ trame indissoluble jdu
temps?» '
" Les expériences, les analyses,.|es
inventions et les découvertes, d^nt
nous sommes encombrés, doivent-
elles conduire au même résultat?
Certainement. a < *
« Celui qui se scrute lui-mêsne
rencontre d abordla science, toute
la science, c'est-à-dire les lois de.,
son propre mécanisme et le fonc
tionnement de ses rouages. S'il dé
passe ce stade de raison, il s'aper
çoit que la sensibilité est au delà \le
l'intelligence, qu'elle est la vie et la
lumière, que tous calculs sont .de
pauvres calculs,qu'aucune méthode,
qu'aucun système ne modifientila
joie ni la" Couleur,.que le fond ie
l'être, que ce qui importé est in-
muable. Et l'instant ae cette cons
tatation précède de fort peu la
prière. »
Remplaçons le mot « sensibilité »
par le mot plus exact et qui sans doute corres
pond mieux àla pensée que l'auteur
a voulu exprimer. Ainsi nous aurons
en quelques lignes une saisissante
formule de l'état d'esprit où sont
parvenus, après des détours variés
et parfois étranges, beaucoup
d'hommes distingués qui croyaient
bien, pour leur compte, en avoir
fini avec, la religion.
M. Léon Daudet a l'avantage, peu
commun chez les hommes : de Let
tres, de posséder des connaissances
scientifiques. Les études médicales
qu'il a poursuivies sans perdre de
vue la littérature, à laquelle proba
blement il entendait accorder quel
que jour la préférence définitive, lui
ont procuré des ressources em
ployées avec succès.
Il a cul tivé le goût du style et le
sens do l'art, reçus de son. père.
Sans aller aussi loin que l'auteur du
Nabab et de l' Immortel dans la re
cherche de ce que M. Jules Lemai-
tre appelait la. « notation verbale »,
ni dans l'extrême raffinement qui
donnait à ce style une sorte de légè
reté, aérienne, ..il .traite la. langue
comirae une matière dont les riches-
sès doivent jaillir sous lai pression
continuelle d'une force vigoureuse
et souple. Il a le don de l'image et
de la verve, les allures les plus li
bres, des idées abondantes.
Enclin à la satire par son tempé
rament audacieux, M. Léon Daudet
a écrit nombre de pages qui con
tiennent des peintures virulentes.
Dans Les- Morlicoles, dans Les
Ka.mtcha.ha. et ailleurs, l'hypocrisie,
le vice, la sottise du monde litté
raire et politique sont flagellés avec
une; ardeur implacable et parfois
avec uae gênante préoccupation de
réalisme. line court pas après l'im
moralité mais il n'a pas peur de là
montrer sans voiles. Il a même
composé lin volume que plus tard,
nous l'espérons, il supprimera de
la collection de ses œuvres com
plètes. A quoi bon cette Suzanne
dévorée follement de la- passion
horrible qu'on ose à peine nommer
i et que seul Racine pouvait faire
parler, par un tour de force du
génie 1
On trouverait dans les romans et
aussi dans les articles de,journaux
de M. Léon Daudet bon nombre de
déclarations qui- s'accordent mal
avec la tendance chrétienne qu'il
manifeste aujourd'hui délibérément.
Il conclut que « l'homme sans la
« croyance est un fauve ou un fou ».
Je ne saurais plus indiquer dans
quel endroit il a dit presque le con
traire; mais je crois bien rie pas;
être victime d'une erreur de mé
moire. C'est une raison do plus de
se réjouir et de se féliciter quand on
le voit signer une profession de foi
comme celle-ci : « Croyance «n Dieu,
croyance en la patrie, sabre ou gou
pillon, c'est tout un, à mon avis,
imes camarades. Le mépris de - la
mort, l'espoir en une vie meilleure 5
sont indispensables à une vie
droite. »
Une contradiction si heureuse
rappelle les paroles émouvantes,
très nobles et très profondes, d'un
savant libre-penseur anglais,le natu
raliste et le physicien Tyndall, à qui
le matérialisme inspira parfois d'ef
frayants accès d'enthousiasme. Ile-:
venu de ses emportements et occupé
à rédiger une préface pour plusieurs
de ses discours, Tyndall livrait cet
aveu : .
« J'ai remarqué depuis des années
d'observations sur moi-même que ce
n'est pas dans mes heures de clarté
et de vigueur que cette doctrine (le
matérialisme) s'impose à mon es
prit; qu'en présence de pensées plus
fortifiantes ou plus saines, elle se
dissout toujours et disparaît comme
n'offrant pas la solution du mystère
dans lequel nous sommes plongés
et dont nous faisons partie.
C'est dans les mauvais moments
que s'éveillent la négation et le
blasiphème. Alors, en effet,le fauve
et te fou ont pris le dessus ; mais la-,
conscience peut se redresser, les
vaincre et les condamner, les domp
ter et . les guérir. . Ceiui qui a lé
bonheur de n'avpir jamais ressenti
les atteintes du doute se montre
très ingrat et très sot en jî'admirant
pas la victoire remportée par la
droiture au milieu du déchaînement
des instincts, en pleines ténèbres.
Passer par une telle épreuve, c'est
la destinée de la grande majorité
des hommes. Quand ils en sortent
vivants et renouvelés, ils ont rem
porté un véritable triomphe.
Eugène T avernier.
ÏÏULLETl&C
Hier, dans la Loire-Inférieure, à eu
lieu une élection sénatoriale : M. de
Ponthriand, royaliste, à été élu par 542
suffrages contre 43 '2 donnés à M. Linyer,
républicain libéral. Âu mois de mars
dernier, M. de Juigné, ; monarchiste,
avait triomphé de son concurrent répu
blicain par 659 voix contre 282. .
Hier, dans laMeuse, aMontmêdy, oh
a. procédé à une élection législative. Il y
aballotlage.
Les membres de l'association gambet-
tiste se sont rendus hier aux Jardies où
la cérémonie annuelle de l'anniversaire
de la mort de Gambetta a été présidée
par le général André, ministre de la
guerre, qu'accompagnaient MM: Cazot,
Dusolier, Expert-Bezançon, Delpech,
sénateurs.
Le ministre de la marine a quitté
Paris, hier au soir, pour se rendre à
Cherbourg. Il est accompagné parle mi
nistre de la g uerre, le vice-amiral Bien-
aimé, chef d'état-major général de la
marine, et M. Thibaudier, directeur des
constructions navales. Les ministres
seront de retour k Paris dans la mâtiné?
de demain. *
Le Journal officiel publie un décret du
président de la République maintenant
au ministère de la marine la direction-
de notre corps expéditionnaire en Chine.
La nouvelle d'après laquelle la Rus
sie, après l'acceptation par les pléni
potentiaires chinois de la note collec
tive, serait prêté à signer un traité sé
paré avec la Chine est de source pure
ment anglaise et se réfère à des infor
mations chinoises.. Elle ne mérite donc
d'être acceptée que sous toutes réserves.
NOUVELLES DE ROME
3 janvier.
i L'Aumônerie apostolique adresse à
l'Osseruatore Roma.no une communica
tion portant qu'aux 35,500 francs répar
tis en bienfaisance par Mgr l'aumônier
secret de Sa Sainteté, il faut ajouter en
core les 16,4)00 donnes aux anciens em
ployés des ex-ministères pontificaux, et
les 5,000 distribués aux anciens militai
res pontificaux, ce qui élève à 51,000 fr.
la somme donnée par S. S. Léon XIII à
l 'occasion des fêtes de Noël.
: Quant à celles que le Saint-Père a
(distribuées au cours de l'année jubilaire,
elles sont autrement plus importantes, et
la même Aumônerie apostolique donne
au même journal les chiffres suivants :
fen secours spéciaux...... Fr. 173.085 27
En aumônes ordinaires........ 81 498 a
En secours aux prêtres pau
vres..... 18.968 33
En médicaments distribués par
le dispensaire de l'Aumône-
' rie.................;.,...... 7.093 59
En dots conférées à des orphe
lines et aux jeunes filles'en
seignant le eatéchlsme dans -
les paroisses 17.108 »
En recours aux ex-employés
pontificaux, à leurs veuves et
orphelins................... 40.430 »
En secours aux ex-militaires" ■'
pontificaux, à leurs veuves et
orphelins.., .29,400. »
Fr. 367.5is 19
Et dans cette somme n'est pas com
prise celle que l'Aumônerie apostolique
consacre annuellement à l'entretien de
neuf écoles élémentaires pour les filles
pauvres; de deux asiles pour l'enfance;
d'un abri nocturne ; de deux laboratoi
res et du refuge des SS. Clémente et
Crescentino, où actuellement se trouvent
cent trois enfants abandonnés. Enfin,
l'on doit ajouter encore à ce total une
Bomme assez considérable employée en
médicaments et secours pour les ^beso
gneux de Castel-Gandolfo; ;
Au Vatican.
Le 2 janvier, le Souverain Pontife a
reçu S. sA. R. la princesse Mathilde de
Bourbon, née duchesse de Bavière, veuve
du comte de Trani, de la maison des
Deux-Siciles;le3janvier,il a reçu S.Em,
le cardinal Vaughan , archevêque de West
minster. -
En Italie.
Le Mattino , important journal de Na-
ples, nous initie aux efforts que ferait
l'honorable Sonnino —ou du moins ses
partisans pour provoquer une crise
ministérielle extra-parleméntaire. Il s'a
girait tout simplement de débarquer la
plus grande partie du ministère italien et
de ne laisser à M. Saracco que la prési-
dencedu conseil, de le dépouiller de l'in
térieur en faveur de l'honorable'Sonnino.
M. Gallo trouverait grâce devant les ad
versaires-du cabinet, mais il passerait a
la justice. : M. Luzzatti serait chargé du
trésor. D'autres organes considérables
insistent aussi sur la nécessité d'un re
nouvellement du ministère. .
— La ville de Bergame inaugure léXX e
siècle par la suppression des octrois
municipaux. •
r- On se préoccupe de la mise en va
leur de la colonie africaine de l'Erythrée
Des professeurs d'agriculture sont en
voyés là bas pour se rendre compte des
cultures que comporte le pays. Le che
min de fer Saati-Asmara sera prolongé
de cçnt kilomètres. Rappelons que sur
-le traité conclu avec Ménélik, les diplo-
f mates italiens ont obtenu pour l'Erythrée
des frontières stratégiques qui, en dépit
!du désâstre d'Adoua, ne laissent pas de
compromettre l'indépendance de l'Abys-
sinie.
'♦ ■- •• J '—
DÉMENTI
Au sujet du récent voyage à Rome
de M. Bettembourg, procureur gé
néral des Lazaristes, certains jour
naux ont prétendu que l'éminent
religieux allait à Rome envoyé par
M. 'Waldeck-Rousseau et pour faire
valoir auprès du Vatican les argu
ments du ministère en faveur de
son projet sur les associations.
Il convient tout d'abord do faire
observer que M. Bettembourg; à
cause de ses fonctions, se rend sou
vent à Rome; Et particulièrement
cette fois, il n'y a pas été envoyé,
mais appelé par qui de droit.
• Quanta l'injure gratuite et odiéuse
qu'on lui fait en le présentant com
me l'adversaire des congrégations,
ou du moins de certaines congréga
tions, chez tous ceux qui ont l'hon
neur de connaître M. Bettembourg,
elle ne suscitera que le mépris. Ils
le savent, au contraire, dévoué pro
fondément à la cause de toutes les
congrégations.
LA QUESTION DEU «MNDCKOIIBIE
La convention en vertu de la
quelle la «"Russie, d'accord avec le
gouvernement chinois, étend offi
ciellement à la partie méridionale
de la Mandchourie le protectorat -
.qu'elle exerce déjà, en fait, dans la
partie septentrionale et orientale,
paraît causer en Angleterre une
impression pénible, assez voisine
delà surprise, comme s'il s'agissait
d'une déception imprévue; or, c'est
précisément cet étonnement qui est
surprenant.
La presse anglaise rappelle donc,
à cette occasion, la promesse sous
crite par toutes les puissances de
respecter l'intégrité territoriale du
Céleste-Empire; mais la Russie ré
pond qu'elle est prête à réitérer cette
promesse à laquelle elle prétend
n'avoir point manqué. Est-ce qu'un
protectorat se confond avec une an
nexion?, Sans doute un résident
russe va être installé d'une façon
permanénte à Moukden, mais il aura
à côté de lui un préfet ou un gou
verneur chinois et des fonctionnai
res indigènes.
Et puis, est-ce que la Grande- .
Bretagne n'a point promis, elle
aussi, de respecter, voire même de'
garantir l'intégrité territoriale de
l'empire ottoman? Ces promesses
formelles ont-elles empêché la ces
sion de Chypre, l'occupation de
l'Egypte et du Soudan égyptien,
toutes contrées qui faisaient pour le
moins aussi étroitement partie des
états du sultan de Constantinople
que la Mandchourie des domaines
du Fils du Ciel ?
Comme on le voit, si, comme nous ;
le croyons, l'argument des promes
ses a une'valeur morale, même en
politique, ce n'est pas évidemment
dans la bouche de la scrupuleuse
Albion, et la Russie a le croit de
rétorquer l'argument.
. Quant à l'espèce de surprise que
montre la presse d'outre-Manche,
elle est encore moins facile à com
prendre : est-ce que la convention
: ciont il s'agit nous apprend quelque
chose de nouveau ? Le gouver
nement anglais, depuis des années, s
a épié pas à pas les progrès de la i
main mise économique et politique
■■.de la Russie sur les trois provinces
de la Mandchourie; il a connu les
conventions successives qui ont ré
gularisé cette sorte d'absorption ;
pacifique ; il a vu commencer et
poursuivre, kilomètre par kilomè
tre, non sans y contredire, à l'oc-,
casion, le réseau des diverses
lignes de chemins de fer qui for
ment comme l'épanouissement, la
ramification: orientale du transsibé
rien, du fleuve Amour au golfe
de Pé-tchi-Li, comment peut-il
maintenant feindre l'étonnement à
propos d'une convention qui nV
ioute rien à des faits acquis depuis:
longtemps déjà, et connus de tous
antérieurement à la crise actuelle?
' P. L.
^ r : ;
BlSAEEECTAW B'tS PIÏH SÊ8HU8E
Samedi soir, on lisait dans le Pe
tit Sou :
Le gouvernement vient de prendre la
décision de faire rentrer l'Etat en pos
session de ses immeubles qui avaient été
jusqu'aujourd'hui mis à la disposition
des évêchés pour seryir de séminaires.
Le premier établissement désaffecté
est l'ancienne abbaye de Luxeuil dans la
Haute-Saône. Les professeurs et les. élè
ves dé ce séminaire viennent de recevoir
l'ordre d'avoir à quitter cette propriété
dans le plus bref délai.
Hier,, la nouvelle était ainsi con
firmée par le Nouvelliste de la. Hau
te Saône :
Dans la journée de lundi 31 décembre,
le bruit s'est répandu dans la ville de
Luxeuil qu'un décret désaffectant le petit
■séminaire venait d'être rendu.
Tout d'abord.nous pensions que ce
bruit était faux; mais, information prise,
nous avons acquis la certitude que le dé
cret était signé.
Le petit séminaire de Luxeuil, dont les
Luxoviens avaient le droit d'être fiers,
rétablissement le plus considérable et le
plus florissant du diocèse pour le recru
tement du clergé, est donc à la veille
d être ferme.
L'émotion est très grande dans la po
pulation, et nous croyons pouvoir affir
mer que la grande majorité des habi
tants est consternée et désapprouve for
mellement cette mesure. '
' :• i
Le Souverain Pontife a lumineu
sement établi qu'en s'attaquant aux
congrégations religieuses, on frap
pait l'Eglise.
Le gouvernement se charge à son
tour de démasquer lui-même l'hy
pocrisie des affirmations par les
quelles il prétendait n'en vouloir
qu'aux moines et respecter le clergé
séculier.
En attendant que le Parlement
lui fournisse une.loi pour ruiner les
couvents, le voici qui. se met à fer
mer les petits séminaires.
C'est la religion catholique elle-
même, avec tous ses serviteurs et
tous ses éléments, que ce ministère,
instrument de la secte impie, veut
anéantir en France.
Bien fou celui qui croirait que la
destruction des religieux assouvira
cpt appétit féroce.
Elle ne fera que l'aiguiser davan
tage ... Et c'est pourquoi nous de
vons tout entreprendre afin de;
lui arracher cette proie.
Çà et là
POUR L'ES JEUNES FILLES
L'alimentation intellectuelle des jeu
nes filles du peuple qui ne lisent guère
que des romans, laisse beaucoup à dé-
; sirer. On a dit — non sana raison — que
le meilleur des romans ne vaut rien. Il
est, en effet, même dans les meilleures
œuvres d'imagination; un écueil fatal
que les auteurs les plus moraux et les
■plushonnêtes ne saventgénéralementpas
éviter. lis voient le monde à travers un
prisme qui n'en reflète pas l'exacte phy
sionomie. Et alors même qu'un roman,
par le fond de sa thèse comme par ses
conclusions, honore et célèbre la vertu,
il n'est pas, pour cela, exempt de tout,
danger, s'il fausse le sens vrai delà vie
en versant, par ses détails, dans l'impos
sible et l'irréel, afin d'accroître son inté
rêt dramatique et de corser — comme on
dit au théâtre— l'étrangeté de ses situa
tions. La morale qui s'en dégage semble
alors s'appliquer à un autre monde que
notre pauvre planète sublunaire.
Et des imaginations vives, des cœurs
purs et impressionnables n'ont aucun
profit à retirer de la lecture de ces sor
tes d'ouvrages, qui ne peuvent que faus
ser le jugement et égarer l'esprit.
Sans doute, tout écrivain a le droit de
rechercher le mieux, d'élargir les hori
zons, de hausser les cœurs et de viser à
l'idéal.
Mais est-ce bien par la voie délia fiction
purent en rompant pour ainsi dire avec
toutes les conditions et toutes les lois.de
la vie, que l'on peut atteindre ce noble
but?
Les jeunes ouvrières de Paris ne sont,
hélas ! que trop adonnées àla lecture des
romans. Nombreux .sont encore, grâce à
Dieu, les auteurs qui, en Pran.ce, savent
FEUILLETON DE L'UNIVERS
DU 8 janvier 1901
CAUSERIE LITTÉRAIRE '
Vie de Mgr Fournier (1).
(second et dernier article)
♦ - ' ! '
i
L'abbé Fournier a occupé la cure ds
Saint-Nicolas pendant trente-quatre ans,
de 1836 à 1870. Jamais années ne furen;
niieûx remplies, plus fécondes en ceuvret
de zèle et de piété. - ■ ;
Nous avons vu, dans notre premier ar-
tiolej comment, dès 1832, il avait groupé
autour de lui quelques jeunes hommes
qui, à son école, étaient devenus apôtres.
La charité en avait'fait les amis des pau
vres. Le 17 janvier 1837, une Société ée\
Saint-Vincent de Paul, parallèle à l'œi- :
vre de Paris, mais encore indépendan
te de cette dernière (elle ne devait s'y
rattacher qu'en 1841), tint sa premièft
séance officielle dans la chambre dt.
curé. Ses membres étaient au nombre ddouze, y compris l'abbé Fournier. 0'é4
taient MM. Robert Desdaudières, Louis- 1 ;
Antoine de la Tocnaye, Jules Garabit,î
Louis Gaillard, Emile Guiilou, Alphonse'
Gillois, Pierre Joussel,Charles Laënnec,
(1) Vie de Mgr Fournier, évêque de j
Nantes, par M, l'abbé Pothier, son ancien j
secrétaire; Deux volumes grand in-octaVo.
— Voir l'Univers du 25 décembre 1900.
Charles Legrand, Prosper Naudin, Joa-
chim Sotta.
La question de l'éducation fut l'une
des premières dont se préoccupa le nou
veau curé de Saint Nicolas. « L'avenir,
écrivait-il à un ami, est entre les mains
des éducateurs de la jeunesse. » Profon
dément lettré/ admirateur passionné des
chefs-d'œuvre de l'antiquité gréeque et
latine, il estimait cependant que les étu
des classiques étaient trop exclusive
ment païennes et qu'elles réclamaient
de ce chef une réforme. Pour lui, comme
pour Lacordaire, les frises du Parthé-
non avaient le tort de trop cacher la
coupole de Saint-Pierre. A. son sens, il
convenait d'introduire dans les études,
avec les monuments païens, les monu
ments chrétiens : avec Virgile et Cicé-
ron, quelques fragments çhoisiB des Pè
res de l'Eglise.
. Telle fut l'une des idées sur lesquelles
reposait l'Institut pratique, fondé par
l'abbé Fournier.
' - j?
La pensée chrétienne,- disait-il dans un
discours-programme, sur lequel chacun des
professeurs avait été consulté et que tous
avaient accepté, la pensée chrétienne est la
pensée génératrice de l'Institut pratique
comme vérité première en toute science et
en tout enseignement, comme principe uni
que d'action sur les cœurs ainsi que sur les
intelligences, comme base nécessaire> de
toute éducation.
Ce n'est pas dans notre' maison un ordre
de choses à part, un enseignement relégué
à certains hommes et à certains moments ;
c'est le foyer unique, le point central, la
parole vivifiante et nécessaire de tout et de
chacun de nous.
Tout doit donc inculquer, confirmer, dé
velopper le dogme chrétien, la morale chré
tienne, en amener l'intelligence, l'amour et
la pratique, en développer les sentiments
•dans les cœurs des élèves.
Les explications, les rapprochements des
auteurs, les conversations, les dictées, sur
tout l'enseignement de l'histoire, tout doit
être pénétré de la pensée chrétienne.
L'abbé Fournier avait mis à la tête de
son Institut un ami de .Silvio Pellico, aur
teur d'un beau livre sur l'Education, Ni-
coloTommaseQ (2), qui devait quelques
années plus tard, en 1848, être membre
du gouvernement provisoire de la Répu
blique de "Venise. Tommaseo était parti
culièrement versé dans la littérature
chrétienne, et l'un des- résultats, du sé-
(2) Nicolo Tommaseo, né en 1803 à Sebe-.
nico, en Dalmatie, mort à Rome le l e,- mai
1874. Au moisde mars 1848, il fut nommé,
avec Daniel Manin, membre du gouverne-
nement provisoire de la république de Ve
nise. lise retira avec lui, lorsque.le peuple
exigea l'alliance avec le Piémont et la
guerre offensive contre l'Autriche (8 juin).
L'issue malheureuse de la première campa^
gne, et les nécessités de la résistance rame
nèrent Manin et M. Tommaseo au pouvoir
(Il août .1848). Ce dernier devint ministre
du culte et de l'instruction publique, fit en
vain deux voyages à Paris" pour demander
le secours de la République française et
dut s'effacer devant Manin, le représentant
d'une résistance plus active. Il fut exilé après
la capitulation delà ville. On lui doit de
très nombreux ouvrages, dont les princi
paux sont, avec son livre sur l'Education
(1834),. le Duc d'Athènes. (1836); un Com
mentaire du Dante. (1831 j ; une Collection
des papiers d'ambassade vénitiens qui ont
rapport à l'histoire dé France du seizième
siècle -(1838) ; de Nouvelles études sur le
Dante (1865), et un Grand dictionnaire dé'
la langue italienne, publié après sa mort.
jour à Nantes de l'éminent Vénitien fut
la publication du premier Excerpta Pa-
trum qui ait été mis dans les mains des
écoliers. Il est en effet antérieur à celui
que fit composer Mgr Parisis et à ceux si
complets que l'on doit au R. P. d'Alzon.
En 1838,l'abbé Fournier fonda 1 Œ'uvre
de Sainte-Elisabeth, pour .venir en aide
aux pauvres femmes malades. A la tête
de cette nouvelle œuvre, il mit un groupe
de femmes pieuses, dont la charité et le
dévouement lui étaient connus.
La petite association de Sainte-Elisa
beth, écrivait-il, a pour but de donner des
consolations à ceux qui souffrent. On devra
leur témoigner de l'affection et une obli
geance active et soutenue. Les âmes flé
tries parla misère ou la douleur retrouve
ront ainsi de la verdeur et de la sève.
Celles qui sont éloignées de Dieu seront
plus pressées de. s'en rapprocher ; les
autres, demeurées fidèles, puiseront dans
cette œuvre la force de la résignation, de
l'acceptation?de la volonté de Dieu pour
gravir, s'il le faut, à la suite du divin
Maître la rude montée du calvaire.
L'association a des membres actifs et des
membres honoraires.
: L'annuité est de 10 francs. Les réunions
et les admissions sont mensuelles sauf
pour les admissions dans le cas de nécessité
urgente. -
, Les fêtes de la Compassion dé la Sainte
Vierge, de sainte Elisabeth, dés Saints
Innocents et de sainte Anne sont les fêtes
patronales.
Chaqae associé dira-une fols par jour
l'invocation suivante : « Sainte Elisabeth,
priez pour nous et pour nos pauvres ma
lades.»
A.chaque réunion^ il sera fait des prières
spéciales pour uos^ malades, ceux d'entre
eux qui sont en danger de mort, et nos dé
funts.
Cette Giuvré de Sainte-Elisabeth a
reçu de l'abbé Fournier une telle impul
sion, elle fut tellement imprégnée de
l'esprit chrétien, du sacrifice, qu'elle a
traversé sans faiblir plus d'un demi-siè
cle; la douleur qu'elle soulage aujour
d'hui se plait à vivre de la foi comme
celle qui sollicitait ses visites à son ori
gine : Dieu lui donnera longue-vie en
core. .
Déjà, en 1833, lorsqu'il n'était encore
que vicaire, l'abbé Fournier avait été
choisi comme directeur et principal con
seiller de I ''Œuvre de Sainte-Marie — à
la fois école chrétienne et établissement
charitable — fondée à Nantes par de gé
néreuses chrétiennes, qui se proposaient
de faire élever gratuitement des petites
filles pauvres, confiées par elles aux
Filles de la Sagesse. Dès qu'il fut devenu
curé, Mgr de Guérines, sur la demande
unanime des Dames de l'Association, le
nomma président de leur Conseil et de
{'oeuvre tout entière. L'abbé Fournier ne
se relâcha pas un seul jour de ces enva
hissantes et délicates fonctions jusqu'en
1870. Le lendemain de son sacre, il les
transmettait avec bonheur au pastorat
successif de sa chère paroisse « Heu
reux, disait-il, de perpétuer dans les
âmes des prêtres, appelés par Dieu à la
diriger, l'étincelle du dévouement reli
gieux nécessaire, à la fondation et à la
perpétuité des grandes œuvres. »
C'est à son presbytère qu'il réunissait
le Conseil; et c'est là que, sous les yeux
de la fondatrice, Mme Herbert-Prade-
land, il travailla à la rédaction du règle
ment de Sainle-Marie, monument de
sagesse, d'expérience et de piété que
l'évêque « admira s, et que le supérieur
général des Filles de la Sagesse accepta
des deux mains, tant il le vit «inspiré par
la plus pure charité. »
' II
Si la paroisse de Saint-Nicoîas était la
plus importante de Nantes, l'église était
pauvre, étroite, insuffisante. Depuis-que
l'évêque l'avait envoyé comme auxiliaire
dé. M. du Paty, l'abbé Fournier avait rêvé
pour la vieille église une résurrection
qui répondit au réveil du sentiment reli
gieux dans sa chère paroisse. Comme il
était un orateur, il était aussi un artiste,
et il était de. ceux qui, dèà le premier jour,
s'étaient prononcés, avec M. de Monta-
lembert, pour un retour à l'art du Moyen
Age. N'étant encore que vicaire, avec l'a
grément de son curé, il avait chargé un
de ses plus intimes amis,le docteur Louis
Thibaud, ami lui-mêmelde Montalembert,
de demander à ce dernier s'il ne pourrait
pas lui procurer, tirés de ses collections,
quelques types d'églises du XIII 0 siècle,
avec plans à l'appui. Dans sa réponse,
datée-de Solesmes le 21 décembre 1835,
l'auteur de la Vie de sainte Elisabeth fé
licitait M. Thibaud et M. Fournier et se
mettait à leur disposition. « Il est hon
teux, ajoutait-il, qu'en Angleterre on ne
bâtisse plus que des églises gothiques
même dans les plus humbles commu
nautés catholiques, même en Irlande,
tandis que dans la France, soi disant ca
tholique on en soit toujours aux tradii.
tions païennes. Encore une fois, je vous
remercie du fond de mon cœur d'avoir
bien voulu vous adresser à moi, et je
Ediiioa quotidienne. — 12,011
Mardi 8 Janvier 1Ô01
frri^rT»7aBBr»tiffinrii^^ •< rv» rr;rBfrngm'm mw wwwiwr
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
et départements
Un an 40 »
Six mois 21 »
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ÉTRANGER
(UNION POSTALE)
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LE MONDE
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eï départements {unios postale) -
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Six mois 10 » 13 »
Trois mois 5 » 6 50
Les abonnements partent des I e ' et 16 de chaque mol»
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui s ont adressés
ANNONCES
MM. LAGftANGE, CERF et C'®> 6, place de la Bourse
PARIS, 7 JANVIER 1901
SOMMAIRE
EuaÈNE Tavernier.
F. L.
Edouard Alexandre
Edmoxd Biré.
s Un fauve ou un
fou »
La question de la
Mandchourie
et là : Pour les
jeunes filles.......
Causerie littéraire :
MgrFoumier......
Bulletin. — Nouvelles dp borne. -- Dé
menti.— La liberté selon Tourgnol. -—
La désaffectation cl'un-petit sémiaalre. —
Le port de la soutane. — Injustice dis-
tributive. — Le Bon-Pasteur. — Les biens
des congrégations. — Information* po
litique* et parlementaires: — La déco-,
ration de Landrecies. — Un télégramme
de Léon XIII. — La guerre du Traii»-
va&i — En Ohine. — Notre corps expédi
tionnaire. — Dèpêcùes de l'étrangei.—
Chronique. — Lettrés-, sciences et art».
-— Institut catholique de Lille. — Le
conseil supérieur du travail; — La ques
tion ouvrière. — Echos de* partout. *—
Chronique religieuse. — Nécrologie.
Guerre et marine. — Tribunaux. —Le
froid. — La peste. — Nouvelles diver
ses. — Gaiendrler. — Bourse et bulletin
financier. -- Dernttre heure.
UN FAUVE OU UH FOU
L'autré~jour, dans le Gaulois, M.
Léon Daudet résumait les œuvres
accomplies parle siècle achevé, qui
fut,disait-il, «le siècle de la vitesse,
de la légende et del'analyse. »
D'une touche brève, rapide et
sûre, souvent brillante, le fils du
grand romancier marquait les pha
ses du prodigieux mouvement où
s'épanouirent, où se mêlèrent par
fois, l'épopée napoléonienne, la
littérature,la science expérimentale
et l'invention mécanique.
Il a bien discerné la direction et
le caractère de tant d'efforts en ap
parence confus, en réalité ordonnés
à une œuvre harmonique dont leg
traits généraux deviennent de plus
en plus visibles :
« ... Toute là poésie lyriqué de ce
siècle ne m'apparaît. ainsi que com
me l'antichambre ardente de la |oi,
un intervalle entre la période sèche
et sceptique du dix-huitième, le pé-
dantisme enivré des encyclopédis
tes, de Diderot, Jean-Jacques, Am
père et Voltaire et le renouveau de
passion religieuse qui frémit déjà
dans l'heure présente. C'est l'insi
nuante majesté du christianisme
qu'ilnous ressaisit par toits les biais,
tous les■ détours, comme si Dieu ru
sait avec l'homme. Tantôt il se sert
du lyrisme, tantôt de la légende,
tantôt de la solidarité qui n'est, si
l'on peut dire ainsi, que la tradition
dans l'espace. Par la solidarité, les
hommes ne cherchent-ils pas àjse
rejoindre dans le moment, comfne
ils sont rejoints à leurs ancêtres
par la ■ trame indissoluble jdu
temps?» '
" Les expériences, les analyses,.|es
inventions et les découvertes, d^nt
nous sommes encombrés, doivent-
elles conduire au même résultat?
Certainement. a < *
« Celui qui se scrute lui-mêsne
rencontre d abordla science, toute
la science, c'est-à-dire les lois de.,
son propre mécanisme et le fonc
tionnement de ses rouages. S'il dé
passe ce stade de raison, il s'aper
çoit que la sensibilité est au delà \le
l'intelligence, qu'elle est la vie et la
lumière, que tous calculs sont .de
pauvres calculs,qu'aucune méthode,
qu'aucun système ne modifientila
joie ni la" Couleur,.que le fond ie
l'être, que ce qui importé est in-
muable. Et l'instant ae cette cons
tatation précède de fort peu la
prière. »
Remplaçons le mot « sensibilité »
par le mot
pond mieux àla pensée que l'auteur
a voulu exprimer. Ainsi nous aurons
en quelques lignes une saisissante
formule de l'état d'esprit où sont
parvenus, après des détours variés
et parfois étranges, beaucoup
d'hommes distingués qui croyaient
bien, pour leur compte, en avoir
fini avec, la religion.
M. Léon Daudet a l'avantage, peu
commun chez les hommes : de Let
tres, de posséder des connaissances
scientifiques. Les études médicales
qu'il a poursuivies sans perdre de
vue la littérature, à laquelle proba
blement il entendait accorder quel
que jour la préférence définitive, lui
ont procuré des ressources em
ployées avec succès.
Il a cul tivé le goût du style et le
sens do l'art, reçus de son. père.
Sans aller aussi loin que l'auteur du
Nabab et de l' Immortel dans la re
cherche de ce que M. Jules Lemai-
tre appelait la. « notation verbale »,
ni dans l'extrême raffinement qui
donnait à ce style une sorte de légè
reté, aérienne, ..il .traite la. langue
comirae une matière dont les riches-
sès doivent jaillir sous lai pression
continuelle d'une force vigoureuse
et souple. Il a le don de l'image et
de la verve, les allures les plus li
bres, des idées abondantes.
Enclin à la satire par son tempé
rament audacieux, M. Léon Daudet
a écrit nombre de pages qui con
tiennent des peintures virulentes.
Dans Les- Morlicoles, dans Les
Ka.mtcha.ha. et ailleurs, l'hypocrisie,
le vice, la sottise du monde litté
raire et politique sont flagellés avec
une; ardeur implacable et parfois
avec uae gênante préoccupation de
réalisme. line court pas après l'im
moralité mais il n'a pas peur de là
montrer sans voiles. Il a même
composé lin volume que plus tard,
nous l'espérons, il supprimera de
la collection de ses œuvres com
plètes. A quoi bon cette Suzanne
dévorée follement de la- passion
horrible qu'on ose à peine nommer
i et que seul Racine pouvait faire
parler, par un tour de force du
génie 1
On trouverait dans les romans et
aussi dans les articles de,journaux
de M. Léon Daudet bon nombre de
déclarations qui- s'accordent mal
avec la tendance chrétienne qu'il
manifeste aujourd'hui délibérément.
Il conclut que « l'homme sans la
« croyance est un fauve ou un fou ».
Je ne saurais plus indiquer dans
quel endroit il a dit presque le con
traire; mais je crois bien rie pas;
être victime d'une erreur de mé
moire. C'est une raison do plus de
se réjouir et de se féliciter quand on
le voit signer une profession de foi
comme celle-ci : « Croyance «n Dieu,
croyance en la patrie, sabre ou gou
pillon, c'est tout un, à mon avis,
imes camarades. Le mépris de - la
mort, l'espoir en une vie meilleure 5
sont indispensables à une vie
droite. »
Une contradiction si heureuse
rappelle les paroles émouvantes,
très nobles et très profondes, d'un
savant libre-penseur anglais,le natu
raliste et le physicien Tyndall, à qui
le matérialisme inspira parfois d'ef
frayants accès d'enthousiasme. Ile-:
venu de ses emportements et occupé
à rédiger une préface pour plusieurs
de ses discours, Tyndall livrait cet
aveu : .
« J'ai remarqué depuis des années
d'observations sur moi-même que ce
n'est pas dans mes heures de clarté
et de vigueur que cette doctrine (le
matérialisme) s'impose à mon es
prit; qu'en présence de pensées plus
fortifiantes ou plus saines, elle se
dissout toujours et disparaît comme
n'offrant pas la solution du mystère
dans lequel nous sommes plongés
et dont nous faisons partie.
C'est dans les mauvais moments
que s'éveillent la négation et le
blasiphème. Alors, en effet,le fauve
et te fou ont pris le dessus ; mais la-,
conscience peut se redresser, les
vaincre et les condamner, les domp
ter et . les guérir. . Ceiui qui a lé
bonheur de n'avpir jamais ressenti
les atteintes du doute se montre
très ingrat et très sot en jî'admirant
pas la victoire remportée par la
droiture au milieu du déchaînement
des instincts, en pleines ténèbres.
Passer par une telle épreuve, c'est
la destinée de la grande majorité
des hommes. Quand ils en sortent
vivants et renouvelés, ils ont rem
porté un véritable triomphe.
Eugène T avernier.
ÏÏULLETl&C
Hier, dans la Loire-Inférieure, à eu
lieu une élection sénatoriale : M. de
Ponthriand, royaliste, à été élu par 542
suffrages contre 43 '2 donnés à M. Linyer,
républicain libéral. Âu mois de mars
dernier, M. de Juigné, ; monarchiste,
avait triomphé de son concurrent répu
blicain par 659 voix contre 282. .
Hier, dans laMeuse, aMontmêdy, oh
a. procédé à une élection législative. Il y
aballotlage.
Les membres de l'association gambet-
tiste se sont rendus hier aux Jardies où
la cérémonie annuelle de l'anniversaire
de la mort de Gambetta a été présidée
par le général André, ministre de la
guerre, qu'accompagnaient MM: Cazot,
Dusolier, Expert-Bezançon, Delpech,
sénateurs.
Le ministre de la marine a quitté
Paris, hier au soir, pour se rendre à
Cherbourg. Il est accompagné parle mi
nistre de la g uerre, le vice-amiral Bien-
aimé, chef d'état-major général de la
marine, et M. Thibaudier, directeur des
constructions navales. Les ministres
seront de retour k Paris dans la mâtiné?
de demain. *
Le Journal officiel publie un décret du
président de la République maintenant
au ministère de la marine la direction-
de notre corps expéditionnaire en Chine.
La nouvelle d'après laquelle la Rus
sie, après l'acceptation par les pléni
potentiaires chinois de la note collec
tive, serait prêté à signer un traité sé
paré avec la Chine est de source pure
ment anglaise et se réfère à des infor
mations chinoises.. Elle ne mérite donc
d'être acceptée que sous toutes réserves.
NOUVELLES DE ROME
3 janvier.
i L'Aumônerie apostolique adresse à
l'Osseruatore Roma.no une communica
tion portant qu'aux 35,500 francs répar
tis en bienfaisance par Mgr l'aumônier
secret de Sa Sainteté, il faut ajouter en
core les 16,4)00 donnes aux anciens em
ployés des ex-ministères pontificaux, et
les 5,000 distribués aux anciens militai
res pontificaux, ce qui élève à 51,000 fr.
la somme donnée par S. S. Léon XIII à
l 'occasion des fêtes de Noël.
: Quant à celles que le Saint-Père a
(distribuées au cours de l'année jubilaire,
elles sont autrement plus importantes, et
la même Aumônerie apostolique donne
au même journal les chiffres suivants :
fen secours spéciaux...... Fr. 173.085 27
En aumônes ordinaires........ 81 498 a
En secours aux prêtres pau
vres..... 18.968 33
En médicaments distribués par
le dispensaire de l'Aumône-
' rie.................;.,...... 7.093 59
En dots conférées à des orphe
lines et aux jeunes filles'en
seignant le eatéchlsme dans -
les paroisses 17.108 »
En recours aux ex-employés
pontificaux, à leurs veuves et
orphelins................... 40.430 »
En secours aux ex-militaires" ■'
pontificaux, à leurs veuves et
orphelins.., .29,400. »
Fr. 367.5is 19
Et dans cette somme n'est pas com
prise celle que l'Aumônerie apostolique
consacre annuellement à l'entretien de
neuf écoles élémentaires pour les filles
pauvres; de deux asiles pour l'enfance;
d'un abri nocturne ; de deux laboratoi
res et du refuge des SS. Clémente et
Crescentino, où actuellement se trouvent
cent trois enfants abandonnés. Enfin,
l'on doit ajouter encore à ce total une
Bomme assez considérable employée en
médicaments et secours pour les ^beso
gneux de Castel-Gandolfo; ;
Au Vatican.
Le 2 janvier, le Souverain Pontife a
reçu S. sA. R. la princesse Mathilde de
Bourbon, née duchesse de Bavière, veuve
du comte de Trani, de la maison des
Deux-Siciles;le3janvier,il a reçu S.Em,
le cardinal Vaughan , archevêque de West
minster. -
En Italie.
Le Mattino , important journal de Na-
ples, nous initie aux efforts que ferait
l'honorable Sonnino —ou du moins ses
partisans pour provoquer une crise
ministérielle extra-parleméntaire. Il s'a
girait tout simplement de débarquer la
plus grande partie du ministère italien et
de ne laisser à M. Saracco que la prési-
dencedu conseil, de le dépouiller de l'in
térieur en faveur de l'honorable'Sonnino.
M. Gallo trouverait grâce devant les ad
versaires-du cabinet, mais il passerait a
la justice. : M. Luzzatti serait chargé du
trésor. D'autres organes considérables
insistent aussi sur la nécessité d'un re
nouvellement du ministère. .
— La ville de Bergame inaugure léXX e
siècle par la suppression des octrois
municipaux. •
r- On se préoccupe de la mise en va
leur de la colonie africaine de l'Erythrée
Des professeurs d'agriculture sont en
voyés là bas pour se rendre compte des
cultures que comporte le pays. Le che
min de fer Saati-Asmara sera prolongé
de cçnt kilomètres. Rappelons que sur
-le traité conclu avec Ménélik, les diplo-
f mates italiens ont obtenu pour l'Erythrée
des frontières stratégiques qui, en dépit
!du désâstre d'Adoua, ne laissent pas de
compromettre l'indépendance de l'Abys-
sinie.
'♦ ■- •• J '—
DÉMENTI
Au sujet du récent voyage à Rome
de M. Bettembourg, procureur gé
néral des Lazaristes, certains jour
naux ont prétendu que l'éminent
religieux allait à Rome envoyé par
M. 'Waldeck-Rousseau et pour faire
valoir auprès du Vatican les argu
ments du ministère en faveur de
son projet sur les associations.
Il convient tout d'abord do faire
observer que M. Bettembourg; à
cause de ses fonctions, se rend sou
vent à Rome; Et particulièrement
cette fois, il n'y a pas été envoyé,
mais appelé par qui de droit.
• Quanta l'injure gratuite et odiéuse
qu'on lui fait en le présentant com
me l'adversaire des congrégations,
ou du moins de certaines congréga
tions, chez tous ceux qui ont l'hon
neur de connaître M. Bettembourg,
elle ne suscitera que le mépris. Ils
le savent, au contraire, dévoué pro
fondément à la cause de toutes les
congrégations.
LA QUESTION DEU «MNDCKOIIBIE
La convention en vertu de la
quelle la «"Russie, d'accord avec le
gouvernement chinois, étend offi
ciellement à la partie méridionale
de la Mandchourie le protectorat -
.qu'elle exerce déjà, en fait, dans la
partie septentrionale et orientale,
paraît causer en Angleterre une
impression pénible, assez voisine
delà surprise, comme s'il s'agissait
d'une déception imprévue; or, c'est
précisément cet étonnement qui est
surprenant.
La presse anglaise rappelle donc,
à cette occasion, la promesse sous
crite par toutes les puissances de
respecter l'intégrité territoriale du
Céleste-Empire; mais la Russie ré
pond qu'elle est prête à réitérer cette
promesse à laquelle elle prétend
n'avoir point manqué. Est-ce qu'un
protectorat se confond avec une an
nexion?, Sans doute un résident
russe va être installé d'une façon
permanénte à Moukden, mais il aura
à côté de lui un préfet ou un gou
verneur chinois et des fonctionnai
res indigènes.
Et puis, est-ce que la Grande- .
Bretagne n'a point promis, elle
aussi, de respecter, voire même de'
garantir l'intégrité territoriale de
l'empire ottoman? Ces promesses
formelles ont-elles empêché la ces
sion de Chypre, l'occupation de
l'Egypte et du Soudan égyptien,
toutes contrées qui faisaient pour le
moins aussi étroitement partie des
états du sultan de Constantinople
que la Mandchourie des domaines
du Fils du Ciel ?
Comme on le voit, si, comme nous ;
le croyons, l'argument des promes
ses a une'valeur morale, même en
politique, ce n'est pas évidemment
dans la bouche de la scrupuleuse
Albion, et la Russie a le croit de
rétorquer l'argument.
. Quant à l'espèce de surprise que
montre la presse d'outre-Manche,
elle est encore moins facile à com
prendre : est-ce que la convention
: ciont il s'agit nous apprend quelque
chose de nouveau ? Le gouver
nement anglais, depuis des années, s
a épié pas à pas les progrès de la i
main mise économique et politique
■■.de la Russie sur les trois provinces
de la Mandchourie; il a connu les
conventions successives qui ont ré
gularisé cette sorte d'absorption ;
pacifique ; il a vu commencer et
poursuivre, kilomètre par kilomè
tre, non sans y contredire, à l'oc-,
casion, le réseau des diverses
lignes de chemins de fer qui for
ment comme l'épanouissement, la
ramification: orientale du transsibé
rien, du fleuve Amour au golfe
de Pé-tchi-Li, comment peut-il
maintenant feindre l'étonnement à
propos d'une convention qui nV
ioute rien à des faits acquis depuis:
longtemps déjà, et connus de tous
antérieurement à la crise actuelle?
' P. L.
^ r : ;
BlSAEEECTAW B'tS PIÏH SÊ8HU8E
Samedi soir, on lisait dans le Pe
tit Sou :
Le gouvernement vient de prendre la
décision de faire rentrer l'Etat en pos
session de ses immeubles qui avaient été
jusqu'aujourd'hui mis à la disposition
des évêchés pour seryir de séminaires.
Le premier établissement désaffecté
est l'ancienne abbaye de Luxeuil dans la
Haute-Saône. Les professeurs et les. élè
ves dé ce séminaire viennent de recevoir
l'ordre d'avoir à quitter cette propriété
dans le plus bref délai.
Hier,, la nouvelle était ainsi con
firmée par le Nouvelliste de la. Hau
te Saône :
Dans la journée de lundi 31 décembre,
le bruit s'est répandu dans la ville de
Luxeuil qu'un décret désaffectant le petit
■séminaire venait d'être rendu.
Tout d'abord.nous pensions que ce
bruit était faux; mais, information prise,
nous avons acquis la certitude que le dé
cret était signé.
Le petit séminaire de Luxeuil, dont les
Luxoviens avaient le droit d'être fiers,
rétablissement le plus considérable et le
plus florissant du diocèse pour le recru
tement du clergé, est donc à la veille
d être ferme.
L'émotion est très grande dans la po
pulation, et nous croyons pouvoir affir
mer que la grande majorité des habi
tants est consternée et désapprouve for
mellement cette mesure. '
' :• i
Le Souverain Pontife a lumineu
sement établi qu'en s'attaquant aux
congrégations religieuses, on frap
pait l'Eglise.
Le gouvernement se charge à son
tour de démasquer lui-même l'hy
pocrisie des affirmations par les
quelles il prétendait n'en vouloir
qu'aux moines et respecter le clergé
séculier.
En attendant que le Parlement
lui fournisse une.loi pour ruiner les
couvents, le voici qui. se met à fer
mer les petits séminaires.
C'est la religion catholique elle-
même, avec tous ses serviteurs et
tous ses éléments, que ce ministère,
instrument de la secte impie, veut
anéantir en France.
Bien fou celui qui croirait que la
destruction des religieux assouvira
cpt appétit féroce.
Elle ne fera que l'aiguiser davan
tage ... Et c'est pourquoi nous de
vons tout entreprendre afin de;
lui arracher cette proie.
Çà et là
POUR L'ES JEUNES FILLES
L'alimentation intellectuelle des jeu
nes filles du peuple qui ne lisent guère
que des romans, laisse beaucoup à dé-
; sirer. On a dit — non sana raison — que
le meilleur des romans ne vaut rien. Il
est, en effet, même dans les meilleures
œuvres d'imagination; un écueil fatal
que les auteurs les plus moraux et les
■plushonnêtes ne saventgénéralementpas
éviter. lis voient le monde à travers un
prisme qui n'en reflète pas l'exacte phy
sionomie. Et alors même qu'un roman,
par le fond de sa thèse comme par ses
conclusions, honore et célèbre la vertu,
il n'est pas, pour cela, exempt de tout,
danger, s'il fausse le sens vrai delà vie
en versant, par ses détails, dans l'impos
sible et l'irréel, afin d'accroître son inté
rêt dramatique et de corser — comme on
dit au théâtre— l'étrangeté de ses situa
tions. La morale qui s'en dégage semble
alors s'appliquer à un autre monde que
notre pauvre planète sublunaire.
Et des imaginations vives, des cœurs
purs et impressionnables n'ont aucun
profit à retirer de la lecture de ces sor
tes d'ouvrages, qui ne peuvent que faus
ser le jugement et égarer l'esprit.
Sans doute, tout écrivain a le droit de
rechercher le mieux, d'élargir les hori
zons, de hausser les cœurs et de viser à
l'idéal.
Mais est-ce bien par la voie délia fiction
purent en rompant pour ainsi dire avec
toutes les conditions et toutes les lois.de
la vie, que l'on peut atteindre ce noble
but?
Les jeunes ouvrières de Paris ne sont,
hélas ! que trop adonnées àla lecture des
romans. Nombreux .sont encore, grâce à
Dieu, les auteurs qui, en Pran.ce, savent
FEUILLETON DE L'UNIVERS
DU 8 janvier 1901
CAUSERIE LITTÉRAIRE '
Vie de Mgr Fournier (1).
(second et dernier article)
♦ - ' ! '
i
L'abbé Fournier a occupé la cure ds
Saint-Nicolas pendant trente-quatre ans,
de 1836 à 1870. Jamais années ne furen;
niieûx remplies, plus fécondes en ceuvret
de zèle et de piété. - ■ ;
Nous avons vu, dans notre premier ar-
tiolej comment, dès 1832, il avait groupé
autour de lui quelques jeunes hommes
qui, à son école, étaient devenus apôtres.
La charité en avait'fait les amis des pau
vres. Le 17 janvier 1837, une Société ée\
Saint-Vincent de Paul, parallèle à l'œi- :
vre de Paris, mais encore indépendan
te de cette dernière (elle ne devait s'y
rattacher qu'en 1841), tint sa premièft
séance officielle dans la chambre dt.
curé. Ses membres étaient au nombre d
taient MM. Robert Desdaudières, Louis- 1 ;
Antoine de la Tocnaye, Jules Garabit,î
Louis Gaillard, Emile Guiilou, Alphonse'
Gillois, Pierre Joussel,Charles Laënnec,
(1) Vie de Mgr Fournier, évêque de j
Nantes, par M, l'abbé Pothier, son ancien j
secrétaire; Deux volumes grand in-octaVo.
— Voir l'Univers du 25 décembre 1900.
Charles Legrand, Prosper Naudin, Joa-
chim Sotta.
La question de l'éducation fut l'une
des premières dont se préoccupa le nou
veau curé de Saint Nicolas. « L'avenir,
écrivait-il à un ami, est entre les mains
des éducateurs de la jeunesse. » Profon
dément lettré/ admirateur passionné des
chefs-d'œuvre de l'antiquité gréeque et
latine, il estimait cependant que les étu
des classiques étaient trop exclusive
ment païennes et qu'elles réclamaient
de ce chef une réforme. Pour lui, comme
pour Lacordaire, les frises du Parthé-
non avaient le tort de trop cacher la
coupole de Saint-Pierre. A. son sens, il
convenait d'introduire dans les études,
avec les monuments païens, les monu
ments chrétiens : avec Virgile et Cicé-
ron, quelques fragments çhoisiB des Pè
res de l'Eglise.
. Telle fut l'une des idées sur lesquelles
reposait l'Institut pratique, fondé par
l'abbé Fournier.
' - j?
La pensée chrétienne,- disait-il dans un
discours-programme, sur lequel chacun des
professeurs avait été consulté et que tous
avaient accepté, la pensée chrétienne est la
pensée génératrice de l'Institut pratique
comme vérité première en toute science et
en tout enseignement, comme principe uni
que d'action sur les cœurs ainsi que sur les
intelligences, comme base nécessaire> de
toute éducation.
Ce n'est pas dans notre' maison un ordre
de choses à part, un enseignement relégué
à certains hommes et à certains moments ;
c'est le foyer unique, le point central, la
parole vivifiante et nécessaire de tout et de
chacun de nous.
Tout doit donc inculquer, confirmer, dé
velopper le dogme chrétien, la morale chré
tienne, en amener l'intelligence, l'amour et
la pratique, en développer les sentiments
•dans les cœurs des élèves.
Les explications, les rapprochements des
auteurs, les conversations, les dictées, sur
tout l'enseignement de l'histoire, tout doit
être pénétré de la pensée chrétienne.
L'abbé Fournier avait mis à la tête de
son Institut un ami de .Silvio Pellico, aur
teur d'un beau livre sur l'Education, Ni-
coloTommaseQ (2), qui devait quelques
années plus tard, en 1848, être membre
du gouvernement provisoire de la Répu
blique de "Venise. Tommaseo était parti
culièrement versé dans la littérature
chrétienne, et l'un des- résultats, du sé-
(2) Nicolo Tommaseo, né en 1803 à Sebe-.
nico, en Dalmatie, mort à Rome le l e,- mai
1874. Au moisde mars 1848, il fut nommé,
avec Daniel Manin, membre du gouverne-
nement provisoire de la république de Ve
nise. lise retira avec lui, lorsque.le peuple
exigea l'alliance avec le Piémont et la
guerre offensive contre l'Autriche (8 juin).
L'issue malheureuse de la première campa^
gne, et les nécessités de la résistance rame
nèrent Manin et M. Tommaseo au pouvoir
(Il août .1848). Ce dernier devint ministre
du culte et de l'instruction publique, fit en
vain deux voyages à Paris" pour demander
le secours de la République française et
dut s'effacer devant Manin, le représentant
d'une résistance plus active. Il fut exilé après
la capitulation delà ville. On lui doit de
très nombreux ouvrages, dont les princi
paux sont, avec son livre sur l'Education
(1834),. le Duc d'Athènes. (1836); un Com
mentaire du Dante. (1831 j ; une Collection
des papiers d'ambassade vénitiens qui ont
rapport à l'histoire dé France du seizième
siècle -(1838) ; de Nouvelles études sur le
Dante (1865), et un Grand dictionnaire dé'
la langue italienne, publié après sa mort.
jour à Nantes de l'éminent Vénitien fut
la publication du premier Excerpta Pa-
trum qui ait été mis dans les mains des
écoliers. Il est en effet antérieur à celui
que fit composer Mgr Parisis et à ceux si
complets que l'on doit au R. P. d'Alzon.
En 1838,l'abbé Fournier fonda 1 Œ'uvre
de Sainte-Elisabeth, pour .venir en aide
aux pauvres femmes malades. A la tête
de cette nouvelle œuvre, il mit un groupe
de femmes pieuses, dont la charité et le
dévouement lui étaient connus.
La petite association de Sainte-Elisa
beth, écrivait-il, a pour but de donner des
consolations à ceux qui souffrent. On devra
leur témoigner de l'affection et une obli
geance active et soutenue. Les âmes flé
tries parla misère ou la douleur retrouve
ront ainsi de la verdeur et de la sève.
Celles qui sont éloignées de Dieu seront
plus pressées de. s'en rapprocher ; les
autres, demeurées fidèles, puiseront dans
cette œuvre la force de la résignation, de
l'acceptation?de la volonté de Dieu pour
gravir, s'il le faut, à la suite du divin
Maître la rude montée du calvaire.
L'association a des membres actifs et des
membres honoraires.
: L'annuité est de 10 francs. Les réunions
et les admissions sont mensuelles sauf
pour les admissions dans le cas de nécessité
urgente. -
, Les fêtes de la Compassion dé la Sainte
Vierge, de sainte Elisabeth, dés Saints
Innocents et de sainte Anne sont les fêtes
patronales.
Chaqae associé dira-une fols par jour
l'invocation suivante : « Sainte Elisabeth,
priez pour nous et pour nos pauvres ma
lades.»
A.chaque réunion^ il sera fait des prières
spéciales pour uos^ malades, ceux d'entre
eux qui sont en danger de mort, et nos dé
funts.
Cette Giuvré de Sainte-Elisabeth a
reçu de l'abbé Fournier une telle impul
sion, elle fut tellement imprégnée de
l'esprit chrétien, du sacrifice, qu'elle a
traversé sans faiblir plus d'un demi-siè
cle; la douleur qu'elle soulage aujour
d'hui se plait à vivre de la foi comme
celle qui sollicitait ses visites à son ori
gine : Dieu lui donnera longue-vie en
core. .
Déjà, en 1833, lorsqu'il n'était encore
que vicaire, l'abbé Fournier avait été
choisi comme directeur et principal con
seiller de I ''Œuvre de Sainte-Marie — à
la fois école chrétienne et établissement
charitable — fondée à Nantes par de gé
néreuses chrétiennes, qui se proposaient
de faire élever gratuitement des petites
filles pauvres, confiées par elles aux
Filles de la Sagesse. Dès qu'il fut devenu
curé, Mgr de Guérines, sur la demande
unanime des Dames de l'Association, le
nomma président de leur Conseil et de
{'oeuvre tout entière. L'abbé Fournier ne
se relâcha pas un seul jour de ces enva
hissantes et délicates fonctions jusqu'en
1870. Le lendemain de son sacre, il les
transmettait avec bonheur au pastorat
successif de sa chère paroisse « Heu
reux, disait-il, de perpétuer dans les
âmes des prêtres, appelés par Dieu à la
diriger, l'étincelle du dévouement reli
gieux nécessaire, à la fondation et à la
perpétuité des grandes œuvres. »
C'est à son presbytère qu'il réunissait
le Conseil; et c'est là que, sous les yeux
de la fondatrice, Mme Herbert-Prade-
land, il travailla à la rédaction du règle
ment de Sainle-Marie, monument de
sagesse, d'expérience et de piété que
l'évêque « admira s, et que le supérieur
général des Filles de la Sagesse accepta
des deux mains, tant il le vit «inspiré par
la plus pure charité. »
' II
Si la paroisse de Saint-Nicoîas était la
plus importante de Nantes, l'église était
pauvre, étroite, insuffisante. Depuis-que
l'évêque l'avait envoyé comme auxiliaire
dé. M. du Paty, l'abbé Fournier avait rêvé
pour la vieille église une résurrection
qui répondit au réveil du sentiment reli
gieux dans sa chère paroisse. Comme il
était un orateur, il était aussi un artiste,
et il était de. ceux qui, dèà le premier jour,
s'étaient prononcés, avec M. de Monta-
lembert, pour un retour à l'art du Moyen
Age. N'étant encore que vicaire, avec l'a
grément de son curé, il avait chargé un
de ses plus intimes amis,le docteur Louis
Thibaud, ami lui-mêmelde Montalembert,
de demander à ce dernier s'il ne pourrait
pas lui procurer, tirés de ses collections,
quelques types d'églises du XIII 0 siècle,
avec plans à l'appui. Dans sa réponse,
datée-de Solesmes le 21 décembre 1835,
l'auteur de la Vie de sainte Elisabeth fé
licitait M. Thibaud et M. Fournier et se
mettait à leur disposition. « Il est hon
teux, ajoutait-il, qu'en Angleterre on ne
bâtisse plus que des églises gothiques
même dans les plus humbles commu
nautés catholiques, même en Irlande,
tandis que dans la France, soi disant ca
tholique on en soit toujours aux tradii.
tions païennes. Encore une fois, je vous
remercie du fond de mon cœur d'avoir
bien voulu vous adresser à moi, et je
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