Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1901-01-07
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 janvier 1901 07 janvier 1901
Description : 1901/01/07 (Numéro 12010). 1901/01/07 (Numéro 12010).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 7 Janvier 1901
Edition quotidienne. — 12,010
Lundi 7 Janvier 1901
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
e7 départements
Un âBt« >i i«t«* 40 9
Six mois 21 »
Trois mois 11 »,
ÉTRANGER
(union postai®}
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UN NUMÉRO |
Paris....... ... 10 cent.
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LE MONDE
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
. MM. LAGRANGE, CERF et C", 6, place de la Bourse
«as
Chaque demande de changement
d'adressé doit être accompagnée de
50 centimes en timbres-poste*
PARIS, 6 JANVIER 1901 .
SOMMAIRE
Jeune partisan d'un
vieux système..... , F rançois V euillot.
lia crise chinoise... L. ,G.
Le- Christ chez le
moujik . L. V.
L'Européen eh Al
gérie .......; V. F abrede K léber.
Variétés : La poésie
du bréviaire....... G eorges D oublet.
Feuilletons : Saint
Vincent de Paul vu
dans sa correspon
dance— ... C hanoine B.
A travers les revues.
Bulletin. — Dans la Légion d'honneur. —
Le président Kruger. — La guerre du
Tr&asvaal —En Chine.Dépêche» de
l'étranger. — A travers la presse. — Chro
nique. • Lettres, sciences et arts. —
Echos de partout, — Nécrologie. — La
peste. — N ouvelles diverses. — Qaîec-
drier. — Revue de laBourse.
JEÛNE PARTISAN
D'UN VIEUX SYSTÉBE
Depuis que la Chambre-a renver
sé le cabinet dont M. Barthou faisait
Eartie, 'la République est en danger.
'ancien ministre en a la conviction
profonde. A vrai dire, il n'en con
clut pas qu'il suffirait dé remettre
le pouvoir entre ses mains pour
.conjurer le ; péril! Mais il a manifes
tement le dessein d'amener le pu
blic, et surtout la majorité parle
mentaire, à cette conclusion.
Voici deux mois passés, le député
d'Oloron, parlant à ses électeurs,
ayait déjà montré ces inquiétudes
et laisse paraître cette ambition.
Forcé de reconnaître aujourd'hui
que son grand discours et sa petite
personne étaient à peu près [ou
bliées, M. Barthou rappelle une
ïois -de plus à l'opinion que le . ré
gime actuel est de jour en jour en
traîné vers l'abîme et qu'il devient
urgent de recourir à la sagesse ét
au dévouement des hommes d'Etat
en disponibilité.
L'ancien ministre a confié ce cri
d'alarme et cette impatiente aspira
tion, vers le -pouvoir à la Nouvelle
Revue.
Son article est un réquisitoire
énergique et fiévreux et én bien des
points très juste contre.le prési
dent du conseil et sa majorité. Le
Parlement, sous la direction de M.
Waldeck-Rousseau, n'a rien fait qui
vaille et les lois-dont il est le plus
fier ont des vices de construction
aué le temps découvrira bientôt ;
1 amnistie,!eh particulier, cette am
nistie partielle et partiale, est plus
propre à aiguiser l'irritation qu'à
ramener l'apaisement. Quant au ca
binet lui-même, en arguant mal à
à propos des nécessités de la « dé
fense républicaine », il a livré l'ac
cès du pouvoir au socialisme et, au
bout d un an, cette étrange façon
de défendre la République a eu
pour premier résultat les élections
parisiennes.
Leur second et suprême effet
pourrait bien être et M. Bar
thou le craintformellement —des
élections législatives analogues au
scrutin de Paris.
• « S'il reste encore des fautes à
commettre, écrit M. Barthou, il n'y
a plus qu'une année à perdre ; mais,
je tiens à le redire,cette année porte
en elle les destinées de là République;
perdue ou mal employée, elle com
promettra irrémédiablement l'ave
nir. » : ■■■" '
Donc, il ne faut point s'étonner
.qu'après avoir fait entendre; un
pronostic aussi pessimiste et aussi
ému, l'ancien ministre ajoute, avec
un tremblement dans la voix : « Il
est temps encore, mais il n'est que
temps... » :
C'est bien ce que nous avions dit :
la République est perdue, si M.
Waldeck-Rousseàu la conduit jus
qu'aux.élections de 1902. Telle est,
très clairement, l'opinion de -Mv Bar-:
thou. Celui-ci ne pouvait lancer
contre le ministère une attaqùê plus
violente, une accusation plus grave.
Il ne nous déplaît pas de voir un
personnage, aussi nettement répu
blicain que le député d'Oloron et
aussi préoccupé que lui de ne point
se confondre avec la droite et mê
me avec la fraction la plus modérée
des libéraux, porter ce ju gementsur
le président du conseil. On ne pourra
plus nous accuser de faire œuvre
antirépublicaine en nous forgeant
de la République une autre concep
tion que M. Waldeck-Rousseau.
Mais-sa conception de la Républi
que, à lui, Barthou, quelle est-elle?
Il ne suffit pas qu'ilmonte à l'assaut
du cabinet, — de quoi nous l'ap
plaudissons cordialement,—ni qu il
dénonce en M. Waldeck-Rousseau
le plus dangereux ennemi du ré
gime actuel, — en quoi nous ne di
rons point qu'il ait tort. Il faut qu'à
son tour l'aspirant-ministrë affirme
ses idées, son but et son pro
gramme.
Ici, M.. Barthou, si fécond en pa
roles et si prompt à l'attaque, de
vient plus bref, et sa concision
n'est pas loin de toucher à l'é
nigme.
Ce qu'il veut, c'est la constitution
d'un « grand parti républicain »,qui
s'établirait à égale distance « entre
la réaction plus ou moins déguisée
et lé communisme plus ou moins
révolutionnaire». ....
Voilà qui n'est pas très clair. On
voudrait savoir exactement quels
sont les républicains 'd'un républi
canisme assez avéré pour entrer
dans le « grand parti républicain »,
— puisque, évidemment, certains
républicains ne sont, foi de Bar
thou, que des réactionnaires « plus
ou moins déguisés ».
Parmi les questions qui sont à
Tordre du jour ou que l'ancien mi
nistre aurait le désir d'y placer,
n'en est-il point sur lesquelles il
veuille exprimer un avis, de nature
à mieux préciser ses opinions géné
rales ? Si fait ! Il y a le projet sur
la liberté d'association. Les termes
ou le député d'Oloron le définit
pourront en effet servir de crité
rium à, \e définir lui-même. Ecoutez-
le : Cette loi, dit-il, « a pour objet
d'assurer aux associations de .toute
nature, par l'abrogation des dispo
sitions arbitraires du Code pénal,
la liberté de naître* de s'organiser
et de se développer sans entraves,
— en même temps qu'elle protège,
par des précautions nécessaires,
contre les empiétements croissants
des congrégations religieuses, la
fortune publique et la liberté ci
vile».
Nous y voilai Pas n'est besoin
de chercher davantage et:nous con
naissons (suffisamment le « grand
parti républicain » que l'ancien mi
nistre ae l'intérieur' appelle à se
ranger sous lui. La définition que
cet adversaire, évidemment plus
ambitieux que convaincu, du mi
nistère actuel oppose à M. Wal
deck-Rousseau, pourrait fort juste
ment caractériser la proposition
formulée par celui-ci. C'est la li
berté pour tous, — excepté pour
les congrégations. -
Donc le programme auquel M-
Barthou convie la majorité peut se
résumer-ainsi : guerre aux partis
avancés, dont on craint les violèn-
ces ; mais guerre en même temps à
la religion, dont l'influence est aussi
redoutée que les fureurs socialis
tes; et, pour mieux appliquer cette
méthode, exclusion . au parti républicain », sous le nom de
réactionnaires « plus ou moins dé
guisés », de tous les républicains
qui ne se montrent pas résolus à
persécuter l'Eglise, au nom de k la
liberté. ,.
Nous connaissons ce .système. Il
y a longtemps que des politiciens
Elus habiles et plus puissants que
I. Barthou se sont cassé les reins
en essayant-de l'appliquer. C'est la
"concentration. La méthode a fait
ses preuves; Elle a entraîné le ré
gime et la France au fond de ce gâ
chis, qui déshonore la France et
qui, de l'aveu de M. Barthou, met le
régime en danger.
: Le député d Oloron qui se main
tint plus de deux ans au pouvoir,
avec M. Méline, en pratiquant une
politique absolument contraire à la
concentration qu'il préconise et qui
ne succomba enfin que pour avoir
trahi cette politique et son chef, en
favorisant sous main la concentra
tion, devrait se souvenir un peu
mieux des leçons que les événe
ments lui ont infligées.
A son défaut, ceux qu'il aspire à
gouverner s'en souviendront. Qu'il
le veuille ou non, entre les* partis
révolutionnaires et ce qu'il nomme
improprement la réaction plus ou
moins déguisée, il n'y a plus de
place pour un ministère de concen
tration. Tout cabinet sera forcé,
{jour vivre, ou de s'abandonner à
'extrême-gauche ainsi qu'y est con
traint M. Waldeck-Rousseau, ou de,
s'appuyer sans réserve et sans res-
{>ect humain sur les partisans réso
us de la paix religieuse, ainsi que
n'osa lè faire assez ouvertement
M. Méline.
Nous aiderons M. Barthou, de
tout cœur, à renverser M. Wal
deck-Rousseau. Mais si M. Barthou
monte au pouvoir et qu'il y veuille
appliquer le programme infirme
auquel il se rallie pour le moment,
nous le combattrons. Il faut un ca
binet qui veuille loyalement la pa
cification religieuse et qui sache'le
dire carrément.
François V euillot.
ÏÏULLETMl
La ville de Landreciesa été décorée de
la Légion d'honneur. Nous donne
rons demain le rapport .et le décret.
M. Millerand a officiellement accepté
les décisions du tribunalarbitralchargé
de statuer sur les réclamations présen
tées par de nombreux exposants.
Les ministres étrangers à Pékin ont
adressé au prince Ching et à Li-Uung-
Chang une lettre leur demandant de
signer la note des puissances. Les mi
nistres déclarent que c'est seulement
après l'accomplissement de cette forma
lité, qui maintiendra hors de discussion
les conditions irrévocables de la noie,
que le prince Ching et Li-Hung-Chang
pourront 'obtenir les explications qu'ils
demandent.
Une dépêche de lord Kitchener ne
semble pas indiquer que la situation
dans l'Afrique australe se soit améliorée
pour les Anglais : le généralissime re
connaît que tes Boers apparaissent un
peu partout. Un.télégramme que nous
avons publié hier"en Dernière neure an
nonce même ' que près de Middleburg,
les Anglais n'ont pas réussi à déloger
les troupes républicaines.
Le sultan à décidé de donner satisfac
tion aux ambassadeursétrangers. Il est,
paraît-il, résolu à supprimer les doua
nes intérieures. C'était une condition
préliminaire posée avant l'examen des
nouveaux traités de commerce.
LA CRISE CHINOISE
Ses causes. »— La prince Toan.
La crise chinoise actuelle a sa
cause principale et son point de
départ dans la révolution intérieure
qui fut accomplie à la cour impé
riale au début ae 1899.
- Pour la comprendre, il faut con
naître les lois de la succession au
trône. Elles se résument en un
mot : l'empereur doit appartenir à
la" ligne directe de la dynastie tar-
tare des Tsing, régnante depuis
164B.
Lorsqu'un .empereur meurt sans
enfant, la régence lui choisit un
successeur parmi les jeunes prin
ces* cousins germains de l'empe
reur défunt.
Ce successeur se marie à sa ma
jorité, et doit avoir un fils dans les
cinq ans. Cet enfant devient empe 1
reur tout de suite. Le dernier em
pereur défunt est censé l'adopter;
cette adoption posthume rétablit la
descendance essentielle en ligne
directe, qui avait été un instant in
terrompue.
' ' ' * * . f '
Lorsque l'empereur Sien-Fong
mourut en 1860, c'est son fils
Toung-Dje,un enfant de quatre ans,
qui lui succéda.
Toung-Dje n'était point le fils de
l'impératrice qui n'avait pas eu d'enT
faut, mais d'une femme de second
rang. Celle-ci, ayant donné ce fils à
l'empereur, devint elle-même im
pératrice-mère. Pour la distinguer
de la femme légitime de Sien-Fong,
on l'appela de l'ouest » ou Si-taè heou. Ce fut
cependant « rimpératriçé des : palais
de l'est » ou Toung-taè-heou qui
gouverna au nom de Toung-Dje, en
s'appuyant sur le prince Kong.
Le prince Kong n'était .point pour
tant 1 aîné des oncles du jeune em
pereur. Il n'était que le sixième
prince ; et sa puissance ne pouvait
qu'irriter son aîné, le cinquième
prince.
Mais Toung-taé-heou disparut
bientôt de la scène politique. Si-taé-
hèou devint alors l'impératrice sou*
veraine. Elle ne voulut plus du
{)rince Kong, et au lieu de prendre
e cinquième prince, elle appela au
pouvoir le septième prince, qui était
son propre beau-frère. .
En 1875, l'empereur Toung-Die
mourait sans : enfant, à l'âge de
20 ans. Si-taé-heou choisit pour lui
succéder, et pour susciter à la dy
nastie une descendance dans la li
gne directe, non point un jeune
prince de la branche aînée, mais le
fils du septième .prince, son propre
neveu, qui devint l'empereur Konang-
Sou. .
Dès qu'il s'était va mis ainsi à
l'écart, a l'encontre des usages tra
ditionnels, le cinquième prince, ir
rité, avait quitté la cour et Pékin. Il
était allé se fixer avec toute sa fa
mille en plein pays ; tartare, à Mouk-
den, en Mandcnourie. Le fils de ce
cinquième prince est devenu triste
ment célèbre; c'est le prince Toan,
revenu au pouvoir dans les circons
tances que jious allons dire.
Kouang-Sou, marié à sa majorité,
n'a pas eu d'enfants et ne peut pas
en avoir. Grave problème, puisque
l'empereur Toung-Dje et la ligne
directe restaient sans descendance,
bien au delà des cinq ans réglemen
taires.
Les mandarins commencèrent à
murmurer. Il fallut choisir un au
tre pseudo-empereur, que Toung-
Dje adopterait tout de suite. Et
comme d'après la croyance chinoise
le dernier empereur défunt vit tou
jours,mais dans l'âge où il est mort,
son héritier adoptif ne devait pas
être trop âgé.
C'est dans ce but qu'au commen
cement de 1899 Si-taè-heou choisit,
à défaut d'autres, le fils même du
prince Toan, le petit-fils par consé
quent du cinquième prince.
Avec son fils, c'était le prince
Toan lui-même qui revenait au pou-
.voir. 11 y apportait les blessures
faites à son orgueil personnel et à
l'amour-propre familial par ces ir
régularités successives ; les rancu
nes d'un long exil; la haine contre
tous ceux qui l'avaient supplanté,
ou qui avaient exercé, quelque pou
voir en son absence; la haine aussi,
et en. même temps l'ignorance la
plus grossière de tout ce qu'on
avait lait dans les trente-cinq der
nières années.
Ce que l'on avait fait, c'était sur
tout des réformes. Depuis la guerre
siho-japonaise, particulièrement, la
Chine s'était un peu ébranlée, très
lentement sans doute, mais, enfin
après des siècles de cristallisation,
elle commençait à soupçonner qu'il
existait un monde en dehors de
l'empire du Milieu et que ce monde
avait une civilisation différente de
la sienne. De cette civilisation,-elle
avait même accepté quelques élé
ments ; d'autres lui avaient été im-
§osés avec une précipitation un peu
rusque.
Dès ses premiers actes, lè prince
Toan s'annonça comme le réaction
naire le plus rétrograde, décidé à
employer les moyens les plus vio
lents pour empêcher la Chine de
s'écarter des traditions séculaires
des ancêtres. C'était une lutte qui
s'engageait entre la routine et le
progrès. .
C'est le moment de noter une
des récentes ironies de l'histoire :
le violent réactionnaire qu'est le
prince Toan a trouvé en Europe
des alliés fort bruyants. On a plaint
les pauvres Chinois d'être violentés
par les étrangers ; on a osé écrire
qu'il fallait protéger les Chinois
contre les missionnaires. Qui fai
sait entendre ces déclamations ?
Ceux-là mêmes qui ont sans cesse
sur les lèvres les mots sonores de
progrès, de civilisation, de droits,
de justice et d'humanitéi Ceux-là
mêmes qui ont épuisé leur vocabu
laire d'injures, lorqù'ils ont lâché
le mot de réactionnaire !
Dans la guerre qu'il entreprenait
contre le progrès sous toutes ses
formes, incarné dans « l'Etranger »,
le prince Toan pouvait compter sur-
des alliés, et devait rencontrer des
obstacles.
Immédiatement se réunirent au
tour de lui, tous les mécontents
s'ous les gouvernements antérieurs,
tous les fanatiques du parti des
Vieux-Chinois.
Il faut y joindre les membres des
sociétés secrètes* répandues un
peu partout ; ils se trouvèrent grou-
Eés dans une espèce de ligue, les.
oxeurs, dont le prince Toan lui-
même devint le cher suprême.
C'était, si l'on peut résumer en
quelques mots une telle situation,
la mise en ébullition des éléments
les plus violemment réactionnaires
de cet immense pays sous l'action
d'un prince qui revenait.au pouvoir,
grossièrement ignorant de tout, et
avide de prendre une revanche hai
neuse.
^ A cette influence funeste s'oppo
sèrent bien quelques obstacles.
Nous ne parlons pas des étrangers
ni des Chinois chrétiens, mais des
fonctionnaires et mandarins et du
peuple lui-même. Non pas qu'aucun
ae ceux-ci ait osé résister ouver
tement aux décrets soi-disant im-
Çériaux, mais rédigés par le prince
oan! On a trop de respect pour le
« caractère » du Fils du ciel. ~
Mais il est une résistance émi
nemment adaptée au tempérament
chinois : c'est la force d'inertie.
Il semble bien que c'est l'attitude
qu'a prise en masse le peuple chi
nois : aimant à vivre tranquille et
en paix, le peuple chinois demande
qu'on ne vienne point troubler sa
quiétude par des violences en au
cun sens.
Lés vice-rois, gouverneurs dé
provinces, mandarins, ont pour la
plupart, vis-à-vis de la civilisation
occidentale, au moins cette sagesse
qu'inspire la crainte. Ils ne peuvent
avoir oublié les leçons de la guerre
sino-japorïaise; aussi, toute autre
considération mise à part, ils n'a
vaient qu'une confiance très res
treinte dans le succès définitif de
la politique anti-étrangère du prince
Toan.
Ainsi s'est dessiné,dans les affai
res de Chine, ce double courant,
l'un fanatiquement et violemment
hostile aux étrangers, l'autre op
posant à ce torrent une masse
inerte ou même essayant de lutter
en sens inverse.- *
C'est la clef'qui fait comprendre
dans leur ensemble et dans tes dé
tails les affairés si complexes que
le monde voit se dérouler en Chine ;
c'est peut-être aussi le moyen de
prévoir avec assez de probabilité la
fin de cette crise, et de préciser les
mesures qui seraient à prendre
pour rendre la pacification sérieuse
et quelque peu durable:
L. G.
II ÇMÎKT Wl LE IMS
Conte de Noël de 51. IV. S. Lieskoff.
(tradpitdu busse.par l. .v.)
On parle très peu de notre colonie si
bérienne bien que le commerce y s'oit
assez actif. Mon père vint de Russie où
je suis né. A'ous vivons dans une aisance
relative. Notre religion est la simple
religion russe. Mon père m'apprit à ai
mer les lettres aussi bien que tous ceux
qui s'en occupent. Et voilà .que le Sei
gneur m'envoya à ma glande joie, l'ami
Timothée Osipovitch, dont j'ai à vous
raconter l'étrange et miraculeuse aven
ture. . _ .
Timothée Osipovitch était venu chez
nous encore-tout jeune; J'avais dix-huit
ans; Timothée èn pouvait avoir vingt.
Il avait des manières tout à fait accom
plies-On racontait de lui que son oncle
lui avait causé préjudice, mais personne
ne voulait l'interroger là-dessus. Cet on
cle, qui avait été son tuteur, avait usur
pé et dilapidé tout l'héritage. Une dis
cussion s'en était suivie et Timothée,
dans la chaleur de la. dispute, frappa
son oncle et le blessa à la main. Le
Seigneur permit que cette voie de fait
n'eût pas d'autre suite. La jeunesse de
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 7 janvier 1901
WÏ1M1TI m '■
VU DANS SA CORRESPONDANCE
(Suite) (i)
XVI
D ifficultés pour la fondation de la con
grégation des prêtres de la mission.
— C omment lier ses prêtres entre
eux et a . D ieu. — C onduite de V incent
dans les défections. —!■ L ettres a ceux
qui veulent se retirer. — question
des vœux. -r A pprobation de R ome.
Nous avons vh que Vincent était par
nature une belle intelligence, un excel
lent cœur et un grand caractère : il est
bon de faireobserver qu'il était aussi un
saint; or la sainteté met l'âme en posses
sion d'une lumière bien supérieure à
celle des hommes. « Plus un homme,
lisons-nous dans l'Imitation de Jésus-
Christ, est uni à Dieu, plus les horizons
de son intelligence s'élargissent parce
qu'il reçoit une spéciale lumière d'en
haut. » On ne pourrait expliquçr autre
ment l'incomparable trésor de sagesse
qui paraît dans ses lettres pour la con
duite de ses œuvres.
La fondation de là- Compagnie des
prêtres dè la mission était tout particu
lièrement une œuvre très difficile ; ces
(i) Voir l'Univers du 1" noyembre.
prêtres devaient vivre d'une vie humble
et obscure ; ils étaient appliques à des
travaux pénibles. Voici, en effet, ce que
Vincent de Paul écrit au Pape Inno
cent X : « Le but de notre Institut, Très
Saint-Pèrê, ést le salut des pauvres gens
de la campagne. Pour le procurer nous
parcourons, les bourgs et les villages en
prêchant ; nous recevons les confessions
générales ; nous accommodons les pro
cès et.les différends ; nous procurons le
soulagement des pauvres malades. Tels
sont nos travaux aux champs. » Sans
doute Vincent appliquait aussi, dit-il, ses
prêtres à donner dans leurs maisons des
exercices spirituels et des retraites pour
les ordinands ; il les employait encore à
l'enseignement des séminaires.Mais leur
vie était toujours dure, laborieuse, pleine
d'abnégation, et, de plus, ils devaient
aller aux missions étrangères partout où
il plairait au Pape de les envoyer.
Il y avait donc, on le comprend, dé
grandes difficultés à recruter des prêtres .
dans ces conditions, et, quand ils en
traient dans la compagnie, à les mainte
nirdans l'esprit de leur vocation. Il au
rait bien voulu les lier par les voeux ;
mais là était la difficulté. Les vœux
avaient été jusqu'alors la prérogative des
ordres religieux, c'était leur caractère
distinctif. Comment, accorder à des prê
tres qui ne devaient pas être des reli
gieux, le privilège de se lier par des
vœux ? Et d'autre part comment assurer ;
l'existence d'une congrégation sans les ;
vœux? C'est là qu'était la difficulté ; la
sagesse de Vincent la surmonta : les né
gociations avec Rome furentlongùes, mais i
admirables, conduites par Vincent.
Voici la lettre que le saint écrivait à son •
disciple supérieur de la maison dé la mis- :
sion de Rome ; elle porte souverainement
le cachet de sa grande sagesse : « Je vous
remercitSj lui dit-il, de ce que vous avez vu
l'expéditionnaire qui est chargé de notre
supplique pour l'approbation de nos
vœux. » Puis vient la jolie maxime que
nous avons donnée plus haut: « Dieu dé
termine certaines choses à certaines heu
res, qu'il ne veut pas en d'autres; et
dans l'incertitude du temps que Dieu
aura pour agréable de nous accorder
, cette grâce, nous devons poursuivre no
tre point sans nous décourager, quelque
apparence qu'il y ait du peu de succès,
selon la maxime d'Iîippocrate qui veut
que tant que le malade donne quelque
signe de vie; on le sollicite et on lui
donne des remèdes. » Là suite de la let
tre est à lire ; elle nous montre la diffi
culté où se trouvait Vincent avec sa con
grégation naissante. « J'en ai parlé,
écrit-il, à une personne de grand juge
ment, fort intelligente et expérimentée en
cette matière, qui estime qu'il doit y
avoir quelque lien entre nous* et de nous
à Dieu, pour remédier à lMnsconstance
naturelle de l'homme et empêcher la dis- 5
solution de la compagnie. Autrement
plusieurs y entreront seulement pour ,
étudier et se rendre capables deâ actions
publiques* et puis s'en aller : et d'autres i
qui auront bonne intention du commen
cement ne laisseront pas de nous quitter
au premier dégoût ou à la première occa
sion. Quel remede apporterons-nous donc
à ce mal ? » Vincent parle comme moyen
des vœux ; il parle aussi du sermentde
stabilité et de fidélité aux règlements^
qu'il croit avoir été en usage en Italie!.
On est ici porté à se demander pour
quoi Vincent de Paul ne tranchait pas la
difficulté en érigeant sa compagnie en i
ordre religieux. On peut bien croire que
c'était par un sentiment d'humilité mais
on voit aussi çà et là dans quelques-unes
de ses'lettres que les anciens ordres
religieux étaient très discrédités ; les
couvents se dépeuplaient, lé relâchement
s'était introduit partout dans les abbayes
et les monastères ; les religieux ne de
vaient donc pas être très populaires.
D'autre part, à Rome même, les reli
gieux n'était pas en faveur, et c'est pour
quoi Vincent de Paul, outre que «on
humilité peut-être s'y opposait, n'as
pirait pas à fonder un ordre religièux.
Voici encore ce qu'il écrit à M. Aimeras,
supérieur de sa congrégation à Rome :
« Le Pape, dit on, n'aime pas l'état reli
gieux. A la bonne "heure ; mais peut-
être considérant que nos vœux ne nous
font pas religieux, il les approuvera,
surtoiit la chose dépendant de lui (je dis
de sa disposition) : et il sera bon de lui
faire entendre qu'il sera difficile de faire
vivre la Compagnie, eu égard aux
divers, importants, rudes et éloignés
emplois qu'elle a. La diversité paraît en
ce qu'on se donne au service du pauvre
peuple et à celui des ecclésiastiques ; et
à ceux-ci par les retraites aux ordinands
et séminaires. Quant aux'missions des
champs, vous en connaissez la diversité,
la rudesse et l'importance des unes et
des autres. Quel moyen de conserver des
hommes libres au.milieu de tant* de si
rudes et si importants emplois ? Ajou
tez celui de Barbarie, de Perse, de
l'Arabie heureuse... etc. » ■
Il envoie à Rome deux docteurs de la
Sorbonne pour traiter cette question des
vœux, et lui-même procède, comme il
paraît dans ses lettres, avec un grand
souci de prendre conseil et de s'éclairer.
En attendant, les défectioris de ses dis
ciples sont nombreuses ; il ne s'en émeut
pas outre mesure, il calme, au contraire,
les craintes de ceux qui restent fidèles ;
il veut même qu'on soit sévère poujrles
recevoir, il conseille à ses; supérieurs de
maisons la sévérité. « On doit, écrit-il,
purger la compagnie : dix tels qu'il les
faut, en vaudront cent, et cent qui ne
sont pas bien appelés ou qui ne répon
dent pas à la grâce, n'en vâlent pasdix. »
Il entend que la compagnie reste petite
et humble plutôt que de la voir se multif
plier et grandir par le nombre de ses
membres, sans égard à leur esprit. « Un
diamant, écrit-il, vaut plus qu'une mon
tagne de pierres. » Quelques-uns de seg
disciples lui suggèrent des moyens hu
mains pour augmenter les vocations.
Vincent répond : « Je disais, ces jours
passés, que je- ne crois pas plus aux
moyens humains pour les choses divines,
qu'au diable. » Il engage, je le répète,
les supérieurs à être impitoyables pour
renvoyer les sujets qui ne répondraient
pas à la grâce de leur vocation. « Souve
nez-vous, écrivait-il à l'un d'eux, que le
déchet et le relâchement de la plupart
des communautés vient de la lâcheté des
supérieurs à tenir ferme et à ne pas la
débarrasser des discoles. »
Cependant quand un de ses prêtres lui
écrivait ses tentations de quitter la com
pagnie, quels beaux accents de sagesse
et de piété il savait lui faire entendre î
H y a dans la correspondance, au moins,
deux lettres sur ce sujet qui m'ont paru
remarquables. A l'un d'eux, à qui on
offrait une cure,il écrit : «Courage donc,
monsieur, ne vous rendez pas. Si vous
avez résisté quinze jours aux proposi
tions qu'on vous a faites* c'est pour avoir
VU qu'elles sont contraires à la volonté
de Dieu et à votre vocation ; et si, enfin,
vous y avez donné lieu par quelque con
sentement, ce n'a pas été sans remords,
Sachant que vous ne le pouviez faire en
conscience. Aussi, n'y a-t-il rien défait,
si vous voulez renoncer à la cure et vous
-tenir en l'état où Dieu vous a mis. J'es
père certes, monsieur, que vous le ferez
si vous pensez à ces raisons :
1 Q A cette grâce de.votre vocation, par
laquelle Dieu vous met en mains tant de
moyens de perfectionner votre âme et
d'en sauver plusieurs auties. Vous ne
vous êtes pas élus, dit le Seigneur, mais
c'est moi qui vous ai choisis ; or, il ne
serait pas -obligé de vous donner ces
grâces là dans une autre vocation où il
ne vous aurait.pas appelé. ''
2° Aux bénédictions qu'il a plu à Dieu
de donner jusqu'à maintenant à vos
exercices, par lesquels vous avez fait
plusieurs biens au dedans et au dehors,
qui, outre le mériteque vous en aurez
devant Dieu, vous ont mis dans l'estime
jet dans l'affection d'un chacun.
3° A la promesse que vous avez faite
à Dieu de le servir dans la petite con
grégation de la mission ; que-si vous
manquez de parole à Dieu, à qui la gàr-
derez-vous? -
4° À'Ces paroles de Notre-Seigneur :
Qui aime son père et sa mère plus que
moi, n'est pas digne de moi, qui amat
patrem et matrem plus quam me, non
est me dignus. Dieu merci, vous avez
quitté les vôtres pour vous donner entiè
rement à lui. Quelle apparence donc que
vous abandonniez à cette heure son part
pour vous donner à vos parents!
5° Enfin au regret que vous auriez à
votre mort, et à cexjue vous auriez à .ré-
Edition quotidienne. — 12,010
Lundi 7 Janvier 1901
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
e7 départements
Un âBt« >i i«t«* 40 9
Six mois 21 »
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LE MONDE
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
. MM. LAGRANGE, CERF et C", 6, place de la Bourse
«as
Chaque demande de changement
d'adressé doit être accompagnée de
50 centimes en timbres-poste*
PARIS, 6 JANVIER 1901 .
SOMMAIRE
Jeune partisan d'un
vieux système..... , F rançois V euillot.
lia crise chinoise... L. ,G.
Le- Christ chez le
moujik . L. V.
L'Européen eh Al
gérie .......; V. F abrede K léber.
Variétés : La poésie
du bréviaire....... G eorges D oublet.
Feuilletons : Saint
Vincent de Paul vu
dans sa correspon
dance— ... C hanoine B.
A travers les revues.
Bulletin. — Dans la Légion d'honneur. —
Le président Kruger. — La guerre du
Tr&asvaal —En Chine.Dépêche» de
l'étranger. — A travers la presse. — Chro
nique. • Lettres, sciences et arts. —
Echos de partout, — Nécrologie. — La
peste. — N ouvelles diverses. — Qaîec-
drier. — Revue de laBourse.
JEÛNE PARTISAN
D'UN VIEUX SYSTÉBE
Depuis que la Chambre-a renver
sé le cabinet dont M. Barthou faisait
Eartie, 'la République est en danger.
'ancien ministre en a la conviction
profonde. A vrai dire, il n'en con
clut pas qu'il suffirait dé remettre
le pouvoir entre ses mains pour
.conjurer le ; péril! Mais il a manifes
tement le dessein d'amener le pu
blic, et surtout la majorité parle
mentaire, à cette conclusion.
Voici deux mois passés, le député
d'Oloron, parlant à ses électeurs,
ayait déjà montré ces inquiétudes
et laisse paraître cette ambition.
Forcé de reconnaître aujourd'hui
que son grand discours et sa petite
personne étaient à peu près [ou
bliées, M. Barthou rappelle une
ïois -de plus à l'opinion que le . ré
gime actuel est de jour en jour en
traîné vers l'abîme et qu'il devient
urgent de recourir à la sagesse ét
au dévouement des hommes d'Etat
en disponibilité.
L'ancien ministre a confié ce cri
d'alarme et cette impatiente aspira
tion, vers le -pouvoir à la Nouvelle
Revue.
Son article est un réquisitoire
énergique et fiévreux et én bien des
points très juste contre.le prési
dent du conseil et sa majorité. Le
Parlement, sous la direction de M.
Waldeck-Rousseau, n'a rien fait qui
vaille et les lois-dont il est le plus
fier ont des vices de construction
aué le temps découvrira bientôt ;
1 amnistie,!eh particulier, cette am
nistie partielle et partiale, est plus
propre à aiguiser l'irritation qu'à
ramener l'apaisement. Quant au ca
binet lui-même, en arguant mal à
à propos des nécessités de la « dé
fense républicaine », il a livré l'ac
cès du pouvoir au socialisme et, au
bout d un an, cette étrange façon
de défendre la République a eu
pour premier résultat les élections
parisiennes.
Leur second et suprême effet
pourrait bien être et M. Bar
thou le craintformellement —des
élections législatives analogues au
scrutin de Paris.
• « S'il reste encore des fautes à
commettre, écrit M. Barthou, il n'y
a plus qu'une année à perdre ; mais,
je tiens à le redire,cette année porte
en elle les destinées de là République;
perdue ou mal employée, elle com
promettra irrémédiablement l'ave
nir. » : ■■■" '
Donc, il ne faut point s'étonner
.qu'après avoir fait entendre; un
pronostic aussi pessimiste et aussi
ému, l'ancien ministre ajoute, avec
un tremblement dans la voix : « Il
est temps encore, mais il n'est que
temps... » :
C'est bien ce que nous avions dit :
la République est perdue, si M.
Waldeck-Rousseàu la conduit jus
qu'aux.élections de 1902. Telle est,
très clairement, l'opinion de -Mv Bar-:
thou. Celui-ci ne pouvait lancer
contre le ministère une attaqùê plus
violente, une accusation plus grave.
Il ne nous déplaît pas de voir un
personnage, aussi nettement répu
blicain que le député d'Oloron et
aussi préoccupé que lui de ne point
se confondre avec la droite et mê
me avec la fraction la plus modérée
des libéraux, porter ce ju gementsur
le président du conseil. On ne pourra
plus nous accuser de faire œuvre
antirépublicaine en nous forgeant
de la République une autre concep
tion que M. Waldeck-Rousseau.
Mais-sa conception de la Républi
que, à lui, Barthou, quelle est-elle?
Il ne suffit pas qu'ilmonte à l'assaut
du cabinet, — de quoi nous l'ap
plaudissons cordialement,—ni qu il
dénonce en M. Waldeck-Rousseau
le plus dangereux ennemi du ré
gime actuel, — en quoi nous ne di
rons point qu'il ait tort. Il faut qu'à
son tour l'aspirant-ministrë affirme
ses idées, son but et son pro
gramme.
Ici, M.. Barthou, si fécond en pa
roles et si prompt à l'attaque, de
vient plus bref, et sa concision
n'est pas loin de toucher à l'é
nigme.
Ce qu'il veut, c'est la constitution
d'un « grand parti républicain »,qui
s'établirait à égale distance « entre
la réaction plus ou moins déguisée
et lé communisme plus ou moins
révolutionnaire». ....
Voilà qui n'est pas très clair. On
voudrait savoir exactement quels
sont les républicains 'd'un républi
canisme assez avéré pour entrer
dans le « grand parti républicain »,
— puisque, évidemment, certains
républicains ne sont, foi de Bar
thou, que des réactionnaires « plus
ou moins déguisés ».
Parmi les questions qui sont à
Tordre du jour ou que l'ancien mi
nistre aurait le désir d'y placer,
n'en est-il point sur lesquelles il
veuille exprimer un avis, de nature
à mieux préciser ses opinions géné
rales ? Si fait ! Il y a le projet sur
la liberté d'association. Les termes
ou le député d'Oloron le définit
pourront en effet servir de crité
rium à, \e définir lui-même. Ecoutez-
le : Cette loi, dit-il, « a pour objet
d'assurer aux associations de .toute
nature, par l'abrogation des dispo
sitions arbitraires du Code pénal,
la liberté de naître* de s'organiser
et de se développer sans entraves,
— en même temps qu'elle protège,
par des précautions nécessaires,
contre les empiétements croissants
des congrégations religieuses, la
fortune publique et la liberté ci
vile».
Nous y voilai Pas n'est besoin
de chercher davantage et:nous con
naissons (suffisamment le « grand
parti républicain » que l'ancien mi
nistre ae l'intérieur' appelle à se
ranger sous lui. La définition que
cet adversaire, évidemment plus
ambitieux que convaincu, du mi
nistère actuel oppose à M. Wal
deck-Rousseau, pourrait fort juste
ment caractériser la proposition
formulée par celui-ci. C'est la li
berté pour tous, — excepté pour
les congrégations. -
Donc le programme auquel M-
Barthou convie la majorité peut se
résumer-ainsi : guerre aux partis
avancés, dont on craint les violèn-
ces ; mais guerre en même temps à
la religion, dont l'influence est aussi
redoutée que les fureurs socialis
tes; et, pour mieux appliquer cette
méthode, exclusion . au
réactionnaires « plus ou moins dé
guisés », de tous les républicains
qui ne se montrent pas résolus à
persécuter l'Eglise, au nom de k la
liberté. ,.
Nous connaissons ce .système. Il
y a longtemps que des politiciens
Elus habiles et plus puissants que
I. Barthou se sont cassé les reins
en essayant-de l'appliquer. C'est la
"concentration. La méthode a fait
ses preuves; Elle a entraîné le ré
gime et la France au fond de ce gâ
chis, qui déshonore la France et
qui, de l'aveu de M. Barthou, met le
régime en danger.
: Le député d Oloron qui se main
tint plus de deux ans au pouvoir,
avec M. Méline, en pratiquant une
politique absolument contraire à la
concentration qu'il préconise et qui
ne succomba enfin que pour avoir
trahi cette politique et son chef, en
favorisant sous main la concentra
tion, devrait se souvenir un peu
mieux des leçons que les événe
ments lui ont infligées.
A son défaut, ceux qu'il aspire à
gouverner s'en souviendront. Qu'il
le veuille ou non, entre les* partis
révolutionnaires et ce qu'il nomme
improprement la réaction plus ou
moins déguisée, il n'y a plus de
place pour un ministère de concen
tration. Tout cabinet sera forcé,
{jour vivre, ou de s'abandonner à
'extrême-gauche ainsi qu'y est con
traint M. Waldeck-Rousseau, ou de,
s'appuyer sans réserve et sans res-
{>ect humain sur les partisans réso
us de la paix religieuse, ainsi que
n'osa lè faire assez ouvertement
M. Méline.
Nous aiderons M. Barthou, de
tout cœur, à renverser M. Wal
deck-Rousseau. Mais si M. Barthou
monte au pouvoir et qu'il y veuille
appliquer le programme infirme
auquel il se rallie pour le moment,
nous le combattrons. Il faut un ca
binet qui veuille loyalement la pa
cification religieuse et qui sache'le
dire carrément.
François V euillot.
ÏÏULLETMl
La ville de Landreciesa été décorée de
la Légion d'honneur. Nous donne
rons demain le rapport .et le décret.
M. Millerand a officiellement accepté
les décisions du tribunalarbitralchargé
de statuer sur les réclamations présen
tées par de nombreux exposants.
Les ministres étrangers à Pékin ont
adressé au prince Ching et à Li-Uung-
Chang une lettre leur demandant de
signer la note des puissances. Les mi
nistres déclarent que c'est seulement
après l'accomplissement de cette forma
lité, qui maintiendra hors de discussion
les conditions irrévocables de la noie,
que le prince Ching et Li-Hung-Chang
pourront 'obtenir les explications qu'ils
demandent.
Une dépêche de lord Kitchener ne
semble pas indiquer que la situation
dans l'Afrique australe se soit améliorée
pour les Anglais : le généralissime re
connaît que tes Boers apparaissent un
peu partout. Un.télégramme que nous
avons publié hier"en Dernière neure an
nonce même ' que près de Middleburg,
les Anglais n'ont pas réussi à déloger
les troupes républicaines.
Le sultan à décidé de donner satisfac
tion aux ambassadeursétrangers. Il est,
paraît-il, résolu à supprimer les doua
nes intérieures. C'était une condition
préliminaire posée avant l'examen des
nouveaux traités de commerce.
LA CRISE CHINOISE
Ses causes. »— La prince Toan.
La crise chinoise actuelle a sa
cause principale et son point de
départ dans la révolution intérieure
qui fut accomplie à la cour impé
riale au début ae 1899.
- Pour la comprendre, il faut con
naître les lois de la succession au
trône. Elles se résument en un
mot : l'empereur doit appartenir à
la" ligne directe de la dynastie tar-
tare des Tsing, régnante depuis
164B.
Lorsqu'un .empereur meurt sans
enfant, la régence lui choisit un
successeur parmi les jeunes prin
ces* cousins germains de l'empe
reur défunt.
Ce successeur se marie à sa ma
jorité, et doit avoir un fils dans les
cinq ans. Cet enfant devient empe 1
reur tout de suite. Le dernier em
pereur défunt est censé l'adopter;
cette adoption posthume rétablit la
descendance essentielle en ligne
directe, qui avait été un instant in
terrompue.
' ' ' * * . f '
Lorsque l'empereur Sien-Fong
mourut en 1860, c'est son fils
Toung-Dje,un enfant de quatre ans,
qui lui succéda.
Toung-Dje n'était point le fils de
l'impératrice qui n'avait pas eu d'enT
faut, mais d'une femme de second
rang. Celle-ci, ayant donné ce fils à
l'empereur, devint elle-même im
pératrice-mère. Pour la distinguer
de la femme légitime de Sien-Fong,
on l'appela
cependant « rimpératriçé des : palais
de l'est » ou Toung-taè-heou qui
gouverna au nom de Toung-Dje, en
s'appuyant sur le prince Kong.
Le prince Kong n'était .point pour
tant 1 aîné des oncles du jeune em
pereur. Il n'était que le sixième
prince ; et sa puissance ne pouvait
qu'irriter son aîné, le cinquième
prince.
Mais Toung-taé-heou disparut
bientôt de la scène politique. Si-taé-
hèou devint alors l'impératrice sou*
veraine. Elle ne voulut plus du
{)rince Kong, et au lieu de prendre
e cinquième prince, elle appela au
pouvoir le septième prince, qui était
son propre beau-frère. .
En 1875, l'empereur Toung-Die
mourait sans : enfant, à l'âge de
20 ans. Si-taé-heou choisit pour lui
succéder, et pour susciter à la dy
nastie une descendance dans la li
gne directe, non point un jeune
prince de la branche aînée, mais le
fils du septième .prince, son propre
neveu, qui devint l'empereur Konang-
Sou. .
Dès qu'il s'était va mis ainsi à
l'écart, a l'encontre des usages tra
ditionnels, le cinquième prince, ir
rité, avait quitté la cour et Pékin. Il
était allé se fixer avec toute sa fa
mille en plein pays ; tartare, à Mouk-
den, en Mandcnourie. Le fils de ce
cinquième prince est devenu triste
ment célèbre; c'est le prince Toan,
revenu au pouvoir dans les circons
tances que jious allons dire.
Kouang-Sou, marié à sa majorité,
n'a pas eu d'enfants et ne peut pas
en avoir. Grave problème, puisque
l'empereur Toung-Dje et la ligne
directe restaient sans descendance,
bien au delà des cinq ans réglemen
taires.
Les mandarins commencèrent à
murmurer. Il fallut choisir un au
tre pseudo-empereur, que Toung-
Dje adopterait tout de suite. Et
comme d'après la croyance chinoise
le dernier empereur défunt vit tou
jours,mais dans l'âge où il est mort,
son héritier adoptif ne devait pas
être trop âgé.
C'est dans ce but qu'au commen
cement de 1899 Si-taè-heou choisit,
à défaut d'autres, le fils même du
prince Toan, le petit-fils par consé
quent du cinquième prince.
Avec son fils, c'était le prince
Toan lui-même qui revenait au pou-
.voir. 11 y apportait les blessures
faites à son orgueil personnel et à
l'amour-propre familial par ces ir
régularités successives ; les rancu
nes d'un long exil; la haine contre
tous ceux qui l'avaient supplanté,
ou qui avaient exercé, quelque pou
voir en son absence; la haine aussi,
et en. même temps l'ignorance la
plus grossière de tout ce qu'on
avait lait dans les trente-cinq der
nières années.
Ce que l'on avait fait, c'était sur
tout des réformes. Depuis la guerre
siho-japonaise, particulièrement, la
Chine s'était un peu ébranlée, très
lentement sans doute, mais, enfin
après des siècles de cristallisation,
elle commençait à soupçonner qu'il
existait un monde en dehors de
l'empire du Milieu et que ce monde
avait une civilisation différente de
la sienne. De cette civilisation,-elle
avait même accepté quelques élé
ments ; d'autres lui avaient été im-
§osés avec une précipitation un peu
rusque.
Dès ses premiers actes, lè prince
Toan s'annonça comme le réaction
naire le plus rétrograde, décidé à
employer les moyens les plus vio
lents pour empêcher la Chine de
s'écarter des traditions séculaires
des ancêtres. C'était une lutte qui
s'engageait entre la routine et le
progrès. .
C'est le moment de noter une
des récentes ironies de l'histoire :
le violent réactionnaire qu'est le
prince Toan a trouvé en Europe
des alliés fort bruyants. On a plaint
les pauvres Chinois d'être violentés
par les étrangers ; on a osé écrire
qu'il fallait protéger les Chinois
contre les missionnaires. Qui fai
sait entendre ces déclamations ?
Ceux-là mêmes qui ont sans cesse
sur les lèvres les mots sonores de
progrès, de civilisation, de droits,
de justice et d'humanitéi Ceux-là
mêmes qui ont épuisé leur vocabu
laire d'injures, lorqù'ils ont lâché
le mot de réactionnaire !
Dans la guerre qu'il entreprenait
contre le progrès sous toutes ses
formes, incarné dans « l'Etranger »,
le prince Toan pouvait compter sur-
des alliés, et devait rencontrer des
obstacles.
Immédiatement se réunirent au
tour de lui, tous les mécontents
s'ous les gouvernements antérieurs,
tous les fanatiques du parti des
Vieux-Chinois.
Il faut y joindre les membres des
sociétés secrètes* répandues un
peu partout ; ils se trouvèrent grou-
Eés dans une espèce de ligue, les.
oxeurs, dont le prince Toan lui-
même devint le cher suprême.
C'était, si l'on peut résumer en
quelques mots une telle situation,
la mise en ébullition des éléments
les plus violemment réactionnaires
de cet immense pays sous l'action
d'un prince qui revenait.au pouvoir,
grossièrement ignorant de tout, et
avide de prendre une revanche hai
neuse.
^ A cette influence funeste s'oppo
sèrent bien quelques obstacles.
Nous ne parlons pas des étrangers
ni des Chinois chrétiens, mais des
fonctionnaires et mandarins et du
peuple lui-même. Non pas qu'aucun
ae ceux-ci ait osé résister ouver
tement aux décrets soi-disant im-
Çériaux, mais rédigés par le prince
oan! On a trop de respect pour le
« caractère » du Fils du ciel. ~
Mais il est une résistance émi
nemment adaptée au tempérament
chinois : c'est la force d'inertie.
Il semble bien que c'est l'attitude
qu'a prise en masse le peuple chi
nois : aimant à vivre tranquille et
en paix, le peuple chinois demande
qu'on ne vienne point troubler sa
quiétude par des violences en au
cun sens.
Lés vice-rois, gouverneurs dé
provinces, mandarins, ont pour la
plupart, vis-à-vis de la civilisation
occidentale, au moins cette sagesse
qu'inspire la crainte. Ils ne peuvent
avoir oublié les leçons de la guerre
sino-japorïaise; aussi, toute autre
considération mise à part, ils n'a
vaient qu'une confiance très res
treinte dans le succès définitif de
la politique anti-étrangère du prince
Toan.
Ainsi s'est dessiné,dans les affai
res de Chine, ce double courant,
l'un fanatiquement et violemment
hostile aux étrangers, l'autre op
posant à ce torrent une masse
inerte ou même essayant de lutter
en sens inverse.- *
C'est la clef'qui fait comprendre
dans leur ensemble et dans tes dé
tails les affairés si complexes que
le monde voit se dérouler en Chine ;
c'est peut-être aussi le moyen de
prévoir avec assez de probabilité la
fin de cette crise, et de préciser les
mesures qui seraient à prendre
pour rendre la pacification sérieuse
et quelque peu durable:
L. G.
II ÇMÎKT Wl LE IMS
Conte de Noël de 51. IV. S. Lieskoff.
(tradpitdu busse.par l. .v.)
On parle très peu de notre colonie si
bérienne bien que le commerce y s'oit
assez actif. Mon père vint de Russie où
je suis né. A'ous vivons dans une aisance
relative. Notre religion est la simple
religion russe. Mon père m'apprit à ai
mer les lettres aussi bien que tous ceux
qui s'en occupent. Et voilà .que le Sei
gneur m'envoya à ma glande joie, l'ami
Timothée Osipovitch, dont j'ai à vous
raconter l'étrange et miraculeuse aven
ture. . _ .
Timothée Osipovitch était venu chez
nous encore-tout jeune; J'avais dix-huit
ans; Timothée èn pouvait avoir vingt.
Il avait des manières tout à fait accom
plies-On racontait de lui que son oncle
lui avait causé préjudice, mais personne
ne voulait l'interroger là-dessus. Cet on
cle, qui avait été son tuteur, avait usur
pé et dilapidé tout l'héritage. Une dis
cussion s'en était suivie et Timothée,
dans la chaleur de la. dispute, frappa
son oncle et le blessa à la main. Le
Seigneur permit que cette voie de fait
n'eût pas d'autre suite. La jeunesse de
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 7 janvier 1901
WÏ1M1TI m '■
VU DANS SA CORRESPONDANCE
(Suite) (i)
XVI
D ifficultés pour la fondation de la con
grégation des prêtres de la mission.
— C omment lier ses prêtres entre
eux et a . D ieu. — C onduite de V incent
dans les défections. —!■ L ettres a ceux
qui veulent se retirer. — question
des vœux. -r A pprobation de R ome.
Nous avons vh que Vincent était par
nature une belle intelligence, un excel
lent cœur et un grand caractère : il est
bon de faireobserver qu'il était aussi un
saint; or la sainteté met l'âme en posses
sion d'une lumière bien supérieure à
celle des hommes. « Plus un homme,
lisons-nous dans l'Imitation de Jésus-
Christ, est uni à Dieu, plus les horizons
de son intelligence s'élargissent parce
qu'il reçoit une spéciale lumière d'en
haut. » On ne pourrait expliquçr autre
ment l'incomparable trésor de sagesse
qui paraît dans ses lettres pour la con
duite de ses œuvres.
La fondation de là- Compagnie des
prêtres dè la mission était tout particu
lièrement une œuvre très difficile ; ces
(i) Voir l'Univers du 1" noyembre.
prêtres devaient vivre d'une vie humble
et obscure ; ils étaient appliques à des
travaux pénibles. Voici, en effet, ce que
Vincent de Paul écrit au Pape Inno
cent X : « Le but de notre Institut, Très
Saint-Pèrê, ést le salut des pauvres gens
de la campagne. Pour le procurer nous
parcourons, les bourgs et les villages en
prêchant ; nous recevons les confessions
générales ; nous accommodons les pro
cès et.les différends ; nous procurons le
soulagement des pauvres malades. Tels
sont nos travaux aux champs. » Sans
doute Vincent appliquait aussi, dit-il, ses
prêtres à donner dans leurs maisons des
exercices spirituels et des retraites pour
les ordinands ; il les employait encore à
l'enseignement des séminaires.Mais leur
vie était toujours dure, laborieuse, pleine
d'abnégation, et, de plus, ils devaient
aller aux missions étrangères partout où
il plairait au Pape de les envoyer.
Il y avait donc, on le comprend, dé
grandes difficultés à recruter des prêtres .
dans ces conditions, et, quand ils en
traient dans la compagnie, à les mainte
nirdans l'esprit de leur vocation. Il au
rait bien voulu les lier par les voeux ;
mais là était la difficulté. Les vœux
avaient été jusqu'alors la prérogative des
ordres religieux, c'était leur caractère
distinctif. Comment, accorder à des prê
tres qui ne devaient pas être des reli
gieux, le privilège de se lier par des
vœux ? Et d'autre part comment assurer ;
l'existence d'une congrégation sans les ;
vœux? C'est là qu'était la difficulté ; la
sagesse de Vincent la surmonta : les né
gociations avec Rome furentlongùes, mais i
admirables, conduites par Vincent.
Voici la lettre que le saint écrivait à son •
disciple supérieur de la maison dé la mis- :
sion de Rome ; elle porte souverainement
le cachet de sa grande sagesse : « Je vous
remercitSj lui dit-il, de ce que vous avez vu
l'expéditionnaire qui est chargé de notre
supplique pour l'approbation de nos
vœux. » Puis vient la jolie maxime que
nous avons donnée plus haut: « Dieu dé
termine certaines choses à certaines heu
res, qu'il ne veut pas en d'autres; et
dans l'incertitude du temps que Dieu
aura pour agréable de nous accorder
, cette grâce, nous devons poursuivre no
tre point sans nous décourager, quelque
apparence qu'il y ait du peu de succès,
selon la maxime d'Iîippocrate qui veut
que tant que le malade donne quelque
signe de vie; on le sollicite et on lui
donne des remèdes. » Là suite de la let
tre est à lire ; elle nous montre la diffi
culté où se trouvait Vincent avec sa con
grégation naissante. « J'en ai parlé,
écrit-il, à une personne de grand juge
ment, fort intelligente et expérimentée en
cette matière, qui estime qu'il doit y
avoir quelque lien entre nous* et de nous
à Dieu, pour remédier à lMnsconstance
naturelle de l'homme et empêcher la dis- 5
solution de la compagnie. Autrement
plusieurs y entreront seulement pour ,
étudier et se rendre capables deâ actions
publiques* et puis s'en aller : et d'autres i
qui auront bonne intention du commen
cement ne laisseront pas de nous quitter
au premier dégoût ou à la première occa
sion. Quel remede apporterons-nous donc
à ce mal ? » Vincent parle comme moyen
des vœux ; il parle aussi du sermentde
stabilité et de fidélité aux règlements^
qu'il croit avoir été en usage en Italie!.
On est ici porté à se demander pour
quoi Vincent de Paul ne tranchait pas la
difficulté en érigeant sa compagnie en i
ordre religieux. On peut bien croire que
c'était par un sentiment d'humilité mais
on voit aussi çà et là dans quelques-unes
de ses'lettres que les anciens ordres
religieux étaient très discrédités ; les
couvents se dépeuplaient, lé relâchement
s'était introduit partout dans les abbayes
et les monastères ; les religieux ne de
vaient donc pas être très populaires.
D'autre part, à Rome même, les reli
gieux n'était pas en faveur, et c'est pour
quoi Vincent de Paul, outre que «on
humilité peut-être s'y opposait, n'as
pirait pas à fonder un ordre religièux.
Voici encore ce qu'il écrit à M. Aimeras,
supérieur de sa congrégation à Rome :
« Le Pape, dit on, n'aime pas l'état reli
gieux. A la bonne "heure ; mais peut-
être considérant que nos vœux ne nous
font pas religieux, il les approuvera,
surtoiit la chose dépendant de lui (je dis
de sa disposition) : et il sera bon de lui
faire entendre qu'il sera difficile de faire
vivre la Compagnie, eu égard aux
divers, importants, rudes et éloignés
emplois qu'elle a. La diversité paraît en
ce qu'on se donne au service du pauvre
peuple et à celui des ecclésiastiques ; et
à ceux-ci par les retraites aux ordinands
et séminaires. Quant aux'missions des
champs, vous en connaissez la diversité,
la rudesse et l'importance des unes et
des autres. Quel moyen de conserver des
hommes libres au.milieu de tant* de si
rudes et si importants emplois ? Ajou
tez celui de Barbarie, de Perse, de
l'Arabie heureuse... etc. » ■
Il envoie à Rome deux docteurs de la
Sorbonne pour traiter cette question des
vœux, et lui-même procède, comme il
paraît dans ses lettres, avec un grand
souci de prendre conseil et de s'éclairer.
En attendant, les défectioris de ses dis
ciples sont nombreuses ; il ne s'en émeut
pas outre mesure, il calme, au contraire,
les craintes de ceux qui restent fidèles ;
il veut même qu'on soit sévère poujrles
recevoir, il conseille à ses; supérieurs de
maisons la sévérité. « On doit, écrit-il,
purger la compagnie : dix tels qu'il les
faut, en vaudront cent, et cent qui ne
sont pas bien appelés ou qui ne répon
dent pas à la grâce, n'en vâlent pasdix. »
Il entend que la compagnie reste petite
et humble plutôt que de la voir se multif
plier et grandir par le nombre de ses
membres, sans égard à leur esprit. « Un
diamant, écrit-il, vaut plus qu'une mon
tagne de pierres. » Quelques-uns de seg
disciples lui suggèrent des moyens hu
mains pour augmenter les vocations.
Vincent répond : « Je disais, ces jours
passés, que je- ne crois pas plus aux
moyens humains pour les choses divines,
qu'au diable. » Il engage, je le répète,
les supérieurs à être impitoyables pour
renvoyer les sujets qui ne répondraient
pas à la grâce de leur vocation. « Souve
nez-vous, écrivait-il à l'un d'eux, que le
déchet et le relâchement de la plupart
des communautés vient de la lâcheté des
supérieurs à tenir ferme et à ne pas la
débarrasser des discoles. »
Cependant quand un de ses prêtres lui
écrivait ses tentations de quitter la com
pagnie, quels beaux accents de sagesse
et de piété il savait lui faire entendre î
H y a dans la correspondance, au moins,
deux lettres sur ce sujet qui m'ont paru
remarquables. A l'un d'eux, à qui on
offrait une cure,il écrit : «Courage donc,
monsieur, ne vous rendez pas. Si vous
avez résisté quinze jours aux proposi
tions qu'on vous a faites* c'est pour avoir
VU qu'elles sont contraires à la volonté
de Dieu et à votre vocation ; et si, enfin,
vous y avez donné lieu par quelque con
sentement, ce n'a pas été sans remords,
Sachant que vous ne le pouviez faire en
conscience. Aussi, n'y a-t-il rien défait,
si vous voulez renoncer à la cure et vous
-tenir en l'état où Dieu vous a mis. J'es
père certes, monsieur, que vous le ferez
si vous pensez à ces raisons :
1 Q A cette grâce de.votre vocation, par
laquelle Dieu vous met en mains tant de
moyens de perfectionner votre âme et
d'en sauver plusieurs auties. Vous ne
vous êtes pas élus, dit le Seigneur, mais
c'est moi qui vous ai choisis ; or, il ne
serait pas -obligé de vous donner ces
grâces là dans une autre vocation où il
ne vous aurait.pas appelé. ''
2° Aux bénédictions qu'il a plu à Dieu
de donner jusqu'à maintenant à vos
exercices, par lesquels vous avez fait
plusieurs biens au dedans et au dehors,
qui, outre le mériteque vous en aurez
devant Dieu, vous ont mis dans l'estime
jet dans l'affection d'un chacun.
3° A la promesse que vous avez faite
à Dieu de le servir dans la petite con
grégation de la mission ; que-si vous
manquez de parole à Dieu, à qui la gàr-
derez-vous? -
4° À'Ces paroles de Notre-Seigneur :
Qui aime son père et sa mère plus que
moi, n'est pas digne de moi, qui amat
patrem et matrem plus quam me, non
est me dignus. Dieu merci, vous avez
quitté les vôtres pour vous donner entiè
rement à lui. Quelle apparence donc que
vous abandonniez à cette heure son part
pour vous donner à vos parents!
5° Enfin au regret que vous auriez à
votre mort, et à cexjue vous auriez à .ré-
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