Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1898-01-26
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 janvier 1898 26 janvier 1898
Description : 1898/01/26 (Numéro 10958). 1898/01/26 (Numéro 10958).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi 26 Janvier 1898
WMHiiliBimftBUPIIUIIHIllWWmHIIHI IIIIIIIHHIIIIIIBIWiMJJIlMWMMBSBUHIIlIMMITH
Edition quotidienne. — 10,958
Mercredi 26 Janvier 1898
ihiiiiiimiiihip h i* -■
ÉDITIQN QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale)
Un an......... 40 » 51 »
Six mois 21 » 26 50
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UN NUMÉRO
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LE MONDE
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C !o , 6, place da la Bourse
PARIS, 25 JANVIER 1898
SOMMAIRE
Confiance inspira-
tive
Propos divers.......
Çà et là : La pêche à
la ligne et le paupé
risme
A la Chambre
Le congrès démo
cratique.,.
Manifestation pa
triotique
Au théâtre.
Nouvelles agricoles
P ierre V euillot.
E ugène V euillot.^
F rançois V euillot.
G. de T riors;
F rançois j V euillot.
II. M.
H enri D ac.
A. de vllliers de
L'I sle- A dam.
Bulletin. — Une lettre de S. S. Léon-XIII.
— Les messes del'égliseSaint-Joachlm. —
Les troubles en Algérie. — Les suites de
l'affaire Dreyfus. — Informations politi
ques et parlementaires. — Un acte d'in
tolérance. — Chronique. — En Extrême-
Orient. — Dépêches de l'étranger. —
Chambre dés députés. — L'a question
ouvrière; — Le mouvement syndical en
"Lorraine. — Chronique religieuse. — Né
crologie. — Armée et marine. — Les
anarchistes. — Tribunaux; — Nouvelles
•diverses. — Calendrier. — Tableau et
bulletin de la Bourse* —- Dernière
heure.
CONFIANCE IHPÉRATIVE
Le ministère est plus solide. Il
doit ses remerciements à M. Cavai
gnac. On ne trouvera pas mauvais,
d'ailleurs, qu'il néglige cette dette,
mais il en a contracté une autre en
vers le Parlement et le pays. Cette
dernière est sérieuse; il faut tra
vailler sans retard à l'acquitter.
Par trois votes, la Chambre a
proclamé sa confiance dans le gou
vernement, pour rétablir l'ordre et
mettre fin à la campagne du syndi
cat. Les sentiments identiques du
Sénat ne peuvent faire l'ombre d'un
doute. Au Luxembourg, on ne fut
jamais partisan de l'agitation, sur
tout quand les socialistes en veulent
profiter. De quel œil on y voit les
menées en faveur de la revision du
procès Dreyfus, nous le savons de
puis le rude échec de M. Scheurer-
Kestner, banni de la vice-prési
dence.
Le Parlement, organe régulier
du pays, s'est donc prononcé. Il
demande la répression des trou
bles, et que le traître, condamné en
toute justice, reste à l'île du Diable.
On peut considérer comme certain
que le pays est, dans sa masse, du
même avis que ses représentants.
La France n'aime pas les Juifs ;
elle ne doute aucunement de l'in
dépendance et de l'impartialité des
conseils ,d® guerre ; elle s'en rap
porte pleinement à leur verdict
contre Dreyfus ; on ne changera
pas son opinion bien arrêtée. Mais,
d'autre part, elle aime la paix dans
la rue et veut tranquillement va
quer à ses affaires. Les manifes
tants ne lui sont pas longtemps
sympathiques, même quand leur
colère sè conçoit et que leurs in
tentions paraissent borinès. A plus
forte raison, les réprouve-t-elle, si
l 'agitation, se prolongeant, vient à
changer de caractère et de but.
Nous en sommes là. L'esprit de
désordre (côté socialiste) et l'esprit
de parti (côté césarien) ont fait en
trer leurs troupes en ligne. Il s'agit
de surexciter, d'exaspérer l'émo
tion pour la tourner contre les
institutions présentes. Une sorte
de collaboration, confuse encore,
s'établit entre ceux qui veulent un
bouleversement politique et^ ceux
qui cherchent à renverser l'édifice
social.
Tandis que les révolutionnaires
font tapage, on entend les enne
mis de la forme républicaine dire,
à l'envi, qu'il n'y a jamais eu sous
un maître couronné d'effervescence
pareille, et si dangereuse. On ne
connaissait point l'émeute, en ces
temps-là. — Non, pas même quand
on culbutait le trône ?... C'est ainsi,
par exemple, que s'expriment le Mo
niteur, la Vérité, la Gazette et l'Au
torité. Il s'agit d'effrayer la France,
avec l'aide des socialistes, pour
qu'elle redemande un roi ou Cé
sar.
, Le suffrage universel est loin de
se montrer toujours intelligent ;
mais en vérité, on le croit trop
bête. Si vous vous imaginez qu'il
ne voit pas votre jeu !... Il le voit,
très bien. Et comme d'habitude
quand elle a flairé l'esprit de dé
sordre et de parti, la saine masse
populaire, haussant les épaules
non sans un peu d'agacement con
tre ceux qui pensent la duper, se
détourne et se désintéresse, # ne
réclamant plus rien que le réta
blissement du calme. Voilà ce que
le pays, d'accord avec son Parle
ment, demande au ministère. Il
entend qu'on en finisse.
C'est pourquoi il approuvera les
votes rendus hier par la Chambre,
et leur donnera la même significa
tion que les députés y ont attachée.
A la force d'un témoignage dé con
fiance, on a voulu joindre l'aiguil
lon d'un mandat impératif. On a
dit au ministère : — Nous vous
soutiendrons ferme ; agissez fer
mement...
Ayant avec eux, sans aucun doute
possible, le Parlement et le pays,
M. Méline et ses collègues, ap
puyés de la sorte, montrèrorit l'é
nergie nécessaire. Leur existence
ministérielle, leur honneur,-l'inté
rêt et le sentiment national sè réu
nissent pour l'exiger. Ils vont ré
tablir l'ordre; ils réprimeront les
insupportables menées du syndi
cat. Cette dernière partie de la tâ
che ne sera point la plus courte
ni la plus facile. Notre devoir à tous
est de faire preuve de sang-froid
et de patience. Nous aiderons ainsi
le gouvernement. N'écoutons pas
les opposants de parti pris, qui
trouveront toujours que l'on fait
juste le contraire de ce qu'il fallait.
Ne demandons au ministère, dans
son œuvre de répression, que de
bien savoir ce qu'il veut et de le
bien vouloir.
Pierre Veuillot.
3ULLETI&£
Comme on la vu en Dernière Heure, la
Chambre a. décidé hier de reprendre l'in
terpellation laissée en suspens samedi
dernier. M. Jaurès a continué son dis
cours de l'avant-veille, mais il a parlé
avec un peu plus de modération.
De son banc,leprésident du consèillui
a fa.it une brève réponse. AprèsM. Mé
line, prennent successivement la parole
MM. do Lanjuinais, Goblul,■ Baudry-
d'Asson, et M. Ernest Roche. Le nou
veau et très vigoureux discours du
président du conseil assure au cabinet
une forte majorité : par 366 voix contre
126,l'on vote l'ordre du jour deconf,%nce
au gouvernement.
Une demande en autorisation de pour
suites a été déposée hier, sur le bureau
de la Chambre, contre MM. Gérault-
Richard et de Bernis. Elle est motivée
par les incidents qui se sont produits
samedi au cours de la séance.
La gauche démocratique du Sénat a
voté hier un ordre du jour en faveur de
la concentration.|
En présence des troubles qui ont eu
lieu dimanche à Alger, M. Lépine, gou
verneur général d'Algérie, a pris dé-
nergiques mesures pour rétablir Tordre.
On trouvera plus loin des détails-à ce
sujet, ainsi que sur les, incidents qui
ont marqué la journée d'hier.
Hier, à la commission du budget du
Reichstag, M. de Bulow, secrétaire d'E
tat aux affaires étrangères, a fait une
déclaration relative à l'affaire Dreyfus :
le ministre alleniand a dèclaréqu' «entre
l'ex-capitaine Dreyfus et n'importe quels
organes allemands, il n'a jamais^existé
de relations ». Il était vraiment impos
sible à M. de Bulow de reconnaître le
fait de l'espionnage et les partisans de
Dreyfus seraient mal venus à se servir
de cette déclaration.
En terminantsa communication rela
tivement à l'affaire Dreyfus, le ministre
allemand a déclaré que cette affaire
« n'a en rien troublé, à sa connaissance,
les relations uniformément tranquilles
qui existent entre l'Allemagne et la
France ».
' En outre, dans son exposé, M. de Bii-
low s'est occupé des questions qui in
téressent actuellement la politique ex
térieure de l'Allemagne : on trouvera à
i'Elranger le résumé de la communica
tion du secrétaire d'Etat allemand.
La Diète de Bohême a adopté, après un
long débat, le budget provisoire. Les Al
lemands se sont abstenus.
On parle d'un duel prochain entre
M. Wolf, un des plus fougueux députés
allemands,etunmembredupartiejeune-
tchèque. »
PROPOS DIVERS
Lorsqu'on doutait qu'il y eût vrai
ment un rapport du capitaine Le
brun-Renaud sur les aveux de
Dreyfus, certains journaux disaient
que, si ce rapport était avoué et
montré, la trahison ne pourrait
plus être mise en doute. Aujour
d'hui on ne doute plus de l'existence
de ce document, mais déjà l'on dé
clare que, mêmë s'il était publié et
contenait ce que l'on dit il ne prou
verait rien. Et ce ne sont pas les
seuls journaux du syndicat juif
qui parlent de la sorte ; c'est aussi
l 'Autorité, laquelle,'tout en récla
mant contre les menées des juifs,
pousse à la revision du procès. Elle
reproche à M. Cavaignac d'avoir
violé le secret professionnel en invo
quant un document dont il n'a eu
connaissance qu'en qualité de mi
nistre, puis elle ajoute :
Quelle que soit l'honorabilité du capi
taine Lebrun, et nous sommes convain
cus qu'elle est parfaite, une relation prise
dans de semblables conditions ne saurait
trancher une question aussi grave.
Surtout en raison des circonstances
dans lesquelles elles ont été prononcées,
les paroles de Dreyfus peuvent avoir été
mal entendues, mal saisies, mal inter
prétées, par une seule personne.
Avec la meilleure foi du monde, une
seule personne est sujette à se tromper
et dans la perception de quelques mots et
dans le rappel de ses souvenirs.
C'est pourquoi l'ancien droit romain
n'admettait pas un témoignage unique et
avait inscrit, parmi ses préceptes, cette
règle : Testis imus, testis nullus.
Il faut aussi considérer que l'aveu at
tribué à Dreyfus est contredit par les
lettres écrites par lui la veille et le soir
de sa dégradation, et dans lesquelles il
affirme son innocence dans les termes
les plus catégoriques.
Comment un Jhomme aussi avisé que
Dreyfus, à qui ni les efforts, toujours si
puissants de l'instruction, ni la dialecti
que serrée des interrogatoires, n'ont
réussi à arracher la moindre confession,
qui a su* rester impénétrablement fermé
dans tout le cours des poursuites et du
procès, a-t-il pu, tout d'un coup, sans
être pressé eri quoi que ce fût, de lui»
même, spontanément, s'accuser, se cou*
damner irrémédiablement lui-même,
fermer toutes les issues derrière lui, ren
dre vains par avance les agissements
en sa faveur de sa famille et de sa secte
sur lesquels il comptait, renverser de
ses mains la dernière planche qui lui
restât?
C'est possible sans doute ; mais cela
semble bizarre, étonnant, improbable...
Donc il faut la revision et plus
de huis clos.
Pour quiconque veut en finir
avec le désordre actuel et n'entend
pas y ajouter des complications
diplomatiques, le ministère a bien
fait de refuser la communication
du rapport en question. On. voit
aujourd'hui qu'à le montrer on ne
contenterait personne et n'arrête
rait rien.
L'Autorité déclare d'ailleurs, jus
qu'à démonstration contraire, tenir
Dreyfus pour coupable à cause de
la qualité des juges qui l'ont con
damné.
Pour nous cette qualité garantit
la justice du jugement rendu et
nous demandons qu'on s'y tienne.
Faute de lire régulièrement la
Gazette de France, nous ne savons
si elle-est-pour ou contre la révi
sion ; mais si nous ne pouvons rap
porter son avis sur cette question,
nous devons noter qu'elle vient
d'indiquer le point de départ et toute
la signification, toute la portée de
l'agitation actuelle. Ce point de dé
part est un « signal royal », donné
le 26 novembre de l'an dernier par
M. le duc d'Orléans dans une lettre
à l'un de ses amis qui la publia.
Le monde politique n'y fit pas
alors grande attention, mais la Ga
zette, aidée de M. de Lanessan, ré
publicain dégômmé et clairvoyant,
peut affirmer aujourd'hui que la
France en fut émue et en resta pé-.
nétrée, et que toutes les manifes
tations patriotiques de ces derniers
temps sont la chaleureuse réponse
du pays au « signal royal ».
C'est monsieur le duc d'Orléans, s'é-
crie-t-elle, qui, le premier, a pris la dé
fense de l'armée outragée.
C'est la lettre du prince qui a donné lé
signal du patriotique mouvement qui
s'est emparé de la France entière.
C'est à son appel que tous les bons
Français se sont ralliés autour du dra
peau menacé, vilipendé, pour protester
contre la coupable inertie de nos miséra
bles gouvernants et prendre eux-mêmes
en mains la cause de a l'honneur des sol
dats de la France».
Recueillons ce témoignage d'un ad
versaire.
Il affirme cette vérité que, toutes les
fois que monsieur le duc d'Orléans parlera
en roi, sa voix éveillera de puissants
échos dans l'âme française si profondé
ment monarchique.
Car, entre le roi et la France, il y a
une grande solidarité, celle de l'honneur
français, de la grandeur et de la sécurité
nationales.
Et cette solidarité, rien ne parviendra
à la détruire.
Bien que M. le duc d'Orléans soit
jeune, ardent et paraisse disposé à
se monter la tête, bien que le sage
M. Dufeuille ne soit plus son ren-
seigneur, on peut croire qu'il ne
prendra pas au sérieux les propos
enflammés de la Gazette. Il doit la
connaître.
Et tandis que cette intempér ante
et visionnaire Gazette parle ainsi, les
députés royalistes, unis aux catho
liques et aux républicains de gou
vernement, votent pour, le ministère
Méline afin qu'il puisse durer et ré
tablir l'ordre.
Le prince Victor Napoléon, l'em
pereur ! n'ayant dit mot, l 'Autorité
ne peut lui attribuer un « signal
impérial » qui aurait « éveillé » pour
moitié « les puissants échos » que
nous entendons. Elle n'accepte donc
pas la révélation de la Gazette. Du
reste depuis quelque tempsM. de
Cassagnac paraît ne plus comptér ni
sur son empereur, ni sur son roi,
ni sur leur action commune : il at
tend le salut d'un « sauveur » qui
surgira des « entrailles du pays ».
C'est un appel à César, mais où
est César? On n'entrevoit même pas
Boulanger. -
Eugène Veuillot. '
■ ♦
Çà et là
LA PÈCHE A LA. LIGNE ET LE
PAUPERISME
Je n'ai jamais apprécié beaucoup le
plaisir, très spécial assurément, que
peut procurer la pèche à la ligne : il y a
dans ce sport, très ancien et toujours cul
tivé par une paisible armée d'amateurs,
généralement convaincus, il y a, dis-je,
un charme et une doucéur, évidemment
très forts et très captivants, mais qui,
pour moi, m'échappent tout à fait. Res
ter, pendant des heures entières, pendant
des matinées qui commencent dès l'aube
et enjambent parfois sur l'après-midi,
pendant des après-midi qui usurpent à
rebours,—si je puis m'exprimer ainsi,—
sur la matinée et se prolongent jusqu'a
près le coucher du soleil; rester là, im
mobile au bord d'un fleuve ou d'un ruis
seau, d'un lac ou d'un étang, voire d'un
simple et vulgaire bassin, que réjouissent
les glouglous d'un petit jet d'eau et les
ébats enfantins d'une colonie de pois
sons rouges, rester là, impassible et si
lencieux, allongeant .au-dessus de l'eàu
formante ou courante un immense bâ
ton, qui s'amuse à regarder son image
incertaine au fond du miroir de l'onde,
où il plonge un bout de ficelle ; avoir les
yeux constamment rivés sur un petit
bouchon de liège qui surnage paisible ou
danse capricieux au gré de la brise ; at
tendre, avec une patience admirable et
résignée, que le petit bouchon fasse un
petit plongeon ; retirer brusquement sa
ligne et s'apercevoir, neuf fois sur dix,
qu'on a été trop vite et que l'appât est
encore au bout de l'hameçon, ou bien
qu'on s'y est pris trop tard et qu'un pois;
son malin, mais indélicat, a dévoré le
petit vers sans s'accrocher à la pointe
traîtresse; en ce cas,fouiller dans un pot
rempli d'une masse grouillante, afin d'en
retirer une victime nouvelle qu'on trans
perce impitoyablement sur l'hameçon
crochu ; parfois, mais rarement, conqué
rir un menu goujon qui fait scintiller ses
écailles en se démenant avec une fureur,
excusable en somme ; et puis recommen
cer toujours la même chose, en restant
toujours immobile et silencieux... : voilà
un genre d'exercice qui n'a jamais cessé
de revêtir à mes yeux des allures un peu
graves et mystérieuses, comme une
sorte de rite étrange accompli par des
augures pénétrés de leur caractère et de
la nécessité d'un recueillement profond
■devant leur idole; mais il m a toujours
été impossible de découvrir, en cette oc
cupation, un divertissement quelconque,
un plaisir.
Oui, la pêche à la ligne est parfois une
récréation fort plaisante et je l'ai très
bien appréciée de la sorte, au temps que
j'étais collégien, pendant les vacances.
On s'en va en troupe joyeuse, armée de
lignes, avec un air de vague ressemblance
avec un escadron de lanciers qui aurait
perdu ses chevaux; on cherche, au bord
d'une jolie rivière ou d'un étang déli
cieux, quelque site charmant, quelque
petit ravissant recoin, où mille fleurs
rient dans l'herbe épaisse, où chantent
les buissons par cent becs d'oiseaux, où
le feuillage des bois s'incline sur les
eaux et modère l'ardeur du soleil ; en un
mot, un bon endroit, poissonneux ou non,
on ne s'en inquiète guère,agréable et doux,
en tout cas, cela est certain. Et puis on
pêche; en ce sens qu'on trempe les lignes
amorcées dans l'onde et qu'on les en re
tire, avec précipitation, dès qu'un souffle
de vent balance le bouchon de liège; on
bavarde, on s'amuse, on rit. On ne prend
pas dé poisson,c'est vrai; mais on prend
un bain rafraîchissant de gaîté, de bon
! air et de bonne humeur. Et puis, joie
sjans pareille, on déjeune sur l'herbe h..
Voilà comment, quand j'étais collégien,
je comprenais la pèche à la ligne. Et
j'avoue tout bas que je me divertirais en
core, à ce genre de plaisirs.
Je ne me dissimule pas qu'en donnant
publiquement la préférence à une façon
de pratiquer la pêche à la ligne,aussi hété
rodoxe, je vais scandaliser profondément
les augures vénérables et silencieux dont
je parlais à l'instant,les pêcheurs convain
cus en un mot, catégorie sociale pour la
quelle je professe une estime d'autant
plus grande et sincère que je parviens
moins à saisir le secret de leur état d'es
prit. Donc, pour les consoler, j'ajouterai
immédiatement que si, dans les rares
occasions où j'ai essayé, pour de bon, de
pêcher à la ligne, il m'était advenu de
prendre un peu de poisson et d'avoir un
peu de patience, il n'est pas sûr que
mes idées à ce sujet ne se fussent point
modifiées considérablement. Le dépit —
alors énergiquement désavoué, aujour
d'hui reconnu très humblement — que
j'éprouvais à rester bredouille est peut-
être la preuve que j'aurais pris un cer
tain plaisir à la pèche, en y prenant un
peu de poisson. Mais je ne veux pas ap
profondir.
D'ailleurs, ce n'est pas du tout pour
raconter cela que j'avais saisi la plu
me et inscrit ce titre alléchant, cet ac
couplement de mots qui, d'abord, a pu
sembler bizarre et qui, maintenant, doit
paraître absolument injustifié: la Pêche à
la ligne et le Paupérisme. Hélas ! la di
gression m'a mangé tout mon article et
il me faut résumer ce que je voulais dé
velopper.
Voici donc en deux mots ce que je vou
lais dire.
Si la pêche au bord de rivières jolies a,
malgré l'apparence, un charme secret,
quel étrange!plaisir peut bien procurer
la pêche à Paris, entre des quais maussa
des et dans une onde épaisse !... Eh bien,
il paraît que cet exercice a aussi sa dou
ceur ; car les pêcheurs parisiens viennent
d'affirmer leur existence et leur nombre,
en rédigeant, signant et propageant une
pétition. Et quelle pétition ! Une pétition
qui vraiment dévoile à nos yeux toute
une série d'horizons inconnus, inouïs,
j'allais dire invraisemblables.
Les pêcheurs parisiens demandent que
le braconnage fluvial à Paris soit ré
primé plus sévèrement. Aurait-on sup
posé qu'il y eût parmi nous des bracon
niers fluviaux,, exerçant leur métier clan
destin sur la Seine ? Il y en a, et beau
coup ! Leur nombre est si grand que les
ravages accomplis par leurs mains cri
minelles sont incalculables. Ils arrachent
à l'eau nourricière une quantité de pois
sons de l'âge le plus tendre et qui leur
crient en vain : « Je ne veux pas mourir
encore. » Impitoyables, ils suppriment
férocement ce jeune espoir des honnêtes
pêcheurs, qui implorent le conseil muni
cipal en faveur de cette enfance poisson
neuse,... avec des sentiments, d'ailleurs,
qui ne sont pas très pitoyables non plus.
Cependant, ce n'est pas pour l'unique
plaisir de prendre plus tard des poissons
plus nombreux, que les honorables péti
tionnaires dénoncent le braconnage flu
vial. C'est dans l'intérêt de la race, non
des poissons de la Seine, entendez-le
bien, mais des habitants du département
de la Seine, ce qui est très différent. Oui,
si le braconnage aquatique était réprimé
dans nos murs, la population du fleuve
parisien offrirait des ressources inépui
sables et la pêche à la ligne y deviendrait
un des meilleurs moyens de conjurer le
fléau du paupérisme... Ainsi parlent nos
pêcheurs.
Voilà ce que je voulais dire et j'avais
l'intention d'y ajouter des réflexions bien
senties. Mais, n'ayant plus le temps, je
me contente de conclure par l'ingénieuse
et commode expression : « Pas de com
mentaires », — formule qu'on emploie
surtout quand on ne sait plus que dire !
François V euillot.
A LA CHAMBRE
L'affaire Dreyfus.
Les ennemis du ministère de
vraient, une fois pour toutes, être
découragés de l'interpeller sur l'af
faire Dreyfus.
Ils ont tout tenté pour embrouiller
une question, cependant bien sim
ple ; ils ont harcelé le gouvernement,
énervé la Chambre, soulevé les pi
res passions de Uopinion publique ;
M. Cavaignac ayant très loyalement
reconnu, samedi, n'avoir plus rien
à exiger après les explications si
nettes, si loyales, si fortes, du pré
sident du conseil, M. Jaurès avait
voulu tout remettre en discussion
en jetant dans le débat les artifices
et les violences de sa rhétorique,
— et son discours avait été inter
rompu par des scènes de brutalité
scandaleuses ; M. Brisson, le calme
une fois revenu, s'était refusé, mal
gré l'avis des présidents de tous les
groupes parlementaires, à repren
dre la séance interrompue d'une fa
çon si inattendue, espérant, sans
doute, atténuer par un repos de
deux jours l'impression profonde
causée par le discours du chef du
gouvernement ; — tout cela pour
affermir, en fin de compte, la majo
rité ministérielle, et accentuer plus
encore le succès personnel de M. Mé
line.
Plusieurs n'avaient pas désarmé ;
hier tout a été remis en question; M.
Jaurès,plus calme,plus maître de soi,
a réuni, en un faisceau de trois ques
tions précises, toutes les attaques,
toutes les objections, tous les ra
contars, toutes les' insinuations ac
cumulés depuis deux mois : Pour
quoi avoir fait un choix parmi les
diffamations reprochées à r M. Zola
et n'en livrer qu'un certain nombre
à l'appréciation du jury ? Est-il
vrai, comme on l'a laissé dire sans
opposer de démenti formel, que
Dreyfus ait été condamné sur la
production en chambre du conseil
d'un ou de plusieurs documents
dont il n'avait pas été donné con
naissance à l'accusé ? Comment a-
t-on pu sérieusement prescrire
un huis clos partiel dans le rér
cent procès intenté contre le com
mandant Esterhazy, alors que
seuls, la discussion entre les gra
phologues et le débat entre les offi
ciers de l'état-major sur les illér
galités commises, ont été soustraits
à la publicité?
Sur tous ces points, pour M. Jau
rès, le ministère a manqué à son
devoir, et il y a manqué parce qu'il
a renié la tradition républicaine —
la vraie, celle des amis et alliés plus
ou moins fidèles de M. Jaurès — et
parce qu'il a livré la République aux
puissances financières et à l'arbi
traire du grand état-major.
Voilà bien des griefs que M. Mé
line s'est sagement refusé à rele
ver.
Il avait, avec beaucoup de di
gnité, proclamé, samedi, que le
jury ne saurait en aucune façon
devenir juge de l'honneur de nos
généraux — et voilà. pourquoi |M.
Emile Zola n'aura point à répon
dre, si ce n'est devant la cons
cience publique révoltée, de ses
insultes contre les chefs les plus
respectés de nos armées ; il avait
invoqué l'autorité de la chose ju
gée pour ne livrer à la tribune du
Parlement aucun détail du procès
Dreyfus, devenu définitif dans sa
sentence comme dans sa procé
dure ; il avait rappelé enfin que
les juges seuls ont le droit de pro
noncer le huis clos et que le pou
voir exécutif pas plus cjue le Par
lement ne sauraient réclamer de
co mpte, sur ce point...
Les arguties de l'opposition de
venaient puériles et M. Jaurès ne
pouvait l'ignorer. Quelqu'un le sa
vait mieux encore, pour avoir eu
autrefois la responsabilité du pou
voir; M. Goblet s'est placé sur un
autre terrain, et tout en apportant
au ministère son vote et celui de ses
amis, il a tenu à critiquer ce qu'on
avait fait et à dire aussi ce qu'on
aurait dû faire.
Eh bien ! M. Goblet eût arrêté,
voilà deux mois, la campagne en :
faveur de la revision du procès
Dreyfus, par d'énergiques affirma
tions; M. Goblet' n'eût pas consenti
à tenir compte de la dénonciation
formelle de£M. Mathieu Dreyfus, et
à déférer le commandant Esterhazy
au jugement de ses pairs, même
réclamé par lui; M. Goblet, aujour
d'hui, tolérerait, à l'occasion du
procès Zola, que le jury de la Seine
revjsât les sentences des deux con
seils de guerre... Est ce. bien sûr ?
En tout cas, l'homme de Château-
villain ne peut arguer que de son
inconscience habituelle pour expli
quer le reproche fait par lui au ca-t
binet modéré de n'avoir point su
pratiquer une politique a'apaise-
ment. On connaît par une doulou
reuse expérience les procédés gou
vernementaux de M. Goblet et de
ses amis ; voilà pourquoi la droite
chargeait M. , de Lanjuinais de dé
clarer qu'elle donnait son concours
à M, Méline par la certitude qu'elle
a « de perdre au change ».
La droite, comme le pays, pré
fère, à la politique, révolutionnaire
de M. Goblet ou de M. Bourgeois,
la politique de tolérance relative et
de résistance sociale de M. Méline
— et le président du conseil l'a
rappelé nettement, en répondant à
M. Goblet. Qu'auraient dit les radi-<
eaux, et M. Goblet lui-même, si le
gouvernement avait pris, en face
;des difficultés si graves de l'heure
présente, l'attitude illégale, et in
constitutionnelle qu'on lui reproche
aujourd'hui de ; n'avoir point voulu
adopter? Sur ce point encore, M.
Méline, aux applaudissements de
la Chambre, a répondu à M. Go
blet.
Des six ordres du jour présentés,
un seul a été retenu tout d'abord;
il porte approbation des déclara
tions du gouvernement; la priorité
en a été votée par 352j voix contre
161 ; puis 366 suffrages contre 126
ont adopté le texte lui-même.
Un instant après, M. Gendre, qui
voulait peut-être s'éclairer davan
tage sur la volonté, de la Chambre,
proposait une addition exprimant
le regret que les déclarations du
fouvernement « eussent été si tar-
ives » — et cette addition était
repoussée par 284 voix contre 123.
Et maintenant, voudra-t-on dé
sarmer? Il appartient à la Cham
bre, il appartient à la majorité qui
s'est groupée hier à côté de M. Mé
line et de ses collaborateurs de
leur faciliter leur tâche pour l'ave
nir.
Gabriel de Triors.
UNE LETTRE DE S. S. LÉON XIII
Le Souverain Pontife .a daigné
éorire-à S. Em. le cardinal Langé-
nieux la lettre suivante :
« A notre cher Fils, Benoît-Mkrie,
cardinal Langénieux, du titre dè
Saint-Jean devant la Porte-Latine,
archevêque de Reims.
« LÉON XIII, PAPE.
« Cher Fils,
« Salut et bénédiction apostolique,'
« La lecture de votre lettre, que
Nous avons reçue aux approches
de Noël, nous a laissé une joiè bien,,
vive. Outre l'expression des vœux
pleins d'affection que vous formez
pour Nous, vous Nous disiez, sur
les sentiments des catholiques fran
çais, des choses qui répondent en
tièrement à nos désirs pour le bien
de votre patrie. Que Dieu donné
l'accroissement et le succès à cette
union des cœurs. Et vous, notre
cher Fils, continuez à seconder nos
desseins pour le bien de la ifeligion
au milieu de vos populations.
« Comme témoignage de notre
bienveillance et gage des grâces di
vines, Nous vous accordons affec
tueusement dans le Seigneur, à vous
et à vos fidèles la bénédiction apos
tolique.
« Donné à Rome, près Saint-
Pierre, le 3 janvier 1898, en la
vingtième année de Notre Pontifi
cat
« LEON XIII, PAPE »
; ,
LIS MESSES M L'IffiISS SALÏÏ-JOACHIÏ
Nous avons reçu les promesses de
messes suivantes :
M. l'abbé J.-B Sauvage, professeur au
petit séminaire de Boulogne-sur-
Mer 5
M. l'abbé Roulleawx, de Laval 5
M. l'abbé Suzanne, prêtre en retraite
à La Dorât (Haute Vienne) 5
Nous avons en outre reçu de M. Eou-
geray, libraire à Rennes, dix francs,
pour célébration de messes.
Il COB DMA 1
I. — Le travail de la femme dans là
grande industrie.
La jeune et ardente fraction des dé
mocrates chrétiens de Paris, organise
périodiquement des congrès, qui ne du
rent qu'un jour, n'ont que deux ou
trois séances, n'étudient en général
qu'une seule question, précise et limitée,
mais font toujours d'excellente besogne.
Dimanche, au fond du XIII 0 arrondisse
ment, dans ce triste et malheureux quar
tier de la Maison-Blanche, on s'était réu
ni pour tenir la cinquième assemblée de
ce genre. Elle a été très bonne et nous
avons sujet d'espérer qu'elle sera fé
conde.
La question inscrite au programme
était cette question si grave et doulou
reuse, angoissant e à un double point de
vue, étant remplie de misère actuelle et
de dangers lointains : le travail de la
femme dans la grande industrie.
Après une allocution simple et nette,
WMHiiliBimftBUPIIUIIHIllWWmHIIHI IIIIIIIHHIIIIIIBIWiMJJIlMWMMBSBUHIIlIMMITH
Edition quotidienne. — 10,958
Mercredi 26 Janvier 1898
ihiiiiiimiiihip h i* -■
ÉDITIQN QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale)
Un an......... 40 » 51 »
Six mois 21 » 26 50
Trois mois..... 11 » 14 »
abonnements partent des 1 er et 13 de chaque mois
UN NUMÉRO
Paris.... 10 cent.
Départements 15 —
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On s'abonne à Rome, plgce du Gesù, 8
LE MONDE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
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et départements (union postale)
Un an. . 20 » 26 »
Six mois...... 10 » 13 »/
Trois mois 5 » 6 50
Les- abonnements partent des 1 er et 18 de chaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C !o , 6, place da la Bourse
PARIS, 25 JANVIER 1898
SOMMAIRE
Confiance inspira-
tive
Propos divers.......
Çà et là : La pêche à
la ligne et le paupé
risme
A la Chambre
Le congrès démo
cratique.,.
Manifestation pa
triotique
Au théâtre.
Nouvelles agricoles
P ierre V euillot.
E ugène V euillot.^
F rançois V euillot.
G. de T riors;
F rançois j V euillot.
II. M.
H enri D ac.
A. de vllliers de
L'I sle- A dam.
Bulletin. — Une lettre de S. S. Léon-XIII.
— Les messes del'égliseSaint-Joachlm. —
Les troubles en Algérie. — Les suites de
l'affaire Dreyfus. — Informations politi
ques et parlementaires. — Un acte d'in
tolérance. — Chronique. — En Extrême-
Orient. — Dépêches de l'étranger. —
Chambre dés députés. — L'a question
ouvrière; — Le mouvement syndical en
"Lorraine. — Chronique religieuse. — Né
crologie. — Armée et marine. — Les
anarchistes. — Tribunaux; — Nouvelles
•diverses. — Calendrier. — Tableau et
bulletin de la Bourse* —- Dernière
heure.
CONFIANCE IHPÉRATIVE
Le ministère est plus solide. Il
doit ses remerciements à M. Cavai
gnac. On ne trouvera pas mauvais,
d'ailleurs, qu'il néglige cette dette,
mais il en a contracté une autre en
vers le Parlement et le pays. Cette
dernière est sérieuse; il faut tra
vailler sans retard à l'acquitter.
Par trois votes, la Chambre a
proclamé sa confiance dans le gou
vernement, pour rétablir l'ordre et
mettre fin à la campagne du syndi
cat. Les sentiments identiques du
Sénat ne peuvent faire l'ombre d'un
doute. Au Luxembourg, on ne fut
jamais partisan de l'agitation, sur
tout quand les socialistes en veulent
profiter. De quel œil on y voit les
menées en faveur de la revision du
procès Dreyfus, nous le savons de
puis le rude échec de M. Scheurer-
Kestner, banni de la vice-prési
dence.
Le Parlement, organe régulier
du pays, s'est donc prononcé. Il
demande la répression des trou
bles, et que le traître, condamné en
toute justice, reste à l'île du Diable.
On peut considérer comme certain
que le pays est, dans sa masse, du
même avis que ses représentants.
La France n'aime pas les Juifs ;
elle ne doute aucunement de l'in
dépendance et de l'impartialité des
conseils ,d® guerre ; elle s'en rap
porte pleinement à leur verdict
contre Dreyfus ; on ne changera
pas son opinion bien arrêtée. Mais,
d'autre part, elle aime la paix dans
la rue et veut tranquillement va
quer à ses affaires. Les manifes
tants ne lui sont pas longtemps
sympathiques, même quand leur
colère sè conçoit et que leurs in
tentions paraissent borinès. A plus
forte raison, les réprouve-t-elle, si
l 'agitation, se prolongeant, vient à
changer de caractère et de but.
Nous en sommes là. L'esprit de
désordre (côté socialiste) et l'esprit
de parti (côté césarien) ont fait en
trer leurs troupes en ligne. Il s'agit
de surexciter, d'exaspérer l'émo
tion pour la tourner contre les
institutions présentes. Une sorte
de collaboration, confuse encore,
s'établit entre ceux qui veulent un
bouleversement politique et^ ceux
qui cherchent à renverser l'édifice
social.
Tandis que les révolutionnaires
font tapage, on entend les enne
mis de la forme républicaine dire,
à l'envi, qu'il n'y a jamais eu sous
un maître couronné d'effervescence
pareille, et si dangereuse. On ne
connaissait point l'émeute, en ces
temps-là. — Non, pas même quand
on culbutait le trône ?... C'est ainsi,
par exemple, que s'expriment le Mo
niteur, la Vérité, la Gazette et l'Au
torité. Il s'agit d'effrayer la France,
avec l'aide des socialistes, pour
qu'elle redemande un roi ou Cé
sar.
, Le suffrage universel est loin de
se montrer toujours intelligent ;
mais en vérité, on le croit trop
bête. Si vous vous imaginez qu'il
ne voit pas votre jeu !... Il le voit,
très bien. Et comme d'habitude
quand elle a flairé l'esprit de dé
sordre et de parti, la saine masse
populaire, haussant les épaules
non sans un peu d'agacement con
tre ceux qui pensent la duper, se
détourne et se désintéresse, # ne
réclamant plus rien que le réta
blissement du calme. Voilà ce que
le pays, d'accord avec son Parle
ment, demande au ministère. Il
entend qu'on en finisse.
C'est pourquoi il approuvera les
votes rendus hier par la Chambre,
et leur donnera la même significa
tion que les députés y ont attachée.
A la force d'un témoignage dé con
fiance, on a voulu joindre l'aiguil
lon d'un mandat impératif. On a
dit au ministère : — Nous vous
soutiendrons ferme ; agissez fer
mement...
Ayant avec eux, sans aucun doute
possible, le Parlement et le pays,
M. Méline et ses collègues, ap
puyés de la sorte, montrèrorit l'é
nergie nécessaire. Leur existence
ministérielle, leur honneur,-l'inté
rêt et le sentiment national sè réu
nissent pour l'exiger. Ils vont ré
tablir l'ordre; ils réprimeront les
insupportables menées du syndi
cat. Cette dernière partie de la tâ
che ne sera point la plus courte
ni la plus facile. Notre devoir à tous
est de faire preuve de sang-froid
et de patience. Nous aiderons ainsi
le gouvernement. N'écoutons pas
les opposants de parti pris, qui
trouveront toujours que l'on fait
juste le contraire de ce qu'il fallait.
Ne demandons au ministère, dans
son œuvre de répression, que de
bien savoir ce qu'il veut et de le
bien vouloir.
Pierre Veuillot.
3ULLETI&£
Comme on la vu en Dernière Heure, la
Chambre a. décidé hier de reprendre l'in
terpellation laissée en suspens samedi
dernier. M. Jaurès a continué son dis
cours de l'avant-veille, mais il a parlé
avec un peu plus de modération.
De son banc,leprésident du consèillui
a fa.it une brève réponse. AprèsM. Mé
line, prennent successivement la parole
MM. do Lanjuinais, Goblul,■ Baudry-
d'Asson, et M. Ernest Roche. Le nou
veau et très vigoureux discours du
président du conseil assure au cabinet
une forte majorité : par 366 voix contre
126,l'on vote l'ordre du jour deconf,%nce
au gouvernement.
Une demande en autorisation de pour
suites a été déposée hier, sur le bureau
de la Chambre, contre MM. Gérault-
Richard et de Bernis. Elle est motivée
par les incidents qui se sont produits
samedi au cours de la séance.
La gauche démocratique du Sénat a
voté hier un ordre du jour en faveur de
la concentration.|
En présence des troubles qui ont eu
lieu dimanche à Alger, M. Lépine, gou
verneur général d'Algérie, a pris dé-
nergiques mesures pour rétablir Tordre.
On trouvera plus loin des détails-à ce
sujet, ainsi que sur les, incidents qui
ont marqué la journée d'hier.
Hier, à la commission du budget du
Reichstag, M. de Bulow, secrétaire d'E
tat aux affaires étrangères, a fait une
déclaration relative à l'affaire Dreyfus :
le ministre alleniand a dèclaréqu' «entre
l'ex-capitaine Dreyfus et n'importe quels
organes allemands, il n'a jamais^existé
de relations ». Il était vraiment impos
sible à M. de Bulow de reconnaître le
fait de l'espionnage et les partisans de
Dreyfus seraient mal venus à se servir
de cette déclaration.
En terminantsa communication rela
tivement à l'affaire Dreyfus, le ministre
allemand a déclaré que cette affaire
« n'a en rien troublé, à sa connaissance,
les relations uniformément tranquilles
qui existent entre l'Allemagne et la
France ».
' En outre, dans son exposé, M. de Bii-
low s'est occupé des questions qui in
téressent actuellement la politique ex
térieure de l'Allemagne : on trouvera à
i'Elranger le résumé de la communica
tion du secrétaire d'Etat allemand.
La Diète de Bohême a adopté, après un
long débat, le budget provisoire. Les Al
lemands se sont abstenus.
On parle d'un duel prochain entre
M. Wolf, un des plus fougueux députés
allemands,etunmembredupartiejeune-
tchèque. »
PROPOS DIVERS
Lorsqu'on doutait qu'il y eût vrai
ment un rapport du capitaine Le
brun-Renaud sur les aveux de
Dreyfus, certains journaux disaient
que, si ce rapport était avoué et
montré, la trahison ne pourrait
plus être mise en doute. Aujour
d'hui on ne doute plus de l'existence
de ce document, mais déjà l'on dé
clare que, mêmë s'il était publié et
contenait ce que l'on dit il ne prou
verait rien. Et ce ne sont pas les
seuls journaux du syndicat juif
qui parlent de la sorte ; c'est aussi
l 'Autorité, laquelle,'tout en récla
mant contre les menées des juifs,
pousse à la revision du procès. Elle
reproche à M. Cavaignac d'avoir
violé le secret professionnel en invo
quant un document dont il n'a eu
connaissance qu'en qualité de mi
nistre, puis elle ajoute :
Quelle que soit l'honorabilité du capi
taine Lebrun, et nous sommes convain
cus qu'elle est parfaite, une relation prise
dans de semblables conditions ne saurait
trancher une question aussi grave.
Surtout en raison des circonstances
dans lesquelles elles ont été prononcées,
les paroles de Dreyfus peuvent avoir été
mal entendues, mal saisies, mal inter
prétées, par une seule personne.
Avec la meilleure foi du monde, une
seule personne est sujette à se tromper
et dans la perception de quelques mots et
dans le rappel de ses souvenirs.
C'est pourquoi l'ancien droit romain
n'admettait pas un témoignage unique et
avait inscrit, parmi ses préceptes, cette
règle : Testis imus, testis nullus.
Il faut aussi considérer que l'aveu at
tribué à Dreyfus est contredit par les
lettres écrites par lui la veille et le soir
de sa dégradation, et dans lesquelles il
affirme son innocence dans les termes
les plus catégoriques.
Comment un Jhomme aussi avisé que
Dreyfus, à qui ni les efforts, toujours si
puissants de l'instruction, ni la dialecti
que serrée des interrogatoires, n'ont
réussi à arracher la moindre confession,
qui a su* rester impénétrablement fermé
dans tout le cours des poursuites et du
procès, a-t-il pu, tout d'un coup, sans
être pressé eri quoi que ce fût, de lui»
même, spontanément, s'accuser, se cou*
damner irrémédiablement lui-même,
fermer toutes les issues derrière lui, ren
dre vains par avance les agissements
en sa faveur de sa famille et de sa secte
sur lesquels il comptait, renverser de
ses mains la dernière planche qui lui
restât?
C'est possible sans doute ; mais cela
semble bizarre, étonnant, improbable...
Donc il faut la revision et plus
de huis clos.
Pour quiconque veut en finir
avec le désordre actuel et n'entend
pas y ajouter des complications
diplomatiques, le ministère a bien
fait de refuser la communication
du rapport en question. On. voit
aujourd'hui qu'à le montrer on ne
contenterait personne et n'arrête
rait rien.
L'Autorité déclare d'ailleurs, jus
qu'à démonstration contraire, tenir
Dreyfus pour coupable à cause de
la qualité des juges qui l'ont con
damné.
Pour nous cette qualité garantit
la justice du jugement rendu et
nous demandons qu'on s'y tienne.
Faute de lire régulièrement la
Gazette de France, nous ne savons
si elle-est-pour ou contre la révi
sion ; mais si nous ne pouvons rap
porter son avis sur cette question,
nous devons noter qu'elle vient
d'indiquer le point de départ et toute
la signification, toute la portée de
l'agitation actuelle. Ce point de dé
part est un « signal royal », donné
le 26 novembre de l'an dernier par
M. le duc d'Orléans dans une lettre
à l'un de ses amis qui la publia.
Le monde politique n'y fit pas
alors grande attention, mais la Ga
zette, aidée de M. de Lanessan, ré
publicain dégômmé et clairvoyant,
peut affirmer aujourd'hui que la
France en fut émue et en resta pé-.
nétrée, et que toutes les manifes
tations patriotiques de ces derniers
temps sont la chaleureuse réponse
du pays au « signal royal ».
C'est monsieur le duc d'Orléans, s'é-
crie-t-elle, qui, le premier, a pris la dé
fense de l'armée outragée.
C'est la lettre du prince qui a donné lé
signal du patriotique mouvement qui
s'est emparé de la France entière.
C'est à son appel que tous les bons
Français se sont ralliés autour du dra
peau menacé, vilipendé, pour protester
contre la coupable inertie de nos miséra
bles gouvernants et prendre eux-mêmes
en mains la cause de a l'honneur des sol
dats de la France».
Recueillons ce témoignage d'un ad
versaire.
Il affirme cette vérité que, toutes les
fois que monsieur le duc d'Orléans parlera
en roi, sa voix éveillera de puissants
échos dans l'âme française si profondé
ment monarchique.
Car, entre le roi et la France, il y a
une grande solidarité, celle de l'honneur
français, de la grandeur et de la sécurité
nationales.
Et cette solidarité, rien ne parviendra
à la détruire.
Bien que M. le duc d'Orléans soit
jeune, ardent et paraisse disposé à
se monter la tête, bien que le sage
M. Dufeuille ne soit plus son ren-
seigneur, on peut croire qu'il ne
prendra pas au sérieux les propos
enflammés de la Gazette. Il doit la
connaître.
Et tandis que cette intempér ante
et visionnaire Gazette parle ainsi, les
députés royalistes, unis aux catho
liques et aux républicains de gou
vernement, votent pour, le ministère
Méline afin qu'il puisse durer et ré
tablir l'ordre.
Le prince Victor Napoléon, l'em
pereur ! n'ayant dit mot, l 'Autorité
ne peut lui attribuer un « signal
impérial » qui aurait « éveillé » pour
moitié « les puissants échos » que
nous entendons. Elle n'accepte donc
pas la révélation de la Gazette. Du
reste depuis quelque tempsM. de
Cassagnac paraît ne plus comptér ni
sur son empereur, ni sur son roi,
ni sur leur action commune : il at
tend le salut d'un « sauveur » qui
surgira des « entrailles du pays ».
C'est un appel à César, mais où
est César? On n'entrevoit même pas
Boulanger. -
Eugène Veuillot. '
■ ♦
Çà et là
LA PÈCHE A LA. LIGNE ET LE
PAUPERISME
Je n'ai jamais apprécié beaucoup le
plaisir, très spécial assurément, que
peut procurer la pèche à la ligne : il y a
dans ce sport, très ancien et toujours cul
tivé par une paisible armée d'amateurs,
généralement convaincus, il y a, dis-je,
un charme et une doucéur, évidemment
très forts et très captivants, mais qui,
pour moi, m'échappent tout à fait. Res
ter, pendant des heures entières, pendant
des matinées qui commencent dès l'aube
et enjambent parfois sur l'après-midi,
pendant des après-midi qui usurpent à
rebours,—si je puis m'exprimer ainsi,—
sur la matinée et se prolongent jusqu'a
près le coucher du soleil; rester là, im
mobile au bord d'un fleuve ou d'un ruis
seau, d'un lac ou d'un étang, voire d'un
simple et vulgaire bassin, que réjouissent
les glouglous d'un petit jet d'eau et les
ébats enfantins d'une colonie de pois
sons rouges, rester là, impassible et si
lencieux, allongeant .au-dessus de l'eàu
formante ou courante un immense bâ
ton, qui s'amuse à regarder son image
incertaine au fond du miroir de l'onde,
où il plonge un bout de ficelle ; avoir les
yeux constamment rivés sur un petit
bouchon de liège qui surnage paisible ou
danse capricieux au gré de la brise ; at
tendre, avec une patience admirable et
résignée, que le petit bouchon fasse un
petit plongeon ; retirer brusquement sa
ligne et s'apercevoir, neuf fois sur dix,
qu'on a été trop vite et que l'appât est
encore au bout de l'hameçon, ou bien
qu'on s'y est pris trop tard et qu'un pois;
son malin, mais indélicat, a dévoré le
petit vers sans s'accrocher à la pointe
traîtresse; en ce cas,fouiller dans un pot
rempli d'une masse grouillante, afin d'en
retirer une victime nouvelle qu'on trans
perce impitoyablement sur l'hameçon
crochu ; parfois, mais rarement, conqué
rir un menu goujon qui fait scintiller ses
écailles en se démenant avec une fureur,
excusable en somme ; et puis recommen
cer toujours la même chose, en restant
toujours immobile et silencieux... : voilà
un genre d'exercice qui n'a jamais cessé
de revêtir à mes yeux des allures un peu
graves et mystérieuses, comme une
sorte de rite étrange accompli par des
augures pénétrés de leur caractère et de
la nécessité d'un recueillement profond
■devant leur idole; mais il m a toujours
été impossible de découvrir, en cette oc
cupation, un divertissement quelconque,
un plaisir.
Oui, la pêche à la ligne est parfois une
récréation fort plaisante et je l'ai très
bien appréciée de la sorte, au temps que
j'étais collégien, pendant les vacances.
On s'en va en troupe joyeuse, armée de
lignes, avec un air de vague ressemblance
avec un escadron de lanciers qui aurait
perdu ses chevaux; on cherche, au bord
d'une jolie rivière ou d'un étang déli
cieux, quelque site charmant, quelque
petit ravissant recoin, où mille fleurs
rient dans l'herbe épaisse, où chantent
les buissons par cent becs d'oiseaux, où
le feuillage des bois s'incline sur les
eaux et modère l'ardeur du soleil ; en un
mot, un bon endroit, poissonneux ou non,
on ne s'en inquiète guère,agréable et doux,
en tout cas, cela est certain. Et puis on
pêche; en ce sens qu'on trempe les lignes
amorcées dans l'onde et qu'on les en re
tire, avec précipitation, dès qu'un souffle
de vent balance le bouchon de liège; on
bavarde, on s'amuse, on rit. On ne prend
pas dé poisson,c'est vrai; mais on prend
un bain rafraîchissant de gaîté, de bon
! air et de bonne humeur. Et puis, joie
sjans pareille, on déjeune sur l'herbe h..
Voilà comment, quand j'étais collégien,
je comprenais la pèche à la ligne. Et
j'avoue tout bas que je me divertirais en
core, à ce genre de plaisirs.
Je ne me dissimule pas qu'en donnant
publiquement la préférence à une façon
de pratiquer la pêche à la ligne,aussi hété
rodoxe, je vais scandaliser profondément
les augures vénérables et silencieux dont
je parlais à l'instant,les pêcheurs convain
cus en un mot, catégorie sociale pour la
quelle je professe une estime d'autant
plus grande et sincère que je parviens
moins à saisir le secret de leur état d'es
prit. Donc, pour les consoler, j'ajouterai
immédiatement que si, dans les rares
occasions où j'ai essayé, pour de bon, de
pêcher à la ligne, il m'était advenu de
prendre un peu de poisson et d'avoir un
peu de patience, il n'est pas sûr que
mes idées à ce sujet ne se fussent point
modifiées considérablement. Le dépit —
alors énergiquement désavoué, aujour
d'hui reconnu très humblement — que
j'éprouvais à rester bredouille est peut-
être la preuve que j'aurais pris un cer
tain plaisir à la pèche, en y prenant un
peu de poisson. Mais je ne veux pas ap
profondir.
D'ailleurs, ce n'est pas du tout pour
raconter cela que j'avais saisi la plu
me et inscrit ce titre alléchant, cet ac
couplement de mots qui, d'abord, a pu
sembler bizarre et qui, maintenant, doit
paraître absolument injustifié: la Pêche à
la ligne et le Paupérisme. Hélas ! la di
gression m'a mangé tout mon article et
il me faut résumer ce que je voulais dé
velopper.
Voici donc en deux mots ce que je vou
lais dire.
Si la pêche au bord de rivières jolies a,
malgré l'apparence, un charme secret,
quel étrange!plaisir peut bien procurer
la pêche à Paris, entre des quais maussa
des et dans une onde épaisse !... Eh bien,
il paraît que cet exercice a aussi sa dou
ceur ; car les pêcheurs parisiens viennent
d'affirmer leur existence et leur nombre,
en rédigeant, signant et propageant une
pétition. Et quelle pétition ! Une pétition
qui vraiment dévoile à nos yeux toute
une série d'horizons inconnus, inouïs,
j'allais dire invraisemblables.
Les pêcheurs parisiens demandent que
le braconnage fluvial à Paris soit ré
primé plus sévèrement. Aurait-on sup
posé qu'il y eût parmi nous des bracon
niers fluviaux,, exerçant leur métier clan
destin sur la Seine ? Il y en a, et beau
coup ! Leur nombre est si grand que les
ravages accomplis par leurs mains cri
minelles sont incalculables. Ils arrachent
à l'eau nourricière une quantité de pois
sons de l'âge le plus tendre et qui leur
crient en vain : « Je ne veux pas mourir
encore. » Impitoyables, ils suppriment
férocement ce jeune espoir des honnêtes
pêcheurs, qui implorent le conseil muni
cipal en faveur de cette enfance poisson
neuse,... avec des sentiments, d'ailleurs,
qui ne sont pas très pitoyables non plus.
Cependant, ce n'est pas pour l'unique
plaisir de prendre plus tard des poissons
plus nombreux, que les honorables péti
tionnaires dénoncent le braconnage flu
vial. C'est dans l'intérêt de la race, non
des poissons de la Seine, entendez-le
bien, mais des habitants du département
de la Seine, ce qui est très différent. Oui,
si le braconnage aquatique était réprimé
dans nos murs, la population du fleuve
parisien offrirait des ressources inépui
sables et la pêche à la ligne y deviendrait
un des meilleurs moyens de conjurer le
fléau du paupérisme... Ainsi parlent nos
pêcheurs.
Voilà ce que je voulais dire et j'avais
l'intention d'y ajouter des réflexions bien
senties. Mais, n'ayant plus le temps, je
me contente de conclure par l'ingénieuse
et commode expression : « Pas de com
mentaires », — formule qu'on emploie
surtout quand on ne sait plus que dire !
François V euillot.
A LA CHAMBRE
L'affaire Dreyfus.
Les ennemis du ministère de
vraient, une fois pour toutes, être
découragés de l'interpeller sur l'af
faire Dreyfus.
Ils ont tout tenté pour embrouiller
une question, cependant bien sim
ple ; ils ont harcelé le gouvernement,
énervé la Chambre, soulevé les pi
res passions de Uopinion publique ;
M. Cavaignac ayant très loyalement
reconnu, samedi, n'avoir plus rien
à exiger après les explications si
nettes, si loyales, si fortes, du pré
sident du conseil, M. Jaurès avait
voulu tout remettre en discussion
en jetant dans le débat les artifices
et les violences de sa rhétorique,
— et son discours avait été inter
rompu par des scènes de brutalité
scandaleuses ; M. Brisson, le calme
une fois revenu, s'était refusé, mal
gré l'avis des présidents de tous les
groupes parlementaires, à repren
dre la séance interrompue d'une fa
çon si inattendue, espérant, sans
doute, atténuer par un repos de
deux jours l'impression profonde
causée par le discours du chef du
gouvernement ; — tout cela pour
affermir, en fin de compte, la majo
rité ministérielle, et accentuer plus
encore le succès personnel de M. Mé
line.
Plusieurs n'avaient pas désarmé ;
hier tout a été remis en question; M.
Jaurès,plus calme,plus maître de soi,
a réuni, en un faisceau de trois ques
tions précises, toutes les attaques,
toutes les objections, tous les ra
contars, toutes les' insinuations ac
cumulés depuis deux mois : Pour
quoi avoir fait un choix parmi les
diffamations reprochées à r M. Zola
et n'en livrer qu'un certain nombre
à l'appréciation du jury ? Est-il
vrai, comme on l'a laissé dire sans
opposer de démenti formel, que
Dreyfus ait été condamné sur la
production en chambre du conseil
d'un ou de plusieurs documents
dont il n'avait pas été donné con
naissance à l'accusé ? Comment a-
t-on pu sérieusement prescrire
un huis clos partiel dans le rér
cent procès intenté contre le com
mandant Esterhazy, alors que
seuls, la discussion entre les gra
phologues et le débat entre les offi
ciers de l'état-major sur les illér
galités commises, ont été soustraits
à la publicité?
Sur tous ces points, pour M. Jau
rès, le ministère a manqué à son
devoir, et il y a manqué parce qu'il
a renié la tradition républicaine —
la vraie, celle des amis et alliés plus
ou moins fidèles de M. Jaurès — et
parce qu'il a livré la République aux
puissances financières et à l'arbi
traire du grand état-major.
Voilà bien des griefs que M. Mé
line s'est sagement refusé à rele
ver.
Il avait, avec beaucoup de di
gnité, proclamé, samedi, que le
jury ne saurait en aucune façon
devenir juge de l'honneur de nos
généraux — et voilà. pourquoi |M.
Emile Zola n'aura point à répon
dre, si ce n'est devant la cons
cience publique révoltée, de ses
insultes contre les chefs les plus
respectés de nos armées ; il avait
invoqué l'autorité de la chose ju
gée pour ne livrer à la tribune du
Parlement aucun détail du procès
Dreyfus, devenu définitif dans sa
sentence comme dans sa procé
dure ; il avait rappelé enfin que
les juges seuls ont le droit de pro
noncer le huis clos et que le pou
voir exécutif pas plus cjue le Par
lement ne sauraient réclamer de
co mpte, sur ce point...
Les arguties de l'opposition de
venaient puériles et M. Jaurès ne
pouvait l'ignorer. Quelqu'un le sa
vait mieux encore, pour avoir eu
autrefois la responsabilité du pou
voir; M. Goblet s'est placé sur un
autre terrain, et tout en apportant
au ministère son vote et celui de ses
amis, il a tenu à critiquer ce qu'on
avait fait et à dire aussi ce qu'on
aurait dû faire.
Eh bien ! M. Goblet eût arrêté,
voilà deux mois, la campagne en :
faveur de la revision du procès
Dreyfus, par d'énergiques affirma
tions; M. Goblet' n'eût pas consenti
à tenir compte de la dénonciation
formelle de£M. Mathieu Dreyfus, et
à déférer le commandant Esterhazy
au jugement de ses pairs, même
réclamé par lui; M. Goblet, aujour
d'hui, tolérerait, à l'occasion du
procès Zola, que le jury de la Seine
revjsât les sentences des deux con
seils de guerre... Est ce. bien sûr ?
En tout cas, l'homme de Château-
villain ne peut arguer que de son
inconscience habituelle pour expli
quer le reproche fait par lui au ca-t
binet modéré de n'avoir point su
pratiquer une politique a'apaise-
ment. On connaît par une doulou
reuse expérience les procédés gou
vernementaux de M. Goblet et de
ses amis ; voilà pourquoi la droite
chargeait M. , de Lanjuinais de dé
clarer qu'elle donnait son concours
à M, Méline par la certitude qu'elle
a « de perdre au change ».
La droite, comme le pays, pré
fère, à la politique, révolutionnaire
de M. Goblet ou de M. Bourgeois,
la politique de tolérance relative et
de résistance sociale de M. Méline
— et le président du conseil l'a
rappelé nettement, en répondant à
M. Goblet. Qu'auraient dit les radi-<
eaux, et M. Goblet lui-même, si le
gouvernement avait pris, en face
;des difficultés si graves de l'heure
présente, l'attitude illégale, et in
constitutionnelle qu'on lui reproche
aujourd'hui de ; n'avoir point voulu
adopter? Sur ce point encore, M.
Méline, aux applaudissements de
la Chambre, a répondu à M. Go
blet.
Des six ordres du jour présentés,
un seul a été retenu tout d'abord;
il porte approbation des déclara
tions du gouvernement; la priorité
en a été votée par 352j voix contre
161 ; puis 366 suffrages contre 126
ont adopté le texte lui-même.
Un instant après, M. Gendre, qui
voulait peut-être s'éclairer davan
tage sur la volonté, de la Chambre,
proposait une addition exprimant
le regret que les déclarations du
fouvernement « eussent été si tar-
ives » — et cette addition était
repoussée par 284 voix contre 123.
Et maintenant, voudra-t-on dé
sarmer? Il appartient à la Cham
bre, il appartient à la majorité qui
s'est groupée hier à côté de M. Mé
line et de ses collaborateurs de
leur faciliter leur tâche pour l'ave
nir.
Gabriel de Triors.
UNE LETTRE DE S. S. LÉON XIII
Le Souverain Pontife .a daigné
éorire-à S. Em. le cardinal Langé-
nieux la lettre suivante :
« A notre cher Fils, Benoît-Mkrie,
cardinal Langénieux, du titre dè
Saint-Jean devant la Porte-Latine,
archevêque de Reims.
« LÉON XIII, PAPE.
« Cher Fils,
« Salut et bénédiction apostolique,'
« La lecture de votre lettre, que
Nous avons reçue aux approches
de Noël, nous a laissé une joiè bien,,
vive. Outre l'expression des vœux
pleins d'affection que vous formez
pour Nous, vous Nous disiez, sur
les sentiments des catholiques fran
çais, des choses qui répondent en
tièrement à nos désirs pour le bien
de votre patrie. Que Dieu donné
l'accroissement et le succès à cette
union des cœurs. Et vous, notre
cher Fils, continuez à seconder nos
desseins pour le bien de la ifeligion
au milieu de vos populations.
« Comme témoignage de notre
bienveillance et gage des grâces di
vines, Nous vous accordons affec
tueusement dans le Seigneur, à vous
et à vos fidèles la bénédiction apos
tolique.
« Donné à Rome, près Saint-
Pierre, le 3 janvier 1898, en la
vingtième année de Notre Pontifi
cat
« LEON XIII, PAPE »
; ,
LIS MESSES M L'IffiISS SALÏÏ-JOACHIÏ
Nous avons reçu les promesses de
messes suivantes :
M. l'abbé J.-B Sauvage, professeur au
petit séminaire de Boulogne-sur-
Mer 5
M. l'abbé Roulleawx, de Laval 5
M. l'abbé Suzanne, prêtre en retraite
à La Dorât (Haute Vienne) 5
Nous avons en outre reçu de M. Eou-
geray, libraire à Rennes, dix francs,
pour célébration de messes.
Il COB DMA 1
I. — Le travail de la femme dans là
grande industrie.
La jeune et ardente fraction des dé
mocrates chrétiens de Paris, organise
périodiquement des congrès, qui ne du
rent qu'un jour, n'ont que deux ou
trois séances, n'étudient en général
qu'une seule question, précise et limitée,
mais font toujours d'excellente besogne.
Dimanche, au fond du XIII 0 arrondisse
ment, dans ce triste et malheureux quar
tier de la Maison-Blanche, on s'était réu
ni pour tenir la cinquième assemblée de
ce genre. Elle a été très bonne et nous
avons sujet d'espérer qu'elle sera fé
conde.
La question inscrite au programme
était cette question si grave et doulou
reuse, angoissant e à un double point de
vue, étant remplie de misère actuelle et
de dangers lointains : le travail de la
femme dans la grande industrie.
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