Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-04-08
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 avril 1897 08 avril 1897
Description : 1897/04/08 (Numéro 10673). 1897/04/08 (Numéro 10673).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k709454c
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
ÉDITI ON QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER
: bt départements (union f.ostalbû
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Six mois 21 » 26 50
Trois mois.„ 11 »■ 14 ».
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25 départements • (union postale)
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Six mois..V... io » 13.
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Les abonnemëntà partent des î«' ét î8 fie ehaque smï ®
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui M sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C ie , 6 t place de la Bourse
PARIS, 7 AVRIL 1897
SOMMAIRE
Anniversaire.......
Affaires d'Orient.
Toujours neuf:..'.,.
ala Cfeamfera
Au Sénat...........
En Aîiemàgiië,
Les nouveaux mââ-
lâèr èé d'Arménie.
Nouvelles agricoles.
Eugène Veuillot,
F. L.
G. n'A.
G. Hk TàtoM.
i:. Mantenav.
L. i:
Un missionnaire.
A. de vllliéas de
L'Isle-Adam. .
louis Veuillot.
Feuilleton : Lettres
intimes..
Bulletin. — Informations politiques et par-
ièmentaii-es. — A l'Hôtel de Villej —
b^ffait-b Àrton. — Soudan. — Le jôixr-
'ââ.id'unévêque . — Chronique. — Lettres,
sciences et arts. — Les affaires de Crète
— Dépêches de l'étranger. — En pro-
. vinee;— Echos de partout. — Chrûniqtie
. fcëligiéusé. — Société des agriculteurs de
France. — La question ouvrière. — Né
crologie. —Guerre et. marine Tribu
naux.-^ Le naufrage de là Ville-de-Saint
Nazaire. —- Nouvelles diverses. — Calen-
drier. — Tableau et bulletin de la Bourse.
— Dernière heure. - - :
ANNIVERSAIRE
Eu avril 1883, quelques jours
après la mort de Louis Veuillot,
mon frère et mon maître, j'annonçai
dans l'Univers que j'allais' publier
feâ Correspondance et écrire sa vie
marquée par tant de luttes pour
l'Eglise et'que bientôt je publierais
ce qu'il avait laissé d inédit. Qua
torze ans se sont écoulés et je n'ai
encore tenu qu'une faible partie dé
ces promesses; Certes ! en les fai
sant je voulais et je croyais les rem'
plir. très vite. Elles exprimaient, si
feinbêfement les résolutions, les be
soins . de ' mon esprit et de mon
coeur! Ce travail devait m'-absorber.
Je me le disais alors et j'y trouvais
une sorte, de consolation ; je me le
dis encore aujourd'hui et c'est une
Souffrance. Je voudrais tant avoir
achevé des publications, dont la
mémoire de Louis Veuillot«peut se
passer, mais qui serviront la cause
a laquelle il fut si heureux de vouer
sa vie!
Dieu merci, mes regrets ne sont
.pas mêlés de remords. Ma volonté
n'a pas été- défaillante. Ni la re
cherche du repos, ni la poursuite
d'un but différent, ni des calculs
personnels n'ont agi sur moi, Si je
ne me suis pas tenu parole, c'est
que j© n'ai pu dominer la situa
tion.
La grande œuvre de Louis Veuil
lot a été Y Univers, « le cher. Uni
vers », comme il disait souvent.
C'est avec amour qu'il a écrit tous
ses livres, c'est avec passion qu'il
faisait son journal. Il était heureux
d'avoir donné à l'Eglise cette arme
de précision. Le jour où il m'appela
près de lui-,il mé dit :« Tu prends un
engagement définitif; notre vie est
là. » Et que de fois ensuite il m'a
répété ce mot qui valait un.~ ser
ment !
Ce serment, c'est pour le tenir
comme mon frère l'entendait que
depuis sa mort, laissant au tiroir
de précieux papiers, violentant mes
désirs; j'ai consacré à l'Univers
presque tout mon temps. Les évé
nements et aussi les circonstances,
çhoses moins graves mais, parfois;
également " impérieuses, m;y ont
forbrê;. Bë 1883 jusqu'à ce jour que
de combats importants ët a'liri cà-
ractère général il a fallu livrer ; que
de questions, graves. e,t compliquées
il à failli, étùdier, éclàirèrî h'Urti-
vèrs së devait à ces luttes. S'il ne
fiouvait y prendre part avec tout
'éclat : que lui , avait ;, longtemps
donné la plume de Loiiis veuillot»
il lui appartenait d'y apporter les
principes et le drapeau au maître.
Ce drapeau il me Pavait remis et
ma première obligation était d'être
toujours là pour l'arborer et ld dé
fendre. Aussi, tandis que tel cha
pitre de la vie de mon frère a été
écrit en quelques jours, tel autre,
fPlusieurs fois abandonné pour
e combat obligatoire du moment»
n'a été achevé qu'après cinq ou six
mois d'un travail ou la joie si pré
cieuse, si seçouràble d'être tout
entier à de que l'on écrit, man
quait.
Je devais cette explication aux
nombreux lecteurs, aux nombreux,
amis qui d'un ton où l'affection tem
péré le reproehe» me prient, me
pressent, me somment de faire pas
ser Louis Veuillot avant les choses
du jour. « Comprenez, me dit l'un
« d'eux, (jue si Dieu vous laisse à
« votre âge la force de trâvailler
« constamment, c'est afin que vous
uissiez écrire la vie de votre
« pu:
« frère et publier tout ce qu'il a
« laissé. Cette oeuvre que seul vous
« pouvez faire 'complète et bien,
« vous nous la devez, vous la devez
« à l'Eglise. Vous manquez à une
« grâce en l'ajournant, »
Que de fois ce même discours
m'a.été tenu, que de lettres où ces
mêmes reproches me sont.adressés!
Et qu'il m-'est donc. arrivé souvent
de me dire le cœur remué, d'inquié
tude : ils ont raison et dès demain
je ferai, une large part de mon
temps à la Correspondance, aux
manuscrits, à. la vie de Louis Veuil
lot. Ce demain toujours fuyant, j'ai
espéré à certaine date le saisir par
une organisation du journal qui
sans me mettre à la, retraite m'eût
déchargé d'une partie de la beso
gne quotidienne. Jen'y ai pas réussi,
mais j'y reviendrai. Lire moins de
manuscrits, reviser moins d'arti
cles, corriger moins d'épreuves,
avoir moins de visites, donner -
moins d'audiences, écrire moins de
lettres... Que d'heures conquises,
que de joie : hélas, jusqu'ici quel
rêve !
Je veux par un exemple prouver
à ceux qui me gourmandent et me
troublent qu'il n'est pas toujours
possible à un rédacteur en chef de
'Univers de régler ses travaux
selon ses désirs : Dans cette lon
gue, pénible et si importante cam
pagne, qui date du toast d'Alger
et dont les ëncycliques-deLéon XIII
ont marqué le terrain et le but,
l'Univers ne devait-il pas combattre
au premier rang? Et moi, chargé
du drapeau, moi le gardien de nos
traditions, ne devais-je pas être
toujours présent ? Le Pape donnait
des directions politiques et sociales,
VUnivers n'avait qu'à les suivre.' Et
certes, même si. elles avaient pu le
froisser il, n'eut pâs hésité dans
sa marche ; -mais il importait d'au
tant plus de s'y donner tout entier
et sans relâche qu'il y avait divi
sion jusque dans les rangs des ca-
tndiiqiife'8. àvant tout. Je. m'y donnai
comme l'eût fait Lcdiis Veuillot.
Agir autrement eût été trahir notre
vieux programme.
Én défendant lés prescriptions,
du - Saint-Siège, j'ai goûté la joie
. très grande, très fortifiante de dé<
fendre, le principe sur- lequel ce
journal a été fondé, et dont mon
frère avait fait sa loi. Obéir en tout
au Pape» ne se lier à aucun parti
politique, n'attacher les intérêts de
l'Eglise à aucune forme de gou
vernement, accepter le pouvoir ré
gulièrement établi en se réservant
toût haut d'en condamner au besoin
les doctrines et les actes : voilà ce
. que Louis Veuillot a toujours voulu,
toujours enseigné, -toujours prati
que. Quiconque le nie ignore son
œuvre ou ment.
Sans doute, on peut trouver dans
les écrits de mon frère des pages
qui détachées, commentées, souli
gnées avec artifice, donnent'une au
tre note; mais alors ce n'est pas lui
3u'on entend, c'est le commentateur
éloyal ou borné qui par calcul,
fausse sa docitrine; La politique de
Louis-Veuillot, je l'ai dit souvent et
en cet annivèrsaire je veux le re
dire, a toujours été celle ^u'on ap-
Pellé la politique de Léon XIII:'
rétendre qu'il l'eût abandonnée le
jour où le Souveraih Pontife a pres
crit de : la suivre, quelle effronterie
ou quel aveuglement ! Et cependant
cela menaçait de prendre.- Pour
montrer qu'en àcclamant les ency
cliques nous restions nous-mêmes,
il a fallu revenir maintes fois sur
ce sujet. La polémique impose ees
répétitions. Si-je ne m'y étais pas
résigné, la doctrine d© Louis Veuil
lot eût été faussée et VUnivers, au
lieu de" défendre avec quelque suc
cès les enseignements du Saint-
Siège, eût laissé le champ libre à
l'école que mon frère a toujours
combattue, l'école que représentent
encore ouvertement dans la presse
nos vieux adversaires, la Gazette de
France et le Moniteur : dè francs
réfractaires ceux-là comme ils ont
été de francs gallicans.
Si pour achever la Vie, me dira-t
on» et reprendre la publication des
Lettres, vous attendez l'accord entre
les catholiques, il est à croire que le
temps vous, manquera'. Tranquilli
sez-vous, amis lecteurs, je connais
trop nos gens pour faire un tel cal
cul, et j'.ai de meilleures chances
d'atteindre mon but.
D'abord, bien que la bataille, sur
lés instructions* pontificales ne soit
pas encore finie, elle est gagnée. Le
clergé séculier et le clergé régulier,
pris en masse, acceptent la répu
blique dans les conditions où le cnef
de L'Eglise en demande l'accepta
tion. Que tous le fassent sans nul
effort, non; mais presque tous re
connaissent l'opportunité de cette
politique, et désirent son succès. Le
souci aès intérêts religieux,' l'esprit
d'obéissance, le savoir et le bon sens
dominent, l'esprit réfractaire même
chez ceux qui avaient quelques rai
sons de s'y abandonner, et bientôt
la cure sera achevée.
Outre part, le parti catholique
proprement dit, celui a que Louis
VeuiUot, àrrïiéde VUnivers, a tant
: contribué à former, le parti des mi
litants et -des hommes d'oëuvre,
comprend de' mieux en mieux qu'il
faut chercher la paix religieuse sur
le terrain marqué par le Pape. C'est
là seulement» — ces chrétiens agis
sants le voient, — qu'on peut faire
l'union et trouver la force. Aussi de
ce côté gagnons-nous chaque jour des
rècrues. Là belle lettre que Sa Sain
teté Léon XIII vient dadrêsser à
l'eminent archevêque de Tojilouse
va fortifier et accélérer ce mouve
ment. A moins d'être aveuglé et as
servi par la passion politique, par
l'étroitesse du parti pris, peut-on ai
mer l'Eglise et demeurer sourd à de
telles, paroles ? Ce nouvel appel fera
de nouvelles conquêtes. Je le répète,
cette grosse partie est gagnée et il
n'est , pas nécessaire que tout le
monde reste soùs les armes pour
avoir définitivement raison des der
niers récalcitrants de bonne foi. En
ce qui me touche, je pourrai m'oc-
cuper moins des refractaires et da
vantage de Louis Veuillot.
Çe n'est pas sur cette seule amé
lioration que je compte pour ré
pondre aux vœux de nos amis,
disons mieux : aux voeux de tous les
vrais catholiques et des lettrés. Qui
donc, en effet, dans le monde'chré
tien et dans le monde des lettres
ne rend pas maintenant hom
mage à Louis Veuillot? Les uni
versitaires eux-mêmes, qu'il a tant
combattus et qui l'ont tant vilipendé,
s'inclinent avec respect devant
l'homme et se font honneur d'ad
mirer l'écrivain. Ce revirement
commencé le lendemain de sa mort
s'affirme de plus en plus. Il donne
la noie qui restera.
" ■ * e temps.qa
ressent de publier toute
En même temps.que ces homma-
Pi ,
l'œuvre de mon frère, l'organisa-
ges me
tion et la situation de VUnivers de
venues plus'fortes m'en donnent la
facilité. Mes jeunes collaborateurs
d'il y a quelques années, qui. dès
lors tenaient bien leur place, sont
aujourd'hui rompus à la besogne.
Ils savent les affaires, ils suivent
d'un pas ferme et joyeux la voie
éclairée par le Pape ; ils ont le mé
tier, et grâce à Dieu plus que le
métier. D 'autres concours ont com
plété notre œuvre; nous marchons
en plein accord, ùn Eon vent souffle
dans,nos voiles et tout en restant au
poste .l'œil ,ouvert et la plume en
main» je puis me décharger eh toute
sûreté de diverses besognes. Je le
ferai, non pour prendre du repos,
mais pour ajouter, des chapitres à
l'histoire de Louis Veuillot et de
VUnivers.
: Eugène Veuillot.'
'BULLETIN
Hier, la. Chambre s'est occupée du cu
mul des pensions militaires et des trai
tements civils; après quoi, M. Mougeot a
interpellé le ministre de la justice sur
quelques abus de l'instruction secrète.
L'ordre du jour pur et simple, accepté
par le gouvernement, a été voté.
Le Sénat a continué hier la discussion
du projet relatif à. la fraude dans la
vérité des beurres.
On àvoté^ en outre, un crédit de 100,000
■francs pour le service des pensions ci
viles et l'on a adopté, à l'unanimité, le
créait de 257,000 francs pour les me
sures à. prendre contre lapeste.
' M. Jules Guesde étant malade, la ques
tion qu'il devait poser au ministre de
l'intérieur au sujet de l'arrêté annulant
les élections .municipales de Roubaix,
est renvoyée à une date ultérieure,
La commission élue hier par les bu
reaux de la Chambre pour examiner le
projet du gouvernement, relatif à l'ad
ministration de l'Algérie, est en majorité
favorable à ce proje t.
Dans l'affaire Arton, aucune nouvelle
importante.
Hier, les Grecs à Athènes et à l'étran
ger ont célébré leur fête nationale : à-
cette occasion; ils ont manifesté leur ep.~
thousiasme pour la guerre avec la Tur
quie.
On redoute toujours un conflit sur les
frontières tureo-helléniques.
La Chambre italienne a élu son bu
reau. On trouvera à l'Etranger des
détails sur les scrutins.
Le gouvernement français sera repré
senté par une mission spéciale aux fêtes
du jubilé de la reine d'Angleterre, le
20. juin prochain. Il n'est nullement
question, contrairement à ce qui a été
dit par certains journaux, d'un voyage
du président de la République k Londres
à. cette occasion. Aucun chef d'Etat ne
s'y rendra d'ailleurs. Les souverains qui
sont alliés à la reine enverront pour les
représenter un prince de leur famille.
Les autres enverront des missions extra
ordinaires ; c'est ce que fera- le gouver
nement de la République.
LES AFFAIRES D'ORIENT
II faut décidément que l'opinion
publique en prenne son parti et
se fasse à l'idée de voir traîner en
longueur tout l'imbroglio oriental.
En effet, rien n'aboutit : ni l'au
tonomie de la Crète, ni le blocus
dont la Grèce a été si souvent me
nacée, ni cette question des réfor
mes ottomanes, là plus grosse de
toutes. ■
Pendant ce temps, les Grecs et
les Turcs sont nez à nez sur la
frontière de Thessalie. et en Epire,
et fort heureusement, se montrent,
jusqu'à présent, disposés, les uns
comme les autres, à tenir compte
des objurgations pacifiantes de
l'Europe.
Toutefois, on ne doit pas se
dissimuler que cette politique hé
sitante, inactive ou inefficace,
laisse la porte ouverte à quelque
Imprévu fâcheux. On remarque
déjà que l'Allemagne, bien que
représentée par un croiseur dans
les 'eaux de la Crète, n'a pas
envoyé le contingent detroupes que
toutes les puissances s'étaient en
gagées à fournir pour l'occupation et
la pacification de la Crète. '
On cherche la raison de cette
abstention, et on ne la trouve pas,
car ce n'est certes point afin de mé
nager les Grecs. Hier, jour anniver
saire de la proclamation de l'indé
pendance de la Grèce, des manifes
tations joyeuses ont eu lieu à Athè
nes auxquelles les légations d'An
gleterre, de France, de Russie, se
sont associées suivant l'usage en
arborant des drapeaux : seules, les
légations d'Allemagne, d'Autriche-
Hongrie et de Turquie se sont abs
tenues. N'y a-t-il pas dans ce petit
fait un indice à noter, qui à coup sûr
n'est pas le signe d'une étroite et
parfaite entente ?
On raconte que l'on a entendu
dire à M. Ilariotaux, à propos des
affaires de Crète, qui se traînent si
lentement: « Oh ! nous en avons bien
pour jusqu'en novembre ! »
r Puissions-nous d'ici là n'avoir pas
à compter avec lés complications
que tout le monde redoute et aux
quelles on laisse si libre carrière.
: p. L. -■
TOUJOURS DU NEUF
On apprend toujours du neuf avec M;
Lermina.
Lui seul ouvre l'œil en ce moment et
voit ce qui se passe.
La vérité, c'est que vous n'avez pas la
moindre idée, s'écrie dans le Radical le
collaborateur de M. Henry Maret, de . ce qui
se passe en ce moment dans notre' pays,
c'est que du haut en bas!de l'échelle la pro
pagande cléricale prend des proportions
Inouïes, que l'audace de ees gens n'a d'é
gale que notre indifférence, et qu'il est
grand temps d'ouvrir les yeux.
Tenez, un petit fait entre mille. Leg
Jésuites — déjà propriétaires du Bon
Marché, comme nul ne l'ignore — vien
nent d'acheter le Petit Journal. Nous
citons:
* Qui de vous a remarqué qu'un des jour
naux les plus répandus, accusant un tirage
d'un million d'exemplaires, est passé tout
entier, armes et bagages, dans le camp des
jésuites., et ici la volte-face a été avouée
nettement. Ce fameux roman, dont j'ai déjà
parlé, et qui a gagné une prime de trente
mille francs au Petit Journal, était l'œu
vre d'un écrivain de sacristie, dont le nom
se retrouve dans toutes. les feuilles reli
gieuses. Et ce roman n'était qu'un long
réquisitoire contre la libre-pensçe et une
exaltation du cléricalisme. Aujourd'hui, le
journal tout entier n'est plus qu'un supplé
ment à la Semaine religieuse.
M. Lermina a raison de dire que nul ne
l 'avait « rémarqué ».
Bien d'autres symptômes dénoncent
d'ailleurs le péril. :
... Les cléricaux travaillent avec une ac
tivité fiévreuse...
... Ce sont les patronages qui attirent Ips
jeunes gens, qui -trouvent sous le crucifix
des boîtes de cigares et des billes de bil
lard. ,
!!!
Aussi, ne dormons pas, If. Lermina
nous en conjure dans un-alinéa littéraire
ment fignolé:
Nous savons trop où déjà nous a conduits
cette indifférence et quelle peine nous
avons eue à empêcher, en 4876, le parti clé
rical de mettre sur la France sa griffe qui
si bien s'étendait.
La vilaine griffe ! comme on croit' la
voir « si bien s'étendre ».
Bref les cléricaux sont des « pleutres »,
de la « vermine, » des « acarus noirs ,»
et, pour finir, des « Tartufes ».
Oh! ce Lermina, comme il sait genti
ment tout dire ! Mais, au milieu de tout
cela, le Radical néglige totalement son
ex-rédacteur en chef M. Maret.
■ ■■ : G. D'A.
A LA CHAMBRE
Les pensions militaires. — L'interpel
lation de M. Mougeot.
On se souvient peut-être que la
Chambre avait détaché du budget la
question, soulevée par M. Jôurde,
au cumul des pensions militaires
et des traitements civils.
L'auteur d'un amendement trans-
FEUILLETON DE L'UNIVERS
DU. 8 AVRIL 1897
LETTRES INTIMES
Selon ma coutume je veux donner au
jourd'hui quelques pages inédites de
Louis Veuillot. Je les prends dans les
parties de. sa correspondance que j'ai en
core à publier. Elles sont de dates diffé
rentes et portent sur différents sujets.
S M- Eugène Boré {1). . •
, Paris, 10 décembre 1852.
Mon cher ami,
Vous avez appris mon malheur et je
ne doute pas que voiis n'ayez tout de
suite donné a la chère fèmme que j'ai
perdue le secours dé vos prières^ Cepen
dant, je viens tout spécialement vous de
mander de prier encore. Elle était pieuse,
ïipiîne, humble, elle aimait les pauvres ;
ielle a vécu, saintement, elle est morte
Baintement ; mais Dieu nous veut par
faits. Offrez quelques-unes de vos bonaet
oeuvres, mon très cher Boré,' pour sup
pléer à l'insuffisance des siennes èt à
l 'absence des miennes, hélas!. Je/vous le
demande au nom de notre amitié, au
nom de ma foi pleine 4e douleur ; je vous
ça conjure par le cœur de' Jésus-Ohri^.
Votre bien dévow| ,et bie|i reçènnaig-
sant. . '
Louis Veuillot.
Elle m'a laissé cinq pauvres petites
filles dont la plus âgée n'a pas sept ^ns. î
(1) M. Eugène Boré, mort supérieur géné- ^
sral,des Lazaristes et des Sœurs de charité,
était alors missionnaire à Constantinople. !
ÏI
A M. Léon Aubineau ^
• . Au Trépôrt, 20 août 1867:.
| Vous voilà chez vous, et moi bientôt,
j je serai chez moi; cela fait une iîère dif-
; férence dans nos bonheurs. Je serai seul
j chez moi; Heureusement que je revien-
| drai avec Du Lac, mais, hélas ! pour voir
j partir Eugène. Il me tarde que le temps
! des plaisirs soit fini et que nous nous.re-
trouvious tous au temps et au poste des
combats. Comme je vaiis me trouver seul,
comme VUnivers va être vide, comme je
serai quinaut! C'est peu de chose qu'un
général sans soldats j et quand le* soldats
sont tels que vous, la misère du chef li
vré à lui-même apparaît dans tout son
lustre. ■ , ,
Ne me laissez pas longtemps dans cette
situation ridicule. Songez que vous êtes
gros actionnaire, songez que M. Duruy
va respirer. Je m'adresse au grand cœur
de Mme Aubineau qui est aussi romaine
de Corneille que romaine de Saint-'
Pierre, je m'adresse à la compassion de
Mme Guilliaud qui ne m'a jamais man
qué. Vous m'êtes plus nécessaire qu'au-!
ciiri saucisson, et même, je' vous aime
davantage (2)'. " • .
Véritablement, frère Léon, vous avez
bien donne, et si cela continue, comme je
n'en doute pas, je vous appellerai frère
Lio'n. Quels beâiix grands articles, quels
jolis badinagès ! Vous ; avez bien. rugi,
bien dépecé, bien griffé. «Quand le lion
se souvient qu'il est chat aussi, c'est
alors qu'il mérite d'être appelé le ^roi des
animaux. • <
Allons faites vos vignes, allez à Beuf,
divertissez vos enfants, soyez mouton et
herbivore, comme vous venez d'être car-
(2) Aubineau devait rapporter de Lyon
un saucisson, à sein rédacteur, en chef, ap
préciateur de çe produit lyonnais.
nassier, mais dëpéchez-vous, et souve-
i nez-vous que la patrie ne prolongera pas
d'un seul jour vos loisirs. Donnant"
l'exemple, j'abrège Tes miens. Je laisse
mes femmes danB la mer et je retourne à
l'encrier. Hélas! je ne l'ai guère quitté.
J'ai lu trois volumes, j'ai préparé dix
/articles, j'ai écrit cinquante lettres. Je
cherche à me ratfrapér par la quantité,
j Faites bien mes compliments chez vous.
C'est un bel endroit. Je ne vous dirai
Jamais combien je l'aime et tout çe qu'il
1 contient.
Votre compère,
: ■- . LCcis.
î III
A M. Pierre Veuillot.-
j 1 er juillet 1877;
j • Mon cher enfant,
! Ton père m'avait conté sa visite. Il était
j content^ Un père est toujours . content
I lorsqu'il rend compte de son fils. Parce
i qu'il aime; il excuse, parce qu'il excuse,
il egpère. tîn oncle ne diffère, pas beau
coup d'un père. Mais sa clairvoyance fra
ternelle voit ce qu'on ne lui montre pas.
J'avais démêlé que le grec taquinait la
tèndresse du papa; non le grec lui-même.
Aussi bien que, toi et mpi, ton père
(soucie, peu du gifec, mais' de tà pres
que volonté, de ne pas étudier cet en
nuyeux superflu Je . voulais t'en écrire
éntre nous. Tu, m'as deviné et tu me ré
ponds sans que je t'aie,rien dit. J'applau
dis à ta pénétration qui me fait voir ton
affection et j'aime ta réponse qui me fait
voir ton obéissance. On peut se moquer
du grec sans inconvénient grave, mais il
faut le traiter avéc considération comme
•bjet d'obéissance. Tu n'as pas l'âge de
dédaigner ce que l'on veut que tii étudies.
La première qualité, le véritable génie
d'un étudiant, c'est d'obéir. Nous som
mes to^é? d'accord à notre dernière:
entrevue que c'était une sottise de sefaire
punir. On lé fait pour se prouver son in
dépendance. Il est bien plus beau de se
prouver qu'«n est indépendant de soi-
même, et de se montrer li})re envers un
imbécile perchant de l'orgueil. Si le grec'
peut t'aider à conquérir cette incompara
ble et indispensable liberté, il te rendra
un immense service. Toute la nature
mauvaise te conseillera la désobéis-
: sauce. La désobéissance est une folle qui
' te vaudra de mauvaises notes et le regret-
} d'avoir affligé ton père. Désobéis à cette
i impudente ; tu te prouveras bien mieux
i la force de ta volonté, la liberté de ton
I âme, et tu feras plaisir à Dieu et à ton
j père, et à tout le monde et même à toi.
Tu seras ùn soldat qui a vaincu son prin-
I cipal ennemi. Vaincre n'est qu'une habi-
! tude à prendre et c'est une habitude à
i prendre aussi de n'être pas vainou par ce
i sot ennemi là qui se ferait lin plaisir de
t'attirer des pensums toute ta vie, dans
l'espoir de t'en valoir un étemel.
Je pense que tu comprends très bien
cela.
Noblesse oblige. Tu as un nom noble.
Fais gaillardement ce que t'impose ton
nom. Il faut qu'un Veuillot passe partout
la tête. haute v en.^hrét;eq guerre. On
y pa,pvient ]pàr 4'obéissânce. Ton père et
moi, nous avons voulu d'abord être des
hommes obéissants. Obéissants à Dieu,
bien entendu. Il n'y a que cette obéis
sance qui préserve des abominables ser
vilités auxquelles l'espèce humaine a été
condamnée* par suite de la désobéissance
à Dieu. Tu sais que le grand mot du dia
ble a été : Je n'obéirai pas, non servi&m.
Et depuis ce temps-là, le diable a été. lé
sot éternel.
Adieu cher enfant, j'espère fortement
que tu ne seras pas un sot, mais un
homme qui voudra servir Dieu et qui le
servira. C'est ce que yais demander à la
messe que j'entendrai tout à l'îieilré cnez
ta cousine Marie-Luce, laquelle a tout
quitté pour être servante de Dieu. Oh !
là chère et sainte enfantj qu'elle a bien
fait et que je la bénis !
, Je t'embrasse.
Louis Veuillot.
Je m'aperçois que mon écriture est
bien mauvaise, et je crains que tu ne
puisses lire ma lettre. Ma main n'est pas
obéissante. Je t'envoie tout de même cette
lettre indéchiffrable. Garde-la, nous es
saierons de la lire ensemble. Et étudie
tout de même le grec pour passer fière
ment ton examen sans qu'on te fasse
grâce. Demande et obtiens la grâce de
Dieu. Si tu la demandes comme il faut,
tu l'auras et elle te suffira. Du reste* le
grec est une des trois langues de la Croix,
à ce titre il est digne de respect, et bon
et utile à connaître, quand ce ne serait
que pour cela. L'homme qui connaît les
trois langues de la Croix est savant et
peut se passer de toutes les langues mo-,
dernes. Que : tu saches bien ton caté
chisme et les trois langues, tu auras de
quoi t'instruire et instruire les autres et
la vraie science illuminera ton âme.
•• ■' • IV
Pauillac, 10 février. ,
Oh ! mon frère, quel soleil et quel froid
il fait en Mëdoc! Tu ne peux imaginer ce
qui se passe à Pauillac. C'est le ciel d'I
talie et lé vent- de Sibérie. Le feu d'en
haut tombe sur la glace et ne la fond
pas. Je suis devenu subitement moins
alerte qu'au bois de Boulogne et . ma
bonne main est raide comme mon pied.
Ce matin, à l'église je me suis cru changé
en statue de neige. Entre une immense
fenêtre en _ plein soleil et une immense
cheminée en plein feu, je nie sens plus
froid que Garné.. Ne feffraie pas cepen
dant, je suis frappé,mais comme une bou
teille de vin de Champagne, Il y a du feu
en moi.Rien n'est plus charmant que mon
; hôte, l'abbé Corbini. Science, aménité,
modestie, zèle, tput est dans ce Veuillo-
tiste parfait. Il sait l'Univers par cœur
et il en cite des morceaux très longs, qui
souvent ne sont pas trop mal. Il a de
plus un petit vicaire Dupanloupiste qu'il
traite avec une bonté charmante et qui
lui fournit l'occasion 1 de multiplier les
citations.
Le courrier arrive et m'apporte ta
lettre. Tu vois que le froid -est général ;
il règne aussi à Arcachon, mais il est
terrible ici. Pour la neige," nous ne la
craignons pas. Le ciel est d'indigo. Quant
à te faire un a rticulet, je ne suis guère à
moi dans cette bonne cure, d'ailleurs
vaste et magnifique. J'essaierai pourtant.
Tout m'y pousse. Pour l'article du Stan
dard (1), j'en rirais bien si j'étais mort et
l'aigle d'Orléans vivant, et que le bon
Dieu, pour tempérer un peu les peines
du purgatoire, m'accordât de voir la gri
mace du fougueux prélat. Mais quelle
mauvaise idée il va prendre des catho
liques anglais ! Il est vrai que c'est fort,
et j'en gémirais sérieusement, si dans ce
moment, la gloire de Wallon permettait
de songer à autre chose.
L'abbé Corbini se permet de bien au
tres audaces. Tous les jours, deux fois, à
déjeuner et dîner, il fait sortir de sa cave
deux bouteilles des premiers, premiers
crus et parce que M. de Bonneval m'in
terdit le vin pur, il m'en fait boire avec
de l'eau. J'ai beau protester, il faut que
je boive. Quelle manière barbare de té
moigner son admiration!
Adieu, frère ; nous avons tout de même
des amis admirables et même ef
frayants.
Loui*. .
(1) Un article où le journal anglais par
lait des polémiques de Mgr Dupanloup avec
Louis Veuillot.
PARIS ÉTRANGER
: bt départements (union f.ostalbû
Un an 40 » 51 *
Six mois 21 » 26 50
Trois mois.„ 11 »■ 14 ».
lies abonnements partentdeal" et 10 de ohaqnja mol*
un numéro i ^® ris •; : 52 een% °
■ ( Dé parte ments..... 15 —
SUREAUX : Paria, me Cassette, 1?
Qq s'abonne à Rome, place du Qesù, 8
JE3T
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENN®
' ' ' ' ' ; _r . PARIS' ! V 'ÉTRANGER
25 départements • (union postale)
Dnan 20 » 26 »
Six mois..V... io » 13.
: . Trois mois:»..,, 5 à . '■ '..«'6©'.
Les abonnemëntà partent des î«' ét î8 fie ehaque smï ®
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui M sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C ie , 6 t place de la Bourse
PARIS, 7 AVRIL 1897
SOMMAIRE
Anniversaire.......
Affaires d'Orient.
Toujours neuf:..'.,.
ala Cfeamfera
Au Sénat...........
En Aîiemàgiië,
Les nouveaux mââ-
lâèr èé d'Arménie.
Nouvelles agricoles.
Eugène Veuillot,
F. L.
G. n'A.
G. Hk TàtoM.
i:. Mantenav.
L. i:
Un missionnaire.
A. de vllliéas de
L'Isle-Adam. .
louis Veuillot.
Feuilleton : Lettres
intimes..
Bulletin. — Informations politiques et par-
ièmentaii-es. — A l'Hôtel de Villej —
b^ffait-b Àrton. — Soudan. — Le jôixr-
'ââ.id'unévêque . — Chronique. — Lettres,
sciences et arts. — Les affaires de Crète
— Dépêches de l'étranger. — En pro-
. vinee;— Echos de partout. — Chrûniqtie
. fcëligiéusé. — Société des agriculteurs de
France. — La question ouvrière. — Né
crologie. —Guerre et. marine Tribu
naux.-^ Le naufrage de là Ville-de-Saint
Nazaire. —- Nouvelles diverses. — Calen-
drier. — Tableau et bulletin de la Bourse.
— Dernière heure. - - :
ANNIVERSAIRE
Eu avril 1883, quelques jours
après la mort de Louis Veuillot,
mon frère et mon maître, j'annonçai
dans l'Univers que j'allais' publier
feâ Correspondance et écrire sa vie
marquée par tant de luttes pour
l'Eglise et'que bientôt je publierais
ce qu'il avait laissé d inédit. Qua
torze ans se sont écoulés et je n'ai
encore tenu qu'une faible partie dé
ces promesses; Certes ! en les fai
sant je voulais et je croyais les rem'
plir. très vite. Elles exprimaient, si
feinbêfement les résolutions, les be
soins . de ' mon esprit et de mon
coeur! Ce travail devait m'-absorber.
Je me le disais alors et j'y trouvais
une sorte, de consolation ; je me le
dis encore aujourd'hui et c'est une
Souffrance. Je voudrais tant avoir
achevé des publications, dont la
mémoire de Louis Veuillot«peut se
passer, mais qui serviront la cause
a laquelle il fut si heureux de vouer
sa vie!
Dieu merci, mes regrets ne sont
.pas mêlés de remords. Ma volonté
n'a pas été- défaillante. Ni la re
cherche du repos, ni la poursuite
d'un but différent, ni des calculs
personnels n'ont agi sur moi, Si je
ne me suis pas tenu parole, c'est
que j© n'ai pu dominer la situa
tion.
La grande œuvre de Louis Veuil
lot a été Y Univers, « le cher. Uni
vers », comme il disait souvent.
C'est avec amour qu'il a écrit tous
ses livres, c'est avec passion qu'il
faisait son journal. Il était heureux
d'avoir donné à l'Eglise cette arme
de précision. Le jour où il m'appela
près de lui-,il mé dit :« Tu prends un
engagement définitif; notre vie est
là. » Et que de fois ensuite il m'a
répété ce mot qui valait un.~ ser
ment !
Ce serment, c'est pour le tenir
comme mon frère l'entendait que
depuis sa mort, laissant au tiroir
de précieux papiers, violentant mes
désirs; j'ai consacré à l'Univers
presque tout mon temps. Les évé
nements et aussi les circonstances,
çhoses moins graves mais, parfois;
également " impérieuses, m;y ont
forbrê;. Bë 1883 jusqu'à ce jour que
de combats importants ët a'liri cà-
ractère général il a fallu livrer ; que
de questions, graves. e,t compliquées
il à failli, étùdier, éclàirèrî h'Urti-
vèrs së devait à ces luttes. S'il ne
fiouvait y prendre part avec tout
'éclat : que lui , avait ;, longtemps
donné la plume de Loiiis veuillot»
il lui appartenait d'y apporter les
principes et le drapeau au maître.
Ce drapeau il me Pavait remis et
ma première obligation était d'être
toujours là pour l'arborer et ld dé
fendre. Aussi, tandis que tel cha
pitre de la vie de mon frère a été
écrit en quelques jours, tel autre,
fPlusieurs fois abandonné pour
e combat obligatoire du moment»
n'a été achevé qu'après cinq ou six
mois d'un travail ou la joie si pré
cieuse, si seçouràble d'être tout
entier à de que l'on écrit, man
quait.
Je devais cette explication aux
nombreux lecteurs, aux nombreux,
amis qui d'un ton où l'affection tem
péré le reproehe» me prient, me
pressent, me somment de faire pas
ser Louis Veuillot avant les choses
du jour. « Comprenez, me dit l'un
« d'eux, (jue si Dieu vous laisse à
« votre âge la force de trâvailler
« constamment, c'est afin que vous
uissiez écrire la vie de votre
« pu:
« frère et publier tout ce qu'il a
« laissé. Cette oeuvre que seul vous
« pouvez faire 'complète et bien,
« vous nous la devez, vous la devez
« à l'Eglise. Vous manquez à une
« grâce en l'ajournant, »
Que de fois ce même discours
m'a.été tenu, que de lettres où ces
mêmes reproches me sont.adressés!
Et qu'il m-'est donc. arrivé souvent
de me dire le cœur remué, d'inquié
tude : ils ont raison et dès demain
je ferai, une large part de mon
temps à la Correspondance, aux
manuscrits, à. la vie de Louis Veuil
lot. Ce demain toujours fuyant, j'ai
espéré à certaine date le saisir par
une organisation du journal qui
sans me mettre à la, retraite m'eût
déchargé d'une partie de la beso
gne quotidienne. Jen'y ai pas réussi,
mais j'y reviendrai. Lire moins de
manuscrits, reviser moins d'arti
cles, corriger moins d'épreuves,
avoir moins de visites, donner -
moins d'audiences, écrire moins de
lettres... Que d'heures conquises,
que de joie : hélas, jusqu'ici quel
rêve !
Je veux par un exemple prouver
à ceux qui me gourmandent et me
troublent qu'il n'est pas toujours
possible à un rédacteur en chef de
'Univers de régler ses travaux
selon ses désirs : Dans cette lon
gue, pénible et si importante cam
pagne, qui date du toast d'Alger
et dont les ëncycliques-deLéon XIII
ont marqué le terrain et le but,
l'Univers ne devait-il pas combattre
au premier rang? Et moi, chargé
du drapeau, moi le gardien de nos
traditions, ne devais-je pas être
toujours présent ? Le Pape donnait
des directions politiques et sociales,
VUnivers n'avait qu'à les suivre.' Et
certes, même si. elles avaient pu le
froisser il, n'eut pâs hésité dans
sa marche ; -mais il importait d'au
tant plus de s'y donner tout entier
et sans relâche qu'il y avait divi
sion jusque dans les rangs des ca-
tndiiqiife'8. àvant tout. Je. m'y donnai
comme l'eût fait Lcdiis Veuillot.
Agir autrement eût été trahir notre
vieux programme.
Én défendant lés prescriptions,
du - Saint-Siège, j'ai goûté la joie
. très grande, très fortifiante de dé<
fendre, le principe sur- lequel ce
journal a été fondé, et dont mon
frère avait fait sa loi. Obéir en tout
au Pape» ne se lier à aucun parti
politique, n'attacher les intérêts de
l'Eglise à aucune forme de gou
vernement, accepter le pouvoir ré
gulièrement établi en se réservant
toût haut d'en condamner au besoin
les doctrines et les actes : voilà ce
. que Louis Veuillot a toujours voulu,
toujours enseigné, -toujours prati
que. Quiconque le nie ignore son
œuvre ou ment.
Sans doute, on peut trouver dans
les écrits de mon frère des pages
qui détachées, commentées, souli
gnées avec artifice, donnent'une au
tre note; mais alors ce n'est pas lui
3u'on entend, c'est le commentateur
éloyal ou borné qui par calcul,
fausse sa docitrine; La politique de
Louis-Veuillot, je l'ai dit souvent et
en cet annivèrsaire je veux le re
dire, a toujours été celle ^u'on ap-
Pellé la politique de Léon XIII:'
rétendre qu'il l'eût abandonnée le
jour où le Souveraih Pontife a pres
crit de : la suivre, quelle effronterie
ou quel aveuglement ! Et cependant
cela menaçait de prendre.- Pour
montrer qu'en àcclamant les ency
cliques nous restions nous-mêmes,
il a fallu revenir maintes fois sur
ce sujet. La polémique impose ees
répétitions. Si-je ne m'y étais pas
résigné, la doctrine d© Louis Veuil
lot eût été faussée et VUnivers, au
lieu de" défendre avec quelque suc
cès les enseignements du Saint-
Siège, eût laissé le champ libre à
l'école que mon frère a toujours
combattue, l'école que représentent
encore ouvertement dans la presse
nos vieux adversaires, la Gazette de
France et le Moniteur : dè francs
réfractaires ceux-là comme ils ont
été de francs gallicans.
Si pour achever la Vie, me dira-t
on» et reprendre la publication des
Lettres, vous attendez l'accord entre
les catholiques, il est à croire que le
temps vous, manquera'. Tranquilli
sez-vous, amis lecteurs, je connais
trop nos gens pour faire un tel cal
cul, et j'.ai de meilleures chances
d'atteindre mon but.
D'abord, bien que la bataille, sur
lés instructions* pontificales ne soit
pas encore finie, elle est gagnée. Le
clergé séculier et le clergé régulier,
pris en masse, acceptent la répu
blique dans les conditions où le cnef
de L'Eglise en demande l'accepta
tion. Que tous le fassent sans nul
effort, non; mais presque tous re
connaissent l'opportunité de cette
politique, et désirent son succès. Le
souci aès intérêts religieux,' l'esprit
d'obéissance, le savoir et le bon sens
dominent, l'esprit réfractaire même
chez ceux qui avaient quelques rai
sons de s'y abandonner, et bientôt
la cure sera achevée.
Outre part, le parti catholique
proprement dit, celui a que Louis
VeuiUot, àrrïiéde VUnivers, a tant
: contribué à former, le parti des mi
litants et -des hommes d'oëuvre,
comprend de' mieux en mieux qu'il
faut chercher la paix religieuse sur
le terrain marqué par le Pape. C'est
là seulement» — ces chrétiens agis
sants le voient, — qu'on peut faire
l'union et trouver la force. Aussi de
ce côté gagnons-nous chaque jour des
rècrues. Là belle lettre que Sa Sain
teté Léon XIII vient dadrêsser à
l'eminent archevêque de Tojilouse
va fortifier et accélérer ce mouve
ment. A moins d'être aveuglé et as
servi par la passion politique, par
l'étroitesse du parti pris, peut-on ai
mer l'Eglise et demeurer sourd à de
telles, paroles ? Ce nouvel appel fera
de nouvelles conquêtes. Je le répète,
cette grosse partie est gagnée et il
n'est , pas nécessaire que tout le
monde reste soùs les armes pour
avoir définitivement raison des der
niers récalcitrants de bonne foi. En
ce qui me touche, je pourrai m'oc-
cuper moins des refractaires et da
vantage de Louis Veuillot.
Çe n'est pas sur cette seule amé
lioration que je compte pour ré
pondre aux vœux de nos amis,
disons mieux : aux voeux de tous les
vrais catholiques et des lettrés. Qui
donc, en effet, dans le monde'chré
tien et dans le monde des lettres
ne rend pas maintenant hom
mage à Louis Veuillot? Les uni
versitaires eux-mêmes, qu'il a tant
combattus et qui l'ont tant vilipendé,
s'inclinent avec respect devant
l'homme et se font honneur d'ad
mirer l'écrivain. Ce revirement
commencé le lendemain de sa mort
s'affirme de plus en plus. Il donne
la noie qui restera.
" ■ * e temps.qa
ressent de publier toute
En même temps.que ces homma-
Pi ,
l'œuvre de mon frère, l'organisa-
ges me
tion et la situation de VUnivers de
venues plus'fortes m'en donnent la
facilité. Mes jeunes collaborateurs
d'il y a quelques années, qui. dès
lors tenaient bien leur place, sont
aujourd'hui rompus à la besogne.
Ils savent les affaires, ils suivent
d'un pas ferme et joyeux la voie
éclairée par le Pape ; ils ont le mé
tier, et grâce à Dieu plus que le
métier. D 'autres concours ont com
plété notre œuvre; nous marchons
en plein accord, ùn Eon vent souffle
dans,nos voiles et tout en restant au
poste .l'œil ,ouvert et la plume en
main» je puis me décharger eh toute
sûreté de diverses besognes. Je le
ferai, non pour prendre du repos,
mais pour ajouter, des chapitres à
l'histoire de Louis Veuillot et de
VUnivers.
: Eugène Veuillot.'
'BULLETIN
Hier, la. Chambre s'est occupée du cu
mul des pensions militaires et des trai
tements civils; après quoi, M. Mougeot a
interpellé le ministre de la justice sur
quelques abus de l'instruction secrète.
L'ordre du jour pur et simple, accepté
par le gouvernement, a été voté.
Le Sénat a continué hier la discussion
du projet relatif à. la fraude dans la
vérité des beurres.
On àvoté^ en outre, un crédit de 100,000
■francs pour le service des pensions ci
viles et l'on a adopté, à l'unanimité, le
créait de 257,000 francs pour les me
sures à. prendre contre lapeste.
' M. Jules Guesde étant malade, la ques
tion qu'il devait poser au ministre de
l'intérieur au sujet de l'arrêté annulant
les élections .municipales de Roubaix,
est renvoyée à une date ultérieure,
La commission élue hier par les bu
reaux de la Chambre pour examiner le
projet du gouvernement, relatif à l'ad
ministration de l'Algérie, est en majorité
favorable à ce proje t.
Dans l'affaire Arton, aucune nouvelle
importante.
Hier, les Grecs à Athènes et à l'étran
ger ont célébré leur fête nationale : à-
cette occasion; ils ont manifesté leur ep.~
thousiasme pour la guerre avec la Tur
quie.
On redoute toujours un conflit sur les
frontières tureo-helléniques.
La Chambre italienne a élu son bu
reau. On trouvera à l'Etranger des
détails sur les scrutins.
Le gouvernement français sera repré
senté par une mission spéciale aux fêtes
du jubilé de la reine d'Angleterre, le
20. juin prochain. Il n'est nullement
question, contrairement à ce qui a été
dit par certains journaux, d'un voyage
du président de la République k Londres
à. cette occasion. Aucun chef d'Etat ne
s'y rendra d'ailleurs. Les souverains qui
sont alliés à la reine enverront pour les
représenter un prince de leur famille.
Les autres enverront des missions extra
ordinaires ; c'est ce que fera- le gouver
nement de la République.
LES AFFAIRES D'ORIENT
II faut décidément que l'opinion
publique en prenne son parti et
se fasse à l'idée de voir traîner en
longueur tout l'imbroglio oriental.
En effet, rien n'aboutit : ni l'au
tonomie de la Crète, ni le blocus
dont la Grèce a été si souvent me
nacée, ni cette question des réfor
mes ottomanes, là plus grosse de
toutes. ■
Pendant ce temps, les Grecs et
les Turcs sont nez à nez sur la
frontière de Thessalie. et en Epire,
et fort heureusement, se montrent,
jusqu'à présent, disposés, les uns
comme les autres, à tenir compte
des objurgations pacifiantes de
l'Europe.
Toutefois, on ne doit pas se
dissimuler que cette politique hé
sitante, inactive ou inefficace,
laisse la porte ouverte à quelque
Imprévu fâcheux. On remarque
déjà que l'Allemagne, bien que
représentée par un croiseur dans
les 'eaux de la Crète, n'a pas
envoyé le contingent detroupes que
toutes les puissances s'étaient en
gagées à fournir pour l'occupation et
la pacification de la Crète. '
On cherche la raison de cette
abstention, et on ne la trouve pas,
car ce n'est certes point afin de mé
nager les Grecs. Hier, jour anniver
saire de la proclamation de l'indé
pendance de la Grèce, des manifes
tations joyeuses ont eu lieu à Athè
nes auxquelles les légations d'An
gleterre, de France, de Russie, se
sont associées suivant l'usage en
arborant des drapeaux : seules, les
légations d'Allemagne, d'Autriche-
Hongrie et de Turquie se sont abs
tenues. N'y a-t-il pas dans ce petit
fait un indice à noter, qui à coup sûr
n'est pas le signe d'une étroite et
parfaite entente ?
On raconte que l'on a entendu
dire à M. Ilariotaux, à propos des
affaires de Crète, qui se traînent si
lentement: « Oh ! nous en avons bien
pour jusqu'en novembre ! »
r Puissions-nous d'ici là n'avoir pas
à compter avec lés complications
que tout le monde redoute et aux
quelles on laisse si libre carrière.
: p. L. -■
TOUJOURS DU NEUF
On apprend toujours du neuf avec M;
Lermina.
Lui seul ouvre l'œil en ce moment et
voit ce qui se passe.
La vérité, c'est que vous n'avez pas la
moindre idée, s'écrie dans le Radical le
collaborateur de M. Henry Maret, de . ce qui
se passe en ce moment dans notre' pays,
c'est que du haut en bas!de l'échelle la pro
pagande cléricale prend des proportions
Inouïes, que l'audace de ees gens n'a d'é
gale que notre indifférence, et qu'il est
grand temps d'ouvrir les yeux.
Tenez, un petit fait entre mille. Leg
Jésuites — déjà propriétaires du Bon
Marché, comme nul ne l'ignore — vien
nent d'acheter le Petit Journal. Nous
citons:
* Qui de vous a remarqué qu'un des jour
naux les plus répandus, accusant un tirage
d'un million d'exemplaires, est passé tout
entier, armes et bagages, dans le camp des
jésuites., et ici la volte-face a été avouée
nettement. Ce fameux roman, dont j'ai déjà
parlé, et qui a gagné une prime de trente
mille francs au Petit Journal, était l'œu
vre d'un écrivain de sacristie, dont le nom
se retrouve dans toutes. les feuilles reli
gieuses. Et ce roman n'était qu'un long
réquisitoire contre la libre-pensçe et une
exaltation du cléricalisme. Aujourd'hui, le
journal tout entier n'est plus qu'un supplé
ment à la Semaine religieuse.
M. Lermina a raison de dire que nul ne
l 'avait « rémarqué ».
Bien d'autres symptômes dénoncent
d'ailleurs le péril. :
... Les cléricaux travaillent avec une ac
tivité fiévreuse...
... Ce sont les patronages qui attirent Ips
jeunes gens, qui -trouvent sous le crucifix
des boîtes de cigares et des billes de bil
lard. ,
!!!
Aussi, ne dormons pas, If. Lermina
nous en conjure dans un-alinéa littéraire
ment fignolé:
Nous savons trop où déjà nous a conduits
cette indifférence et quelle peine nous
avons eue à empêcher, en 4876, le parti clé
rical de mettre sur la France sa griffe qui
si bien s'étendait.
La vilaine griffe ! comme on croit' la
voir « si bien s'étendre ».
Bref les cléricaux sont des « pleutres »,
de la « vermine, » des « acarus noirs ,»
et, pour finir, des « Tartufes ».
Oh! ce Lermina, comme il sait genti
ment tout dire ! Mais, au milieu de tout
cela, le Radical néglige totalement son
ex-rédacteur en chef M. Maret.
■ ■■ : G. D'A.
A LA CHAMBRE
Les pensions militaires. — L'interpel
lation de M. Mougeot.
On se souvient peut-être que la
Chambre avait détaché du budget la
question, soulevée par M. Jôurde,
au cumul des pensions militaires
et des traitements civils.
L'auteur d'un amendement trans-
FEUILLETON DE L'UNIVERS
DU. 8 AVRIL 1897
LETTRES INTIMES
Selon ma coutume je veux donner au
jourd'hui quelques pages inédites de
Louis Veuillot. Je les prends dans les
parties de. sa correspondance que j'ai en
core à publier. Elles sont de dates diffé
rentes et portent sur différents sujets.
S M- Eugène Boré {1). . •
, Paris, 10 décembre 1852.
Mon cher ami,
Vous avez appris mon malheur et je
ne doute pas que voiis n'ayez tout de
suite donné a la chère fèmme que j'ai
perdue le secours dé vos prières^ Cepen
dant, je viens tout spécialement vous de
mander de prier encore. Elle était pieuse,
ïipiîne, humble, elle aimait les pauvres ;
ielle a vécu, saintement, elle est morte
Baintement ; mais Dieu nous veut par
faits. Offrez quelques-unes de vos bonaet
oeuvres, mon très cher Boré,' pour sup
pléer à l'insuffisance des siennes èt à
l 'absence des miennes, hélas!. Je/vous le
demande au nom de notre amitié, au
nom de ma foi pleine 4e douleur ; je vous
ça conjure par le cœur de' Jésus-Ohri^.
Votre bien dévow| ,et bie|i reçènnaig-
sant. . '
Louis Veuillot.
Elle m'a laissé cinq pauvres petites
filles dont la plus âgée n'a pas sept ^ns. î
(1) M. Eugène Boré, mort supérieur géné- ^
sral,des Lazaristes et des Sœurs de charité,
était alors missionnaire à Constantinople. !
ÏI
A M. Léon Aubineau ^
• . Au Trépôrt, 20 août 1867:.
| Vous voilà chez vous, et moi bientôt,
j je serai chez moi; cela fait une iîère dif-
; férence dans nos bonheurs. Je serai seul
j chez moi; Heureusement que je revien-
| drai avec Du Lac, mais, hélas ! pour voir
j partir Eugène. Il me tarde que le temps
! des plaisirs soit fini et que nous nous.re-
trouvious tous au temps et au poste des
combats. Comme je vaiis me trouver seul,
comme VUnivers va être vide, comme je
serai quinaut! C'est peu de chose qu'un
général sans soldats j et quand le* soldats
sont tels que vous, la misère du chef li
vré à lui-même apparaît dans tout son
lustre. ■ , ,
Ne me laissez pas longtemps dans cette
situation ridicule. Songez que vous êtes
gros actionnaire, songez que M. Duruy
va respirer. Je m'adresse au grand cœur
de Mme Aubineau qui est aussi romaine
de Corneille que romaine de Saint-'
Pierre, je m'adresse à la compassion de
Mme Guilliaud qui ne m'a jamais man
qué. Vous m'êtes plus nécessaire qu'au-!
ciiri saucisson, et même, je' vous aime
davantage (2)'. " • .
Véritablement, frère Léon, vous avez
bien donne, et si cela continue, comme je
n'en doute pas, je vous appellerai frère
Lio'n. Quels beâiix grands articles, quels
jolis badinagès ! Vous ; avez bien. rugi,
bien dépecé, bien griffé. «Quand le lion
se souvient qu'il est chat aussi, c'est
alors qu'il mérite d'être appelé le ^roi des
animaux. • <
Allons faites vos vignes, allez à Beuf,
divertissez vos enfants, soyez mouton et
herbivore, comme vous venez d'être car-
(2) Aubineau devait rapporter de Lyon
un saucisson, à sein rédacteur, en chef, ap
préciateur de çe produit lyonnais.
nassier, mais dëpéchez-vous, et souve-
i nez-vous que la patrie ne prolongera pas
d'un seul jour vos loisirs. Donnant"
l'exemple, j'abrège Tes miens. Je laisse
mes femmes danB la mer et je retourne à
l'encrier. Hélas! je ne l'ai guère quitté.
J'ai lu trois volumes, j'ai préparé dix
/articles, j'ai écrit cinquante lettres. Je
cherche à me ratfrapér par la quantité,
j Faites bien mes compliments chez vous.
C'est un bel endroit. Je ne vous dirai
Jamais combien je l'aime et tout çe qu'il
1 contient.
Votre compère,
: ■- . LCcis.
î III
A M. Pierre Veuillot.-
j 1 er juillet 1877;
j • Mon cher enfant,
! Ton père m'avait conté sa visite. Il était
j content^ Un père est toujours . content
I lorsqu'il rend compte de son fils. Parce
i qu'il aime; il excuse, parce qu'il excuse,
il egpère. tîn oncle ne diffère, pas beau
coup d'un père. Mais sa clairvoyance fra
ternelle voit ce qu'on ne lui montre pas.
J'avais démêlé que le grec taquinait la
tèndresse du papa; non le grec lui-même.
Aussi bien que, toi et mpi, ton père
(soucie, peu du gifec, mais' de tà pres
que volonté, de ne pas étudier cet en
nuyeux superflu Je . voulais t'en écrire
éntre nous. Tu, m'as deviné et tu me ré
ponds sans que je t'aie,rien dit. J'applau
dis à ta pénétration qui me fait voir ton
affection et j'aime ta réponse qui me fait
voir ton obéissance. On peut se moquer
du grec sans inconvénient grave, mais il
faut le traiter avéc considération comme
•bjet d'obéissance. Tu n'as pas l'âge de
dédaigner ce que l'on veut que tii étudies.
La première qualité, le véritable génie
d'un étudiant, c'est d'obéir. Nous som
mes to^é? d'accord à notre dernière:
entrevue que c'était une sottise de sefaire
punir. On lé fait pour se prouver son in
dépendance. Il est bien plus beau de se
prouver qu'«n est indépendant de soi-
même, et de se montrer li})re envers un
imbécile perchant de l'orgueil. Si le grec'
peut t'aider à conquérir cette incompara
ble et indispensable liberté, il te rendra
un immense service. Toute la nature
mauvaise te conseillera la désobéis-
: sauce. La désobéissance est une folle qui
' te vaudra de mauvaises notes et le regret-
} d'avoir affligé ton père. Désobéis à cette
i impudente ; tu te prouveras bien mieux
i la force de ta volonté, la liberté de ton
I âme, et tu feras plaisir à Dieu et à ton
j père, et à tout le monde et même à toi.
Tu seras ùn soldat qui a vaincu son prin-
I cipal ennemi. Vaincre n'est qu'une habi-
! tude à prendre et c'est une habitude à
i prendre aussi de n'être pas vainou par ce
i sot ennemi là qui se ferait lin plaisir de
t'attirer des pensums toute ta vie, dans
l'espoir de t'en valoir un étemel.
Je pense que tu comprends très bien
cela.
Noblesse oblige. Tu as un nom noble.
Fais gaillardement ce que t'impose ton
nom. Il faut qu'un Veuillot passe partout
la tête. haute v en.^hrét;eq guerre. On
y pa,pvient ]pàr 4'obéissânce. Ton père et
moi, nous avons voulu d'abord être des
hommes obéissants. Obéissants à Dieu,
bien entendu. Il n'y a que cette obéis
sance qui préserve des abominables ser
vilités auxquelles l'espèce humaine a été
condamnée* par suite de la désobéissance
à Dieu. Tu sais que le grand mot du dia
ble a été : Je n'obéirai pas, non servi&m.
Et depuis ce temps-là, le diable a été. lé
sot éternel.
Adieu cher enfant, j'espère fortement
que tu ne seras pas un sot, mais un
homme qui voudra servir Dieu et qui le
servira. C'est ce que yais demander à la
messe que j'entendrai tout à l'îieilré cnez
ta cousine Marie-Luce, laquelle a tout
quitté pour être servante de Dieu. Oh !
là chère et sainte enfantj qu'elle a bien
fait et que je la bénis !
, Je t'embrasse.
Louis Veuillot.
Je m'aperçois que mon écriture est
bien mauvaise, et je crains que tu ne
puisses lire ma lettre. Ma main n'est pas
obéissante. Je t'envoie tout de même cette
lettre indéchiffrable. Garde-la, nous es
saierons de la lire ensemble. Et étudie
tout de même le grec pour passer fière
ment ton examen sans qu'on te fasse
grâce. Demande et obtiens la grâce de
Dieu. Si tu la demandes comme il faut,
tu l'auras et elle te suffira. Du reste* le
grec est une des trois langues de la Croix,
à ce titre il est digne de respect, et bon
et utile à connaître, quand ce ne serait
que pour cela. L'homme qui connaît les
trois langues de la Croix est savant et
peut se passer de toutes les langues mo-,
dernes. Que : tu saches bien ton caté
chisme et les trois langues, tu auras de
quoi t'instruire et instruire les autres et
la vraie science illuminera ton âme.
•• ■' • IV
Pauillac, 10 février. ,
Oh ! mon frère, quel soleil et quel froid
il fait en Mëdoc! Tu ne peux imaginer ce
qui se passe à Pauillac. C'est le ciel d'I
talie et lé vent- de Sibérie. Le feu d'en
haut tombe sur la glace et ne la fond
pas. Je suis devenu subitement moins
alerte qu'au bois de Boulogne et . ma
bonne main est raide comme mon pied.
Ce matin, à l'église je me suis cru changé
en statue de neige. Entre une immense
fenêtre en _ plein soleil et une immense
cheminée en plein feu, je nie sens plus
froid que Garné.. Ne feffraie pas cepen
dant, je suis frappé,mais comme une bou
teille de vin de Champagne, Il y a du feu
en moi.Rien n'est plus charmant que mon
; hôte, l'abbé Corbini. Science, aménité,
modestie, zèle, tput est dans ce Veuillo-
tiste parfait. Il sait l'Univers par cœur
et il en cite des morceaux très longs, qui
souvent ne sont pas trop mal. Il a de
plus un petit vicaire Dupanloupiste qu'il
traite avec une bonté charmante et qui
lui fournit l'occasion 1 de multiplier les
citations.
Le courrier arrive et m'apporte ta
lettre. Tu vois que le froid -est général ;
il règne aussi à Arcachon, mais il est
terrible ici. Pour la neige," nous ne la
craignons pas. Le ciel est d'indigo. Quant
à te faire un a rticulet, je ne suis guère à
moi dans cette bonne cure, d'ailleurs
vaste et magnifique. J'essaierai pourtant.
Tout m'y pousse. Pour l'article du Stan
dard (1), j'en rirais bien si j'étais mort et
l'aigle d'Orléans vivant, et que le bon
Dieu, pour tempérer un peu les peines
du purgatoire, m'accordât de voir la gri
mace du fougueux prélat. Mais quelle
mauvaise idée il va prendre des catho
liques anglais ! Il est vrai que c'est fort,
et j'en gémirais sérieusement, si dans ce
moment, la gloire de Wallon permettait
de songer à autre chose.
L'abbé Corbini se permet de bien au
tres audaces. Tous les jours, deux fois, à
déjeuner et dîner, il fait sortir de sa cave
deux bouteilles des premiers, premiers
crus et parce que M. de Bonneval m'in
terdit le vin pur, il m'en fait boire avec
de l'eau. J'ai beau protester, il faut que
je boive. Quelle manière barbare de té
moigner son admiration!
Adieu, frère ; nous avons tout de même
des amis admirables et même ef
frayants.
Loui*. .
(1) Un article où le journal anglais par
lait des polémiques de Mgr Dupanloup avec
Louis Veuillot.
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