Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-04-05
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 avril 1897 05 avril 1897
Description : 1897/04/05 (Numéro 10670). 1897/04/05 (Numéro 10670).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 5 Avril 1897
SDITÏOM QUOTIDIEN MIS
Edition quotidienne. — 10,670
undi 5 Àvril 1897
PARIS
et départements
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MM. LA G RANGE, CERF et O, 6, ^'iace .'u la Bourss,
PARIS, 4 AVRIL 1897
SOMMAIRE
L'interpellation Fa-
bre P ierre V euillot.
Çà et là : Les deux
couronnes A. de S égur.
A la Chambre G. de T riors.
Lettres des Boma-
gnes ......... R. S.
L'œuvre des cercles. E douard A lexandre
A travers les re
vues...
Bulletin. — La question de M. Peytral. —
Les Sœurs missionnaires. — L'affaire
Arton. — A Roubaix. — Les fabriques. —
Chronique. — A l'Institut catholique. —
Dépêches de l'étranger. — Le prince
Ileiirl et M. Bonvàlot.-— Le Sénat : In
terpellation Joseph Fabre. — Chronique
religieuse. — Un appel à la charité. —
En province. — Echos de partout. —;
Guerre et marine. — M. Blanchon. — Né
crologie. — Tribunaux.— Nouvelles di
verses. — Calendrier. — Revue de la
Bourse.
L'INTERPELLATION FABRE
ii
Les sénateurs ne se pressaient
fioint, hier, de venir s'asseoir dans
eurs fauteuils. La raison de ce peu
de hâte est fort simple. Ils savaient
que la parole était à M. Maxime lie-
comte, pour continuer son discours
entamé la veille. Si l'on a inventé
les couloirs, c'est surtout en vue de
pareilles occasions.
Cependant, le. sénateur du Nord
n'a pas repris sur-le-champ posses
sion de la tribune. M. Fabre ne se
tenait plus d'impatience. Il voulait
expliquer' à ses collègues pourquoi
Mgr de Verdun lui avait écrit. C'est
parce qu'ils aiment tous deux beau
coup Jeanne d'Arc et sont tous
deux originaires du même départe
ment. Soit. Il n'en reste pas moins
établi que le farouche ennemi du
cléricalisme s'est recommandé,pour
se faire élire, d'une lettre d'évêque.
D'ailleurs, M. de Lamarzelle de
vait le rappeler : bien d'autres, sé
nateurs ou députés du même bord
que M. Fabre, ont agi comme ce
lui-ci. Aux élections de 1893, no
tamment, ils se proclamaient par
douzaines les candidats du Pape.
Ils feignaient d'oublier que si
Léon XIII nous a dit d'accepter la
Constitution, il nous a fait un de
voir aussi de combattre la législa
tion.
Nous pouvons tout de suite pas
ser à M. de Lamarzelle. Inutile, en
effet, de s'arrêter aux propos de M.
Lecomte. En présence d'un dis
cours, on doit faire attention sans
doute à ce qu'il contient, mais aussi
à l'autorité de celui qui l'a pro
noncé. La seconde considération
nous permet de négliger le réquisi
toire incohérent du sénateur radi
cal. Ii a uni, à l'exemple de M. Fabrè
et d'une manière; qui dénote encore
plus d'inconscience, les professions
de foi libérales aux demandes fréné
tiques de répression. Le concordat
remplacé par une solide loi de po
lice des cultes, voilà qui serait bien
son affaire. On materait enfin les
cléricaux.
M. de Lamarzelle é$t curieux. H
aimerait fort à savoir décidément
ce que nos adversaires entendent
lorsqu'ils parlent de cléricalisme
On lui a donné aussitôt quelques
définitions, d'après lesquelles se
rait clérical celui qui veut mettre la-
religion au service des intérêts
politiques. Et certains étaient sin
cères, parmi ceux qui précisaient
de la sorte la signification d.u mot.;
Mais tous, non pas. C'est pourquoi
l'éloquent sénateur " du Morbihan
conserve une juste méfiance. Il re-r
passe l'histoire de ces vingt der
nières années. Il voit que le parti
au pouvoir a toujours confondu,
en pratique, le cléricalisme et le
catholicisme.-— Faites enfin, dit M.
de Lamarzelle, la distinction au
trement qu'en paroles, et nous ces
serons d'affirmer que l'on en
veut,- sous couvert de combattre
les seuls cléricaux, à la religion
elle-même... C'est bien poser la
question.
Mais la partie capitale, à notrè
avis, de ce discours,.'est celle où
l'orateur a montré la filiation qui
rattache nos gouvernants, soit op
portunistes, soit. radicaux, à Louis
XIV. Les ministres républicains
sont dans la pure tradition gallif-
cane e1 régalienne. Lorsque le Roi-
Soleil désistait au Pape, et s'avan
çait, — M. de Lamarzelle aurait pu
le rappeler, — jusqu'au bord au
schisme, tenait-il une conduite en
opposition .avec le sentiment qui
lui dictât la révocation de l'édit de
Nantes f Sans aucun doute, le ré
trait del'Edit ne constituait pas un
acte d'axticléricalisme ; il faut être
M. Faire pour soutenir de ces
énormitîs. Mais la résistance à
Rome e - la révocation découlaient
cependant du même principe.
Louis. XIV voulait établir en
i France l'unité morale, à son, pro*
! fit. Une seule religion, sous la dé
pendance du roi, tel était son but.
Il entendait régner sur les âmes.
Est-ce que nos gouvernants ne
travaillent point aussi à gouverner
les intelligences; ne tâchent-ils
point de façonner une France à
leur image ? Voilà pour quelle rai
son, eux non plus, ils n'admettent
; pas une Eglise indépendante qui
leur puisse résister.
M. Bernard Lavergne a trouvé
qu'on s'écartait du débat. On ne s'en
écartait nullement, on l'élargissait.
Il a voulu le ramener à de moindrès
proportions; il y a réussi. Quand il
est descendu de la tribune, on a pro
noncé la clôture
Trois ordres du jour étaient en
présence. Nous ne dirons rien de
celui que présentait, au nom de là
fauche démocratique, M. Bernard
u Doubs, puisque son auteur s'est
rallié au texte de M. Fabre, texte
ainsi conçu :
« Le Sénat, confirmant les ordres
du jour antérieurs et prenant acte
des déclarations du gouvernement,
l'invite à n'admettre aucune ingé
rence étrangère dans la politique
intérieure de la France et à appli
quer avec vigilance et fermeté
toutes les "lois qui protègent la so
ciété civile contre les empiétements
des autorités ecclésiastiques. »
A cette rédaction, MM. FranGk-
Chaûveau, Demôle et Faye oppo
saient la suivante :
« Le Sénat, persistant dans ses
votes antérieurs, réprouve une fois
de plus toute ingérence du clergé
dans le domaine de la politique et
approuvant les déclarations du
gouvernement, et confiant dans sa
fermeté pour défendre les droits de
la société civile, passe à l'ordre du
jour.»
Le président a donné lecture de
ces deux textes. C'est alors, après
quelques mots de M. Bernard du
Doubs, que M. Méline est monte a
la tribune. Il a demandé au Sénat de
voter l'ordre du jour présente par
MM.Demôle, Faye et Franck-Chau-
veau, cette rédaction contenant un
témoignage de confiance à l'adresse:
du gouvernement, et ne contenant
point d'allusion à un souverain
étranger que le président du con
seil déclarait ne pas devoir être mis
en cause. On trouvera plus loin,
d'après le Journal officiel, .les décla
rations vigoureuses de M. Méline.
Le chef du ministère a proclamé son
profond respect de la religion, sa
volonté d'obéir au pays qui de-;
mande l'apaisement. Mais, dans
l'intérêt de cette pacification elle-
même, il n'admet point et n'ad
mettra pas que le prêtre, libre,
a-t-il dit, comme citoyen, comme
électeur, intervienne, comme prê
tre, en nos, conflits politiques.
M. Méline a parlé avec un ac
cent d'autorité remarquable. Il à
parlé aussi avec un accent de sin
cérité. Le malhçur, c'est que le ca
binet, dans la pratique, a souvent
l'air de vouloir surtout apaiser les
radicaux. Le malheur, c'est qu'il
voit fréquemment 1,'intervention du
prêtre ou le eitoyen, seul, a usé de
son droit, et qu'il étend le domaine
de la politique défendue au clergé
jusqu'à ces questions de consT.
cience, de religion, dans lesquelles
le prêtre, comme prêtre, doit faire
entendre ses avertissements, ses
verdicts. Entre un ministère radical
et celui-ci apparaît cette différence^
que le cabinet actuel n'a pas l'air
joyeux quand il frappe; le cœur n'y
est pas ; c'est quelque chose. Mais
il frappe tout de meme.
Avant le vote,M. Milliard est venu
apporter une déclaration et M,
Peytral est venu poser une ques
tion. M. Milliard, en termes cha
leureux, a félicité M. Méline et ses
collègues de leur politique; il a
exprimé le vœu que le ministère
vécût assez pour présider aux élec
tions générales. M. Peytral a de
mandé si Mgr l'archevêque dè
Lyon allait réellement recevoir la
pourpre cardinalice.. La réponse
affirmative de M. Darlan a plongé
le sénateur des Bouches-du-Rhône
dans une stupeur indignée. Il a
déclaré qu'il vengerait les lois
républicaines de cet affront en vo
tant l'ordre du jour de M. Fabre.
Cet ordre du jour, malgré un aussi
précieux appoint, a été repoussé
par 192 voix contre 72. Et la ré
daction de MM. Faye, Demôle et
Franck-Chauveau a été adoptée :
la première partie par 235 voix
contre 25, la seconde (témoignage
de confiance) par 174 voix contre
39, l'ensemble à la majorité de 167
voix sur 198.
C'est ainsi qu'a pris fin la grande
interpellation de M. Joseph Fabre,
qui veut, on le saura désormais,
être seul en France à pouvoir bé
néficier impunément de l'appui du
clergé.
Pierre V euillot.
'BULLETIN
Hier, au Sénat, suite et fin de l'inter
pellation de M. Joseph Fa.bre sur les
•a menées cléricales ». Nous apprécions
i plus haut la discussion qui a eu lieu au
Luxembourg, ainsi que le vote qui en a
été la conclusion. Nos lecteurs trouve
ront plus loin des extraits des princi
paux discours.
A la Chambre, séance uniquement
consacrée à des interpellations, deux
sur les affaires d'Orient et la dernière
sur la question de Madagascar.
Dans l'affaire Arton, aucun fait nou
veau. La polémique au sujet de M. Bur-
deau continue entre /'Autorité et les
exécuteurs testamentaires de d'ancien
président de la Chambre. Nous donnons
plus loin les principales pièces du dé
bat.
Le gouvernement ottoman a envoyé
une nouvelle note aux représentants de
la Turquie à l'étranger.
Cette circulaire, paraît-il, fait un ta
bleau de la situation actuelle ; elle relève
l'attitude des treupes. helléniques à la
frontière de Thessalie et exprime la
crainte d'un conflit. La Porte prie les
puissances de hâter la solution; autre'
ment celles-ci devront lui laisser sa
liberté d'action.
Quelques puissances ont déjà, répondu
qu'elles se concertaient pour les mesures
nécessaires.
. Le ministre des affaires étrangères
de Turquie a annoncé à l'ambassadeur
de France à. Constantinople que la com
mission extraordinaire d'enquête sur les
récents massacres de Tokat, après s'être
constituée, avait fait arrêter immédia
tement cent quarante rriusulmans et
quatre Arméniens.
En Crète, un grave conflit a manqué
de se produire : deux milliers de bachi-
bouzouks s'opposaient au départ des
chrétiens d'Ahrotiri. Les troupes euro
péennes étaient sur le point d'intervenir,
mais les irréguliers turcs ont fait leur
soumission. -
Çîà et là
LES DEUX COURONNES
Il est midi. Le soleil, traversant les
vitraux de l'église, noie dans ses ondes
lumineuses le rayonnement des cierges
sur l'autel. L'orgue chante joyeusement
l'entrée du cortège nuptial que précède le
suisse, bariolé de blanc s de rouge et d'or,
comme aux grands mariages.
La noce est modeste cependant, ainsi
qu'il convient à des mariés d'une condi
tion moyenne. Mais elle brille par le
nombre et l'entrain des amis, des vrais
amis qui l'accompagnent, par l'aimable
fusion de ce j qui composait autrefois les
Etats généraux de.la.nation : clergé, no
blesse, tiers-état. La robe noire des fils
du bienheureux de La Salle rappelle que
le fiancé a été instruit, élevé par eux, et
leur satisfaction paternelle montre qu'il
est resté un de leurs enfants de prédilec
tion.
A sa démarche alerte et martiale, on
devine qu'il revient du service militaire,
où il a gagné en effet les brillants ga
lons d'argent de sous-officier de chas
seurs. Quoique le chant du clairon man^
que à son bonheur, son front rayonne, et
dans les regards qu'il jette sur sa fian
cée, os lit que cette fête radieuse est l'ar
vant-dernier mot d'un chaste poème, la
consécration d'un amour virginal.
La parole du prêtre qui leur adresse
ses vœux avant de bénir leur union est
celle d'un ami, d'un témoin de leur vie,
d'un confident de leurs âmes : il salue en
eux deux jeunes chrétiens faits l'un pour
l'autre, prêts à tous les devoirs du ma
riage, à ses joies prochaines, comme à
ses lointaines épreuves. Époux, parents,
amis, ministres de Dieu présents à la cé
rémonie, tous respirent la meme con
fiance dans un avenir qui repose sur un
passé sans mystère et sans reproche. Ep
vérité, cette noce est une noce chrétien
ne, et la bénédiction qui la termine est
le couronnement d'une jeunesse déjà
pleine de mérites devant Dieu et devant
les hommes.
La vertu, la piété, récompensées ici-
bas, «îans ce lieu de passagé et dé con
tradiction où elles sont si souvent éprou
vées, quel doux et rare spectacle, et
comme l'air qui l'enveloppe est pur et
réconfortant à respirer !
Enfants de miséricorde, époux privilé
giés, dressez votre tente sur le Thabor
où la bonté divine vous a fait monter, et
plus heureux que l'apôtre saint Pierre,
puissiez-vous y couler de longs jours,
dans le voisinage du Sauveur Jésus,
avant de redescendre dans les ombres et
les vulgarités de la plaine !
Non loin du Thabor, face lumineuse
de Jésus vainqueur, s'élève le Calvaire,
face douloureuse de Jésus pénitent et
victime. Thabor et Calvaire sont proches
l'un de l'autre et parfois se touchent jus
qu'à se pénétrer.
Passons de l'un à l'autre, et au même
jour, à la même heure, dans la même
ville de Paris, voyons le mystère qui
s'accomplit, à deux pas des l'êtes que
nous venons de raconter.
ï *'église, éclairée du dehors par le
même soleil, en dedans par dés cierges
pareils aux cierges nuptiaux, attend,
muette et attristée, l'arrivée du convoi
funèbre. Devançant les douze coups de
l'horloge, un humble corbillard franchit
le seuil du temple, sans bruit, sans gé
missements d'orgue, sans l'hypocrisie
de ces larmes d'argent figées sur les ten
tures de deuil comme pour suppléer aux
larmes absentes des funérailles offi
cielles.
Et pourtant, quelque chose de solen
nel, de profond, plane au-dessus de ce
pauvre cercueil recouvert d'un drap
blanc, d'où s'exhale un parfum de grâce
et de pureté. Sous cette simplicité, on
sent je ne sais quoi de grand.
Pourquoi ce nombreux clergé, ces reli
gieux, ces sœurs de charité qui prient
avec un si triste recueillement ? Pourquoi
ces personnages graves et pieux, suivant
la dépouille mortelle d'un si chétif dé
funt ? Pourquoi ces pauvres vieux et ces
douloureuses vieilles, qui sèmblent pleu-r
rer un fils? Ces ijeunes gens désolés qui
semblent pleurer un frère ? Et cette foulé
respectueuse qui remplit l'église ? Qui
nous expliquera le contraste de ce con
cours, de ces larmes, de tant de regrets
et d'hommages, avec cette brève exis
tence d'un enfant du peuple, faucbé
obscurément par la mort, avant d'avoir
pu donner des fleurs et des fruits ?
Pourquoi ? Jeunes gens, vieillards,
hommes du monde, ministres de Dieu,
tous vont nousjrépondre. Celui dont la dé
pouille mortelleestlà etde l'église va être
portée au cimetière dans le quartier sans
gloire où dorment les pauvres, c'est un
petit employé, un chrétien, un apôtre de
vingt ans, dont le grand esprit etle grand
cœur n'ont pas attendu pour agir le nom
bre des années.
Son vénérable curé, qui préside à ses
funérailles au milieu de ses prêtres,
pleure en cet adolescent une des forces,
une des lumières de sa paroisse ; les
Sœurs de çharité, un auxiliaire précieux
pour catéchiser les enfants et secourir les
malheureux ; lesfrères des écoles, le mo
dèle et l'honneur de leur patronage.
—[C'était notre meilleur ami, notre con
solateur, notre Çls, s'écrient les vieillards
açcourus à ses obsèques. — C'était le fon
dateur, le président de notre conférence
de Saint-Vincent-de-Paul, disent ses
jeunes confrères en étouffant leurs san
glots. A dix-sept ans, il nous a réunis,
animés , de sa foi, de sa charité, et pen
dant trois ans, jusqu'au jour où il se
coucha pour ne plus se relever, il fut
l'arcla vie de notre société. Sa pau
vreté ingénieuse sollicitait, ouvrait tou
tes les bourses, son énergie indomptable
triomphait de toutes les résistances. —
C'était l'écrivain de. race, le rapporteur
charmant de nos assemblées générales,
disent à leur tour les grands bienfaiteurs
des pauvres, lés sénateurs de Saint-
Vincent-de-Paul, et nous perdons en lui
la plus belle espérance de nos œuvres.
Et de toutes ces bouches, de toutes
ces âmes, sort, comme un dernier
hommage de regret et de reconnaissance,
le nom de ce jeune défunt, inconnu des
mondains, mais bien connu des pauvres,
des prêtres et des anges, le nom d'Albert
Seigneurgens, que nous pouvons procla
mer en toute liberté, puisque celui qui le
porta si noblement, si saintement sur la
terre, l'a emporté avec lui dans le ciel.
Certes, il est doux, enviable et char
mant de dresser sa tente nuptiale sur le
Thabor, ainsi que nous le chantions
tout à l'heure, et de recevoir, comme
prix d'une jeunesse sans défaillance,
une épouse pieuse et tendrement aimée.
Mais qui oserait dire que la récompense
du jeune apôtre, fils de saint François et
serviteur des pauvres, expirant sur le
Calvaire, entre Jésus et Marie, n'est pas
plus belle, plus enviable encore?
Qui oserait, devantla tombe de ce pré
destiné entré à vingt ans dans la joie des
élus, regretter pour lui les noces de
Cana, toutes célestes qu'elles soient, et
accuser la justice de Dieu, toujours ado
rable, toujours miséricordieuse, toujours
la même, dans la liberté de ses voies et
sous l'apparente diversité de ses couron
nes !
A. de S é&ur.
LA QUESTION DE Kl. PEYTRAL
Vers la fin de la séance d'hier au
Sénat, M. Peytral a posé une ques
tion au garde des sceaux, ministre
des cultes, sur les prochaines no
minations cardinalices. Voici le
compte rendu de l'incident :
M. Peytral. J'espère que le gouverne
ment me saura gré de lui fournir l'occa
sion de compléter les loyales déclara
tions qu'il vient de faire en lui demandant
de répondre à la question suivante.
Je crois savoir que le (gouvernement,
dansées relations avec la cour pontifi
cale, a accepté de proposer pour la pour
pre cardinalice... (Exclamations;)
Si le Sénat ne veut pas m'entendre, je
suis prêt à descendre de la tribune. (Par
lez! Parlez !) Je suis trop respectueux des
volontés du Sénat, pour ne pas m'arrêter,
s'il le désire. (Parlez !)
Jé crois savoir que le gouvernement a
admis comme possible de donner la
pourpre cardinalice à un archevêque qui
a à plusieurs reprises mérité les sévérités
des lois républicaines ; c'est Mgr l'arche
vêque de Lyon. (Mouvement.)
Si M. le président du conseil ou M. le
garde des sceaux croit que ma question
est indiscrète, je n'insiste pas. Je me
borne à poser la question, et je descends
de la tribune.
M. Darlan, garde des sceaux, mi
nistre de la justice, et des cultes. Le gou
vernement de la République a proposé au
Saint Père, pour-être admis par lui aux
honneurs de la pourpre cardinalice, M.
Fonteneau, archevêque d'Albi, M. La
bouré, archevêque de Rennes, et M.
Sourrieu, archevêque de Rouen.
Les noms de MM. Sourrieu et Labouré
ont été accueillis avec faveur, mais il
n'en a pas été de même de celui de M.
Fonteneau. Devant l'impossibilité de
faire agréer au Souverain Pontife le nom
de l'archevêque d'Albi; le gouvernement
a consenti à y substituer celui de M.
Coullié, archevêque de Lyon. Le véné
rable archevêque de Lyon est en tous
points digne de la pourpre cardinalice,
et si dans une circonstance il a été frap
pé d'une suspension de traitement, d'ail
leurs de fort courte durée, nul ne saurait
contester les qualités de premier ordre
qui le distinguent, et nous n'avons point
perdu le souvenir de l'attitude qu'il a eue
à l'égard des trop nombreux congrès ré
cemment organisés àLyon et qu'il a hau
tement désavoués.
D'autre part, le gouvernement a l'in
tention de nommer à l'archevêché de
Bourges M. Servonnet, évêque de Digne,
qui a représenté à Lyon la partie la plus
libérale du clergé, "et qui est un prélat
des plus distingués. La juxtaposition des
deux noms de MM. Coullié et Servonnet
dans des nominations que, sans aucun
doute, peu dë jours sépareront, est de
nature àj donner satisfaction aux plus"
difficiles.
A LA CHAMBRE
Questions. -— Interpellations.
Des questions sur les événe
ments de Crète, sur les nouveaux
massacres d'Arménie, et sur l'atti
tude de l'Angleterre à propos de
notre administration coloniale ; des
interpellations sur les trains ou
vriers, sur le tramway des Champs-
Elysées, et sur l'exil de la reine
Ranavalo -r- tel est le bilan de la
séance d'hier.
C'est M. Gauthier, de Clagny, qui
a interrogé le gouvernement sur les
résultats, de l'action militaire en
Crète et de l'action diplomatique en
Turquie, comme aussi sur les me
sures adoptées pour le cas où les
négociations engagées n'abouti
raient pas. •
Plusieurs points, d'ailleurs, res
tent obscurs pour M. Gauthier de
Clagny : il se demande pourquoi
nos troupes ont débarqué à une ex
trémité de l'île, tandis qu'aux ma
rins des autres puissances était
assignée la baie de la Sude; il s'é
tonne que l'Allemagne n'ait envoyé
qu'un cuirassé dans les eaux cré-
toises sans débarquer aucun soldat ;
il voudrait enfin savoir si, en cas de
guerre entre la Turquie et la Grèce,
nous empêcherons la flotte grecque
d'aller combattre la flotte otto
mane.
Le ministre des affaires étran
gères, on le comprend, pouvait dif
ficilement répondre à toutes ces
questions ; il a justement fait ob
server que la France n'était pas
seule à exercer une action çn Orient,
et qu'il est des secrets que l'on ne
peut trahir lorsqu'ils ne vous ap
partiennent point.M.Hanotauxa in
diqué que les lenteurs apportées à
la solution du grave problème cré-
tois avaient pour cause là prudence
et la modération des puissances; il a
ajouté que ces dernières étaient ré
solues, s'il est nécessaire, à renfor
cer les contingents mis à la dispo
sition des amiraux et que l'accord
persiste pour empêcher que la paix
générale puisse être troublée.
M. Denys Cochin a rappelé
alors que de nouveaux massacres
avaient eu lieu en Arménie, dans,
le vilayet de Sivas, montrant une
fois de plus combien il est surpre
nant que le concert européen, formé
en principe pour imposer à l'Em
pire ottoman des réformes, semble
négliger cette partie de sa mission ;
on se demande pourquoi des me
sures de coercition, jugées ■ néces
saires contre la Grèce, ne sont point
employées contre le fanatisme mu
sulman, qui vient de faire encore
près de cent victimes à Tokat et
qui pourrait bien, sous peu, faire
explosion en Albanie.
M. Hanotaux a répondu que, sur
les représentations sévèresi des am
bassadeurs, les fonctionnaires du
vilayet de Sivas, notamment le gou
verneur d'Adana, avaient été desti
tués, et les Turcs impliqués dans
les derniers massacres rigoureuse
ment punis.
Retenons enfin des déclarations
du ministre la nouvelle affirmation
que les puissances sont plus que
jamais décidées à exiger l'applica
tion d'un système de réformes ar
rêté en commun et qui a été im
posé au sultan.
De l'Empire ottoman, M. Le Myre
de Vilers nous a conduits en Angle
terre et a, rappelé le récent débat
soulevé à la Chambre des commu
nes, au cours duquel le sous-secré-
taire d'Etat Curzon a pu dire que
des observations avaient été pré
sentées au, gouvernement français
par le Foreign Office au sujet de
certaines mesures prises à Mada
gascar contre des missionnaires
protestants.
Ici la réponse du ministre des
affaires étrangères a été courte et
nette : Le gouvernement n'a reçu et
ne pouvait recevoir aucune de
mande d'explication de l'Angleterre
sur la situation des protestants in
digènes de Madagascar, sujets de la
France et dépendant d'elle seule.
L'interpellation de M. Chauvin
avait pour but d'obtenir la création
et l'amélioration des trains ou
vriers, ainsi que l'assimilation des
employés aux ouvriers en ce qui
concerne les cartes d'abonne
ment.
M. l'abbé Lemire a appelé, à ce
propos, l'attention du ministre des
travaux publics sur la nécessité de
créer sur certains points de la pro
vince dos trains facilitant aux ou
vriers le séjour hors des grands
centres.
Le ministre a indiqué ce qu'il
avait déjà obtenu des compagnies
de chemins de fer et ce qu'il était
en droit d'obtenir encore.
On a voté, par mains levées, un
ordre du jour de M. Brincard ac
cepté par le ministre et ainsi conçu :
« La Chambre,approuvant les décla
rations du gouvernement, l'invite à
poursuivre auprès dès compagnies
la création et l'amélioration des
trains ouvriers, et à exiger d'elles
la publicité des mesures arrêtées.»
Le tramway à traction électrique
qui doit — le conseil municipal en
ayant ainsi décidé — traverser les
Champs-Elysées, a soulevé un long
débat : M. Maurice Binder s'est fait
l'avocat de tous ceux qui regrettent
de voir déshonorer la majestueuse
avenue; on a poussé des hurle
ments, à l'extrême gauche, lorsque
l'orateur s'est permis d'indiquer
que le conseil municipal n'avait
peut-être pas bien examiné tous les
côtés de la question ; le ministre a
rappelé que l'enquête n'avait sou
levé aucune^ protestation touchant
le trajet tant critiqué depuis, et a
promis de continuer les pourparlers
avec la toute-puissante assemblée
qui siège à l'Hôtel de Ville ; M.
Chauvin, toujours courtois, a crié à
M. Georges Berger qui montait à la
tribune pour déposer un ordre du
jour : « Vous parlez parce que c'est
kune question de; galette ! » M.
Vaillant a cherché à prouver que le
tramway en question ne pourrait
qu'ajouter à la beauté des Champs-
Elysées, et on a voté, sur la de
mande du ministre, l'ordre du jour
pur et simple à la majorité de 301
voix.
On a clos la séance par l'inter
pellation sur l'exil de la reine des
Hovas ; M. Pourquery de Boisse-
rin, ayant rendu hommage à la
fermete, à l'énergie du général Gal-
liéni, a amené le ministre des colo
nies à s'expliquer sur la mesure
grave prise par le résident contre
Ranavalo.
M. Lebon a expliqué qu'il avait
regretté de n'avoir point pu être
consulté d'avance sur la décision du
fénéral pour en prendre sa part
e responsabilité ; il a donné lec
ture du rapport officiel qui cons
tate que la déposition de la reine
était devenue nécessaire, et il a
demandé à la Chambre d'approu
ver,comme l'a fait le gouvernement,
la conduite du général Galliéni et
de lui envoyer les encouragements
qu'il mérite.
L'ordre du jour suivant a donc
été voté à l'unanimité : « La Cham
bre, approuvant la politique suivie
à Madagascar et adressant àl'armée
qui assure la pacification de cette
nouvelle colonie française ses pa
triotiques félicitations, passe à
l'ordre du jour. »
Des félicitations sont dues aussi
à tous les groupes du parlement
pour avoir tenu à ne pas se séparer
sur une question si essentiellement
patriotique.
Gabriel de T riors.
LETTRES DES ROSHAGNES
On s'attendait partout à ce que le parti
de M. Crispi subirait des pertes sensi
bles dans la -dernière bataille électorale
qui vient d'avoir lieu, mais on n'aurait
pu songer qu'il recevrait le coup de
grâce. Le fiasco de Fortis à Forli a re
tenti ici comme un fulmine a ciel sereno.
Quel revirement des faveurs populai
res, et quelle ingratitude de concitoyens
au service desquels il a tant de fois mis
son influence ! Et puis, cette chute qui
se produit au milieu des cris de triom
phe de la populace qui salue la victoire
de M. Fratti, et au milieu des cris de :
Âbbasso Fortis, poussés dans les rues de
la ville par des femmes qui les parcou
rent, tenant des petits drapeaux à la
main, n'est-elle pas de nature à vous
suggérer de profondes réflexions ?
A Rimini, le candidat des moderati a
eu le dessous au ballottage : le candidat
•du parti républicain a été élu par une
forte majorité. L'abstention du parti clé
rical, les recommandations que le jour
nal VAusa de Rimini, avait faites aux
catholiques de ne pas se présenter aux
urnes, ou de déposer un bulletin blanc,
ont été fatales aux monarchici liberali.
Les scandales des. banques qu'ont don
nés les plus gros bonnets du parti modéré
SDITÏOM QUOTIDIEN MIS
Edition quotidienne. — 10,670
undi 5 Àvril 1897
PARIS
et départements
Un an......... 40 »
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits gui mî sont aârtais
annonces
MM. LA G RANGE, CERF et O, 6, ^'iace .'u la Bourss,
PARIS, 4 AVRIL 1897
SOMMAIRE
L'interpellation Fa-
bre P ierre V euillot.
Çà et là : Les deux
couronnes A. de S égur.
A la Chambre G. de T riors.
Lettres des Boma-
gnes ......... R. S.
L'œuvre des cercles. E douard A lexandre
A travers les re
vues...
Bulletin. — La question de M. Peytral. —
Les Sœurs missionnaires. — L'affaire
Arton. — A Roubaix. — Les fabriques. —
Chronique. — A l'Institut catholique. —
Dépêches de l'étranger. — Le prince
Ileiirl et M. Bonvàlot.-— Le Sénat : In
terpellation Joseph Fabre. — Chronique
religieuse. — Un appel à la charité. —
En province. — Echos de partout. —;
Guerre et marine. — M. Blanchon. — Né
crologie. — Tribunaux.— Nouvelles di
verses. — Calendrier. — Revue de la
Bourse.
L'INTERPELLATION FABRE
ii
Les sénateurs ne se pressaient
fioint, hier, de venir s'asseoir dans
eurs fauteuils. La raison de ce peu
de hâte est fort simple. Ils savaient
que la parole était à M. Maxime lie-
comte, pour continuer son discours
entamé la veille. Si l'on a inventé
les couloirs, c'est surtout en vue de
pareilles occasions.
Cependant, le. sénateur du Nord
n'a pas repris sur-le-champ posses
sion de la tribune. M. Fabre ne se
tenait plus d'impatience. Il voulait
expliquer' à ses collègues pourquoi
Mgr de Verdun lui avait écrit. C'est
parce qu'ils aiment tous deux beau
coup Jeanne d'Arc et sont tous
deux originaires du même départe
ment. Soit. Il n'en reste pas moins
établi que le farouche ennemi du
cléricalisme s'est recommandé,pour
se faire élire, d'une lettre d'évêque.
D'ailleurs, M. de Lamarzelle de
vait le rappeler : bien d'autres, sé
nateurs ou députés du même bord
que M. Fabre, ont agi comme ce
lui-ci. Aux élections de 1893, no
tamment, ils se proclamaient par
douzaines les candidats du Pape.
Ils feignaient d'oublier que si
Léon XIII nous a dit d'accepter la
Constitution, il nous a fait un de
voir aussi de combattre la législa
tion.
Nous pouvons tout de suite pas
ser à M. de Lamarzelle. Inutile, en
effet, de s'arrêter aux propos de M.
Lecomte. En présence d'un dis
cours, on doit faire attention sans
doute à ce qu'il contient, mais aussi
à l'autorité de celui qui l'a pro
noncé. La seconde considération
nous permet de négliger le réquisi
toire incohérent du sénateur radi
cal. Ii a uni, à l'exemple de M. Fabrè
et d'une manière; qui dénote encore
plus d'inconscience, les professions
de foi libérales aux demandes fréné
tiques de répression. Le concordat
remplacé par une solide loi de po
lice des cultes, voilà qui serait bien
son affaire. On materait enfin les
cléricaux.
M. de Lamarzelle é$t curieux. H
aimerait fort à savoir décidément
ce que nos adversaires entendent
lorsqu'ils parlent de cléricalisme
On lui a donné aussitôt quelques
définitions, d'après lesquelles se
rait clérical celui qui veut mettre la-
religion au service des intérêts
politiques. Et certains étaient sin
cères, parmi ceux qui précisaient
de la sorte la signification d.u mot.;
Mais tous, non pas. C'est pourquoi
l'éloquent sénateur " du Morbihan
conserve une juste méfiance. Il re-r
passe l'histoire de ces vingt der
nières années. Il voit que le parti
au pouvoir a toujours confondu,
en pratique, le cléricalisme et le
catholicisme.-— Faites enfin, dit M.
de Lamarzelle, la distinction au
trement qu'en paroles, et nous ces
serons d'affirmer que l'on en
veut,- sous couvert de combattre
les seuls cléricaux, à la religion
elle-même... C'est bien poser la
question.
Mais la partie capitale, à notrè
avis, de ce discours,.'est celle où
l'orateur a montré la filiation qui
rattache nos gouvernants, soit op
portunistes, soit. radicaux, à Louis
XIV. Les ministres républicains
sont dans la pure tradition gallif-
cane e1 régalienne. Lorsque le Roi-
Soleil désistait au Pape, et s'avan
çait, — M. de Lamarzelle aurait pu
le rappeler, — jusqu'au bord au
schisme, tenait-il une conduite en
opposition .avec le sentiment qui
lui dictât la révocation de l'édit de
Nantes f Sans aucun doute, le ré
trait del'Edit ne constituait pas un
acte d'axticléricalisme ; il faut être
M. Faire pour soutenir de ces
énormitîs. Mais la résistance à
Rome e - la révocation découlaient
cependant du même principe.
Louis. XIV voulait établir en
i France l'unité morale, à son, pro*
! fit. Une seule religion, sous la dé
pendance du roi, tel était son but.
Il entendait régner sur les âmes.
Est-ce que nos gouvernants ne
travaillent point aussi à gouverner
les intelligences; ne tâchent-ils
point de façonner une France à
leur image ? Voilà pour quelle rai
son, eux non plus, ils n'admettent
; pas une Eglise indépendante qui
leur puisse résister.
M. Bernard Lavergne a trouvé
qu'on s'écartait du débat. On ne s'en
écartait nullement, on l'élargissait.
Il a voulu le ramener à de moindrès
proportions; il y a réussi. Quand il
est descendu de la tribune, on a pro
noncé la clôture
Trois ordres du jour étaient en
présence. Nous ne dirons rien de
celui que présentait, au nom de là
fauche démocratique, M. Bernard
u Doubs, puisque son auteur s'est
rallié au texte de M. Fabre, texte
ainsi conçu :
« Le Sénat, confirmant les ordres
du jour antérieurs et prenant acte
des déclarations du gouvernement,
l'invite à n'admettre aucune ingé
rence étrangère dans la politique
intérieure de la France et à appli
quer avec vigilance et fermeté
toutes les "lois qui protègent la so
ciété civile contre les empiétements
des autorités ecclésiastiques. »
A cette rédaction, MM. FranGk-
Chaûveau, Demôle et Faye oppo
saient la suivante :
« Le Sénat, persistant dans ses
votes antérieurs, réprouve une fois
de plus toute ingérence du clergé
dans le domaine de la politique et
approuvant les déclarations du
gouvernement, et confiant dans sa
fermeté pour défendre les droits de
la société civile, passe à l'ordre du
jour.»
Le président a donné lecture de
ces deux textes. C'est alors, après
quelques mots de M. Bernard du
Doubs, que M. Méline est monte a
la tribune. Il a demandé au Sénat de
voter l'ordre du jour présente par
MM.Demôle, Faye et Franck-Chau-
veau, cette rédaction contenant un
témoignage de confiance à l'adresse:
du gouvernement, et ne contenant
point d'allusion à un souverain
étranger que le président du con
seil déclarait ne pas devoir être mis
en cause. On trouvera plus loin,
d'après le Journal officiel, .les décla
rations vigoureuses de M. Méline.
Le chef du ministère a proclamé son
profond respect de la religion, sa
volonté d'obéir au pays qui de-;
mande l'apaisement. Mais, dans
l'intérêt de cette pacification elle-
même, il n'admet point et n'ad
mettra pas que le prêtre, libre,
a-t-il dit, comme citoyen, comme
électeur, intervienne, comme prê
tre, en nos, conflits politiques.
M. Méline a parlé avec un ac
cent d'autorité remarquable. Il à
parlé aussi avec un accent de sin
cérité. Le malhçur, c'est que le ca
binet, dans la pratique, a souvent
l'air de vouloir surtout apaiser les
radicaux. Le malheur, c'est qu'il
voit fréquemment 1,'intervention du
prêtre ou le eitoyen, seul, a usé de
son droit, et qu'il étend le domaine
de la politique défendue au clergé
jusqu'à ces questions de consT.
cience, de religion, dans lesquelles
le prêtre, comme prêtre, doit faire
entendre ses avertissements, ses
verdicts. Entre un ministère radical
et celui-ci apparaît cette différence^
que le cabinet actuel n'a pas l'air
joyeux quand il frappe; le cœur n'y
est pas ; c'est quelque chose. Mais
il frappe tout de meme.
Avant le vote,M. Milliard est venu
apporter une déclaration et M,
Peytral est venu poser une ques
tion. M. Milliard, en termes cha
leureux, a félicité M. Méline et ses
collègues de leur politique; il a
exprimé le vœu que le ministère
vécût assez pour présider aux élec
tions générales. M. Peytral a de
mandé si Mgr l'archevêque dè
Lyon allait réellement recevoir la
pourpre cardinalice.. La réponse
affirmative de M. Darlan a plongé
le sénateur des Bouches-du-Rhône
dans une stupeur indignée. Il a
déclaré qu'il vengerait les lois
républicaines de cet affront en vo
tant l'ordre du jour de M. Fabre.
Cet ordre du jour, malgré un aussi
précieux appoint, a été repoussé
par 192 voix contre 72. Et la ré
daction de MM. Faye, Demôle et
Franck-Chauveau a été adoptée :
la première partie par 235 voix
contre 25, la seconde (témoignage
de confiance) par 174 voix contre
39, l'ensemble à la majorité de 167
voix sur 198.
C'est ainsi qu'a pris fin la grande
interpellation de M. Joseph Fabre,
qui veut, on le saura désormais,
être seul en France à pouvoir bé
néficier impunément de l'appui du
clergé.
Pierre V euillot.
'BULLETIN
Hier, au Sénat, suite et fin de l'inter
pellation de M. Joseph Fa.bre sur les
•a menées cléricales ». Nous apprécions
i plus haut la discussion qui a eu lieu au
Luxembourg, ainsi que le vote qui en a
été la conclusion. Nos lecteurs trouve
ront plus loin des extraits des princi
paux discours.
A la Chambre, séance uniquement
consacrée à des interpellations, deux
sur les affaires d'Orient et la dernière
sur la question de Madagascar.
Dans l'affaire Arton, aucun fait nou
veau. La polémique au sujet de M. Bur-
deau continue entre /'Autorité et les
exécuteurs testamentaires de d'ancien
président de la Chambre. Nous donnons
plus loin les principales pièces du dé
bat.
Le gouvernement ottoman a envoyé
une nouvelle note aux représentants de
la Turquie à l'étranger.
Cette circulaire, paraît-il, fait un ta
bleau de la situation actuelle ; elle relève
l'attitude des treupes. helléniques à la
frontière de Thessalie et exprime la
crainte d'un conflit. La Porte prie les
puissances de hâter la solution; autre'
ment celles-ci devront lui laisser sa
liberté d'action.
Quelques puissances ont déjà, répondu
qu'elles se concertaient pour les mesures
nécessaires.
. Le ministre des affaires étrangères
de Turquie a annoncé à l'ambassadeur
de France à. Constantinople que la com
mission extraordinaire d'enquête sur les
récents massacres de Tokat, après s'être
constituée, avait fait arrêter immédia
tement cent quarante rriusulmans et
quatre Arméniens.
En Crète, un grave conflit a manqué
de se produire : deux milliers de bachi-
bouzouks s'opposaient au départ des
chrétiens d'Ahrotiri. Les troupes euro
péennes étaient sur le point d'intervenir,
mais les irréguliers turcs ont fait leur
soumission. -
Çîà et là
LES DEUX COURONNES
Il est midi. Le soleil, traversant les
vitraux de l'église, noie dans ses ondes
lumineuses le rayonnement des cierges
sur l'autel. L'orgue chante joyeusement
l'entrée du cortège nuptial que précède le
suisse, bariolé de blanc s de rouge et d'or,
comme aux grands mariages.
La noce est modeste cependant, ainsi
qu'il convient à des mariés d'une condi
tion moyenne. Mais elle brille par le
nombre et l'entrain des amis, des vrais
amis qui l'accompagnent, par l'aimable
fusion de ce j qui composait autrefois les
Etats généraux de.la.nation : clergé, no
blesse, tiers-état. La robe noire des fils
du bienheureux de La Salle rappelle que
le fiancé a été instruit, élevé par eux, et
leur satisfaction paternelle montre qu'il
est resté un de leurs enfants de prédilec
tion.
A sa démarche alerte et martiale, on
devine qu'il revient du service militaire,
où il a gagné en effet les brillants ga
lons d'argent de sous-officier de chas
seurs. Quoique le chant du clairon man^
que à son bonheur, son front rayonne, et
dans les regards qu'il jette sur sa fian
cée, os lit que cette fête radieuse est l'ar
vant-dernier mot d'un chaste poème, la
consécration d'un amour virginal.
La parole du prêtre qui leur adresse
ses vœux avant de bénir leur union est
celle d'un ami, d'un témoin de leur vie,
d'un confident de leurs âmes : il salue en
eux deux jeunes chrétiens faits l'un pour
l'autre, prêts à tous les devoirs du ma
riage, à ses joies prochaines, comme à
ses lointaines épreuves. Époux, parents,
amis, ministres de Dieu présents à la cé
rémonie, tous respirent la meme con
fiance dans un avenir qui repose sur un
passé sans mystère et sans reproche. Ep
vérité, cette noce est une noce chrétien
ne, et la bénédiction qui la termine est
le couronnement d'une jeunesse déjà
pleine de mérites devant Dieu et devant
les hommes.
La vertu, la piété, récompensées ici-
bas, «îans ce lieu de passagé et dé con
tradiction où elles sont si souvent éprou
vées, quel doux et rare spectacle, et
comme l'air qui l'enveloppe est pur et
réconfortant à respirer !
Enfants de miséricorde, époux privilé
giés, dressez votre tente sur le Thabor
où la bonté divine vous a fait monter, et
plus heureux que l'apôtre saint Pierre,
puissiez-vous y couler de longs jours,
dans le voisinage du Sauveur Jésus,
avant de redescendre dans les ombres et
les vulgarités de la plaine !
Non loin du Thabor, face lumineuse
de Jésus vainqueur, s'élève le Calvaire,
face douloureuse de Jésus pénitent et
victime. Thabor et Calvaire sont proches
l'un de l'autre et parfois se touchent jus
qu'à se pénétrer.
Passons de l'un à l'autre, et au même
jour, à la même heure, dans la même
ville de Paris, voyons le mystère qui
s'accomplit, à deux pas des l'êtes que
nous venons de raconter.
ï *'église, éclairée du dehors par le
même soleil, en dedans par dés cierges
pareils aux cierges nuptiaux, attend,
muette et attristée, l'arrivée du convoi
funèbre. Devançant les douze coups de
l'horloge, un humble corbillard franchit
le seuil du temple, sans bruit, sans gé
missements d'orgue, sans l'hypocrisie
de ces larmes d'argent figées sur les ten
tures de deuil comme pour suppléer aux
larmes absentes des funérailles offi
cielles.
Et pourtant, quelque chose de solen
nel, de profond, plane au-dessus de ce
pauvre cercueil recouvert d'un drap
blanc, d'où s'exhale un parfum de grâce
et de pureté. Sous cette simplicité, on
sent je ne sais quoi de grand.
Pourquoi ce nombreux clergé, ces reli
gieux, ces sœurs de charité qui prient
avec un si triste recueillement ? Pourquoi
ces personnages graves et pieux, suivant
la dépouille mortelle d'un si chétif dé
funt ? Pourquoi ces pauvres vieux et ces
douloureuses vieilles, qui sèmblent pleu-r
rer un fils? Ces ijeunes gens désolés qui
semblent pleurer un frère ? Et cette foulé
respectueuse qui remplit l'église ? Qui
nous expliquera le contraste de ce con
cours, de ces larmes, de tant de regrets
et d'hommages, avec cette brève exis
tence d'un enfant du peuple, faucbé
obscurément par la mort, avant d'avoir
pu donner des fleurs et des fruits ?
Pourquoi ? Jeunes gens, vieillards,
hommes du monde, ministres de Dieu,
tous vont nousjrépondre. Celui dont la dé
pouille mortelleestlà etde l'église va être
portée au cimetière dans le quartier sans
gloire où dorment les pauvres, c'est un
petit employé, un chrétien, un apôtre de
vingt ans, dont le grand esprit etle grand
cœur n'ont pas attendu pour agir le nom
bre des années.
Son vénérable curé, qui préside à ses
funérailles au milieu de ses prêtres,
pleure en cet adolescent une des forces,
une des lumières de sa paroisse ; les
Sœurs de çharité, un auxiliaire précieux
pour catéchiser les enfants et secourir les
malheureux ; lesfrères des écoles, le mo
dèle et l'honneur de leur patronage.
—[C'était notre meilleur ami, notre con
solateur, notre Çls, s'écrient les vieillards
açcourus à ses obsèques. — C'était le fon
dateur, le président de notre conférence
de Saint-Vincent-de-Paul, disent ses
jeunes confrères en étouffant leurs san
glots. A dix-sept ans, il nous a réunis,
animés , de sa foi, de sa charité, et pen
dant trois ans, jusqu'au jour où il se
coucha pour ne plus se relever, il fut
l'arcla vie de notre société. Sa pau
vreté ingénieuse sollicitait, ouvrait tou
tes les bourses, son énergie indomptable
triomphait de toutes les résistances. —
C'était l'écrivain de. race, le rapporteur
charmant de nos assemblées générales,
disent à leur tour les grands bienfaiteurs
des pauvres, lés sénateurs de Saint-
Vincent-de-Paul, et nous perdons en lui
la plus belle espérance de nos œuvres.
Et de toutes ces bouches, de toutes
ces âmes, sort, comme un dernier
hommage de regret et de reconnaissance,
le nom de ce jeune défunt, inconnu des
mondains, mais bien connu des pauvres,
des prêtres et des anges, le nom d'Albert
Seigneurgens, que nous pouvons procla
mer en toute liberté, puisque celui qui le
porta si noblement, si saintement sur la
terre, l'a emporté avec lui dans le ciel.
Certes, il est doux, enviable et char
mant de dresser sa tente nuptiale sur le
Thabor, ainsi que nous le chantions
tout à l'heure, et de recevoir, comme
prix d'une jeunesse sans défaillance,
une épouse pieuse et tendrement aimée.
Mais qui oserait dire que la récompense
du jeune apôtre, fils de saint François et
serviteur des pauvres, expirant sur le
Calvaire, entre Jésus et Marie, n'est pas
plus belle, plus enviable encore?
Qui oserait, devantla tombe de ce pré
destiné entré à vingt ans dans la joie des
élus, regretter pour lui les noces de
Cana, toutes célestes qu'elles soient, et
accuser la justice de Dieu, toujours ado
rable, toujours miséricordieuse, toujours
la même, dans la liberté de ses voies et
sous l'apparente diversité de ses couron
nes !
A. de S é&ur.
LA QUESTION DE Kl. PEYTRAL
Vers la fin de la séance d'hier au
Sénat, M. Peytral a posé une ques
tion au garde des sceaux, ministre
des cultes, sur les prochaines no
minations cardinalices. Voici le
compte rendu de l'incident :
M. Peytral. J'espère que le gouverne
ment me saura gré de lui fournir l'occa
sion de compléter les loyales déclara
tions qu'il vient de faire en lui demandant
de répondre à la question suivante.
Je crois savoir que le (gouvernement,
dansées relations avec la cour pontifi
cale, a accepté de proposer pour la pour
pre cardinalice... (Exclamations;)
Si le Sénat ne veut pas m'entendre, je
suis prêt à descendre de la tribune. (Par
lez! Parlez !) Je suis trop respectueux des
volontés du Sénat, pour ne pas m'arrêter,
s'il le désire. (Parlez !)
Jé crois savoir que le gouvernement a
admis comme possible de donner la
pourpre cardinalice à un archevêque qui
a à plusieurs reprises mérité les sévérités
des lois républicaines ; c'est Mgr l'arche
vêque de Lyon. (Mouvement.)
Si M. le président du conseil ou M. le
garde des sceaux croit que ma question
est indiscrète, je n'insiste pas. Je me
borne à poser la question, et je descends
de la tribune.
M. Darlan, garde des sceaux, mi
nistre de la justice, et des cultes. Le gou
vernement de la République a proposé au
Saint Père, pour-être admis par lui aux
honneurs de la pourpre cardinalice, M.
Fonteneau, archevêque d'Albi, M. La
bouré, archevêque de Rennes, et M.
Sourrieu, archevêque de Rouen.
Les noms de MM. Sourrieu et Labouré
ont été accueillis avec faveur, mais il
n'en a pas été de même de celui de M.
Fonteneau. Devant l'impossibilité de
faire agréer au Souverain Pontife le nom
de l'archevêque d'Albi; le gouvernement
a consenti à y substituer celui de M.
Coullié, archevêque de Lyon. Le véné
rable archevêque de Lyon est en tous
points digne de la pourpre cardinalice,
et si dans une circonstance il a été frap
pé d'une suspension de traitement, d'ail
leurs de fort courte durée, nul ne saurait
contester les qualités de premier ordre
qui le distinguent, et nous n'avons point
perdu le souvenir de l'attitude qu'il a eue
à l'égard des trop nombreux congrès ré
cemment organisés àLyon et qu'il a hau
tement désavoués.
D'autre part, le gouvernement a l'in
tention de nommer à l'archevêché de
Bourges M. Servonnet, évêque de Digne,
qui a représenté à Lyon la partie la plus
libérale du clergé, "et qui est un prélat
des plus distingués. La juxtaposition des
deux noms de MM. Coullié et Servonnet
dans des nominations que, sans aucun
doute, peu dë jours sépareront, est de
nature àj donner satisfaction aux plus"
difficiles.
A LA CHAMBRE
Questions. -— Interpellations.
Des questions sur les événe
ments de Crète, sur les nouveaux
massacres d'Arménie, et sur l'atti
tude de l'Angleterre à propos de
notre administration coloniale ; des
interpellations sur les trains ou
vriers, sur le tramway des Champs-
Elysées, et sur l'exil de la reine
Ranavalo -r- tel est le bilan de la
séance d'hier.
C'est M. Gauthier, de Clagny, qui
a interrogé le gouvernement sur les
résultats, de l'action militaire en
Crète et de l'action diplomatique en
Turquie, comme aussi sur les me
sures adoptées pour le cas où les
négociations engagées n'abouti
raient pas. •
Plusieurs points, d'ailleurs, res
tent obscurs pour M. Gauthier de
Clagny : il se demande pourquoi
nos troupes ont débarqué à une ex
trémité de l'île, tandis qu'aux ma
rins des autres puissances était
assignée la baie de la Sude; il s'é
tonne que l'Allemagne n'ait envoyé
qu'un cuirassé dans les eaux cré-
toises sans débarquer aucun soldat ;
il voudrait enfin savoir si, en cas de
guerre entre la Turquie et la Grèce,
nous empêcherons la flotte grecque
d'aller combattre la flotte otto
mane.
Le ministre des affaires étran
gères, on le comprend, pouvait dif
ficilement répondre à toutes ces
questions ; il a justement fait ob
server que la France n'était pas
seule à exercer une action çn Orient,
et qu'il est des secrets que l'on ne
peut trahir lorsqu'ils ne vous ap
partiennent point.M.Hanotauxa in
diqué que les lenteurs apportées à
la solution du grave problème cré-
tois avaient pour cause là prudence
et la modération des puissances; il a
ajouté que ces dernières étaient ré
solues, s'il est nécessaire, à renfor
cer les contingents mis à la dispo
sition des amiraux et que l'accord
persiste pour empêcher que la paix
générale puisse être troublée.
M. Denys Cochin a rappelé
alors que de nouveaux massacres
avaient eu lieu en Arménie, dans,
le vilayet de Sivas, montrant une
fois de plus combien il est surpre
nant que le concert européen, formé
en principe pour imposer à l'Em
pire ottoman des réformes, semble
négliger cette partie de sa mission ;
on se demande pourquoi des me
sures de coercition, jugées ■ néces
saires contre la Grèce, ne sont point
employées contre le fanatisme mu
sulman, qui vient de faire encore
près de cent victimes à Tokat et
qui pourrait bien, sous peu, faire
explosion en Albanie.
M. Hanotaux a répondu que, sur
les représentations sévèresi des am
bassadeurs, les fonctionnaires du
vilayet de Sivas, notamment le gou
verneur d'Adana, avaient été desti
tués, et les Turcs impliqués dans
les derniers massacres rigoureuse
ment punis.
Retenons enfin des déclarations
du ministre la nouvelle affirmation
que les puissances sont plus que
jamais décidées à exiger l'applica
tion d'un système de réformes ar
rêté en commun et qui a été im
posé au sultan.
De l'Empire ottoman, M. Le Myre
de Vilers nous a conduits en Angle
terre et a, rappelé le récent débat
soulevé à la Chambre des commu
nes, au cours duquel le sous-secré-
taire d'Etat Curzon a pu dire que
des observations avaient été pré
sentées au, gouvernement français
par le Foreign Office au sujet de
certaines mesures prises à Mada
gascar contre des missionnaires
protestants.
Ici la réponse du ministre des
affaires étrangères a été courte et
nette : Le gouvernement n'a reçu et
ne pouvait recevoir aucune de
mande d'explication de l'Angleterre
sur la situation des protestants in
digènes de Madagascar, sujets de la
France et dépendant d'elle seule.
L'interpellation de M. Chauvin
avait pour but d'obtenir la création
et l'amélioration des trains ou
vriers, ainsi que l'assimilation des
employés aux ouvriers en ce qui
concerne les cartes d'abonne
ment.
M. l'abbé Lemire a appelé, à ce
propos, l'attention du ministre des
travaux publics sur la nécessité de
créer sur certains points de la pro
vince dos trains facilitant aux ou
vriers le séjour hors des grands
centres.
Le ministre a indiqué ce qu'il
avait déjà obtenu des compagnies
de chemins de fer et ce qu'il était
en droit d'obtenir encore.
On a voté, par mains levées, un
ordre du jour de M. Brincard ac
cepté par le ministre et ainsi conçu :
« La Chambre,approuvant les décla
rations du gouvernement, l'invite à
poursuivre auprès dès compagnies
la création et l'amélioration des
trains ouvriers, et à exiger d'elles
la publicité des mesures arrêtées.»
Le tramway à traction électrique
qui doit — le conseil municipal en
ayant ainsi décidé — traverser les
Champs-Elysées, a soulevé un long
débat : M. Maurice Binder s'est fait
l'avocat de tous ceux qui regrettent
de voir déshonorer la majestueuse
avenue; on a poussé des hurle
ments, à l'extrême gauche, lorsque
l'orateur s'est permis d'indiquer
que le conseil municipal n'avait
peut-être pas bien examiné tous les
côtés de la question ; le ministre a
rappelé que l'enquête n'avait sou
levé aucune^ protestation touchant
le trajet tant critiqué depuis, et a
promis de continuer les pourparlers
avec la toute-puissante assemblée
qui siège à l'Hôtel de Ville ; M.
Chauvin, toujours courtois, a crié à
M. Georges Berger qui montait à la
tribune pour déposer un ordre du
jour : « Vous parlez parce que c'est
kune question de; galette ! » M.
Vaillant a cherché à prouver que le
tramway en question ne pourrait
qu'ajouter à la beauté des Champs-
Elysées, et on a voté, sur la de
mande du ministre, l'ordre du jour
pur et simple à la majorité de 301
voix.
On a clos la séance par l'inter
pellation sur l'exil de la reine des
Hovas ; M. Pourquery de Boisse-
rin, ayant rendu hommage à la
fermete, à l'énergie du général Gal-
liéni, a amené le ministre des colo
nies à s'expliquer sur la mesure
grave prise par le résident contre
Ranavalo.
M. Lebon a expliqué qu'il avait
regretté de n'avoir point pu être
consulté d'avance sur la décision du
fénéral pour en prendre sa part
e responsabilité ; il a donné lec
ture du rapport officiel qui cons
tate que la déposition de la reine
était devenue nécessaire, et il a
demandé à la Chambre d'approu
ver,comme l'a fait le gouvernement,
la conduite du général Galliéni et
de lui envoyer les encouragements
qu'il mérite.
L'ordre du jour suivant a donc
été voté à l'unanimité : « La Cham
bre, approuvant la politique suivie
à Madagascar et adressant àl'armée
qui assure la pacification de cette
nouvelle colonie française ses pa
triotiques félicitations, passe à
l'ordre du jour. »
Des félicitations sont dues aussi
à tous les groupes du parlement
pour avoir tenu à ne pas se séparer
sur une question si essentiellement
patriotique.
Gabriel de T riors.
LETTRES DES ROSHAGNES
On s'attendait partout à ce que le parti
de M. Crispi subirait des pertes sensi
bles dans la -dernière bataille électorale
qui vient d'avoir lieu, mais on n'aurait
pu songer qu'il recevrait le coup de
grâce. Le fiasco de Fortis à Forli a re
tenti ici comme un fulmine a ciel sereno.
Quel revirement des faveurs populai
res, et quelle ingratitude de concitoyens
au service desquels il a tant de fois mis
son influence ! Et puis, cette chute qui
se produit au milieu des cris de triom
phe de la populace qui salue la victoire
de M. Fratti, et au milieu des cris de :
Âbbasso Fortis, poussés dans les rues de
la ville par des femmes qui les parcou
rent, tenant des petits drapeaux à la
main, n'est-elle pas de nature à vous
suggérer de profondes réflexions ?
A Rimini, le candidat des moderati a
eu le dessous au ballottage : le candidat
•du parti républicain a été élu par une
forte majorité. L'abstention du parti clé
rical, les recommandations que le jour
nal VAusa de Rimini, avait faites aux
catholiques de ne pas se présenter aux
urnes, ou de déposer un bulletin blanc,
ont été fatales aux monarchici liberali.
Les scandales des. banques qu'ont don
nés les plus gros bonnets du parti modéré
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