Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-03-30
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 30 mars 1897 30 mars 1897
Description : 1897/03/30 (Numéro 10664). 1897/03/30 (Numéro 10664).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k709445d
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 30 Mars 1897
Edition quotidienne.' — 10,664
Mardi 30 Mars 1897
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
ET .départements
ïln an.,..;.;.. , 40 »
Six mois...... 21 »
Trois mois.', ■;. .• 11 » :
ÉTRANGER
(union postais)
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UN NUMÉRO j P ^ 1?is v ... 10 cent.
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EST
LE MONDE
' ÉDmOÎ SESÏÏ-QUOTIDIENN®
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Six mois.10'. , » • 13 »
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>Les abonnements partent des î et et Î6 de e&aqrn.® mai»
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sonï adressés
AWIWOKOES
MM. LAGRANGE, CERF et <>, 6, place de la Bourse
PARIS, 29 MARS 18S7
SOMMAIRE
A propos d'une ten-
dance-,. — F rançois V euillot.
Malade P. V.
Un quidam qui di
sait juste.......... G. D'A.
Suppression de jour
naux en Alsace..; L. I. '
Correspondance ro
maine ***.'
lie Christ': Scène?
évangéliques...... J. L.
Variétés : Bourbons
et Bonapartes..... G eoffroy de G rand-
' ' ' ' maison.
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — L'é
lection de M. l'abbé. Gayraud. —Lettre
de Mgr de Cabrières. — L'affaire Arton.
—, A. travers la presse. — Chronique.,—
Lettres, sciences et arts. — >A Notre-
Dame. —Les affaires de Grète. —. Dépê
ches de l'étranger.-— La question, ouvrière.
— Echos de partout. — Nécrologie. — Le
naufrage de la Ville-d.e-Sa.int-Naza.ire.
— Nouvelles diverses. — Calendrier.
Tableau et bulletin de la Bourse. — Der
nière heure. ;
A PROPOS D'il TIDMCE
Dans le dernier numéro de la Re
vue de la Jeunesse catholique, un
travail nous a frappé singulière
ment par la vivacité de son allure
et la spontanéité de son style. Il a
Sour auteur un jeune étudiant, M.
ienri Bazire; il a pour sujet : « L'i
nitiative de pensée et d'action chez
les catholiques », — vaste matière et
souvent délicate.,
Cet article est fort curieux, très
intéressant, non seulement par son
.mérite personnel, .mais encore —
et, à ce titre, il nous a paru bon de
l'étudier ici— par la tendance qu'il
révèle, ou qu'il affirme. Il y a, en
effet, depuis quelques années sur
tout, dans la jeunesse catholique,
une tendance assez puissante et de
plus en plus accentuée ver s...—com
ment exprimer çe qui est vague et
indécis, comment préciser l'impré
cision ? — disons : vers du nouveau.
On veut changer quelque chose, oh
veut infusér uriê'vie plus jeune aux
idées trop vieillies, aux modes d'ac
tion trop usés. Au fond, c'est un
mouvement qui se produit tous les
quinze ou vingt ans et les jeunes
d'aujourd'hui auront leur tour; ils
paraîtront vieux,., quand ils le se
ront, ou même plus tôt.
Cette tendance a quelques dan
gers, sans doute, et aurait besoin
d'être conduite avec un petit grain
de prudence, qui, justement, est, en
général, la qualité qui lui manque
le plus. Il y a là des jeunes gens
hardis et ardents, fort intelligents,
et pourvus de bons yeux, qui voyant
sur la grande mer, houleuse et dé
montée, nos ennemis s'avancer avec
vitesse et vigueur, disent à leurs aî
nés : « La voile est un excellent
moyen de navigation; mais on pour
rait peut-être trouver mieux ; nous
sommes distancés par la flotte ad
verse et nous apercevons que le
large moutonne et gronde avec fu
reur ; déchirons donc la voile et
adoptons un procédé nouveau, plus
rapide et plus fort ! » Le conseil est
sans doute excellent, il dénote un
esprit sûr, ouvert aux idées, sa
chant comprendre les besoins du
temps. Mais...mais il faut,pour rem
placer la voile, avoir inventé la va
peur. Il y en a beaucoup, parmi les
jeunes, qui oublient absolument ce
petit détail. C'est là le danger de
cette tendance, au fond très natu
relle et très bonne, et — mepermet-
tra-t-ôn ce mot personnel ? — dont
je. suis, étant encore au nombre des
« jeunes », assez partisan.
Quant à M. Bazire, il ne prétend
pas avoir inventé la vapeur ; mais
il n'est pas de, caux^qui.négligent cë
point, ni de ceux, non plus, qui veu
lent déô,hirer la voile,immédiatement.
Il ne faut pas, écrit-il, «rejeter toutes
les vieilles idées, parce qu'elles sont
vieilles, ni accepter les nouvelles sans
examen. » Il se contenté, pour lui,
dé, montrer, la tendance actuelle
des jeunes gens, de l'expliquer et
de la justifier, enfin de proposer^
quelques conseils, qui ne sont cer
tes pas à dédaigner.. ,
Il est prudent, presque timide en
certains endroits; même, au début,
on sent qu'il-est un peu effrayé de sa
hardiesse et des idées révolution
naires qu'il va faire éclater dans un
milieu très conservateur. Il se pré
sente avec un déguisement, il ima
gine un certain « cahier bleu », qu'il
a ramassé sur lfe trottoir et qu'il a
eu l'indiscrétion d'ouvrir et de feuil
leter ; il cite, un long morceau du
cahier bleu, et à l'abri de ce couvert
candide, il lâche, tout, d'un coup, ses
plus fortes énormités; puis il recon
naît que l'auteur du cahier, bleu exa
gère; il remarque cependant qu'il y
a du vrai dans ces exagérations;
enfin, après toutes ces précautions,
il se lance; et il en arrive bientôt,
enhardi peu à peu, à émettre des
idées aussi audacieuses pour le
moins que les idées du cahier bleu.
Tout cela est enlevé, d'ailleurs, avec
beaucoup d'esprit, de finesse et de
bon goût; je crois que ceux-là
mêmes à qui le fond déplaira, seront
charmés de la forme.
Donc, au sortir du cahier bleu,
M. Bazire entreprend les jeûnes
gens catholiques, qui s'enlisent dans
la mollesse ou dans l'inaction ; il a
des vigueurs et des railleries contre
ceux-là surtout qui croient avoir
fait leur devoir, parce qu'au collège,
ils étaient de « bons enfants» et que,
dans le monde, ils se sont bien vite
rangés et enfermés dans le cercle
étroit des « gens bien pensants ».
On sent que ces honnêtes formules
agacent fortement M. Bazire : il es
timé, et avec raison, qu'aujourd'hui
il ne suffit plus d'être bon pour soi et
de vivre très sage en un milieu bien
Capitonné ; à son avis, au contraire,
il faut agir au dehors, lutter par la
parole et par l'action, affronter
réunions et manifestations, montrer
toujours et partout de l'initiative et
de l'énergie. « Comme le disait Louis
Veuillot, que je ne me lasse ; pas.de
citer, : s'écrie-t-il : « Ceux qui ai-
« ment Dieu et ne se font pas. huer,
« pourquoi parlent-ils? »
Contre les jeunes dilettantes qui
se réfugient dans l'art pur et dé
daignent l'action, M. Bazire a la
même .indignation, saine et géné
reuse, — lui qui, pourtant, montre,
en plus d'un passage, un esprit
vraiment artiste. A ceux-là, c'est
encore un mot de « notre maître
Veuillot » qu'il oppose avec éner
gie: « La question n'est pas de
faire de la littérature ; il faut, en hâte
et d'une main hardie, arracher le
masque du mensonge, balafrer le
plus avant possible la face inso
lente de l'impiété. ».
, Il faut avouer que M. Bazire, ■—
on voit qu'il a oublié les précautions
du cahier bleu p - t ~ ne se contente
point de gourmander ses camarades ;
il ne craint pas de s'attaquer aux
anciens. Il est spirituellement cruel
contre les inventeurs du « fameux
plan, qui nous a si bien réussi » et
qui consiste, dit-il, un peu injuste
ment peut-être, à déclarer, en très
beaux discours, que l'on versera
tout son sang,.. « cependant qu'on
reoule sans cesse pour prendre des
poses toujours plus nobles ». « Ce
n'est pas notre sang, s'écrie-t-il en-
suice, avec vivacité, mais avec bon
sens, que l'Eglise et la patrie nous
demandent aujourd'hui, mais la
quotidienne générosité d'un tra
vail obscur ! » M. Bazire en veut
aussi très fort aux catholiques « sec
taires » ; oui, sectaires. Il hésite un
peu à' lancer ce mot qui lui semble
un peuraide et un peu dur 1 ; mais
dès qu'il l'a prononcé, il y appuie
et il l'explique : ils sont « sectaires,
dit-il, les catholiques qui suppri
ment leur aumône au denier de
Saint-Pierre depuis certaine ency
clique pontificale... » ; et il nous
semble, en vérité, qu'il a joliment
raison, M. Bazire.
Mais le remède ? allez-vous de
mander. La vapeur qui doit rem
placer la voile ? — Attendez un peu.
M. Bazire y songe. Il croit que, —
non le remède unique et souverain,
mais un remède efficace et sûr
serait un changement profondj dans
le moule usé de l'éducation que re
çoit notre jeunesse. Il rend hom
mage à cette éducation, sans doute,
à qui nous devons « ce que nous
avons'en nous de meilleur » ; mais
il pense — et c'est une pensée
qu'il faut creuser avec soin —
qu'elle ne répond plus aux besoins
modernes. : Elle est trop symbolisée,
selon lui, au physique et au moral,
par le culte du cache-nez et la peur
des courants d'air. Il faut, à son
avis, que les enfants qui formeront
la génération de demain, qui auront
à soutenir les grands combats d'un
très proche avenir j soient « élevés le
plus possible au grand air de l'idée,
pour se former une poitrine large,
une intelligence ouverte, une vo
lonté robuste ». Il y a dans cette
phrase un peu de vague et d'impré
cision, à coup' sûr ; mais il y a aussi,
en' ces quelques mots, une idée,
une idée de plus en plus répandue,
qui mérite examen.
. ; François Veuillot.
VULLETIPÇ
On ne s'occupe, on né parle que de
l'affaire Arton, des « panamistes » pour
suivis, de ceux qui mériteraient ■ de
l'être et qui le seront peut-être dès au
jourd'hui. '
Nos lecteurs trouveront plus loin de
longs détails sur cette « question du
jour » : ils. verront notamment que la
commission des poursuites' s'est réunie
hier, qu'elle a entendu M. le juge Le
Poittevin et qu'elle a décidé d'accorder
aux magistrats la suspension de l'immu
nité.parlementaire eji ce qui cqncerne
les trois députés visés. La Chambre, dé
cidera aujourd'hui.
Hier, M. Bourgeois a prononcé à.
Chartres un discours auquel ses amis
voudraient donner un certain retentis
sement: nous apprécions plus loin cette
manifestation oratoire du leader radi
cal.
Les dépêches de Crète ne signalent pas
d'amélioration sensible dans l'état gé
néral. D'autre part> les nouvelles de
Thessalie sont toujours inquiétantes.
Hier a eu lieu en Italie le scrutin de
ballottage pour les élections législatives :
les résultats actuellement connus sont
en majorité favorables, aù gouvernement.
: — j
NOUVELLES DE ROME
Rome, 27 mars.
Le Saint-Père a.reçu, hier, Mgr Bales-
tea,! évêque d'Acqui en Piémont; puis
M. van Eetvelde, secrétaire d'Etat du
Congo belge ; aujourd'hui, Mgr, Henri
Gabriels, évêque d'Ogdensbourg (pro
vince ecclésiastique de New-York).
On annonce pour après Pâques l'arri-
.vée à Rome de S. Em. le cardinal Vau-
ghan qui viendrait conférer avec le Sou
verain Pontife au sujet des prochaines
fêtes centenaires de saint Thomas de Can-
torbéry et aussi relativement à la ré
ponse collective de l'épiscopat catholi
ques d'Angleterre à la lettre des archevê
ques anglicans sur les ordinations.
En attendant; le R. Pi Bernard Vau-
ghan, frère de Son Eminence et actuelle
ment à Rome, où il exerce le saint minis
tère dans l'église de Saint-Sylvestre-m-
Capite, vient de donner dans cette église,
en présence d'un nombreux auditoire de
catholiques et de protestants anglais,une
intéressante conférence, où l'orateur a
exposé en détail les lacunes essentielles
de l'Ordinal substitué à l'ancien rituel.
Les auditeurs nombreux et divers qui
assistaient à la conférence du R. P. Vau-
ghan en ont été vivement impression
nés.
— La doctrine catholique sur le sacre
ment de mariage vient d'être de nouveau
exposée dans un document du Saint-
Siège adressé à Mgr l'évêque de Malte,
relativement aux dispositions de la loi ci
vile sur le mariage. Il faut, dit le docu
ment, que ces dispositions soient confor
mes en tout aux lois de l'Eglise ; et c'est
aussi le seul moyen d'aviser à la tran
quillité des consciences et à la paix des
familles.
— Une lettre de Washington à l'Osser-
vatore Romano rétablit la vérité sur ,un
incidentdénaturéàplaisir par la Trïbuna.
Celle-ci avait attribué au délégué apos
tolique Mgr Martinelli des paroles bles
santes à l'adresse des émigrants italiens
qui, à leur tour, auraient vivement ré
clamé auprès de lui. Or Mgr Martinelli
avait, au contraire, pris la défense des
Italiens en général, sous le rapport de la
culture intellectuelle," et cela en réponse
à-un journaliste américain qui avait cru
pouvoir juger du degré de leur instruc
tion d'après tels émigrants pauvres et
ignorants. Il est faux également, quoi
qu'en ait dit la Tribuna, que Mgr Marti
nelli, à la demande de quelques-uns de
ces émigrants, aurait dû rétracter, les
paroles susdites et quitter précipitam
ment la Nouvelle-Orléans où il s'était
rendu. La vérité est qu'avant de partir,
au jour fixé, Mgr Martinelli a voulu
donner une nouvelle preuve de sa solli
citude envers ses nationaux en célébrant
la messe dans leur église de Saint-
Antoine de Padoue et en laissant un gé
néreux secours à leurs oeuvres de bienfai
sance. -
— Hier soir a eu lieu une nombreuse
et brillante réception à l'ambassade de
France près du Saint-Siège.
L'ambassadeur en faisait les honneurs
avec Mme et Mlle Poubelle.
■Huit cardinaux, parmi lesquels
LL. EEm. ftampolla et Vannutelli, de
nombreux prélats, le corps diplomatique
accrédité auprès du Vatican, beaucoup de
personnes appartenant à l'aristocratie
romaine et à la colonie française étaient
présents.
MALADE
•T'I • t *■ • T * » . " « :
Tout occupé du péril clérical, et
travaillant ferme à le conjurer, M.
Bourgeois, dans ses discours ambu
lants, ne parlait plus, depuis quel
ques semaines, de l'impôt sur le re
venu, que M. Doumer semblait avoir
emporté,ni dé la revision. Hier,dans
lïaprès-midi, à Chartres,, il a repris
ces deux points du programme.ra-
dical. L'impôt « dégressif »'lui appa
raît toujours comme le remède sou
verain qui nous rendra la prospéri
té, l'équilibre et la justice. Quant au
mode d'application, si malaisé à
établir, l'orateur continue de négli
gence détail. Lucide,"l'ancien pré
sident du conseil a la prétention de
Pêtrfe. Il y a cependant des difficul
tés qu'il n'éluçide pas.
Ce qu'il* attend de l'impôt sur le
revenu dans l'ordre financier, M.
Bourgeois l'attend de la prévision
dans l'ordre politique. Il veut que
le suffrage universel soit le maître,
véritablement. Et pour , cela, il de
mande l'élection directe des séna
teurs par le peuple. Ainsi, les deux
Chambres auraient même origine.
Conséquence forcée, elles rece
vraient des. droits égaux. Si l'an
cien président du conseil estime
qu'il serait alors plus facile de ré
soudre les conflits, peut-être ne se
montre-t-il pas d'une perspicacité
infaillible.
Après la conférence, banquet.
Après le banquet, nouveau dis
cours. Cette fois, l'orateur est re
venu au sujet qui tient visiblement
le premier rang de ses préoccupa
tions. Le péril clérical est si grave,
!!■""- , 'I. . 1 . 1
Sue la -République en est malade.
'est M. Bourgeois qui l'a dit. Mais
' il connaît et proclame le remède,
qui consiste à « se serrer les cou
des ». Voilà le traitement que le
chef du précédent cabinet a préco
nisé. En se serrant les coudes, les
vrais démocrates délivreront la Ré
publique du mal qui la mine. Ce
mal qui répand la terreur parmi les
radicaux, mal que le Ciel en sa fu
reur inventa pour punir les crimes
des sectaires, c'est « le mal du ral
liement». M. Bourgeois s'en montre
fort inquiet ; il nous fait ainsi grand
plaisir.
Eh oui, le « ralliement » pourrait
bien, comme il le dit avec une peur
douce à voir, lui défigurer sa Répu
blique. Elle deviendrait si diffé
rente de ce qu'elle est qu'il! ne la
reconnaîtrait plus, et se demande
rait : Vaut-elle encore la peine qu'on
la défende ?... Voilà qui est très
juste. Le « ralliement » vise en ef
fet à nous donner une République
cessant de répondre aux aspirations,
cessant de satisfaire les haines de
M., Bourgeois ; et de ses pareils.
Aussi comprenons-nous fort bien
que tous les ennemis de l'Eglise
viennent se placer en travers. La
conduite des réfractaires s'explique
moins facilement. Persisteront-ils
dans leur attitude, quand les cris
d'alarme de M. Bourgeois et de ses
amis révèlent si nettement que la
secte redoute, par-dessus tout, de
voir les catholiques s'installer à de
meure sur le terrain constitution^
nel ?
P. V.
_~L- ; + : ;
L'ÉLECTION DE M- L'ABBÉ GAYRAUD
i D'après le Matin, qui enregistre les dé
clamations de M. Batiot, les commissaires
enquêteurs seraient disposés à réclamer
l'invalidation de M. l'abbé Gayraud. C'est
en èffet probable... C'était même certain
d'avance ; et tout le monde, les catholi
ques comme les libres-penseurs, con
naissait les arguments qui seraient in
voqués par les commissaires. Il y à dans
les archives de la Chambre des ques
tionnaires, des réponses, des formules
qui ont déjà servi pas mal de fois en fait
d'invalidation pour cause de pression
cléricale. Les enquêteurs auraient pu
faire leur besogne sans prendre la peine
ou le plaisir de rien vérifier sur place. Le
manuel du parfait invalideur est rédigé
depuis longtemps et on en connaît plu
sieurs éditions. Une injustice^ de plus,
une dérision par surcroît, rien de plus fa
cile pour les sectaires. Ils énuméreront
les vieux griefs : abus de l'autorité sa
cerdotale, confusion du ministère reli
gieux et du droit politique. Ils sont bien
dans leur rôle en dénonçant les excès de
pouvoir, eux qui professent que tout leur
est permis!
On proposera donc de prononcer l'in
validation, lorsque les affaires de Pa
nama laisseront quelque répit à la Cham
bre. Si cette mesure injuste et absurde
est décidée, M. l'abbé Gayraud sera réélu
sans aucun doute et avec une plus forte*
majorité. Les sectaires n'auront gagné
qu'une nouvelle leçon. Ils le savent. Ils
n'ont pas même.l'excuse d'être aveuglés
par leur entêtement.
U» quidam qui disait juste
Nous eûmes l'honneur, dans le premier
numéro de l'Univers et. le Monde (28 juil
let 1896), de raconter, sous le titre « Sil
houette avignonnaise », la rencontre que
nous fîmes en chemin de fer d'un.curieux
original, royaliste à tous crins, gesticula-
teur exalté, au demeurant le meilleur
homme du inonde, qui s'entretenait avec
un sien ami des affaires politiques de sa
région.
Dans sa conversation, découpée en
aphorismes tranchants, nous remar
quâmes la phrase suivante, que nous ne
prétendons pas citer textuellement, mais
reproduire exactement quant à son es
sence :
; «Pour être député,il faut avoir'des
dettes; vos créanciers, ne pouvant obtenir
de vous un sou vaillant, font des pieds, et
des mains pour faire réussir votre candi
dature, car, dès que vous êtes député, ils
peuvent vous envoyer l'huissier avec
fruit. »
Nous vîmes surtout là une ingénieuse
boutade, facile à expliquer avec « l'exa
gération du Midi. »
Eh bien ! le cas de Saint-Martin, l'an
cien député d'Avignon, était précisément
un de ceux auxquels faisait allusion notre
singulier compagnon de route.
Ce sont, paraît-il, lés créanciers de
M'; Saint-Martin qui lancèrent jadis sa
candidature, a fin de pouvoir se faire
payer sur ses émoluments législatifs.
Notre gaillard avait dit juste. Il n'y
avait dans son mot ni boutade, ni tarta-
rinade, ni même le « coup de pouce »
tant reproché à un publiciste connu.
Le Nord exagère en se méfiant toujours
des exagérations du Midi.
; G. d 'A.
SHÏÏRMM m JOUSAII in ma
Deux journaux alsaciens, la Colrïiarer
Zeitung et le Volksblatt de Mulhouse,
viennent d'être supprimés en t vertu du
fameux Diciaturparagraph qui donnée
au Statthalter ou gouverneur d'Alsace-
Lorraine pleins pouvoirs de frapper et
de condamner sans appel quiconque a eu
le malheur de déplaire en hnut lieu.
Nous savions la nouvelle depuis plu
sieurs jours, mais ayant eu la candeur
d'en douter malgré tout, nous avions cru
devoir n'en rien dire.
Quel est le crime des deux journaux ?
Ils avaient publié à l'occasion du cente
naire de Guillaume I er le même article
intitulé : Nous n'en sommes pas (wir
machennicht mit), auquel on reproche
« d'avoir insulté ae la plus grossière
façon » l'empereur susnommé, dans le
but « d'inspirer aux Alsaciens-Lorrains
la haine de la maison impériale ». .
Nous avons sous les yeux l'article in
criminé. II est digne et fier, mais il ne
s'y trouve pas trace d'insulte à qui que
ce soit ni d'excitation haineuse contre
personne. Il rappelle les souvenirs du
passé, la guerre où des milliers d'Alsa
ciens-Lorrains ont versé leur sang pour
la France, la guerre qui a causé de si
douloureux déchirements dans presque
toutes les familles du pays et ouvert d'in
nombrables blessures encore saignantes.
Tout en admettant l'obligation qu'ont les
Alsaciens-Lorrains de subir la situation
à eux faite par les" événements de 1870-
1871, l'article en question se refuse à
comprendre qu'on veuille exiger des
Alsaciens-Lorrains une participation, ac
tive aux fête.s du centenaire de l'homme
qui les a faits Allemands contre leur gré
et traités depuis lors en vaincus.
Rien de plus naturel qu'une telle atti
tude. Rien non plus de moins agressif
que le langage dont se sert l'auteur de
l'article, comme en conviennent même
bëaucoup de vieux Allemands en Alsace-
Lorraine et au dehors.
D'ailleurs si ledit article avait bien
réellement contenu les insultes grossières
et les haineux sentiments qu'on prétend
y relever, qui empêchait le gouverne
ment d'Alsace Lorraine d'en saisir la jus
tice et d'en poursuivre la condamnation ?
L'auteur de l'article lui-même eût été
forcé de s'incliner devant la correction
d'un tel procédé et l'on n'eut pu repro
cher au gouvernement qu'une susceptibi
lité peut-être excessive.
D'autre part, la presse bavaroise a pu
blié à la même occasion des articles bien
autrement violents et l'on ne sache pas
qu'elle ait été ou doive être inquiétée.
On voit par là que l'Alsace-Lorraine
est toujours aux yeux des gouvernants
allemands un pays conquis où règne
l'arbitraire, autrement dit la force bru
tale.
L. I.
CORBESPONOiRCE ROMAINE
Rome, le 26 mars.
Pour la quatrième fois depuis la
fête de saint Joseph, le Pape don
nait hier, à l'occasion de la fête de
l'Annonciation, une audience collec
tive à plus de cent personnes, après
les avoir admises à assister à sa
messe. Parmi les assistants, on re
marquait notamment le groupe des
pèlerins d'Amérique dont je vous ai
déjà signalé la présence à Rome, à
leur récent retour de Terre-Sàinte,
sous la conduite de M. Throop. C'est
à ces pèlerins particulièrement qu'a
été réservée la meilleure part de
l'audience. Le Saint-Père a voulu
que chacun d'eux pût approcher de
son trône auprès duquel se tenait le
recteur du collège deç Etats-Unis à
Rome, Mgr O'Connell, pour expo
ser leurs requêtes et leur traduire
les bienveillantes paroles de Sa
Sainteté. M. Throop a présenté au
Saint-Père une calôtte ae soie blan
che, pleine de monnaies d'or, à' ti
tre d'offrande des pèlerins. Sa Sain
teté lui a remis la calotte qu'ElIe
portait, en prenant en échange celle
qui venait de lui être offerte. .
M. Throop, à sa rentrée à l'hôtel
de la Minerve, a été rejoint par un
camérier du Saint-Père, qui lui ap
portait une médaille d'argent, de
celles qui furent fraçpées pour lé
jubilé épiscopal de Léon XIII. ^
C'est la quatrième fois déjà, de
puis sa conversion du protestan
tisme à la suite d'une première aur
dience qu'il obtint de Léon XIII,
que M. Throop revient à Rome. Il a
le projet de revenir, dès l'été pro
chain, avec un pèlerinage plus nom
breux encore que lés précédents.
Une conférence très intéressante
sur l'union des Eglises vient d'être
donnée par S. Em. le cardinal Jaco-
bini à l'Académie de la Religion ca
tholique. L'éminént conférencier a
montré l'opportunité de l'appel pa
pal aux dissidents, eu égard à ce
mouvement universel de fraternité
des peuples dont le Saint-Père par
lait au Sacré-Collège dans le récent
discours du 1 er mars. Au reste, pour
que ce mouvement obtienne l'effet
désiré, il y faut 1& force de cohé
sion que possède la Papauté et qui ■
la porte à convier tous les peuples
à former un seul bercail sous la
houlette,du Pasteur suprême.
Ensuite l'Eme Jacobini, signalant
les motifs d'espérance à l'appui du
grand œuvre de l'union des Eglises,
a^nentionné les conversions qui se
multiplient parmi les protestants,
surtout en Angleterre et en Amé
rique, et parmi les Eglises dissi
dentes d'Orient. Pour ceU'es-ci no
tamment, il a rattaché aux points
suivants les données acquises :
1° Le rétablissement du patriarcat
d'Alexandrie pour les Coptes a ra-»
mené plusieurs milliers de mono-
physites en Egypte à l'union avec
l'Bglise romaine; et c'est aussi
ce qui rendit possible la mission de
Mgr Makaire auprès du souverain
des Coptes d'Abyssinie ; 2° Mgr
. Ebed-.J©su Khayyath, patriarche des.
Chaldéens, a reçu l'abjuration en
masse de plusieurs villages de
nestoriens; 3° Mgr . Joussef, pa
triarche des Grecs-Melchites, a ra
mené à l'union . 6,000 schisma-
tiques et prépare un apostolat de
plus en plus efficace par l'envoi au
collège grec de Rome des lévites de
son patriarcat; 4° Mgr Benham
Benni, patriarche des Syriens ca
tholiques, ' a converti beaucoup de
Syriens jacobites, parmi lesquels
l'évêque ae Diarbékir; 5° Mgr Aza-
rian, patriarche des Arméniens ca
tholiques, qui a su déployer tant de
zèle et de charité au milieu des.
tristes vicissitudes de la nation ar
ménienne, est devenu non seule
ment le refuge de ses nationaux
persécutés, mais aussi le bon pas
teur qui recherche les brebis dis
persées ; et c'est ainsi qu'il a ramené
à l'unité catholique des villages en
tiers d'Arméniens monophysites.
L'Eme Jacobini a conclu en rat
tachant tous ces motifs d'espérance
à la lumière divine qui guide la Pa
pauté et à la grâce spéciale qui mul
tipliera les bienfaits de la magna
nime entreprise de Léon XIII.
LETTRE DE W DE CABRIÈRES
Mgr de Gabrières, évêque de Montpellier,
vient d'adresser la lettre suivante à M. l'ar-
chiprètre de Saint-Nazaire :
Montpellier, le 23 mars 1897.
Cher monsieur l'archiprêtre,
Je regarde comme un devoir de ma
charge de vous remercier publiquement
du secours efficace que vous avez prêté
à nos excellentes religieuses Augustines,
vulgairement appelées Sœurs Jaquettes,
au moment où, contrairement aux prin
cipes .d'égalité, si légitimement chers à
la société moderne, le fisc leur réclamait
une somme écrasante pour leur pau
vreté, et qu'elles ne devaient point.
Rien ne justifie mieux les plaintes que
nous avons fait entendre, les appels réi
térés que nous avons adressés — non pas
à la clémence, — mais à la justice des
pouvoirs publics, que ce qui s'est passé
à Béziers relativement à une congréga
tion religieuse dont la situation précaire
n'est un mystère pour personne. Si vous
n'aviez pas été là, monsieur l'archiprêtre,
pour veiller sur cette humble commu
nauté, et pour réunir d'avance la somme
à peu près nécessaire à l'achat de l'im
meuble qu'on saisissait contre elle, elle
se voyait obligée de perdre une portion
notable des dépendances de son couvent ;
elle ne pouvait plus offrir le logement à
son aumônier, et il lui fallait ou renoncer
au secours, si avantageux au bien des
âmes, de la présence et des services d'un
prêtre, exclusivement attaché aux pau
vres, dont se chargent ces pieuses fem
mes, — ou bien prélever encore sur les
maigres ressources la location d'un ap
partement destiné à remplacer celui qui
aurait été vendu. La preuve la plus évi
dente que nous disions la vérité en affir
mant que la « loi d'abonnement » con
damnerait bientôt nos congrégations à vé
géter et à disparaître, c'est qh'il a fallu
votre initiative et des libéralités nou
velles, sollicitées et recueillies par- vous,
pour assurer à nos Jaquettes la jouissance
tranquille d'une propriété, qui- leur apr-
partenait et qu'on leur avait enlevée pour
en attribuer le prix à l'Etat! — Vous
ayez acheté ce dont vous n'aviez nul be
soin— et c'est vous qui serez contraint
de suppléer à ce que les Soeurs ne pour
raient plus faire.
Le T. R. Père Le Doré, supérieur gé
néral des Eudistes, avait donc mille fois
raison de déclarer à nouveau que « si
les congrégations ne peuvent point plier
devant les lois d'exception tyranniques,
qui portent atteinte aux droits et à la li
berté de l'Eglise, elles ne réclament au
cun privilège, par rapport aux impôts,
elles Teulent subir le sort commun et
prendre leur part proportionnelle dans
les charges publiques ».
Pour vous, cher monsieur l'archiprê
tre; que mon opinion réfléchie, ma cons
cience, les avis des théologiens les plus
éminehts et le sentiment personnel des
plus 'hautes autorités religieuses ont
porté à donner aux congrégations d'hom
mes ou de femmes du diocèse le conseil
de garder vis-à-vis "'de « la loi d'abonne
ment » l'attitûde passive qui réserve tous
leurs droits et, sans insurrection, ap
porte âu gouvernement lé grave avertis
sement des protestations presque unani
mes d'une classe de Français et de Fran
çaises dont l'étranger admire le dévoue
ment et les vertus, je ne puis, monsieur
l'archiprêtre, que vous remercier de ce
que vous avez fait et vous féliciter du gé
néreux ëxemple dont nous vous sommes
redevables.
Puissent toutes les communauté» acca
blées elles aussrde « contraintes » immé
ritées trouver auprès d'ellés des amis
tels que vous, qui les aident aujourd'hui
et leur permettent d'attendre, sans trop
souffrir, l 'heure de la réparation et delà
justice ! Votre noble conduite leur sera
une consolation et un motif d'espé
rance.
Agréez, cher monsieur l'archiprêtre,
la nouvelle assurance de mon dévoue
ment et de mon respect en N. S.
f Fr M arie- A natole,
Evêque de Montpellier.
Nous prions instamment ceux de
nos lecteurs dont l'abonnement expire
le 31 mars de ne pas attendre
plus longtemps pour le renouveler.
Il est nécessaire de joindre à toute
lettre, quel qu'en soit l'objet, une des
dernières bandes d'adresse imprimées,
rectifiée s'il y a lieu •
Edition quotidienne.' — 10,664
Mardi 30 Mars 1897
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS
ET .départements
ïln an.,..;.;.. , 40 »
Six mois...... 21 »
Trois mois.', ■;. .• 11 » :
ÉTRANGER
(union postais)
51 »
96 50
H »
tes abonnements partent des 1« et 16 de chaque xaois
UN NUMÉRO j P ^ 1?is v ... 10 cent.
( Dé parte ments 15 —
BUREAUX .s Paris, nié Cassette, tt
On s'abonne à Rome, place du Qesù, 8
EST
LE MONDE
' ÉDmOÎ SESÏÏ-QUOTIDIENN®
PARIS ÉTRANGER
" ' ' ' bï départements (union-postale)
Bnan » i-26 ».
Six mois.10'. , » • 13 »
Trois.mois:.„„„ 5 » 6 50
>Les abonnements partent des î et et Î6 de e&aqrn.® mai»
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sonï adressés
AWIWOKOES
MM. LAGRANGE, CERF et <>, 6, place de la Bourse
PARIS, 29 MARS 18S7
SOMMAIRE
A propos d'une ten-
dance-,. — F rançois V euillot.
Malade P. V.
Un quidam qui di
sait juste.......... G. D'A.
Suppression de jour
naux en Alsace..; L. I. '
Correspondance ro
maine ***.'
lie Christ': Scène?
évangéliques...... J. L.
Variétés : Bourbons
et Bonapartes..... G eoffroy de G rand-
' ' ' ' maison.
Bulletin. — Nouvelles de Rome. — L'é
lection de M. l'abbé. Gayraud. —Lettre
de Mgr de Cabrières. — L'affaire Arton.
—, A. travers la presse. — Chronique.,—
Lettres, sciences et arts. — >A Notre-
Dame. —Les affaires de Grète. —. Dépê
ches de l'étranger.-— La question, ouvrière.
— Echos de partout. — Nécrologie. — Le
naufrage de la Ville-d.e-Sa.int-Naza.ire.
— Nouvelles diverses. — Calendrier.
Tableau et bulletin de la Bourse. — Der
nière heure. ;
A PROPOS D'il TIDMCE
Dans le dernier numéro de la Re
vue de la Jeunesse catholique, un
travail nous a frappé singulière
ment par la vivacité de son allure
et la spontanéité de son style. Il a
Sour auteur un jeune étudiant, M.
ienri Bazire; il a pour sujet : « L'i
nitiative de pensée et d'action chez
les catholiques », — vaste matière et
souvent délicate.,
Cet article est fort curieux, très
intéressant, non seulement par son
.mérite personnel, .mais encore —
et, à ce titre, il nous a paru bon de
l'étudier ici— par la tendance qu'il
révèle, ou qu'il affirme. Il y a, en
effet, depuis quelques années sur
tout, dans la jeunesse catholique,
une tendance assez puissante et de
plus en plus accentuée ver s...—com
ment exprimer çe qui est vague et
indécis, comment préciser l'impré
cision ? — disons : vers du nouveau.
On veut changer quelque chose, oh
veut infusér uriê'vie plus jeune aux
idées trop vieillies, aux modes d'ac
tion trop usés. Au fond, c'est un
mouvement qui se produit tous les
quinze ou vingt ans et les jeunes
d'aujourd'hui auront leur tour; ils
paraîtront vieux,., quand ils le se
ront, ou même plus tôt.
Cette tendance a quelques dan
gers, sans doute, et aurait besoin
d'être conduite avec un petit grain
de prudence, qui, justement, est, en
général, la qualité qui lui manque
le plus. Il y a là des jeunes gens
hardis et ardents, fort intelligents,
et pourvus de bons yeux, qui voyant
sur la grande mer, houleuse et dé
montée, nos ennemis s'avancer avec
vitesse et vigueur, disent à leurs aî
nés : « La voile est un excellent
moyen de navigation; mais on pour
rait peut-être trouver mieux ; nous
sommes distancés par la flotte ad
verse et nous apercevons que le
large moutonne et gronde avec fu
reur ; déchirons donc la voile et
adoptons un procédé nouveau, plus
rapide et plus fort ! » Le conseil est
sans doute excellent, il dénote un
esprit sûr, ouvert aux idées, sa
chant comprendre les besoins du
temps. Mais...mais il faut,pour rem
placer la voile, avoir inventé la va
peur. Il y en a beaucoup, parmi les
jeunes, qui oublient absolument ce
petit détail. C'est là le danger de
cette tendance, au fond très natu
relle et très bonne, et — mepermet-
tra-t-ôn ce mot personnel ? — dont
je. suis, étant encore au nombre des
« jeunes », assez partisan.
Quant à M. Bazire, il ne prétend
pas avoir inventé la vapeur ; mais
il n'est pas de, caux^qui.négligent cë
point, ni de ceux, non plus, qui veu
lent déô,hirer la voile,immédiatement.
Il ne faut pas, écrit-il, «rejeter toutes
les vieilles idées, parce qu'elles sont
vieilles, ni accepter les nouvelles sans
examen. » Il se contenté, pour lui,
dé, montrer, la tendance actuelle
des jeunes gens, de l'expliquer et
de la justifier, enfin de proposer^
quelques conseils, qui ne sont cer
tes pas à dédaigner.. ,
Il est prudent, presque timide en
certains endroits; même, au début,
on sent qu'il-est un peu effrayé de sa
hardiesse et des idées révolution
naires qu'il va faire éclater dans un
milieu très conservateur. Il se pré
sente avec un déguisement, il ima
gine un certain « cahier bleu », qu'il
a ramassé sur lfe trottoir et qu'il a
eu l'indiscrétion d'ouvrir et de feuil
leter ; il cite, un long morceau du
cahier bleu, et à l'abri de ce couvert
candide, il lâche, tout, d'un coup, ses
plus fortes énormités; puis il recon
naît que l'auteur du cahier, bleu exa
gère; il remarque cependant qu'il y
a du vrai dans ces exagérations;
enfin, après toutes ces précautions,
il se lance; et il en arrive bientôt,
enhardi peu à peu, à émettre des
idées aussi audacieuses pour le
moins que les idées du cahier bleu.
Tout cela est enlevé, d'ailleurs, avec
beaucoup d'esprit, de finesse et de
bon goût; je crois que ceux-là
mêmes à qui le fond déplaira, seront
charmés de la forme.
Donc, au sortir du cahier bleu,
M. Bazire entreprend les jeûnes
gens catholiques, qui s'enlisent dans
la mollesse ou dans l'inaction ; il a
des vigueurs et des railleries contre
ceux-là surtout qui croient avoir
fait leur devoir, parce qu'au collège,
ils étaient de « bons enfants» et que,
dans le monde, ils se sont bien vite
rangés et enfermés dans le cercle
étroit des « gens bien pensants ».
On sent que ces honnêtes formules
agacent fortement M. Bazire : il es
timé, et avec raison, qu'aujourd'hui
il ne suffit plus d'être bon pour soi et
de vivre très sage en un milieu bien
Capitonné ; à son avis, au contraire,
il faut agir au dehors, lutter par la
parole et par l'action, affronter
réunions et manifestations, montrer
toujours et partout de l'initiative et
de l'énergie. « Comme le disait Louis
Veuillot, que je ne me lasse ; pas.de
citer, : s'écrie-t-il : « Ceux qui ai-
« ment Dieu et ne se font pas. huer,
« pourquoi parlent-ils? »
Contre les jeunes dilettantes qui
se réfugient dans l'art pur et dé
daignent l'action, M. Bazire a la
même .indignation, saine et géné
reuse, — lui qui, pourtant, montre,
en plus d'un passage, un esprit
vraiment artiste. A ceux-là, c'est
encore un mot de « notre maître
Veuillot » qu'il oppose avec éner
gie: « La question n'est pas de
faire de la littérature ; il faut, en hâte
et d'une main hardie, arracher le
masque du mensonge, balafrer le
plus avant possible la face inso
lente de l'impiété. ».
, Il faut avouer que M. Bazire, ■—
on voit qu'il a oublié les précautions
du cahier bleu p - t ~ ne se contente
point de gourmander ses camarades ;
il ne craint pas de s'attaquer aux
anciens. Il est spirituellement cruel
contre les inventeurs du « fameux
plan, qui nous a si bien réussi » et
qui consiste, dit-il, un peu injuste
ment peut-être, à déclarer, en très
beaux discours, que l'on versera
tout son sang,.. « cependant qu'on
reoule sans cesse pour prendre des
poses toujours plus nobles ». « Ce
n'est pas notre sang, s'écrie-t-il en-
suice, avec vivacité, mais avec bon
sens, que l'Eglise et la patrie nous
demandent aujourd'hui, mais la
quotidienne générosité d'un tra
vail obscur ! » M. Bazire en veut
aussi très fort aux catholiques « sec
taires » ; oui, sectaires. Il hésite un
peu à' lancer ce mot qui lui semble
un peuraide et un peu dur 1 ; mais
dès qu'il l'a prononcé, il y appuie
et il l'explique : ils sont « sectaires,
dit-il, les catholiques qui suppri
ment leur aumône au denier de
Saint-Pierre depuis certaine ency
clique pontificale... » ; et il nous
semble, en vérité, qu'il a joliment
raison, M. Bazire.
Mais le remède ? allez-vous de
mander. La vapeur qui doit rem
placer la voile ? — Attendez un peu.
M. Bazire y songe. Il croit que, —
non le remède unique et souverain,
mais un remède efficace et sûr
serait un changement profondj dans
le moule usé de l'éducation que re
çoit notre jeunesse. Il rend hom
mage à cette éducation, sans doute,
à qui nous devons « ce que nous
avons'en nous de meilleur » ; mais
il pense — et c'est une pensée
qu'il faut creuser avec soin —
qu'elle ne répond plus aux besoins
modernes. : Elle est trop symbolisée,
selon lui, au physique et au moral,
par le culte du cache-nez et la peur
des courants d'air. Il faut, à son
avis, que les enfants qui formeront
la génération de demain, qui auront
à soutenir les grands combats d'un
très proche avenir j soient « élevés le
plus possible au grand air de l'idée,
pour se former une poitrine large,
une intelligence ouverte, une vo
lonté robuste ». Il y a dans cette
phrase un peu de vague et d'impré
cision, à coup' sûr ; mais il y a aussi,
en' ces quelques mots, une idée,
une idée de plus en plus répandue,
qui mérite examen.
. ; François Veuillot.
VULLETIPÇ
On ne s'occupe, on né parle que de
l'affaire Arton, des « panamistes » pour
suivis, de ceux qui mériteraient ■ de
l'être et qui le seront peut-être dès au
jourd'hui. '
Nos lecteurs trouveront plus loin de
longs détails sur cette « question du
jour » : ils. verront notamment que la
commission des poursuites' s'est réunie
hier, qu'elle a entendu M. le juge Le
Poittevin et qu'elle a décidé d'accorder
aux magistrats la suspension de l'immu
nité.parlementaire eji ce qui cqncerne
les trois députés visés. La Chambre, dé
cidera aujourd'hui.
Hier, M. Bourgeois a prononcé à.
Chartres un discours auquel ses amis
voudraient donner un certain retentis
sement: nous apprécions plus loin cette
manifestation oratoire du leader radi
cal.
Les dépêches de Crète ne signalent pas
d'amélioration sensible dans l'état gé
néral. D'autre part> les nouvelles de
Thessalie sont toujours inquiétantes.
Hier a eu lieu en Italie le scrutin de
ballottage pour les élections législatives :
les résultats actuellement connus sont
en majorité favorables, aù gouvernement.
: — j
NOUVELLES DE ROME
Rome, 27 mars.
Le Saint-Père a.reçu, hier, Mgr Bales-
tea,! évêque d'Acqui en Piémont; puis
M. van Eetvelde, secrétaire d'Etat du
Congo belge ; aujourd'hui, Mgr, Henri
Gabriels, évêque d'Ogdensbourg (pro
vince ecclésiastique de New-York).
On annonce pour après Pâques l'arri-
.vée à Rome de S. Em. le cardinal Vau-
ghan qui viendrait conférer avec le Sou
verain Pontife au sujet des prochaines
fêtes centenaires de saint Thomas de Can-
torbéry et aussi relativement à la ré
ponse collective de l'épiscopat catholi
ques d'Angleterre à la lettre des archevê
ques anglicans sur les ordinations.
En attendant; le R. Pi Bernard Vau-
ghan, frère de Son Eminence et actuelle
ment à Rome, où il exerce le saint minis
tère dans l'église de Saint-Sylvestre-m-
Capite, vient de donner dans cette église,
en présence d'un nombreux auditoire de
catholiques et de protestants anglais,une
intéressante conférence, où l'orateur a
exposé en détail les lacunes essentielles
de l'Ordinal substitué à l'ancien rituel.
Les auditeurs nombreux et divers qui
assistaient à la conférence du R. P. Vau-
ghan en ont été vivement impression
nés.
— La doctrine catholique sur le sacre
ment de mariage vient d'être de nouveau
exposée dans un document du Saint-
Siège adressé à Mgr l'évêque de Malte,
relativement aux dispositions de la loi ci
vile sur le mariage. Il faut, dit le docu
ment, que ces dispositions soient confor
mes en tout aux lois de l'Eglise ; et c'est
aussi le seul moyen d'aviser à la tran
quillité des consciences et à la paix des
familles.
— Une lettre de Washington à l'Osser-
vatore Romano rétablit la vérité sur ,un
incidentdénaturéàplaisir par la Trïbuna.
Celle-ci avait attribué au délégué apos
tolique Mgr Martinelli des paroles bles
santes à l'adresse des émigrants italiens
qui, à leur tour, auraient vivement ré
clamé auprès de lui. Or Mgr Martinelli
avait, au contraire, pris la défense des
Italiens en général, sous le rapport de la
culture intellectuelle," et cela en réponse
à-un journaliste américain qui avait cru
pouvoir juger du degré de leur instruc
tion d'après tels émigrants pauvres et
ignorants. Il est faux également, quoi
qu'en ait dit la Tribuna, que Mgr Marti
nelli, à la demande de quelques-uns de
ces émigrants, aurait dû rétracter, les
paroles susdites et quitter précipitam
ment la Nouvelle-Orléans où il s'était
rendu. La vérité est qu'avant de partir,
au jour fixé, Mgr Martinelli a voulu
donner une nouvelle preuve de sa solli
citude envers ses nationaux en célébrant
la messe dans leur église de Saint-
Antoine de Padoue et en laissant un gé
néreux secours à leurs oeuvres de bienfai
sance. -
— Hier soir a eu lieu une nombreuse
et brillante réception à l'ambassade de
France près du Saint-Siège.
L'ambassadeur en faisait les honneurs
avec Mme et Mlle Poubelle.
■Huit cardinaux, parmi lesquels
LL. EEm. ftampolla et Vannutelli, de
nombreux prélats, le corps diplomatique
accrédité auprès du Vatican, beaucoup de
personnes appartenant à l'aristocratie
romaine et à la colonie française étaient
présents.
MALADE
•T'I • t *■ • T * » . " « :
Tout occupé du péril clérical, et
travaillant ferme à le conjurer, M.
Bourgeois, dans ses discours ambu
lants, ne parlait plus, depuis quel
ques semaines, de l'impôt sur le re
venu, que M. Doumer semblait avoir
emporté,ni dé la revision. Hier,dans
lïaprès-midi, à Chartres,, il a repris
ces deux points du programme.ra-
dical. L'impôt « dégressif »'lui appa
raît toujours comme le remède sou
verain qui nous rendra la prospéri
té, l'équilibre et la justice. Quant au
mode d'application, si malaisé à
établir, l'orateur continue de négli
gence détail. Lucide,"l'ancien pré
sident du conseil a la prétention de
Pêtrfe. Il y a cependant des difficul
tés qu'il n'éluçide pas.
Ce qu'il* attend de l'impôt sur le
revenu dans l'ordre financier, M.
Bourgeois l'attend de la prévision
dans l'ordre politique. Il veut que
le suffrage universel soit le maître,
véritablement. Et pour , cela, il de
mande l'élection directe des séna
teurs par le peuple. Ainsi, les deux
Chambres auraient même origine.
Conséquence forcée, elles rece
vraient des. droits égaux. Si l'an
cien président du conseil estime
qu'il serait alors plus facile de ré
soudre les conflits, peut-être ne se
montre-t-il pas d'une perspicacité
infaillible.
Après la conférence, banquet.
Après le banquet, nouveau dis
cours. Cette fois, l'orateur est re
venu au sujet qui tient visiblement
le premier rang de ses préoccupa
tions. Le péril clérical est si grave,
!!■""- , 'I. . 1 . 1
Sue la -République en est malade.
'est M. Bourgeois qui l'a dit. Mais
' il connaît et proclame le remède,
qui consiste à « se serrer les cou
des ». Voilà le traitement que le
chef du précédent cabinet a préco
nisé. En se serrant les coudes, les
vrais démocrates délivreront la Ré
publique du mal qui la mine. Ce
mal qui répand la terreur parmi les
radicaux, mal que le Ciel en sa fu
reur inventa pour punir les crimes
des sectaires, c'est « le mal du ral
liement». M. Bourgeois s'en montre
fort inquiet ; il nous fait ainsi grand
plaisir.
Eh oui, le « ralliement » pourrait
bien, comme il le dit avec une peur
douce à voir, lui défigurer sa Répu
blique. Elle deviendrait si diffé
rente de ce qu'elle est qu'il! ne la
reconnaîtrait plus, et se demande
rait : Vaut-elle encore la peine qu'on
la défende ?... Voilà qui est très
juste. Le « ralliement » vise en ef
fet à nous donner une République
cessant de répondre aux aspirations,
cessant de satisfaire les haines de
M., Bourgeois ; et de ses pareils.
Aussi comprenons-nous fort bien
que tous les ennemis de l'Eglise
viennent se placer en travers. La
conduite des réfractaires s'explique
moins facilement. Persisteront-ils
dans leur attitude, quand les cris
d'alarme de M. Bourgeois et de ses
amis révèlent si nettement que la
secte redoute, par-dessus tout, de
voir les catholiques s'installer à de
meure sur le terrain constitution^
nel ?
P. V.
_~L- ; + : ;
L'ÉLECTION DE M- L'ABBÉ GAYRAUD
i D'après le Matin, qui enregistre les dé
clamations de M. Batiot, les commissaires
enquêteurs seraient disposés à réclamer
l'invalidation de M. l'abbé Gayraud. C'est
en èffet probable... C'était même certain
d'avance ; et tout le monde, les catholi
ques comme les libres-penseurs, con
naissait les arguments qui seraient in
voqués par les commissaires. Il y à dans
les archives de la Chambre des ques
tionnaires, des réponses, des formules
qui ont déjà servi pas mal de fois en fait
d'invalidation pour cause de pression
cléricale. Les enquêteurs auraient pu
faire leur besogne sans prendre la peine
ou le plaisir de rien vérifier sur place. Le
manuel du parfait invalideur est rédigé
depuis longtemps et on en connaît plu
sieurs éditions. Une injustice^ de plus,
une dérision par surcroît, rien de plus fa
cile pour les sectaires. Ils énuméreront
les vieux griefs : abus de l'autorité sa
cerdotale, confusion du ministère reli
gieux et du droit politique. Ils sont bien
dans leur rôle en dénonçant les excès de
pouvoir, eux qui professent que tout leur
est permis!
On proposera donc de prononcer l'in
validation, lorsque les affaires de Pa
nama laisseront quelque répit à la Cham
bre. Si cette mesure injuste et absurde
est décidée, M. l'abbé Gayraud sera réélu
sans aucun doute et avec une plus forte*
majorité. Les sectaires n'auront gagné
qu'une nouvelle leçon. Ils le savent. Ils
n'ont pas même.l'excuse d'être aveuglés
par leur entêtement.
U» quidam qui disait juste
Nous eûmes l'honneur, dans le premier
numéro de l'Univers et. le Monde (28 juil
let 1896), de raconter, sous le titre « Sil
houette avignonnaise », la rencontre que
nous fîmes en chemin de fer d'un.curieux
original, royaliste à tous crins, gesticula-
teur exalté, au demeurant le meilleur
homme du inonde, qui s'entretenait avec
un sien ami des affaires politiques de sa
région.
Dans sa conversation, découpée en
aphorismes tranchants, nous remar
quâmes la phrase suivante, que nous ne
prétendons pas citer textuellement, mais
reproduire exactement quant à son es
sence :
; «Pour être député,il faut avoir'des
dettes; vos créanciers, ne pouvant obtenir
de vous un sou vaillant, font des pieds, et
des mains pour faire réussir votre candi
dature, car, dès que vous êtes député, ils
peuvent vous envoyer l'huissier avec
fruit. »
Nous vîmes surtout là une ingénieuse
boutade, facile à expliquer avec « l'exa
gération du Midi. »
Eh bien ! le cas de Saint-Martin, l'an
cien député d'Avignon, était précisément
un de ceux auxquels faisait allusion notre
singulier compagnon de route.
Ce sont, paraît-il, lés créanciers de
M'; Saint-Martin qui lancèrent jadis sa
candidature, a fin de pouvoir se faire
payer sur ses émoluments législatifs.
Notre gaillard avait dit juste. Il n'y
avait dans son mot ni boutade, ni tarta-
rinade, ni même le « coup de pouce »
tant reproché à un publiciste connu.
Le Nord exagère en se méfiant toujours
des exagérations du Midi.
; G. d 'A.
SHÏÏRMM m JOUSAII in ma
Deux journaux alsaciens, la Colrïiarer
Zeitung et le Volksblatt de Mulhouse,
viennent d'être supprimés en t vertu du
fameux Diciaturparagraph qui donnée
au Statthalter ou gouverneur d'Alsace-
Lorraine pleins pouvoirs de frapper et
de condamner sans appel quiconque a eu
le malheur de déplaire en hnut lieu.
Nous savions la nouvelle depuis plu
sieurs jours, mais ayant eu la candeur
d'en douter malgré tout, nous avions cru
devoir n'en rien dire.
Quel est le crime des deux journaux ?
Ils avaient publié à l'occasion du cente
naire de Guillaume I er le même article
intitulé : Nous n'en sommes pas (wir
machennicht mit), auquel on reproche
« d'avoir insulté ae la plus grossière
façon » l'empereur susnommé, dans le
but « d'inspirer aux Alsaciens-Lorrains
la haine de la maison impériale ». .
Nous avons sous les yeux l'article in
criminé. II est digne et fier, mais il ne
s'y trouve pas trace d'insulte à qui que
ce soit ni d'excitation haineuse contre
personne. Il rappelle les souvenirs du
passé, la guerre où des milliers d'Alsa
ciens-Lorrains ont versé leur sang pour
la France, la guerre qui a causé de si
douloureux déchirements dans presque
toutes les familles du pays et ouvert d'in
nombrables blessures encore saignantes.
Tout en admettant l'obligation qu'ont les
Alsaciens-Lorrains de subir la situation
à eux faite par les" événements de 1870-
1871, l'article en question se refuse à
comprendre qu'on veuille exiger des
Alsaciens-Lorrains une participation, ac
tive aux fête.s du centenaire de l'homme
qui les a faits Allemands contre leur gré
et traités depuis lors en vaincus.
Rien de plus naturel qu'une telle atti
tude. Rien non plus de moins agressif
que le langage dont se sert l'auteur de
l'article, comme en conviennent même
bëaucoup de vieux Allemands en Alsace-
Lorraine et au dehors.
D'ailleurs si ledit article avait bien
réellement contenu les insultes grossières
et les haineux sentiments qu'on prétend
y relever, qui empêchait le gouverne
ment d'Alsace Lorraine d'en saisir la jus
tice et d'en poursuivre la condamnation ?
L'auteur de l'article lui-même eût été
forcé de s'incliner devant la correction
d'un tel procédé et l'on n'eut pu repro
cher au gouvernement qu'une susceptibi
lité peut-être excessive.
D'autre part, la presse bavaroise a pu
blié à la même occasion des articles bien
autrement violents et l'on ne sache pas
qu'elle ait été ou doive être inquiétée.
On voit par là que l'Alsace-Lorraine
est toujours aux yeux des gouvernants
allemands un pays conquis où règne
l'arbitraire, autrement dit la force bru
tale.
L. I.
CORBESPONOiRCE ROMAINE
Rome, le 26 mars.
Pour la quatrième fois depuis la
fête de saint Joseph, le Pape don
nait hier, à l'occasion de la fête de
l'Annonciation, une audience collec
tive à plus de cent personnes, après
les avoir admises à assister à sa
messe. Parmi les assistants, on re
marquait notamment le groupe des
pèlerins d'Amérique dont je vous ai
déjà signalé la présence à Rome, à
leur récent retour de Terre-Sàinte,
sous la conduite de M. Throop. C'est
à ces pèlerins particulièrement qu'a
été réservée la meilleure part de
l'audience. Le Saint-Père a voulu
que chacun d'eux pût approcher de
son trône auprès duquel se tenait le
recteur du collège deç Etats-Unis à
Rome, Mgr O'Connell, pour expo
ser leurs requêtes et leur traduire
les bienveillantes paroles de Sa
Sainteté. M. Throop a présenté au
Saint-Père une calôtte ae soie blan
che, pleine de monnaies d'or, à' ti
tre d'offrande des pèlerins. Sa Sain
teté lui a remis la calotte qu'ElIe
portait, en prenant en échange celle
qui venait de lui être offerte. .
M. Throop, à sa rentrée à l'hôtel
de la Minerve, a été rejoint par un
camérier du Saint-Père, qui lui ap
portait une médaille d'argent, de
celles qui furent fraçpées pour lé
jubilé épiscopal de Léon XIII. ^
C'est la quatrième fois déjà, de
puis sa conversion du protestan
tisme à la suite d'une première aur
dience qu'il obtint de Léon XIII,
que M. Throop revient à Rome. Il a
le projet de revenir, dès l'été pro
chain, avec un pèlerinage plus nom
breux encore que lés précédents.
Une conférence très intéressante
sur l'union des Eglises vient d'être
donnée par S. Em. le cardinal Jaco-
bini à l'Académie de la Religion ca
tholique. L'éminént conférencier a
montré l'opportunité de l'appel pa
pal aux dissidents, eu égard à ce
mouvement universel de fraternité
des peuples dont le Saint-Père par
lait au Sacré-Collège dans le récent
discours du 1 er mars. Au reste, pour
que ce mouvement obtienne l'effet
désiré, il y faut 1& force de cohé
sion que possède la Papauté et qui ■
la porte à convier tous les peuples
à former un seul bercail sous la
houlette,du Pasteur suprême.
Ensuite l'Eme Jacobini, signalant
les motifs d'espérance à l'appui du
grand œuvre de l'union des Eglises,
a^nentionné les conversions qui se
multiplient parmi les protestants,
surtout en Angleterre et en Amé
rique, et parmi les Eglises dissi
dentes d'Orient. Pour ceU'es-ci no
tamment, il a rattaché aux points
suivants les données acquises :
1° Le rétablissement du patriarcat
d'Alexandrie pour les Coptes a ra-»
mené plusieurs milliers de mono-
physites en Egypte à l'union avec
l'Bglise romaine; et c'est aussi
ce qui rendit possible la mission de
Mgr Makaire auprès du souverain
des Coptes d'Abyssinie ; 2° Mgr
. Ebed-.J©su Khayyath, patriarche des.
Chaldéens, a reçu l'abjuration en
masse de plusieurs villages de
nestoriens; 3° Mgr . Joussef, pa
triarche des Grecs-Melchites, a ra
mené à l'union . 6,000 schisma-
tiques et prépare un apostolat de
plus en plus efficace par l'envoi au
collège grec de Rome des lévites de
son patriarcat; 4° Mgr Benham
Benni, patriarche des Syriens ca
tholiques, ' a converti beaucoup de
Syriens jacobites, parmi lesquels
l'évêque ae Diarbékir; 5° Mgr Aza-
rian, patriarche des Arméniens ca
tholiques, qui a su déployer tant de
zèle et de charité au milieu des.
tristes vicissitudes de la nation ar
ménienne, est devenu non seule
ment le refuge de ses nationaux
persécutés, mais aussi le bon pas
teur qui recherche les brebis dis
persées ; et c'est ainsi qu'il a ramené
à l'unité catholique des villages en
tiers d'Arméniens monophysites.
L'Eme Jacobini a conclu en rat
tachant tous ces motifs d'espérance
à la lumière divine qui guide la Pa
pauté et à la grâce spéciale qui mul
tipliera les bienfaits de la magna
nime entreprise de Léon XIII.
LETTRE DE W DE CABRIÈRES
Mgr de Gabrières, évêque de Montpellier,
vient d'adresser la lettre suivante à M. l'ar-
chiprètre de Saint-Nazaire :
Montpellier, le 23 mars 1897.
Cher monsieur l'archiprêtre,
Je regarde comme un devoir de ma
charge de vous remercier publiquement
du secours efficace que vous avez prêté
à nos excellentes religieuses Augustines,
vulgairement appelées Sœurs Jaquettes,
au moment où, contrairement aux prin
cipes .d'égalité, si légitimement chers à
la société moderne, le fisc leur réclamait
une somme écrasante pour leur pau
vreté, et qu'elles ne devaient point.
Rien ne justifie mieux les plaintes que
nous avons fait entendre, les appels réi
térés que nous avons adressés — non pas
à la clémence, — mais à la justice des
pouvoirs publics, que ce qui s'est passé
à Béziers relativement à une congréga
tion religieuse dont la situation précaire
n'est un mystère pour personne. Si vous
n'aviez pas été là, monsieur l'archiprêtre,
pour veiller sur cette humble commu
nauté, et pour réunir d'avance la somme
à peu près nécessaire à l'achat de l'im
meuble qu'on saisissait contre elle, elle
se voyait obligée de perdre une portion
notable des dépendances de son couvent ;
elle ne pouvait plus offrir le logement à
son aumônier, et il lui fallait ou renoncer
au secours, si avantageux au bien des
âmes, de la présence et des services d'un
prêtre, exclusivement attaché aux pau
vres, dont se chargent ces pieuses fem
mes, — ou bien prélever encore sur les
maigres ressources la location d'un ap
partement destiné à remplacer celui qui
aurait été vendu. La preuve la plus évi
dente que nous disions la vérité en affir
mant que la « loi d'abonnement » con
damnerait bientôt nos congrégations à vé
géter et à disparaître, c'est qh'il a fallu
votre initiative et des libéralités nou
velles, sollicitées et recueillies par- vous,
pour assurer à nos Jaquettes la jouissance
tranquille d'une propriété, qui- leur apr-
partenait et qu'on leur avait enlevée pour
en attribuer le prix à l'Etat! — Vous
ayez acheté ce dont vous n'aviez nul be
soin— et c'est vous qui serez contraint
de suppléer à ce que les Soeurs ne pour
raient plus faire.
Le T. R. Père Le Doré, supérieur gé
néral des Eudistes, avait donc mille fois
raison de déclarer à nouveau que « si
les congrégations ne peuvent point plier
devant les lois d'exception tyranniques,
qui portent atteinte aux droits et à la li
berté de l'Eglise, elles ne réclament au
cun privilège, par rapport aux impôts,
elles Teulent subir le sort commun et
prendre leur part proportionnelle dans
les charges publiques ».
Pour vous, cher monsieur l'archiprê
tre; que mon opinion réfléchie, ma cons
cience, les avis des théologiens les plus
éminehts et le sentiment personnel des
plus 'hautes autorités religieuses ont
porté à donner aux congrégations d'hom
mes ou de femmes du diocèse le conseil
de garder vis-à-vis "'de « la loi d'abonne
ment » l'attitûde passive qui réserve tous
leurs droits et, sans insurrection, ap
porte âu gouvernement lé grave avertis
sement des protestations presque unani
mes d'une classe de Français et de Fran
çaises dont l'étranger admire le dévoue
ment et les vertus, je ne puis, monsieur
l'archiprêtre, que vous remercier de ce
que vous avez fait et vous féliciter du gé
néreux ëxemple dont nous vous sommes
redevables.
Puissent toutes les communauté» acca
blées elles aussrde « contraintes » immé
ritées trouver auprès d'ellés des amis
tels que vous, qui les aident aujourd'hui
et leur permettent d'attendre, sans trop
souffrir, l 'heure de la réparation et delà
justice ! Votre noble conduite leur sera
une consolation et un motif d'espé
rance.
Agréez, cher monsieur l'archiprêtre,
la nouvelle assurance de mon dévoue
ment et de mon respect en N. S.
f Fr M arie- A natole,
Evêque de Montpellier.
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