Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-02-21
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 février 1897 21 février 1897
Description : 1897/02/21 (Numéro 10626). 1897/02/21 (Numéro 10626).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Dimanche 21 Février 1897
Edition quotidienne. — 1 10,626
Dimanche 21 Février 1897
ÉlTXCTÎCiN QUOTIDIENNE
" . * . ' .PARIS
■et départements'
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C io , 6, place de la Bourse
PARIS, 2Q FÉVRIER Ï8S7
SOMMAIRE
Les maisons de cor- , < .
rection...... François Veuillot.
Çà et là : Mêmes
mots, autres idées. Eugène Veuillot.
Un mot...... E. V.
En Orient F. L.
An Sénat.... ...... J. Mantenaï. j ,
Lettres d'Autriche.. G. ■
Correspondance ro
maine............ ***.
Musique G. de Boisjosljn.
Bulletin du jour. — Nouvelles de Rome.
— Lès aveux. '— A la Semaine de Rayon
ne. — Le droit d'accroissement. — La
sonnerië des cloches. — Informations po
litiques et parlementaires.— Lés scan
dales. — Le trafic des cartes pour l'Hô
tel de Ville. A travers la presse. —
Chronique. — Lettres, sciences et arts.
— A l'Institut catholique. — Les affaires
de f Crète. — 'Dépêches dé l'étranger. —
La question ouvrière. — ; Echos, de par
tout. — Tribunaux. — Nouvelles di
verses. — Calendrier. — Tableau et bul
letin de la Bourse. — Dernière heure.
les
MAISONS DE CORRECTION
Nous-avons parlé, voici quelques
jours, des maisons 'dè 'correction ;
nous avons dit le sort navrant des
petits malhèureux qui tombent, in
nocents, dans ce que Louis Veuillot
stigmatisait du nom vigoureux de
« pourrissoir » et qui, plus tard, en
sortent.gangrenés. Quand on réflé
chit que la justice arrache au vaga
bondage, a un foyer - malsain et
corrupteur, à la mendicité j tous ces
pauvres enfants ; qu'elle a l'intention
et la prétention de les garder du
vice et des milieux criminels ; et
que, la plupart du temps, au con
traire, étouffant en eux les germes
de vertu qui, pouvaient y rester en
core, elle y fait lever les semences
de mal qu'une détestable athmos-
phèreyavait jetées, — on ne sait
plus quel sentiment vous étreint le
cœur avec plusd'énergie.de la pitié,
de l'horreur ou de la stupéfaction.
Et, alors,on redit ce mot que le dé
sordre social où nous" vivons fait si
souvent monter du cœur aux lèvres
des honnêtes gens, impuissants et
navrés devant le mal qui règne : « Il
y a quelque chose à faire !»
: Sans doute, on se laisserait en
traîner par une exagération senti
mentale et susceptible, plutôt, de
nuire à la cause que l'on veut dé
fendre, si l'on présentait le plus
grand" nombre des enfants, jetés à
Lamaison de correction, comme des
innocents dont, l'âme est encore in
tacte et saine. Hélas! en général, ils
sont déjà profondément atteints.
Mais, parce que le vice ambiant les
a pénétrés, souvent .presquë à leur
insu, est-ce une raison pour les;
abandonner à la terrible invasion du
mal ? A leur âge,"ils sont évidemment
très guérissables : alors, pourquoi
donc, au lieu de travailler par tous
lës moyerïs à lèur guérison, au lieu
de les entourer des sQins moraux
les plus vigilants et les plus délicats,
pourquoi les jeter dans une atmos
phère où leur guérison devient
presque impossible ?
Des réformes profondes sont né
cessaires, urgentes, dans les mai
son» de correction. Il, faut — et
ceci est du dévoir de l'Etat — les
assainir et les moraliser. La mai
son de correction est, en ^ fait, une
prison d'enfants ; elle doit perdre
ce caractère et devenir, pour les pe
tits malheureux, abandonnés, .une
sorte d'infirmerie morale. Et nous
n'avons garde d'oublier, en parlant
ainsi, la nécessité de traiter les plus
corrompus de ces pauvres enfants
par les moyens rigoureux que leur
état réclame. Ainsi, à l'hôpitaly on
use quelquefois, pour dompter cer
taines maladies, de Vémëdes Vio
lents.
M. Coppée a fait paraître, il y a
quelques mois, -sur les maisons de
correction, un roman qui saisit - vi
vement l'intérêt du lecteur et qui*
jusqu'au fond, lurétreint l'âme. Il y
trace un tableau navrant du bagne
enfantin. Un prêtre qui les connaît
bien, ces tristes prisons, pour les
avoir étudiées de près et pour y
avoir, exercé son ministère, nous si
gnalait à ce propos « la déscription
si vraie, prise sur le vif » (les'souli
gnements sont de lui ), qu'en donne
ce roman, le Coupable. Et notre cor
respondant nous faisait observer
c(ue le célèbre académicien, qui
garde au fond 'de l'aine un senti
ment de respect sincère envers la
religion, reconnaissait que l'éduca
tion pénitentiaire pèche par la base,
én tenant ' éloignéë I'ijlée morale et
religieuse, .11 est désolant, en effet,
de constater la place amoindrie
qu'on y laisse à ; l'aumônier. Or, il
tombe sous le sens commun qu'un
aumônier relégué dans une position
inférieure est a .peu près réduit à
l'impuissance. II suffit qu'il ne soit
point tespècté par les'directeurs,
{>our qù'il ëoffr aussitôt, méprisq pafc
es..enfants. C'est une insigne dé-
îoyautéqUe. d'entretenir unaumô-
■ tiiër 'dansf dèW'ftïaisons d'éducation^
quand on l'abaisse au niveau des
plus modestes employés ; car c'est
enseigner aux enfants le dédain du
.prêtre.
Ainsi, nous touchons du doigt le
vice capital- des maisons de correc
tion et nous distinguons la réforme
nécessaire. Il faut confier à la reli
gion les malheureux, enfants qu'on
est contraint d'y enfermer. M. Guil-
lot, —le juge d'instruction qui < s'est
dévoué, avec tant d'intelligence e'
d'ardeur, à '.l'enfance malheureuse
et que son expérience, à défaut dé
la foi catholique, a conduit à criti-
querla laïcité scolaire, — écrivait un
jour que la religion seule était assez
puissante pour exercer une réelle
action sur les esprits enfantins *.
Vidée du devoir abstrait, la solidar
rité humaine et les plus belles théo
ries sont incapables j déclarait-il, in
capables radicalement, de les in
fluencer, de combâtt're chez eux la
tentation qui bout dans les artères.
Cette constatation qui est pour
nous, chrétiens, une vérité bien con
nue,est,chez .M.Guillot le fruit d'unè
longue étude ; et M.Guillotl'applique
à Tenlancê en général. Or, combien
plus vraie n'est-elle pas, plus indé
niable même, en| ce qui concerne
les petits malheureux venant à
tomber dans les maisons de correc
tion! Parquelle force morale, hormis
la foi rèligieusè, eâpère-t-on en
chaîner l'instinct du vice éveillé,
avant le temps, au fond de leur pau
vre âmè enfantine ? Il faut que, dans
ces maisons ou l'éducation moralé
est tout, l'aumônier soit le chef; et
nous irions volontiers-, quant à
nous, jusqu'à demander que les
maisons de correction fussent toutes
confiées à des religieux.
Tel est, nous semble-t-il, le pre
mier devoir de l'Etat. 'Mais chacun
de nous, en cette matière, est tenu
d'apporter son concours à cette
œuvre urgente, a la guérison morale
des petits abandonnés/Sans doute,
on à déjà fait beaucoup dans ce
sens ; en maints endroits, des hom
mes généreux se sont levés, des
maisons privées ont été établies,
des sociétés se sont constituées.
Mais, malheureusement, les efforts
tentés dans cette voie n'ont jamais
été bien connus du public catho
lique. Un excellent rapport,présenté
au congrès de Reims par M. l'abbé
Reynaud, se plaignait que les so
ciétés de patronages formées pour
venir au secours des pauvres pe
tits, ne fuissent pas assez impré
gnées de l'esprit chrétien, si néces
saire' à leur bon succès. Et pour
quoi en est-il de la sorte, sinon
parce que les catholiques ne se
sont pas dévoués à Ces institutions,
en nombre assez grand, pour y
exercer une influence puissante et
salutaire ? Il faut donc jeter dans
cette voie, encore mal explorée par
nous; l'ardeur et" la charité catholi
ques. ' „
De vastes sociétés, réunissant les
bonnes volontés éparses et impuis
santes par leur dispersion, peuvënt
avoir une action très efficace. Elles
peuvent exercer, sur les petits va
gabonds, sur lès petits mendiants,
sur les enfants dont l'âme sè po'ûr-
rit'dahs un foyer malsain, unë sur
veillance très utile, én quelque sorte,
une protection préventive : _ elles
peuvent aussi lès réclamer, quand
ces malheureux sont traînés devant
le tribunal, afin de les placer dans
quelque famille honnête où l'on en
fera ae bons chrétiens ; 'elles peu
vent eftfin les diriger sur les établis
sements privés que de généreux
bienfaiteurs ont créés, çà et 'là, en
nombre trop minime et dont lés 'ko- *
ciétés dont nous parlons pourraient,
d'ailleurs, étendre l'influence et ac
croître la quantité.
Car des établissements sont fon
dés et fonctionnent depuis long- f
temps, ôù les enfants, arrachés à un
milieu pestilentiel, trouvent "les
soins matériels et moraux qui les
transforment en bons travailleurs,,
en honnêtes chrétiens. Quand nous '
disions qu'il fallait assainir et mora
liser les maisons de correction,'nous »
avions plans l'esprit des modèles vi
vants. Il ne faut pas les oublier
guand on parle des « pourrissoirs » ;
v flétrir sans exception les co-
onies,pénitentiaires, on risquerait,
en effet, de discréditer ceux qui.
font une saine et utile besogne et j
sont inspirés de sentiments chré- j
tiens. L'aumônier d'une colonie,
dè ce genre, — où il a, du moins, le t
rang qui permet à.son dévouement'
généreux et intelligent d'exercer
me féconde action, — nous écrivait
"'autre jour à ce propos : il se plai
gnait qùe M. Coppée n'eût pas "su.,
établir' cette distinction nécessaire !
et nous laissait voir une certaine '
inquiétude au sujet de nos propres
intentions. Nous tenons à le rassu
rer. En flétrissant les maisons de
correction qui, par l'absence du 1
rein et de l'aiguillon religieux, mé
ritent le nom de « pourrissoirs »,
nous voulons surtout attirer l'atten
tion/, puis l'action,, dé; nos lecteurs
vers les trop" rarès colonies qui res
semblent à la maison dont son zèle
et son ardeur ont fait un modèle.
Nous serions heureux d'y avoir
un peu : contribué par- cet ar
ticle. ' • >
François Veuillot.
«BULLETIN DU JQUR
Les dépêches de la Canée nous annon
cent que les Grecs, débarqués en Crète,
ont attaqué le fort de Vonholiés, défendu
par une garnison turque,et que, dans ce
premier engagement, ils ont été viôto-
rie ux.
Les escadres des puissances continuent
le blocus de la Crète. On igrtore encore
ce que les cabinets eurûpéèns ànt décidé
en ce qui concerne la grande ' île que se
disputent Grecs et Turcs: ; les négocia
tions se poursuivent. La proposition
faite par l'Allemagne, d'une intervenu
tion contre le gouvernement hellénique
n'a pas ùbtenu l'assentiment unanime
des puissances et l'Angleterre vient de
faire à son tour une proposition. Les
nations européennes suivront-elles do
cilement le ministère britannique? C'est
la question du jour— qui peut avoir
de graves conséquences pour un avenir,
même rapproché. .
Aujourd'hui ,à îâ ' Chambré, interpel
lation de M. Jules Guesde sur i"expul
sion des socialistès allemands. On an
nonce que le gouvernement acceptera
l'ordre du jour pur et simple comme
sanction à ce débat.
Le Sénat a consacré hier toute sa sé>
ance aux dernières élections sénato
riales de la Haute-Garonne. M. Constans
a été déclaré élu;
M. Morel a déposé son rappbrt sur le
budget de 1897 et la Haute Assemblée
discutera la semaine prochaine — ï.
n'est que temps — la loi de finances de
cette-année.
Hier, à la cour ' d'assises de là Seine,
dans l'affaire du crime de la rue des
Archives, il s'èst produit un incident
dont nos lecteurs trouveront plus loin le
récit et qui laisse entrevoir pourquoi les
erreurs judiciaires sont encore assez frè
quentes.
Les Espagnols viennent de remporter
un important succès aux Philippines :
ils ont pris la ville de Silang.
Çà et là
mêmes Mots. — autres idees
La Semaine religieuse du diocèse de
Cambrai et de M. l'abbé Delassus, tau
jours prête à nous chercher noise, a pris
texte ou prétexte de mon désaccord avec
m. l'abbé de Pascal sur la signification
politique actuelle du mot « démocratie »,
pour me donner une leçon d'étymologie,
en quoi cependant sa compétence paraît
courte. Je la cite avec les soulignements
qu'elle a jugés propres à rendre plus sail
lante sa 'pensée :
L'Univers objecte que les termes de « dé
mocrate » et de « {démocratie » ont, depuis
la Révolution, changé sensiblement de
sens ;-il déclare ne -pas trouver d'inconvé
nient à -ce que -les -catholiques l'adoptent,
du moment qu'ils définissent nettement
dans lequel de ces sens ils le prennent et
de quelle manière ils entendent l'appliquer
dans la pratique.
Notre avis est qu?on n'a pas, grammati
calement, le droit d'user d'un mot dans un
sens autre que le sens usuel, dût-on avertir
le public du nouveau sens adopté.
Ce procédé est encore' plus incorrect
quand la sens nouveau contredit à l'origine
historique et étymologique du mot en ques
tion.
M. l'abbé Delassus dit que grammati
calement on n'a pas le droit d'user d'un
mot dans un autre sens que le sens
usuel. ,
D'abord la grammaire réglant plutôt
la construction des phrases qu'elle ne
fixe le sens des,mots, il s'ensuit qu'use
phrase peut être correcte-grammaticale-
ment et contenir cependant des mots
dont le sens est discutable.
Ensuite c'est justement du sens usuel
que font application les « abbés démo
crates» fen donnant au mot démocratie
le sens qn'il a repris de nos jours. J'a
joute que ce sens actuel , remonte à l'ori
gine même du mot et lyi rend sa vraie
signification.
Qu'est-ce^ en effet, que la démocratie,
d'après l'étymologie et le bon seris ?
Est-ce le désordre, 'la démagogie, le
socialisme, le radicalisme, la révolution?
^6n. Ce n'est pas même nécessaîremènt
la république ; c'est une forme gouver
nementale, une organisation politique où >
l'élément populaire; agissant selon des
règles, des institutions déterminées, est
prépondérant et dispose en principe du
pouvoir.
Voyons, n'est-ce pas là le vrai sens du
mot et n'est-ce pas là que nous en som
mes? Une grande partie de l'Europe et
toute l'Amérique n'en sont-elles pas là
également?AuxEtats-Unis le démocrate,
c'est le modéré, le conservateur, presque
le rétrograde, et on l'oppose au répu
blicain.
Que démocrate au temps de la Révo
lution ait été à peu près synonyme de
démagogue, de sans-culotte, c'est natu
rel ; qu'il ait longtemps conservé ce *
sens, rien de plus facile à comprendre.
'L'esprit de parti est coutumier de ces'
exagérations. Mais le moment est venu
m'en finir, surtout quand «o'n invoque,■»
comme le docte M. Delassus, l'étymo
logie.
: Poui^uoi vouloir laisser aux mots de la
langue' politique une signification qu'ils
n'ont plus ? La sagesse et la justice corn*
mandent d'accepter à leur sujet, les modi
fications nées du temps, ou des événe
ments, ou du goût, comme on l'a fait
pour tant de mots d'un ordre différent,
les uns n'ayant plus de sens, les au
tres ayant pris, un sens nouveau.
«Libertin», resté un mot flétrissant,
ne flétrit plus aujourd'hui ce qu'il flétris
sait lors de là formation classique de là
langue française. Notre grand siècle lit
téraire appelait libertin le catholique
enclin à marchander sur tel ou tel point
son obéissance aux. décisions ou direc
tions de Rome. Ce libertin pouvait être
homme de bonnes mœurs, de bonne te
nue, instruit et même pieux. On eût dit
alors d'ûn réfractaire : c'est un libertin.
Aujourd'hui le libertin est un débauché,
affichant ses mauvaises mœurs et n'ayant
nul #ouci des choses religieuses. Que di
rait M. l'abM Delassus si dans les ré-
fractaires et semi-réfractaires, ses amis
ou protégés, nous dénoncions des liber
tins, comme il dénonce, lui, dans les dé
mocrates d'aujourd'hui, des révolution
naires?
Qu'il serait donc facile de lui rappeler
que des mots,maintenant très importants
et très Usuels, n'ont plus le sens qu'ils
avaient à une époque où l'on en faisait
également grand usage et où déjà "la lan
gue était formée. Par exemple, amant et
màîtresseont-ils dans le théâtre d'Alexan
dre D.umas et chez les gens du monde le
sens qu'ils avaient > dans le théâtre de
Racine et dans la société polie de ce
temps ?
La Bruyère a écrit sur ces mouve
ments de la langue quelques pages pro
pres à établir que, pour rendre pleine
ment la signification de certains mots, il
faut donner la date de leur emploi. Cela
est bien plus commandé sur le, terrain
politique que sur le " terrain littéraire. En
effet, confondre dans la langue politique
eourante le démagogue avec le démo
crate, fût-il chrétien, c'est fausser ab
solument les situations présentes. Du
reste les réf'ractaires ne gagneront à
s'y entêter ; que de passer du faux au
ridicule. La sélection est faite pour
quiconque est indépendant des vieux
partis, et même pour la foule. Le mot
« démocrate » a repris son vrai sens.
Appeler l'avènement de la « démocratie
chrétienne » ce n'est pas se lier aux
radicaux, aux socialistes ; c'est accepter
par raison de patriotisme l'ordre politi
que sorti des fautes de nos monarchies
autant que de l'esprit révolutionnaire,
et vouloir l'organiser en lui donnant pour
appui le respect complet et pratique de
l'ordre religieux.
Eugène Veuillot.
UN MOT
Nous avons publié dans l'un de
nos derniers numéros une lettre de
M. le chanoine Jaspar contre un ar
ticle de I3, Semaine religieuse de
Cambrai,intitulé, Ex-religieux. Cette
lettre n'est pas la seule que .nous
ayons reçue à ce sujet. D'autres
nous ontj été adressées : celles-ci
dans le même sens, celles-là, blâ
mant aussi le sentiment auquel la
Semaine paraît avoir obéi, mais ap
prouvante fond de sa thèse.
Nos correspondants nous per-
mettrontde ne pas donner suite à
cè, débat. Il est pour sûr, en lui-
même, important et intéressant,
ùnais le. fait à propos duquel il se
iproduit lui donnerait un caractère
particulier. On aurait beau vouloir se-
Itenir sur le terrain doctrinal, on n'y
Iréussirait point. Des préoccupa
tions personnelles (mettraient de la partie. Nous n'é-
Iprouvonspas le besoin de donner,
icette suite à la polémique que l'élec
tion de Brest a soulevée.
Nous croyons que cette réserve
plaira à tout le monde, particulière-,
ment au savant et excellent reli
gieux, notre ami, qui nous, parle en
: si bons termes des devoirs qu?en-
traîne la. profession religieuse et
nous explique si bien qu'il serait
fâcheux ae pousser trop avant le dé- :
bat engagé par M. l'abbé Delassus.
Cet avis est très juste. Il fallait si
gnaler une sortie acrimonieuse dont
la presse réfractaire s'est réjouie;
ce serait un tort de s'y arrêter.
■■■ E. V. "
NOUVELLES DE ROME
Nous, recevons la dépêche sui
vante :
Rome. 20 février (midi).,
Aujourd'hui, anniversaire de son élec
tion, S. S. Léon XIII a inauguré la ving
tième année de son pontificat dans des
conditions de santé tout à fait' satisfai
santes, et qui promettent encore de longs
jours. D'innombrables félicitations lui
sont parvenues de tous les points du
monde catholique.
Rome, 18 février.
L'évèque d'Âoste, Mgr Duc, récem-
! m"ent arrivé à "Rome pour "la visit e ad iï-
mina, a été reçu aujourd'hui en audience
privée par le Saint-Père.
— Le R. P. Brichet, procureur du sé
minaire français, qui avait été atteint
d!uné .pneumonie, est entré désormais en
pleine convalescence. Ses nombreux
amis de Rome et de France seront heu
reux de le voir continuer, avec la ûou-
velle ardeur dont il se montre déjà ani
mé, lès utiles services qu'il rend à sa
congrégation et au séminaire de Banta
Chiara.
EN ORIENT
La situation en Orient ne s'est
pas aggravée, mais on ne peut pas
dire'que les symptômes rassurants
aient gagné en forcé et en nombre.
Les points inquiétants gardent
toute leur acuité.
En Crète, les troupes grecques
sont décidément aux prises avec les
musulmans ;c'est la guerre déclarée
à la domination turque dans la per
sonne de ses soutiens naturels.
Pendant ce temps, des croiseurs
anglais et italiens donnent la chasse
aux navires qui téhtent de ravi
tailler les forcés helléniques.
A. Athènes, on. continue de faire
la sourde oreille aux représenta
tions du concert européen et l'on y
poursuit énergiquement les prépa
ratifs belliqueux.
Enfin, à Constantinople, on pour
suit également, soit des concentra
tions ae troupes, soit dès arme
ments nouveaux.
Tout cela se fait sous les yeux
des représentants de l'Europe, qui
multiplient les objurgations pacifi
ques à l'adresse de la Turquie et de
la Grèce, mais sans autre succès que
d'obtenir que les faits de guerre qui
se sont déjà'produits entre ces deux
puissances ne soient pas jugés suf
fisants pour interrompre officielle
ment l'état de paix.
Cette Europe est elle-même di
visée, comme nous l'avons déjà dit,
au sujet des mesures coërcitives
demandées par l'empereur d'Alle
magne contre la Grece ; et la con
naissance de ces divisions n'est pas
faite pour décourager le gouverne
ment hellénique.
A l'occasion des. mesures propo
sées par l'Allemagne, lord Salisbu-
ry vient, dit-on, d'adresser aux au=
très grandes puissances une note
pour leur demander,avant toute dé
cision à prendre vis-à-vis de la Grèce,
de s'entendre sur l'organisation fu
ture de la Crète, estimant qu'elle ne
saurait être replacée purement et
simplement sous la domination di
recte de la Turquie, même avec les
réformes précédemment accordées,
lesquelles, par la marche des événe
ments sont devenues insuffisantes.
En conséquence, il propose d'éri
ger la Crète en principauté auto
nome, mais gouvernée pàr un
prince, nommé par le Sultan. Si ce
projet était adopté on paraît «roire
Sue les Grecs s'empresseraient de
éférer aux volontés de l'Europe et
de renoncer à leurs projets d'an
nexion.
A en juger par l'ensemble des
nouvelles qui-nous viennent d'Athè
nes, rien ne nous- paraît moins cer
tain que le bien fondé de cette es
pérance, à moins peut-être que dans
l'arrière-pensée ae lord Salisbury
le futur prince de Crète ne soit né
cessairement un prince grec.
En résumé, si la situation,; en
Orient, est restée sensiblement la
même depuis quelques jours, elle
n'a pas cessé d'être inquiétante.
F. L.
AU SENAT
L'élection de la Haute-Garonne.
C'était prévu : l'élection de MM
Abeille, Ournac et Camparan a été
validée, puis M. Constans a été pro
clamé élu — aux applaudissements
du centre;—par 203 voix contre 41;
mais pour arriver à ce résultat qui
ne faisait doute pour personne, il a
"allu subir une séance aussi longue
que fastidieuse.
M. de Verninac, chargé de com
battre les conclusions au 'rapport
au nom de la gauche démocratique,
a ouvert le feu. Ce radical qui est,
lar parenthèse, fort peu démo
crate, car il est très entiché de sa
petite noblesse, a " commencé par
léclarer qu'il avait toujours com-
îattu la candidature officielle, et
sous l'empire, et sous... M. Mé-
"ine; il examine longuement (trop
onguemint!) la question d,es bul-
etins troués et maculés, affirme
que, dans toute cette affaire, on né.
voit que doute et contestation, et
ermine en disant qu'il faut ren
voyer l'élection.au seul juge com-
îétent : le corps électoral.
La péroraison de M. de Verninac
soulève les bravos de l'extrême
gauche : -
— Il n'est paspossible,dit-il,qu'un
îomine comme M. Constans, qui a
bué un rôle aussi considérable dans
l'histoire de son pays, veuille ren-«
trer au Sénat par l'entrebâillement
d'une porte bâtarde. ;
M. Guérin* l'ex-garde des sceaux,
monte à son tour à la tribune. Il es
time qu'il y a là une simple ques
tion (l'arithmétique. Si l'on annule
le bulletin troué— et on n'a pas le
droit de le ; compter r-r si l'on attri
bue à M. Constans un bulletin sur
lequel son nom a été inscrit au-
dessous d'un autre nom raturé —
et on n'a pas le droit de ne point le
lui attribuer -r- M. Constans a in
contestablement la majorité. Quant
à la pression administrative, elle ne
s'est point exercée, au dire de l'ora
teur, en faveur de M. Constans ;
mais, en revanche, la police locale*
les autorités locales ont soutenu les
adversaires de l'ancien ministre.
M. Cordelet, rapporteur, parle
dans le même sens. Après avoir
protesté contre les attaques dont
il a été l'objet de la part de la
presse radicale, il retrace, avec un
soin méticuleux, tout ce qu'a fait
le premier bureau et explique qu'il
ne pouvait honnêtement conclure
autrement qu'il nel'afait.Au sujet de
la pression administrative qui s'est
groduite en -faveur, non de M.
onstans, mais de ses adversaires,
le rapporteur cite certains faits. Il
montre, notamment, une voiture
poursuivie par la foule parce qu'on
croit que M. Constans s'y trouve,
sans que la police intervienne.
M. Cordelet descend enfin de la
tribune. Il est remplacé par M.
Abeille et aussitôt les auditeurs
somnolents se réveillent, s'agitent,
sourient. C'est que le nouvel ora
teur est un bon gros méridional,
dont la gaieté relevée par l'assent
a de la saveur, et qui défend sa cose
avec beaucoup de verve :
— Ce n'est pas nous, s'écrie-t-il,ce
sont' nos adversaires qui ont terro
risé !
— On n'a pas arrêté votre voi
ture ! observe M. Guérin.
— Je ne vais pas en voiture 1 ri
poste M. Abeille.
On rit. Décidément, ce méridional
va égayer un peu la séance. Il était
temps.
Quant à la soirée donnée à la pré
fecture de Toulouse et pendant la
quelle le préfet « mitonna » une
petite cuisine entre les délégués sé
natoriaux et certains candidats,
cette réunion n'eut point d'impor
tance. Il ne se produisit aucun in
cident. Ah î si, dit M. Abeille, au
buffet, un invité, levant son verre,
s'écria : « Je bois à Panama ! » (Nou
veaux rires.)
— Cela dut jeter un froid! crie
M. de Lamarzelle.
Les rires redoublent.
M. Abeille arrive au fameux bul
letin troué : « Il était si sale, dit-il
avec bonhomie, qu'il a dû se trouer
lui-même. »
L'hilarité du Sénat ne connaît plus
de bornes.
L'orateur finit en déclarant que,
selon lui, M. Constans n'est point
élu.
Le dernièr, M. Milliard prend la
parole. Examinant la question au
simple point de vue du droit, il con
clut à la proclamation de M. Cons
tans.
On procède au scrutin. Nous en
avons donné, en commençant, le ré
sultat.
Après cette longue discussion,
l'ordre du jour appelait la suite de
la seconde délibération sur les vins
artificiels, mais il était six heures,
les sénateurs étaient las : on a ren
voyé ce débat à lundi.
J. Màntenay.
LETTRES D'AUTRICHE
Vienne, 16 février.
Les hommes d'Etat autrichiens affec
tent de croire que les élections générales
du conseil de l'Empire qui auront lieu au
mois de mars cachent de grandes sur
prises. Suivant eux, la cinquième curie
dite du suffrage universel n'est rien
moins que l'instrument d'une nouvelle
orientation de la politique intérieure de
l'Autriche. Ils sont tentés de répéter la
phrase célèbre de ce député anglais :
aJNous faisons un saut dans les ténè
bres. » Le fait est que les adieux de la
Chambre des députés ont été bien mélan
coliques et qu'un vague sentiment d'ef
froi a présidé aux séances finales de la
haute assemblée ainsi que des clubs des
différents partis. Plusieurs hommes d'E
tat de la vieille génération ont suivi
l'exemple donné autrefois par M. de Ple-
ner. Ils ont dit adieu à la vie parlemen
taire, pleins de lassitude et de dégoût.
Ce fut d'abord M. de Chlumecky, pré
sident de la Chambre des députés. Cet
ancien ministre de tous les cabinets libé
raux, cet Autrichien avant tout de l'é
cole de 1848 et des lois de mai 1866 au
rait été_ évidemment un' dépaysé, un
anachronisme vivant dans cette Cham
bre réformée par le comte Badeni, et qui
allait voir surgir les deux spectres du
socialisme et du slavisme plus menaçants.
que jamais. M. de Chlumecky est donc
rentré définitivement dans la vie privée
Edition quotidienne. — 1 10,626
Dimanche 21 Février 1897
ÉlTXCTÎCiN QUOTIDIENNE
" . * . ' .PARIS
■et départements'
Un an.. 4Q »
Six mois 2i »
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ÉTRANGER
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Les abonnements partent dès 1" et 16 de obaqnèaoîs
UN NUMÉRO i Paris............... 10 cent.
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On s'ahoiine'à Rofiûe, place du Gesù, 8
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C io , 6, place de la Bourse
PARIS, 2Q FÉVRIER Ï8S7
SOMMAIRE
Les maisons de cor- , < .
rection...... François Veuillot.
Çà et là : Mêmes
mots, autres idées. Eugène Veuillot.
Un mot...... E. V.
En Orient F. L.
An Sénat.... ...... J. Mantenaï. j ,
Lettres d'Autriche.. G. ■
Correspondance ro
maine............ ***.
Musique G. de Boisjosljn.
Bulletin du jour. — Nouvelles de Rome.
— Lès aveux. '— A la Semaine de Rayon
ne. — Le droit d'accroissement. — La
sonnerië des cloches. — Informations po
litiques et parlementaires.— Lés scan
dales. — Le trafic des cartes pour l'Hô
tel de Ville. A travers la presse. —
Chronique. — Lettres, sciences et arts.
— A l'Institut catholique. — Les affaires
de f Crète. — 'Dépêches dé l'étranger. —
La question ouvrière. — ; Echos, de par
tout. — Tribunaux. — Nouvelles di
verses. — Calendrier. — Tableau et bul
letin de la Bourse. — Dernière heure.
les
MAISONS DE CORRECTION
Nous-avons parlé, voici quelques
jours, des maisons 'dè 'correction ;
nous avons dit le sort navrant des
petits malhèureux qui tombent, in
nocents, dans ce que Louis Veuillot
stigmatisait du nom vigoureux de
« pourrissoir » et qui, plus tard, en
sortent.gangrenés. Quand on réflé
chit que la justice arrache au vaga
bondage, a un foyer - malsain et
corrupteur, à la mendicité j tous ces
pauvres enfants ; qu'elle a l'intention
et la prétention de les garder du
vice et des milieux criminels ; et
que, la plupart du temps, au con
traire, étouffant en eux les germes
de vertu qui, pouvaient y rester en
core, elle y fait lever les semences
de mal qu'une détestable athmos-
phèreyavait jetées, — on ne sait
plus quel sentiment vous étreint le
cœur avec plusd'énergie.de la pitié,
de l'horreur ou de la stupéfaction.
Et, alors,on redit ce mot que le dé
sordre social où nous" vivons fait si
souvent monter du cœur aux lèvres
des honnêtes gens, impuissants et
navrés devant le mal qui règne : « Il
y a quelque chose à faire !»
: Sans doute, on se laisserait en
traîner par une exagération senti
mentale et susceptible, plutôt, de
nuire à la cause que l'on veut dé
fendre, si l'on présentait le plus
grand" nombre des enfants, jetés à
Lamaison de correction, comme des
innocents dont, l'âme est encore in
tacte et saine. Hélas! en général, ils
sont déjà profondément atteints.
Mais, parce que le vice ambiant les
a pénétrés, souvent .presquë à leur
insu, est-ce une raison pour les;
abandonner à la terrible invasion du
mal ? A leur âge,"ils sont évidemment
très guérissables : alors, pourquoi
donc, au lieu de travailler par tous
lës moyerïs à lèur guérison, au lieu
de les entourer des sQins moraux
les plus vigilants et les plus délicats,
pourquoi les jeter dans une atmos
phère où leur guérison devient
presque impossible ?
Des réformes profondes sont né
cessaires, urgentes, dans les mai
son» de correction. Il, faut — et
ceci est du dévoir de l'Etat — les
assainir et les moraliser. La mai
son de correction est, en ^ fait, une
prison d'enfants ; elle doit perdre
ce caractère et devenir, pour les pe
tits malheureux, abandonnés, .une
sorte d'infirmerie morale. Et nous
n'avons garde d'oublier, en parlant
ainsi, la nécessité de traiter les plus
corrompus de ces pauvres enfants
par les moyens rigoureux que leur
état réclame. Ainsi, à l'hôpitaly on
use quelquefois, pour dompter cer
taines maladies, de Vémëdes Vio
lents.
M. Coppée a fait paraître, il y a
quelques mois, -sur les maisons de
correction, un roman qui saisit - vi
vement l'intérêt du lecteur et qui*
jusqu'au fond, lurétreint l'âme. Il y
trace un tableau navrant du bagne
enfantin. Un prêtre qui les connaît
bien, ces tristes prisons, pour les
avoir étudiées de près et pour y
avoir, exercé son ministère, nous si
gnalait à ce propos « la déscription
si vraie, prise sur le vif » (les'souli
gnements sont de lui ), qu'en donne
ce roman, le Coupable. Et notre cor
respondant nous faisait observer
c(ue le célèbre académicien, qui
garde au fond 'de l'aine un senti
ment de respect sincère envers la
religion, reconnaissait que l'éduca
tion pénitentiaire pèche par la base,
én tenant ' éloignéë I'ijlée morale et
religieuse, .11 est désolant, en effet,
de constater la place amoindrie
qu'on y laisse à ; l'aumônier. Or, il
tombe sous le sens commun qu'un
aumônier relégué dans une position
inférieure est a .peu près réduit à
l'impuissance. II suffit qu'il ne soit
point tespècté par les'directeurs,
{>our qù'il ëoffr aussitôt, méprisq pafc
es..enfants. C'est une insigne dé-
îoyautéqUe. d'entretenir unaumô-
■ tiiër 'dansf dèW'ftïaisons d'éducation^
quand on l'abaisse au niveau des
plus modestes employés ; car c'est
enseigner aux enfants le dédain du
.prêtre.
Ainsi, nous touchons du doigt le
vice capital- des maisons de correc
tion et nous distinguons la réforme
nécessaire. Il faut confier à la reli
gion les malheureux, enfants qu'on
est contraint d'y enfermer. M. Guil-
lot, —le juge d'instruction qui < s'est
dévoué, avec tant d'intelligence e'
d'ardeur, à '.l'enfance malheureuse
et que son expérience, à défaut dé
la foi catholique, a conduit à criti-
querla laïcité scolaire, — écrivait un
jour que la religion seule était assez
puissante pour exercer une réelle
action sur les esprits enfantins *.
Vidée du devoir abstrait, la solidar
rité humaine et les plus belles théo
ries sont incapables j déclarait-il, in
capables radicalement, de les in
fluencer, de combâtt're chez eux la
tentation qui bout dans les artères.
Cette constatation qui est pour
nous, chrétiens, une vérité bien con
nue,est,chez .M.Guillot le fruit d'unè
longue étude ; et M.Guillotl'applique
à Tenlancê en général. Or, combien
plus vraie n'est-elle pas, plus indé
niable même, en| ce qui concerne
les petits malheureux venant à
tomber dans les maisons de correc
tion! Parquelle force morale, hormis
la foi rèligieusè, eâpère-t-on en
chaîner l'instinct du vice éveillé,
avant le temps, au fond de leur pau
vre âmè enfantine ? Il faut que, dans
ces maisons ou l'éducation moralé
est tout, l'aumônier soit le chef; et
nous irions volontiers-, quant à
nous, jusqu'à demander que les
maisons de correction fussent toutes
confiées à des religieux.
Tel est, nous semble-t-il, le pre
mier devoir de l'Etat. 'Mais chacun
de nous, en cette matière, est tenu
d'apporter son concours à cette
œuvre urgente, a la guérison morale
des petits abandonnés/Sans doute,
on à déjà fait beaucoup dans ce
sens ; en maints endroits, des hom
mes généreux se sont levés, des
maisons privées ont été établies,
des sociétés se sont constituées.
Mais, malheureusement, les efforts
tentés dans cette voie n'ont jamais
été bien connus du public catho
lique. Un excellent rapport,présenté
au congrès de Reims par M. l'abbé
Reynaud, se plaignait que les so
ciétés de patronages formées pour
venir au secours des pauvres pe
tits, ne fuissent pas assez impré
gnées de l'esprit chrétien, si néces
saire' à leur bon succès. Et pour
quoi en est-il de la sorte, sinon
parce que les catholiques ne se
sont pas dévoués à Ces institutions,
en nombre assez grand, pour y
exercer une influence puissante et
salutaire ? Il faut donc jeter dans
cette voie, encore mal explorée par
nous; l'ardeur et" la charité catholi
ques. ' „
De vastes sociétés, réunissant les
bonnes volontés éparses et impuis
santes par leur dispersion, peuvënt
avoir une action très efficace. Elles
peuvent exercer, sur les petits va
gabonds, sur lès petits mendiants,
sur les enfants dont l'âme sè po'ûr-
rit'dahs un foyer malsain, unë sur
veillance très utile, én quelque sorte,
une protection préventive : _ elles
peuvent aussi lès réclamer, quand
ces malheureux sont traînés devant
le tribunal, afin de les placer dans
quelque famille honnête où l'on en
fera ae bons chrétiens ; 'elles peu
vent eftfin les diriger sur les établis
sements privés que de généreux
bienfaiteurs ont créés, çà et 'là, en
nombre trop minime et dont lés 'ko- *
ciétés dont nous parlons pourraient,
d'ailleurs, étendre l'influence et ac
croître la quantité.
Car des établissements sont fon
dés et fonctionnent depuis long- f
temps, ôù les enfants, arrachés à un
milieu pestilentiel, trouvent "les
soins matériels et moraux qui les
transforment en bons travailleurs,,
en honnêtes chrétiens. Quand nous '
disions qu'il fallait assainir et mora
liser les maisons de correction,'nous »
avions plans l'esprit des modèles vi
vants. Il ne faut pas les oublier
guand on parle des « pourrissoirs » ;
v flétrir sans exception les co-
onies,pénitentiaires, on risquerait,
en effet, de discréditer ceux qui.
font une saine et utile besogne et j
sont inspirés de sentiments chré- j
tiens. L'aumônier d'une colonie,
dè ce genre, — où il a, du moins, le t
rang qui permet à.son dévouement'
généreux et intelligent d'exercer
me féconde action, — nous écrivait
"'autre jour à ce propos : il se plai
gnait qùe M. Coppée n'eût pas "su.,
établir' cette distinction nécessaire !
et nous laissait voir une certaine '
inquiétude au sujet de nos propres
intentions. Nous tenons à le rassu
rer. En flétrissant les maisons de
correction qui, par l'absence du 1
rein et de l'aiguillon religieux, mé
ritent le nom de « pourrissoirs »,
nous voulons surtout attirer l'atten
tion/, puis l'action,, dé; nos lecteurs
vers les trop" rarès colonies qui res
semblent à la maison dont son zèle
et son ardeur ont fait un modèle.
Nous serions heureux d'y avoir
un peu : contribué par- cet ar
ticle. ' • >
François Veuillot.
«BULLETIN DU JQUR
Les dépêches de la Canée nous annon
cent que les Grecs, débarqués en Crète,
ont attaqué le fort de Vonholiés, défendu
par une garnison turque,et que, dans ce
premier engagement, ils ont été viôto-
rie ux.
Les escadres des puissances continuent
le blocus de la Crète. On igrtore encore
ce que les cabinets eurûpéèns ànt décidé
en ce qui concerne la grande ' île que se
disputent Grecs et Turcs: ; les négocia
tions se poursuivent. La proposition
faite par l'Allemagne, d'une intervenu
tion contre le gouvernement hellénique
n'a pas ùbtenu l'assentiment unanime
des puissances et l'Angleterre vient de
faire à son tour une proposition. Les
nations européennes suivront-elles do
cilement le ministère britannique? C'est
la question du jour— qui peut avoir
de graves conséquences pour un avenir,
même rapproché. .
Aujourd'hui ,à îâ ' Chambré, interpel
lation de M. Jules Guesde sur i"expul
sion des socialistès allemands. On an
nonce que le gouvernement acceptera
l'ordre du jour pur et simple comme
sanction à ce débat.
Le Sénat a consacré hier toute sa sé>
ance aux dernières élections sénato
riales de la Haute-Garonne. M. Constans
a été déclaré élu;
M. Morel a déposé son rappbrt sur le
budget de 1897 et la Haute Assemblée
discutera la semaine prochaine — ï.
n'est que temps — la loi de finances de
cette-année.
Hier, à la cour ' d'assises de là Seine,
dans l'affaire du crime de la rue des
Archives, il s'èst produit un incident
dont nos lecteurs trouveront plus loin le
récit et qui laisse entrevoir pourquoi les
erreurs judiciaires sont encore assez frè
quentes.
Les Espagnols viennent de remporter
un important succès aux Philippines :
ils ont pris la ville de Silang.
Çà et là
mêmes Mots. — autres idees
La Semaine religieuse du diocèse de
Cambrai et de M. l'abbé Delassus, tau
jours prête à nous chercher noise, a pris
texte ou prétexte de mon désaccord avec
m. l'abbé de Pascal sur la signification
politique actuelle du mot « démocratie »,
pour me donner une leçon d'étymologie,
en quoi cependant sa compétence paraît
courte. Je la cite avec les soulignements
qu'elle a jugés propres à rendre plus sail
lante sa 'pensée :
L'Univers objecte que les termes de « dé
mocrate » et de « {démocratie » ont, depuis
la Révolution, changé sensiblement de
sens ;-il déclare ne -pas trouver d'inconvé
nient à -ce que -les -catholiques l'adoptent,
du moment qu'ils définissent nettement
dans lequel de ces sens ils le prennent et
de quelle manière ils entendent l'appliquer
dans la pratique.
Notre avis est qu?on n'a pas, grammati
calement, le droit d'user d'un mot dans un
sens autre que le sens usuel, dût-on avertir
le public du nouveau sens adopté.
Ce procédé est encore' plus incorrect
quand la sens nouveau contredit à l'origine
historique et étymologique du mot en ques
tion.
M. l'abbé Delassus dit que grammati
calement on n'a pas le droit d'user d'un
mot dans un autre sens que le sens
usuel. ,
D'abord la grammaire réglant plutôt
la construction des phrases qu'elle ne
fixe le sens des,mots, il s'ensuit qu'use
phrase peut être correcte-grammaticale-
ment et contenir cependant des mots
dont le sens est discutable.
Ensuite c'est justement du sens usuel
que font application les « abbés démo
crates» fen donnant au mot démocratie
le sens qn'il a repris de nos jours. J'a
joute que ce sens actuel , remonte à l'ori
gine même du mot et lyi rend sa vraie
signification.
Qu'est-ce^ en effet, que la démocratie,
d'après l'étymologie et le bon seris ?
Est-ce le désordre, 'la démagogie, le
socialisme, le radicalisme, la révolution?
^6n. Ce n'est pas même nécessaîremènt
la république ; c'est une forme gouver
nementale, une organisation politique où >
l'élément populaire; agissant selon des
règles, des institutions déterminées, est
prépondérant et dispose en principe du
pouvoir.
Voyons, n'est-ce pas là le vrai sens du
mot et n'est-ce pas là que nous en som
mes? Une grande partie de l'Europe et
toute l'Amérique n'en sont-elles pas là
également?AuxEtats-Unis le démocrate,
c'est le modéré, le conservateur, presque
le rétrograde, et on l'oppose au répu
blicain.
Que démocrate au temps de la Révo
lution ait été à peu près synonyme de
démagogue, de sans-culotte, c'est natu
rel ; qu'il ait longtemps conservé ce *
sens, rien de plus facile à comprendre.
'L'esprit de parti est coutumier de ces'
exagérations. Mais le moment est venu
m'en finir, surtout quand «o'n invoque,■»
comme le docte M. Delassus, l'étymo
logie.
: Poui^uoi vouloir laisser aux mots de la
langue' politique une signification qu'ils
n'ont plus ? La sagesse et la justice corn*
mandent d'accepter à leur sujet, les modi
fications nées du temps, ou des événe
ments, ou du goût, comme on l'a fait
pour tant de mots d'un ordre différent,
les uns n'ayant plus de sens, les au
tres ayant pris, un sens nouveau.
«Libertin», resté un mot flétrissant,
ne flétrit plus aujourd'hui ce qu'il flétris
sait lors de là formation classique de là
langue française. Notre grand siècle lit
téraire appelait libertin le catholique
enclin à marchander sur tel ou tel point
son obéissance aux. décisions ou direc
tions de Rome. Ce libertin pouvait être
homme de bonnes mœurs, de bonne te
nue, instruit et même pieux. On eût dit
alors d'ûn réfractaire : c'est un libertin.
Aujourd'hui le libertin est un débauché,
affichant ses mauvaises mœurs et n'ayant
nul #ouci des choses religieuses. Que di
rait M. l'abM Delassus si dans les ré-
fractaires et semi-réfractaires, ses amis
ou protégés, nous dénoncions des liber
tins, comme il dénonce, lui, dans les dé
mocrates d'aujourd'hui, des révolution
naires?
Qu'il serait donc facile de lui rappeler
que des mots,maintenant très importants
et très Usuels, n'ont plus le sens qu'ils
avaient à une époque où l'on en faisait
également grand usage et où déjà "la lan
gue était formée. Par exemple, amant et
màîtresseont-ils dans le théâtre d'Alexan
dre D.umas et chez les gens du monde le
sens qu'ils avaient > dans le théâtre de
Racine et dans la société polie de ce
temps ?
La Bruyère a écrit sur ces mouve
ments de la langue quelques pages pro
pres à établir que, pour rendre pleine
ment la signification de certains mots, il
faut donner la date de leur emploi. Cela
est bien plus commandé sur le, terrain
politique que sur le " terrain littéraire. En
effet, confondre dans la langue politique
eourante le démagogue avec le démo
crate, fût-il chrétien, c'est fausser ab
solument les situations présentes. Du
reste les réf'ractaires ne gagneront à
s'y entêter ; que de passer du faux au
ridicule. La sélection est faite pour
quiconque est indépendant des vieux
partis, et même pour la foule. Le mot
« démocrate » a repris son vrai sens.
Appeler l'avènement de la « démocratie
chrétienne » ce n'est pas se lier aux
radicaux, aux socialistes ; c'est accepter
par raison de patriotisme l'ordre politi
que sorti des fautes de nos monarchies
autant que de l'esprit révolutionnaire,
et vouloir l'organiser en lui donnant pour
appui le respect complet et pratique de
l'ordre religieux.
Eugène Veuillot.
UN MOT
Nous avons publié dans l'un de
nos derniers numéros une lettre de
M. le chanoine Jaspar contre un ar
ticle de I3, Semaine religieuse de
Cambrai,intitulé, Ex-religieux. Cette
lettre n'est pas la seule que .nous
ayons reçue à ce sujet. D'autres
nous ontj été adressées : celles-ci
dans le même sens, celles-là, blâ
mant aussi le sentiment auquel la
Semaine paraît avoir obéi, mais ap
prouvante fond de sa thèse.
Nos correspondants nous per-
mettrontde ne pas donner suite à
cè, débat. Il est pour sûr, en lui-
même, important et intéressant,
ùnais le. fait à propos duquel il se
iproduit lui donnerait un caractère
particulier. On aurait beau vouloir se-
Itenir sur le terrain doctrinal, on n'y
Iréussirait point. Des préoccupa
tions personnelles
Iprouvonspas le besoin de donner,
icette suite à la polémique que l'élec
tion de Brest a soulevée.
Nous croyons que cette réserve
plaira à tout le monde, particulière-,
ment au savant et excellent reli
gieux, notre ami, qui nous, parle en
: si bons termes des devoirs qu?en-
traîne la. profession religieuse et
nous explique si bien qu'il serait
fâcheux ae pousser trop avant le dé- :
bat engagé par M. l'abbé Delassus.
Cet avis est très juste. Il fallait si
gnaler une sortie acrimonieuse dont
la presse réfractaire s'est réjouie;
ce serait un tort de s'y arrêter.
■■■ E. V. "
NOUVELLES DE ROME
Nous, recevons la dépêche sui
vante :
Rome. 20 février (midi).,
Aujourd'hui, anniversaire de son élec
tion, S. S. Léon XIII a inauguré la ving
tième année de son pontificat dans des
conditions de santé tout à fait' satisfai
santes, et qui promettent encore de longs
jours. D'innombrables félicitations lui
sont parvenues de tous les points du
monde catholique.
Rome, 18 février.
L'évèque d'Âoste, Mgr Duc, récem-
! m"ent arrivé à "Rome pour "la visit e ad iï-
mina, a été reçu aujourd'hui en audience
privée par le Saint-Père.
— Le R. P. Brichet, procureur du sé
minaire français, qui avait été atteint
d!uné .pneumonie, est entré désormais en
pleine convalescence. Ses nombreux
amis de Rome et de France seront heu
reux de le voir continuer, avec la ûou-
velle ardeur dont il se montre déjà ani
mé, lès utiles services qu'il rend à sa
congrégation et au séminaire de Banta
Chiara.
EN ORIENT
La situation en Orient ne s'est
pas aggravée, mais on ne peut pas
dire'que les symptômes rassurants
aient gagné en forcé et en nombre.
Les points inquiétants gardent
toute leur acuité.
En Crète, les troupes grecques
sont décidément aux prises avec les
musulmans ;c'est la guerre déclarée
à la domination turque dans la per
sonne de ses soutiens naturels.
Pendant ce temps, des croiseurs
anglais et italiens donnent la chasse
aux navires qui téhtent de ravi
tailler les forcés helléniques.
A. Athènes, on. continue de faire
la sourde oreille aux représenta
tions du concert européen et l'on y
poursuit énergiquement les prépa
ratifs belliqueux.
Enfin, à Constantinople, on pour
suit également, soit des concentra
tions ae troupes, soit dès arme
ments nouveaux.
Tout cela se fait sous les yeux
des représentants de l'Europe, qui
multiplient les objurgations pacifi
ques à l'adresse de la Turquie et de
la Grèce, mais sans autre succès que
d'obtenir que les faits de guerre qui
se sont déjà'produits entre ces deux
puissances ne soient pas jugés suf
fisants pour interrompre officielle
ment l'état de paix.
Cette Europe est elle-même di
visée, comme nous l'avons déjà dit,
au sujet des mesures coërcitives
demandées par l'empereur d'Alle
magne contre la Grece ; et la con
naissance de ces divisions n'est pas
faite pour décourager le gouverne
ment hellénique.
A l'occasion des. mesures propo
sées par l'Allemagne, lord Salisbu-
ry vient, dit-on, d'adresser aux au=
très grandes puissances une note
pour leur demander,avant toute dé
cision à prendre vis-à-vis de la Grèce,
de s'entendre sur l'organisation fu
ture de la Crète, estimant qu'elle ne
saurait être replacée purement et
simplement sous la domination di
recte de la Turquie, même avec les
réformes précédemment accordées,
lesquelles, par la marche des événe
ments sont devenues insuffisantes.
En conséquence, il propose d'éri
ger la Crète en principauté auto
nome, mais gouvernée pàr un
prince, nommé par le Sultan. Si ce
projet était adopté on paraît «roire
Sue les Grecs s'empresseraient de
éférer aux volontés de l'Europe et
de renoncer à leurs projets d'an
nexion.
A en juger par l'ensemble des
nouvelles qui-nous viennent d'Athè
nes, rien ne nous- paraît moins cer
tain que le bien fondé de cette es
pérance, à moins peut-être que dans
l'arrière-pensée ae lord Salisbury
le futur prince de Crète ne soit né
cessairement un prince grec.
En résumé, si la situation,; en
Orient, est restée sensiblement la
même depuis quelques jours, elle
n'a pas cessé d'être inquiétante.
F. L.
AU SENAT
L'élection de la Haute-Garonne.
C'était prévu : l'élection de MM
Abeille, Ournac et Camparan a été
validée, puis M. Constans a été pro
clamé élu — aux applaudissements
du centre;—par 203 voix contre 41;
mais pour arriver à ce résultat qui
ne faisait doute pour personne, il a
"allu subir une séance aussi longue
que fastidieuse.
M. de Verninac, chargé de com
battre les conclusions au 'rapport
au nom de la gauche démocratique,
a ouvert le feu. Ce radical qui est,
lar parenthèse, fort peu démo
crate, car il est très entiché de sa
petite noblesse, a " commencé par
léclarer qu'il avait toujours com-
îattu la candidature officielle, et
sous l'empire, et sous... M. Mé-
"ine; il examine longuement (trop
onguemint!) la question d,es bul-
etins troués et maculés, affirme
que, dans toute cette affaire, on né.
voit que doute et contestation, et
ermine en disant qu'il faut ren
voyer l'élection.au seul juge com-
îétent : le corps électoral.
La péroraison de M. de Verninac
soulève les bravos de l'extrême
gauche : -
— Il n'est paspossible,dit-il,qu'un
îomine comme M. Constans, qui a
bué un rôle aussi considérable dans
l'histoire de son pays, veuille ren-«
trer au Sénat par l'entrebâillement
d'une porte bâtarde. ;
M. Guérin* l'ex-garde des sceaux,
monte à son tour à la tribune. Il es
time qu'il y a là une simple ques
tion (l'arithmétique. Si l'on annule
le bulletin troué— et on n'a pas le
droit de le ; compter r-r si l'on attri
bue à M. Constans un bulletin sur
lequel son nom a été inscrit au-
dessous d'un autre nom raturé —
et on n'a pas le droit de ne point le
lui attribuer -r- M. Constans a in
contestablement la majorité. Quant
à la pression administrative, elle ne
s'est point exercée, au dire de l'ora
teur, en faveur de M. Constans ;
mais, en revanche, la police locale*
les autorités locales ont soutenu les
adversaires de l'ancien ministre.
M. Cordelet, rapporteur, parle
dans le même sens. Après avoir
protesté contre les attaques dont
il a été l'objet de la part de la
presse radicale, il retrace, avec un
soin méticuleux, tout ce qu'a fait
le premier bureau et explique qu'il
ne pouvait honnêtement conclure
autrement qu'il nel'afait.Au sujet de
la pression administrative qui s'est
groduite en -faveur, non de M.
onstans, mais de ses adversaires,
le rapporteur cite certains faits. Il
montre, notamment, une voiture
poursuivie par la foule parce qu'on
croit que M. Constans s'y trouve,
sans que la police intervienne.
M. Cordelet descend enfin de la
tribune. Il est remplacé par M.
Abeille et aussitôt les auditeurs
somnolents se réveillent, s'agitent,
sourient. C'est que le nouvel ora
teur est un bon gros méridional,
dont la gaieté relevée par l'assent
a de la saveur, et qui défend sa cose
avec beaucoup de verve :
— Ce n'est pas nous, s'écrie-t-il,ce
sont' nos adversaires qui ont terro
risé !
— On n'a pas arrêté votre voi
ture ! observe M. Guérin.
— Je ne vais pas en voiture 1 ri
poste M. Abeille.
On rit. Décidément, ce méridional
va égayer un peu la séance. Il était
temps.
Quant à la soirée donnée à la pré
fecture de Toulouse et pendant la
quelle le préfet « mitonna » une
petite cuisine entre les délégués sé
natoriaux et certains candidats,
cette réunion n'eut point d'impor
tance. Il ne se produisit aucun in
cident. Ah î si, dit M. Abeille, au
buffet, un invité, levant son verre,
s'écria : « Je bois à Panama ! » (Nou
veaux rires.)
— Cela dut jeter un froid! crie
M. de Lamarzelle.
Les rires redoublent.
M. Abeille arrive au fameux bul
letin troué : « Il était si sale, dit-il
avec bonhomie, qu'il a dû se trouer
lui-même. »
L'hilarité du Sénat ne connaît plus
de bornes.
L'orateur finit en déclarant que,
selon lui, M. Constans n'est point
élu.
Le dernièr, M. Milliard prend la
parole. Examinant la question au
simple point de vue du droit, il con
clut à la proclamation de M. Cons
tans.
On procède au scrutin. Nous en
avons donné, en commençant, le ré
sultat.
Après cette longue discussion,
l'ordre du jour appelait la suite de
la seconde délibération sur les vins
artificiels, mais il était six heures,
les sénateurs étaient las : on a ren
voyé ce débat à lundi.
J. Màntenay.
LETTRES D'AUTRICHE
Vienne, 16 février.
Les hommes d'Etat autrichiens affec
tent de croire que les élections générales
du conseil de l'Empire qui auront lieu au
mois de mars cachent de grandes sur
prises. Suivant eux, la cinquième curie
dite du suffrage universel n'est rien
moins que l'instrument d'une nouvelle
orientation de la politique intérieure de
l'Autriche. Ils sont tentés de répéter la
phrase célèbre de ce député anglais :
aJNous faisons un saut dans les ténè
bres. » Le fait est que les adieux de la
Chambre des députés ont été bien mélan
coliques et qu'un vague sentiment d'ef
froi a présidé aux séances finales de la
haute assemblée ainsi que des clubs des
différents partis. Plusieurs hommes d'E
tat de la vieille génération ont suivi
l'exemple donné autrefois par M. de Ple-
ner. Ils ont dit adieu à la vie parlemen
taire, pleins de lassitude et de dégoût.
Ce fut d'abord M. de Chlumecky, pré
sident de la Chambre des députés. Cet
ancien ministre de tous les cabinets libé
raux, cet Autrichien avant tout de l'é
cole de 1848 et des lois de mai 1866 au
rait été_ évidemment un' dépaysé, un
anachronisme vivant dans cette Cham
bre réformée par le comte Badeni, et qui
allait voir surgir les deux spectres du
socialisme et du slavisme plus menaçants.
que jamais. M. de Chlumecky est donc
rentré définitivement dans la vie privée
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