Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-02-20
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 février 1897 20 février 1897
Description : 1897/02/20 (Numéro 10625). 1897/02/20 (Numéro 10625).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k709407s
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 20 Février 1897
ÉDITION QTTOTmiENN®
Edition quotidienne.— 10,625
PARIS
11 ' et départements
Un m..40 »
Six mois...;..' 21 " »
Trois mois.:. ..V li »
. ÉTRANGER
(union postais)
51 »
26 50
14 »
Les laboniiemeiitis partent, des 1" et 16 de chaque mois
UN NUMÉRO 5 * !!* riS ae>n% °
(Départements...... 15 —
' BUREAUX : Paris, rae Cassette, 17.
On s'abonne à Rome, placé du Gesù; 8
• EST
LE MONDE
Sâmedi 20 Février 1897
ÉDÎTTOH SEMl-QUOTIDISNïraï
PARIS ' ÉTRANGER
! et départements (union postale)
Un an 1 ......... 20 » -26 »
Six mois . 10 » 13 »
•Trois mois:.... * 5 » 6 50
Les abonnements partent des i« et 10 de chaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C'», 6, place de la Bourse
PARIS, 19 FÉVRIER 189 7
SOMMAIRE
Souvenirs du Le
vant..............
Reconnaissance....
En Orient. ..
A la. Cliambre......
A.u Sénat
Correspondance ro
maine
Petits et grands sé-
: minaristes ....
E u&ène T àvernier.
P ierre V euillot.
F. L.
G abriel de T riors.
J. M antenay.
M arquis de S égur.
Bulletin du jour. -T- Délit de procession,
r— La profession de foi de M: l'abbé
France. — Informations politiques et par
lementaires. — La loi d'abonnement.—
Les attaques contre le président de la
République. — Le trafic des cartes pour
l'Hôtel de Ville. :—Les dossiers de M.
Wilson. — La police et les socialistes.—
Chronique. — Lettres, sciences et arts.
Les affaires de Crète. —Dépêches de
l'étranger. ■—Echos de partout. — TJn
acte de dévouèment: — Chronique re
ligieuse. — Contre la peste. — Les anar-
v chistes. — Guerre et marine. — Tribu
naux. — Nouvelles diverses. — Calen
drier. — Tableau et bulletin de la Bour
se.—Dernière heure..
SOUVENIRS OU LEVANT
Cette assemblée des nations qui
se tient autour de la Crète et,qui est
si dangereuse pour tout le monde,
«elle est aussi Bien caractéristique.
On dirait la réunion de gens appar
tenant à la même souche, dissémi
nés au lo;m pendant très longtemps
et ramenés soudain près du berceau
familiîvl pour se partager un patri
moine déjà distribué maintes fois.
Evénement très ordinaire quand
il se passe entre particuliers ; de
même que les jalousies et que les
brouilles après la . lecture du testa
ient ; mais ici, au lieu d'individus
mous, voyons des Etats qui ont . ex
ploité chacun sous des- cieux dif
férents, une portion du capital intel
lectuel jadis renfermé dans bette ré
gion du Levant.
, La civilisation qui remplit l'Eu
rope et l'Amérique et qui entame
l'Asie et l'Afrique, elle est née ei
■elle s'est développée sur ce petit
espace. Aujourd'hui la voici encore
concentrée à son lieu d'origine.
Ces officiers de marine, français,
anglais, italiens, russes, allemands ;
les chefs civils qui lés ont envoyés
là; la foule bariolée des hommes
qui ont quelque culture littéraire/
toute une masse sent se réveiller en
elle les plus anciens souvenirs, les
préoccupations et aussi les amuse
ments du collège.
La Crète, c'est-à-dire Rhada-
mante, Minos, Idoménée et, avec
elle, aujourd'hui comme jadis,
toute la mythologie et d'innombra
bles histoires, les dieux de l'O-
lvmpe, les maîtres de la politique,
de la littérature et de l'art, les fon
dateurs de la philosophie, les héros,
les Argonautes, le siège de Troie,
Homère, Hésiode, Lycurgue, Solon,,
Miltiade, Thémistocle, Léonidas,
Périclès, Phidias, Eschyle, Sopho
cle, Euripide, Hérodote, Thalès,
Pythagore, Socrate, Platon, Aris-
totej Démosthènes, ces noms et
mille autres apparaissent .dans la
confusion d'un ensemble qui dé
borde et que l'on n'observa souvent
que par morceaux. La première
Rome, qui fut si grande, avait pres-
Sue. tout emprunté de la Grèce,
iombien de luttes se sont déroulées
ssurcesol aux replis et aux noms
Iiarmonieux, entre ces îles décou
pées et groupées par une gracieuse
et puissante fantaisie, sur ces eaux
pénétrées de lumière? En cet espace
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
DU 20 février 1897 •
La hiérarchie ecclésiastique ressemble
à l'échelle que ;Jacob, endormi au désert,
vit dans un songe célèbre. Les clercs,
anges de lïEglise militante, s'élèvent de
degré en degré sur cette échelle mysti
que, qui commence au petit séminaire
pour s'achever au Vatican, résidence du
Pape. ' t
Les uns, après avoir franchi les or
dres mineurs et majeurs, s'arrêtent au
sacerdoce. D'autres montentJusqu'à l'é-
piscopat. Un seul, successeur de saint
Pierre, atteint le suprême Pontificat, au-
dessus duquel il n'y a que Dieu.
Mais tous, à quelque degré de la hié
rarchie qu'ils se tiennent, ^doivent en re
descendre mystiquement lés échelons
par l'humilité qui se f penche vers ce qui
est a-q-dessous de soi, par,la charité qui
se donne et se fait toute, à tous. De là
yjejit que le Pape, vicaire;' de J-ésus,-
,e'intitule le serviteur dès. serviteurs de
Dieu.
U d illustre évêque qui fut un illustre
écrivain, Mgr Gerbet, a exprimé cette loi
a vécu un monde auquel Dieu avait
prodigué les dons de l'intelligènçe,
un monde fait pour incarner le génie
humain et pour projeter sur toute
la terre les reflets d'une gloire qui
ne s'éteindra pas.
Sans doute la civilisation remonte
beaucoup plus loin ; et un > prêtre
égyptien, devant qui Hérodote cal
culait gravement les siècles écoulés
depuis Homère, lui répondait :
« vous autres, Grecs, vous n'êtes
« que des enfants ». Mais enfin notre
histoire, notre politique, notre art,
et malgré tout, notre littérature
semblent bien être sortis de là. Nos
maîtres, sceptiques ou chrétiens,
nous ont accoutumés à regarder de
ce côté, pour y reconnaître l'épo
que qui a servi de modèle uni
versel.
A l'heure présente même, il y a
dans la Grèce d'Europe et d'Asie
une émulation ■ extrême entre nos
savants qui fouillent le sol et re
constituent des villes entières.
D'après certains auteurs, l'in
fluence de cette ancienne race au
rait été encore plus générale qu'on
n'avait ^habitude de le crôirë. Ainsi,
un auteur éminent en fait de lin
guistique, M. l'abbé Espagnolle, a
repris et développé la thèse d'Henri
Estienne sur l'extension prédomi
nante de la langue grecque à tra
vers l'Europe. Suivant lui, le fond de
notre vieux français appartient à
cet idiome. M. Espagnolle vient en
core de publier un dictionnaire qui
contient l'étymologie grecque de
douze mille mots français. Le latin
se serait simplement superposé à
cette couche primitive..
La Grèce a grandi, s'est épanouie
et a définitivement succombé (défini
tivement, car l'esprit créateur ne
l'anime plus) sans se douter que
non loin d'elle subsistait une race
qui préparait de nouvelles destinées
pour le monde élargi. Elle semble
même n'avoir pas connu les Juifs
sous leur vrai noni.
Quant vint le Christ, personne,
dans la région prétendue civilisée,
ne soupçonnait d'où allait sortir la
force nécesèMre à la constitution et
à la vie des sociétés futures.
Et aujourd'hui nos diplomates
qui ont l'œil fixé sur les antiques ri
vages de la Méditerranée ne savent
pas du tout où se trouve la puis
sance morale qu'une foule d'esprits
implorent avec angoisse. Ils peu-^
vent bien remuer le monde, mais
non pas le refaire. Cette œuvre-là
est réservée à une autre autorité
qui utilise, pour un dessein réflé
chi, les travaux souvent incohé
rents accomplis par la sagesse hu
maine.
Eugène Tavernier.
BULLETIN DÛ JOUR
Pour les . affaires d'Orient, aucun
changement important n'est à signaler
aujourd'hui, ni dans la. situation en
Crète, ni dans les dispositions des puis
sances.
Hier, au Sénat, le ministre des finan
ces a déposé le projet du budqet de
1891. : • • '
Aujourd'hui, discussion du rapport de
M. Cordelet sur les élections sénatoriales
de Toulouse.
A la Chambre des députés, deux inter
pellations: l'une de M. Arène sur la mort
du cavalier Agostini, l'autre de M. Lavy
à propos des courses de taureaux.
A la fin de la séance', nos honorables
ont refusé d'inscrire à l'ordre du jour la
prise en considération de la projposition
Qoblet sur le scrutin de liste.
On prétend , à Berlin, que l'empereur
Guillaume aurait manifesté le désir de
voir le tsar. lise pourrait qu'il allât en
mars à Pétersbourg.
de l'abaissement des plus grands vers les
plus petits par une parole profonde:
« Dieu a créé le monde sur un plan in
cliné. » La paternité divine est la source
d'où les dons du ciel et les biens de la
terre découlent et s'épanchent, de degrés
en degrés, jusqu'aux derniers des ènfants
dés hommes.
C'est parmi les baptisés, nourris du
pain des Anges et confirmés en grâce par
le Saint-Esprit, que se recrute d'âge en
âge la race privilégiée des ministres de
Dieu. L'Eglise lés prend pour là plupart
au sortir de la première communion, lès
fait passer successivement par le petit et
le grand séminaire. les revêt de la sou
tane, livrée du'Christ, leur confère les
ordres mineurs, puis le, çous-diaconat et
le diaconat,, et enfin les ordonne prêtres,
ministres parfaits de Jésus-Christ.
Une fois prêtres, ils n'ont plus, quand
le choix du divin Maître les appelle au
gouvernement des . diocèses, ;qu'à rece
voir la consécration épiscopale qui fait'
Tl'eux les successeurs des Apôtres, les
frères et les fils aînés de saint Pierre,
souverain pasteur des brebis comme des
agneaux, chef suprême et docteur infail
lible de l'Eglise.
Or, s'il est vrai que l'homme est le père
de l'enfant, il est aussi vrai,comme l'a dit
un poète anglais, que l'enfant est le père
de l'homme. L'homme eh effet est eh
germe dans l'enfant, comme l'épi dans le
grain de blé semé en terre, comme le
|RECONN AIS.S AN CE
Le Pape Léon XIII commence la
vingtième année de son pontifi
cat.
Il sera un des grands événements
de l'histoire, ce règne qui-compte
déjà parmi les plus longs sur le
trône apostolique de saint Pierre.
Dépouillée, captive, mais victo
rieuse, la Papauté j déjouant lês eiV
forts de ses ennemis qui avaient
cru toucher au triomphe, exerce un
incomparable ascendant, et répand
à flots de merveilleux bienfaits./A
sa voix, les princes deviennent At
tentifs et les peuples tressaillant
d'espérance. Quel souverain dopai-
ne vraiment à Rome, et de là sur de
monde : Humbert ou Léon XIIJ? :
En cette époque de scepticisme;
de frivolité, d'apathie, le successeur
de Pierre a donné une grande leçon,
plus que jamais indispensable et
justifiant la profonde parole du
comte de Maistre : L'Eglise a tou
jours le Pape qu'il lui faut... Prê
chant, d'exemple, Il a enseigné la
prière, l'étude, l'action.
Sans la prière, toute œuvre est
stérile. En vain multiplierait-on les
efforts, la prière, seule; fait germer
et lever les semences. Qui donc a
prié lui-même, a recommandé aux
fidèles, a prescrit la prière, en a
'suscité les occasions, plus que
Léon XIII?
A la piété, il importe de joindre
la doctrine. Pieux entre tous, le
Souverain Pontife, aussi, prendra
place parmi les grands Docteurs qui
ont illustré là. chaire suprême. Ses
encycliques, monument de lumière,
donnent le plus vaste et le plus haut
enseignement: '; Il a protégé les
Sciences, les Lettres, les-Arts..L'é
tude laplus nécessaire aux hommes,
celle des vérités fondamentales: par
la théologie et la philosophie, a
reçu du Saint-Père une ardente et
constante impulsion.
Jamais il n'a été nécessaire d'agir
avec suite, énergie et- prudence in
trépide comme en ces temps de
crise où l'humanité, inquiète, voit
s'ouvrir devant ses pas des ho
rizons nouveaux. L'Eglise eût man
qué à toute sa mission divine, en se
désintéressant d'une, évolution ca
pitale. Il faut qu'au vingtième siècle,
pour le salut ae tous, elle reprenne
son influence. Et Léon XIII, nous
a jetés dans la lutte, après nous
avoir munis du viatique et .du flam
beau. S'ils, veulent suivre ses le
çons inspirées et son exemple, les
catholiques prendront la tete du
mouvement et dirigeront les foules
vers Ië port. Il y a eu parmi nous
des hésitations; elles diminuent
comme nombre et comme résistan
ce. De plus en plus, on comprendra
et l'on obéirai
Bientôt, ce sera de toutes les lè
vres catholiques; plus tard, ce,sera
du sein de l'humanité tout entière,
que sortira le cri de reconnaissance
envers Léon XIII qu'aujourd'hui
exhalent déjà tant de cœurs.
Pierre Veuillot.
EN ORIENT
Les puissances sont en train de
faire au sujet de la Grèce une expé
rience très significative. Le concert
européen existe bien réellement,
tant qu'il ne s'agit que d'échanger
des assurances pacifiques et de
poursuivre en commun des négo
ciations, soit- pour arracher au gou
vernement turc des réformes vita
les, soit pour persuader au gouver
nement hellénique qu'il doit aban
donner ou tout 1 au moins ajourner
ses velléités- annexiônistes ; mais
dès qu'il est question de passer de
la parole aux actes et d'imposer par
la force la réalisation de ce que la
persuasion n'a pu obtenir, le con
cert européen s'évanouit ou rentre
dans l'immobilité, ce qui est à peu
près la même chose.
Àinsi, les mesures coercitives de
mandées par l'empereur d'Alle
magne contre la Grèce n'ont pas
rencontré un assentiment unanime
de : la part des puissances ; l'Angle
terre, dit-on, a déclaré ne pouvoir
s'y associer,en raison de l'état de l'o
pinion publique anglaise. La Fran-
cè, paraît-il, aussi peu empressée
que l'Angleterre, a dû répon
dre à peu près dans les mêmes
térmes.* Finalement, on était d'ac
cord pour blâmer les initiatives
belliqueuses de la Grèce, on a cessé
de l'être aussitôt qu'il s'est agi de
mettre ce blâme en action.
A plus forte raison en est-il ainsi,
vis-à-vis du gouvernement ottoman,
et c'est précisément ce qui fait le
danger de la situation présente en
( Orient; car, tandis que pour des
v considérations diverses les grandes
puissances se trouvent condamnées
:a l'inaction, les passions popu
laires et nationales, les haines de
race et dé religion, de plus en plus
excitées, continuent de fermenter,
et quelque beau matin, elles feront
explosion, avant que le pauvre con
cert européen.ait ,pu s'entendre sur
une formule d'action commune.
^ • F. L. ■
I : - : '
| DÉLIT SE PROCESSION
: Voici encore un délit nouveau qui
tombe aussi, paraît-il, sous le coup
des arrêtés pris, par des munici
palités sectaires, contre les proces
sions religieuses.
, Tel est du moins l'avis de M.
Dailheu, juge de paix du -canton
ouest de Moulins.
Le 11 juillet dernier, six élèves du
grand séminaire et le R. P. Tixier,
leur supérieur; étaient poursuivis
devant ce magistrat pour avoir, à la
date du 12 juin, contrevenu à l'ar-
jfété municipal interdisant les « ma
nifestations extérieures du culte ».
•Ces séminaristes, en effet, étaient
de grands coupables.
Au moment de pénétrer dans l'é
glise du Sacré-Cœur, où ils allaient
assister à une cérémonie, ils avaient
revêtu leur surplis sur la voie pu
blique ! — C'étaitleur crime.
A cette époque, une exception,
■ d'abus fut soulevée par leur avocat,
M° Tissier, et le juge de paix dut
remettre à statuer jusqu'après là
décision du conseil d^Etat.
Lès « prévenus » demandaient au
Conseil d'Etat de déclarer qu'il y
avait abus dans l'arrêté du maire de
Moulins contre les processions et,
subsidiairement, que cet arrêté ne
leur était pas applicable. Par un
décret, date du 10 janvier, le Con
seil d'Etat a rejeté la première de
mande et décidé que c'était à l'auto
rité judiciaire de statuer sur la se
conde. •
L'affaire est donc revenue, hier,
devant le tribunal de simple police :
après une plaidoirie de M 0 Carte-
lier, les six séminaristes ont été
condamnés chacun à cinq francs
d'amende et le R. P. Tixier, supé
rieur, a été déclaré civilement res
ponsable.
Il nous semble un peu vif de sou
tenir que le fait de revêtir un sur
plis quelques instants avant d'en
trer dans l'église constitue une ma-
inifestation extérieure du culte ou
.une procession.
! Non seulement, le juge de paix du
'■canton ouest de Moulins nous paraît
avoir statué contre lé sens com- j
mun ; mais nous croyons que la 1
« procession « qu'il a condamnée ne
rentre point dans définition, .si
excessive pourtant, donnée de ce
mot par la Cour de cassation.
- .— — -j»-. .
A LA CHAMBRE
Une question de M. Emmanuel Arène, i
— L'interpellation de M. Lavy.
Tout d'abord, une question de
M. Emmanuel Arène sur le soldat
Agostini, Hu 9 8 régiment de hus
sards, dont ..lsit mort à Marseille j
avait ému l'opinion publique.
Une feuillé radicale profita de ,
l'occasion pour accumuler autour
de ce douloureux incident toutes les
circonstances' les plus tragiques,
afin de pouvoir accuser les officiers
de ce régiment des pires négligen
ces et des plus coupables complici- i
tés.
Le malheureux soldat, souffrant,
aurait été renvoyé de la, visite mé
dicale avec'unc punition, abandonné
toute une nuit, san# vêtements, dans
un couloir glacial, et le lendemain
baigné'-àTeau froide ; c'est dans ces
conditions qu'il serait mort, après
quelques jours, des suites d'une
congestion pulmonaire.
Le ministre de la guerre a tenu
à rétablir les faits ; il conteste la
•nuit passée dans le couloir et la
douche d'eau glacée ; le pauvre
cavalier s'était, par suite d'une' ga
geure, donné une indigestion et il
est mort — l'autopsie l'a démontré
— d'une gastro-entérite...
Cela n'empêche que, toute exagé
ration malveillante mise à part, il
est à craindre qu'on n'ait pas soi
gné assez tôt le malheureux, et
le sous-officier de service devrait
être puni pour l'avoir laissé malade
une nuit entière sans prévenir le
major : c'est sur ce point qu'a
insisté, avec raison, M. Emmanuel
Arène.
L'incident semblait clos, maisJM.
Derveloy, puis M. Carnaud, et M.
, Gérault-Richard, enfin M. Rouanet
ont demandé à transformer la ques
tion en interpellation.
M. Derveloy doit, dans quelques
jours, demander des -explications
sur la mort d'un soldat à Meaux; on
a décidé, par 349 voix coutre 157,
conformément au désir du ministre :
et malgré les bruyantes protesta
tions des socialistes, de joindre les
deux interpellations.
Nous aurons donc un second dé
bat sur cette triste, mais, hélas !
bien banale histoire ; en attendant,
les officiers du 9° hussards vont ob
tenir du général Billot l'autorisation
de poursuivre en diffamation le Pe
tit Provençal qui porta contre eux
les accusations les plus menson
gères. '
Et maintenant les interpellations
commencent : c'est M. Lavy qui a
ouvert le feu, et il a voulu se dédom
mager d'avoir patienté si long
temps !
Il a, durant deux heures... bien
longues, fait le procès des courses
de taureaux, non point des « ferra-
des » ou autre jeux méridionaux,
sans danger pour les hommes
comme pour les animaux, mais des
« corridas de muerte » — ces spec
tacles sanglants importés a'Es-
jaagne dans quelques villes du
Son réquisitoire contient des cho
ses fort justes ; il n'eût pas perdu a
être court et l'orateur y eût gagné
d'être écouté. M. Lavy, qui n'est
point basque ni languedocien, a fait
une étude spéciale des courses de
taureaux et il a tenu à en dépeindre
toutes les péripéties : entrée du
faùvèTtFSVaîldu manteau.coups de
^ i rilles, « estocado » suprême du ma
tador, — rien n'y manquait... que
l'attention de la Chambre.
On n'entendait que les protesta
tions énervées d'auditeurs, déjà
lassés par d'interminables discus
sions budgétaires, jet se sachant
condamnés à subir, les jours sui
vants, toute une série d'interpella
tions ; puis, couvrant tout, à chaque
instant, Id. sonnette présidentielle,
et parfois, comme une voix d'outre-
tombe, un rappel aux convenances
lancé par M. Brisson à quelque tur
bulent. Enfin M. Lavy a dû céder la
place à M. Dulau.
Celui-là est du Midi, et n'admet
pas que Paris fasse la leçon à la
province : il défend les courses où
l'on emploie des taureaux qui
ne sont point, n'en déplaise à la
Cour de cassation, des animaux do
mestiques, mais demande, en re
vanche, l'interdiction des combats
de coqs, des steeple-chases, des .
chasses au cerf ; en un mot, il ajoute
la Déclaration des droits de
l'homme, le ..principe de « l'égalité
des animaux devant la loi ».
Le ministre de l'intérieur a expli
qué combien il était malaisé pour
les pouvoirs publics, en l'état de la
législation, d'empêcher totalement
les courses de taureaux. II ne veut
point, et avec raison, ordonner des
répressions armées qui pourraient
devenir sanglantes; il demande une
loi qui lui permette *dë prévenir le
délit ou la contravention : cetté loi
est à faire ; une commission extra-
Earlementaire rélaborej.ét la Çham-
re aura incessamment à l'étudier
et à la voter avec, toutes les modifi
cations qui sembleront utiles.
En-attendant, on a sévi aussi sé
vèrement qu'oji l'a pu ; au cours de
l'an dernier", 376 condamnations ont
été prononcées,'et les toreros étran
gers, violateurs de la loi, ont été
expulsés. ' •
Vraiment; Mi Lavy lui-même au- •
rait mauvaise grâce, pour l'instant;
à demander davantage^.. La note
gaie a été dcmnée par un méridio
nal plaisant;* M. Denis, qui a raconté
les mésaventures d'un malheureux
commissaire central descendu dans
l'arène pour verbaliser, et reçu par
un énorme taureau noir...
On a voté l'ordre du jour pur et
simple accepté par le gouverne
ment. En fin de séance, c'est-à-dire
vers huit heures, M. Vaillant s'est
vu rappeler à l'ordre avec une ins
cription au procès-verbal pour avoir
réclamé trop bruyamment qu'on re
tirât de l'ordre du jour le projet qui
approuve la convention passée avec
la Compagnie des chemins de fer
de l'Ouest ;• M!" Vàillânt réadmettait
{joint qu'on ne prît pas, avant tout,
'avis du conseil municipal.
Par contre, on a refusé par 254
voix contre 228, à M. Goblet, d'ins
crire à l'ordre du jour son projet
sur le rétablissement du scrutin de
liste.
Gabriel de Triors .
— —— : r -r-^-..
AU SÉNAT
Les vins artificiels. — L'élection de la
Haute-Garonne.
Pour en finir, M. le président du
conseil a donné de sa personne. Il
s'est rendu hier au Luxembourg et
a adjuré le Sénat de voter la loi sur
les vins artificiels, selon le texte de
la commission.
La haute assemblée a, en effet,
voté l'article l or , par 161 voix contre
54, en repoussant les divers amen
dements qui étaient présentés ;
mais là s'est arrêté son effort. Après
avoir longuement bataillé sur l'ar-
chêne dans le gland d'où sort sa tige des
tinée à devenir un gra*d arbre. Si le ter
rain .est bon, la culture inteHigente et
suivie, le chêne sera vigoureux et la
moisson opulente. Si l'enfant est bien
élevé, formé à la vertu et préservé du
mal, l'homme sera bienfaisant et géné
reux.
Voyons donc le prêtre dans ses com
mencements, c'est-à-dire au petit et au
grand séminaire, et par ses débuts dans
la vie spirituelle, nous pourrons juger de
ce qu'il sera dans le sacerdoce.
Suivant notre méthode habituelle, c'est
moins par des portraits ou des descrip
tions toujours suspects de partialité ou
d'erreur, que par des citations de lettres
intimes et familières, écrites au courant
de la plume et du cœur, que nous cher
cherons à faire connaître les sentiments
des élèves ecclésiastiques avec lesquels
la Providence nous a mis en rapport.
Commençons par un des plus jeunes,
sorti d'une famille de travailleurs aisés,
et entré tout récemment dans un petit sé
minaire. Sa vocation est née le jour de
sa première communion, mais les pa
rents ont voulu l'éprouver pendant deux
ans avant de le laisser partir. Voici, dans
la simplicité de sa ferveur, une de ces
lettres qui le peint le mieux, tel que je
crois le connaître.
« ... Pour terminer l'année,nous avons
été à Montmartre passer la nuit aux pieds
du Saint-Sacrement. Vous dire combien
mon âme a été transportée, enflammée
d'amour et de bonheur serait chose dif
ficile, et je n'ai pas de termes assez puis
sants pour l'exprimer.
« Rien que cette seule adoration noc
turne m'a dit bien plus que tous les livres
et toutes les prédications même les plus
émouvantes, tant on est heureux de mé
diter cœur à cœur avec le Cœur de Jé
sus... Je suis tellement animé d'amour
pour l'Eucharistie que je me sens natu
rellement porté à parler et reparler de la
touchante cérémonie qui m'a fait faire un
progrès certain dans la voie de la piété... ;
Si je vous dis tout cela, c'est qu'on;
éprouve toujours le besoin de déverser'
dans un cœur qui vous aime les senti
ments qu'on éprouve, et puis, je sais que
vous vous -intéressez à nos âmes àutant
qu'à nos esprits et nos. corps, et je vous
parle comme je le ferais avec mon con
fesseur... Maintenant que je vous ai dit ce
que j'étais pressé de vous exprimer, je
termine ma chétive lettre en murmurant
ces deux mots : Ave Maria... »
Ne sent-on pas déjà un prêtre, un apô
tre en germe dans ce néophyte de 14 ou
15 ans? Et n'est-il pas touchant de voir
tant d'amour désintéressé, dans une si
jeune âme!
'Avançons d'un pas ou deux, et écou
tons cet autre séminariste, arrivé en
rhétorique, à la veille du baccalauréat, à
l'avant-veille du grand séminaire. On re
trouve chez lui le même amour, la même
soif du dévouement, sous une autre
forme.
, « Je viens de lire, pendant la retraite
annuelle qui se termine, la vie de Mgr de
Ségur. Vous dire l'impression que m'a
produite la lecture de ce livre m'est im
possible, et ma pauvre plume se refuse à
vous dire l'émotion que j'ai ressentie au
récit d'une vie si touchante couronnée
par une aussi sainte mort : Finis coronat
opus.
« ... Pourquoi le bon Dieu ne- m'a-t-il;
pas donné cinq ans de plus? J'aurais eu
peut-être' le bonheur de le voir, ou de
toucher, comme la femme de l'Evangile,
le bord de sa robe. Malgré moi, je rap
proche cette vie de celle du bienheureux
évêqu» de Genève, le doux saint Fran-'
çois de Sales, et je trouve une occasion
de plus de réaliser cette parole du divin
Maître, la douceur par excellence :
« Bienheureux ceux qui sont doux, parce
qu'ils posséderont la terre » ; et, tournant
ma pensée vers le ciel; il me semble en
tendre de là-haut Mgr .de Ségur me dire
avec sa douceur et son abnégation habi
tuelles : «■ Beati p&uperes, bienheureux
les pauvres parce que le royaume des
cieux leur appartient. »
« Je conserverai le souvenir de ses
vertus, e£ tâcherai de les imiter, m'effor-
çant d'être plus tard, comme lui, un '
prêtre selon le cœur de Dieu, dévoué
aux âmes que j'ai soif de ramener à
Lui... »
Le besoin de sacrifice, le désir de se
donner à Dieu et de donner Dieu aux
âmes, est déjà vivant, on le voit, et va
grandissant d'année en année, chez ces
apprentis du sacerdoce qu'on appelle les
petits séminaristes. .
Des petits séminaires, passons aux
grands. L'ascension spirituelle se pour
suit, à Paris, comme en province, de
pair avec la progression des années et
des études. Le mot d'ordre de tous ces
aspirants- à la pérfection ecclésiastique
semble être la parole du Sauveur: « Je
suis venu apporter un feu sur la terre, et
que désirai-je, sinon qu'il s'embrase ? »
Cette fournaise d'amour, nos grands sé
minaristes aspirent à s'y précipiter. Qu'on
ne s'en étonne pas. Ils sentent, les nobles
jeunes gens, qu'il leur faut faire pendant
ces années d'études, de retraite et de
prière, une provision de doctrines, de
force, de charité, que le monde où ils
seront jetés épuiserait bien vite par ses
froideurs, ses résistances, ses séductions,
s'ils ne faisaient d'avance au saint, amour
un asile inexpugnable dans leur cœur.
Que sont pour eux les tentations hon
teuses et brutales de la caserne, toutes
redoutables qu'elles puissent être,auprès
des tentations d'isolement, d'impuis
sance, de découragement, qu'ils trou
veront, comme curés, dans les paroisses
si nombreuses en certains diocèses, où la
foi est morte, l'église déserte, le zèle sa-
ÉDITION QTTOTmiENN®
Edition quotidienne.— 10,625
PARIS
11 ' et départements
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Six mois...;..' 21 " »
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Les laboniiemeiitis partent, des 1" et 16 de chaque mois
UN NUMÉRO 5 * !!* riS ae>n% °
(Départements...... 15 —
' BUREAUX : Paris, rae Cassette, 17.
On s'abonne à Rome, placé du Gesù; 8
• EST
LE MONDE
Sâmedi 20 Février 1897
ÉDÎTTOH SEMl-QUOTIDISNïraï
PARIS ' ÉTRANGER
! et départements (union postale)
Un an 1 ......... 20 » -26 »
Six mois . 10 » 13 »
•Trois mois:.... * 5 » 6 50
Les abonnements partent des i« et 10 de chaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C'», 6, place de la Bourse
PARIS, 19 FÉVRIER 189 7
SOMMAIRE
Souvenirs du Le
vant..............
Reconnaissance....
En Orient. ..
A la. Cliambre......
A.u Sénat
Correspondance ro
maine
Petits et grands sé-
: minaristes ....
E u&ène T àvernier.
P ierre V euillot.
F. L.
G abriel de T riors.
J. M antenay.
M arquis de S égur.
Bulletin du jour. -T- Délit de procession,
r— La profession de foi de M: l'abbé
France. — Informations politiques et par
lementaires. — La loi d'abonnement.—
Les attaques contre le président de la
République. — Le trafic des cartes pour
l'Hôtel de Ville. :—Les dossiers de M.
Wilson. — La police et les socialistes.—
Chronique. — Lettres, sciences et arts.
Les affaires de Crète. —Dépêches de
l'étranger. ■—Echos de partout. — TJn
acte de dévouèment: — Chronique re
ligieuse. — Contre la peste. — Les anar-
v chistes. — Guerre et marine. — Tribu
naux. — Nouvelles diverses. — Calen
drier. — Tableau et bulletin de la Bour
se.—Dernière heure..
SOUVENIRS OU LEVANT
Cette assemblée des nations qui
se tient autour de la Crète et,qui est
si dangereuse pour tout le monde,
«elle est aussi Bien caractéristique.
On dirait la réunion de gens appar
tenant à la même souche, dissémi
nés au lo;m pendant très longtemps
et ramenés soudain près du berceau
familiîvl pour se partager un patri
moine déjà distribué maintes fois.
Evénement très ordinaire quand
il se passe entre particuliers ; de
même que les jalousies et que les
brouilles après la . lecture du testa
ient ; mais ici, au lieu d'individus
mous, voyons des Etats qui ont . ex
ploité chacun sous des- cieux dif
férents, une portion du capital intel
lectuel jadis renfermé dans bette ré
gion du Levant.
, La civilisation qui remplit l'Eu
rope et l'Amérique et qui entame
l'Asie et l'Afrique, elle est née ei
■elle s'est développée sur ce petit
espace. Aujourd'hui la voici encore
concentrée à son lieu d'origine.
Ces officiers de marine, français,
anglais, italiens, russes, allemands ;
les chefs civils qui lés ont envoyés
là; la foule bariolée des hommes
qui ont quelque culture littéraire/
toute une masse sent se réveiller en
elle les plus anciens souvenirs, les
préoccupations et aussi les amuse
ments du collège.
La Crète, c'est-à-dire Rhada-
mante, Minos, Idoménée et, avec
elle, aujourd'hui comme jadis,
toute la mythologie et d'innombra
bles histoires, les dieux de l'O-
lvmpe, les maîtres de la politique,
de la littérature et de l'art, les fon
dateurs de la philosophie, les héros,
les Argonautes, le siège de Troie,
Homère, Hésiode, Lycurgue, Solon,,
Miltiade, Thémistocle, Léonidas,
Périclès, Phidias, Eschyle, Sopho
cle, Euripide, Hérodote, Thalès,
Pythagore, Socrate, Platon, Aris-
totej Démosthènes, ces noms et
mille autres apparaissent .dans la
confusion d'un ensemble qui dé
borde et que l'on n'observa souvent
que par morceaux. La première
Rome, qui fut si grande, avait pres-
Sue. tout emprunté de la Grèce,
iombien de luttes se sont déroulées
ssurcesol aux replis et aux noms
Iiarmonieux, entre ces îles décou
pées et groupées par une gracieuse
et puissante fantaisie, sur ces eaux
pénétrées de lumière? En cet espace
FEUILLETON DE L 'UNIVERS
DU 20 février 1897 •
La hiérarchie ecclésiastique ressemble
à l'échelle que ;Jacob, endormi au désert,
vit dans un songe célèbre. Les clercs,
anges de lïEglise militante, s'élèvent de
degré en degré sur cette échelle mysti
que, qui commence au petit séminaire
pour s'achever au Vatican, résidence du
Pape. ' t
Les uns, après avoir franchi les or
dres mineurs et majeurs, s'arrêtent au
sacerdoce. D'autres montentJusqu'à l'é-
piscopat. Un seul, successeur de saint
Pierre, atteint le suprême Pontificat, au-
dessus duquel il n'y a que Dieu.
Mais tous, à quelque degré de la hié
rarchie qu'ils se tiennent, ^doivent en re
descendre mystiquement lés échelons
par l'humilité qui se f penche vers ce qui
est a-q-dessous de soi, par,la charité qui
se donne et se fait toute, à tous. De là
yjejit que le Pape, vicaire;' de J-ésus,-
,
Dieu.
U d illustre évêque qui fut un illustre
écrivain, Mgr Gerbet, a exprimé cette loi
a vécu un monde auquel Dieu avait
prodigué les dons de l'intelligènçe,
un monde fait pour incarner le génie
humain et pour projeter sur toute
la terre les reflets d'une gloire qui
ne s'éteindra pas.
Sans doute la civilisation remonte
beaucoup plus loin ; et un > prêtre
égyptien, devant qui Hérodote cal
culait gravement les siècles écoulés
depuis Homère, lui répondait :
« vous autres, Grecs, vous n'êtes
« que des enfants ». Mais enfin notre
histoire, notre politique, notre art,
et malgré tout, notre littérature
semblent bien être sortis de là. Nos
maîtres, sceptiques ou chrétiens,
nous ont accoutumés à regarder de
ce côté, pour y reconnaître l'épo
que qui a servi de modèle uni
versel.
A l'heure présente même, il y a
dans la Grèce d'Europe et d'Asie
une émulation ■ extrême entre nos
savants qui fouillent le sol et re
constituent des villes entières.
D'après certains auteurs, l'in
fluence de cette ancienne race au
rait été encore plus générale qu'on
n'avait ^habitude de le crôirë. Ainsi,
un auteur éminent en fait de lin
guistique, M. l'abbé Espagnolle, a
repris et développé la thèse d'Henri
Estienne sur l'extension prédomi
nante de la langue grecque à tra
vers l'Europe. Suivant lui, le fond de
notre vieux français appartient à
cet idiome. M. Espagnolle vient en
core de publier un dictionnaire qui
contient l'étymologie grecque de
douze mille mots français. Le latin
se serait simplement superposé à
cette couche primitive..
La Grèce a grandi, s'est épanouie
et a définitivement succombé (défini
tivement, car l'esprit créateur ne
l'anime plus) sans se douter que
non loin d'elle subsistait une race
qui préparait de nouvelles destinées
pour le monde élargi. Elle semble
même n'avoir pas connu les Juifs
sous leur vrai noni.
Quant vint le Christ, personne,
dans la région prétendue civilisée,
ne soupçonnait d'où allait sortir la
force nécesèMre à la constitution et
à la vie des sociétés futures.
Et aujourd'hui nos diplomates
qui ont l'œil fixé sur les antiques ri
vages de la Méditerranée ne savent
pas du tout où se trouve la puis
sance morale qu'une foule d'esprits
implorent avec angoisse. Ils peu-^
vent bien remuer le monde, mais
non pas le refaire. Cette œuvre-là
est réservée à une autre autorité
qui utilise, pour un dessein réflé
chi, les travaux souvent incohé
rents accomplis par la sagesse hu
maine.
Eugène Tavernier.
BULLETIN DÛ JOUR
Pour les . affaires d'Orient, aucun
changement important n'est à signaler
aujourd'hui, ni dans la. situation en
Crète, ni dans les dispositions des puis
sances.
Hier, au Sénat, le ministre des finan
ces a déposé le projet du budqet de
1891. : • • '
Aujourd'hui, discussion du rapport de
M. Cordelet sur les élections sénatoriales
de Toulouse.
A la Chambre des députés, deux inter
pellations: l'une de M. Arène sur la mort
du cavalier Agostini, l'autre de M. Lavy
à propos des courses de taureaux.
A la fin de la séance', nos honorables
ont refusé d'inscrire à l'ordre du jour la
prise en considération de la projposition
Qoblet sur le scrutin de liste.
On prétend , à Berlin, que l'empereur
Guillaume aurait manifesté le désir de
voir le tsar. lise pourrait qu'il allât en
mars à Pétersbourg.
de l'abaissement des plus grands vers les
plus petits par une parole profonde:
« Dieu a créé le monde sur un plan in
cliné. » La paternité divine est la source
d'où les dons du ciel et les biens de la
terre découlent et s'épanchent, de degrés
en degrés, jusqu'aux derniers des ènfants
dés hommes.
C'est parmi les baptisés, nourris du
pain des Anges et confirmés en grâce par
le Saint-Esprit, que se recrute d'âge en
âge la race privilégiée des ministres de
Dieu. L'Eglise lés prend pour là plupart
au sortir de la première communion, lès
fait passer successivement par le petit et
le grand séminaire. les revêt de la sou
tane, livrée du'Christ, leur confère les
ordres mineurs, puis le, çous-diaconat et
le diaconat,, et enfin les ordonne prêtres,
ministres parfaits de Jésus-Christ.
Une fois prêtres, ils n'ont plus, quand
le choix du divin Maître les appelle au
gouvernement des . diocèses, ;qu'à rece
voir la consécration épiscopale qui fait'
Tl'eux les successeurs des Apôtres, les
frères et les fils aînés de saint Pierre,
souverain pasteur des brebis comme des
agneaux, chef suprême et docteur infail
lible de l'Eglise.
Or, s'il est vrai que l'homme est le père
de l'enfant, il est aussi vrai,comme l'a dit
un poète anglais, que l'enfant est le père
de l'homme. L'homme eh effet est eh
germe dans l'enfant, comme l'épi dans le
grain de blé semé en terre, comme le
|RECONN AIS.S AN CE
Le Pape Léon XIII commence la
vingtième année de son pontifi
cat.
Il sera un des grands événements
de l'histoire, ce règne qui-compte
déjà parmi les plus longs sur le
trône apostolique de saint Pierre.
Dépouillée, captive, mais victo
rieuse, la Papauté j déjouant lês eiV
forts de ses ennemis qui avaient
cru toucher au triomphe, exerce un
incomparable ascendant, et répand
à flots de merveilleux bienfaits./A
sa voix, les princes deviennent At
tentifs et les peuples tressaillant
d'espérance. Quel souverain dopai-
ne vraiment à Rome, et de là sur de
monde : Humbert ou Léon XIIJ? :
En cette époque de scepticisme;
de frivolité, d'apathie, le successeur
de Pierre a donné une grande leçon,
plus que jamais indispensable et
justifiant la profonde parole du
comte de Maistre : L'Eglise a tou
jours le Pape qu'il lui faut... Prê
chant, d'exemple, Il a enseigné la
prière, l'étude, l'action.
Sans la prière, toute œuvre est
stérile. En vain multiplierait-on les
efforts, la prière, seule; fait germer
et lever les semences. Qui donc a
prié lui-même, a recommandé aux
fidèles, a prescrit la prière, en a
'suscité les occasions, plus que
Léon XIII?
A la piété, il importe de joindre
la doctrine. Pieux entre tous, le
Souverain Pontife, aussi, prendra
place parmi les grands Docteurs qui
ont illustré là. chaire suprême. Ses
encycliques, monument de lumière,
donnent le plus vaste et le plus haut
enseignement: '; Il a protégé les
Sciences, les Lettres, les-Arts..L'é
tude laplus nécessaire aux hommes,
celle des vérités fondamentales: par
la théologie et la philosophie, a
reçu du Saint-Père une ardente et
constante impulsion.
Jamais il n'a été nécessaire d'agir
avec suite, énergie et- prudence in
trépide comme en ces temps de
crise où l'humanité, inquiète, voit
s'ouvrir devant ses pas des ho
rizons nouveaux. L'Eglise eût man
qué à toute sa mission divine, en se
désintéressant d'une, évolution ca
pitale. Il faut qu'au vingtième siècle,
pour le salut ae tous, elle reprenne
son influence. Et Léon XIII, nous
a jetés dans la lutte, après nous
avoir munis du viatique et .du flam
beau. S'ils, veulent suivre ses le
çons inspirées et son exemple, les
catholiques prendront la tete du
mouvement et dirigeront les foules
vers Ië port. Il y a eu parmi nous
des hésitations; elles diminuent
comme nombre et comme résistan
ce. De plus en plus, on comprendra
et l'on obéirai
Bientôt, ce sera de toutes les lè
vres catholiques; plus tard, ce,sera
du sein de l'humanité tout entière,
que sortira le cri de reconnaissance
envers Léon XIII qu'aujourd'hui
exhalent déjà tant de cœurs.
Pierre Veuillot.
EN ORIENT
Les puissances sont en train de
faire au sujet de la Grèce une expé
rience très significative. Le concert
européen existe bien réellement,
tant qu'il ne s'agit que d'échanger
des assurances pacifiques et de
poursuivre en commun des négo
ciations, soit- pour arracher au gou
vernement turc des réformes vita
les, soit pour persuader au gouver
nement hellénique qu'il doit aban
donner ou tout 1 au moins ajourner
ses velléités- annexiônistes ; mais
dès qu'il est question de passer de
la parole aux actes et d'imposer par
la force la réalisation de ce que la
persuasion n'a pu obtenir, le con
cert européen s'évanouit ou rentre
dans l'immobilité, ce qui est à peu
près la même chose.
Àinsi, les mesures coercitives de
mandées par l'empereur d'Alle
magne contre la Grèce n'ont pas
rencontré un assentiment unanime
de : la part des puissances ; l'Angle
terre, dit-on, a déclaré ne pouvoir
s'y associer,en raison de l'état de l'o
pinion publique anglaise. La Fran-
cè, paraît-il, aussi peu empressée
que l'Angleterre, a dû répon
dre à peu près dans les mêmes
térmes.* Finalement, on était d'ac
cord pour blâmer les initiatives
belliqueuses de la Grèce, on a cessé
de l'être aussitôt qu'il s'est agi de
mettre ce blâme en action.
A plus forte raison en est-il ainsi,
vis-à-vis du gouvernement ottoman,
et c'est précisément ce qui fait le
danger de la situation présente en
( Orient; car, tandis que pour des
v considérations diverses les grandes
puissances se trouvent condamnées
:a l'inaction, les passions popu
laires et nationales, les haines de
race et dé religion, de plus en plus
excitées, continuent de fermenter,
et quelque beau matin, elles feront
explosion, avant que le pauvre con
cert européen.ait ,pu s'entendre sur
une formule d'action commune.
^ • F. L. ■
I : - : '
| DÉLIT SE PROCESSION
: Voici encore un délit nouveau qui
tombe aussi, paraît-il, sous le coup
des arrêtés pris, par des munici
palités sectaires, contre les proces
sions religieuses.
, Tel est du moins l'avis de M.
Dailheu, juge de paix du -canton
ouest de Moulins.
Le 11 juillet dernier, six élèves du
grand séminaire et le R. P. Tixier,
leur supérieur; étaient poursuivis
devant ce magistrat pour avoir, à la
date du 12 juin, contrevenu à l'ar-
jfété municipal interdisant les « ma
nifestations extérieures du culte ».
•Ces séminaristes, en effet, étaient
de grands coupables.
Au moment de pénétrer dans l'é
glise du Sacré-Cœur, où ils allaient
assister à une cérémonie, ils avaient
revêtu leur surplis sur la voie pu
blique ! — C'étaitleur crime.
A cette époque, une exception,
■ d'abus fut soulevée par leur avocat,
M° Tissier, et le juge de paix dut
remettre à statuer jusqu'après là
décision du conseil d^Etat.
Lès « prévenus » demandaient au
Conseil d'Etat de déclarer qu'il y
avait abus dans l'arrêté du maire de
Moulins contre les processions et,
subsidiairement, que cet arrêté ne
leur était pas applicable. Par un
décret, date du 10 janvier, le Con
seil d'Etat a rejeté la première de
mande et décidé que c'était à l'auto
rité judiciaire de statuer sur la se
conde. •
L'affaire est donc revenue, hier,
devant le tribunal de simple police :
après une plaidoirie de M 0 Carte-
lier, les six séminaristes ont été
condamnés chacun à cinq francs
d'amende et le R. P. Tixier, supé
rieur, a été déclaré civilement res
ponsable.
Il nous semble un peu vif de sou
tenir que le fait de revêtir un sur
plis quelques instants avant d'en
trer dans l'église constitue une ma-
inifestation extérieure du culte ou
.une procession.
! Non seulement, le juge de paix du
'■canton ouest de Moulins nous paraît
avoir statué contre lé sens com- j
mun ; mais nous croyons que la 1
« procession « qu'il a condamnée ne
rentre point dans définition, .si
excessive pourtant, donnée de ce
mot par la Cour de cassation.
- .— — -j»-. .
A LA CHAMBRE
Une question de M. Emmanuel Arène, i
— L'interpellation de M. Lavy.
Tout d'abord, une question de
M. Emmanuel Arène sur le soldat
Agostini, Hu 9 8 régiment de hus
sards, dont ..lsit mort à Marseille j
avait ému l'opinion publique.
Une feuillé radicale profita de ,
l'occasion pour accumuler autour
de ce douloureux incident toutes les
circonstances' les plus tragiques,
afin de pouvoir accuser les officiers
de ce régiment des pires négligen
ces et des plus coupables complici- i
tés.
Le malheureux soldat, souffrant,
aurait été renvoyé de la, visite mé
dicale avec'unc punition, abandonné
toute une nuit, san# vêtements, dans
un couloir glacial, et le lendemain
baigné'-àTeau froide ; c'est dans ces
conditions qu'il serait mort, après
quelques jours, des suites d'une
congestion pulmonaire.
Le ministre de la guerre a tenu
à rétablir les faits ; il conteste la
•nuit passée dans le couloir et la
douche d'eau glacée ; le pauvre
cavalier s'était, par suite d'une' ga
geure, donné une indigestion et il
est mort — l'autopsie l'a démontré
— d'une gastro-entérite...
Cela n'empêche que, toute exagé
ration malveillante mise à part, il
est à craindre qu'on n'ait pas soi
gné assez tôt le malheureux, et
le sous-officier de service devrait
être puni pour l'avoir laissé malade
une nuit entière sans prévenir le
major : c'est sur ce point qu'a
insisté, avec raison, M. Emmanuel
Arène.
L'incident semblait clos, maisJM.
Derveloy, puis M. Carnaud, et M.
, Gérault-Richard, enfin M. Rouanet
ont demandé à transformer la ques
tion en interpellation.
M. Derveloy doit, dans quelques
jours, demander des -explications
sur la mort d'un soldat à Meaux; on
a décidé, par 349 voix coutre 157,
conformément au désir du ministre :
et malgré les bruyantes protesta
tions des socialistes, de joindre les
deux interpellations.
Nous aurons donc un second dé
bat sur cette triste, mais, hélas !
bien banale histoire ; en attendant,
les officiers du 9° hussards vont ob
tenir du général Billot l'autorisation
de poursuivre en diffamation le Pe
tit Provençal qui porta contre eux
les accusations les plus menson
gères. '
Et maintenant les interpellations
commencent : c'est M. Lavy qui a
ouvert le feu, et il a voulu se dédom
mager d'avoir patienté si long
temps !
Il a, durant deux heures... bien
longues, fait le procès des courses
de taureaux, non point des « ferra-
des » ou autre jeux méridionaux,
sans danger pour les hommes
comme pour les animaux, mais des
« corridas de muerte » — ces spec
tacles sanglants importés a'Es-
jaagne dans quelques villes du
Son réquisitoire contient des cho
ses fort justes ; il n'eût pas perdu a
être court et l'orateur y eût gagné
d'être écouté. M. Lavy, qui n'est
point basque ni languedocien, a fait
une étude spéciale des courses de
taureaux et il a tenu à en dépeindre
toutes les péripéties : entrée du
faùvèTtFSVaîldu manteau.coups de
^ i
tador, — rien n'y manquait... que
l'attention de la Chambre.
On n'entendait que les protesta
tions énervées d'auditeurs, déjà
lassés par d'interminables discus
sions budgétaires, jet se sachant
condamnés à subir, les jours sui
vants, toute une série d'interpella
tions ; puis, couvrant tout, à chaque
instant, Id. sonnette présidentielle,
et parfois, comme une voix d'outre-
tombe, un rappel aux convenances
lancé par M. Brisson à quelque tur
bulent. Enfin M. Lavy a dû céder la
place à M. Dulau.
Celui-là est du Midi, et n'admet
pas que Paris fasse la leçon à la
province : il défend les courses où
l'on emploie des taureaux qui
ne sont point, n'en déplaise à la
Cour de cassation, des animaux do
mestiques, mais demande, en re
vanche, l'interdiction des combats
de coqs, des steeple-chases, des .
chasses au cerf ; en un mot, il ajoute
la Déclaration des droits de
l'homme, le ..principe de « l'égalité
des animaux devant la loi ».
Le ministre de l'intérieur a expli
qué combien il était malaisé pour
les pouvoirs publics, en l'état de la
législation, d'empêcher totalement
les courses de taureaux. II ne veut
point, et avec raison, ordonner des
répressions armées qui pourraient
devenir sanglantes; il demande une
loi qui lui permette *dë prévenir le
délit ou la contravention : cetté loi
est à faire ; une commission extra-
Earlementaire rélaborej.ét la Çham-
re aura incessamment à l'étudier
et à la voter avec, toutes les modifi
cations qui sembleront utiles.
En-attendant, on a sévi aussi sé
vèrement qu'oji l'a pu ; au cours de
l'an dernier", 376 condamnations ont
été prononcées,'et les toreros étran
gers, violateurs de la loi, ont été
expulsés. ' •
Vraiment; Mi Lavy lui-même au- •
rait mauvaise grâce, pour l'instant;
à demander davantage^.. La note
gaie a été dcmnée par un méridio
nal plaisant;* M. Denis, qui a raconté
les mésaventures d'un malheureux
commissaire central descendu dans
l'arène pour verbaliser, et reçu par
un énorme taureau noir...
On a voté l'ordre du jour pur et
simple accepté par le gouverne
ment. En fin de séance, c'est-à-dire
vers huit heures, M. Vaillant s'est
vu rappeler à l'ordre avec une ins
cription au procès-verbal pour avoir
réclamé trop bruyamment qu'on re
tirât de l'ordre du jour le projet qui
approuve la convention passée avec
la Compagnie des chemins de fer
de l'Ouest ;• M!" Vàillânt réadmettait
{joint qu'on ne prît pas, avant tout,
'avis du conseil municipal.
Par contre, on a refusé par 254
voix contre 228, à M. Goblet, d'ins
crire à l'ordre du jour son projet
sur le rétablissement du scrutin de
liste.
Gabriel de Triors .
— —— : r -r-^-..
AU SÉNAT
Les vins artificiels. — L'élection de la
Haute-Garonne.
Pour en finir, M. le président du
conseil a donné de sa personne. Il
s'est rendu hier au Luxembourg et
a adjuré le Sénat de voter la loi sur
les vins artificiels, selon le texte de
la commission.
La haute assemblée a, en effet,
voté l'article l or , par 161 voix contre
54, en repoussant les divers amen
dements qui étaient présentés ;
mais là s'est arrêté son effort. Après
avoir longuement bataillé sur l'ar-
chêne dans le gland d'où sort sa tige des
tinée à devenir un gra*d arbre. Si le ter
rain .est bon, la culture inteHigente et
suivie, le chêne sera vigoureux et la
moisson opulente. Si l'enfant est bien
élevé, formé à la vertu et préservé du
mal, l'homme sera bienfaisant et géné
reux.
Voyons donc le prêtre dans ses com
mencements, c'est-à-dire au petit et au
grand séminaire, et par ses débuts dans
la vie spirituelle, nous pourrons juger de
ce qu'il sera dans le sacerdoce.
Suivant notre méthode habituelle, c'est
moins par des portraits ou des descrip
tions toujours suspects de partialité ou
d'erreur, que par des citations de lettres
intimes et familières, écrites au courant
de la plume et du cœur, que nous cher
cherons à faire connaître les sentiments
des élèves ecclésiastiques avec lesquels
la Providence nous a mis en rapport.
Commençons par un des plus jeunes,
sorti d'une famille de travailleurs aisés,
et entré tout récemment dans un petit sé
minaire. Sa vocation est née le jour de
sa première communion, mais les pa
rents ont voulu l'éprouver pendant deux
ans avant de le laisser partir. Voici, dans
la simplicité de sa ferveur, une de ces
lettres qui le peint le mieux, tel que je
crois le connaître.
« ... Pour terminer l'année,nous avons
été à Montmartre passer la nuit aux pieds
du Saint-Sacrement. Vous dire combien
mon âme a été transportée, enflammée
d'amour et de bonheur serait chose dif
ficile, et je n'ai pas de termes assez puis
sants pour l'exprimer.
« Rien que cette seule adoration noc
turne m'a dit bien plus que tous les livres
et toutes les prédications même les plus
émouvantes, tant on est heureux de mé
diter cœur à cœur avec le Cœur de Jé
sus... Je suis tellement animé d'amour
pour l'Eucharistie que je me sens natu
rellement porté à parler et reparler de la
touchante cérémonie qui m'a fait faire un
progrès certain dans la voie de la piété... ;
Si je vous dis tout cela, c'est qu'on;
éprouve toujours le besoin de déverser'
dans un cœur qui vous aime les senti
ments qu'on éprouve, et puis, je sais que
vous vous -intéressez à nos âmes àutant
qu'à nos esprits et nos. corps, et je vous
parle comme je le ferais avec mon con
fesseur... Maintenant que je vous ai dit ce
que j'étais pressé de vous exprimer, je
termine ma chétive lettre en murmurant
ces deux mots : Ave Maria... »
Ne sent-on pas déjà un prêtre, un apô
tre en germe dans ce néophyte de 14 ou
15 ans? Et n'est-il pas touchant de voir
tant d'amour désintéressé, dans une si
jeune âme!
'Avançons d'un pas ou deux, et écou
tons cet autre séminariste, arrivé en
rhétorique, à la veille du baccalauréat, à
l'avant-veille du grand séminaire. On re
trouve chez lui le même amour, la même
soif du dévouement, sous une autre
forme.
, « Je viens de lire, pendant la retraite
annuelle qui se termine, la vie de Mgr de
Ségur. Vous dire l'impression que m'a
produite la lecture de ce livre m'est im
possible, et ma pauvre plume se refuse à
vous dire l'émotion que j'ai ressentie au
récit d'une vie si touchante couronnée
par une aussi sainte mort : Finis coronat
opus.
« ... Pourquoi le bon Dieu ne- m'a-t-il;
pas donné cinq ans de plus? J'aurais eu
peut-être' le bonheur de le voir, ou de
toucher, comme la femme de l'Evangile,
le bord de sa robe. Malgré moi, je rap
proche cette vie de celle du bienheureux
évêqu» de Genève, le doux saint Fran-'
çois de Sales, et je trouve une occasion
de plus de réaliser cette parole du divin
Maître, la douceur par excellence :
« Bienheureux ceux qui sont doux, parce
qu'ils posséderont la terre » ; et, tournant
ma pensée vers le ciel; il me semble en
tendre de là-haut Mgr .de Ségur me dire
avec sa douceur et son abnégation habi
tuelles : «■ Beati p&uperes, bienheureux
les pauvres parce que le royaume des
cieux leur appartient. »
« Je conserverai le souvenir de ses
vertus, e£ tâcherai de les imiter, m'effor-
çant d'être plus tard, comme lui, un '
prêtre selon le cœur de Dieu, dévoué
aux âmes que j'ai soif de ramener à
Lui... »
Le besoin de sacrifice, le désir de se
donner à Dieu et de donner Dieu aux
âmes, est déjà vivant, on le voit, et va
grandissant d'année en année, chez ces
apprentis du sacerdoce qu'on appelle les
petits séminaristes. .
Des petits séminaires, passons aux
grands. L'ascension spirituelle se pour
suit, à Paris, comme en province, de
pair avec la progression des années et
des études. Le mot d'ordre de tous ces
aspirants- à la pérfection ecclésiastique
semble être la parole du Sauveur: « Je
suis venu apporter un feu sur la terre, et
que désirai-je, sinon qu'il s'embrase ? »
Cette fournaise d'amour, nos grands sé
minaristes aspirent à s'y précipiter. Qu'on
ne s'en étonne pas. Ils sentent, les nobles
jeunes gens, qu'il leur faut faire pendant
ces années d'études, de retraite et de
prière, une provision de doctrines, de
force, de charité, que le monde où ils
seront jetés épuiserait bien vite par ses
froideurs, ses résistances, ses séductions,
s'ils ne faisaient d'avance au saint, amour
un asile inexpugnable dans leur cœur.
Que sont pour eux les tentations hon
teuses et brutales de la caserne, toutes
redoutables qu'elles puissent être,auprès
des tentations d'isolement, d'impuis
sance, de découragement, qu'ils trou
veront, comme curés, dans les paroisses
si nombreuses en certains diocèses, où la
foi est morte, l'église déserte, le zèle sa-
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