Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-02-19
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 février 1897 19 février 1897
Description : 1897/02/19 (Numéro 10624). 1897/02/19 (Numéro 10624).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Vendredi 19 Février 1897
Edition ç-aotidtozme* 10,324
WÉsm
Vendredi 19 Février 1807
ÉDITIO N QUOT IDIENNE
. PARIS : ÉTRANGER
et départements (union postai^
-Un an 40. » j51 . »
- Six mois 21 » |26<50
Trois mois..... ; 11 » ^ ji4 : »
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UN NUMÉRO I ^ aris ' 10Départements..... 15 —
BUREAUX : Paria, me Cassette, 17
On s'abonne à Rome, plaoe du Gesù, 8
ÉDITION SEMÏ-ÔUOTIDIENNE
1 PARIS V ÉTRANGER
et départements , (union postale)
Un an......... 20 »
Six mois....... 10 »
Trois mois:..... 5 »
26 »
13 »
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PARIS, 18 FÉVRIER 1887
SOMMAIRE
L'intérêt. . I ,.. P ierre V euillot.
Çà et là : Du gon-
courtisme et de la
littérature d'alcôve M. D eluy.
En Orient. f. L.
Lettres de Genève.. z. z. z.
L'œuvre des campa
gnes.... ...... E douard A lexandre
Bulletin du jour. — La sécularisation de
M. l'abbé Gayraud. — Lettres de S. Em.
• le cardlnal-'Ramptflfa. —' Contre le droit
, d'abonnement. — Informations politiques
et parlementaires, -r- ■ Les dossiers de M.
Wilson . — Religieuse décorée. i- A tra
vers la presse. — Chronique. ^- Lettres,
/sciences et arts. —Au cercle du Luxem
bourg, — La question crétoise et la
presse. — Les affaires de Crète. — Dépê
ches de l'étranger. — Mort de l'arche
vêque de Rio-dë-Janelrb. — Contre la
peste. — La question ouvrière; —Echos
de partout. — Nécrologie. — Guerre et
.marine.— Souscription pour les Armé-
1 ni °ns. — Tribunaux. — Nouvelles " di
verses. — Calendrier. — Tableau et bul
letin de la Bourse. — Dernière heure.
L'INTÉRÊT
Les réformes sociales, ce ne sont
pas seulement la justice et ? la cha
rité qui les demandent, mais l'inté
rêt dé deux mêmes auxquels, tout
d'abord, on paraîtra imposer des
sacrifices. Payer une assurance
<3ontre l'incendie, c'est aussi^ se
priver un peu, pour ne pas être
victime d'un désastre.
. L'intérêt, surtout aux yeux des
catholiques, est une considération
moins puissante que le devoir; Ce
pendant, montrer que le second
s'accorde avec le premier ne sera
jamais superflu. En bien, ce parfait
accord est ici l'évidence même.
Nous avons le suffrage universel;
• nous le garderons. S'il en. est pour
croire, sincèrement, qu'un jour
viendra où il sera supprimé, atten
dons qu'ils affirment leur espérance
et l'appuient de raisons sérieuses.
Nous discuterons alors. Mais ces
contradicteurs, nous ne les trouve
rons pas. La conviction est faite.
On changera peut-être, un jour, la
forme du gouvernement. Il n'est pas
impossible, même, qu'on arrive à
détruire, en partie, les abus admi
nistratifs. On ne supprimera point
le suffrage universel. ,
Ce que nous i pourrons obtenir,
par un effort d'une activité long-
teaips persévérante, c'est qu'on en
modifie l'organisation. En même
temps que le cens électoral, il ne
fallait pas écarter le sens commun.
„ Voilà pourtant, ce qu'on a fait. De
telles; erreurs ,ss sentent , bien vite,
s'avoJient peu à peu, et se corrigent
très difficilement. On y arrivera,
nous l'espérons, maigre les obsta
cles. On introduira dans le système,
aveé la logique et l'ordre, un élé-
• nient nouveau ; la" compétence.
Mais, quelle que soit l'organisa
tion donnée, enfin. au. suffrage uni
versel, la majorité restera toujours
à ceux qui ont actuellement besoin
des réformes économiques. Les
pauvres, *— qu'il ne faut,; p&s @£)ïî*
fondre avec les misérables, —* de
meureront les iplus nombreux. Le
chiffré des ouvriers dépassera de
beaucoup celui des patrons. Par
conséquent? le suffrage univepspl
continuera de réclamer dimportan-
i tes modifications au ooint de vue
social. Mieux organisé, il n sera
même que plus fort pour les orné-'
jiir. Plus fort, il se montrera plus
ardent, et si on ne; lui" accorde pas
une sérieuse partie, au moins, de
ce qu'il dqmânde/il prendra tout ce
qu'il' revendiquait^ voire davan-
.. ïage. ' . v ' . '
La Justice coûte bon !...,C'est le
cri habituel des deux parties, après
.un procès, et de celle, surtout; qui
paie les dépens. La Justice du peu
ple, quand il se la fait lui-même, est
particulièrement chère., ,Tous les
exemples sont là, qui le confirment.
"L'intérêt,;donc, nous le prescrit:
évitons d'en venir à cétte extrémité.
iPour cela, d'une marche prudente
nuais résolue, engageons-nous dans
là yoie progressive des déformés
.équitables et possibles.
On objecte, nous le ?avons, qu'on
ne fait ainsi qu'enhardir ; Ja partie
prenante. Plus elle regoit, plu* f"?
exige, étant insatiable. — Meme fon-<
dé,-eet'argument ne nous dispense
rait pas de remplir un devoir, pour
rions-nous répondre tout d'abord,
si la seule question dé l'intérêt bien
entendu ne nous occupait aujour
d'hui... Laissant en réserve la justi
ce et la charité, n'envisageant que le
point de vue matériel, nous affir
mons que sur ce terrain aussi l'ob
jection n'est pas recevable. Très
commode assurément pour ceux qui
ne voulant rien accorder, cherchent
un prétexte, elle est réfutée par les
faits comme par le bon sens.
Qu'on y réfléchisse un peu. D'où
vient que les progrès du socialisme
ne s'opèrent qu'avec une heureuse
lenteur ? Ceux qu'il devrait sé
duire par ses mirages de prospé
rité universelle, la foule des travail
leurs voués en si grand nombre à
une misère imméritéej ne lui don
nent, aux jours électoraux, qu'une
portion grossissante mais très faible
encore de leurs suffrages. Nous'en
avons ■ pour vingt ans, au moins, la
marche continuant de la même allu
re,avant de voir une majorité collec
tiviste à la Chambre. Quand nous y
serons, nous trouverons que cet es
pace dé temps a passé. bien vite. Il
nous paraît, àfranchir, considérable.
Comment se fait-il que la masse ou
vrière ne se montre pas, plus avide
d'arriver ,à l'Eden promis ?
C'est que le bon oens la retient.
Elle se demande si les théories sé
duisantes des Jaurès et des Guesde
sont applicables; En le * souhaitant
fort, néanmoins elle en doute ; et
doutant, elle hésite. Ne court-elle
Soint au-devant d'un cataclysme,
ont elle serait la première à souf
frir ? Beaucoup le lui disent, avec
des arguments sérieux. Cependant,
comme l'oiseau attiré vers le point
qui scintille, peu à peu elle s'appro
che, poussée au changement coûte
que coûte par son trop misérable
sort. Lui rendre ce sort plus sup
portable, lui montrer qu'on veut
sincèrement l'améliorer dans toute
la mesure possible, c'est le meilleur
moyen- de la préserver d'une attrac
tion funeste.
Pierre Veuillot.
BULLETIN DU JOUR
Des détachements mixtes des diverses
escadres européennes occupent la Ca
riée et trois autres villes importantes de
la Crète.
D'autre part, le corps expéditionnaire
hellénique, commandé par le colonel
Vassos, a pris possession d'un certain
nombre de points stratégiques de la
grande île. Mais il a reçu l'ordre de ne
pas entrer en conflit avec, les troupes
européennes. C'est avec les Turcs seuls
qu'il devra engager la lutte-, les dé
pêches signalent un premier combat.
En Grece l'opinion publique semble
très surexcitée ; on prête au roi Georges
l'intention de se mettre à la tête de l'ar
mée du Nord.
Les puissances européennes semblent
d'accord pour éviter un.conflit entre la
Grèce et la Turquie. On assure même que
l'empereur d'Allemagne aurait proposé
de faire une démonstration militaire
contre la Grèce afin de la réduire à l'i
naction.
Ayant terminé'la discussion du bud
get, la Chambre commencera aujour
d'hui la discussion des interpellations
depuis longtemps ajournées.
Au début de la séance, le ministre de
la guerre répondra à. la question de M.
Emmanuel Arène au sujet de la mort du
cavalier Agostini. Viendront ensuite les
interpellations de M. Lavy sur les cour
ses de taureaux, et de M. Dulau sur les
violations de la loi Grammont qui se
ront jointes. La première inscrite
est, après, celle de MM. Guesde et Chau
vin a propos de < l'expulsion du < terri*
toire français des députés socialistes, al-
lemandsLiebknechtetBebel.
Le rapport de M. Cordelet sur l'élec
tion de Toulouse, distribué hier aux sé
nateurs) conclut à la validation de M.
Constans. i-
LÀ SECULARISATION
DE M. L'ABBÉ GAYRAUD
Nous recevons de Rome la com
munication suivante :
Les accusations qui sont dirigées avec
tant d'acharnement contre le nouveau dé
puté de Brest m'ont rendu très désireux
d'e^anainer avec calme lesfaitsafîn de
les fiOBB^ître à fond,. Il était, d'ailleurs
inévitable que dans, les âmes impar
tiales éveillât le soupçon.d'accusations
fausses, puisque celles-ci n'ont surgi que
lorsque l'abbé Gayraud fut Indiqué
comme candidat et depuis (ju'il est (dé
puté, de. Brest, Jusqu'alors pn l'avait
laissé en paix ; et même il avait reçu des
éloges pour son savoir et pour son élo
quence;: et ces éloges lui avaient été
adressés par beaucoup de ceux-là mêmes
qui aujourd'hui le poursuivent de récri-
minatipRS..
Aussi, comme j'en avais la gpsgttûlité,
je me suis empressé d'aller ^rchiyes
de la Sacrée Congrégation dés Êvêqueg et
Réguliers. J'ai examiné les documents ail
sujet des circonstances dans lesquelles
l'ajpb.é fGfaypaud a quitté l'ordre des Do-
piinicaing. C'est là Je'fait qui a donné lieu
à foyte§ les attaques 5 c'est lp nœud ..de,
toufeï4 &f»itôr ' ' J "' ' •;
Voici le résumé de mes recherches,
parmi ces documents, qui sont la source
la plus autorisée pour une affaire de ce
genre.
A la date du 17 janvier 1893 se trouve,
la pièce émanant du procureur général
des Frères-Prêcheurs à Rome et concer
nant la demande de sécularisation. Cette
pièce certifie que le P. Gayraud était un
religieux doué d'un talent élevé ; et qu'il
avait publié plusieurs écrits traitant de
matières philosophiques;puis que, pen
sant avoir un rôle spécial à remplir, il
avait pris une situation à part, au point
de vue du mouvement religieux politi
que de France; et qu'après la lettre
du Saint-Père aux Français, il était un
des orateurs populaires les plus remar
qués et publiait aussi un livre pour com
menter la Lettre pontificale, livre qui lui
mérita, de la part de S. Em. le cardinal
secrétaire d'Etat, une réponse contenant
des paroles bienveillantes.
Dans la pièce que je résume, la cause
pour laquelle le père Gayraud a voulu
sortir de son Ordre c'est la pensée qu'il
avait une mission spéciale à remplir.
On n'y trouve pas la moindre allusion à
un fait qui aurait offensé la morale et
provoqué le départ du P. Gayraud.
Il est encore constaté que les supé
rieurs ont agi activement pour persuader
le P. Gayraud de ne pas se retirer ; ce
qui montre l'estime dans laquelle ils le
tenaient.
De plus, on lit que, après la sécularisa
tion obtenue,l'évêque de Montauban offrit
de recevoir l'abbé Gayraud volontiers
(libenter) dans son diocèse et dans son
propre clergé, de lui procurer une situa
tion honorable dans une paroisse ou dans
les autres œuvres du ministère, particu
lièrement dans la prédication soit au
diocèse de Montauban, soit à Paris, ou
dans d'autres villes de France.
Telles sont les indications contenues
dans les documents de la Sacrée Congré
gation des Evêques et Réguliers. Elles
montrent clairement que les accusations,
produites tardivement, ont pour origine
l'esprit de parti et pour appuis ceux qui
ne peuvent ou ne veulent pas suppor
ter que l'abbé Gayraud représente la
pleine adhésion à toutes les directions du
Saint-Siège concernant les catholiques
de France.
Il est à espérer qu'on renoncera enfin à
répandre, au sujet de la sécularisation de
l'abbé Gayraud, des commérages sans
fondement, auxquels des documents au
torisés donnent un démenti si péremp-
toire.
Çà et là
DU GONCOURTISME
et de la. littérature d'alcove
Au grand siècle des Corneille, des Ra
cine, des Molière, des Bossuet, aucun
écrivain ne se croyait appelé à inventer
un système. Le bossuétisme, le molié-
risme, le racinisme ne furent jamais con
nus. Partisans des Anciens et partisans
des Modernes s'étaient abreuvés aux
mêmes sources du beau et se propo
saient uniquement de le traduire dans
leurs œuvres. Aujourd'hui toute éduca
tion littéraire débute encore par l'étude
des antiques, mais à peine majeurs, nos
jeunes écrivains secouent toute tutelle,
et pensent à devenir les prophètes d'une
rénovation intellectuelle. Gette rénova
tion, ils la veulent à leur profit, et dans
ce but, ils recherchent le singulier et
l'extravagant pour s'assurer à tout prix
une place au soleil de la publicité. Est-ce
là pure pensée ambitieuse? Je crois que
l'intérêt hante leur cerveau plus que
l'ambition.
Nous vivons en un siècle tourmenté :
la grande préoccupation est la lutte pour
la vie, pour la vie avec tous ses charmes,
et dans l'esprit de plusieurs, pour la vie
avec tous ses désordres. C'est la résul
tante des progrès matériels ; c'est non
moins la conséquence de la libré concur
rence en tout et partout, En un pareil
milieu,où trouverait-on. place pour l'idée?
Le public n'a pas le calme qui convient à
l'étude ; il est trop distrait pour com
prendre et savourer les choses de l'es
prit; incapable d'idéal, il n'est attentif
qu'aux faits lés plus vulgaires ; son intel
ligence ne s'éveille qu'en présence du
sensible et des Réalités plus, ou moins
brutales. Si vous rêvez la vérité, le bien,
le beau, vous êtes un incompris. Si vous
sacrifiez à des idées grandes et généreu
ses, retirez-vous, cachez-vous, vous
n'êtepplus 4e, pe siècle ; l'ombre du cloî
tre pourrait vou s abriter, le froc du bé
nédictin vous convenir : votre, récom
pense n'est pas en ce monde, Courez-vous
après le succès ? Annoncez-vous avec
fracas, ajoutez le renfort-de la réclame,
ayez pignon sur rue, poséz votre enseigne
et écrivez dessus : Au goût public. .
~ Ce système fut celui des frères de Gon-
çourt. Ces deux péjjbatftires qui, n'ayant
pas de charges, auraient, plus facilement
que d'autres, pu négliger le côté intérêt
de leur carrière, ont supputé avant tout
le proflt dft leyrs oeuvres. Chez eux la
comptabilité.et ; ia littérature put marché
de pair. Je suppose qu'ils aient goûté
pelle-ci ; ils ont surtout affectionné la lit
térature qui rapporte.
Je ne disconviendrai pas de leurs ta
lents. Leurs romans ne sont pas des pro
ductions ordinaires et quelconques. Les
caractères et les tableaux y sont bien
fpuilj.ég, . frop . fouillés. Leur flistoire
de la Société' "française pendant la
Révolution, leurs Portraits de femmës
■célèbres au XVIII" siècle n'ont pas l'am- <
pleur et l'exactitude rigoureuse qui con
viennent à une étude solide, mais le pin- !
ceau des frères de Goncourt, si adroit (et j
si léger, se joue en de curieuses anec
dotes. « Les Goncourt, dit M. Chanta-
voine, dans une sérieuse étude publiée par
le Correspondant, ont été des écri
vains précieux et rares, subtils, ner
veux, brillants, chatoyants, colorés, ba
riolés... » Ce sont-là des qualités : suffi
sent-elles pour faire de grands écrivains?
Les Goncourt n'en ont pas eu d'autres,
toutefois c'en est assez pour plaire au
gros public.
Au fait, la poursuite du succès enfié
vra leur existence. Comme de vieux
garçons endurcis, les. Goncourt ont
été des égoïstes littéraires. Mettaient-ils
à jpurun nouveau livre, a la. révélation
au public de ce chef-d'œuvre longtemps
caressé les jetait, dit M. Chantavoine,
dans des transes inexprimables ; ils écri
vaient alors : « Nous ne vivons plus! »
En cas d'insuccès, ils s'en prenaient aux
autres, « c'était un coup monté ».
Réssissaient-ils, « c'était un regard du
« ciel et une réparation de la Provi-
« dence. »
En général, ils reçurent bon accueil.
C'est que les Goncourt avaient com
pris leur siècle et suivi ses goûts. A ces
névrosés, à ces esprits alourdis par les
sens, ils donnaient en pâture des images
et des sensations, en des œuvres pleines
de couleur. Barnums littéraires, ils tru
quaient dans la perfection leur style et
leurs idées, et après ce bel ouvrage, ils
se félicitaient eux-mêmes, n'étant pas
loin de s'écrier comme Archimède Eu
rêka! Ils ne s'apercevaient pas, ainsi que
le remarque M. Chantavoine, « qu'ils
substituaient le métier à l'art, le pro
cédé à la nature, et tout compte fait
l'affectation à la simplicité, le faux au
vrai ». On ne saurait mieux dire. Ces
procédés habiles peuvent convenir à ceux
dont le goût est rien moins que délicat ;
ils ne sauraient passer pour du talent
vrai et sincère, et n'assurent pas aux
Goncourt les éloges de la postérité.
M. Chantavoine a peint d'un mot ty
pique cette littérature. Il la désigne sous
le nom de littérature inquiète. Inquiète,
elle l'est: d'elle-même, de ses succès,
de ses profits. Elle cherche moins à vi
vre qu'à faire vivre ; elle n'est pas un
but, mais un mpyen. Le moyen se pro
portionne au but : il est matériel et pres
sant comme lui.
Lorsque les soucis de l'existence nous
harcèlent,, lorsque le besoin nous aiguil
lonne, nous sommes exposés, si pour
nous la conscience n'a plus de remords
et la loi morale plus de principes, à user
de tous les expédients pour nous créer
une situation ou pour la refaire si elle est
délabrée. Il se passe quelque chose de
semblable dans la littérature contempo
raine, et les expédients y jouent un grand
rôle.
Nous venons de voir que le système des
frères de Goncourt relève de cet esprit ;
mais il y a plus, et sans parler de M. Zola-
et de son école, de ces rpmanciers qui
souillenttcus les sujets qu'ils afeprdent,
une littérature sans scr*pule, demi-voi
lée et court-vêtue, s'offre au public sous
couleur d'érudition historique ou.psycho-
logique ou physiologique.
Autrefois, lorsqu'on voulait écrire
l'histoire, on s'entourait de documents
capables de faire autorité; aujourd'hui
les documents sont les petits papiers et
la correspondance intime, et on exhibe
les autorités de derrière les paravents
d'alcôve.
Je ne veux pas avancer qu'il n'y ait
plus d'historiens de la première manière.
Dieu merci! nous serions bien malheu
reux ! Mais qu'ils sont plus nombreux les
lecteurs qui s'intéressent à la seconde !
Ne me parlez pas des hauts faits ou des
titres de gloire de tel personnage çpriuu;
ne me dites pas s'il fut valeureux guer
rier, bon tacticien, profond politique, ha
bile administrateur, écrivain de génie ou
de talent; je n'ai pas l'esprit à d'aussi
arides études ; mais exposez-moi tout au
long ce qu'il pensait des femmes, racon
tez-moi par le menu ses amours succes
sives ou combinées, et de combien d'in
trigues galantes se compose sa vie pri
vée. Ainsi pense le vulgaire, et il se ren
contre quantité d'écrivains pour le satis
faire. y
-Autrefois, lorsqu'on voulait faire de la
psychologie ou de la physiologie, on s'ar
mait de l'arme puissante de l'analyse ou
du scalpel) et des faits du domaine public
pn induisait des données générales. Au
jourd'hui on met à jour le cœur ou le cer
veau de ses contemporains pour conclure
par des inductions d'prdre privé.
Notre morale,est sans religion, notre
littérature doit être sans morale. Nous
sommes sans gêne avec Dieu, ppurquoi
nous contraindre envers nos égaux?
C'est logique ! Où allons-nous, pourtant,
si nous adoptons comme consacrées de
telles prémisses? Bah! nos modernes
écrivains n'y regardent pas d'aussi près ;
leur attention est trop absorbée par ail
leurs. Leur ppprit pétri de lectures mal
saines se propose ; du nouveau, et le goût
de la publicité les a conduits à remuer
les charniers de l'histoire et de la vie
des grands hommes. V pus ne verrez pas
les célébrités sous le couvert de leur
gloire ; non, on suppose que cela ne vous
intéresse plus : on vous ouvrira tout sim
plement la porte de leur cframferè,
Le lecteur déjji porrompu s'ébaudit de
vant ces peintures réalistes ; il y voit une
sorte de satisfecit donné à ses vices et
cela le réconcilie avec sa conscience.
Voilà comment on essaye de corriger .les
mœurs ! Les prétendus historiens gai se
commettent dans ces turpitudes ne sont-
ils pas eux-mêmes atteints de la lèpre? A
les voir si fort à leur aise au milieu de
ces choses basses et viles, ne peut-on
croire qu'ils s'y complaisent. Leurs cabi
nets de travail ne doivent pas avoir la
gravité, du sanctuaire. Après tout, nos
auteurs pensent, peut-être, que la vie
étant: courte et lf travail nécessaire, au
tant vaut mener de front le travail et le
plaisir, les belles-lettres et la vie joyeuse.
Cette littérature-là M. Chantavoine
l'appelle « indiscrète ». Elle est fille de la
littérature inquiète, mais la fille a de
vancé la mère sur le chemin de la perdi
tion. D'ailleurs en mettant sur le compte
du « métier » les écrits inspirés surtout
par le lucre et l'intérêt, nous n'avions en
vue que le côté littéraire de l'œuvre des
de Goncourt, réservant notre jugement
sur, sa moralité : au point de vue moral,
à ces tableaux d'alcôve et de boudoir le
seul nom de métier ne saurait convenir.
Il n'est pas permis, sans nécessité, de
révéler les secrets de la vie privée, de
dénigrer les autres, de vendre leurs dé
pouilles pour se draper dans un manteau
d'or, de descendre dans les bas-fonds de
l'existence pour en extraire l'ordure et la
résoudre en monnaie. IL n'y a pas de sot
métier, soit, mais les indiscrets doublés
des égrillards sont de sottes gens. Il
appartiendrait à la loi de les disqualifier
en faisant fermer leurs boutiques.
. M. D eluy.
EN ORIENT
L'impression que laisse aujour
d'hui l'ensemble des informations
relatives à l'Orient, est assez con
fuse ; on y peut cependant noter les
points suivants.
En Crète, le débarquement des
détachements mixtes fournis par les
escadres européennes a fait cesser
la lutte entre les chrétiens et les
musulmans! De son côté le com
mandant des troupes grecques
évite avec soin tout contact et tout
conflit avec ces détachements, mais
il entre en relation avec les chré
tiens soulevés et travaille visible
ment à créer, au moins pour toute
la partie de l'île où son action est
libre, l'autorité du fait accompli,
c'est-à-dire l'union de la Crète à la
Grèce.
A Constantinople, le gouverne
ment tura se montre déférent vis-à-
vis dés grandes puissances ; il a
volontiers autorisé le débarquement
des marins européens en Crète, es
timant que cette démarche est faite
en faveur de sa domination et contre
les tentatives d'annexion à la Grèce.
Cependant, il vient d'ordonner de
former deux escadres avec ce qui
reste de bâtiments mobilisables de
l'ancienne flotte turque, et en même
temps, il fait renforcer les troupes
déjà nombreuses qu'il possède suj*
les frontières de la Thessalle-,
Ces diverses mesures semblent
indiquer que la Porte ottomane n'a
qu'une confiance médiocre dans les
efforts que font les puissances pour
arrêter les velléités belliqueuses du
gouvernement hellénique. On peut
Craindre èn effet qu'un de ces qua
tre matins, et en dépit des avertisse
ments comminatoires de l'Europe,
les hostilités n'éclatent,précisément
en Thessalie, entre les Turcs et les
Grecs.
' Il paraît que dans les différentes
chancelleries on est très impres
sionné par le langage qu'aurait tenu
l'empereur d'Allemagne au sujet
$e ,1a Grèce : Guillaume II estime
qu'on la doit traiter sans ména
gements et « au canon » pour avoir
violé le droit des gens, et par ses
téméraires entreprises, fait courir
à l'Europe entière ie risque d'une
guerre générale; il préconise, en
conséquence, de la part des six
grandes puissances, des mesures
coërcitives.
Il nous semble que le gouverne
ment français doit y regarder à deux
fois, avant de s'associer à une
politique aussi sommaire, qui peut
etre celle de l'Allemagne, mais
ne nous paraît pas pouvoir être
celle de la France, protectrice tra
ditionnelle des peuples chrétiens en
Orient.
F. L.
LETTRES DU CARDIHU RAHPOLU
Nous recevons communication de
la lettre suivante adressée par
S. Em. le cardinal Rampolla, secré
taire d'Etat de Sa Sainteté, à M. A.
Rendu, président de l'Union démo
cratique Chrétienne de Paris, :
Monsieur,
L'adresse que vous avez bien voulu,
avec les autres membres de l'Union dé
mocratique chrétienne de la région de
Paris, soumettre au Saint-Père, a été ac
cueillie par Sa Sainteté avec une parti
culière attention.
Elle ne doute pas que les sentiments,
que vous lûi exprimez, de votre entier
dévouement et $$ votre complète obéis
sant av;x, conseils du Saint-Siège, ne
soient pour l'avenir, la meilleur gloire
de votre société, et c'est a\eç cette con
fiance que très volontiers et de tout cœur
elle accorde à vpus et à tbus les membres
de l'Union la bénédiction apostolique.
En vous confirmant ma haute estime,
je me déclare, votre très affectueux ser
viteur, .
M. Card. R ampolla.
Rome, le 30 janvier 1897.
UAvenir de Reims publie, en
outre, le$ deux lettres suivantes de
S. Em. le cardinal Rampolla :
Aux cercles chrétiens d'études sociales.
Monsieur,
Le Saint-Père a agréé avec un vif
plaisir la pensée qu'ont eu les cercles
d'études sociales d'unir leurs hommages
de filiale dévotion à ceux que l'honorable
commandeur Harmel lui a personnelle
ment renouvelés. Dans l'adresse des cer
cles d'études sociales, Sa Sainteté s'est
complue à voir affirmer les plus nobles
sentiments d'hommage envers le Saint-
Siège et de parfaite obéissance aux en
seignements et aux directions qui en éma
nent : et par suite, Sa Sainteté nourrit la
confiance que lesdites associations conti
nueront à mériter de plus en plus la pa
ternelle bienveillance dont elle leur a
donné récemmentla preuve en accordant
une. distinction honorifique au curé de
Saint-Remy.
; Pour vous animer à persévérer dans
les bonnes dispositions exprimées dans
cette adresse, l'auguste Pontife a daigné
accorder la bénédiction apostolique à
tous les membres des cercles sus-nom
més, et je suis heureux de le porter à
votre connaissance.
En me disant avec une estime particu
lière,
Votre dévoué serviteur;
M. Cardinal R ampolla.
Rome, 30 janvier 1897.
A M. de Boham, président du Syndi
cat agricole de la Champagne.
Monsieur,
Les sentiments de filiale dévotion et de
dévouement que les membres du Syndi
cat agricole de la Champagne ont adres
sés au Saint-Père, àl'occasion du voyage
à Rome de l'excellent commandeur M.
Léon. Harmel, ont été très agréables à Sa
Sainteté.
Elle se plaît à espérer que les signa
taires de l'adresse du Syndicat agricole
continueront à se montrer dociles aux
enseignements et aux conseils contenus
dans ses Encycliques, et, certain que
• cette parfaite docilité attirera sur eux une
large part dans les faveurs du Ciel, très
volontiers Elle aocorde à eux, à leurs fa
milles et tous leurs adhérents la béné
diction apostolique.
Heureux de vous faire part de cette
faveur, je me déclare, avec les sentiments
de la plus haute estime,
Votre très affectueux serviteur,
" M. Card. R ampolla.
Rome,- le 30 janvier 1897.
LETTRES JE GENÈVE
Genève, 14 février 1897.
'Une proposition contre le -budget des cul
tes. — Les vieux-catholiques. — La Ban
que fédérale.
Le Grand Conseil a clos l'autre jour
sa session d'hiver. On en avait attendu
beaucoup; qu'en est-il sorti?—« Du vent »,
ou à peu près. Des nominations de juges,
des allocations pour des travaux de mé
diocre importance, des interpellations qui
n'ont jamais chez nous l'intérêt qu'elles
auraient dans un Etat parlementaire»
puisqu'elles ne sauraient aboutir à ren
verser le Conseil d'Etat, de petites lois
de détails insignifiants, et puis rien, pas
même le dépôt de la fameuse initiative
des socialistes pour demander la sup
pression du budget des cultes. C'est là un
des merveilleux engins de notre démo
cratie genevoise : 2,500 citoyens peuvent,
sous la forme d'une pétition, proposer un
projet de loi que les législateurs sont
obligés de discuter et de soumettre en
suite au verdict du peuple. A vrai dire v
on s'en sert peu, et jusqu'ici, lorsqu'on
s'en 6st servi, il a servi à peu de chose.
Dans l'espèce, les chefs du mouvement
ont bien recueilli le nombre exigé de si
gnatures, mais c'est peu en comparaison
de l'ensemble du corps électoral, d'au
tant plus que plusieurs de ces signatures;
ont été obtenues pour un tout autre but
que pour favoriser les visées socialistes.
Quantité de nos campagnards ont donné
leurs noms (prenaient-ils le temps de
lire la pièce?) parce qu'on leur a présenté
la chose comme un moyen de se débar
rasser des intrus à bref délai. On ne sau
rait croire à quel degré ces sinistrés
hères sont méprisés et détestés. Ils vie
font rien, palpent de gros salaires, occu
pent des églises vides, et semblent au
milieu des populations fidèles une per
pétuelle insulte à leurs sensiments reli
gieux,
Vous comprenez que le jour de leur
départ serait un beau jour, mais ceux qui
ont adhéré à l'initiative socialiste sous
l'influence de cette préoccupation, n'aU-
ront plus peut-être la même ardeur pour
en ratifier le programme une fois que les
débats du grand conseil leur en auront
révélé la réelle signification.
Est-ce à cause de cela, que les cléputés
du parti ouvrier ne Se sont point hâtés de
faire inscrire à l'ordre du jour des tra
vaux de la Chambre la discussion de leur
pétition? Ils espèrent sans doute que le
temps leur donnera plus de partisans, et
qu'ils ont tout à gagner par une attitude
expectante.
Une difficulté pendante sera de nature
à leur donner gain de cause, je veux dire le
malaise dont je vpus ai entretenus si fré-
Edition ç-aotidtozme* 10,324
WÉsm
Vendredi 19 Février 1807
ÉDITIO N QUOT IDIENNE
. PARIS : ÉTRANGER
et départements (union postai^
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PARIS, 18 FÉVRIER 1887
SOMMAIRE
L'intérêt. . I ,.. P ierre V euillot.
Çà et là : Du gon-
courtisme et de la
littérature d'alcôve M. D eluy.
En Orient. f. L.
Lettres de Genève.. z. z. z.
L'œuvre des campa
gnes.... ...... E douard A lexandre
Bulletin du jour. — La sécularisation de
M. l'abbé Gayraud. — Lettres de S. Em.
• le cardlnal-'Ramptflfa. —' Contre le droit
, d'abonnement. — Informations politiques
et parlementaires, -r- ■ Les dossiers de M.
Wilson . — Religieuse décorée. i- A tra
vers la presse. — Chronique. ^- Lettres,
/sciences et arts. —Au cercle du Luxem
bourg, — La question crétoise et la
presse. — Les affaires de Crète. — Dépê
ches de l'étranger. — Mort de l'arche
vêque de Rio-dë-Janelrb. — Contre la
peste. — La question ouvrière; —Echos
de partout. — Nécrologie. — Guerre et
.marine.— Souscription pour les Armé-
1 ni °ns. — Tribunaux. — Nouvelles " di
verses. — Calendrier. — Tableau et bul
letin de la Bourse. — Dernière heure.
L'INTÉRÊT
Les réformes sociales, ce ne sont
pas seulement la justice et ? la cha
rité qui les demandent, mais l'inté
rêt dé deux mêmes auxquels, tout
d'abord, on paraîtra imposer des
sacrifices. Payer une assurance
<3ontre l'incendie, c'est aussi^ se
priver un peu, pour ne pas être
victime d'un désastre.
. L'intérêt, surtout aux yeux des
catholiques, est une considération
moins puissante que le devoir; Ce
pendant, montrer que le second
s'accorde avec le premier ne sera
jamais superflu. En bien, ce parfait
accord est ici l'évidence même.
Nous avons le suffrage universel;
• nous le garderons. S'il en. est pour
croire, sincèrement, qu'un jour
viendra où il sera supprimé, atten
dons qu'ils affirment leur espérance
et l'appuient de raisons sérieuses.
Nous discuterons alors. Mais ces
contradicteurs, nous ne les trouve
rons pas. La conviction est faite.
On changera peut-être, un jour, la
forme du gouvernement. Il n'est pas
impossible, même, qu'on arrive à
détruire, en partie, les abus admi
nistratifs. On ne supprimera point
le suffrage universel. ,
Ce que nous i pourrons obtenir,
par un effort d'une activité long-
teaips persévérante, c'est qu'on en
modifie l'organisation. En même
temps que le cens électoral, il ne
fallait pas écarter le sens commun.
„ Voilà pourtant, ce qu'on a fait. De
telles; erreurs ,ss sentent , bien vite,
s'avoJient peu à peu, et se corrigent
très difficilement. On y arrivera,
nous l'espérons, maigre les obsta
cles. On introduira dans le système,
aveé la logique et l'ordre, un élé-
• nient nouveau ; la" compétence.
Mais, quelle que soit l'organisa
tion donnée, enfin. au. suffrage uni
versel, la majorité restera toujours
à ceux qui ont actuellement besoin
des réformes économiques. Les
pauvres, *— qu'il ne faut,; p&s @£)ïî*
fondre avec les misérables, —* de
meureront les iplus nombreux. Le
chiffré des ouvriers dépassera de
beaucoup celui des patrons. Par
conséquent? le suffrage univepspl
continuera de réclamer dimportan-
i tes modifications au ooint de vue
social. Mieux organisé, il n sera
même que plus fort pour les orné-'
jiir. Plus fort, il se montrera plus
ardent, et si on ne; lui" accorde pas
une sérieuse partie, au moins, de
ce qu'il dqmânde/il prendra tout ce
qu'il' revendiquait^ voire davan-
.. ïage. ' . v ' . '
La Justice coûte bon !...,C'est le
cri habituel des deux parties, après
.un procès, et de celle, surtout; qui
paie les dépens. La Justice du peu
ple, quand il se la fait lui-même, est
particulièrement chère., ,Tous les
exemples sont là, qui le confirment.
"L'intérêt,;donc, nous le prescrit:
évitons d'en venir à cétte extrémité.
iPour cela, d'une marche prudente
nuais résolue, engageons-nous dans
là yoie progressive des déformés
.équitables et possibles.
On objecte, nous le ?avons, qu'on
ne fait ainsi qu'enhardir ; Ja partie
prenante. Plus elle regoit, plu* f"?
exige, étant insatiable. — Meme fon-<
dé,-eet'argument ne nous dispense
rait pas de remplir un devoir, pour
rions-nous répondre tout d'abord,
si la seule question dé l'intérêt bien
entendu ne nous occupait aujour
d'hui... Laissant en réserve la justi
ce et la charité, n'envisageant que le
point de vue matériel, nous affir
mons que sur ce terrain aussi l'ob
jection n'est pas recevable. Très
commode assurément pour ceux qui
ne voulant rien accorder, cherchent
un prétexte, elle est réfutée par les
faits comme par le bon sens.
Qu'on y réfléchisse un peu. D'où
vient que les progrès du socialisme
ne s'opèrent qu'avec une heureuse
lenteur ? Ceux qu'il devrait sé
duire par ses mirages de prospé
rité universelle, la foule des travail
leurs voués en si grand nombre à
une misère imméritéej ne lui don
nent, aux jours électoraux, qu'une
portion grossissante mais très faible
encore de leurs suffrages. Nous'en
avons ■ pour vingt ans, au moins, la
marche continuant de la même allu
re,avant de voir une majorité collec
tiviste à la Chambre. Quand nous y
serons, nous trouverons que cet es
pace dé temps a passé. bien vite. Il
nous paraît, àfranchir, considérable.
Comment se fait-il que la masse ou
vrière ne se montre pas, plus avide
d'arriver ,à l'Eden promis ?
C'est que le bon oens la retient.
Elle se demande si les théories sé
duisantes des Jaurès et des Guesde
sont applicables; En le * souhaitant
fort, néanmoins elle en doute ; et
doutant, elle hésite. Ne court-elle
Soint au-devant d'un cataclysme,
ont elle serait la première à souf
frir ? Beaucoup le lui disent, avec
des arguments sérieux. Cependant,
comme l'oiseau attiré vers le point
qui scintille, peu à peu elle s'appro
che, poussée au changement coûte
que coûte par son trop misérable
sort. Lui rendre ce sort plus sup
portable, lui montrer qu'on veut
sincèrement l'améliorer dans toute
la mesure possible, c'est le meilleur
moyen- de la préserver d'une attrac
tion funeste.
Pierre Veuillot.
BULLETIN DU JOUR
Des détachements mixtes des diverses
escadres européennes occupent la Ca
riée et trois autres villes importantes de
la Crète.
D'autre part, le corps expéditionnaire
hellénique, commandé par le colonel
Vassos, a pris possession d'un certain
nombre de points stratégiques de la
grande île. Mais il a reçu l'ordre de ne
pas entrer en conflit avec, les troupes
européennes. C'est avec les Turcs seuls
qu'il devra engager la lutte-, les dé
pêches signalent un premier combat.
En Grece l'opinion publique semble
très surexcitée ; on prête au roi Georges
l'intention de se mettre à la tête de l'ar
mée du Nord.
Les puissances européennes semblent
d'accord pour éviter un.conflit entre la
Grèce et la Turquie. On assure même que
l'empereur d'Allemagne aurait proposé
de faire une démonstration militaire
contre la Grèce afin de la réduire à l'i
naction.
Ayant terminé'la discussion du bud
get, la Chambre commencera aujour
d'hui la discussion des interpellations
depuis longtemps ajournées.
Au début de la séance, le ministre de
la guerre répondra à. la question de M.
Emmanuel Arène au sujet de la mort du
cavalier Agostini. Viendront ensuite les
interpellations de M. Lavy sur les cour
ses de taureaux, et de M. Dulau sur les
violations de la loi Grammont qui se
ront jointes. La première inscrite
est, après, celle de MM. Guesde et Chau
vin a propos de < l'expulsion du < terri*
toire français des députés socialistes, al-
lemandsLiebknechtetBebel.
Le rapport de M. Cordelet sur l'élec
tion de Toulouse, distribué hier aux sé
nateurs) conclut à la validation de M.
Constans. i-
LÀ SECULARISATION
DE M. L'ABBÉ GAYRAUD
Nous recevons de Rome la com
munication suivante :
Les accusations qui sont dirigées avec
tant d'acharnement contre le nouveau dé
puté de Brest m'ont rendu très désireux
d'e^anainer avec calme lesfaitsafîn de
les fiOBB^ître à fond,. Il était, d'ailleurs
inévitable que dans, les âmes impar
tiales éveillât le soupçon.d'accusations
fausses, puisque celles-ci n'ont surgi que
lorsque l'abbé Gayraud fut Indiqué
comme candidat et depuis (ju'il est (dé
puté, de. Brest, Jusqu'alors pn l'avait
laissé en paix ; et même il avait reçu des
éloges pour son savoir et pour son élo
quence;: et ces éloges lui avaient été
adressés par beaucoup de ceux-là mêmes
qui aujourd'hui le poursuivent de récri-
minatipRS..
Aussi, comme j'en avais la gpsgttûlité,
je me suis empressé d'aller ^rchiyes
de la Sacrée Congrégation dés Êvêqueg et
Réguliers. J'ai examiné les documents ail
sujet des circonstances dans lesquelles
l'ajpb.é fGfaypaud a quitté l'ordre des Do-
piinicaing. C'est là Je'fait qui a donné lieu
à foyte§ les attaques 5 c'est lp nœud ..de,
toufeï4 &f»itôr ' ' J "' ' •;
Voici le résumé de mes recherches,
parmi ces documents, qui sont la source
la plus autorisée pour une affaire de ce
genre.
A la date du 17 janvier 1893 se trouve,
la pièce émanant du procureur général
des Frères-Prêcheurs à Rome et concer
nant la demande de sécularisation. Cette
pièce certifie que le P. Gayraud était un
religieux doué d'un talent élevé ; et qu'il
avait publié plusieurs écrits traitant de
matières philosophiques;puis que, pen
sant avoir un rôle spécial à remplir, il
avait pris une situation à part, au point
de vue du mouvement religieux politi
que de France; et qu'après la lettre
du Saint-Père aux Français, il était un
des orateurs populaires les plus remar
qués et publiait aussi un livre pour com
menter la Lettre pontificale, livre qui lui
mérita, de la part de S. Em. le cardinal
secrétaire d'Etat, une réponse contenant
des paroles bienveillantes.
Dans la pièce que je résume, la cause
pour laquelle le père Gayraud a voulu
sortir de son Ordre c'est la pensée qu'il
avait une mission spéciale à remplir.
On n'y trouve pas la moindre allusion à
un fait qui aurait offensé la morale et
provoqué le départ du P. Gayraud.
Il est encore constaté que les supé
rieurs ont agi activement pour persuader
le P. Gayraud de ne pas se retirer ; ce
qui montre l'estime dans laquelle ils le
tenaient.
De plus, on lit que, après la sécularisa
tion obtenue,l'évêque de Montauban offrit
de recevoir l'abbé Gayraud volontiers
(libenter) dans son diocèse et dans son
propre clergé, de lui procurer une situa
tion honorable dans une paroisse ou dans
les autres œuvres du ministère, particu
lièrement dans la prédication soit au
diocèse de Montauban, soit à Paris, ou
dans d'autres villes de France.
Telles sont les indications contenues
dans les documents de la Sacrée Congré
gation des Evêques et Réguliers. Elles
montrent clairement que les accusations,
produites tardivement, ont pour origine
l'esprit de parti et pour appuis ceux qui
ne peuvent ou ne veulent pas suppor
ter que l'abbé Gayraud représente la
pleine adhésion à toutes les directions du
Saint-Siège concernant les catholiques
de France.
Il est à espérer qu'on renoncera enfin à
répandre, au sujet de la sécularisation de
l'abbé Gayraud, des commérages sans
fondement, auxquels des documents au
torisés donnent un démenti si péremp-
toire.
Çà et là
DU GONCOURTISME
et de la. littérature d'alcove
Au grand siècle des Corneille, des Ra
cine, des Molière, des Bossuet, aucun
écrivain ne se croyait appelé à inventer
un système. Le bossuétisme, le molié-
risme, le racinisme ne furent jamais con
nus. Partisans des Anciens et partisans
des Modernes s'étaient abreuvés aux
mêmes sources du beau et se propo
saient uniquement de le traduire dans
leurs œuvres. Aujourd'hui toute éduca
tion littéraire débute encore par l'étude
des antiques, mais à peine majeurs, nos
jeunes écrivains secouent toute tutelle,
et pensent à devenir les prophètes d'une
rénovation intellectuelle. Gette rénova
tion, ils la veulent à leur profit, et dans
ce but, ils recherchent le singulier et
l'extravagant pour s'assurer à tout prix
une place au soleil de la publicité. Est-ce
là pure pensée ambitieuse? Je crois que
l'intérêt hante leur cerveau plus que
l'ambition.
Nous vivons en un siècle tourmenté :
la grande préoccupation est la lutte pour
la vie, pour la vie avec tous ses charmes,
et dans l'esprit de plusieurs, pour la vie
avec tous ses désordres. C'est la résul
tante des progrès matériels ; c'est non
moins la conséquence de la libré concur
rence en tout et partout, En un pareil
milieu,où trouverait-on. place pour l'idée?
Le public n'a pas le calme qui convient à
l'étude ; il est trop distrait pour com
prendre et savourer les choses de l'es
prit; incapable d'idéal, il n'est attentif
qu'aux faits lés plus vulgaires ; son intel
ligence ne s'éveille qu'en présence du
sensible et des Réalités plus, ou moins
brutales. Si vous rêvez la vérité, le bien,
le beau, vous êtes un incompris. Si vous
sacrifiez à des idées grandes et généreu
ses, retirez-vous, cachez-vous, vous
n'êtepplus 4e, pe siècle ; l'ombre du cloî
tre pourrait vou s abriter, le froc du bé
nédictin vous convenir : votre, récom
pense n'est pas en ce monde, Courez-vous
après le succès ? Annoncez-vous avec
fracas, ajoutez le renfort-de la réclame,
ayez pignon sur rue, poséz votre enseigne
et écrivez dessus : Au goût public. .
~ Ce système fut celui des frères de Gon-
çourt. Ces deux péjjbatftires qui, n'ayant
pas de charges, auraient, plus facilement
que d'autres, pu négliger le côté intérêt
de leur carrière, ont supputé avant tout
le proflt dft leyrs oeuvres. Chez eux la
comptabilité.et ; ia littérature put marché
de pair. Je suppose qu'ils aient goûté
pelle-ci ; ils ont surtout affectionné la lit
térature qui rapporte.
Je ne disconviendrai pas de leurs ta
lents. Leurs romans ne sont pas des pro
ductions ordinaires et quelconques. Les
caractères et les tableaux y sont bien
fpuilj.ég, . frop . fouillés. Leur flistoire
de la Société' "française pendant la
Révolution, leurs Portraits de femmës
■célèbres au XVIII" siècle n'ont pas l'am- <
pleur et l'exactitude rigoureuse qui con
viennent à une étude solide, mais le pin- !
ceau des frères de Goncourt, si adroit (et j
si léger, se joue en de curieuses anec
dotes. « Les Goncourt, dit M. Chanta-
voine, dans une sérieuse étude publiée par
le Correspondant, ont été des écri
vains précieux et rares, subtils, ner
veux, brillants, chatoyants, colorés, ba
riolés... » Ce sont-là des qualités : suffi
sent-elles pour faire de grands écrivains?
Les Goncourt n'en ont pas eu d'autres,
toutefois c'en est assez pour plaire au
gros public.
Au fait, la poursuite du succès enfié
vra leur existence. Comme de vieux
garçons endurcis, les. Goncourt ont
été des égoïstes littéraires. Mettaient-ils
à jpurun nouveau livre, a la. révélation
au public de ce chef-d'œuvre longtemps
caressé les jetait, dit M. Chantavoine,
dans des transes inexprimables ; ils écri
vaient alors : « Nous ne vivons plus! »
En cas d'insuccès, ils s'en prenaient aux
autres, « c'était un coup monté ».
Réssissaient-ils, « c'était un regard du
« ciel et une réparation de la Provi-
« dence. »
En général, ils reçurent bon accueil.
C'est que les Goncourt avaient com
pris leur siècle et suivi ses goûts. A ces
névrosés, à ces esprits alourdis par les
sens, ils donnaient en pâture des images
et des sensations, en des œuvres pleines
de couleur. Barnums littéraires, ils tru
quaient dans la perfection leur style et
leurs idées, et après ce bel ouvrage, ils
se félicitaient eux-mêmes, n'étant pas
loin de s'écrier comme Archimède Eu
rêka! Ils ne s'apercevaient pas, ainsi que
le remarque M. Chantavoine, « qu'ils
substituaient le métier à l'art, le pro
cédé à la nature, et tout compte fait
l'affectation à la simplicité, le faux au
vrai ». On ne saurait mieux dire. Ces
procédés habiles peuvent convenir à ceux
dont le goût est rien moins que délicat ;
ils ne sauraient passer pour du talent
vrai et sincère, et n'assurent pas aux
Goncourt les éloges de la postérité.
M. Chantavoine a peint d'un mot ty
pique cette littérature. Il la désigne sous
le nom de littérature inquiète. Inquiète,
elle l'est: d'elle-même, de ses succès,
de ses profits. Elle cherche moins à vi
vre qu'à faire vivre ; elle n'est pas un
but, mais un mpyen. Le moyen se pro
portionne au but : il est matériel et pres
sant comme lui.
Lorsque les soucis de l'existence nous
harcèlent,, lorsque le besoin nous aiguil
lonne, nous sommes exposés, si pour
nous la conscience n'a plus de remords
et la loi morale plus de principes, à user
de tous les expédients pour nous créer
une situation ou pour la refaire si elle est
délabrée. Il se passe quelque chose de
semblable dans la littérature contempo
raine, et les expédients y jouent un grand
rôle.
Nous venons de voir que le système des
frères de Goncourt relève de cet esprit ;
mais il y a plus, et sans parler de M. Zola-
et de son école, de ces rpmanciers qui
souillenttcus les sujets qu'ils afeprdent,
une littérature sans scr*pule, demi-voi
lée et court-vêtue, s'offre au public sous
couleur d'érudition historique ou.psycho-
logique ou physiologique.
Autrefois, lorsqu'on voulait écrire
l'histoire, on s'entourait de documents
capables de faire autorité; aujourd'hui
les documents sont les petits papiers et
la correspondance intime, et on exhibe
les autorités de derrière les paravents
d'alcôve.
Je ne veux pas avancer qu'il n'y ait
plus d'historiens de la première manière.
Dieu merci! nous serions bien malheu
reux ! Mais qu'ils sont plus nombreux les
lecteurs qui s'intéressent à la seconde !
Ne me parlez pas des hauts faits ou des
titres de gloire de tel personnage çpriuu;
ne me dites pas s'il fut valeureux guer
rier, bon tacticien, profond politique, ha
bile administrateur, écrivain de génie ou
de talent; je n'ai pas l'esprit à d'aussi
arides études ; mais exposez-moi tout au
long ce qu'il pensait des femmes, racon
tez-moi par le menu ses amours succes
sives ou combinées, et de combien d'in
trigues galantes se compose sa vie pri
vée. Ainsi pense le vulgaire, et il se ren
contre quantité d'écrivains pour le satis
faire. y
-Autrefois, lorsqu'on voulait faire de la
psychologie ou de la physiologie, on s'ar
mait de l'arme puissante de l'analyse ou
du scalpel) et des faits du domaine public
pn induisait des données générales. Au
jourd'hui on met à jour le cœur ou le cer
veau de ses contemporains pour conclure
par des inductions d'prdre privé.
Notre morale,est sans religion, notre
littérature doit être sans morale. Nous
sommes sans gêne avec Dieu, ppurquoi
nous contraindre envers nos égaux?
C'est logique ! Où allons-nous, pourtant,
si nous adoptons comme consacrées de
telles prémisses? Bah! nos modernes
écrivains n'y regardent pas d'aussi près ;
leur attention est trop absorbée par ail
leurs. Leur ppprit pétri de lectures mal
saines se propose ; du nouveau, et le goût
de la publicité les a conduits à remuer
les charniers de l'histoire et de la vie
des grands hommes. V pus ne verrez pas
les célébrités sous le couvert de leur
gloire ; non, on suppose que cela ne vous
intéresse plus : on vous ouvrira tout sim
plement la porte de leur cframferè,
Le lecteur déjji porrompu s'ébaudit de
vant ces peintures réalistes ; il y voit une
sorte de satisfecit donné à ses vices et
cela le réconcilie avec sa conscience.
Voilà comment on essaye de corriger .les
mœurs ! Les prétendus historiens gai se
commettent dans ces turpitudes ne sont-
ils pas eux-mêmes atteints de la lèpre? A
les voir si fort à leur aise au milieu de
ces choses basses et viles, ne peut-on
croire qu'ils s'y complaisent. Leurs cabi
nets de travail ne doivent pas avoir la
gravité, du sanctuaire. Après tout, nos
auteurs pensent, peut-être, que la vie
étant: courte et lf travail nécessaire, au
tant vaut mener de front le travail et le
plaisir, les belles-lettres et la vie joyeuse.
Cette littérature-là M. Chantavoine
l'appelle « indiscrète ». Elle est fille de la
littérature inquiète, mais la fille a de
vancé la mère sur le chemin de la perdi
tion. D'ailleurs en mettant sur le compte
du « métier » les écrits inspirés surtout
par le lucre et l'intérêt, nous n'avions en
vue que le côté littéraire de l'œuvre des
de Goncourt, réservant notre jugement
sur, sa moralité : au point de vue moral,
à ces tableaux d'alcôve et de boudoir le
seul nom de métier ne saurait convenir.
Il n'est pas permis, sans nécessité, de
révéler les secrets de la vie privée, de
dénigrer les autres, de vendre leurs dé
pouilles pour se draper dans un manteau
d'or, de descendre dans les bas-fonds de
l'existence pour en extraire l'ordure et la
résoudre en monnaie. IL n'y a pas de sot
métier, soit, mais les indiscrets doublés
des égrillards sont de sottes gens. Il
appartiendrait à la loi de les disqualifier
en faisant fermer leurs boutiques.
. M. D eluy.
EN ORIENT
L'impression que laisse aujour
d'hui l'ensemble des informations
relatives à l'Orient, est assez con
fuse ; on y peut cependant noter les
points suivants.
En Crète, le débarquement des
détachements mixtes fournis par les
escadres européennes a fait cesser
la lutte entre les chrétiens et les
musulmans! De son côté le com
mandant des troupes grecques
évite avec soin tout contact et tout
conflit avec ces détachements, mais
il entre en relation avec les chré
tiens soulevés et travaille visible
ment à créer, au moins pour toute
la partie de l'île où son action est
libre, l'autorité du fait accompli,
c'est-à-dire l'union de la Crète à la
Grèce.
A Constantinople, le gouverne
ment tura se montre déférent vis-à-
vis dés grandes puissances ; il a
volontiers autorisé le débarquement
des marins européens en Crète, es
timant que cette démarche est faite
en faveur de sa domination et contre
les tentatives d'annexion à la Grèce.
Cependant, il vient d'ordonner de
former deux escadres avec ce qui
reste de bâtiments mobilisables de
l'ancienne flotte turque, et en même
temps, il fait renforcer les troupes
déjà nombreuses qu'il possède suj*
les frontières de la Thessalle-,
Ces diverses mesures semblent
indiquer que la Porte ottomane n'a
qu'une confiance médiocre dans les
efforts que font les puissances pour
arrêter les velléités belliqueuses du
gouvernement hellénique. On peut
Craindre èn effet qu'un de ces qua
tre matins, et en dépit des avertisse
ments comminatoires de l'Europe,
les hostilités n'éclatent,précisément
en Thessalie, entre les Turcs et les
Grecs.
' Il paraît que dans les différentes
chancelleries on est très impres
sionné par le langage qu'aurait tenu
l'empereur d'Allemagne au sujet
$e ,1a Grèce : Guillaume II estime
qu'on la doit traiter sans ména
gements et « au canon » pour avoir
violé le droit des gens, et par ses
téméraires entreprises, fait courir
à l'Europe entière ie risque d'une
guerre générale; il préconise, en
conséquence, de la part des six
grandes puissances, des mesures
coërcitives.
Il nous semble que le gouverne
ment français doit y regarder à deux
fois, avant de s'associer à une
politique aussi sommaire, qui peut
etre celle de l'Allemagne, mais
ne nous paraît pas pouvoir être
celle de la France, protectrice tra
ditionnelle des peuples chrétiens en
Orient.
F. L.
LETTRES DU CARDIHU RAHPOLU
Nous recevons communication de
la lettre suivante adressée par
S. Em. le cardinal Rampolla, secré
taire d'Etat de Sa Sainteté, à M. A.
Rendu, président de l'Union démo
cratique Chrétienne de Paris, :
Monsieur,
L'adresse que vous avez bien voulu,
avec les autres membres de l'Union dé
mocratique chrétienne de la région de
Paris, soumettre au Saint-Père, a été ac
cueillie par Sa Sainteté avec une parti
culière attention.
Elle ne doute pas que les sentiments,
que vous lûi exprimez, de votre entier
dévouement et $$ votre complète obéis
sant av;x, conseils du Saint-Siège, ne
soient pour l'avenir, la meilleur gloire
de votre société, et c'est a\eç cette con
fiance que très volontiers et de tout cœur
elle accorde à vpus et à tbus les membres
de l'Union la bénédiction apostolique.
En vous confirmant ma haute estime,
je me déclare, votre très affectueux ser
viteur, .
M. Card. R ampolla.
Rome, le 30 janvier 1897.
UAvenir de Reims publie, en
outre, le$ deux lettres suivantes de
S. Em. le cardinal Rampolla :
Aux cercles chrétiens d'études sociales.
Monsieur,
Le Saint-Père a agréé avec un vif
plaisir la pensée qu'ont eu les cercles
d'études sociales d'unir leurs hommages
de filiale dévotion à ceux que l'honorable
commandeur Harmel lui a personnelle
ment renouvelés. Dans l'adresse des cer
cles d'études sociales, Sa Sainteté s'est
complue à voir affirmer les plus nobles
sentiments d'hommage envers le Saint-
Siège et de parfaite obéissance aux en
seignements et aux directions qui en éma
nent : et par suite, Sa Sainteté nourrit la
confiance que lesdites associations conti
nueront à mériter de plus en plus la pa
ternelle bienveillance dont elle leur a
donné récemmentla preuve en accordant
une. distinction honorifique au curé de
Saint-Remy.
; Pour vous animer à persévérer dans
les bonnes dispositions exprimées dans
cette adresse, l'auguste Pontife a daigné
accorder la bénédiction apostolique à
tous les membres des cercles sus-nom
més, et je suis heureux de le porter à
votre connaissance.
En me disant avec une estime particu
lière,
Votre dévoué serviteur;
M. Cardinal R ampolla.
Rome, 30 janvier 1897.
A M. de Boham, président du Syndi
cat agricole de la Champagne.
Monsieur,
Les sentiments de filiale dévotion et de
dévouement que les membres du Syndi
cat agricole de la Champagne ont adres
sés au Saint-Père, àl'occasion du voyage
à Rome de l'excellent commandeur M.
Léon. Harmel, ont été très agréables à Sa
Sainteté.
Elle se plaît à espérer que les signa
taires de l'adresse du Syndicat agricole
continueront à se montrer dociles aux
enseignements et aux conseils contenus
dans ses Encycliques, et, certain que
• cette parfaite docilité attirera sur eux une
large part dans les faveurs du Ciel, très
volontiers Elle aocorde à eux, à leurs fa
milles et tous leurs adhérents la béné
diction apostolique.
Heureux de vous faire part de cette
faveur, je me déclare, avec les sentiments
de la plus haute estime,
Votre très affectueux serviteur,
" M. Card. R ampolla.
Rome,- le 30 janvier 1897.
LETTRES JE GENÈVE
Genève, 14 février 1897.
'Une proposition contre le -budget des cul
tes. — Les vieux-catholiques. — La Ban
que fédérale.
Le Grand Conseil a clos l'autre jour
sa session d'hiver. On en avait attendu
beaucoup; qu'en est-il sorti?—« Du vent »,
ou à peu près. Des nominations de juges,
des allocations pour des travaux de mé
diocre importance, des interpellations qui
n'ont jamais chez nous l'intérêt qu'elles
auraient dans un Etat parlementaire»
puisqu'elles ne sauraient aboutir à ren
verser le Conseil d'Etat, de petites lois
de détails insignifiants, et puis rien, pas
même le dépôt de la fameuse initiative
des socialistes pour demander la sup
pression du budget des cultes. C'est là un
des merveilleux engins de notre démo
cratie genevoise : 2,500 citoyens peuvent,
sous la forme d'une pétition, proposer un
projet de loi que les législateurs sont
obligés de discuter et de soumettre en
suite au verdict du peuple. A vrai dire v
on s'en sert peu, et jusqu'ici, lorsqu'on
s'en 6st servi, il a servi à peu de chose.
Dans l'espèce, les chefs du mouvement
ont bien recueilli le nombre exigé de si
gnatures, mais c'est peu en comparaison
de l'ensemble du corps électoral, d'au
tant plus que plusieurs de ces signatures;
ont été obtenues pour un tout autre but
que pour favoriser les visées socialistes.
Quantité de nos campagnards ont donné
leurs noms (prenaient-ils le temps de
lire la pièce?) parce qu'on leur a présenté
la chose comme un moyen de se débar
rasser des intrus à bref délai. On ne sau
rait croire à quel degré ces sinistrés
hères sont méprisés et détestés. Ils vie
font rien, palpent de gros salaires, occu
pent des églises vides, et semblent au
milieu des populations fidèles une per
pétuelle insulte à leurs sensiments reli
gieux,
Vous comprenez que le jour de leur
départ serait un beau jour, mais ceux qui
ont adhéré à l'initiative socialiste sous
l'influence de cette préoccupation, n'aU-
ront plus peut-être la même ardeur pour
en ratifier le programme une fois que les
débats du grand conseil leur en auront
révélé la réelle signification.
Est-ce à cause de cela, que les cléputés
du parti ouvrier ne Se sont point hâtés de
faire inscrire à l'ordre du jour des tra
vaux de la Chambre la discussion de leur
pétition? Ils espèrent sans doute que le
temps leur donnera plus de partisans, et
qu'ils ont tout à gagner par une attitude
expectante.
Une difficulté pendante sera de nature
à leur donner gain de cause, je veux dire le
malaise dont je vpus ai entretenus si fré-
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