Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-02-15
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 70622 Nombre total de vues : 70622
Description : 15 février 1897 15 février 1897
Description : 1897/02/15 (Numéro 10620). 1897/02/15 (Numéro 10620).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k709402w
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 15 Février 1897
Edition quotidienne. — 10,620
L ' t
Lundi 15' Février 1897
EDITION QTJOTIDIENNH
. " paris étranger
et départements (union postale)
îlftan.,,.....,, 40 » ,51- »
Siamois...... 2î » .26 50 •
Trois mois.... . il » 14 n
Les abonnements partent des 1«'«t 16 de chaque mois
UN NUMÉRO | ??® Pis 10 cent *
f Départements 15 —
BUREAUX : Paris, rue Cassette, 17
On s'aJwme à Rame, place .du Gesù, 8
3E?T
: ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS étranger
et départements (union .postale)
îîn an......... 20 » 26 '» ; .j
Six mois...... 10 » iB h v
Trois mois:.... 5 ■■■»■■ 16 50 a*
Les abonnements partent des l or et 16 de ohaque uoîa
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui son tadrtssis ;
IîM. LAGPANGÇ,
.PARIS, 14 FÉVRIER 1897
SOMMAIRE
Rhétorique radicale
Orléanisme, .........
Çà ét là : Jean Ri-
ehepin
A la Chambre
Guillaume II et le
centre....;.....^.
Correspondance *0-
màine
Questions ecclésias*-
tiques..^.........
Variétés : Pas,cal....
Feuilletons : Quin
zaines dramatiques
et artistiques......
A travers les revues.
Bulletin du jour. — Une guerre départi,
•r-; Quélques noms. — "Informations poli
tiques et parlementaires. — 'Chronique.
— Lettres, sciences et arts.— Chrcmiqùe
religieuse.— Les affaires de ' Crète. 1 —
Dépêches de l'étranger. Echos de
partout. — -Tribunaux.- t . Nouvelles di
verses.— Revue de la Bourse.
A. Aigueperse.
Pierre Veuillot.
Oscar Havard.
Gabriel de Triors,
L. I, ■ :
-J. Wagner.
.Martin-Lacroix.
Henri D.ac.
RHÉTORIQUE RADICALE
J'étais amené à signaler, il y a
quelques mois, l'hypocrisie de la
rhétorique radicale : .c'étaitM. Léon
Bourgeois qui .m'en .donnait L'occa
sion.J'ai à revenir aujourd'hui sur
le même sujet, et je le dois enqore à
M. Léon Bourgeois. Il avait dis
couru alors dans.un banquet que lui
offraient ses amis de Grenoble, ,et
il a païlé dimançhe dernier, comme
le savent nos'lecteurs, dans un ban
quet offert par ses amis de Paris.
M. Bourgeois à" réédité son pro
gramme, èt.il ; l'a formulé dans les
mêmes termes trompeurs. De nou
veau, il a inscrit en première ligne :
« Liberté de conscience, laïcité de
l'Etat. ». Je n'ài pas besoin de re-
§ rendre la démonstration déjà faite
e la vraie signification de ces mots.
Sous . le gouvernement des radi
caux, la conscience des catholiques
serait libre, à la condition de né pas
laisser soupçonner qu'ils sont ca
tholiques, sinon exclusion ou desti
tution de toute fonction publique.
L'Etat aussi sera laïque, et il le
montrera, en travaillant, en toute
circonstance et par tous les moyens, '
à la ruine de là religion. Il faut donc,
au lieu de « laïcité » lire, «impiété
agissante » et à « liberté de cons
cience «ajouter : « excepté pour les
catholiques. » i
Mais il convient de relever un
autre mot dans lë discours de di
manche. M. Bourgeois s'est lancé
dans une dénonciation en règle
contre l'Eglise. Il a dévoilé les pé
rils qui menacent le pays — ou le
partiTBoutgëôis, c'est tout un. . Or,
« le second péril (le premier vient,
« du collectivisme), le second péril
« .Vient du. parti ..de l'Eglise, dix-huit
« fois centenaire,-créé 'pour la do-'
« mination, organisé pour la domi-
« nation, dont la raison d'être est
«. la domination, .qui ne serait plus
« catholique s'il ne continuait pas >
« à lutter pour la «domination éter-,
« nelle, et qui croirait manquer à'
« ce qu'il considère comme une
« mission providentielle s'il ne
« luttait pas toujours pour la do--
« minatio,n. »
Hein ! Comme il résonne, ce mot
de domination ! Comme il devait
tomber lugubre et terrifiant sur la
tête, des convives de l'hôtel Conti
nental ! Ils entendaient .cetraine-
ment les coups échelonnés du ca
non d'alarme. Et quel frisson de
vant ce spectre « dix-huit' fois cen
tenaire » né pour dévorer, vivant
pour dévorer, et qui dure pour dé
vorer ?
'Il y aurait une domination de l'E
glise dont notre pays se fait un
épouvantai!; elle consisterait en ce
que les chefs du pouvoir spirituel
fussent en même temps les chefs
du pouvoir çivil, ou encore en .ce
que l'autorité temporelle appuyât
les lois religieuses des mêmes sanc
tions qu& les lois civiles. Ce qu'il
faut penser théoriquement de l'un
etl'àutre régime, je n'ai pas à le re
chercher ; je me "borne a dire que
l'un et l'autre sont aujourd'hui im
praticables'chez nous, que l'Eglise
le sait aussi bien que jil Bourgeois,
quelle ne rêve pas des impossibi
lités et quelle réclame seulement/la
liberté qui lui est due de par sa na
ture et de par le Concordat.
Mais il y a une autre forme de do
mination à laquelle TEglisë ne Se
défendra' pals d'aspirer. "Elle con
siste à s'emparer aes âmes par la
Î>ersuasion et à y,fonder le règne de
a religion chrétienne. Oh ! sous ce
rapport, la période déclamatoire de
M.'Bourgeois s'applique à l'Eglise
plus justement encore qu'il ne le
croit. L'Eglise est née et organisée
pour cela; depuis dixrhuit «siècles
elle est attachée à .cette œuvre et
elle s'y consacrera jusqu'à la fin
des âges. Elle n'existe, en' effet, que
pour etre la dépositaire et l'apôtre
de la religion de, Jésus-Christ ; elle
ne vit que pour conquérir les esprits
à la doctrine du,Christ, les cœurs
et les volontés à sa morale. Les
chefs de parti, comme M. Bourgeois,
qui lui en font un reproche sont
plaisants. Est-ce qu'ils në se don
nent pas eux-mêmes la mission de
propager des idées ? Est-ce qu'ils
ne s'efforcent pas de les faire péné
trer dans les âmes ? Est-ce qu'ils ne
visent pas à : faire accepter leur pro
gramme au plus grand nombre pos
sible de leurs concitoyens ? Qu est-
ce autre chose que travailler à la
domination ?
Qu'importe ! Il est bon-de décla
mer contre « la dç>mination » de l'E
glise, contre « l'esprit clérical ». Avec
ces quelques syllabes, on est sûr de
faire trembler des .milliers de
pauvres dupes.
Ep résumé, la domination que
l'Église propose est celle de sa
doctrine et de sa morale, librement
acceptées. Ses ennemis veulent, de
leur côté, la domination d'autres
doctrines dont il n'est pas difficile de
démêler le vrai sens, malgré la
tromperie des mots, et de deviner
les conséquences. Que les honnêtes
mille et de là société et qu'ils fas
sent leur choix. J
A. A igueperse.
BULLETIN DU JOUR
'A là. Chambre, on a continué, hier, la.
discussion du budget. C'est demain qUè
i'ofi discutera., ait' fond', ' l'âmendèrrient
de M.pôt sur le revenu lés congegrations qui
■peuvent être dispensées de la (axe d'a-
bo.nnement.
On annonce,que M. Naquet a l'inien
tion, p'sitàît-il', dè dépbsèr une'interpel
lation sur la politique générale so-
ciaiei II fournirait ainsi à. MM.' Bour
geois,et Jaurès L'occasion de leur fameux
grand duel.oratoire. >i ,
:A■ l'extérieur, -toute l'attention est
tournée vers la Crète. Les nouvelles
semblent aujourd'hui un peu moins in
quiétantes. Les>grandes puissances affir
ment leur accord, La Turquie ne bouge
pas-. La Grèce attend que la Turquie
bouge.
Le contre-amiral anglais, comman
dant la flotte britannique devant la
Crète, a'fait visite au contre- amiral fran
çais. C'est, dit-on; une manifestation qui
témoigne de la* pleine adhésion du
Royaume-Uni au concert européen;
Certains proposent, pour respecter
l'intégrité de l'empire turc, en la tour
nant, d'accorder à. la Crète le régime de la
Roumélie orientale. La Roumélie orien
tale reste tributaire du sultan, maissoùs
le gouvernement du prince de Bulgarie.
La Crète demeurera.it vassale de la Tur
quie, mais.sous le gouvernement d'un
prince grec.
ORLÉANISME
Le sixième Bureau a résolu, hier,
de proposer ^ la Chambre une en
quête sur l'élection de Brest.
Cette décision a ,ëté prise sous
l'influen.ce du grand nombre de
Êrotestations formulées par M. de
lois, le candidat réfractaire, et ses i
amis. M. de Blois et ses amis pré
tendent, avec passion, que le scru
tin a été faussé. Ils en accusent Vin
gérence cléricale.
...Les-y voilà donc! Nous avions 1
bien pensé qu'ils y viendraient,!^.
, Ce que les orléanistes reproph.ent,
au clergé breton, ils l'ont demandé,
partout: instamment; quand.ils sa
vaient que l'action du pr-être s'exer
cerait à leur profit. Même ils le
blâmaient de ne pas montrer assez
de zèle, et trouvaient qu'il était loin 1 ,
d'exercer la plénitude de son droit ;
civique. .
Mais le jour où le prêtre,s'éman-;
cipant, ne les suivant plus, s'est
f>ermis de donner sa libre voix à*
eur adversaire, quel changement
immédiat! Du coup, le langage du !
sectaire est devenu le leur. Ils ont
grossi démesurément les faits et,
protesté, comme des francs-maçons,
contre l'ingérence cléricalé, aussi'"
tôt proclamée inouie et scandaleuse.
Les voilà qui poursuivent, de ce chef,.
une invalidation.
Cela complète leur physionomie
politique et va fort bien avec l'arti
cle du Moniteur universel, leur or
gane attitré,, nous.menaçant tout de
suite, au lendemain de l'élection, du
maintien, ■ par -le -roi, -des mesures
votées contre l'Eglise. Le prince
nous donnerait sans doute un ré
gime calqué sur la monarchie hon-'
groise, livrée aux Juifs, et qu'il peut
étudier de près, maintenant.
Mais serons-nous jamais fixés?...
En attendant ce règne, il e^t à,pré
sent: démontré que la défense , des
intérêts religieux n'est pas, pour les
orléanistes, une question de prin
cipe. C'est une simple manœuvre
de. parti. On. ferait aussi bien la ma
noeuvre contraire. On y est prêt.
Nous connaissons des royalistes, de'
la vieille et bonne école, catho-;
liques fervents, hommes de docr i
trine, miner a gravement réfléchir. ! ;
Ce qui- les écœurera peut-être le
plus, comme nous, c'est le langage
oblique des feuilles qu'on entend'
proclamer et déplorer l'ingérence'
cléricale, en ajoutant, au nom des 1
Êrincipes : —Toutefois, les Châm-
rès liront pas le droit de s'en occU«-
per•!-..; Bons journaux, qui savent
très bien ce qu'ils font : la gauche
ne tiendra nul compte de leur dé
fense (ils seraient navrés qu'elle s'y
arrêtât) ; mais elle enregistrera leur
dénonciation.
Seulement, rien ne prouve que la
majorité doive, malgré toutes ces
manœuvres, opiner comme le
sixième bureau. Le contraire pa
raît même, nous dit-on, presque
sûr. Et puis, M. l'abbé Gayraua a
de quoi riposter à l'attaque. Il lui
sera facile de prouver qu'on exa
gère, qu'on invente^ et que la véri
table pression s'est exercée avec
frénésie contre ses partisans. Beau
coup parmi 1 eux ont été -mis en de
meure de choisir entre leur pain
et leur conscience.
Le député du Finistère est bien
armé.
Pierre V euillot.
UNE GUERRE DE PARTI
Nous lisons dans le Bulletin reli*
gieux de Reims :.
La guerre continue contre l'abbé Gay-
raud,' député du Finistère, de la part
d'un groupe de journaux qui ne désar
ment pas. Au fond, c'est une guerre de
parti, c'est la question république ou
monarchie qui s'agite. =.
A . Dieu ne plaise que je parle mal de
la monarchie! C'est le passé de mon pays,
un passé glorieux ; je l'aime et le res
pecte. Mais puisque de révolutions en
révolutions flous, en somjnes,. arrivés,
dans notre malheureux pays, à voir en
face l'une de l'autre deux monarchies
ayant chacune leurs partisans, puisque
le .pays semble redouter un nouveau
changement de gouvernement, puisque
le Pape, persuadé qu'un gouvernement
impersonnel peut refaire notre unité mo
rale, nous conseille d'adhérer loyalement
à 4a forme républicaine, écoutons done •
le Pape.
i^aissiant l'avenir à Dieu, unissons-nous
tous pour la défense des intérêts reli
gieux. •
Du reste, ceux qui aiment la monar
chie savent que, si elle a disparu de chez
nous^ c'est que le respect pour l'autorité
et la personne de ceux qui l'exercent a
disparu d'abord. On veut bien, comme
nous l'avons entendu dire, « des chefs,
maispa& de supérieurs ». Ceux qui con-'
sentent à avoir des supérieurs n'ignorent -
pas que le plus élevé 4 e tous c'est le
Pape. Donc, respect à la, personne et à
l'autorité ,du Pape.
Pour Qonsolèr le nouveau député, le
Pape lui a fait transmettre sa bénédic
tion par le Nonce.
Çà et là
M. JEAN RICHEPIN
Contre quels principes le Chemineau,
de M. Jean Richepin, va-t-il lancer la ba-
liste révolutionnaire ? Quelles dogmes
va-t-il démanteler ? Rassurez-vous, bon
nes gens, et n'écoutez mie les caqueta-
ges des journaux. Le Chemine au —
soyez-en sûr — sera le plus pdéontes-
que des drames; Il y a beau jour que M.
Jean .Richepin .s'est assagi.? XJourutril
même jamais les.aventures ? On en doute
fort. Longtemps, M. Richepin essaya de
nous en faire accroire. A l'entendre, Gil
Blas leste et fripon, il aurait suivi' sur
les grandes foutes la foule bariolée des
coupeurs de bourse, des montreurs de
chiens savants, des faux perclus et des
gitanos. Chansons que tout cela ! Cani
che» revêtii-de là pëau d'un fauve, voilà
tout Jean Richepin. Au début, on put s'y
tromper : avec quel fracas le farouche
Touranien nous corne les oreilles dé ses
refrains de-bouge ! Cest- le tzigane qui
hait les'gens en place, c'est le -bohème 1
loqueteux qui campe chez les bourgeois
cossus. A la même heure où l'assom
moir de M. Zola chante les héros en cas
quette molle des boulevards extérieurs
et célèbre l'état d'âme des absintheurs,
la Chanson des gueux jde M.jJean Riche
pin nous raeonte, en .strophes mélodieu
ses, les idylles dés soupentes et les églo-
gues des trottoirs. Philologue, linguiste,
musagète, notre poète lyrique nous sert
un assortiment varié d'odes, de ballade^,
de virelais, de cantilènes truculentes,
féroces, « arsouilles » même. C'est la ça-
tapultueuse. épopée des truands du caba
ret et de la rue.
Etourdi. par ce vacarme, le badaud,
candide s'imagine tout d'abord que la
canaille .,a enfin trouvé son ïlopière !
Triste illusion ! .La vérité, la froide et,
sombre vérité se révèle bientôt à nos
regards désenchantés. Cet horrifique
lion du désert n'est qu'une descente de
lit. Sous le? oripeaux $u matamore le,
fidèle disciple de Nicolas Despréaux se,
démasque et le çlassique incOTrigible.
apparaît. La prosodie, la grammaire, la -
métrique de l'ipamortelle antiquité pe
comptent pas de sujet plus respectueux et,
d'épigone plus docile que cet Ajax tou
jours écumant,. que ce ppadassin à la.
face barrée d.'une horrible moustache. Sa ,
poésie sort en droite ligne du Gradus ad
Parnassum. Sous la mamelle gauçtie de
notre lycanthrope bâtie cœur d'un avoué
de première instance qijii traduit gaillar
dement Horace entre .deux référés. Pas,
une idée moderne ne carrillonne dans le,
campanile de ce vieux temple païen. Ecou
tez le sonnet que voici, par exemple : ■
Profite des hasards au rire bénévole
Prends les bonheurs sans voir quels càpri- •
[ces les font ; >
Pendant que cette neige entre tes doigts se:
, Jfond.
Serre-la fortement comme un trésor qu'on
Donne-toi tout entier à l'heure si frivole ;
Et, sachant de quels pas les minutes s'en
! [vont,
Tâche au moins de jouir à plein cœur, jus-,
[qu'au fond.
Juge que cet instant n'aura pas de ju-
[meau ;
Qu'on ne se baigné pas deux fois dans la,
[même eau,
Et que l'occasion morte ne peut renaître.
Donc, avant qu'elle tombe au gouffre uni-
,■ , [versel,,
Dans- un baiser furtif fais tenir tout ton.
. ' ' , . .[être,
Ainsi que l'Océan tient dans un grain de sel.
Que vous disais-je ? N'est-ce point là
tout le carpe diem de notre vieux Flaccus?
La vocation de Jean Richepin e'est de
faiï-eun sort aux lieux communs les plu?'
vétustés. Le lieu commun", voilà son
fief et sa partie ! Notez bien que Jean"
Richepin ne le rajeunit pas : il l'illustre,
il l'illumine, il l'ensoleille, voilà tout. Au
lieu de le cacher comme un eczéma, il
l'arbore comme un drapeau et l'étalé
comme une tache d'huile. Que lui impor
tent les saluts narquois que nous adres
sons à ces vieilles connaissances? 'M.
Jean Richepin se drape danâ sa giieuse-
rie intellectuelle, comme le .mendiant es
pagnol Lazarilie de Tormes dans sa cape
trouée.
La Chanson des gueux nous avait fait
penser à Boileau, exaltant avec « une
docte et sainte ivresse » la prisé de Na-
mur ; les Blasphèmes évoquèrent dans
notre esprit; l'image de Marseille jeune
tendant le « caleçon » aux aficionados de
la place 'du Trône. Même souquenille,
mêmes boniments, même glossaire gran-
diloque. Mais là s'arrêtait l'analogie. Les
biceps >de Marseille étaient vraiment
d'acier et^on •thorax- d'airain ; on n'e ipeut
pas «n dira ..autant des ;pei;forBiançeB de
Mt Richepin.-lie poing dont il menaee le:
ciel est d'étoupe et la «onnerie.qu'il fait
vibrer,, de fer-blanc. < >
•I . - % » .* \ ... I .
Victor Hugo avait criblé.Ièff prêtres et
les rois d'une mitraille de vers (incandes
cents. M. Richepin ne - pouvait naturelle
ment dispenser de surenchérir. Quelle
averse d'alexandrins furibonds"! Jamais
on n'avait vu un impie "aussi "plu
vieux. Vraie, citerne, Richepîtf i évàeua,
contre 1 le- ciel et la terre, un flotde -poè-
mea aqueux,'qui charriaient toutes' les
épithètes, toutes les métaphores: èt tous
les tropes ramassés dans le Thésaurus
poetictis, dei Qûicherat. Ah ! l'Ëmpyrée
passa un méchant quart d'heure. Après
l'avoir inondé, Richepin voulut i'èsjcala-
der. Malheureusement, les rochers qu'il
entassa étaient de carton ;. le poète tré
bucha dans le ruisseau. ;
•Pour se nettoyer, sans- doute, yoici que
notre rhapsode; «et plonge dans ;l,e vaste
sçrn d'Amphitrite. Là Mer, l'Océan !
Toutes les paraboles, .toute? les légendes,
toutes les métonymies, .toutes les çata-
cjhrèses, toutes les interjéc^ioiis que le
divin Nèptune a, depuis six mille ans,
inspirées aux poètes latins, grecs, éjgyp-
tiens, assyriens, çhjpois, turcs ft njême
français, Jean Richepin les assume ,et lés
exhale dans une cçpieuse çpopée oùxie^i
ne manque, —t rien [que, \e,nescio:guid.
Personne çe s'entend, comme Richepin, à
chiffonner la soie, à.tordrè les iils,.d'ar
gent et d'çr, à tendre le brocart, à draper
le velours, mais toutes ces. ,toilettes de
coûtes dei fées attendent en ,vain, hélaB !
la princesse idéale, la ^osalinde ou, là
Cym^eline, qui doit les revêtir un jo^r.
Sous ces robes de la reine de Saba, il n'y
a jamais qu'une planche.
Bourgeois travesti' en capjtan, .épicier
couvert ides loques de l'outlaw,', si le
chantre .des ; gueux jje /livrée .^ar^Ji^
comme dans ïe roman d e Servantes, a
d'enragées estocades contre des- outres
gonflées d'un noir Valdepenas, ce n'est
point pour répandre sotteruent le yin,
comme don Quichotte, .mais pour le
lamper, comme Sancho Pança. Sa cape
rouge .dissimule insuffisamment. l'âme
d'un parfait notaire. Je me hâte d'ajou-
ter que ce tabellion rangé a fait d'ex
cellentes études, et qu'il sait par cœur
tous ses classiques, depuis Claudie ( n jus
qu'à Pétrone. Cela s& voit,d'ailleurs plus
qu'on ne se l'imagine, ^anStles rifings du
notariat, ; Mais il fa ; ut être : loyal : M. Rif
chepin surpasse ,tous ses émules par l'a
bondance et la richesse de ses matériaux.
C'est jle roi. desr érèyes, de .rhétorique,,
c'est le prinpe de la métonynûe, .c'est le
marquis de la catachrège., Les autres ne
possèdent qu'un piodeste cahier .d'ex
pressions. Richepin a, -lui, toute yrie ar
moire. .
. r : Oscar Havard.
A LA QHAIVIBBE
Le budget des recettes.
. On est .ejxtré , hier résolument
dans la forêt si difficile à traverser
des amendements et des articles
additionnels; gouvernement et com
mission ôntdûmariioéuvrerau milieu
des chausse-trappes et des guet*
apensdetoute sorte... • ' •
" Constatons qu'on s'est montré,
tout d'abord, 'impitoyable devant les
doléances des' joueurs de bézigue
familial, en repoussant ' à line forte
majorité la dimiiiution - demandée
-FEUILLETON DE. L'UNIVERS
du 15 février, 1897
QUINZAINES DRAMATIQUES
ET ARTISTIQ^S
. La nouvelle çomédie, Spiritisme, ' que
M. Victorien Sardou vient dé faire'repré
senter au théâtre-de» la Renaissance, nfe
porte pas un titre ordinaire. Rien qu'au
seul énoncé, nous pensions devoir faire
connaissance!avec le monde des esprits,!
monde qui fréquente habituellement peu
les théâtres. Il semblait au premier^
abord qu'on verrait l'ombre d'Allan Kar-
dec se mouvant mystérieusement au mi
lieu de iftediums convaincus et que la
sc^ne se chargerait d'apparitions et de;
tables tournantes.^ Mais après réflexion
.et avant que la toile,,ne se lève; nous qui.
connaissons< le, maitre Sardou et, ses!
adroites ficelles, nous nous étions s dit:
« Le spiritisme ici ne sera que le moyen,;
« le truc », pour faire passer? une donnée
plus ou moins .audacieuse », et .l'événe
ment a prouvé que nous ne .nous étions
pas trompé.
,M. d'Aubenas qui ,possède une jolie
villa à, Saint-Jeanfde I»uz a réuni chez,lui
quelques Paripie.ns. Il est depuis; peu en
communication avec les.esprits, grâce;à
un médium écossais, le docteur David
son, comme;dans le roman de Théophile
Gautier le Parisien Jean de Malivert
obéit aux suggestions du baron de Feroë,
médium suédois. Le héros de la pièce de
M. Sardou va offrir le soir même une
séance de spiritisme à ses : invités et
s'efforce de convaincre entre autres ùn :
docteur scèpti'qûe, M.' Parisot, lequel- se
t rappelant sans doute les farces et le 1
j procès des photographes spirites en'
: 1875, le personnel de fripons et de
dupes qui donna tant.de pittoresque aux-
débats du Palais de Justice, ne veut pas
. ajouter foi à toutes ce^ 5 simagrées. M.
d ! Aubenas se fâche et' fait une sorte de
, conférence qui occupe presque tout le
i pr'eihier acte: Elle est d'ailleurs présen-
i tee avec l'habileté incomparable du pre-
s mier metteur en scène de cette époque.
1 Le docteur Dadvidson, médium éxtraor-
1 dinairement convaincu, s'en mêle, et le
, docteur Parisot a forte affairé à ces deux
! adeptes du spiritisme. Mais il- se défend
i avec esprit. Jugez-en'. D'Aubéiias 'Vie'ht
: de' raconter l'ascension d'une petite cor-
i beille'qui a quitté' le dessus d'une" chè-
r minée povir aller, à l'autre 1 bout de là
j pièce, se poser sur un meuble.
, .... , parisot ' ,, , ( .
Vous avez vu ça ?
des aubiers,.maçescot
Tous !
' d'aubenas '
' En pleine clarté ! '
' r ' ' ' PARISOT '
Alors, prestidigitation, : '
' ! d'âufienas ' "
Et l'opérateur?,
k D avidson, souriant.
Quelque Ecossais, sans doute ?
parisot, sèchement.
Je ne désigne personne. I 4A id'Aubenas.)
Je m'é.tonne seulement qu'un homme sé
rieux comme monsieur d'Aubenas at
tache de l'importance à de telles faribo-'
.les! '
1■ !
d'aubenas
Mon cher docteur; un fait est un fait ! Le
dédain ne le supprime pas,
parisot
Vous allez voir 'que les esprits sont les
auteurs de ces gentillesses ?
d'aubenas
M. Davidson vous dira qu'il en est çpn-
vaincu ! Moi qui n'ai pas son expérience,
jefais mes réserves; mais j'en sais assezi
déjà pour constater que toutes les pré
tendues explications que vous venez de
rappeler, mouvement inconscient desi
doigts... hallucination v eJ;ç.; .etc.,-. ne sont,
bonnes qu'à faire rire aux dépens des sa-,
vants qui ont eu la faiblesse de s'en con-,
tenter. >
parisot
Mais e'est votre crédulité, cher monsieur, !
qui fera rire à vos dépens. !
d'aubemas '
Je vous répondrai, comme le fit, à ce
mêmè propos, un grand écrivain, qui n'é
tait pas précisément un naïf,' l'illustré au
teur de là Foire aux vanités, Thackeray :
« Après ce que j'ai vu, je n'ai pas le droit
de douter. »
PARISOT ,
tEh bien ! moi', après ce que.j J ai vu, j'ai le
droit.dç ne rien cr.oire.
[Exclamations.)
., marescot
, Ah ! vous avez vu quelque chose L..
.11, . pariscot '
A Biarritz, il y - a deux mois;> chez de
bonnes gens; ? de. ma parenté qui n'atten
daient pas ma visite. Une petite vieille,"
que, du premier coup, je jugeai suspecte,
faisait pianœuvrer une corbeille à laquelle,
était adapté" un crayon, qui passait pour
écrire lés réponses de l'autre monde. On
avait d'abord évoqué Alfred de Musset et
George Sarid !...
' valentin ' '
Naturellement!
(Rires.)
parisot
J'arrivais au moment où sortait Napo-
I léon ! On; appelle Victor Hugo qui s'em-
* presse d'accourir. On eût évoqué Ruy Blas,
' qu'il serait venu tout aussi bien ! Le grand
; homme daigne dicter-quelques vers ! O Sei
gneur! qu'on ne les/publie pas ! tll avoue
I d'ailleurs n'être pas en verve et se, retire
i prudemment à l'anglaise. J'exprime alors
; le désir d'échanger, quelques paots avec :IIo-
I mère ! Tac-tac ! .le voilà ! Je lui détache du
; ton le plus poli ces deux mots grecs : O fios
: ëîs\V— Tues un âne ! —11 croit à un côm-
: plimént et répond : « Toute la Grèce me l'a
• dit ! » - Et l'assistance dans l'extase ! ! Quel
qu'un; me souffle ï k Demandez-lui^ donc ; si
vous avez.déjà vécu, sur cette terre ? ■—
Qui ! jépond Homè;rei,et tu as été un per-
çcjnnagejhistorique, r-. Ah !... quand ? --
Sous Louis X|V ! — Et qui ? — ^'homme
au masque de fer ! »
(Exclamations et rires.)
' ' ' ' DES' aubiers
Le voilà doriç connu çe ,secret plein d'hors
reùr! ' ,
raym0nde
C'était vous ! *
, parisot ..
_ Q'^tait mpi. ! Vous çpmprepez, que c^tte'
expérience m'a suffi ! .. ■ .
, D'Aubenas réplique avec vivacité;-11
fallait persister. Parisot. aurait vu clair.-
Davidson ajoute que des savants comme
Ellietson, Lodge, Ghallis,. Varley cons
tatent et attestent , la réalité : des phéno
mènes que Parisot contestei Davidson
déclare avoir vu des esprits» j
parisot
Des fantômes à présent !... Nous retour-^
nons au moyen âge. Eh bien ! allez-y sans
moi !
d'aubenas, voulant le retenir.
Mais non, docteur, voyons!... Restez!
parisot.
Non ! non !
d'aubenas
Expérimentez ! Il vous arrivera peut-
être de constater la réalité des faits !
parisot
Merci bien! Il faudrait désapprendre, tout
ce que je sais!
' d'aubeïas -
Et si c'est illusion^ vous le prouverez.
parisot '
Ah ! j'ai bien le temps de m'amuser à dé
biner des trucs !
davidson
Docteur, rappelez-vous les théologiens
de Pise qui refusaient de regarder dans
le télescope de Galilée. Vous voilà théolo
gien comme eux, théologien de la .science !
, PARISOT
Et vous en êtes, vous, avec vos esprits,
le Robert-Houdin ! Je les verrais, mon
sieur ! je les toucherais, que je n'y croirais
Pas! .; •,
d'aubenas
Oh ! alors !
•parisot
Pardon, cher monsieur, de vous quitter
si lestement ; mais la patience humaine a
des limites. La crédulité n'en a pas !
(Il sort.)
J'avoue; malgré là faconde 1 savante 'du
docteur Davidson, que si j'avais été le
docteur Parisot; jé serais parti commie
lui, me souvenant, à propos des faits
extraordinaires révélés par le médium
comme les guéridons qui volent en l'air,
les mains mystérieuses qui frappent les
incrédules eri plein visage et se fondent
aussitôt én vapeur, la sonnerie dés pen
dules 'qui ressembleht au frottement 'de
l'aile des insectes, que tous ces " phéno
mènes sont ressentis presque toujours
par des êtres' crédules qui donnent à leur
conception imaginaire une forme réelle,
ou sont arrangés habilement par dés ma
lins qui, comme lés fameux photogra
phes de 1875, avaient" des appareils' in
génieux et des poupées habiles, si ha
biles qu'elles trompaient les clients et
leur faisaient croire à dés fantômes: Sans
doute,'il y ' a deâ gens sincères'qui
croient sincèrement avoir vu tout cela,
mais ils me font pènser, toute révérende
gardée, ! â ces monomànes qui débitent
Sérieusement les histoires les plus extra-
Vdrdinair'es et vous én veulént de -n'y pâs
'ajouterfoi. • " • s
Mais la pièce ? Quelle'est ladirez-vous: La voici, : avec ou dans spiri
tisme.;: M. d'Aubenas est tellement to
qué de ses esprits qu r il' négligé' absolu
ment sa fem'me Simone, la'quelle,très peu
scrupuleuse, oublié seB '- devoirs* avec un
Serbe, liommé Stourdza: Pourquoi un
Serbe ? Parce que l'exotisme est encore
plus à la mode que le spiritisme èt que
l'actualité eût presque exigé un tzigane.
Simone, qui s'ennuie auprès- d ! un mari
spirite et peu spirituel^ fait «emblant de
partir en voyage pour quelques " jours,
avec Thécla, une-de ses amiesi M. - d'Au
benas ira la rechercher un : peu >plus tard.
Mais Simone se propose d'aller retrouver
•quelque tempsle beau Stourdza; l saa's f se
soucier de tromper ainsi le crédule d'Au
benas. Elle part donc pour prendre 'ficti
vement le train de onze heures du soir»
Edition quotidienne. — 10,620
L ' t
Lundi 15' Février 1897
EDITION QTJOTIDIENNH
. " paris étranger
et départements (union postale)
îlftan.,,.....,, 40 » ,51- »
Siamois...... 2î » .26 50 •
Trois mois.... . il » 14 n
Les abonnements partent des 1«'«t 16 de chaque mois
UN NUMÉRO | ??® Pis 10 cent *
f Départements 15 —
BUREAUX : Paris, rue Cassette, 17
On s'aJwme à Rame, place .du Gesù, 8
3E?T
: ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS étranger
et départements (union .postale)
îîn an......... 20 » 26 '» ; .j
Six mois...... 10 » iB h v
Trois mois:.... 5 ■■■»■■ 16 50 a*
Les abonnements partent des l or et 16 de ohaque uoîa
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui son tadrtssis ;
IîM. LAGPANGÇ,
.PARIS, 14 FÉVRIER 1897
SOMMAIRE
Rhétorique radicale
Orléanisme, .........
Çà ét là : Jean Ri-
ehepin
A la Chambre
Guillaume II et le
centre....;.....^.
Correspondance *0-
màine
Questions ecclésias*-
tiques..^.........
Variétés : Pas,cal....
Feuilletons : Quin
zaines dramatiques
et artistiques......
A travers les revues.
Bulletin du jour. — Une guerre départi,
•r-; Quélques noms. — "Informations poli
tiques et parlementaires. — 'Chronique.
— Lettres, sciences et arts.— Chrcmiqùe
religieuse.— Les affaires de ' Crète. 1 —
Dépêches de l'étranger. Echos de
partout. — -Tribunaux.- t . Nouvelles di
verses.— Revue de la Bourse.
A. Aigueperse.
Pierre Veuillot.
Oscar Havard.
Gabriel de Triors,
L. I, ■ :
-J. Wagner.
.Martin-Lacroix.
Henri D.ac.
RHÉTORIQUE RADICALE
J'étais amené à signaler, il y a
quelques mois, l'hypocrisie de la
rhétorique radicale : .c'étaitM. Léon
Bourgeois qui .m'en .donnait L'occa
sion.J'ai à revenir aujourd'hui sur
le même sujet, et je le dois enqore à
M. Léon Bourgeois. Il avait dis
couru alors dans.un banquet que lui
offraient ses amis de Grenoble, ,et
il a païlé dimançhe dernier, comme
le savent nos'lecteurs, dans un ban
quet offert par ses amis de Paris.
M. Bourgeois à" réédité son pro
gramme, èt.il ; l'a formulé dans les
mêmes termes trompeurs. De nou
veau, il a inscrit en première ligne :
« Liberté de conscience, laïcité de
l'Etat. ». Je n'ài pas besoin de re-
§ rendre la démonstration déjà faite
e la vraie signification de ces mots.
Sous . le gouvernement des radi
caux, la conscience des catholiques
serait libre, à la condition de né pas
laisser soupçonner qu'ils sont ca
tholiques, sinon exclusion ou desti
tution de toute fonction publique.
L'Etat aussi sera laïque, et il le
montrera, en travaillant, en toute
circonstance et par tous les moyens, '
à la ruine de là religion. Il faut donc,
au lieu de « laïcité » lire, «impiété
agissante » et à « liberté de cons
cience «ajouter : « excepté pour les
catholiques. » i
Mais il convient de relever un
autre mot dans lë discours de di
manche. M. Bourgeois s'est lancé
dans une dénonciation en règle
contre l'Eglise. Il a dévoilé les pé
rils qui menacent le pays — ou le
partiTBoutgëôis, c'est tout un. . Or,
« le second péril (le premier vient,
« du collectivisme), le second péril
« .Vient du. parti ..de l'Eglise, dix-huit
« fois centenaire,-créé 'pour la do-'
« mination, organisé pour la domi-
« nation, dont la raison d'être est
«. la domination, .qui ne serait plus
« catholique s'il ne continuait pas >
« à lutter pour la «domination éter-,
« nelle, et qui croirait manquer à'
« ce qu'il considère comme une
« mission providentielle s'il ne
« luttait pas toujours pour la do--
« minatio,n. »
Hein ! Comme il résonne, ce mot
de domination ! Comme il devait
tomber lugubre et terrifiant sur la
tête, des convives de l'hôtel Conti
nental ! Ils entendaient .cetraine-
ment les coups échelonnés du ca
non d'alarme. Et quel frisson de
vant ce spectre « dix-huit' fois cen
tenaire » né pour dévorer, vivant
pour dévorer, et qui dure pour dé
vorer ?
'Il y aurait une domination de l'E
glise dont notre pays se fait un
épouvantai!; elle consisterait en ce
que les chefs du pouvoir spirituel
fussent en même temps les chefs
du pouvoir çivil, ou encore en .ce
que l'autorité temporelle appuyât
les lois religieuses des mêmes sanc
tions qu& les lois civiles. Ce qu'il
faut penser théoriquement de l'un
etl'àutre régime, je n'ai pas à le re
chercher ; je me "borne a dire que
l'un et l'autre sont aujourd'hui im
praticables'chez nous, que l'Eglise
le sait aussi bien que jil Bourgeois,
quelle ne rêve pas des impossibi
lités et quelle réclame seulement/la
liberté qui lui est due de par sa na
ture et de par le Concordat.
Mais il y a une autre forme de do
mination à laquelle TEglisë ne Se
défendra' pals d'aspirer. "Elle con
siste à s'emparer aes âmes par la
Î>ersuasion et à y,fonder le règne de
a religion chrétienne. Oh ! sous ce
rapport, la période déclamatoire de
M.'Bourgeois s'applique à l'Eglise
plus justement encore qu'il ne le
croit. L'Eglise est née et organisée
pour cela; depuis dixrhuit «siècles
elle est attachée à .cette œuvre et
elle s'y consacrera jusqu'à la fin
des âges. Elle n'existe, en' effet, que
pour etre la dépositaire et l'apôtre
de la religion de, Jésus-Christ ; elle
ne vit que pour conquérir les esprits
à la doctrine du,Christ, les cœurs
et les volontés à sa morale. Les
chefs de parti, comme M. Bourgeois,
qui lui en font un reproche sont
plaisants. Est-ce qu'ils në se don
nent pas eux-mêmes la mission de
propager des idées ? Est-ce qu'ils
ne s'efforcent pas de les faire péné
trer dans les âmes ? Est-ce qu'ils ne
visent pas à : faire accepter leur pro
gramme au plus grand nombre pos
sible de leurs concitoyens ? Qu est-
ce autre chose que travailler à la
domination ?
Qu'importe ! Il est bon-de décla
mer contre « la dç>mination » de l'E
glise, contre « l'esprit clérical ». Avec
ces quelques syllabes, on est sûr de
faire trembler des .milliers de
pauvres dupes.
Ep résumé, la domination que
l'Église propose est celle de sa
doctrine et de sa morale, librement
acceptées. Ses ennemis veulent, de
leur côté, la domination d'autres
doctrines dont il n'est pas difficile de
démêler le vrai sens, malgré la
tromperie des mots, et de deviner
les conséquences. Que les honnêtes
mille et de là société et qu'ils fas
sent leur choix. J
A. A igueperse.
BULLETIN DU JOUR
'A là. Chambre, on a continué, hier, la.
discussion du budget. C'est demain qUè
i'ofi discutera., ait' fond', ' l'âmendèrrient
de M.
■peuvent être dispensées de la (axe d'a-
bo.nnement.
On annonce,que M. Naquet a l'inien
tion, p'sitàît-il', dè dépbsèr une'interpel
lation sur la politique générale so-
ciaiei II fournirait ainsi à. MM.' Bour
geois,et Jaurès L'occasion de leur fameux
grand duel.oratoire. >i ,
:A■ l'extérieur, -toute l'attention est
tournée vers la Crète. Les nouvelles
semblent aujourd'hui un peu moins in
quiétantes. Les>grandes puissances affir
ment leur accord, La Turquie ne bouge
pas-. La Grèce attend que la Turquie
bouge.
Le contre-amiral anglais, comman
dant la flotte britannique devant la
Crète, a'fait visite au contre- amiral fran
çais. C'est, dit-on; une manifestation qui
témoigne de la* pleine adhésion du
Royaume-Uni au concert européen;
Certains proposent, pour respecter
l'intégrité de l'empire turc, en la tour
nant, d'accorder à. la Crète le régime de la
Roumélie orientale. La Roumélie orien
tale reste tributaire du sultan, maissoùs
le gouvernement du prince de Bulgarie.
La Crète demeurera.it vassale de la Tur
quie, mais.sous le gouvernement d'un
prince grec.
ORLÉANISME
Le sixième Bureau a résolu, hier,
de proposer ^ la Chambre une en
quête sur l'élection de Brest.
Cette décision a ,ëté prise sous
l'influen.ce du grand nombre de
Êrotestations formulées par M. de
lois, le candidat réfractaire, et ses i
amis. M. de Blois et ses amis pré
tendent, avec passion, que le scru
tin a été faussé. Ils en accusent Vin
gérence cléricale.
...Les-y voilà donc! Nous avions 1
bien pensé qu'ils y viendraient,!^.
, Ce que les orléanistes reproph.ent,
au clergé breton, ils l'ont demandé,
partout: instamment; quand.ils sa
vaient que l'action du pr-être s'exer
cerait à leur profit. Même ils le
blâmaient de ne pas montrer assez
de zèle, et trouvaient qu'il était loin 1 ,
d'exercer la plénitude de son droit ;
civique. .
Mais le jour où le prêtre,s'éman-;
cipant, ne les suivant plus, s'est
f>ermis de donner sa libre voix à*
eur adversaire, quel changement
immédiat! Du coup, le langage du !
sectaire est devenu le leur. Ils ont
grossi démesurément les faits et,
protesté, comme des francs-maçons,
contre l'ingérence cléricalé, aussi'"
tôt proclamée inouie et scandaleuse.
Les voilà qui poursuivent, de ce chef,.
une invalidation.
Cela complète leur physionomie
politique et va fort bien avec l'arti
cle du Moniteur universel, leur or
gane attitré,, nous.menaçant tout de
suite, au lendemain de l'élection, du
maintien, ■ par -le -roi, -des mesures
votées contre l'Eglise. Le prince
nous donnerait sans doute un ré
gime calqué sur la monarchie hon-'
groise, livrée aux Juifs, et qu'il peut
étudier de près, maintenant.
Mais serons-nous jamais fixés?...
En attendant ce règne, il e^t à,pré
sent: démontré que la défense , des
intérêts religieux n'est pas, pour les
orléanistes, une question de prin
cipe. C'est une simple manœuvre
de. parti. On. ferait aussi bien la ma
noeuvre contraire. On y est prêt.
Nous connaissons des royalistes, de'
la vieille et bonne école, catho-;
liques fervents, hommes de docr i
trine,
Ce qui- les écœurera peut-être le
plus, comme nous, c'est le langage
oblique des feuilles qu'on entend'
proclamer et déplorer l'ingérence'
cléricale, en ajoutant, au nom des 1
Êrincipes : —Toutefois, les Châm-
rès liront pas le droit de s'en occU«-
per•!-..; Bons journaux, qui savent
très bien ce qu'ils font : la gauche
ne tiendra nul compte de leur dé
fense (ils seraient navrés qu'elle s'y
arrêtât) ; mais elle enregistrera leur
dénonciation.
Seulement, rien ne prouve que la
majorité doive, malgré toutes ces
manœuvres, opiner comme le
sixième bureau. Le contraire pa
raît même, nous dit-on, presque
sûr. Et puis, M. l'abbé Gayraua a
de quoi riposter à l'attaque. Il lui
sera facile de prouver qu'on exa
gère, qu'on invente^ et que la véri
table pression s'est exercée avec
frénésie contre ses partisans. Beau
coup parmi 1 eux ont été -mis en de
meure de choisir entre leur pain
et leur conscience.
Le député du Finistère est bien
armé.
Pierre V euillot.
UNE GUERRE DE PARTI
Nous lisons dans le Bulletin reli*
gieux de Reims :.
La guerre continue contre l'abbé Gay-
raud,' député du Finistère, de la part
d'un groupe de journaux qui ne désar
ment pas. Au fond, c'est une guerre de
parti, c'est la question république ou
monarchie qui s'agite. =.
A . Dieu ne plaise que je parle mal de
la monarchie! C'est le passé de mon pays,
un passé glorieux ; je l'aime et le res
pecte. Mais puisque de révolutions en
révolutions flous, en somjnes,. arrivés,
dans notre malheureux pays, à voir en
face l'une de l'autre deux monarchies
ayant chacune leurs partisans, puisque
le .pays semble redouter un nouveau
changement de gouvernement, puisque
le Pape, persuadé qu'un gouvernement
impersonnel peut refaire notre unité mo
rale, nous conseille d'adhérer loyalement
à 4a forme républicaine, écoutons done •
le Pape.
i^aissiant l'avenir à Dieu, unissons-nous
tous pour la défense des intérêts reli
gieux. •
Du reste, ceux qui aiment la monar
chie savent que, si elle a disparu de chez
nous^ c'est que le respect pour l'autorité
et la personne de ceux qui l'exercent a
disparu d'abord. On veut bien, comme
nous l'avons entendu dire, « des chefs,
maispa& de supérieurs ». Ceux qui con-'
sentent à avoir des supérieurs n'ignorent -
pas que le plus élevé 4 e tous c'est le
Pape. Donc, respect à la, personne et à
l'autorité ,du Pape.
Pour Qonsolèr le nouveau député, le
Pape lui a fait transmettre sa bénédic
tion par le Nonce.
Çà et là
M. JEAN RICHEPIN
Contre quels principes le Chemineau,
de M. Jean Richepin, va-t-il lancer la ba-
liste révolutionnaire ? Quelles dogmes
va-t-il démanteler ? Rassurez-vous, bon
nes gens, et n'écoutez mie les caqueta-
ges des journaux. Le Chemine au —
soyez-en sûr — sera le plus pdéontes-
que des drames; Il y a beau jour que M.
Jean .Richepin .s'est assagi.? XJourutril
même jamais les.aventures ? On en doute
fort. Longtemps, M. Richepin essaya de
nous en faire accroire. A l'entendre, Gil
Blas leste et fripon, il aurait suivi' sur
les grandes foutes la foule bariolée des
coupeurs de bourse, des montreurs de
chiens savants, des faux perclus et des
gitanos. Chansons que tout cela ! Cani
che» revêtii-de là pëau d'un fauve, voilà
tout Jean Richepin. Au début, on put s'y
tromper : avec quel fracas le farouche
Touranien nous corne les oreilles dé ses
refrains de-bouge ! Cest- le tzigane qui
hait les'gens en place, c'est le -bohème 1
loqueteux qui campe chez les bourgeois
cossus. A la même heure où l'assom
moir de M. Zola chante les héros en cas
quette molle des boulevards extérieurs
et célèbre l'état d'âme des absintheurs,
la Chanson des gueux jde M.jJean Riche
pin nous raeonte, en .strophes mélodieu
ses, les idylles dés soupentes et les églo-
gues des trottoirs. Philologue, linguiste,
musagète, notre poète lyrique nous sert
un assortiment varié d'odes, de ballade^,
de virelais, de cantilènes truculentes,
féroces, « arsouilles » même. C'est la ça-
tapultueuse. épopée des truands du caba
ret et de la rue.
Etourdi. par ce vacarme, le badaud,
candide s'imagine tout d'abord que la
canaille .,a enfin trouvé son ïlopière !
Triste illusion ! .La vérité, la froide et,
sombre vérité se révèle bientôt à nos
regards désenchantés. Cet horrifique
lion du désert n'est qu'une descente de
lit. Sous le? oripeaux $u matamore le,
fidèle disciple de Nicolas Despréaux se,
démasque et le çlassique incOTrigible.
apparaît. La prosodie, la grammaire, la -
métrique de l'ipamortelle antiquité pe
comptent pas de sujet plus respectueux et,
d'épigone plus docile que cet Ajax tou
jours écumant,. que ce ppadassin à la.
face barrée d.'une horrible moustache. Sa ,
poésie sort en droite ligne du Gradus ad
Parnassum. Sous la mamelle gauçtie de
notre lycanthrope bâtie cœur d'un avoué
de première instance qijii traduit gaillar
dement Horace entre .deux référés. Pas,
une idée moderne ne carrillonne dans le,
campanile de ce vieux temple païen. Ecou
tez le sonnet que voici, par exemple : ■
Profite des hasards au rire bénévole
Prends les bonheurs sans voir quels càpri- •
[ces les font ; >
Pendant que cette neige entre tes doigts se:
, Jfond.
Serre-la fortement comme un trésor qu'on
Donne-toi tout entier à l'heure si frivole ;
Et, sachant de quels pas les minutes s'en
! [vont,
Tâche au moins de jouir à plein cœur, jus-,
[qu'au fond.
Juge que cet instant n'aura pas de ju-
[meau ;
Qu'on ne se baigné pas deux fois dans la,
[même eau,
Et que l'occasion morte ne peut renaître.
Donc, avant qu'elle tombe au gouffre uni-
,■ , [versel,,
Dans- un baiser furtif fais tenir tout ton.
. ' ' , . .[être,
Ainsi que l'Océan tient dans un grain de sel.
Que vous disais-je ? N'est-ce point là
tout le carpe diem de notre vieux Flaccus?
La vocation de Jean Richepin e'est de
faiï-eun sort aux lieux communs les plu?'
vétustés. Le lieu commun", voilà son
fief et sa partie ! Notez bien que Jean"
Richepin ne le rajeunit pas : il l'illustre,
il l'illumine, il l'ensoleille, voilà tout. Au
lieu de le cacher comme un eczéma, il
l'arbore comme un drapeau et l'étalé
comme une tache d'huile. Que lui impor
tent les saluts narquois que nous adres
sons à ces vieilles connaissances? 'M.
Jean Richepin se drape danâ sa giieuse-
rie intellectuelle, comme le .mendiant es
pagnol Lazarilie de Tormes dans sa cape
trouée.
La Chanson des gueux nous avait fait
penser à Boileau, exaltant avec « une
docte et sainte ivresse » la prisé de Na-
mur ; les Blasphèmes évoquèrent dans
notre esprit; l'image de Marseille jeune
tendant le « caleçon » aux aficionados de
la place 'du Trône. Même souquenille,
mêmes boniments, même glossaire gran-
diloque. Mais là s'arrêtait l'analogie. Les
biceps >de Marseille étaient vraiment
d'acier et^on •thorax- d'airain ; on n'e ipeut
pas «n dira ..autant des ;pei;forBiançeB de
Mt Richepin.-lie poing dont il menaee le:
ciel est d'étoupe et la «onnerie.qu'il fait
vibrer,, de fer-blanc. < >
•I . - % » .* \ ... I .
Victor Hugo avait criblé.Ièff prêtres et
les rois d'une mitraille de vers (incandes
cents. M. Richepin ne - pouvait naturelle
ment dispenser de surenchérir. Quelle
averse d'alexandrins furibonds"! Jamais
on n'avait vu un impie "aussi "plu
vieux. Vraie, citerne, Richepîtf i évàeua,
contre 1 le- ciel et la terre, un flotde -poè-
mea aqueux,'qui charriaient toutes' les
épithètes, toutes les métaphores: èt tous
les tropes ramassés dans le Thésaurus
poetictis, dei Qûicherat. Ah ! l'Ëmpyrée
passa un méchant quart d'heure. Après
l'avoir inondé, Richepin voulut i'èsjcala-
der. Malheureusement, les rochers qu'il
entassa étaient de carton ;. le poète tré
bucha dans le ruisseau. ;
•Pour se nettoyer, sans- doute, yoici que
notre rhapsode; «et plonge dans ;l,e vaste
sçrn d'Amphitrite. Là Mer, l'Océan !
Toutes les paraboles, .toute? les légendes,
toutes les métonymies, .toutes les çata-
cjhrèses, toutes les interjéc^ioiis que le
divin Nèptune a, depuis six mille ans,
inspirées aux poètes latins, grecs, éjgyp-
tiens, assyriens, çhjpois, turcs ft njême
français, Jean Richepin les assume ,et lés
exhale dans une cçpieuse çpopée oùxie^i
ne manque, —t rien [que, \e,nescio:guid.
Personne çe s'entend, comme Richepin, à
chiffonner la soie, à.tordrè les iils,.d'ar
gent et d'çr, à tendre le brocart, à draper
le velours, mais toutes ces. ,toilettes de
coûtes dei fées attendent en ,vain, hélaB !
la princesse idéale, la ^osalinde ou, là
Cym^eline, qui doit les revêtir un jo^r.
Sous ces robes de la reine de Saba, il n'y
a jamais qu'une planche.
Bourgeois travesti' en capjtan, .épicier
couvert ides loques de l'outlaw,', si le
chantre .des ; gueux jje /livrée .^ar^Ji^
comme dans ïe roman d e Servantes, a
d'enragées estocades contre des- outres
gonflées d'un noir Valdepenas, ce n'est
point pour répandre sotteruent le yin,
comme don Quichotte, .mais pour le
lamper, comme Sancho Pança. Sa cape
rouge .dissimule insuffisamment. l'âme
d'un parfait notaire. Je me hâte d'ajou-
ter que ce tabellion rangé a fait d'ex
cellentes études, et qu'il sait par cœur
tous ses classiques, depuis Claudie ( n jus
qu'à Pétrone. Cela s& voit,d'ailleurs plus
qu'on ne se l'imagine, ^anStles rifings du
notariat, ; Mais il fa ; ut être : loyal : M. Rif
chepin surpasse ,tous ses émules par l'a
bondance et la richesse de ses matériaux.
C'est jle roi. desr érèyes, de .rhétorique,,
c'est le prinpe de la métonynûe, .c'est le
marquis de la catachrège., Les autres ne
possèdent qu'un piodeste cahier .d'ex
pressions. Richepin a, -lui, toute yrie ar
moire. .
. r : Oscar Havard.
A LA QHAIVIBBE
Le budget des recettes.
. On est .ejxtré , hier résolument
dans la forêt si difficile à traverser
des amendements et des articles
additionnels; gouvernement et com
mission ôntdûmariioéuvrerau milieu
des chausse-trappes et des guet*
apensdetoute sorte... • ' •
" Constatons qu'on s'est montré,
tout d'abord, 'impitoyable devant les
doléances des' joueurs de bézigue
familial, en repoussant ' à line forte
majorité la dimiiiution - demandée
-FEUILLETON DE. L'UNIVERS
du 15 février, 1897
QUINZAINES DRAMATIQUES
ET ARTISTIQ^S
. La nouvelle çomédie, Spiritisme, ' que
M. Victorien Sardou vient dé faire'repré
senter au théâtre-de» la Renaissance, nfe
porte pas un titre ordinaire. Rien qu'au
seul énoncé, nous pensions devoir faire
connaissance!avec le monde des esprits,!
monde qui fréquente habituellement peu
les théâtres. Il semblait au premier^
abord qu'on verrait l'ombre d'Allan Kar-
dec se mouvant mystérieusement au mi
lieu de iftediums convaincus et que la
sc^ne se chargerait d'apparitions et de;
tables tournantes.^ Mais après réflexion
.et avant que la toile,,ne se lève; nous qui.
connaissons< le, maitre Sardou et, ses!
adroites ficelles, nous nous étions s dit:
« Le spiritisme ici ne sera que le moyen,;
« le truc », pour faire passer? une donnée
plus ou moins .audacieuse », et .l'événe
ment a prouvé que nous ne .nous étions
pas trompé.
,M. d'Aubenas qui ,possède une jolie
villa à, Saint-Jeanfde I»uz a réuni chez,lui
quelques Paripie.ns. Il est depuis; peu en
communication avec les.esprits, grâce;à
un médium écossais, le docteur David
son, comme;dans le roman de Théophile
Gautier le Parisien Jean de Malivert
obéit aux suggestions du baron de Feroë,
médium suédois. Le héros de la pièce de
M. Sardou va offrir le soir même une
séance de spiritisme à ses : invités et
s'efforce de convaincre entre autres ùn :
docteur scèpti'qûe, M.' Parisot, lequel- se
t rappelant sans doute les farces et le 1
j procès des photographes spirites en'
: 1875, le personnel de fripons et de
dupes qui donna tant.de pittoresque aux-
débats du Palais de Justice, ne veut pas
. ajouter foi à toutes ce^ 5 simagrées. M.
d ! Aubenas se fâche et' fait une sorte de
, conférence qui occupe presque tout le
i pr'eihier acte: Elle est d'ailleurs présen-
i tee avec l'habileté incomparable du pre-
s mier metteur en scène de cette époque.
1 Le docteur Dadvidson, médium éxtraor-
1 dinairement convaincu, s'en mêle, et le
, docteur Parisot a forte affairé à ces deux
! adeptes du spiritisme. Mais il- se défend
i avec esprit. Jugez-en'. D'Aubéiias 'Vie'ht
: de' raconter l'ascension d'une petite cor-
i beille'qui a quitté' le dessus d'une" chè-
r minée povir aller, à l'autre 1 bout de là
j pièce, se poser sur un meuble.
, .... , parisot ' ,, , ( .
Vous avez vu ça ?
des aubiers,.maçescot
Tous !
' d'aubenas '
' En pleine clarté ! '
' r ' ' ' PARISOT '
Alors, prestidigitation, : '
' ! d'âufienas ' "
Et l'opérateur?,
k D avidson, souriant.
Quelque Ecossais, sans doute ?
parisot, sèchement.
Je ne désigne personne. I 4A id'Aubenas.)
Je m'é.tonne seulement qu'un homme sé
rieux comme monsieur d'Aubenas at
tache de l'importance à de telles faribo-'
.les! '
1■ !
d'aubenas
Mon cher docteur; un fait est un fait ! Le
dédain ne le supprime pas,
parisot
Vous allez voir 'que les esprits sont les
auteurs de ces gentillesses ?
d'aubenas
M. Davidson vous dira qu'il en est çpn-
vaincu ! Moi qui n'ai pas son expérience,
jefais mes réserves; mais j'en sais assezi
déjà pour constater que toutes les pré
tendues explications que vous venez de
rappeler, mouvement inconscient desi
doigts... hallucination v eJ;ç.; .etc.,-. ne sont,
bonnes qu'à faire rire aux dépens des sa-,
vants qui ont eu la faiblesse de s'en con-,
tenter. >
parisot
Mais e'est votre crédulité, cher monsieur, !
qui fera rire à vos dépens. !
d'aubemas '
Je vous répondrai, comme le fit, à ce
mêmè propos, un grand écrivain, qui n'é
tait pas précisément un naïf,' l'illustré au
teur de là Foire aux vanités, Thackeray :
« Après ce que j'ai vu, je n'ai pas le droit
de douter. »
PARISOT ,
tEh bien ! moi', après ce que.j J ai vu, j'ai le
droit.dç ne rien cr.oire.
[Exclamations.)
., marescot
, Ah ! vous avez vu quelque chose L..
.11, . pariscot '
A Biarritz, il y - a deux mois;> chez de
bonnes gens; ? de. ma parenté qui n'atten
daient pas ma visite. Une petite vieille,"
que, du premier coup, je jugeai suspecte,
faisait pianœuvrer une corbeille à laquelle,
était adapté" un crayon, qui passait pour
écrire lés réponses de l'autre monde. On
avait d'abord évoqué Alfred de Musset et
George Sarid !...
' valentin ' '
Naturellement!
(Rires.)
parisot
J'arrivais au moment où sortait Napo-
I léon ! On; appelle Victor Hugo qui s'em-
* presse d'accourir. On eût évoqué Ruy Blas,
' qu'il serait venu tout aussi bien ! Le grand
; homme daigne dicter-quelques vers ! O Sei
gneur! qu'on ne les/publie pas ! tll avoue
I d'ailleurs n'être pas en verve et se, retire
i prudemment à l'anglaise. J'exprime alors
; le désir d'échanger, quelques paots avec :IIo-
I mère ! Tac-tac ! .le voilà ! Je lui détache du
; ton le plus poli ces deux mots grecs : O fios
: ëîs\V— Tues un âne ! —11 croit à un côm-
: plimént et répond : « Toute la Grèce me l'a
• dit ! » - Et l'assistance dans l'extase ! ! Quel
qu'un; me souffle ï k Demandez-lui^ donc ; si
vous avez.déjà vécu, sur cette terre ? ■—
Qui ! jépond Homè;rei,et tu as été un per-
çcjnnagejhistorique, r-. Ah !... quand ? --
Sous Louis X|V ! — Et qui ? — ^'homme
au masque de fer ! »
(Exclamations et rires.)
' ' ' ' DES' aubiers
Le voilà doriç connu çe ,secret plein d'hors
reùr! ' ,
raym0nde
C'était vous ! *
, parisot ..
_ Q'^tait mpi. ! Vous çpmprepez, que c^tte'
expérience m'a suffi ! .. ■ .
, D'Aubenas réplique avec vivacité;-11
fallait persister. Parisot. aurait vu clair.-
Davidson ajoute que des savants comme
Ellietson, Lodge, Ghallis,. Varley cons
tatent et attestent , la réalité : des phéno
mènes que Parisot contestei Davidson
déclare avoir vu des esprits» j
parisot
Des fantômes à présent !... Nous retour-^
nons au moyen âge. Eh bien ! allez-y sans
moi !
d'aubenas, voulant le retenir.
Mais non, docteur, voyons!... Restez!
parisot.
Non ! non !
d'aubenas
Expérimentez ! Il vous arrivera peut-
être de constater la réalité des faits !
parisot
Merci bien! Il faudrait désapprendre, tout
ce que je sais!
' d'aubeïas -
Et si c'est illusion^ vous le prouverez.
parisot '
Ah ! j'ai bien le temps de m'amuser à dé
biner des trucs !
davidson
Docteur, rappelez-vous les théologiens
de Pise qui refusaient de regarder dans
le télescope de Galilée. Vous voilà théolo
gien comme eux, théologien de la .science !
, PARISOT
Et vous en êtes, vous, avec vos esprits,
le Robert-Houdin ! Je les verrais, mon
sieur ! je les toucherais, que je n'y croirais
Pas! .; •,
d'aubenas
Oh ! alors !
•parisot
Pardon, cher monsieur, de vous quitter
si lestement ; mais la patience humaine a
des limites. La crédulité n'en a pas !
(Il sort.)
J'avoue; malgré là faconde 1 savante 'du
docteur Davidson, que si j'avais été le
docteur Parisot; jé serais parti commie
lui, me souvenant, à propos des faits
extraordinaires révélés par le médium
comme les guéridons qui volent en l'air,
les mains mystérieuses qui frappent les
incrédules eri plein visage et se fondent
aussitôt én vapeur, la sonnerie dés pen
dules 'qui ressembleht au frottement 'de
l'aile des insectes, que tous ces " phéno
mènes sont ressentis presque toujours
par des êtres' crédules qui donnent à leur
conception imaginaire une forme réelle,
ou sont arrangés habilement par dés ma
lins qui, comme lés fameux photogra
phes de 1875, avaient" des appareils' in
génieux et des poupées habiles, si ha
biles qu'elles trompaient les clients et
leur faisaient croire à dés fantômes: Sans
doute,'il y ' a deâ gens sincères'qui
croient sincèrement avoir vu tout cela,
mais ils me font pènser, toute révérende
gardée, ! â ces monomànes qui débitent
Sérieusement les histoires les plus extra-
Vdrdinair'es et vous én veulént de -n'y pâs
'ajouterfoi. • " • s
Mais la pièce ? Quelle'est la
tisme.;: M. d'Aubenas est tellement to
qué de ses esprits qu r il' négligé' absolu
ment sa fem'me Simone, la'quelle,très peu
scrupuleuse, oublié seB '- devoirs* avec un
Serbe, liommé Stourdza: Pourquoi un
Serbe ? Parce que l'exotisme est encore
plus à la mode que le spiritisme èt que
l'actualité eût presque exigé un tzigane.
Simone, qui s'ennuie auprès- d ! un mari
spirite et peu spirituel^ fait «emblant de
partir en voyage pour quelques " jours,
avec Thécla, une-de ses amiesi M. - d'Au
benas ira la rechercher un : peu >plus tard.
Mais Simone se propose d'aller retrouver
•quelque tempsle beau Stourdza; l saa's f se
soucier de tromper ainsi le crédule d'Au
benas. Elle part donc pour prendre 'ficti
vement le train de onze heures du soir»
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.0%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.0%.
- Collections numériques similaires Ruedel Marcel Ruedel Marcel /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Ruedel Marcel" or dc.contributor adj "Ruedel Marcel")
- Auteurs similaires Ruedel Marcel Ruedel Marcel /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Ruedel Marcel" or dc.contributor adj "Ruedel Marcel")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k709402w/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k709402w/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k709402w/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k709402w/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k709402w
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k709402w
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k709402w/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest