Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-02-13
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 février 1897 13 février 1897
Description : 1897/02/13 (Numéro 10618). 1897/02/13 (Numéro 10618).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7094004
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 13 Février 1897
Edition quotidienne. — 10,618
Samedi 13 Février 1897
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale}
Un an......... 40 » 51 » '
Six mois. 21" » 26 50
Trois mois 11 » 14 »
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UN NUMÉRO | ^® ris 10 cent,
I Départements..... 15 —
BUREAUX : Paris, rue Cassette, 17
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
EST
LE MONDE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS ' ÉTRANGER
\ et départements (union postale)
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Six mois..... . 10 » !3 w
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ILes sbonnemënts partent des 1 er et 16 de oîiaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et O ic . 6, place de la Bourse
PARIS, 12 FÉVRIER 1897
SOMMAIRE
L'obéissance ....... P ierre V euillot.
Un discours de M.
l'abbé Gayraud... E ugène T avernier.
En Orient F. L.
Çà et là : La mise en
scène F rançois V euillot.
A la Chambre G abriel de T riors.
Au Sénat....... \ ... j. M antenay.
Bulletin du jour. — Nouvelles de Rome.
— L'interpellation Fabre. — Entre MM.
-Bourgeois et Jaurès. — A l'Autorité. —
Un scandale administratif. — Informa
tions politiques et parlementaires. —
Le punch de l'Union nationale. — A tra
vers la presse.— Université catholique
de Washington. — Chronique. — Saint
.François de Sales et les journalistes.—
Lettres,, sciences et arts. — La question
de Crète et la preaso.—Les affaires de
Crète. — Dépêches de l'étranger.— Lea
œuvres de mer. — La colonie: italienne à
Paris. — Echos de partout. — Concours
du musée social.— Nécrologie. — Tri
bunaux. Crues et inondations. —
Nouvelles diverses.— Calendrier. — Ta
bleau et bulletin de la Bourse. — Der
nière heure.
L'OBÉISSANCE
On ne s'accorde point, en prin
cipe, un jugement d'une sûreté à
toute épreuve. On admet qu'on
puisse errer. Si la : conversation
amène à parler' des-"outrecuidants
qui décernent l'infaillibilité à la rai
son humaine, on se rit de cette suf
fisance énorme. On a soin de faire
observer qu'ils entendent, par rai
son humaine, leur savoir propre et
leur intelligence personnelle; Petit
savoir et intelligence bornée ! Ils
garantissent bien peu contre l'er-
reur et contre la, chute, quand ils
n'y conduisent pas. Que l'on est
fier, poursuit-on, en présence du
grotesque lamentable do certains
déraillements, d'être catholique,
d'avoir un guide, librement accepté,
librement suivi, préservant des
mêmes aventures! Chasser les flat
teuses illusions, se rendre compte
que l'homme n'est pas un être par
fait, s'avouer qu'il a besoin d'être
soutenu, étant condamné à des
ignorances et toujours susceptible
de méprises; s'appuyer donc simple
ment, comme l'on doit, sur l'auto
rité divine et Celui qui la représente,
c'est être fier, en effet. Ne vouloir,
avec présomption, d'autre lumière et
d'autre guidé que soi-même, c'est
être sot...
Ainsi parlent tous-les catholiques ;
et ils-sont dans le vrai. Oui, légiti
mement, on peut être fier d'obéir.
Ce qui coûte un effort engendre le
mérite. Or,mêmè quand la raison le
prescrit, obéir est souvent pénible,
méritoire par conséquent. On pré
tend qu'il est moins difficile de faire
son devoir que de le connaître.
Cettè règle offre beaucoup d'excep
tions. Quand le devoir déconcerte
ou déplaît, l'accomplir est ce qui
coûïe davantage. N'en avons-nous
pas justement, pour triste preuve, la
conduite d'un grand nombre de ca
tholiques présentement insoumis ?
Rome a parlé, traçant le chemin
à suivre. Qu'elle eût le droit d'inter
venir, cela n'est pas contestable.
Que se passe-t-il en France depuis
vingt ans ? Contre quelle institution
est dirigé presque tout l'effort delà
machine gouvernementale et admi
nistrative ? Contre l'Eglise. Remet
tez-vous en mémoire les lois votées,
les décrets rendus, ce qu'ont fait
Chambres, ministres et fonction
naires. Hormis quelques mesures
purement politiques, c'est la reli-
fion qui a été l'objectif constant
'une guerre sans merci. Le pro
gramme de la secte, arrivant au
pouvoir, consistait avanttout en ces
trois mots : Déchristianiser la
France. 11 y avait bien quelques
promesses annexes : diminution des
charges, justice sociale, etc... Elles
n'ont pas été tenues. Mais la lutte
contre l'Eglise s'est poursuivie avec
une rigoureuse fidélité ! Pas à pas,
les sectaires accomplissaient leur
dessein; les œuvres, la foi, l'esprit
religieux couraient chaque jour un
péril plus pressant. Tous les efforts
des catholiques, il faut le reconnaî
tre, n'empêchaient point le mal de
s'aggraver.
Intervenir, n'était pas seulement
le droit, c'était le devoir du Souve
rain Pontife. On attaquait l'Eglise,
on la minait en France. Il n'y avait
pas là seulement une crise acces
soire et accidentelle. Deux camps s'é- ■
taient formés. Dans l'un, tous ten
daient vers le même but, détruire la
religion. Dans l'autre, on désirait la
défendre, mais on avait aussi main
tes préoccupations d'un ordre diffé
rent,des conceptions politiques sur
lesquelles on se divisait. — Soyez
catholiques avant tout, a demande
Léon XIII. Ce sont les œuvres, c'est
la foi qu'il s'agit de sauver. Le re-
: sultat condamne la méthode que
vous avez suivie jusqu'à présent.
Vicaire de Jésus-Christ, je viens
vous dire ce qu'attend de vous l'E
glise... ■;
: Nous' aurions eu tous le courage
d'obéir, que déjà le péril serait à
peu près conjuré. A cause de l'in
discipline d'un grpud nombre, il
reste redoutable encore, bien que
moins menaçant. Hélas ! nous avons
donné, nous donnons un triste spec
tacle.
Qu'une partie des conservateurs,
chez lesquels on a toujours vu la
politique passer avant la religion,
qu'on a toujours connus imprégnés
des doctrines gallicanes, aient re
fusé de se soumettre aux prescrip
tions de Rome, c'est plus regretta
ble que ce n'était inattendu. Mais
qu'ils aient trouvé pçmr- auxiliaires
des hommes -qui se disaient et con
tinuent de s'affirmer purement,
simplement catholiques,, voilà sur
tout le stupéfiant et le lamenta
ble.
Ces catholiques, on . les voyait
parmi les plus ardents à tenir le
langag» que nous rapportions au
début. Ils étaient heureûx et fiers
d'avoir un guide. Tour à tour, ils
plaignaient, raillaient et vitupé-
; raient les malheureux qui ne veu
lent connaître pour loi que leur ju
gement. On avait presque besoin
ae les retenir : ils auraient exagéré
l'esprit de soumission ; ils l'auraient
étendu, trop loin. Ce qui les - indi-'
gnait le plus, c'était la résistance
qui_se. dissimule sous les protesta
tions du dévouement, de l'obéis
sance filiale. Aux jansénistes, aux
gallicans, aux libéraux, ils ne pou
vaient pardonner cette hypocrisie.
Faire semblant, malgré des avertis
sements si clairs r de ne pas com
prendre ce que Rome veut et tra
vailler, -en se couvrant ainsi, à tour
ner l'obstacle qu'on n'ose aborder
de front, n'est-ce pas là le pire ou
trage?
Il leur a suffi, pour changer, de
ne plus s'être, un jour, trouvés du
même avis que le Pape. Leur petit
jugement, leur attrait personnel, la
passion de parti les poussaient dans
une voie ; le Saint-Père en a indiqué
une autre. Ça n'a pas fait un pli :
Rome se trompe,' Rome s'égare ;
voilà tout de suite ce qu'ils ont
pensé. Que 'leur raison pût être en
défaut, cette idée ne leur est pas
venue. Puisqu'ils avaient décidé qu«
tel chemin était le bon, ce chemin
était le bon. Ils" ont pieusement dé
ploré la défaillance paternelle, et se
sont donné pour devoir, eux les
sages, les hommes de principes et
de doctrine, d'en atténuer les consé
quences funestes. C'est leur ma
nière d'être respectueux.
Est-il donc à ce point difficile de
se soumettre loyalement, de plein
cœur et de tout esprit ? Quand on
voit se produire certaines résistan
ces, on retient mal une angoisse. Eh
quoi ! donnerait-on un exemple pa
reil, si un jour?...
Cependant, la soumission est pos
sible. Il suffit même de s'y décider
franchement pour qu'elle devienne
aisée, pour qu'elle soit douce. On en
sait d'illustres " exemples, qui ré
confortent, qui rassurent. Il en est
d'anciens. Il en est de nouveaux.
Récemment, nous avons eu le bon
heur et l'honneur de rencontrer un
éminent prélat qui passait à Paris,
venant d'Amérique, allant à Rome.
Il avait été relevé,, sans s'y atten
dre, d'un poste qu'il aimait, où il
pensait bien faire et faire du bien.
Quelle suave et puissante édifica
tion n'était-ce pas, de l'entendre
dire en toute sincérité et simplicité :
— Je me trompais évidemment,
puisque le Pape n'en a pas jugé de
même. Allons, d'un cœur joyeux, où
Il m'appelle. Servir l'Eglise, comme
le Chef l'entend, c'est le devoir: il
est certain, il est facile et l'accom
plir donne au cœur force et allé
gresse...
En l'écoutant, une prière montait
d'elle-même à nos lèvres: — Si un
jour nous errons et que Rome nous
avertisse, la nature humaine nous
[)oussera sans doute à faire comme
es autres, puisse la grâce divine
nous décider à faire comme celui-ci.
Pierre Veuillot.
BULLETIN DU JOUR
Au Sénat, la. séance d'hier a été en
tièrement occupée par l'interpellation de
M. Monestier sur les réformes à intro
duire dans les rapports financiers exis
tant entre l'Etat et les grandes Compa
gnies de chemins de fer, en vue de sau
vegarder les intérêts des contribuables
et du trésor public.
MM. Denys Cochin et Delafosse vont
interpeller le ministre des affaires étran
gères sur la situation en Orient qui de
vient grave. M. Hanotaux demandera
probablement à la Chambre d'ajourner
eette interpellation et d'attendre la pro
chaine distribution d'un Livre jaune.
Les nouvelles de Crète sont toujours
assez confuses et quelque peu contra
dictoires.
La Grèce vient d'envoyer dans les.
eaux crétoises une nouvelle flottille de
torpilleurs ; à Athènes, l'opinion pu
blique réclame l'union avec la grande
île actuellement soumise aux Turcs.
On annonce,mais sous toutes réserves,
que la Bulgarie et la Grèce signeront une
entente pour résister à la Turquie.
Il est inutile d'ajouter que les chan
celleries européennes s'inquiètent de ce
grave état de choses, mais on ne peut
encore indiquer le résultat des négo
ciations engagées.
NOUVELLES DE ROME
Nous recevons la dépêche sui
vante :
Rome, 12 février, midi.
NN. SS. les évèques de Nevers et de
Meaux sont* arrivés hier à Rome ; ils sont
■descendus au séminaire français.
Mgr Sourrieu, archevêque de Rouen,
qui doit être élevé prochainement à la
dignité cardinalice, arrive aujour
d'hui.
.Rome, 10 février.
Le vénérable cardinal Mertel, doyen
d'âge du.Sacré-Collège, a reçu les félici
tations et les souhaits les plus chaleu
reux de ses EEmes collègues,à l'occasion
de son anniversaire de naissance.il vient
d'accomplir, à la date d'hier, sa 91" an
née. Il en compte 39 de cardinalat, qui
vont être achevées le 15 mars prochain.
Sa longévité est surtout merveilleuse
parce qu'elle lui permet encore de rem
plir avec une lucidité d'esprit étonnante
ses fonctions de vice-chancelier de la
Sainte Eglise, pendant qu'il consacre
ses loisirs à favoriser le progrès des
sciences et des lettres, en prenant une
part assidue aux travaux des académies
romaines, sans compter les soins qu'il
donne aux graves affaires des Congréga
tions pontificales dont il fait partie.
Sous le règne de Pie IX, il avait dirigé
l'administration de la justice dans les
Etats pontificaux. Léon XIII lui garde
une affection toute particulière et à l'oc
casion de l'anniversaire d'hier, il lui a
fait parvenir par un prélat du Vatican
ses félicitations et ses vœux de longévité.
Le cardinal Mertel y a répondu par des
vœux non moins ardents pour la conser
vation de l'auguste Pontil'e, échange tou
chant d'une affection qui croît avec l'âge
et en reçoit commet le.reflet d'une incom
parable majesté.
Le R. P. Dehon, supérieur général des
prêtres du Sacré-Cœur, donnera demain
chez les Augustins de l'Assomption sa
troisième conférienco sociale; Il y traite
ra du judaïsme sous le rapport du capi
talisme et de l'usure moderne.
Par billet de la secrétaire d'Etat, le
Saint-Père vient d'assigner à S. Em. le
cardinal Mazzella le titre de protecteur
de l'ordre des Cisterciens réformés de la
Trappe. _
1 DIMf! 1K. L'AflliÉ (i.UIiAO
Un groupe de jeunes gens avait
organisé, pour hier soir, une réu
nion en l'honneur de M. l'abbé Gay
raud. Le nouveau député du Finis
tère s'était rendu volontiers à l'in
vitation.-L'appel delà, jeunesse est
souvent irrésistible : en lui vibrent
la générosité et l'enthousiasme,
c'est-à-dire ce que . la nature hu
maine a de meilleur. Dans la lutte
qui a précédé et suivi le succès du
candidat ecclésiastique, la jeunesse
a donné vaillamment. Le vainqueur
s'en souvient et il a vouh^ en témoi
gner. •
On avait négligé la solennité, dont
l'assemblée- ne se souciait guère
vraiment. Le lunch était offert dans
,1e local le plus voisin du bureau de
l'Union nationale. La salle du res
taurant de la Petite-Bourse étant
trop étroite, on a envahi le café.
Prêtres, étudiants, journalistes,
employés, ouvriers se trouvaient
groupés selon la fraternité la plus
démocratique. Le compte rendu
publié par le Peuple français et re
produit en partie plus loin donne
la physionomie de cette "réunion.
De fréquentes protestations s'é
taient fait entendre contre les atta
ques' furieuses dont M. l'abbé Gay
raud a été l'objet de la part d'ad
versaires, impuissants et récalci
trants. Si touché qu'il fût de ces
preuves d'estime, le nouveau dé
puté de Brest a montré qu'il pense
surtout aux intérêts élevés qu'il a 1
mission de défendre. Il a unique
ment parlé de la démocratie chré
tienne, aujourd'hui en voie de for
mation et de progrès, bientôt en
état de s'organiser.
Quelques préférences que l'on !
puisse avoir, on ne saurait se bor
ner aux théories ; on doit tenir
compte de faits qui concordent
avec un mouvement général. — Or,
dit M. l'abbé Gayraud, la tendance
d'aujourd'hui, et pour longtemps
certainement, va au système démo
cratique. Cette vérité peut être for
mulée sans récrimination contre per
sonne ; et l'orateur l'a bien prouvé
pour son compte, par la tranquille
vigueur avec laquelle il a décrit la
situation présente.
Où en est l'esprit monarchique ?
La plupart des gens qui affectent
d'en parler le plus haut montrent
qu'ils n'y croient plus et qu'ils ne
le "connaissent plus. Sauf quelques
esprits en dehors de la foule, les
gens qui s'obstinent à combattre la
République sont tombés dans le mi
sérable état intellectuel personnilié
par M. de Cassagnac : le « n'impor-
tequisme », conception inepte de
fond et de forme. Ce n'est pas M.
l'abbé Gayraud qui a exprimé un
jugement si sévère ; ce sont les au
diteurs.
Une idée de revanche dans la dé
mocratie chrétienne ? ou de domina
tion des pauvres sur les riches?
Non pas. L'attachement aux prin
cipes de justice universelle et de
fraternité chrétienne, voilà le pro
gramme qui nous est dicté par
Léon XIII. Protéger les faibles;
garantir tous les intérêts, ceux du
corps comme ceux de l'âme ; favori
ser le progrès vers l'idéal que la
nature indique et que la foi éclaire,
telle est l 'œuvre proposée aux ca
tholiques. Ils peuvent y travailler
par de nombreux moyens. Ceux-ci
comprennent des réformes politi
ques et civiles,, notamment la re
présentation professionnelle et la
reconnaissance du droit d'asso
ciation. Inutile de dire que l'orateur
a vigoureusement affirmé le droit
des consciences religieuses. Là,
comme à d'autres moments, il a eu
un mot spirituel et profond : « Je
« veux, s'est-il écrié, je veux que
« Jésus-Christ soit citoyen fran-
« çais. »
La diction de l'orateur est aussi
remarquable que l'élévation et la
vigueur des pensées qu'il expose.
C'est la netteté même. La phrase
se déroule dans une ordonnance ir
réprochable, élégante et sobre
comme la force contenue. Sans
chercher le trait, M. l'abbé Gayraud
le rencontre souvent ; et il le lance
avec une étonnante sûreté. Hier
soir les . auditeurs se félicitaient
d'entendre, des premiers, cette
éloquence vigoureuse et harmo
nieuse, faite pour retentir de haut et
résonner au loin.
Eugène Tavernier.
M.. Joseph Fabre a, bien voulu
communiquer à un rédacteur du
Malin trois pièces du dossier qui
doit lui servir à démontrer les me
nées politiques du clergé breton.
, Ce sont trois lettres adressées
par des séminaristes à leurs parents
ou amis, pour les' presser de don
ner leur voix à M. l'abbé Gay
raud.
La voilà bien, l'ingérence cléri
cale !
Si M. Fabre émettait sérieuse
ment la prétention d'interdire aux
séminaristes d'avoir une opinion
politique et de l'exprimer à leurs
parents et amis, il faut avouer que
ce serait vif.
Mais c'est surtout si ridicule...
EN ORIENT
rait se prolonger longtemps. La
force des choses qui travaille sans
relâche à la genèse des événe
ments, et la poussée des passions
qui fermentent en ce moment dans
tout l'Orient, ne tarderont guère à
contraindre les plus hésitants, quels
qu'ils soient, à mettre fin à leurs
hésitations.
. F. L.
Çà et là
L'anxiété des esprits, au sujet des
affaires d'Orient, est toujours
grande.; mais les nouvelles d'au
jourd'hui, confuses ou insignifiantes,
ne peuvent ni l'accroître ni l'apai
ser.
Si d'un côté' on paraît dire que
les six grandes puissances vont se
trouver unanimes pour'signifier à
la Grèce un énergique halte-là, d'un
autre côté, on laisse entendre que
ces rumeurs ne doivent être accueil
lies qu'avec réserve, attendu que les
nouvelles d'Angleterre donneraient
plutôt à penser que cette prétendue
unanimité n'est rien moins qu'assu
rée de pouvoir compter sur le con
cours du gouvernement anglais.
L'attitude du cabinet de Londres,
en toutes ces affaires d'Orient, reste
en effet énigmatique ; il y a de lui
d'excellentes déclarations, il y en a
aussi d'inquiétantes : auxquelles
des deux finalement se conformera
sa conduite, c'est ce que l'événe
ment seul fera connaître.
En attendant, certaines informa
tions présentent les récentes dé
monstrations belliqueuses de la
Grèce comme étant beaucoup moins
expressives que l'on était en droit
de le croire tout d'abord; il faudrait
considérer comme dénuées de toute
signification les manifestations
émouvantes qui ont accompagné le
départ du prince Georges pour la
Crète. Sa flottille de torpilleurs,
aussi bien que l'envoi antérieur de
forces navales grecques dans les
eaux crétoises, n'auraient pour tout
objet, dit-on, que de s'opposer, le
cas échéant, au débarquement de
troupes turques, et n'auraient nul-
lément pour but d'intervenir active
ment en faveur de l'insurrection des
chrétiens de Crète.
Quoi qu'il en soit, l'état d'incerti
tude et d'inquiétude où l'inaction
des grandes puissances tient l'opi
nion publique européenne ne sau
LA MISE EN SCENE
M. Sardou, dramaturge illustre et sw>
tout ingénieux, vient de produire une
pièce nouvelle, intitulée Spiritisme et
décorée de Mme Sarah Bernhardt. Il pa
raît que la comédie a remporté un succès
plutôt médiocre. Il ne s'agit pas ici, tou
tefois, de la raconter ni de l'apprécier;
nous ne voulons point empiéter sur les
attributions de notre collaborateur dra
matique. Il s'agit d'examiner, à un autre
point de vue, le talent de M. Sardou. ,
Ledit M. Sardou a la réputation d'être
un prodigieux metteur en scène ; il pos
sède, en ce genre, un# stupéfiante habi
leté. D'aucuns même prétendent que,
malgré la finesse et la souplesse de son
esprit, l'art de la mise en scène est sa
qualité principale et lui a valu ses prin
cipaux succès.
Nous ne voulons point décider si M.
Sardou mérite à plein cette renommée de
metteur en scène; en tout cas, s'il est
vrai qu'il soit habile à mettre une comé
die en scène... sur la scène, il est plus in
génieux encore, incontestablement, à
mettre sa comédie en scène, avant la
représentation, sur le théâtre plus étendu
de l'opinion publique. Oh! dans cet art,
il est passé maître et ne connaît point de
rivaux.
La façon dont il manié la réclame et
les détours, les procédés, les mille ex
cellents moyens qu'il imagine, afin de
préparer son public, afin de piquer sa cu
riosité, afin de la mettre à point, pour le
grand jour de la« première »,...il y a peu
de spectacles plus curieux que celui-là,
ni plus instructifs aussi, par un certain
côté. M. Sardou ferait probablement sa
meilleure pièce, à la fois sa plus amu
sante et sa plus mordante comédie, s'il
lui prenait fantaisie de se mettre lui-
même en scène et de nous montrer com
ment un auteur dramatique arrive à
Gréer une agitation autour de ses œu
vres. Malheureusement, cette comédie,
que nul ne saurait composer avec la per
fection qu'il y mettrait, il est le seul qui
ne puisse la composer. On ne peut pas
exiger, en effet, de M. Sardou, qu'il dé
voile lui-même, au public, ses propres
« trucs » et ses propres « ficelles »...'
On a pu voir, depuis deux ou trois
mois, l'ingénieux dramaturge en plein
coup de feu. Il préparait la représenta
tion de Spiritisme.
Au début de l'hiver, on a commencé à
insérer, de-ci de là, à chuchoter, par ci
par là, à murmurer de toutes parts, que
M. Sardou allait donner une comédie
nouvelle et que la pièce était intitulée
Spiritisme... ■ — Hein ! comment? Spiri
tisme? — Oui, Spiritisme. — Oh! comme
c'est curieux, étrange, inouï ! M. Sardou
qui nous parle de spiritisme et qui porte
ce gros sujet sur le théâtre. Et dans quel
sens conclut-il ? Et même essaie-t-il de
conclure? Est-il pour, est-il contre?
Allons-nous voir une charge, une rail
lerie des tables tournantes et des esprits
frappeurs et des mains fluidiques? Ou
bien, tout cela, au contraire, est-il pris
au sérieux par le spirituel académi
cien ?
Et pendant quelques jours, toutes ces
questions se croisent, se heurtent, s'en
chevêtrent. M. Sardou, très habilement,
sans en avoir l'air, sans se montrer, fait
naître partout les points d'interrogation,
aiguise les curiosités.
Alors, un reporter frappe, avec discré
tion, à la porte du « maître » et l'inter
roge avec respect. Après ce reporter, un
second arrive; après le second, un troi
sième ; après, un quatrième, un cin
quième, un douzième, un vingtième. Et
c'est bientôt un défilé ininterrompu de
reporters qui interrogent respectueuse
ment M. Sardou.
M. Sardou les attendait ; il s'est même
arrangé, toujours dans la coulisse, invi
sible et muet, pour leur faire savoir qu'ils
seraient bien reçus. Et maintenant, il
parle : il se laisse complaisamment tirer
des confidences piquantes, de-quoi al
longer, autour, quelques dizaines de li
gnes. Il distribue, avec un art consommé,
la manne aux petits reporters ; il sait,
habilement, satisfaire et augmenter, par
chaque interview, la curiosité du public.
Et l'on apprend, avec étonnement, que
M. Sardou est un spiritismophile ou, si
l'on préfère, un spiritismomane acharné,
convaincu,^depuis fort longtemps, depuis
toujours. On ne le savait pâs ju'squ'ici ;
peut-être n'est-il pas bien certain que M.
Sardou le sût lui-même. En tout cas,
maintenant,■puisqu'il va donner une co
médie sur le spiritisme et pour le spiri
tisme, il nous .découvre et surtout se dé- ■
couvre une antique et profonde affection
pour cette science mystérieuse. Il n'a pas
écrit cette ^pièce au hasard, poussé par
une fantaisie subite et inopinée ; au con
traire, il y pensait depuis longues an
nées ; et, n'affectez point le doute, il vous
affirmerait qu'il y songeait depuis sa pe
tite enfance. Il a condensé, dans cette
comédie, de profondes études et un amas
de lectures et un monceau d'expériences.
Et voilà M. Sardou qui expose, aux re
porters stupéfaits et, par leur canal, au
public non moins stupéfait, le fond et le
tréfond de la question spirite : il discute,
il démontre, il argumente, il raisonne, il
déraisonne ; il dispose des objections,
il pousse au loin , des interrogations,
afin qu'on y puisse accrocher des répon
ses. En effet, la machine est si bien ar
rangée, que les réponses viennent ; de
tous côtés, on parle spiritisme et voilà
la question lancée !
Un, irrespectueux, quoique notable
écrivain, collègue à l'Académie de M.
Sardou, M. André Theuriet a proposé
aux recherches de l'opinion ce problème
intéressant: Le spiritisme est-il si furieu
sement à la mode, en ce moment-ci,
parce que M. Sardou a composé une co
médie sur ce sujet; ou bien, M. Sardou
a-t-il composé, sur le spiritisme, une
comédie, parce que la chose était fort à
la mode ?— Au fond, la question est mal
posée. Il est vrai, incontestablement, que
M. Sardou a choisi ce sujet, parce que le
spiritisme était l'-objet de maintes dis
cussions ; mais on peut dire aussi que le
spiritisme est l'objet de maintes discus
sions, parce que M. Sardou s'est imaginé
de le mettre au théâtre. Et c'est là, en
effet, un des côtés, non des moins piquants,
de l'habileté du grand metteur en scène.
Il prend une question dont on parle, afin
que la curiosité soit éveillée dès la pre
mière heure autour de sa pièce ; et il
s'arrange de manière à faire doubler,
tripler, décupler l'intérêt que l'opinion
porte à cette question, afin que "la curio
sité soit, de jour en jour, deux, trois et
dix fois plus tendue.
C'est ainsi que M. Sardou prépare et
chauffe son public. Et si nous voulions
entrer dans le détail! A côté des grands
moyens, il y a toute la gamme et toute la
série des petits procédés, qui ne sont
point négligés par M. Sardou. Le « true »
des répétitions, par exemple : invariable
ment, plusieurs reporters,dans plusieurs
journaux,confient au public, à voix basse
et d'un air mystérieux, que nul n'est ad-,
mis à pénétrer dans le théâtre, où M.
Sardou fait répéter sa pièce..', et tous ces
reportersiiousdécrivent, parle menu, l'ha
bileté que déploie M. Sardou, quand il
dirige ces répétitions,— que nul ne peut
voir...
Eh bien, quand tout ce bruit, quand
cette réclame exaspérée aboutissent,
comme aujourd'hui, à un demi-échec, on
nè peut s'empêcher d'en ressentir une
certaine joie. Il abusait vraiment, le
grand metteur en scène, et méritait cette
leçon.
François V euillot.
On annonce un duel retentissant...
mais oratoire.
M. Bourgeois, se trouvant l'autre
jour dans la disposition d'esprit qui
-le fait aspirer à la concentration, a
répudié le collectivisme, au moyen
d'un grand discours.
M. Jaurès, lui rappelant l'époque
où, président du conseil, il se trou
vait dans la disposition d'esprit qui
lui fait rejeter avec dédain la concen
tration, lui a proposé une rencontre
à la tribune ae la Chambre.
Il paraît qu'liier, dans les cou
loirs, M. Bourgeois a déclaré qu'il
acceptait; il s'est entendu avec le
leader socialiste et, bientôt, nous
aurons le plaisir d'assister au
duel.
Ce sera intéressant, surtout si le
gouvernement se mêle de la partie
et dit son petit mot.
II pourrait bien en résulter, pour
M. Bourgeois, la douloureuse obli
gation, s'il veut se concentrer à tout
prix, d'opérer cette concentration
avec le seul M. Groupe Isambert.
Bien que M. Groupe Isambert soit,
individuellement, assez gros, — ce
serait maigre.
Sous ce titre, Une voix de Rome, et
avec, pour signature, un gros 0, qui si
gnifie le maître du lieu, l'Autorité en
cadre de réflexions triomphantes une
citation illustrée de soulignements divers
et qu'on voudrait suggestifs.
Cette « voix de Romè » est, tout sim
plement, une correspondance adressée à
un petit journal de province, hebdoma
daire, ardemment royaliste, où l'on af
firme, une millième fois, que le « rallie
ment » est un système usé, même au Va
tican.
: On y célèbre aussi le dévouement de
M. le comte de Blois, démissionnaire au
moment des décrets, — détail qui a été
depuis longtemps l'objet d'un démenti
formel et non contesté, M. de Blois ayant
donné sa démission trois ans plus tôt.
Mais il est vrai que ce petit journal de
province a une incontestable autorité, foi
de Cassagnac, étant « la Semaine reli
gieuse des trois diocèses de Bayonne,
Tarbes et Aire-Dax ».
Cette pauvre Semaine, de Bayonne,
doit être bien étonnée du caractère inat
tendu que lui attribuent ses amis pari
siens.
Ce petit journal, purement politique,
avait d'abord été qualifié de Semaine re
ligieuse de Bayonne. On a rectifié. Main
tenant, pour démontrer le. cas qu'il fait
Edition quotidienne. — 10,618
Samedi 13 Février 1897
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale}
Un an......... 40 » 51 » '
Six mois. 21" » 26 50
Trois mois 11 » 14 »
Los abonnements partent des 1 er et 16 de chaque mois
UN NUMÉRO | ^® ris 10 cent,
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On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
EST
LE MONDE
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS ' ÉTRANGER
\ et départements (union postale)
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Six mois..... . 10 » !3 w
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ILes sbonnemënts partent des 1 er et 16 de oîiaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et O ic . 6, place de la Bourse
PARIS, 12 FÉVRIER 1897
SOMMAIRE
L'obéissance ....... P ierre V euillot.
Un discours de M.
l'abbé Gayraud... E ugène T avernier.
En Orient F. L.
Çà et là : La mise en
scène F rançois V euillot.
A la Chambre G abriel de T riors.
Au Sénat....... \ ... j. M antenay.
Bulletin du jour. — Nouvelles de Rome.
— L'interpellation Fabre. — Entre MM.
-Bourgeois et Jaurès. — A l'Autorité. —
Un scandale administratif. — Informa
tions politiques et parlementaires. —
Le punch de l'Union nationale. — A tra
vers la presse.— Université catholique
de Washington. — Chronique. — Saint
.François de Sales et les journalistes.—
Lettres,, sciences et arts. — La question
de Crète et la preaso.—Les affaires de
Crète. — Dépêches de l'étranger.— Lea
œuvres de mer. — La colonie: italienne à
Paris. — Echos de partout. — Concours
du musée social.— Nécrologie. — Tri
bunaux. Crues et inondations. —
Nouvelles diverses.— Calendrier. — Ta
bleau et bulletin de la Bourse. — Der
nière heure.
L'OBÉISSANCE
On ne s'accorde point, en prin
cipe, un jugement d'une sûreté à
toute épreuve. On admet qu'on
puisse errer. Si la : conversation
amène à parler' des-"outrecuidants
qui décernent l'infaillibilité à la rai
son humaine, on se rit de cette suf
fisance énorme. On a soin de faire
observer qu'ils entendent, par rai
son humaine, leur savoir propre et
leur intelligence personnelle; Petit
savoir et intelligence bornée ! Ils
garantissent bien peu contre l'er-
reur et contre la, chute, quand ils
n'y conduisent pas. Que l'on est
fier, poursuit-on, en présence du
grotesque lamentable do certains
déraillements, d'être catholique,
d'avoir un guide, librement accepté,
librement suivi, préservant des
mêmes aventures! Chasser les flat
teuses illusions, se rendre compte
que l'homme n'est pas un être par
fait, s'avouer qu'il a besoin d'être
soutenu, étant condamné à des
ignorances et toujours susceptible
de méprises; s'appuyer donc simple
ment, comme l'on doit, sur l'auto
rité divine et Celui qui la représente,
c'est être fier, en effet. Ne vouloir,
avec présomption, d'autre lumière et
d'autre guidé que soi-même, c'est
être sot...
Ainsi parlent tous-les catholiques ;
et ils-sont dans le vrai. Oui, légiti
mement, on peut être fier d'obéir.
Ce qui coûte un effort engendre le
mérite. Or,mêmè quand la raison le
prescrit, obéir est souvent pénible,
méritoire par conséquent. On pré
tend qu'il est moins difficile de faire
son devoir que de le connaître.
Cettè règle offre beaucoup d'excep
tions. Quand le devoir déconcerte
ou déplaît, l'accomplir est ce qui
coûïe davantage. N'en avons-nous
pas justement, pour triste preuve, la
conduite d'un grand nombre de ca
tholiques présentement insoumis ?
Rome a parlé, traçant le chemin
à suivre. Qu'elle eût le droit d'inter
venir, cela n'est pas contestable.
Que se passe-t-il en France depuis
vingt ans ? Contre quelle institution
est dirigé presque tout l'effort delà
machine gouvernementale et admi
nistrative ? Contre l'Eglise. Remet
tez-vous en mémoire les lois votées,
les décrets rendus, ce qu'ont fait
Chambres, ministres et fonction
naires. Hormis quelques mesures
purement politiques, c'est la reli-
fion qui a été l'objectif constant
'une guerre sans merci. Le pro
gramme de la secte, arrivant au
pouvoir, consistait avanttout en ces
trois mots : Déchristianiser la
France. 11 y avait bien quelques
promesses annexes : diminution des
charges, justice sociale, etc... Elles
n'ont pas été tenues. Mais la lutte
contre l'Eglise s'est poursuivie avec
une rigoureuse fidélité ! Pas à pas,
les sectaires accomplissaient leur
dessein; les œuvres, la foi, l'esprit
religieux couraient chaque jour un
péril plus pressant. Tous les efforts
des catholiques, il faut le reconnaî
tre, n'empêchaient point le mal de
s'aggraver.
Intervenir, n'était pas seulement
le droit, c'était le devoir du Souve
rain Pontife. On attaquait l'Eglise,
on la minait en France. Il n'y avait
pas là seulement une crise acces
soire et accidentelle. Deux camps s'é- ■
taient formés. Dans l'un, tous ten
daient vers le même but, détruire la
religion. Dans l'autre, on désirait la
défendre, mais on avait aussi main
tes préoccupations d'un ordre diffé
rent,des conceptions politiques sur
lesquelles on se divisait. — Soyez
catholiques avant tout, a demande
Léon XIII. Ce sont les œuvres, c'est
la foi qu'il s'agit de sauver. Le re-
: sultat condamne la méthode que
vous avez suivie jusqu'à présent.
Vicaire de Jésus-Christ, je viens
vous dire ce qu'attend de vous l'E
glise... ■;
: Nous' aurions eu tous le courage
d'obéir, que déjà le péril serait à
peu près conjuré. A cause de l'in
discipline d'un grpud nombre, il
reste redoutable encore, bien que
moins menaçant. Hélas ! nous avons
donné, nous donnons un triste spec
tacle.
Qu'une partie des conservateurs,
chez lesquels on a toujours vu la
politique passer avant la religion,
qu'on a toujours connus imprégnés
des doctrines gallicanes, aient re
fusé de se soumettre aux prescrip
tions de Rome, c'est plus regretta
ble que ce n'était inattendu. Mais
qu'ils aient trouvé pçmr- auxiliaires
des hommes -qui se disaient et con
tinuent de s'affirmer purement,
simplement catholiques,, voilà sur
tout le stupéfiant et le lamenta
ble.
Ces catholiques, on . les voyait
parmi les plus ardents à tenir le
langag» que nous rapportions au
début. Ils étaient heureûx et fiers
d'avoir un guide. Tour à tour, ils
plaignaient, raillaient et vitupé-
; raient les malheureux qui ne veu
lent connaître pour loi que leur ju
gement. On avait presque besoin
ae les retenir : ils auraient exagéré
l'esprit de soumission ; ils l'auraient
étendu, trop loin. Ce qui les - indi-'
gnait le plus, c'était la résistance
qui_se. dissimule sous les protesta
tions du dévouement, de l'obéis
sance filiale. Aux jansénistes, aux
gallicans, aux libéraux, ils ne pou
vaient pardonner cette hypocrisie.
Faire semblant, malgré des avertis
sements si clairs r de ne pas com
prendre ce que Rome veut et tra
vailler, -en se couvrant ainsi, à tour
ner l'obstacle qu'on n'ose aborder
de front, n'est-ce pas là le pire ou
trage?
Il leur a suffi, pour changer, de
ne plus s'être, un jour, trouvés du
même avis que le Pape. Leur petit
jugement, leur attrait personnel, la
passion de parti les poussaient dans
une voie ; le Saint-Père en a indiqué
une autre. Ça n'a pas fait un pli :
Rome se trompe,' Rome s'égare ;
voilà tout de suite ce qu'ils ont
pensé. Que 'leur raison pût être en
défaut, cette idée ne leur est pas
venue. Puisqu'ils avaient décidé qu«
tel chemin était le bon, ce chemin
était le bon. Ils" ont pieusement dé
ploré la défaillance paternelle, et se
sont donné pour devoir, eux les
sages, les hommes de principes et
de doctrine, d'en atténuer les consé
quences funestes. C'est leur ma
nière d'être respectueux.
Est-il donc à ce point difficile de
se soumettre loyalement, de plein
cœur et de tout esprit ? Quand on
voit se produire certaines résistan
ces, on retient mal une angoisse. Eh
quoi ! donnerait-on un exemple pa
reil, si un jour?...
Cependant, la soumission est pos
sible. Il suffit même de s'y décider
franchement pour qu'elle devienne
aisée, pour qu'elle soit douce. On en
sait d'illustres " exemples, qui ré
confortent, qui rassurent. Il en est
d'anciens. Il en est de nouveaux.
Récemment, nous avons eu le bon
heur et l'honneur de rencontrer un
éminent prélat qui passait à Paris,
venant d'Amérique, allant à Rome.
Il avait été relevé,, sans s'y atten
dre, d'un poste qu'il aimait, où il
pensait bien faire et faire du bien.
Quelle suave et puissante édifica
tion n'était-ce pas, de l'entendre
dire en toute sincérité et simplicité :
— Je me trompais évidemment,
puisque le Pape n'en a pas jugé de
même. Allons, d'un cœur joyeux, où
Il m'appelle. Servir l'Eglise, comme
le Chef l'entend, c'est le devoir: il
est certain, il est facile et l'accom
plir donne au cœur force et allé
gresse...
En l'écoutant, une prière montait
d'elle-même à nos lèvres: — Si un
jour nous errons et que Rome nous
avertisse, la nature humaine nous
[)oussera sans doute à faire comme
es autres, puisse la grâce divine
nous décider à faire comme celui-ci.
Pierre Veuillot.
BULLETIN DU JOUR
Au Sénat, la. séance d'hier a été en
tièrement occupée par l'interpellation de
M. Monestier sur les réformes à intro
duire dans les rapports financiers exis
tant entre l'Etat et les grandes Compa
gnies de chemins de fer, en vue de sau
vegarder les intérêts des contribuables
et du trésor public.
MM. Denys Cochin et Delafosse vont
interpeller le ministre des affaires étran
gères sur la situation en Orient qui de
vient grave. M. Hanotaux demandera
probablement à la Chambre d'ajourner
eette interpellation et d'attendre la pro
chaine distribution d'un Livre jaune.
Les nouvelles de Crète sont toujours
assez confuses et quelque peu contra
dictoires.
La Grèce vient d'envoyer dans les.
eaux crétoises une nouvelle flottille de
torpilleurs ; à Athènes, l'opinion pu
blique réclame l'union avec la grande
île actuellement soumise aux Turcs.
On annonce,mais sous toutes réserves,
que la Bulgarie et la Grèce signeront une
entente pour résister à la Turquie.
Il est inutile d'ajouter que les chan
celleries européennes s'inquiètent de ce
grave état de choses, mais on ne peut
encore indiquer le résultat des négo
ciations engagées.
NOUVELLES DE ROME
Nous recevons la dépêche sui
vante :
Rome, 12 février, midi.
NN. SS. les évèques de Nevers et de
Meaux sont* arrivés hier à Rome ; ils sont
■descendus au séminaire français.
Mgr Sourrieu, archevêque de Rouen,
qui doit être élevé prochainement à la
dignité cardinalice, arrive aujour
d'hui.
.Rome, 10 février.
Le vénérable cardinal Mertel, doyen
d'âge du.Sacré-Collège, a reçu les félici
tations et les souhaits les plus chaleu
reux de ses EEmes collègues,à l'occasion
de son anniversaire de naissance.il vient
d'accomplir, à la date d'hier, sa 91" an
née. Il en compte 39 de cardinalat, qui
vont être achevées le 15 mars prochain.
Sa longévité est surtout merveilleuse
parce qu'elle lui permet encore de rem
plir avec une lucidité d'esprit étonnante
ses fonctions de vice-chancelier de la
Sainte Eglise, pendant qu'il consacre
ses loisirs à favoriser le progrès des
sciences et des lettres, en prenant une
part assidue aux travaux des académies
romaines, sans compter les soins qu'il
donne aux graves affaires des Congréga
tions pontificales dont il fait partie.
Sous le règne de Pie IX, il avait dirigé
l'administration de la justice dans les
Etats pontificaux. Léon XIII lui garde
une affection toute particulière et à l'oc
casion de l'anniversaire d'hier, il lui a
fait parvenir par un prélat du Vatican
ses félicitations et ses vœux de longévité.
Le cardinal Mertel y a répondu par des
vœux non moins ardents pour la conser
vation de l'auguste Pontil'e, échange tou
chant d'une affection qui croît avec l'âge
et en reçoit commet le.reflet d'une incom
parable majesté.
Le R. P. Dehon, supérieur général des
prêtres du Sacré-Cœur, donnera demain
chez les Augustins de l'Assomption sa
troisième conférienco sociale; Il y traite
ra du judaïsme sous le rapport du capi
talisme et de l'usure moderne.
Par billet de la secrétaire d'Etat, le
Saint-Père vient d'assigner à S. Em. le
cardinal Mazzella le titre de protecteur
de l'ordre des Cisterciens réformés de la
Trappe. _
1 DIMf! 1K. L'AflliÉ (i.UIiAO
Un groupe de jeunes gens avait
organisé, pour hier soir, une réu
nion en l'honneur de M. l'abbé Gay
raud. Le nouveau député du Finis
tère s'était rendu volontiers à l'in
vitation.-L'appel delà, jeunesse est
souvent irrésistible : en lui vibrent
la générosité et l'enthousiasme,
c'est-à-dire ce que . la nature hu
maine a de meilleur. Dans la lutte
qui a précédé et suivi le succès du
candidat ecclésiastique, la jeunesse
a donné vaillamment. Le vainqueur
s'en souvient et il a vouh^ en témoi
gner. •
On avait négligé la solennité, dont
l'assemblée- ne se souciait guère
vraiment. Le lunch était offert dans
,1e local le plus voisin du bureau de
l'Union nationale. La salle du res
taurant de la Petite-Bourse étant
trop étroite, on a envahi le café.
Prêtres, étudiants, journalistes,
employés, ouvriers se trouvaient
groupés selon la fraternité la plus
démocratique. Le compte rendu
publié par le Peuple français et re
produit en partie plus loin donne
la physionomie de cette "réunion.
De fréquentes protestations s'é
taient fait entendre contre les atta
ques' furieuses dont M. l'abbé Gay
raud a été l'objet de la part d'ad
versaires, impuissants et récalci
trants. Si touché qu'il fût de ces
preuves d'estime, le nouveau dé
puté de Brest a montré qu'il pense
surtout aux intérêts élevés qu'il a 1
mission de défendre. Il a unique
ment parlé de la démocratie chré
tienne, aujourd'hui en voie de for
mation et de progrès, bientôt en
état de s'organiser.
Quelques préférences que l'on !
puisse avoir, on ne saurait se bor
ner aux théories ; on doit tenir
compte de faits qui concordent
avec un mouvement général. — Or,
dit M. l'abbé Gayraud, la tendance
d'aujourd'hui, et pour longtemps
certainement, va au système démo
cratique. Cette vérité peut être for
mulée sans récrimination contre per
sonne ; et l'orateur l'a bien prouvé
pour son compte, par la tranquille
vigueur avec laquelle il a décrit la
situation présente.
Où en est l'esprit monarchique ?
La plupart des gens qui affectent
d'en parler le plus haut montrent
qu'ils n'y croient plus et qu'ils ne
le "connaissent plus. Sauf quelques
esprits en dehors de la foule, les
gens qui s'obstinent à combattre la
République sont tombés dans le mi
sérable état intellectuel personnilié
par M. de Cassagnac : le « n'impor-
tequisme », conception inepte de
fond et de forme. Ce n'est pas M.
l'abbé Gayraud qui a exprimé un
jugement si sévère ; ce sont les au
diteurs.
Une idée de revanche dans la dé
mocratie chrétienne ? ou de domina
tion des pauvres sur les riches?
Non pas. L'attachement aux prin
cipes de justice universelle et de
fraternité chrétienne, voilà le pro
gramme qui nous est dicté par
Léon XIII. Protéger les faibles;
garantir tous les intérêts, ceux du
corps comme ceux de l'âme ; favori
ser le progrès vers l'idéal que la
nature indique et que la foi éclaire,
telle est l 'œuvre proposée aux ca
tholiques. Ils peuvent y travailler
par de nombreux moyens. Ceux-ci
comprennent des réformes politi
ques et civiles,, notamment la re
présentation professionnelle et la
reconnaissance du droit d'asso
ciation. Inutile de dire que l'orateur
a vigoureusement affirmé le droit
des consciences religieuses. Là,
comme à d'autres moments, il a eu
un mot spirituel et profond : « Je
« veux, s'est-il écrié, je veux que
« Jésus-Christ soit citoyen fran-
« çais. »
La diction de l'orateur est aussi
remarquable que l'élévation et la
vigueur des pensées qu'il expose.
C'est la netteté même. La phrase
se déroule dans une ordonnance ir
réprochable, élégante et sobre
comme la force contenue. Sans
chercher le trait, M. l'abbé Gayraud
le rencontre souvent ; et il le lance
avec une étonnante sûreté. Hier
soir les . auditeurs se félicitaient
d'entendre, des premiers, cette
éloquence vigoureuse et harmo
nieuse, faite pour retentir de haut et
résonner au loin.
Eugène Tavernier.
M.. Joseph Fabre a, bien voulu
communiquer à un rédacteur du
Malin trois pièces du dossier qui
doit lui servir à démontrer les me
nées politiques du clergé breton.
, Ce sont trois lettres adressées
par des séminaristes à leurs parents
ou amis, pour les' presser de don
ner leur voix à M. l'abbé Gay
raud.
La voilà bien, l'ingérence cléri
cale !
Si M. Fabre émettait sérieuse
ment la prétention d'interdire aux
séminaristes d'avoir une opinion
politique et de l'exprimer à leurs
parents et amis, il faut avouer que
ce serait vif.
Mais c'est surtout si ridicule...
EN ORIENT
rait se prolonger longtemps. La
force des choses qui travaille sans
relâche à la genèse des événe
ments, et la poussée des passions
qui fermentent en ce moment dans
tout l'Orient, ne tarderont guère à
contraindre les plus hésitants, quels
qu'ils soient, à mettre fin à leurs
hésitations.
. F. L.
Çà et là
L'anxiété des esprits, au sujet des
affaires d'Orient, est toujours
grande.; mais les nouvelles d'au
jourd'hui, confuses ou insignifiantes,
ne peuvent ni l'accroître ni l'apai
ser.
Si d'un côté' on paraît dire que
les six grandes puissances vont se
trouver unanimes pour'signifier à
la Grèce un énergique halte-là, d'un
autre côté, on laisse entendre que
ces rumeurs ne doivent être accueil
lies qu'avec réserve, attendu que les
nouvelles d'Angleterre donneraient
plutôt à penser que cette prétendue
unanimité n'est rien moins qu'assu
rée de pouvoir compter sur le con
cours du gouvernement anglais.
L'attitude du cabinet de Londres,
en toutes ces affaires d'Orient, reste
en effet énigmatique ; il y a de lui
d'excellentes déclarations, il y en a
aussi d'inquiétantes : auxquelles
des deux finalement se conformera
sa conduite, c'est ce que l'événe
ment seul fera connaître.
En attendant, certaines informa
tions présentent les récentes dé
monstrations belliqueuses de la
Grèce comme étant beaucoup moins
expressives que l'on était en droit
de le croire tout d'abord; il faudrait
considérer comme dénuées de toute
signification les manifestations
émouvantes qui ont accompagné le
départ du prince Georges pour la
Crète. Sa flottille de torpilleurs,
aussi bien que l'envoi antérieur de
forces navales grecques dans les
eaux crétoises, n'auraient pour tout
objet, dit-on, que de s'opposer, le
cas échéant, au débarquement de
troupes turques, et n'auraient nul-
lément pour but d'intervenir active
ment en faveur de l'insurrection des
chrétiens de Crète.
Quoi qu'il en soit, l'état d'incerti
tude et d'inquiétude où l'inaction
des grandes puissances tient l'opi
nion publique européenne ne sau
LA MISE EN SCENE
M. Sardou, dramaturge illustre et sw>
tout ingénieux, vient de produire une
pièce nouvelle, intitulée Spiritisme et
décorée de Mme Sarah Bernhardt. Il pa
raît que la comédie a remporté un succès
plutôt médiocre. Il ne s'agit pas ici, tou
tefois, de la raconter ni de l'apprécier;
nous ne voulons point empiéter sur les
attributions de notre collaborateur dra
matique. Il s'agit d'examiner, à un autre
point de vue, le talent de M. Sardou. ,
Ledit M. Sardou a la réputation d'être
un prodigieux metteur en scène ; il pos
sède, en ce genre, un# stupéfiante habi
leté. D'aucuns même prétendent que,
malgré la finesse et la souplesse de son
esprit, l'art de la mise en scène est sa
qualité principale et lui a valu ses prin
cipaux succès.
Nous ne voulons point décider si M.
Sardou mérite à plein cette renommée de
metteur en scène; en tout cas, s'il est
vrai qu'il soit habile à mettre une comé
die en scène... sur la scène, il est plus in
génieux encore, incontestablement, à
mettre sa comédie en scène, avant la
représentation, sur le théâtre plus étendu
de l'opinion publique. Oh! dans cet art,
il est passé maître et ne connaît point de
rivaux.
La façon dont il manié la réclame et
les détours, les procédés, les mille ex
cellents moyens qu'il imagine, afin de
préparer son public, afin de piquer sa cu
riosité, afin de la mettre à point, pour le
grand jour de la« première »,...il y a peu
de spectacles plus curieux que celui-là,
ni plus instructifs aussi, par un certain
côté. M. Sardou ferait probablement sa
meilleure pièce, à la fois sa plus amu
sante et sa plus mordante comédie, s'il
lui prenait fantaisie de se mettre lui-
même en scène et de nous montrer com
ment un auteur dramatique arrive à
Gréer une agitation autour de ses œu
vres. Malheureusement, cette comédie,
que nul ne saurait composer avec la per
fection qu'il y mettrait, il est le seul qui
ne puisse la composer. On ne peut pas
exiger, en effet, de M. Sardou, qu'il dé
voile lui-même, au public, ses propres
« trucs » et ses propres « ficelles »...'
On a pu voir, depuis deux ou trois
mois, l'ingénieux dramaturge en plein
coup de feu. Il préparait la représenta
tion de Spiritisme.
Au début de l'hiver, on a commencé à
insérer, de-ci de là, à chuchoter, par ci
par là, à murmurer de toutes parts, que
M. Sardou allait donner une comédie
nouvelle et que la pièce était intitulée
Spiritisme... ■ — Hein ! comment? Spiri
tisme? — Oui, Spiritisme. — Oh! comme
c'est curieux, étrange, inouï ! M. Sardou
qui nous parle de spiritisme et qui porte
ce gros sujet sur le théâtre. Et dans quel
sens conclut-il ? Et même essaie-t-il de
conclure? Est-il pour, est-il contre?
Allons-nous voir une charge, une rail
lerie des tables tournantes et des esprits
frappeurs et des mains fluidiques? Ou
bien, tout cela, au contraire, est-il pris
au sérieux par le spirituel académi
cien ?
Et pendant quelques jours, toutes ces
questions se croisent, se heurtent, s'en
chevêtrent. M. Sardou, très habilement,
sans en avoir l'air, sans se montrer, fait
naître partout les points d'interrogation,
aiguise les curiosités.
Alors, un reporter frappe, avec discré
tion, à la porte du « maître » et l'inter
roge avec respect. Après ce reporter, un
second arrive; après le second, un troi
sième ; après, un quatrième, un cin
quième, un douzième, un vingtième. Et
c'est bientôt un défilé ininterrompu de
reporters qui interrogent respectueuse
ment M. Sardou.
M. Sardou les attendait ; il s'est même
arrangé, toujours dans la coulisse, invi
sible et muet, pour leur faire savoir qu'ils
seraient bien reçus. Et maintenant, il
parle : il se laisse complaisamment tirer
des confidences piquantes, de-quoi al
longer, autour, quelques dizaines de li
gnes. Il distribue, avec un art consommé,
la manne aux petits reporters ; il sait,
habilement, satisfaire et augmenter, par
chaque interview, la curiosité du public.
Et l'on apprend, avec étonnement, que
M. Sardou est un spiritismophile ou, si
l'on préfère, un spiritismomane acharné,
convaincu,^depuis fort longtemps, depuis
toujours. On ne le savait pâs ju'squ'ici ;
peut-être n'est-il pas bien certain que M.
Sardou le sût lui-même. En tout cas,
maintenant,■puisqu'il va donner une co
médie sur le spiritisme et pour le spiri
tisme, il nous .découvre et surtout se dé- ■
couvre une antique et profonde affection
pour cette science mystérieuse. Il n'a pas
écrit cette ^pièce au hasard, poussé par
une fantaisie subite et inopinée ; au con
traire, il y pensait depuis longues an
nées ; et, n'affectez point le doute, il vous
affirmerait qu'il y songeait depuis sa pe
tite enfance. Il a condensé, dans cette
comédie, de profondes études et un amas
de lectures et un monceau d'expériences.
Et voilà M. Sardou qui expose, aux re
porters stupéfaits et, par leur canal, au
public non moins stupéfait, le fond et le
tréfond de la question spirite : il discute,
il démontre, il argumente, il raisonne, il
déraisonne ; il dispose des objections,
il pousse au loin , des interrogations,
afin qu'on y puisse accrocher des répon
ses. En effet, la machine est si bien ar
rangée, que les réponses viennent ; de
tous côtés, on parle spiritisme et voilà
la question lancée !
Un, irrespectueux, quoique notable
écrivain, collègue à l'Académie de M.
Sardou, M. André Theuriet a proposé
aux recherches de l'opinion ce problème
intéressant: Le spiritisme est-il si furieu
sement à la mode, en ce moment-ci,
parce que M. Sardou a composé une co
médie sur ce sujet; ou bien, M. Sardou
a-t-il composé, sur le spiritisme, une
comédie, parce que la chose était fort à
la mode ?— Au fond, la question est mal
posée. Il est vrai, incontestablement, que
M. Sardou a choisi ce sujet, parce que le
spiritisme était l'-objet de maintes dis
cussions ; mais on peut dire aussi que le
spiritisme est l'objet de maintes discus
sions, parce que M. Sardou s'est imaginé
de le mettre au théâtre. Et c'est là, en
effet, un des côtés, non des moins piquants,
de l'habileté du grand metteur en scène.
Il prend une question dont on parle, afin
que la curiosité soit éveillée dès la pre
mière heure autour de sa pièce ; et il
s'arrange de manière à faire doubler,
tripler, décupler l'intérêt que l'opinion
porte à cette question, afin que "la curio
sité soit, de jour en jour, deux, trois et
dix fois plus tendue.
C'est ainsi que M. Sardou prépare et
chauffe son public. Et si nous voulions
entrer dans le détail! A côté des grands
moyens, il y a toute la gamme et toute la
série des petits procédés, qui ne sont
point négligés par M. Sardou. Le « true »
des répétitions, par exemple : invariable
ment, plusieurs reporters,dans plusieurs
journaux,confient au public, à voix basse
et d'un air mystérieux, que nul n'est ad-,
mis à pénétrer dans le théâtre, où M.
Sardou fait répéter sa pièce..', et tous ces
reportersiiousdécrivent, parle menu, l'ha
bileté que déploie M. Sardou, quand il
dirige ces répétitions,— que nul ne peut
voir...
Eh bien, quand tout ce bruit, quand
cette réclame exaspérée aboutissent,
comme aujourd'hui, à un demi-échec, on
nè peut s'empêcher d'en ressentir une
certaine joie. Il abusait vraiment, le
grand metteur en scène, et méritait cette
leçon.
François V euillot.
On annonce un duel retentissant...
mais oratoire.
M. Bourgeois, se trouvant l'autre
jour dans la disposition d'esprit qui
-le fait aspirer à la concentration, a
répudié le collectivisme, au moyen
d'un grand discours.
M. Jaurès, lui rappelant l'époque
où, président du conseil, il se trou
vait dans la disposition d'esprit qui
lui fait rejeter avec dédain la concen
tration, lui a proposé une rencontre
à la tribune ae la Chambre.
Il paraît qu'liier, dans les cou
loirs, M. Bourgeois a déclaré qu'il
acceptait; il s'est entendu avec le
leader socialiste et, bientôt, nous
aurons le plaisir d'assister au
duel.
Ce sera intéressant, surtout si le
gouvernement se mêle de la partie
et dit son petit mot.
II pourrait bien en résulter, pour
M. Bourgeois, la douloureuse obli
gation, s'il veut se concentrer à tout
prix, d'opérer cette concentration
avec le seul M. Groupe Isambert.
Bien que M. Groupe Isambert soit,
individuellement, assez gros, — ce
serait maigre.
Sous ce titre, Une voix de Rome, et
avec, pour signature, un gros 0, qui si
gnifie le maître du lieu, l'Autorité en
cadre de réflexions triomphantes une
citation illustrée de soulignements divers
et qu'on voudrait suggestifs.
Cette « voix de Romè » est, tout sim
plement, une correspondance adressée à
un petit journal de province, hebdoma
daire, ardemment royaliste, où l'on af
firme, une millième fois, que le « rallie
ment » est un système usé, même au Va
tican.
: On y célèbre aussi le dévouement de
M. le comte de Blois, démissionnaire au
moment des décrets, — détail qui a été
depuis longtemps l'objet d'un démenti
formel et non contesté, M. de Blois ayant
donné sa démission trois ans plus tôt.
Mais il est vrai que ce petit journal de
province a une incontestable autorité, foi
de Cassagnac, étant « la Semaine reli
gieuse des trois diocèses de Bayonne,
Tarbes et Aire-Dax ».
Cette pauvre Semaine, de Bayonne,
doit être bien étonnée du caractère inat
tendu que lui attribuent ses amis pari
siens.
Ce petit journal, purement politique,
avait d'abord été qualifié de Semaine re
ligieuse de Bayonne. On a rectifié. Main
tenant, pour démontrer le. cas qu'il fait
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