Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-01-25
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 janvier 1897 25 janvier 1897
Description : 1897/01/25 (Numéro 10600). 1897/01/25 (Numéro 10600).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k709381z
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 25 Janvier 1897
Edition quotidienne. — 10,600
Lundi 28 Janvier 1897
ÉDITION QUOTIDIENNE
paris
et départements
Un an 40 m
Six mois <21 »
Trois moi?.;. 11 »
ETRANGER
(îQJIOii POSTALE) -
^ 51
26 50
14 » .
Abonnements partent des lv et 1Q do chaque mois
Pâri3... » '^ 10 CGntg ...
Dé parte ments.;...£5 — ,
SUREAU? : Pârja, rue Cassette, 17.
On s'abonna à, îftome, place du Gesù, 8 <
UIS[ NUMÉRO j
' . V *
HT.
ÉDITION Sffm-QUOT jPIENNE
paris ... étranger
et départements (union postale)
Un an..,...,.. 20 » ?6 »
Six mois..-.. 10 » 13 » à
Trois mois.%... 5 » 6 50 '
Les abonnements partent des I e ' et 16 de chaque mois
L' VNIYERS ne répond pas des manuscrits qui M sont adressés
ANNONCES " /
lagraiïge, cerf et c 'V 6, place de k Bourse
PARIS, 24 JANVIER 18S7
SOMMAIRE
« Faites-vous arrô->
te?
Çà et là î Un aspect
du carnaval........
A la Chambre......
L'évolution : d'un
néo-chrétien.
Correspondance ro-
n?:alne..........
Va riétés : Les débats
relatifs à la confis
cation des biens de
l'Eelise.
Feuilletons : Types
militaires,
' A travers les re-
• vues
Bulletin du jour. — Les livres. — Infor
mations poUtiqu.es, et ' parlementaires. -T-;
Chronique, m A Madagascar. — La ques
tion ouvrière,, -r Dépêches 4e l'étràp-
fer. — Tribunaux.^ La peste. — Echos
e partout. — Nouvelles diverses. — Ti
rages} financiers. — Revue de la Bourse.
E ugène T avçb^œb.,
G. d 'A zakbuja.
G abriel se T riors.
Y vbs L e Q uerdec.
A bbé J oly.
A. ï)e ségur.
«
FAITES- VOUS ARRÊTER
».
_ Darts une petite rue.çlu faubourg..
Saint-Germain, une pauvre femme
se tient tournée vers une porte co
opère. Elle s'&ppuié du coude sur la
grosse poignée eu cuivre, la figure
cachee dans la main. L'autre bras
porte, un panier vide ou se trouve
deux ou trç>i§ carnets de p.o.che .et
P^sieiirs crayons ; papetière de ea-
nyelotte, - - ' ; '
La femme gémit à voix basse ou
plutôt elle soupire : « Ah ! mon Diéu!
Dieu ! » Interrogée elle se re
dresse et montré une physionomie
-ouverte et intelligente! Elle est à
tiout de forces.
Bien qu'elle ait soixante-six ans,
ellç a bientôt fait de raconter son
histoire. Lapauvre femme fut d'a
bord cuisinière,, puis elle a épousé
un employé d'administration. Lè
mari est mort trop tôt pour trans-
îiiettre des droits à une retraite.
Après avoir payé des frais de'mala
die et d'enterrement et n'ayant plus
le sou, la veuve s'est mise a faire
des ménages. A son tour elle à dû
s'aliter.^ En sortant de l'hospice, elle
avait désormais pour compagne in
séparable la misère. Atteinte d'un
mal chronique, par conséquent inca-
jpable d'un travail fatigant, elle a
passé la plus grande partie de son
temps à chercher ae l'ouvrage.
Nulle part on n'avait hesoin d'une
asthmatique.
Elle a recueilli, quelques aumô
nes de prêtres et ae religieuses ;
«des bons de pain et de viande; à la
mairie, de loin en loin, un secours
qu'il faut aller attendre sur place
pendant des jours entiers. Elle es
saie de vendre des .carnets et des
crayons aux passants, qui, en la
Toyant, semblent ressentir, plus vi
vement le froid et enfouissent leurs
mains dans le fond de leurs po
ches.
Quelqu'un cependant lui a donné
un conseil pratique. Qui était-ce?
Dieu le gai,t. Après avoir circulé d'un
bureau à un autre,, de la charité offi
cielle à la bienfaisance privée, dans
les régions vastes et peuplées, où
économiques, la police, la préfec
ture, elle a rencontré un monsieur
qui .avait peut-être été quelque
chose « dans l'administration ».
Certainement, il devait connaître les
ressources de notre régime social.
-. .Lorsque la malheureuse lui eut
explique qu'elle ne pouvait payer ni
logement ni nourriture ( et que, très
impatiente de mourir, elle ne se dé
cidait pas cependant à se tuer, en
un mot, qu'elle suppliait qu'on lui
indiquât au moins une ressource
quelconque, ledit monsieur^ bien
intentionné, se mit à réfléchir.
Puis il lui dit : « Faites-vous ar
rêter ! » " ' '
Le conseil est facile à compren?
dre, mais on a 4e la peine à l'appli
quer. Aloupr après quarante ans de
labeurs, de déceptions et d'épuise-
çepos et d,u soulagement, ce peut-
être l'espérance du bonheur et une .
Joie véritable.
. qui
pejitençe - et qui persiste après I3,
sortie de prison! Même l'acte tout
simple vaut au?: malheureux ,un
hluetde logement pour quinze j ours
ou pour un mois n'est admis par la
volonté qu'après de pénibles .ef
forts.
C'est bien aisé, assurément, de
donner un coup de co,ude dans une
vitrine et ,de faire surgir ainsi l'a-
fent de police qui ouvre la porte
e l'hôtellerie officielle. Mais l'acte
est odieux pour les désespérés
eux-mêmes. La pauvre marchande
de crayons, sans .acheteurs et d'ail
leurs presque sans crayons, ayait
devant les yeux le spectacle qu'on
lui proposait de jouer sur la place
publique ; et elle en rougissait d'à- ;
vance.
Elle ne s'est pas fait prier pour
donner son nom ; mais elle ignore
comment s'écrit celuirci, n'ayant pas,
eu le temps .d'apprendre à lire.
C'est encore hien qu'on ne lui a.
fias conseillé de se mettre à étudier.
'alphabet afin,de -trouver-plus tard,
pour l'heure où sonnerait ses,
soixante-dix ans, -une place dans un
magasin ou dans une administra
tion.
« Faites-vous arrêter » telle egt
en somme la formule de la solution
sociale individuelle ; mais elle s'spr
plique à un si grand nombre,.d'indi
vidus qu'elle prend. un caractère
général.
Le résultat parait beau quand on
songe à ce qu'il a coûté. Dés mil
lions ont été dépensés pour ruiner
les œùyres religieuses où les victi
mes de l'existence peuvent au moins
se préparera mourir. Dans la con
ception et dans la réalité chrétien
nes, l'asile est une annexe de l'école.
Autrefois, les gens riches pou
vaient prolonger indéfiniment leur
bienfaisance en léguant une fortune
à des, établissements qui distri
buaient la charité pour rien. On a
inventé et combiné des impôts afin
de détruire ces institutions. Quant
à la bienfaisance officielle, ce qu'elle
coûte est devenu un énorme mys
tère obligatoire. La pauvre vieille
de l'autre jour avait l'air de com
prendre,bien qu'elle ne sût pas lire,
que les frais d'administration doi
vent fin effet absorber beaucoup de
l'argent qui aurait pu être employé
en aumônes. Aussi reprenait-elle
sans se plaindre le chemin où elle
promène son asthme, pour aller
ainsi jusqu'à ce qu'un coup de vent
glacé la jette par terre et jusqu'à ce
que la police l'arrête enfin.
Eugène T avernier.
BULLETIN DU JOUR
' C'est aujourd'hui qu'a, lieu, dans la
troisième circonscription de Brest, l'élec
tion législative èn remplacement de
Mgr d'Hulst.
C'est aujourd'hui également quto lés
électeurs d'Albertville donneront un sue-
c esseur à M. Berthet, radical, qui avait
succédé lui-même, il y à un an, à.
M. Pierre Blanc, le doyen de la Cham
bre.
La séance de la. Chafnblrê à été-, iôut
entière ttibOftibrée par le contre-projet
de M. Jaurès, réclamant pour l'Etat le
monopole de la raffinerie. Le député so
cialiste a prononce un long discours au
quel a répjondu M. Boucher, ministre du
commerce;., et l'on continuera demain-.
On iannoniè que le gouvernement dé-
béera, mardi, sur le bureau de la, Cham-
re, ia demander attendue, d'un second
douzième provisoire.
Si les projets de loi autres que le bud
get et les mterpellations continuent à,
prendre tant de place, onsera obligé d'en
mter un troisième. f
..On continue à commenter —• un peu
—r lés discours prononcés vendredi par
MM. Duiar.din'rJBeaumetz et Martyt pré
sidents des deux groupes principaux de
la Chambre des députes.
L'importance des orateurs est- très
maigre, à vrai dire; mais, entrele radi
calisme du premier et' l'opportunisme
du second, on se demande où les prô*
neurs dé concentration,qui se remuaient
si fortt depuis quelques semaines, trou
veront leur future majorité.
Au Sénat, la gauche démocratique,
aux destinées de laquelle préside avec
majesté le fameux Baduel, énorme et
malheureux soutien de Mi Bourgeois, —
la gauche démocratique est &n proie aux
divisions intestines.
M. Destieux-Junca, le sénateur, radi
cal-socialiste dù Gers, veut fonder, un
nouveau groupe, encore plus avancé.
M. Baduel serait donc, au Sénat, l'oppor
tuniste de quelqu'un. Comment féra-t-il
pour s'en consoler?
Çà et là
UN ASPECT DU CARNAVAL
., La mode a des tyrannies qui ne sont
qu>bsurdes. Telles sont en particulier
celles qui régentent le sexe fortle a gi
bus » ou la « queue de pie » par exemple.
Dan£ le domaine du beau sexe, le- grotes
que certes B'est pas abse.nt. J'en appelle
à certaines manches d'hier et à certains
collets d'aujourd'hui. Mais le grotesque
a l'âme asgez bonne pour faire, à ses coû
tés, une petite place à l'odieux. .
Une des sujétions les plus impérieuses
qui pèse sur la « femme du monde » est
celle qui l'oblige à n'arborer jamais deux
fois la mème toilette en société. Un habit
noir sert vingt fois, cinquante fois, cent
fois. Une toilette féminine, chez les gens
« çhiç » n'est tolérée qu'un jour. Les ro
bes, un peu différentes des roses, ne vi
vent qiie l'espace d'une soirée au lieu de
vivre celui d'un matin.
Nous laissons ici de côté, bien entendu,
toute considération morale. Le point de
vue économique nous occupe seul. Nous
nous demandons tout d'abord si la somme
d'efforts, de travaux, de veilles, consa
crés h ia confection d'une toilette de bal,
est proportionnée à l'utilité qu'elle pro
cure à sa « consommatrice ». A la cueil
lette des coeons, dans les filatures, au->
près des métiers à tisser, de nombreuses
ouvrières ont rais une partie de leur
temps, de leur <étre, dans cette splendide
traîne de soie. Qu'en résulte-rt-il ? — Une
fugitive satisfaction de vanité, souvent
empoisonnée .par le idépit, si quelque
traine plus belle, mieux travaillée, vient
accaparer les admirations et rejeter dans
l 'ombre les traînes rivales.
À.Ù moyen-âge, et même à l'époque de
la renaissance, les mères laissaient à
leurs filles des robes... par.testament.
Gela se léguait comme une armure, ou
boiiittie lel vielllëâ.dèiitfeiiës, pâr excep
tion, se lèguent -encore aujourd'hui. Il y
a beau temps que ces mœurs conserva*
trices s'en sont allée» où vont les neiges
d'antan et les vieilles lunes. Les bonnets
de tri-strisaïeulesi devenus capotes ou
phajJeàuà: feiitre lës griiïés eSpertfes de
nos modistes, ont fait, depuis lors, une
fameuse danse par-dessus les usines, à
vapeur qui nous tiennent lieu de mou
lins.
-Le carnaval est le moment ou jamais
d'exprimer nos doléances, car jamais le
cinématographe des toilettes successives
ne se déroule plus vertigineusement qu'à
cette époque privilégiée. Joignons-y,
,pour les Parisiens qui * 86 Respectent »,
le carême, où l'on se trémousse encore
tin peu plus que pendant le carnaval. Ce
qui se fabrique de costumes de soirée^ en
ce moment-ci', est incalculable) et les dé
fenseurs du monde où l'on cotillonne ont
là une belle occasion de nous clouer le
bec avec l'argument aussi victorieux que
battant neuf : « Mais tant mieux polir les
classes laborieuses : cela leur donne du
travail. »
Pour 'cela, c'est vrai. Les incendies,
aussi, donnent du tràvail aux maçons ;
et, toutes les fois que vous cassez une
vitre, c'est autant de gagné pour le vi
trier. Seulement avec ce système, la
saine économie domestique consisterait
à mettre tous les jours lefeu à sa maison,
et le meilleur ministre des financés se
rait celui qui pousserait son collègue de
l'instruction publique à construire des
lycées de filles dans chaque hameau.
Les industries de luxe sont les plus
instables de toutes. En temps de crise, ce
sont elles cjui souffrent les premières.
En temps ordinaire, elles passent par des
phases de productivité fort inégale. Il est
absolument clair, par exemple, qu'il se
confectionne à Paris beaucoup moins de
•robes durant le mois de septembre que
durant le mois dé février. Donc," une
bonne partie des ouvrières qui ont de
l'ouvrage en février ne peuvent en avoir
en septembre.Plus le carnaval est « amu
sant», plus les fêtes y sont nombreuses
et.brillantes,.plus la disproportion s'accen
tue, et le malaise social avec elle. .
Qu'arrive-t-il, en effet, à ces moments
de«presse » et de « coups de feu »? Les
entrepreneurs oh entrepreneuses ture embauçhent de toutes parts les ou
vrières. Le métier, à bon nombre d«
jeunes filles sans expérience, semble re
lativement lucratif. On s'y jette, dans
respoir de voir durer cette période pros-r
père. C'est de l'imprévoyance ; mais for
cez donc la jeunesse à prévoir ! Il suffit
d'ailleurs que quelques ouvrières aient
du travail toute l'année pour que chaque
nouvelle venue se , promette d'avoir au
tant de chance. Le cœur humain est ainsi
fait. On pense à ceux qui réussissent,
parce qu'on les voit, et non à ceux qui
tombent, parce qu'on ne les voit pas. Les
métiers inutiles voient donc leur effectif
s'accroître, à un moment donné, sans
mesure, puis la débâcle arrive. Il faut
jeter par-dessus bord le personnel super
flu. Or, ce « personnel » ce sont des
créatures humaines, jadis attachées à un
foyer, à un milieu protecteur, et qui ont
peut-être abandonné ce foyer, ce milieu,
pour se précipiter dans l'impasse des
industries dé luxe. Mais une plante déra
cinée, à moins de circonstances excep
tionnelles, ne reverdit plus, ne refleurit
plus. L'abUjS des. splendides toilettes a
dono pour conséquence, en bas de l'é
chelle sociale, des morts, des misères
des chutes silencieuse dans la boue.
Voilà un des griefs les plus vrais parmi
ceux que certains pauvres ont contre
certains riches, griefs que l'utopie socia
liste voudrait généraliser au point d'en
faire le réquisitoire de tous les pauvres
contre tous les riches. L'exemple gué
nous venônâ de citer montre, une fois
de plus, que l'initiative privée peut
beaucoup pour soulager les misères
sociales. Toute famille opulente et mon
daine qui réforme courageusement ses
mœurs améliore sans s'en douter le sort
de.quelques misérables créatures, par le
seul fait de transformer en dépenses nor
males et raisonnables des dépenses fu
tiles et insensées.
Le luxe au contraire fait-il tant de peur
âùi socialistes? — On sait bien que non.
Attendez d'eux, par exeniplej un seul mot
contre les cabaretiers, dont la race pullule
de jour en jour, le mot, vous ne l'enten
drez pas. Or, le « tord-boyaux » de l'ou
vrier, c'est la robe de satin de la grande
dame. De la consommation de celle-cj
naît un métier misérable ; de la consoni-
mation de celui-là naît un métier dange
reux. A chaque vice répond un groupe
ment d'êtres humains chargé de le satis
faire ; et quand ces rouages parasites se
multiplient dans le corps spcial, tout se
détraqué; ~
0. d 'A zambwa.
A LA CHAMBRE
La question des sucres.
Enfin M. Jaurès a prononcé son
grand discours ; le. ministre du com
merce et lui se sont partagé la
séance d'hier: inutile d'ajouter que
le premier n'en a point occupé la
plus grande partie..
Donc, l'orateur socialiste a pré
senté à la Chambre le contre-pro
jet proposé par ses amis et lui ; on
sait qu'il ne tend à rien moins qu'à
organiser au profit de l'Etat le mo
nopole de la, raffinerie et à régle
menter la production du sucre. —
C'était là un beau thème à attaquer
violemment la législation élaborée
par le gouvernement et à flétrir la'
spéculation qui dans ces dernières
années amena tant de catastrophes
et tant de honte...
Sur ce dernier ' point,- M. Jaurès
s'est fait applaudir de tous les côtes
de la Chambre, aussi bien que lors
qu'il a réclamé pour le peuple le
droit au sucre raffiné comme au pain
blanc.
On apprend bien ainsi. que la
grande industrie doit porter la plus
importante part de responsabilité
dans la crise que traverse la sucre
rie française et M. Jaurès excelle
à soutenir ses thèses, le plus sou
vent, à l'aide de sophismes ; mais
c'est en vain qu'on attendrait de
lui l'exposé net et précis d'un sys
tème propre, à remplacer ceux dont
il ne veut point...
Et voilà pour rendre plus fa
cile la tâche du ministre du com
merce qui prouvait que le remède
à la situation actuelle, juste
ment critiquée, se trouve dans
l'association, dans les syndicats
agricoles, et non dans la confis
cation- M. Boucher a saisi l'occar
sion, et il faut l'en félieiter, de pro
clamer que la gouvernement est
l'adversaire déclaré de cette spécu
lation malhonnête qui consiste à se
liguer entre puissants fabricants
pour déprimer faussement les cours
et écraser ainsi les petits indus
triels.
A une nouvelle attaque de M. Jau
rès contre « les 8 ou 10 rafïlneurs
k qui font actuellement là loi sur le
« marché du monde —• des hommes
« que guette le iuge d'instruction »,
le'ministre a. .répondu que la sup
pression des ranineurs, loin de ré
soudre le problème,ne servirait qu'à
le compliquer, et que seule l'action
des forces individuelles parviendrait
à détruire le monopole.
Un instant, dans cette séance un
peu grave,les rires ont éclaté à l'en
trée d'un député ayant oublié sur sa
tête un fez au plus beau rouge ; on
se demandait si le musulman de
Pontarlier avait déjà rencontré un
néophyte et M. Jaurès a remercié
son collègue, un peu confus, « du
« rayon de lumière orientale qu'il
« venait jeter dans le débat >*.
On aura bien besoin de lumière
en avançant dans cette discussion
qui s'annonce comme devant réculer
encore le vote du budget.
Gabriel de T riors.
5 D'ffl I
Ainsi que nos lecteurs l'ont pu"
voir par les longs extraits donnés
d'un article de la Revue des revues,
dans l'Univers ^de lundi dernier, M.
Henry Bérenger qui fut, vers 1890,
l'un des jeunes écrivains que l'on
appela les « néo-chrétiens », nous
explique comment et pourquoi de
néo-enrétien et de favorablé au chris
tianisme catholique il est devenu
maintenant « anticlérical » aussi
ardent que M. Ilomais. Mais il
l'est d'autre façon et surtout
pour d'autres raisons. M. Ilomais
eèt un sot et M. Henry Bérenger a
raison''de ne point s'y croire. M. Ilo
mais est anticlérical par incapacité
foncière de comprendre les beautés
du' sentiment religieux, M. Henry
Bérenger connaît au contraire
toute la, force de ce sentiment, il 1
s'intitulélui-mêmeun « idéaliste reli-
f'iëùx». Il professe la grande religion
e l'Humanité, la foi au Dieu qui se
fait et dont chaque conscience est
une manifestation et comme une
ébauche plus ou moins lointaine.
Enfin M. Bérenger nous assure
qu'il a une « vie intérieure » ; .M. Ilo
mais par ces mots n'eût entendu
que sa digestion. Donc M. Bérenger
n'est pas Ilomais bien qu'il professe
vis-à-vis du catholicisme les senti
ments d'un Ilomais. C'est le même-
jugement qu 'il porte mais il le mo
tive par d'autres considérants. ;
Quels sont donc ces considé-
D'après M. Bérenger, il y eut,
vers 1890, un élan de la jeunesse
instruite vers l'Eglise : les Ency
cliques de Léon XIII, les discours
de Mgr Irèland, les écrits de M.
l'abbé Klein et de quelques autres
semblaient montrer que. l'Eglise,
sans faire cependant de conces
sions dogmatiques, voulait s'en
tendre avec le Siècle. Les jeunes
gens, d'ailleurs; élevés par des
maîtres idéalistes, étaient las, des
doctrines positivistes, des écrits
naturalistes. Il y eut un moment,
d'enthousiasme et, sinon d'univer
selle entente, du moins d'aspira-.
tîons vers l'entente !
Mais les vieux politiciens tentè
rent de s'emparer de ce mouve
ment, Spuller prononça le mot
d' « esprit nouveau », les jeunes
« intellectuels » se. sentirent frois
sés de voir que ces génération»
FEUILLETON DE L'UNIVEKS
pu 25 janvier 1897
TYPES MILITAIRES
Depuis le service obligatoire pour tous,
l 'armée, c'est la France, avec toutes «es
misères, mais avec toutes ses grandeurs.
Biches et pauvres, paysans et - citadins,
ouvriers et patrons, gens ignorants et sa
vants, raffinés et grossiers, tous s'y cou
doient, et de si près, que, bon gré, mal
gré, il faut qu'ils y fassent bon mé
nage.'-
Au premier aspect, il semble que les
corvées, les exercices, l'excessive pro
miscuité, tous les détails de la vie mili
taire soient combinés pour fortifie? le
corps au détriment de l'esprit, et faire de
tous ces jeunes gens qui y sont appelés
et s'y succèdent d'année en année, des
brutes disciplinées, des animaux bien
dressés, des machines vivantes, manœu
vrantes et tuantes, plutôt que des soldats
intelligents, dévoués, animés du pur
amour du drapeau et de la patrie. -
Mais, à la réflexion, on comprend que
ce broyement de l'individu sous une dis
cipliné de fer n'est qu'un commencement,
la préparation de l'homme de guerre par
la fusion nécessaire de mille éléments
disparates. La fraternité militaire ne
peut exister sans une certaine égalité ;
et, dans ces travaux corporels, ces brise
ments physiques, ces efforts communs,
les mêmes pour tous, s'ébauche et se
forme peu à peu l'esprit de corps, c'est-
àrdire l'immolation de l'individu au bien
de tous; l'esprit d'abnégation et de sar
crifice.
Dans la vie militaire comme dans la
vie chrétienne, le renoncement est le
prologue obligatoire de l'action, la con
dition première de l'héroïsme comme de
la sainteté. De plus, au régiment, le dra
peau flotte dès le premier jour sur tous
les exercices du soldat, comme la croix
domine toutes les actions du chrétien.
C'en est assez pour tout élever, tout spi-
ritualiser. Qu'un souffle de guerre , vienne
à passer : au premier coup de clairon, au
premier frémissement du drapeau, vous
verrez, de toutes les vulgarités, de tous
les abaissements apparents de la caserne,
l'homme, le soldat, le chrétien même,
«urgir, armé de pied |en cap, ,du] corps à
l'âme, sans distinction d'uniforme ni de
grade, pirèt aux grandes obéissances, aux
grandes immolations du champ de bai-
taille, décidé à mourir ou plutôt à vaincre
pour l'honneur du régiment et le salut
de la France.
Oela dit, ne craignons pas de descen
dre aux détails parfois attristants, écœu
rants môme, de la vie de caserne, surtout
dans ses débuts. Il est intéressant de les
connaître, puisque tous les fils de France
doivent passer par là, et, pour nous en
rendre compte, laissons la parole aux
soldats de toute arme, de tout grade, de
puis le pauvre bleu, le petit caporal, le
brillant sous-officier, jusqu'au chef de
corps et au général.
Ce. que je tiens à présenter et faire
connaître par ses actes et ses paroles, ai»
je besoin de le dire, ce n'est pas le soldat
brutal et abruti, ni le « sous-off » dont
on a tant abusé, ai le colonel Ramollot,
ni le général politicien. Non, c'est le vrai
troupier, français, c'est-à-dire chrétien,
sinon de pratique, du moins de naissance,
d'éducation ou d'instinct. Notre armée
.est trop, catholique par, son organisation,
«a hiérarchie, sa. discipline. et ses tradi
tions nationales, pour qu'un soldat fran-
çaisnesoit pas catholique par quelque
côté, même sans le savoir. N'est-elle pas
l'armée de Clovis, de Charlemagne, de
saint Louis, de Jeanne d'Arc, et même
du grand Napoléon, auteur du Concordat,
restaurateur du culte après la Révolution
et mourant à Saintes-Hélène avec tous les
sacrements, toutes lep bénédictions de
l'Eglise?
Commençons par ce qui est le plus per
tit dans l'armée, par les bleus, bleus pa
risiens, puisque toqs nos correspondants
sont des enfants de Paris, et n'oublions
pas que, s'il y a chez eux diversité d'im
pressions et de.jugements sur la caserne ;
ef le métier des armes, c'est qu'il n'y a
pas en ce monde.deux caractères d'hom»
mes ni deux régiments qui se ressem
blent absolument. L'unité dans la diver
sité, c'est le fond de l'armée, comme de
l'humanité et de la création tout en
tière... • ■
Voici d'abord un excellent jeune
homme, envoyé dans une garnison du
Nord-Est, très dure de climat et de dis-
cipline, comme presque toutes les garni
sons de frontières. Il est parti coura
geux, confiant, et sa première impression
est désastreuse. Pour se l'expliquer, il
faut savoir que c'est une tradition déplo
rable dans beaucoup de régiments de
s'amuser à épater les bleus par un dé
bordement de gros mots et d'ordures, 4
leur arrivée dans la chambrée.
. « S'il fallait, m'écrit le pauvre garçon,
recommencer les huit jours que je viens
de passer ici, j'aimerais mieux donner
500 francs et ne pas me trouver dans ce
milieu d'un dévergondage de paroles im
possible à décrire.Nos officiers sont char
mants, mais les sous-officiers, pour la
plupart, sont les gens les plus malhonnê
tes que je connaisse... Cela ne me gêne
point de travailler durj mais c'est le mi
lieu qui me dégoûte, et je crois que si je
pouvais coucher dans l'escalier, je le fe*
rais avec plaisir pour ne pas rentrer dans
la chambrée... »
Mais ce n'est qu'une première impres
sion, qui ne dure pas, en voyant à l'oeu
vre ces fanfarons de la débauche et du
vice. Notre bleu ne tarde pas à découvrir
parmi eux plus d'un mouton déguisé en
loup. « Beaucoup de jeunes gens comme
moi sont arrivés de leur province avec de
bons sentiments, et partiront peut-être
avec l'oubli de Dieu et de leur dignité.
Il y en a un dans ma chambrée, qui n'o
sait pas s'avouer chrétien pratiquant. Je
lui ai laissé entendre que j'irais à l'office
dimanche, et il m'a demandé de m'ae-
compagner avec un de ses compatriotes,
ce que j'ai accepté avec plaisir. Nous tâ
cherons de faire comme les moutons ; lors
qu'un part, l'autre le suit, et nous ferons
notre possible pour étendre la conta
gion...»
Quelques jours après, nouvelle lettre
plus rassurante, et qui fait un tableau si
vivant et si coloré de la vie de caserne,
que je crois devoir la donner presque
tout entière.
« J'avoue, m'écrit-il, que je me déses
pérais durant les premiers jours, car je
ne me figurais pas la caserne telle que je
l'ai trouvée. Je commence à m'apprivoiser
maintenant, tant il est vrai que l'on s'ha
bitue à tout. Le matin, le réveil sonne à
6 h, Ij2, Quand on est de corvée de café,
on prend la cruche, on se rend à la cui
sine où l'on entend toujours des parpj.es
gracieuses de la part des cordons bleus.
Si l'on est de corvée de chambre, on at
trape le balai. A 7. h. lj?, on se met .eq
tenue pour l'exercice. On endosse par
dessus les effets une tenue de treillis pour
les préserver, -et l'on passe les cartou
chières maintenues par des courroies de
suspension, le tout brillant comme une
armoire à glace. On saisit le fusil et la
baïonnette, et l'on part au Champ-de-
Mars jusqu'à 10 heures moins un quart
«A 10 heures moins 10,1a compagnie si
rassemble dan$ ia cour de la caserne, et
le sergent-major lit [le rapport, auquel on
doit assister dans la position du garde-à-
vous. Après la lecture du rapport, les let
tres sont distribuées,.Tout le monde fait
Silence et tressaille à l'appel de son
nom. C'est 1£ qu'on voit les regards tour*
nés vers soi avec envie, car il y a xle pau-
yres garçons qui n'ont plus de famille et
qui se trouvent là, sans une bonne parole
pour les soutenir. Je les plains de tout
mon cœur et me dévouerais volontiers
pour leur être agréable, si je le pouvais.-
Il est si pénible de se trouver à 200 lieues
de son village, avec peu ou pas d'ins
truction, et en but aux railleries des ca
marades, sans pouvoir y riposter çrâner
ment !
la soupe.
« Après la soupe,les laveurs de gar
ra.elle retournent laver les assiettes et re
portent les récipients à la cuisine, après
les avoir nettoyés. C 'est la corvée qui
me dégoûte le plus.. On a un baquet d'eau
pour, 180 hommes; c'est à qui pataugera
le plus ; on reçoit de la graisse sur la
figure, et il ne faut rien dire et se dépé-
çher ; car il y a les lits à faire, les cour
roies à astiquer, les effets à raccommoder
avant le second départ pour l'exercice, à
midi, et gare au sergent, si tout n'est pas
correct...
« Après trois heures de manoeuvres et
Ja gymnastique à cinq heures, Je rata est
sonné, et ça recommence comme à dix
heures du matin. Après avoir mangé,cha
cun se sangle dans son ceinturon et va se
"^distraire en ville, comme il peut... A neuf
heures, a lieu l'appel dans, les chambres,
puis à dix heures sonne l'extinction des
Jeux. C'est à ce moment que commence
le supplice des pauvres bleus, car l'obs
curité est favorable aux fumistes de
de toute espèce. Lits renversés, bonnet»
de coton enflammés, tout ejft mis en œu
vre pour, dresser les nouveaux venus, »
la grande joie de tous, excepté des victi
mes. .
« ... J'ai reçu de bonnes nonvelles de
notre patronage, et de la large part que
vous avez bien voulu faire à notre petite
conférence sur le reliquat de votre con
cert de charité. Je vous, en remercie
comme si c'était à moi que vous l'aviea
remise. Nos pauvres ne manqueront pas
de pain cet hiver, et je tire déjà des plans
pour qu'à mon- retour, nous visitions, au
moins 50 familles, ce que l'on arrivera
certainement à faire avec l'aide de Dieu
et de quelques âmes généreuses.
« J'espère toujours avoir une petite
permission au jour de l'an. Je crois que
\
Edition quotidienne. — 10,600
Lundi 28 Janvier 1897
ÉDITION QUOTIDIENNE
paris
et départements
Un an 40 m
Six mois <21 »
Trois moi?.;. 11 »
ETRANGER
(îQJIOii POSTALE) -
^ 51
26 50
14 » .
Abonnements partent des lv et 1Q do chaque mois
Pâri3... » '^ 10 CGntg ...
Dé parte ments.;...£5 — ,
SUREAU? : Pârja, rue Cassette, 17.
On s'abonna à, îftome, place du Gesù, 8 <
UIS[ NUMÉRO j
' . V *
HT.
ÉDITION Sffm-QUOT jPIENNE
paris ... étranger
et départements (union postale)
Un an..,...,.. 20 » ?6 »
Six mois..-.. 10 » 13 » à
Trois mois.%... 5 » 6 50 '
Les abonnements partent des I e ' et 16 de chaque mois
L' VNIYERS ne répond pas des manuscrits qui M sont adressés
ANNONCES " /
lagraiïge, cerf et c 'V 6, place de k Bourse
PARIS, 24 JANVIER 18S7
SOMMAIRE
« Faites-vous arrô->
te?
Çà et là î Un aspect
du carnaval........
A la Chambre......
L'évolution : d'un
néo-chrétien.
Correspondance ro-
n?:alne..........
Va riétés : Les débats
relatifs à la confis
cation des biens de
l'Eelise.
Feuilletons : Types
militaires,
' A travers les re-
• vues
Bulletin du jour. — Les livres. — Infor
mations poUtiqu.es, et ' parlementaires. -T-;
Chronique, m A Madagascar. — La ques
tion ouvrière,, -r Dépêches 4e l'étràp-
fer. — Tribunaux.^ La peste. — Echos
e partout. — Nouvelles diverses. — Ti
rages} financiers. — Revue de la Bourse.
E ugène T avçb^œb.,
G. d 'A zakbuja.
G abriel se T riors.
Y vbs L e Q uerdec.
A bbé J oly.
A. ï)e ségur.
«
FAITES- VOUS ARRÊTER
».
_ Darts une petite rue.çlu faubourg..
Saint-Germain, une pauvre femme
se tient tournée vers une porte co
opère. Elle s'&ppuié du coude sur la
grosse poignée eu cuivre, la figure
cachee dans la main. L'autre bras
porte, un panier vide ou se trouve
deux ou trç>i§ carnets de p.o.che .et
P^sieiirs crayons ; papetière de ea-
nyelotte, - - ' ; '
La femme gémit à voix basse ou
plutôt elle soupire : « Ah ! mon Diéu!
Dieu ! » Interrogée elle se re
dresse et montré une physionomie
-ouverte et intelligente! Elle est à
tiout de forces.
Bien qu'elle ait soixante-six ans,
ellç a bientôt fait de raconter son
histoire. Lapauvre femme fut d'a
bord cuisinière,, puis elle a épousé
un employé d'administration. Lè
mari est mort trop tôt pour trans-
îiiettre des droits à une retraite.
Après avoir payé des frais de'mala
die et d'enterrement et n'ayant plus
le sou, la veuve s'est mise a faire
des ménages. A son tour elle à dû
s'aliter.^ En sortant de l'hospice, elle
avait désormais pour compagne in
séparable la misère. Atteinte d'un
mal chronique, par conséquent inca-
jpable d'un travail fatigant, elle a
passé la plus grande partie de son
temps à chercher ae l'ouvrage.
Nulle part on n'avait hesoin d'une
asthmatique.
Elle a recueilli, quelques aumô
nes de prêtres et ae religieuses ;
«des bons de pain et de viande; à la
mairie, de loin en loin, un secours
qu'il faut aller attendre sur place
pendant des jours entiers. Elle es
saie de vendre des .carnets et des
crayons aux passants, qui, en la
Toyant, semblent ressentir, plus vi
vement le froid et enfouissent leurs
mains dans le fond de leurs po
ches.
Quelqu'un cependant lui a donné
un conseil pratique. Qui était-ce?
Dieu le gai,t. Après avoir circulé d'un
bureau à un autre,, de la charité offi
cielle à la bienfaisance privée, dans
les régions vastes et peuplées, où
économiques, la police, la préfec
ture, elle a rencontré un monsieur
qui .avait peut-être été quelque
chose « dans l'administration ».
Certainement, il devait connaître les
ressources de notre régime social.
-. .Lorsque la malheureuse lui eut
explique qu'elle ne pouvait payer ni
logement ni nourriture ( et que, très
impatiente de mourir, elle ne se dé
cidait pas cependant à se tuer, en
un mot, qu'elle suppliait qu'on lui
indiquât au moins une ressource
quelconque, ledit monsieur^ bien
intentionné, se mit à réfléchir.
Puis il lui dit : « Faites-vous ar
rêter ! » " ' '
Le conseil est facile à compren?
dre, mais on a 4e la peine à l'appli
quer. Aloupr après quarante ans de
labeurs, de déceptions et d'épuise-
çepos et d,u soulagement, ce peut-
être l'espérance du bonheur et une .
Joie véritable.
. qui
pejitençe - et qui persiste après I3,
sortie de prison! Même l'acte tout
simple vaut au?: malheureux ,un
hluetde logement pour quinze j ours
ou pour un mois n'est admis par la
volonté qu'après de pénibles .ef
forts.
C'est bien aisé, assurément, de
donner un coup de co,ude dans une
vitrine et ,de faire surgir ainsi l'a-
fent de police qui ouvre la porte
e l'hôtellerie officielle. Mais l'acte
est odieux pour les désespérés
eux-mêmes. La pauvre marchande
de crayons, sans .acheteurs et d'ail
leurs presque sans crayons, ayait
devant les yeux le spectacle qu'on
lui proposait de jouer sur la place
publique ; et elle en rougissait d'à- ;
vance.
Elle ne s'est pas fait prier pour
donner son nom ; mais elle ignore
comment s'écrit celuirci, n'ayant pas,
eu le temps .d'apprendre à lire.
C'est encore hien qu'on ne lui a.
fias conseillé de se mettre à étudier.
'alphabet afin,de -trouver-plus tard,
pour l'heure où sonnerait ses,
soixante-dix ans, -une place dans un
magasin ou dans une administra
tion.
« Faites-vous arrêter » telle egt
en somme la formule de la solution
sociale individuelle ; mais elle s'spr
plique à un si grand nombre,.d'indi
vidus qu'elle prend. un caractère
général.
Le résultat parait beau quand on
songe à ce qu'il a coûté. Dés mil
lions ont été dépensés pour ruiner
les œùyres religieuses où les victi
mes de l'existence peuvent au moins
se préparera mourir. Dans la con
ception et dans la réalité chrétien
nes, l'asile est une annexe de l'école.
Autrefois, les gens riches pou
vaient prolonger indéfiniment leur
bienfaisance en léguant une fortune
à des, établissements qui distri
buaient la charité pour rien. On a
inventé et combiné des impôts afin
de détruire ces institutions. Quant
à la bienfaisance officielle, ce qu'elle
coûte est devenu un énorme mys
tère obligatoire. La pauvre vieille
de l'autre jour avait l'air de com
prendre,bien qu'elle ne sût pas lire,
que les frais d'administration doi
vent fin effet absorber beaucoup de
l'argent qui aurait pu être employé
en aumônes. Aussi reprenait-elle
sans se plaindre le chemin où elle
promène son asthme, pour aller
ainsi jusqu'à ce qu'un coup de vent
glacé la jette par terre et jusqu'à ce
que la police l'arrête enfin.
Eugène T avernier.
BULLETIN DU JOUR
' C'est aujourd'hui qu'a, lieu, dans la
troisième circonscription de Brest, l'élec
tion législative èn remplacement de
Mgr d'Hulst.
C'est aujourd'hui également quto lés
électeurs d'Albertville donneront un sue-
c esseur à M. Berthet, radical, qui avait
succédé lui-même, il y à un an, à.
M. Pierre Blanc, le doyen de la Cham
bre.
La séance de la. Chafnblrê à été-, iôut
entière ttibOftibrée par le contre-projet
de M. Jaurès, réclamant pour l'Etat le
monopole de la raffinerie. Le député so
cialiste a prononce un long discours au
quel a répjondu M. Boucher, ministre du
commerce;., et l'on continuera demain-.
On iannoniè que le gouvernement dé-
béera, mardi, sur le bureau de la, Cham-
re, ia demander attendue, d'un second
douzième provisoire.
Si les projets de loi autres que le bud
get et les mterpellations continuent à,
prendre tant de place, onsera obligé d'en
mter un troisième. f
..On continue à commenter —• un peu
—r lés discours prononcés vendredi par
MM. Duiar.din'rJBeaumetz et Martyt pré
sidents des deux groupes principaux de
la Chambre des députes.
L'importance des orateurs est- très
maigre, à vrai dire; mais, entrele radi
calisme du premier et' l'opportunisme
du second, on se demande où les prô*
neurs dé concentration,qui se remuaient
si fortt depuis quelques semaines, trou
veront leur future majorité.
Au Sénat, la gauche démocratique,
aux destinées de laquelle préside avec
majesté le fameux Baduel, énorme et
malheureux soutien de Mi Bourgeois, —
la gauche démocratique est &n proie aux
divisions intestines.
M. Destieux-Junca, le sénateur, radi
cal-socialiste dù Gers, veut fonder, un
nouveau groupe, encore plus avancé.
M. Baduel serait donc, au Sénat, l'oppor
tuniste de quelqu'un. Comment féra-t-il
pour s'en consoler?
Çà et là
UN ASPECT DU CARNAVAL
., La mode a des tyrannies qui ne sont
qu>bsurdes. Telles sont en particulier
celles qui régentent le sexe fortle a gi
bus » ou la « queue de pie » par exemple.
Dan£ le domaine du beau sexe, le- grotes
que certes B'est pas abse.nt. J'en appelle
à certaines manches d'hier et à certains
collets d'aujourd'hui. Mais le grotesque
a l'âme asgez bonne pour faire, à ses coû
tés, une petite place à l'odieux. .
Une des sujétions les plus impérieuses
qui pèse sur la « femme du monde » est
celle qui l'oblige à n'arborer jamais deux
fois la mème toilette en société. Un habit
noir sert vingt fois, cinquante fois, cent
fois. Une toilette féminine, chez les gens
« çhiç » n'est tolérée qu'un jour. Les ro
bes, un peu différentes des roses, ne vi
vent qiie l'espace d'une soirée au lieu de
vivre celui d'un matin.
Nous laissons ici de côté, bien entendu,
toute considération morale. Le point de
vue économique nous occupe seul. Nous
nous demandons tout d'abord si la somme
d'efforts, de travaux, de veilles, consa
crés h ia confection d'une toilette de bal,
est proportionnée à l'utilité qu'elle pro
cure à sa « consommatrice ». A la cueil
lette des coeons, dans les filatures, au->
près des métiers à tisser, de nombreuses
ouvrières ont rais une partie de leur
temps, de leur <étre, dans cette splendide
traîne de soie. Qu'en résulte-rt-il ? — Une
fugitive satisfaction de vanité, souvent
empoisonnée .par le idépit, si quelque
traine plus belle, mieux travaillée, vient
accaparer les admirations et rejeter dans
l 'ombre les traînes rivales.
À.Ù moyen-âge, et même à l'époque de
la renaissance, les mères laissaient à
leurs filles des robes... par.testament.
Gela se léguait comme une armure, ou
boiiittie lel vielllëâ.dèiitfeiiës, pâr excep
tion, se lèguent -encore aujourd'hui. Il y
a beau temps que ces mœurs conserva*
trices s'en sont allée» où vont les neiges
d'antan et les vieilles lunes. Les bonnets
de tri-strisaïeulesi devenus capotes ou
phajJeàuà: feiitre lës griiïés eSpertfes de
nos modistes, ont fait, depuis lors, une
fameuse danse par-dessus les usines, à
vapeur qui nous tiennent lieu de mou
lins.
-Le carnaval est le moment ou jamais
d'exprimer nos doléances, car jamais le
cinématographe des toilettes successives
ne se déroule plus vertigineusement qu'à
cette époque privilégiée. Joignons-y,
,pour les Parisiens qui * 86 Respectent »,
le carême, où l'on se trémousse encore
tin peu plus que pendant le carnaval. Ce
qui se fabrique de costumes de soirée^ en
ce moment-ci', est incalculable) et les dé
fenseurs du monde où l'on cotillonne ont
là une belle occasion de nous clouer le
bec avec l'argument aussi victorieux que
battant neuf : « Mais tant mieux polir les
classes laborieuses : cela leur donne du
travail. »
Pour 'cela, c'est vrai. Les incendies,
aussi, donnent du tràvail aux maçons ;
et, toutes les fois que vous cassez une
vitre, c'est autant de gagné pour le vi
trier. Seulement avec ce système, la
saine économie domestique consisterait
à mettre tous les jours lefeu à sa maison,
et le meilleur ministre des financés se
rait celui qui pousserait son collègue de
l'instruction publique à construire des
lycées de filles dans chaque hameau.
Les industries de luxe sont les plus
instables de toutes. En temps de crise, ce
sont elles cjui souffrent les premières.
En temps ordinaire, elles passent par des
phases de productivité fort inégale. Il est
absolument clair, par exemple, qu'il se
confectionne à Paris beaucoup moins de
•robes durant le mois de septembre que
durant le mois dé février. Donc," une
bonne partie des ouvrières qui ont de
l'ouvrage en février ne peuvent en avoir
en septembre.Plus le carnaval est « amu
sant», plus les fêtes y sont nombreuses
et.brillantes,.plus la disproportion s'accen
tue, et le malaise social avec elle. .
Qu'arrive-t-il, en effet, à ces moments
de«presse » et de « coups de feu »? Les
entrepreneurs oh entrepreneuses
vrières. Le métier, à bon nombre d«
jeunes filles sans expérience, semble re
lativement lucratif. On s'y jette, dans
respoir de voir durer cette période pros-r
père. C'est de l'imprévoyance ; mais for
cez donc la jeunesse à prévoir ! Il suffit
d'ailleurs que quelques ouvrières aient
du travail toute l'année pour que chaque
nouvelle venue se , promette d'avoir au
tant de chance. Le cœur humain est ainsi
fait. On pense à ceux qui réussissent,
parce qu'on les voit, et non à ceux qui
tombent, parce qu'on ne les voit pas. Les
métiers inutiles voient donc leur effectif
s'accroître, à un moment donné, sans
mesure, puis la débâcle arrive. Il faut
jeter par-dessus bord le personnel super
flu. Or, ce « personnel » ce sont des
créatures humaines, jadis attachées à un
foyer, à un milieu protecteur, et qui ont
peut-être abandonné ce foyer, ce milieu,
pour se précipiter dans l'impasse des
industries dé luxe. Mais une plante déra
cinée, à moins de circonstances excep
tionnelles, ne reverdit plus, ne refleurit
plus. L'abUjS des. splendides toilettes a
dono pour conséquence, en bas de l'é
chelle sociale, des morts, des misères
des chutes silencieuse dans la boue.
Voilà un des griefs les plus vrais parmi
ceux que certains pauvres ont contre
certains riches, griefs que l'utopie socia
liste voudrait généraliser au point d'en
faire le réquisitoire de tous les pauvres
contre tous les riches. L'exemple gué
nous venônâ de citer montre, une fois
de plus, que l'initiative privée peut
beaucoup pour soulager les misères
sociales. Toute famille opulente et mon
daine qui réforme courageusement ses
mœurs améliore sans s'en douter le sort
de.quelques misérables créatures, par le
seul fait de transformer en dépenses nor
males et raisonnables des dépenses fu
tiles et insensées.
Le luxe au contraire fait-il tant de peur
âùi socialistes? — On sait bien que non.
Attendez d'eux, par exeniplej un seul mot
contre les cabaretiers, dont la race pullule
de jour en jour, le mot, vous ne l'enten
drez pas. Or, le « tord-boyaux » de l'ou
vrier, c'est la robe de satin de la grande
dame. De la consommation de celle-cj
naît un métier misérable ; de la consoni-
mation de celui-là naît un métier dange
reux. A chaque vice répond un groupe
ment d'êtres humains chargé de le satis
faire ; et quand ces rouages parasites se
multiplient dans le corps spcial, tout se
détraqué; ~
0. d 'A zambwa.
A LA CHAMBRE
La question des sucres.
Enfin M. Jaurès a prononcé son
grand discours ; le. ministre du com
merce et lui se sont partagé la
séance d'hier: inutile d'ajouter que
le premier n'en a point occupé la
plus grande partie..
Donc, l'orateur socialiste a pré
senté à la Chambre le contre-pro
jet proposé par ses amis et lui ; on
sait qu'il ne tend à rien moins qu'à
organiser au profit de l'Etat le mo
nopole de la, raffinerie et à régle
menter la production du sucre. —
C'était là un beau thème à attaquer
violemment la législation élaborée
par le gouvernement et à flétrir la'
spéculation qui dans ces dernières
années amena tant de catastrophes
et tant de honte...
Sur ce dernier ' point,- M. Jaurès
s'est fait applaudir de tous les côtes
de la Chambre, aussi bien que lors
qu'il a réclamé pour le peuple le
droit au sucre raffiné comme au pain
blanc.
On apprend bien ainsi. que la
grande industrie doit porter la plus
importante part de responsabilité
dans la crise que traverse la sucre
rie française et M. Jaurès excelle
à soutenir ses thèses, le plus sou
vent, à l'aide de sophismes ; mais
c'est en vain qu'on attendrait de
lui l'exposé net et précis d'un sys
tème propre, à remplacer ceux dont
il ne veut point...
Et voilà pour rendre plus fa
cile la tâche du ministre du com
merce qui prouvait que le remède
à la situation actuelle, juste
ment critiquée, se trouve dans
l'association, dans les syndicats
agricoles, et non dans la confis
cation- M. Boucher a saisi l'occar
sion, et il faut l'en félieiter, de pro
clamer que la gouvernement est
l'adversaire déclaré de cette spécu
lation malhonnête qui consiste à se
liguer entre puissants fabricants
pour déprimer faussement les cours
et écraser ainsi les petits indus
triels.
A une nouvelle attaque de M. Jau
rès contre « les 8 ou 10 rafïlneurs
k qui font actuellement là loi sur le
« marché du monde —• des hommes
« que guette le iuge d'instruction »,
le'ministre a. .répondu que la sup
pression des ranineurs, loin de ré
soudre le problème,ne servirait qu'à
le compliquer, et que seule l'action
des forces individuelles parviendrait
à détruire le monopole.
Un instant, dans cette séance un
peu grave,les rires ont éclaté à l'en
trée d'un député ayant oublié sur sa
tête un fez au plus beau rouge ; on
se demandait si le musulman de
Pontarlier avait déjà rencontré un
néophyte et M. Jaurès a remercié
son collègue, un peu confus, « du
« rayon de lumière orientale qu'il
« venait jeter dans le débat >*.
On aura bien besoin de lumière
en avançant dans cette discussion
qui s'annonce comme devant réculer
encore le vote du budget.
Gabriel de T riors.
5 D'ffl I
Ainsi que nos lecteurs l'ont pu"
voir par les longs extraits donnés
d'un article de la Revue des revues,
dans l'Univers ^de lundi dernier, M.
Henry Bérenger qui fut, vers 1890,
l'un des jeunes écrivains que l'on
appela les « néo-chrétiens », nous
explique comment et pourquoi de
néo-enrétien et de favorablé au chris
tianisme catholique il est devenu
maintenant « anticlérical » aussi
ardent que M. Ilomais. Mais il
l'est d'autre façon et surtout
pour d'autres raisons. M. Ilomais
eèt un sot et M. Henry Bérenger a
raison''de ne point s'y croire. M. Ilo
mais est anticlérical par incapacité
foncière de comprendre les beautés
du' sentiment religieux, M. Henry
Bérenger connaît au contraire
toute la, force de ce sentiment, il 1
s'intitulélui-mêmeun « idéaliste reli-
f'iëùx». Il professe la grande religion
e l'Humanité, la foi au Dieu qui se
fait et dont chaque conscience est
une manifestation et comme une
ébauche plus ou moins lointaine.
Enfin M. Bérenger nous assure
qu'il a une « vie intérieure » ; .M. Ilo
mais par ces mots n'eût entendu
que sa digestion. Donc M. Bérenger
n'est pas Ilomais bien qu'il professe
vis-à-vis du catholicisme les senti
ments d'un Ilomais. C'est le même-
jugement qu 'il porte mais il le mo
tive par d'autres considérants. ;
Quels sont donc ces considé-
D'après M. Bérenger, il y eut,
vers 1890, un élan de la jeunesse
instruite vers l'Eglise : les Ency
cliques de Léon XIII, les discours
de Mgr Irèland, les écrits de M.
l'abbé Klein et de quelques autres
semblaient montrer que. l'Eglise,
sans faire cependant de conces
sions dogmatiques, voulait s'en
tendre avec le Siècle. Les jeunes
gens, d'ailleurs; élevés par des
maîtres idéalistes, étaient las, des
doctrines positivistes, des écrits
naturalistes. Il y eut un moment,
d'enthousiasme et, sinon d'univer
selle entente, du moins d'aspira-.
tîons vers l'entente !
Mais les vieux politiciens tentè
rent de s'emparer de ce mouve
ment, Spuller prononça le mot
d' « esprit nouveau », les jeunes
« intellectuels » se. sentirent frois
sés de voir que ces génération»
FEUILLETON DE L'UNIVEKS
pu 25 janvier 1897
TYPES MILITAIRES
Depuis le service obligatoire pour tous,
l 'armée, c'est la France, avec toutes «es
misères, mais avec toutes ses grandeurs.
Biches et pauvres, paysans et - citadins,
ouvriers et patrons, gens ignorants et sa
vants, raffinés et grossiers, tous s'y cou
doient, et de si près, que, bon gré, mal
gré, il faut qu'ils y fassent bon mé
nage.'-
Au premier aspect, il semble que les
corvées, les exercices, l'excessive pro
miscuité, tous les détails de la vie mili
taire soient combinés pour fortifie? le
corps au détriment de l'esprit, et faire de
tous ces jeunes gens qui y sont appelés
et s'y succèdent d'année en année, des
brutes disciplinées, des animaux bien
dressés, des machines vivantes, manœu
vrantes et tuantes, plutôt que des soldats
intelligents, dévoués, animés du pur
amour du drapeau et de la patrie. -
Mais, à la réflexion, on comprend que
ce broyement de l'individu sous une dis
cipliné de fer n'est qu'un commencement,
la préparation de l'homme de guerre par
la fusion nécessaire de mille éléments
disparates. La fraternité militaire ne
peut exister sans une certaine égalité ;
et, dans ces travaux corporels, ces brise
ments physiques, ces efforts communs,
les mêmes pour tous, s'ébauche et se
forme peu à peu l'esprit de corps, c'est-
àrdire l'immolation de l'individu au bien
de tous; l'esprit d'abnégation et de sar
crifice.
Dans la vie militaire comme dans la
vie chrétienne, le renoncement est le
prologue obligatoire de l'action, la con
dition première de l'héroïsme comme de
la sainteté. De plus, au régiment, le dra
peau flotte dès le premier jour sur tous
les exercices du soldat, comme la croix
domine toutes les actions du chrétien.
C'en est assez pour tout élever, tout spi-
ritualiser. Qu'un souffle de guerre , vienne
à passer : au premier coup de clairon, au
premier frémissement du drapeau, vous
verrez, de toutes les vulgarités, de tous
les abaissements apparents de la caserne,
l'homme, le soldat, le chrétien même,
«urgir, armé de pied |en cap, ,du] corps à
l'âme, sans distinction d'uniforme ni de
grade, pirèt aux grandes obéissances, aux
grandes immolations du champ de bai-
taille, décidé à mourir ou plutôt à vaincre
pour l'honneur du régiment et le salut
de la France.
Oela dit, ne craignons pas de descen
dre aux détails parfois attristants, écœu
rants môme, de la vie de caserne, surtout
dans ses débuts. Il est intéressant de les
connaître, puisque tous les fils de France
doivent passer par là, et, pour nous en
rendre compte, laissons la parole aux
soldats de toute arme, de tout grade, de
puis le pauvre bleu, le petit caporal, le
brillant sous-officier, jusqu'au chef de
corps et au général.
Ce. que je tiens à présenter et faire
connaître par ses actes et ses paroles, ai»
je besoin de le dire, ce n'est pas le soldat
brutal et abruti, ni le « sous-off » dont
on a tant abusé, ai le colonel Ramollot,
ni le général politicien. Non, c'est le vrai
troupier, français, c'est-à-dire chrétien,
sinon de pratique, du moins de naissance,
d'éducation ou d'instinct. Notre armée
.est trop, catholique par, son organisation,
«a hiérarchie, sa. discipline. et ses tradi
tions nationales, pour qu'un soldat fran-
çaisnesoit pas catholique par quelque
côté, même sans le savoir. N'est-elle pas
l'armée de Clovis, de Charlemagne, de
saint Louis, de Jeanne d'Arc, et même
du grand Napoléon, auteur du Concordat,
restaurateur du culte après la Révolution
et mourant à Saintes-Hélène avec tous les
sacrements, toutes lep bénédictions de
l'Eglise?
Commençons par ce qui est le plus per
tit dans l'armée, par les bleus, bleus pa
risiens, puisque toqs nos correspondants
sont des enfants de Paris, et n'oublions
pas que, s'il y a chez eux diversité d'im
pressions et de.jugements sur la caserne ;
ef le métier des armes, c'est qu'il n'y a
pas en ce monde.deux caractères d'hom»
mes ni deux régiments qui se ressem
blent absolument. L'unité dans la diver
sité, c'est le fond de l'armée, comme de
l'humanité et de la création tout en
tière... • ■
Voici d'abord un excellent jeune
homme, envoyé dans une garnison du
Nord-Est, très dure de climat et de dis-
cipline, comme presque toutes les garni
sons de frontières. Il est parti coura
geux, confiant, et sa première impression
est désastreuse. Pour se l'expliquer, il
faut savoir que c'est une tradition déplo
rable dans beaucoup de régiments de
s'amuser à épater les bleus par un dé
bordement de gros mots et d'ordures, 4
leur arrivée dans la chambrée.
. « S'il fallait, m'écrit le pauvre garçon,
recommencer les huit jours que je viens
de passer ici, j'aimerais mieux donner
500 francs et ne pas me trouver dans ce
milieu d'un dévergondage de paroles im
possible à décrire.Nos officiers sont char
mants, mais les sous-officiers, pour la
plupart, sont les gens les plus malhonnê
tes que je connaisse... Cela ne me gêne
point de travailler durj mais c'est le mi
lieu qui me dégoûte, et je crois que si je
pouvais coucher dans l'escalier, je le fe*
rais avec plaisir pour ne pas rentrer dans
la chambrée... »
Mais ce n'est qu'une première impres
sion, qui ne dure pas, en voyant à l'oeu
vre ces fanfarons de la débauche et du
vice. Notre bleu ne tarde pas à découvrir
parmi eux plus d'un mouton déguisé en
loup. « Beaucoup de jeunes gens comme
moi sont arrivés de leur province avec de
bons sentiments, et partiront peut-être
avec l'oubli de Dieu et de leur dignité.
Il y en a un dans ma chambrée, qui n'o
sait pas s'avouer chrétien pratiquant. Je
lui ai laissé entendre que j'irais à l'office
dimanche, et il m'a demandé de m'ae-
compagner avec un de ses compatriotes,
ce que j'ai accepté avec plaisir. Nous tâ
cherons de faire comme les moutons ; lors
qu'un part, l'autre le suit, et nous ferons
notre possible pour étendre la conta
gion...»
Quelques jours après, nouvelle lettre
plus rassurante, et qui fait un tableau si
vivant et si coloré de la vie de caserne,
que je crois devoir la donner presque
tout entière.
« J'avoue, m'écrit-il, que je me déses
pérais durant les premiers jours, car je
ne me figurais pas la caserne telle que je
l'ai trouvée. Je commence à m'apprivoiser
maintenant, tant il est vrai que l'on s'ha
bitue à tout. Le matin, le réveil sonne à
6 h, Ij2, Quand on est de corvée de café,
on prend la cruche, on se rend à la cui
sine où l'on entend toujours des parpj.es
gracieuses de la part des cordons bleus.
Si l'on est de corvée de chambre, on at
trape le balai. A 7. h. lj?, on se met .eq
tenue pour l'exercice. On endosse par
dessus les effets une tenue de treillis pour
les préserver, -et l'on passe les cartou
chières maintenues par des courroies de
suspension, le tout brillant comme une
armoire à glace. On saisit le fusil et la
baïonnette, et l'on part au Champ-de-
Mars jusqu'à 10 heures moins un quart
«A 10 heures moins 10,1a compagnie si
rassemble dan$ ia cour de la caserne, et
le sergent-major lit [le rapport, auquel on
doit assister dans la position du garde-à-
vous. Après la lecture du rapport, les let
tres sont distribuées,.Tout le monde fait
Silence et tressaille à l'appel de son
nom. C'est 1£ qu'on voit les regards tour*
nés vers soi avec envie, car il y a xle pau-
yres garçons qui n'ont plus de famille et
qui se trouvent là, sans une bonne parole
pour les soutenir. Je les plains de tout
mon cœur et me dévouerais volontiers
pour leur être agréable, si je le pouvais.-
Il est si pénible de se trouver à 200 lieues
de son village, avec peu ou pas d'ins
truction, et en but aux railleries des ca
marades, sans pouvoir y riposter çrâner
ment !
« Après la soupe,les laveurs de gar
ra.elle retournent laver les assiettes et re
portent les récipients à la cuisine, après
les avoir nettoyés. C 'est la corvée qui
me dégoûte le plus.. On a un baquet d'eau
pour, 180 hommes; c'est à qui pataugera
le plus ; on reçoit de la graisse sur la
figure, et il ne faut rien dire et se dépé-
çher ; car il y a les lits à faire, les cour
roies à astiquer, les effets à raccommoder
avant le second départ pour l'exercice, à
midi, et gare au sergent, si tout n'est pas
correct...
« Après trois heures de manoeuvres et
Ja gymnastique à cinq heures, Je rata est
sonné, et ça recommence comme à dix
heures du matin. Après avoir mangé,cha
cun se sangle dans son ceinturon et va se
"^distraire en ville, comme il peut... A neuf
heures, a lieu l'appel dans, les chambres,
puis à dix heures sonne l'extinction des
Jeux. C'est à ce moment que commence
le supplice des pauvres bleus, car l'obs
curité est favorable aux fumistes de
de toute espèce. Lits renversés, bonnet»
de coton enflammés, tout ejft mis en œu
vre pour, dresser les nouveaux venus, »
la grande joie de tous, excepté des victi
mes. .
« ... J'ai reçu de bonnes nonvelles de
notre patronage, et de la large part que
vous avez bien voulu faire à notre petite
conférence sur le reliquat de votre con
cert de charité. Je vous, en remercie
comme si c'était à moi que vous l'aviea
remise. Nos pauvres ne manqueront pas
de pain cet hiver, et je tire déjà des plans
pour qu'à mon- retour, nous visitions, au
moins 50 familles, ce que l'on arrivera
certainement à faire avec l'aide de Dieu
et de quelques âmes généreuses.
« J'espère toujours avoir une petite
permission au jour de l'an. Je crois que
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