Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-01-23
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 23 janvier 1897 23 janvier 1897
Description : 1897/01/23 (Numéro 10598). 1897/01/23 (Numéro 10598).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k709379n
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 39 Janvier 1897
Edition qnotidlehùs. —10,699
Samedi 23 Janvier 18Ô7
ÉDITI ON QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER.
et départements (union postale^
Un an 40 » 51 »
éiz mois...... 21 n 26 50
Trois mois.;.... il » ; 14 »
Les Abonnements partent des 1" et 16 de chaque mola
.... C Paris. 10 cent.
UN NUMÉRO | Dé parte men ts 15 —
SUREAUX : Paris, me Cassette, 17
1 .. r-
On s'abonne & Rome, plaoe du Gesfy §
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS , ÉTRANGER
et départements (union postale)
. Un an......... 20 » 26 »
Six mois...10 » 13 »
»
ET
Trois mois?...-. S » 6 50 ».
" mrnmmmmmm * $
Les abonnemënts partent des 1" et 16 de chaque mol»
L'UNIVERS ne répond pas des mànuserits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM- LAÇRANGE, CERF et C ie , 6, place de la Boursè
PARIS, 22 JANVIER I8S7
sommaire
A la Chambre....... G abriel ds T riors.
Sur l'élection de
Brest E ugène V euillot.
Çà et là t Les villes
d'hiver........... O scar H avard.
Au Sénat. j. M antena.y.
Trois attitudes..... . G. d 'A.
Bulletin du jour. — Manœuvres de la der
nière heure. — L'élection de Brest. —-Le
livre de l'apôtre. Informations poli
tiques et parlementaires. — A travers
• la presse. Un service pour Mgr Tré-
garo. — Chronique. — Lettres, sciences
et arts. — Chambre des députés. —
Echos de partout. — Dépêches de l'étran
ger. —- Bulletin bibliographique. — Vols
dans les églises. — Tribunaux. — Nécro
logie. — Nouvelles diverses. — Dernière
heure. — Tableau et bulletin de |la
Bourse.
A LA CHAMBRE
Pc
Le Sacré-Cœur de Montmartre. — La
question des sucres. — La chapelle
expiatoire.
Voilà vingt-trois ans que le cri de
pardon et d'espérance jeté vers le
Sacré-Cœur de Jésus par la France
vaincue et repentante trouble la,
quiétude^ des loges maçonniques
— et voilà vingt-trois ans qu'on y
fait naître toutes les occasions de
rotes ter contre la légitime mani-
estation de la foi nationale, consa
crée par la loi de 1873.
A ce souci [continu d'interdire
aux catholiques, au nom de la liber
té de conscience, de se réunir dans
la majestueuse basilique élevée au
sommet de Montmartre, pour y im
plorer la miséricorde de Dieu, se
joint aujourd'hui, pour les socialis
tes, là volonté, qu'on ne cherche
même point à dissimuler, d'embar
rasser à. chaque instant le minis
tère « clérical » présidé par M. Mé-
line et de l'accuser, à tout propos,
de pactiser avec les adversaires les
plus résolus de la législation répu
blicaine.
Cette secrète mais essentielle
préoccupation, M. Rouan et* chargé
nier de soulever le débat sur l'abro
gation de la loi de 1873, aurait été
impuissant à la dissimuler : il met
tait trop d'insistance à rappeler que
M. Méline, comme M. Bardoux et
M. Rouvier, s'était par deux fois
prononcé contre l'affectation légale
de l'église du Vœu national.
On a d'ailleurs bien peu parlé de
l'urgence~Ia seule question qui dût
être traitée ; c'est sur le fond que
dissertait M. Rouanet, accusant le
clergé de Paris de provoquer à la
guerre religieuse et ae faillir au pa
triotisme, comme le conçoiventles
socialistes;c'est aii fond, ainsi qu'oh
dit'au Palais, que plaidait M Vi-
viani, voulant prouver, suivant la
pure doctrine collectiviste, qu'on
peut exproprier > les gens et les
chasser de chez eux sans se soucier
de leur donner une indemnité quel
conque ; c'est encore sur le fond
que s'étendait M. Goblet, toujours
rageur, et qui tout en reconnaissant
ne pas admettre, plus qu'en 1882,
que l'Etat pût désaffecter purement
et simplement l'édifice catholique
de Montmartre, livrait à l'indigna
tion de ses amis le texte de l'acte de
consécration, lu dimanche, au. nom
de .la France chrétienne, par le vé
nérable archevêque de Paris.
Le garde des sceaux, ministre des
cultes, avait deux mots à dire pour
combattre la demande d'urgence :
on regrettera qu'il ait tenu à se faire
pardonner une attitude si légitime
et la seule raisonnable — en re
nouvelant contre la loi réparatrice
de 1873 les ridicules accusations
qu'on devrait bien réserver pour les
réunions publiques organisées par
les électeurs de M. Rouanet ou ceux
de M. Gérault-Richard.
C'est ce zèle déplacé qu'a voulu
éviter le président du conseil en ra
menant sagement la discussion à la
question d Y urgence, tout en s'enga-
geantànejamâis se dérober lors
qu'on le provoquerait franchement
a s'expliquer sur les tendances et
le système de gouvernement du ca
binet qu'il dirige.
II. na rien dit et n'avait rien à
dire des principes de notre droit
public dont le parti socialiste exi
geait la violation : ces principes, M.
Fabbé Lemire venait ae les exposer
avec une clarté et une précision que
les cris de fauves deTextrême-gau-
che avaient soulignées davantage,
Le dernier mot devait être prononcé
dans le débat par le comte de Mun,
et ce mot a été une admirable affir
mation de foi et de piété quelque
chose comme un Credo à la fois per
sonnel et national, fièrement j été
devant la Chambre frémissante..;
Et l'on se demandait, surtout après
la déroute des sectes, s'il n'est pas
permis d'espérer que les efforts
aéçhristianisateurs, chaque jour re-
nouyelés, et les blasphèmes contré
Dieu, pourraient nous être pardon-
nés par sa miséricorde, en regard
de semblable# manifestations j so
lennelles et publiques, de ia France
qui croit, qui espère et qui prie;..
C'est un honneur et ce doit êtreuiie
profonde joie pour M. de Mun d'a
voir été l'orateur qui a fait écouter,
par la Chambre entière, avec une
attention soutenue, presque recueil
lie, un si noble et si chrétien langage
immédiatement suivi du vote qu'i"
réclamait...
... On a peu écouté ensuite M. Vi-
,ger qui soutenait un peu longue
ment le- projet de législation su-
crière tout en proposant d'établir
un droit de raffinage de 5 francs sur
les sucres bruts pour développer
l'exportation ; M. Charles Roux, un
adversaire irréconciliable de tout
système protectionniste, demandait
au (gouvernement d'apporter une
autre proposition tendant à abaisser
le droit de consommation.
M. Jaurès avait fait annoncer par
ses amis un discours retentissant.,.,
comme tous ses discours ; il n'a pas
tenté de le prononcer ; la journée
du 21 janvier, anniversaire de la
mort de Louis XVI, était réservée
par les socialistes à affirmer leur
haine jamais désarmée du catholi
cisme et de la vieille royauté chré
tienne.
M. Dejeante" s'est souvenu d'à
voir déposé en 1894 une loi pour la
démolition de la chapelle « dite ex
piatoire ». Voilà bientôt trois ans
qu'on oublie cette proposition dans
les cartons, et le jour qui ramène le
souvenir du régicide ae 1793 — un
des crimes de l'humanité — lui
semble propice pour en parler -à
nouveau et demander la fixation de
son projet à la plus prochaine
séance:
Il était à" peine besoin que le pré
sident du conseil priât simplement
la Chambre de maintenir son ordre
du jour : elle a repoussé par 326
voix contre 99 l'inçonvenante mo
tion de l'extréme-gauche.
On ne sera point surpris que les
révolutionnaires aient tenu a unir
dans la même réprobation sacrilège
le monument national de pénitence,
élevé au-dessus de Paris coupable,
et l'infortuné roi, pieux et bon, qui
consacra la France au Cœur de Jé
sus, dans le donjon du Temple—^
quelques jours avant d'être livré au
bourreau...
Gabriel de Triors.
BULLETIN DU JOUR
_ Il y a actuellement seite sièges vacants
à ia Chambre, dont dix de députés élus
sénateurs. Pour trois de ces sieges seule
ment les électeurs sont convoqués , ceux
de Brest (Finistère) et d'Albertville (Sa
voie), pour dimanche prochain 24 jan
vier, celui de Laon (Aisne) pour le 7 fé
vrier. ,
Pour les treize autres, le gouverne
ment n'a pas encore décidé s'ils seraient
tous convoqués pour le même jour ou
échelonnés en plusieurs séries.
Au Luxembourg, on a procédé hierk
l'élection annuelle des neuf membres de
la commission de la Haute Cour et des
cinq membres suppléants.
M. Bêrengera été élu vice-président.
Après la discussion du projet de loi
sur la désaffectation de la basilique du
Sacré-Cœur de Montmartre,la Chambre
des députés a repris la discussion de la
proposition relative au -régime des su
cres.
M. Félix Faure fera un voyage en
Dauphiné en avril ou mai prochain.
On vient de distribuer aux membres
du Parlement anglais le Livre bleu con
tenant les dépêches diplomatiques rela
tives aux réformes dans l'Empire otto
man. Ces documents sont afférents à la
période du 23 septembre Î896 au 2 jan
vier 1897. Ils ne rappellent guère que des
faits déjà connus et les déclarations des
ministres anglais au Parlement.
Le roi Humbert a signé le décret de
prorogation du Parlement italien.
SU L'tHM DE BREST
Les journaux réfractaires les plus
acharnés à combattrç par tous les
moyens M. l'abbé Gayraud, l'ont ac
cusé à diverses reprises d'avoir
fait de grands efforts pour devenir
candidat. Puisque, malgré de pé-
remiptoires démentis, cela sé répété
encore, nous devons répéter à notre
tour qu'il n'en êst rien. "
C'est à Brest et dans la troisième
circonscription électorale que la
candidature de M. l'abbé Gayraud a
pris naissance. Ç'a été, nous le sa
vons sûrement, une surprise pour
lui d'apprendre que des électeurs
justement influents voulaient le pré
senter àleursamis et qu'une réunion
nombreuse serait appelée^ s'il ne s'y
opposait point, à prononcer sur sai
candidature. Alorsi il a pris les avis
qu[il devait prendrè êt dôiiné à ceux
qui l'appelaient les renseighemërits
qu'il devait donner. L'appël qui lui
avait été. fait., ayant été, rènouvelê,
açrès qu'il se fût effacé, il s'est mis
définitivement à la disposition des
électeurs.
Ainsi de sa part nulle démarche
pour être présenté et promptitude
à s'effàcër èi soft èffàëëMent pouvait
assurer le succès- d'une autre can
didature essentiellement, absolu-
ihëht catholique! Voilà dans quelles
conditions M. i'àbbé G&^ràud fest
dévenu candidat. Ce sont la des faits
incontestables.jNous les rappelons
sans y joindre tin mot de polémique.
' Pourquoi M. Gayraud a-t-il été
choisi ? Les doctrines de eeu* qui
l'ont appelé, le langage de l'excel-
lénte feuille catholique de Brest et
ses propres déclarations répondent
à cette question de la façon la plus
claire : on a voulu un candidat qui,
au point de vue politique comme
au point de vue social, fût l'homme
des catholiques loyalement soumis
aux enseignements du chef de l'É
glise et pût, en même temps, par
son talent, par le rôle qu'il pren
drait à la Chambre, et son indépen
dance des partis, défendre avec
succès les intérêts de sa circons
cription électorale.
C'est ainsi que pour les catholi
ques la question a été posée. Il n'y
avait là rien dont de vrais conserva
teurs ni des royalistes dévoués à
l'Eglise et à l'ordre pussent se plain
dre. Si le candidat leur paraissait
trop avancé, ils n'avaient qu'à de
mander des éclaircissements. Les
choses ne se sont pointpassées ainsi.
Les réfractaires voulaient avant
tout donner à l'élection une couleur
Sui leur permettrait de triompher.
ie là une campagne dont nous avons
indiqué le caractère misérable et
odieux. Cette campagne,où M. l'abbé
Gayraud a fait vigoureusement face
à des adversaires qui se donnaient
le tort d'agir en ennemis, a indigné
sans les décourager nos amis de la
troisième circonscription de Brgst
et ils ne doutent point du succès.
Eugène Veuillot.
MANŒUVRE
DE Ll DERRIÈRE HEURE
h'Express du Midi , dans l'article
objet d'un démenti si formel de
Mgr l'évêque de Montauban, laissé
échapper un aveu qu'il faut relever.
Nous avons là, dévoilé par inad
vertance, le plan des réfractaires:
M. Ribès-Méry déclare qu'il parle
« dans l'espoir d'être entendu à la
DERNIERE HEURE ».
Vous le voyez, électeurs de la troi
sième circonscription de Brest, les
ennemis de M. l'abbé Gayraud se
sont réservé la DERNIERE HEU
RE. Les accusations qu'ils lancent
contre le candidat catholique, ils
pouvaient les formuler dix jours,
quinze jours avant le scrutin; S'ils
agissaient vraiment dans l'intérêt
de l'Eglise, comme ils le prétendent,
s'ils avaient voulu sincèrement la
lumière, c'est ce qu'ils auraient fait.
Mais non, sachant que leurs accu
sations, malgré tout l'art perfide
avec lequel ils les présentent, peu
vent être réfutées, ils ne les produi
sent qu'au dernier moment, afin
qu'on n'ait pas le temps — ils l'es
pèrent — de leur opposer partout
une réponse.
Manœuvre de la dernière heure!
C'est vraiment croire les élec
teurs de la troisième circonscrip
tion de Brest trop peu intelligents,
que de les supposer capables de se
laisser prendre à ce piège, même
si, comme on nous l'affirme, un
député de la droite, égaré par la
passion de parti, a prêté les mains
a cette manœuvre.
L'ÉLECTION DE BREST
Nous avons reçu de divers côtés
de sévères protestations contre les
procédés de polémique rais en
œuvre par Y Autorité , la Vérité
et la Gazette, pour combattre la can
didature catholique de M. l'abbé
Gayraud. Nous n'avons presque
rien donné de ces communications,
les trouvant trop vives quoique les
reconnaissant très justes. Déplus,
nous n'avons parlé de M. de Blois
qu'avec réserve, bien que son en
tente avec les républicains sectaires
6t les emportements dé ses amis
eussent justifié des duretés. Nous
ne sortons pas de cette attitude en
reproduisant aujourd'hui ce pas
sage d'une réponse, que M. l'abbé
Cavé, vicaire à Saint-Ambroise, —
jusqu'ici, nous dit-il, ami de la Vé
rité, — vient d'adresser à ce jour
nal et nous communique :
Vous faites un crime à l'abbé Gayraud
d'être « sans poste à Paris depuis plus de
deux ans », et par là, vous semblez faire
des insinuations de nature à jeter le dis
crédit sur son honorabilité.
Il serait difficile à l'abbé Gayraud ce
pendant d'occuper un poste paroissial
permanent, quand — par ses goûts, par
ses études, par son zèle, — on est voué,
comme lui, au ministère de la prédica
tion et aux travaux de l'écrivain dans
plusieurs revues.
Mais, dites-moi, est-ce donc être sans
fonction honorable que de monter, avec
'autorisation de notre éminent et saint
cardinal, dans les principales chaires de
a capitale, et d'avoir été choisi, tout ré
cemment encore, pour prêcher le Jubilé
national à la Basilique de Montmartre?
VdilS l'accusez d'être un « prédicant de
thèses sociaiês les plus dangereuses » !
Sur quoi donc vous appuyez-Vods pour
porter cette grave accusation contre un
fifrêtre qui ne prêche qu'avec l'autorisa
tion de ses supérieurs hiérarchiques ? Sur
le témoignage, plus ou moins sûr, d'au
diteurs qui rapportent —après plusieurs
années —• des paroles mal comprises et
dénaturées?
Le prêtre, professeur de philosophie â
l'Institut catholique de Toulouse ; le prê
tre, proposé pour la chaire de dogme à
Pribourg; le prêtre, auteur de plusieurs
ouvrages remarquables et d'articles de
talent dans la Revue dit clergé français,
de Philosophie chrétienne, etc., le prê
tre, prédicateur à la Madeleine, à Saint-
Philippe du Roule, à Sainte-Clotilde,etc.,
ce prêtre-là « prédicant de thèses sociales
les plus dangereuses » ! De bonne foi, y
pensez-vous, Monsieur?
M. l'abbé Cavé aurait pu ajouter
à cette énumération les conférences
de M. l'abbé Gayraud au cercle ca
tholique, centre d'une action reli
gieuse et sociale assurément "de
très bon aloi. Les prêtres qu'on y
entend n'y sont pas appelés au ha
sard.
Parmi les protestations que nous
avons reçues, en voici une qui vient
de là-bas et dont le titre, qui s'a
dresse au correspondant de la Vérité,
est un peu vif:
« Un comble de méchante ânerie. »
Gette ânerie c'est d'avoir dit que le clergé
de la troisième circonscription avait pris
un opportuniste peur présider la réunion
de Lannilis... M. Fortin opportuniste !
Le trait est de ceux dont on dit : « Plus
bête que méchant. » Si tous les rensei
gnements communiqués à la feuille obli
que sont de cette valeur !... Et pourquoi
pas ?
— — ;—
LE LIVRE DE L'APOTRE
Mme de La Girennerie, auteur du
Livre de Vapôtre, a reçu de S. Em.
le cardinal Rampolla la lettre sui
vante :
Madame,
L'affection spéciale qu'entretient le
Saint-Père pour la classe ouvrière lui a
rendu -particulièrement agréable l'ham-
inage que vous avez voulu lui, rendre en
lui offrant un exemplaire du livre que
vous venez de publier sous le titre le Li
vre de l'Apôtre. Sa Sainteté, en effet, a
eu un vif plaisir à apprendre que, non
contente de donner aux jeunes ouvrières,
pieusement réunies sous le patronage de
sainte Agnès, une tendre sollicitude, vous
avez voulu recueillir, .comme en un odo
rant bouquet de fleurs, les principales
raisons qui démontrent l'importance de
l'apostolat au milieu des travailleurs.
L'acueil favorable qui a été fait à votre
livre par d'illustres prélats et par des
personnages qui cultivent avec distinc
tion les études sociales est une garantie
certaine de l'utilité que ce livre produira;
c'est pourquoi le Saint-Père m'a chargé
de vous exprimer, en son auguste nom,
en même temps que son plaisir pour
l'exemplaire que vous lui avez offert, la
satisfaction qu'il éprouve pour le zèle
avec lequel vous vous occupez de secon
der ses désirs paternels et ses sollicitu
des à l'endroit delà classe ouvrière. Pour
récompenser un tel zèle et pour en ac
croître la fécondité dans l'oeuvre bien
faisante à laquelle vous vous consacrez,
l'auguste Pontife a daigné, en outre, vous
accorder une bénédiction spéciale.
Heureux de remplir cette agréable
mission de Sa Sainteté, je vous remercie
pour l'autre exèmplaire de votre travail,
que vous m'avez gracieusement offert, et
en espérant, pour vous, l'efficace et con
tinuel patronage de la glorieuse vierge et
martyre à laquelle, par une sage pensée
vous avez voulu dédier l'atelier que vous,
avez fondé, je me dis avec des senti
ments de haute estime,
Votre tout dévoué serviteur,
M. Card. R ampolla.
Home, 10 janvlér Î897.
Çà et là
LES VILLES D'HIVER
Il me souvient d'avoir entrevu jadis,
dans je né sais plus quel tome dépareillé
du Magasinpittoresque, une antique es
tampe où, dépouillée de sa façade ainsi
qu'une orange de" son écorce, une vaste
maison parisienne nous démasquait les,
alvéoles et nous révélait les habitants de
ses six étages. Le propriétaire— en
« grand seigneur », comme de raison —
occupait le premier étage ; un banquier
le second ; un magistrat le troisième ; un
chef de bureau le quatrième; un petit
commis le cinquième ; puis, enfin, sous
l'ardoise, dans la « froide » mansarde,
grelottait l'ouvrier classique. Paris
compte-t-il encore beaucoup de ces im
meubles où se rapprochent toutes les
conditions, où s'échelonnent toutes les
Classes? J'en doute fort.Messieurs nos con
cierges n'aiment point ces familiarités
déplacées. Si le sentiment de la hiérar
chie , disparaissait de la surface de la
terre il trouverait un inexpugnable refuge
dans le cœur de nos portiers. Quand un
fonctionnaire du cordon, quand un a gé
rant » a l'honneur de posséder, parmi ses
; usticiables, quelques locataires cossus,
tout son objectif est d'éliminer, de l'im
meuble ainsi favorisé, les petites gens,
ce qu'il appelle,dans son vocabulaire aris
tocratique, le « vilain monde ».
~~Si les maisons jadis ouvertes à toutes
leâ catégories sociales tombent de jour
en jour sous la pioche des maçons, si les
riches tendent eux -mêmes, hélas ! à se
parquer dans des quartiers inaccessibles
aux pauvres,Paris conserve encore,grâce
à Dieu, certaines zones où les anciennes
juxtapositions persistent. Tel est le fau-
bourg Saint-Germain : auprès des plus
somptueux hôtels débouchent des rues et
des cours où s'entassent des smalas
d'humbles travailleurs : marchands des
quatre-saisons, cantonniers, balayeurs,
chiffonniers, couturières, brocanteurs,
savetiers, ete., etc. Ce rapprochement
profite à tout le monde, aux « grands »
comme aux petits, au patriciat comme à
la plèbe. Une catastrophe inattendue
frappe-t-elle quelque membre de la
misérable tribu? L'opulent voisin, averti
par la rumeur publique, se trouve obligé
d'exercer des vertus qui, sans ce salutaire
voisinage, seraient peut-être restées
sans emploi. Des détresses insoupçonnées
se révèlent à ses regards et le détournent
d'un divertissement qui l'aurait peut-être
dégradé. Son âme, aveulie par la jouis
sance du bien-être, se relève et se re-
trempei Que d'oisifs un opportun contact
avec le pauvre a sauvés de la corruption
et peut-être préservés de la chute ! Les
humbles ne tirent pas un moindre béné
fice de ces relatioiis cordiales. Entre voi
sins tout se sait et tout s'ébruité, et com
me les épreuves morales iî'épaxg ne ut pas
plus le millionnaire que les mC-P^iants,
les petits, initiés âiii deuils de leuT. s
protecteurs, se' sentent moins enclins à
jalouser une richesse qui ne garantit pais
de la foudre. Un apaisement se fait dans
les cœurs les plus aigris : on finit par
plaindre ces pauvres riches qui souvent
connaissent encore mieux que nous tou
tes les amertumes de la vie, toutës les
tristesses de l'ingratitude, et toutes les
hontes de là déchéance morale...
D'où vient le socialisme ? Précisément
de l'ignorance de ces. misères. Le sec
taire s'acharne contre le fantôme d'une
félicité menteuse. Mais le riche ne favo-
rise-t-il pas lui-même tout lé.. premier
cette ignorance et cette acrimonie en
s'isolantde plus en plus des classes infé
rieures, en se claquemurant dans des
quartiers et dans de» villes où les petites
gens ne peuvent ni le coudoyer, ni même
le voir? Gette tendance s'accuse sur
tout chez les peuples sortis de l'Eglise;
Quelle clientèle a fait et fait encore la
fortune de Nice, de Monte-Carlo, de
Cannes, de Menton et de tous ces edens
de la « côte d'azur » où l'on va chercher
l'oubli des tristesses humaines ? La clien
tèle anglaise, américaine, allemande et
russe. Pendant nombre d'années, seules
les «hautes classes » des Etats-Unis, de la
Grande-Bretagne et de la Russie vinrent
promener leurs fainéantes sollicitudes
sur le sable irisé du golfe de la Napoule,
à l'ombre des pics de l'Esterel. Le Fran
çais arriva le dernier. Encore alléguait-
il l'excuse— fort légitime d'ailleurs —
d'un mal à soulager ou à guérir. Il lui
semblait qu'en refusant de prendre sa
part des rigueurs hivërnales, il commet
tait une lâcheté. Ne laissait-il point alors
en pleine lutte des compagnons de
route sans fortune et des frères, malheu
reux qui comptaient sur son aide pour
« gravir le rude sentier » ?
On ne transgresse jamais impunément
une loi divine. Rebelle au devoir social,
le riche oisif qui déserte le champ de
bataille des misères humaines pour se
livrer exclusivement à « la joie de vivre »
ne tarde pas à subir le châtiment de son
infidélité. L'ennui, — cette puissance mal
faisante qu'il voulait exorciser, — ne le
lâche plus et le soleil qui fait flamber l'a
zur de lamerMéditerranée n'illumine que
le cimetière de ses illusions mortes. Un
jeune écrivain,un poète d'un beau talént,
à la palette vive, M.Pierre Jay, a eu le
courage de signaler ce désenchantement
et cette désolation. Autant la « côte d'a
zur » se montre secourable et propice,
souriante et maternelle aux honnêtes
gens qui se contentent d'aller chercher le
calme et le repos dans ses criques de la
Théoule et de Saint-Honorat, autant elle
dupe,, autant elle leurre les hôtes des
plages mondaines. « Rien n' égale la sensa
tion de navrance et d'écœurement qui se
dégage — nous dit M. Pierre Jay — de
la noce internationale où défilent... des
jeunes gens aux boutonnières fleuries,
roses et gras ! Nice ! Il faut en avoir en
trevu les bas fonds soùs les splendeurs
incomparables de son ciel bleu, en avoir
longé les égouts à travers ses jardins d'o
rangers... On a couvert d'une prairie
«plendide, d'un square suspendu, chargé
de palmiers et de lauriers roses, l'infect
ruisseau du Paillon.
« Mais dissimuler le grand collecteur
cosmopolite qui charrie ses ordures hu
maines de l'avenue de la Gare à la pro
menade des Anglais est une tâche qu'au
cune municipalité n'accomplira jamais.
Le Paillon noie son flot cadavéreux dans
les nappes azurées de la baie des Anges.
Les pompes funèbres escamotent l'ense
velissement des morts, et jamais un cer
cueil n'assombrit de son drap funéraire et
de ses larmes d'argent la fête du soleil et
du ciel bleu.Mais les pavés,les terrasses,
les pelouses, les escaliers de marbre, les
fleurs, là mer elle-même, frissonnante
d'azur et embrasée, ne peuvent dépouil
ler le morne caractère de prostitution qui
les pénètre et les pourrit. Les deux ville?
du littoral qui n'ont pas voyilu sacrifier
aux grâces faciles et qui restent enfer
mées dans leur aristocratique réserve ne
valent guère mieux (1). »
Ne jalousons donc pas les sybarites et
les viveurs qui se dirigent, dès les der
niers jours de novembre, vers le littoral
enchanté ou les blocs de porphyre des
caps profilent, sous les morsures du so-
leiîdécembral,leurs silhouettes bleuâtres.
S'il est vrai que la création — selon le
mot admirable de Saint-Grégoire de
Nysse, — est un vase où Dieu a déposé
le parfum de ses attributs, il n'est que
trop vrai, hélas ! aussi, que l'homme
peut faire'de cette urne un infect cloaque*
C'est notre privilège d'imprimer notre
empreinte à tout ce qui nous entoure. Si
la nature flamboie pour ainsi dire sous
le regard d'une conscience pure, le pé
ché, en revanche, la voile d'un crêpe de
deuil. « L'homme, dit Novalis, est avec la
nature dans des relations aussi variées
que celles qu'il entretient avec ses sem
blables, et comme elle se met à la portée
des enfants, de même elle se montre su
blime aux esprits élevés, divine aux êtres
divins et morne aux pervers. » Que les
honnêtes gens ne regrettent donc pas
trop de ne pouvoir contempler, au mois
de janvier, les baies parfumées où le
soleil éclabousse d'or les balcons des vil
las ; la luxure a flétri l'éblouissement de
ces rivages. Ici, dans nos brouillards
glacés, ruisselle une invisible lumière.
Si le soleil avare de nivôse n'allume pas
ses rayons au-dessus de nos têtes, il em
brase du moins de ses feux les cœurs.
Oscar H avard.
LETTRES DE POLOGNE
15 janvier 1897.
L'année nouvelle commence sous de
favorables auspices pour les Polonais
soumis à la Russie. Après vous avoir
tant de fois entretenu de leur position
désespérée, il n'est que juste de vous
transmettre l'écho des espérances que
fait naître le règne nouveau. Le jeune
tsar agit avec prudence ; il n'a garde de
condamner par des démarches éclatant
tes la politique de son père et de son
grand-père. Mais petit » petit, sous une
impulsion nouvelle, d'anciennes vexa
tions disparaissent, tombent eil désué
tude, nous laissent entrevoir plus de Jus
tice dans l'avenir. Le changement s'ae-
centue surtout dans la presse russe, qui,
hier encore, se refusait à prononcer le
nom ihême de Pologne, à jamais rayé de
là liste des vivants. Les fonctionnaires et
les journalistes avaient imaginé une dé
nomination fantaisiste, appelant tour à
tour le lambeau de Pologne échu parle
partage à la Russie, soit pays vistulien,
soit provinces occidentales de l'Empire.
;I1 était défendu d'évoquer la morte, de
rappeler le fantôme enseveli sans re
tour. Il se produit en ce moment ûne
réaction inattendue, aussi bien dans les
salons et dans les cercles de la société
russe, que dans la presse tout entière.
On n'entend plus parler que d'entente
cordiale, de modus Vivendi, de^ conces
sions nécessaires, d'invitations à se ten
dre la main. Comme je viens de le dire,
ce mouvement est jusqu'ici plutôt à l'état
latent qu'actif, le jeune tsar Xie désavoue
rien, ne se prononce point, n'effâce ni
ne révoque aucun des ukases paternels»
Mais chaque journée apporte soit quel j
que adoucissement, soit quelque nouvelle
espérance. Je vous ai dit déjà combien
les catholiques polonais sont heureux
de pouvoir bâtir ou rebâtir à volonté
leurs églises, sans avoir à rechercher
pour cela l'autorisation des gouverneurs,
qui, depuis plusieurs années, refusaient
la plupart du temps leur consentement
ou faisaient traîner en longueur chaque
décision de ce genre.
Déjà nous avons vu plusieurs d'entre
nos évêques ou membres du haut clergé
se rendre en pèlerinage au tombeau des
apôtres et aux pieds du Souverain Pon
tife, ce qui leur avait été refusé pendant
tant d'années. D'autre part, les curés et
vicaires qui ne pouvaient jusqu'ici quit
ter leur paroisse, même pour aller se
confesser à quelque confrère voisin, sans
demander préalablements de passeports
délivrés ou refusés par l'autorité civile,
jouiront dorénavant de plus de liberté de
mouvement, n'étant plus astreints à cette
mesure rigoureuse. On parle également
de lever les lourdes contributions, qui de
puis l'année 1863 n'avaient cessé de pe
ser sur les propriétaires fonciers des
provinces orientales de l'ancienne Polo
gne. On se prend à espérer que l'oukase
Si sévère qui depuis la même époque in
terdit à tout catholique polonais d'ache
ter des terres ou même d'en hériter dans
l'enceinte des mêmes provinces, finira
également par être abandonné. Déjà
quelques voix autorisées s'élèvent contre
le système inique introduit dans les éco
les de Pologne, où l'enseignement russe
prime tout, interdisant aux enfants jus
qu'à l'usage de leur langue maternelle
dans leurs conversations mutuelles. La
nomination du prince Imérétynski au
poste de général gouverneur de Varsovie
semble confirmer les espérances qui s'é
veillent de toute part. On dit que c'est un
homme juste, étranger aux haines de
race, disposé à'faire droit aux justes ré
clamations des opprimés.
Jusqu'ici, le changement de régime
est imperceptible, mais cependant il
(1) Le Chemin de la Méditerranée, par
Pierre Jay, Nice 1897.
Edition qnotidlehùs. —10,699
Samedi 23 Janvier 18Ô7
ÉDITI ON QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER.
et départements (union postale^
Un an 40 » 51 »
éiz mois...... 21 n 26 50
Trois mois.;.... il » ; 14 »
Les Abonnements partent des 1" et 16 de chaque mola
.... C Paris. 10 cent.
UN NUMÉRO | Dé parte men ts 15 —
SUREAUX : Paris, me Cassette, 17
1 .. r-
On s'abonne & Rome, plaoe du Gesfy §
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS , ÉTRANGER
et départements (union postale)
. Un an......... 20 » 26 »
Six mois...10 » 13 »
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ET
Trois mois?...-. S » 6 50 ».
" mrnmmmmmm * $
Les abonnemënts partent des 1" et 16 de chaque mol»
L'UNIVERS ne répond pas des mànuserits qui lui sont adressés
ANNONCES
MM- LAÇRANGE, CERF et C ie , 6, place de la Boursè
PARIS, 22 JANVIER I8S7
sommaire
A la Chambre....... G abriel ds T riors.
Sur l'élection de
Brest E ugène V euillot.
Çà et là t Les villes
d'hiver........... O scar H avard.
Au Sénat. j. M antena.y.
Trois attitudes..... . G. d 'A.
Bulletin du jour. — Manœuvres de la der
nière heure. — L'élection de Brest. —-Le
livre de l'apôtre. Informations poli
tiques et parlementaires. — A travers
• la presse. Un service pour Mgr Tré-
garo. — Chronique. — Lettres, sciences
et arts. — Chambre des députés. —
Echos de partout. — Dépêches de l'étran
ger. —- Bulletin bibliographique. — Vols
dans les églises. — Tribunaux. — Nécro
logie. — Nouvelles diverses. — Dernière
heure. — Tableau et bulletin de |la
Bourse.
A LA CHAMBRE
Pc
Le Sacré-Cœur de Montmartre. — La
question des sucres. — La chapelle
expiatoire.
Voilà vingt-trois ans que le cri de
pardon et d'espérance jeté vers le
Sacré-Cœur de Jésus par la France
vaincue et repentante trouble la,
quiétude^ des loges maçonniques
— et voilà vingt-trois ans qu'on y
fait naître toutes les occasions de
rotes ter contre la légitime mani-
estation de la foi nationale, consa
crée par la loi de 1873.
A ce souci [continu d'interdire
aux catholiques, au nom de la liber
té de conscience, de se réunir dans
la majestueuse basilique élevée au
sommet de Montmartre, pour y im
plorer la miséricorde de Dieu, se
joint aujourd'hui, pour les socialis
tes, là volonté, qu'on ne cherche
même point à dissimuler, d'embar
rasser à. chaque instant le minis
tère « clérical » présidé par M. Mé-
line et de l'accuser, à tout propos,
de pactiser avec les adversaires les
plus résolus de la législation répu
blicaine.
Cette secrète mais essentielle
préoccupation, M. Rouan et* chargé
nier de soulever le débat sur l'abro
gation de la loi de 1873, aurait été
impuissant à la dissimuler : il met
tait trop d'insistance à rappeler que
M. Méline, comme M. Bardoux et
M. Rouvier, s'était par deux fois
prononcé contre l'affectation légale
de l'église du Vœu national.
On a d'ailleurs bien peu parlé de
l'urgence~Ia seule question qui dût
être traitée ; c'est sur le fond que
dissertait M. Rouanet, accusant le
clergé de Paris de provoquer à la
guerre religieuse et ae faillir au pa
triotisme, comme le conçoiventles
socialistes;c'est aii fond, ainsi qu'oh
dit'au Palais, que plaidait M Vi-
viani, voulant prouver, suivant la
pure doctrine collectiviste, qu'on
peut exproprier > les gens et les
chasser de chez eux sans se soucier
de leur donner une indemnité quel
conque ; c'est encore sur le fond
que s'étendait M. Goblet, toujours
rageur, et qui tout en reconnaissant
ne pas admettre, plus qu'en 1882,
que l'Etat pût désaffecter purement
et simplement l'édifice catholique
de Montmartre, livrait à l'indigna
tion de ses amis le texte de l'acte de
consécration, lu dimanche, au. nom
de .la France chrétienne, par le vé
nérable archevêque de Paris.
Le garde des sceaux, ministre des
cultes, avait deux mots à dire pour
combattre la demande d'urgence :
on regrettera qu'il ait tenu à se faire
pardonner une attitude si légitime
et la seule raisonnable — en re
nouvelant contre la loi réparatrice
de 1873 les ridicules accusations
qu'on devrait bien réserver pour les
réunions publiques organisées par
les électeurs de M. Rouanet ou ceux
de M. Gérault-Richard.
C'est ce zèle déplacé qu'a voulu
éviter le président du conseil en ra
menant sagement la discussion à la
question d Y urgence, tout en s'enga-
geantànejamâis se dérober lors
qu'on le provoquerait franchement
a s'expliquer sur les tendances et
le système de gouvernement du ca
binet qu'il dirige.
II. na rien dit et n'avait rien à
dire des principes de notre droit
public dont le parti socialiste exi
geait la violation : ces principes, M.
Fabbé Lemire venait ae les exposer
avec une clarté et une précision que
les cris de fauves deTextrême-gau-
che avaient soulignées davantage,
Le dernier mot devait être prononcé
dans le débat par le comte de Mun,
et ce mot a été une admirable affir
mation de foi et de piété quelque
chose comme un Credo à la fois per
sonnel et national, fièrement j été
devant la Chambre frémissante..;
Et l'on se demandait, surtout après
la déroute des sectes, s'il n'est pas
permis d'espérer que les efforts
aéçhristianisateurs, chaque jour re-
nouyelés, et les blasphèmes contré
Dieu, pourraient nous être pardon-
nés par sa miséricorde, en regard
de semblable# manifestations j so
lennelles et publiques, de ia France
qui croit, qui espère et qui prie;..
C'est un honneur et ce doit êtreuiie
profonde joie pour M. de Mun d'a
voir été l'orateur qui a fait écouter,
par la Chambre entière, avec une
attention soutenue, presque recueil
lie, un si noble et si chrétien langage
immédiatement suivi du vote qu'i"
réclamait...
... On a peu écouté ensuite M. Vi-
,ger qui soutenait un peu longue
ment le- projet de législation su-
crière tout en proposant d'établir
un droit de raffinage de 5 francs sur
les sucres bruts pour développer
l'exportation ; M. Charles Roux, un
adversaire irréconciliable de tout
système protectionniste, demandait
au (gouvernement d'apporter une
autre proposition tendant à abaisser
le droit de consommation.
M. Jaurès avait fait annoncer par
ses amis un discours retentissant.,.,
comme tous ses discours ; il n'a pas
tenté de le prononcer ; la journée
du 21 janvier, anniversaire de la
mort de Louis XVI, était réservée
par les socialistes à affirmer leur
haine jamais désarmée du catholi
cisme et de la vieille royauté chré
tienne.
M. Dejeante" s'est souvenu d'à
voir déposé en 1894 une loi pour la
démolition de la chapelle « dite ex
piatoire ». Voilà bientôt trois ans
qu'on oublie cette proposition dans
les cartons, et le jour qui ramène le
souvenir du régicide ae 1793 — un
des crimes de l'humanité — lui
semble propice pour en parler -à
nouveau et demander la fixation de
son projet à la plus prochaine
séance:
Il était à" peine besoin que le pré
sident du conseil priât simplement
la Chambre de maintenir son ordre
du jour : elle a repoussé par 326
voix contre 99 l'inçonvenante mo
tion de l'extréme-gauche.
On ne sera point surpris que les
révolutionnaires aient tenu a unir
dans la même réprobation sacrilège
le monument national de pénitence,
élevé au-dessus de Paris coupable,
et l'infortuné roi, pieux et bon, qui
consacra la France au Cœur de Jé
sus, dans le donjon du Temple—^
quelques jours avant d'être livré au
bourreau...
Gabriel de Triors.
BULLETIN DU JOUR
_ Il y a actuellement seite sièges vacants
à ia Chambre, dont dix de députés élus
sénateurs. Pour trois de ces sieges seule
ment les électeurs sont convoqués , ceux
de Brest (Finistère) et d'Albertville (Sa
voie), pour dimanche prochain 24 jan
vier, celui de Laon (Aisne) pour le 7 fé
vrier. ,
Pour les treize autres, le gouverne
ment n'a pas encore décidé s'ils seraient
tous convoqués pour le même jour ou
échelonnés en plusieurs séries.
Au Luxembourg, on a procédé hierk
l'élection annuelle des neuf membres de
la commission de la Haute Cour et des
cinq membres suppléants.
M. Bêrengera été élu vice-président.
Après la discussion du projet de loi
sur la désaffectation de la basilique du
Sacré-Cœur de Montmartre,la Chambre
des députés a repris la discussion de la
proposition relative au -régime des su
cres.
M. Félix Faure fera un voyage en
Dauphiné en avril ou mai prochain.
On vient de distribuer aux membres
du Parlement anglais le Livre bleu con
tenant les dépêches diplomatiques rela
tives aux réformes dans l'Empire otto
man. Ces documents sont afférents à la
période du 23 septembre Î896 au 2 jan
vier 1897. Ils ne rappellent guère que des
faits déjà connus et les déclarations des
ministres anglais au Parlement.
Le roi Humbert a signé le décret de
prorogation du Parlement italien.
SU L'tHM DE BREST
Les journaux réfractaires les plus
acharnés à combattrç par tous les
moyens M. l'abbé Gayraud, l'ont ac
cusé à diverses reprises d'avoir
fait de grands efforts pour devenir
candidat. Puisque, malgré de pé-
remiptoires démentis, cela sé répété
encore, nous devons répéter à notre
tour qu'il n'en êst rien. "
C'est à Brest et dans la troisième
circonscription électorale que la
candidature de M. l'abbé Gayraud a
pris naissance. Ç'a été, nous le sa
vons sûrement, une surprise pour
lui d'apprendre que des électeurs
justement influents voulaient le pré
senter àleursamis et qu'une réunion
nombreuse serait appelée^ s'il ne s'y
opposait point, à prononcer sur sai
candidature. Alorsi il a pris les avis
qu[il devait prendrè êt dôiiné à ceux
qui l'appelaient les renseighemërits
qu'il devait donner. L'appël qui lui
avait été. fait., ayant été, rènouvelê,
açrès qu'il se fût effacé, il s'est mis
définitivement à la disposition des
électeurs.
Ainsi de sa part nulle démarche
pour être présenté et promptitude
à s'effàcër èi soft èffàëëMent pouvait
assurer le succès- d'une autre can
didature essentiellement, absolu-
ihëht catholique! Voilà dans quelles
conditions M. i'àbbé G&^ràud fest
dévenu candidat. Ce sont la des faits
incontestables.jNous les rappelons
sans y joindre tin mot de polémique.
' Pourquoi M. Gayraud a-t-il été
choisi ? Les doctrines de eeu* qui
l'ont appelé, le langage de l'excel-
lénte feuille catholique de Brest et
ses propres déclarations répondent
à cette question de la façon la plus
claire : on a voulu un candidat qui,
au point de vue politique comme
au point de vue social, fût l'homme
des catholiques loyalement soumis
aux enseignements du chef de l'É
glise et pût, en même temps, par
son talent, par le rôle qu'il pren
drait à la Chambre, et son indépen
dance des partis, défendre avec
succès les intérêts de sa circons
cription électorale.
C'est ainsi que pour les catholi
ques la question a été posée. Il n'y
avait là rien dont de vrais conserva
teurs ni des royalistes dévoués à
l'Eglise et à l'ordre pussent se plain
dre. Si le candidat leur paraissait
trop avancé, ils n'avaient qu'à de
mander des éclaircissements. Les
choses ne se sont pointpassées ainsi.
Les réfractaires voulaient avant
tout donner à l'élection une couleur
Sui leur permettrait de triompher.
ie là une campagne dont nous avons
indiqué le caractère misérable et
odieux. Cette campagne,où M. l'abbé
Gayraud a fait vigoureusement face
à des adversaires qui se donnaient
le tort d'agir en ennemis, a indigné
sans les décourager nos amis de la
troisième circonscription de Brgst
et ils ne doutent point du succès.
Eugène Veuillot.
MANŒUVRE
DE Ll DERRIÈRE HEURE
h'Express du Midi , dans l'article
objet d'un démenti si formel de
Mgr l'évêque de Montauban, laissé
échapper un aveu qu'il faut relever.
Nous avons là, dévoilé par inad
vertance, le plan des réfractaires:
M. Ribès-Méry déclare qu'il parle
« dans l'espoir d'être entendu à la
DERNIERE HEURE ».
Vous le voyez, électeurs de la troi
sième circonscription de Brest, les
ennemis de M. l'abbé Gayraud se
sont réservé la DERNIERE HEU
RE. Les accusations qu'ils lancent
contre le candidat catholique, ils
pouvaient les formuler dix jours,
quinze jours avant le scrutin; S'ils
agissaient vraiment dans l'intérêt
de l'Eglise, comme ils le prétendent,
s'ils avaient voulu sincèrement la
lumière, c'est ce qu'ils auraient fait.
Mais non, sachant que leurs accu
sations, malgré tout l'art perfide
avec lequel ils les présentent, peu
vent être réfutées, ils ne les produi
sent qu'au dernier moment, afin
qu'on n'ait pas le temps — ils l'es
pèrent — de leur opposer partout
une réponse.
Manœuvre de la dernière heure!
C'est vraiment croire les élec
teurs de la troisième circonscrip
tion de Brest trop peu intelligents,
que de les supposer capables de se
laisser prendre à ce piège, même
si, comme on nous l'affirme, un
député de la droite, égaré par la
passion de parti, a prêté les mains
a cette manœuvre.
L'ÉLECTION DE BREST
Nous avons reçu de divers côtés
de sévères protestations contre les
procédés de polémique rais en
œuvre par Y Autorité , la Vérité
et la Gazette, pour combattre la can
didature catholique de M. l'abbé
Gayraud. Nous n'avons presque
rien donné de ces communications,
les trouvant trop vives quoique les
reconnaissant très justes. Déplus,
nous n'avons parlé de M. de Blois
qu'avec réserve, bien que son en
tente avec les républicains sectaires
6t les emportements dé ses amis
eussent justifié des duretés. Nous
ne sortons pas de cette attitude en
reproduisant aujourd'hui ce pas
sage d'une réponse, que M. l'abbé
Cavé, vicaire à Saint-Ambroise, —
jusqu'ici, nous dit-il, ami de la Vé
rité, — vient d'adresser à ce jour
nal et nous communique :
Vous faites un crime à l'abbé Gayraud
d'être « sans poste à Paris depuis plus de
deux ans », et par là, vous semblez faire
des insinuations de nature à jeter le dis
crédit sur son honorabilité.
Il serait difficile à l'abbé Gayraud ce
pendant d'occuper un poste paroissial
permanent, quand — par ses goûts, par
ses études, par son zèle, — on est voué,
comme lui, au ministère de la prédica
tion et aux travaux de l'écrivain dans
plusieurs revues.
Mais, dites-moi, est-ce donc être sans
fonction honorable que de monter, avec
'autorisation de notre éminent et saint
cardinal, dans les principales chaires de
a capitale, et d'avoir été choisi, tout ré
cemment encore, pour prêcher le Jubilé
national à la Basilique de Montmartre?
VdilS l'accusez d'être un « prédicant de
thèses sociaiês les plus dangereuses » !
Sur quoi donc vous appuyez-Vods pour
porter cette grave accusation contre un
fifrêtre qui ne prêche qu'avec l'autorisa
tion de ses supérieurs hiérarchiques ? Sur
le témoignage, plus ou moins sûr, d'au
diteurs qui rapportent —après plusieurs
années —• des paroles mal comprises et
dénaturées?
Le prêtre, professeur de philosophie â
l'Institut catholique de Toulouse ; le prê
tre, proposé pour la chaire de dogme à
Pribourg; le prêtre, auteur de plusieurs
ouvrages remarquables et d'articles de
talent dans la Revue dit clergé français,
de Philosophie chrétienne, etc., le prê
tre, prédicateur à la Madeleine, à Saint-
Philippe du Roule, à Sainte-Clotilde,etc.,
ce prêtre-là « prédicant de thèses sociales
les plus dangereuses » ! De bonne foi, y
pensez-vous, Monsieur?
M. l'abbé Cavé aurait pu ajouter
à cette énumération les conférences
de M. l'abbé Gayraud au cercle ca
tholique, centre d'une action reli
gieuse et sociale assurément "de
très bon aloi. Les prêtres qu'on y
entend n'y sont pas appelés au ha
sard.
Parmi les protestations que nous
avons reçues, en voici une qui vient
de là-bas et dont le titre, qui s'a
dresse au correspondant de la Vérité,
est un peu vif:
« Un comble de méchante ânerie. »
Gette ânerie c'est d'avoir dit que le clergé
de la troisième circonscription avait pris
un opportuniste peur présider la réunion
de Lannilis... M. Fortin opportuniste !
Le trait est de ceux dont on dit : « Plus
bête que méchant. » Si tous les rensei
gnements communiqués à la feuille obli
que sont de cette valeur !... Et pourquoi
pas ?
— — ;—
LE LIVRE DE L'APOTRE
Mme de La Girennerie, auteur du
Livre de Vapôtre, a reçu de S. Em.
le cardinal Rampolla la lettre sui
vante :
Madame,
L'affection spéciale qu'entretient le
Saint-Père pour la classe ouvrière lui a
rendu -particulièrement agréable l'ham-
inage que vous avez voulu lui, rendre en
lui offrant un exemplaire du livre que
vous venez de publier sous le titre le Li
vre de l'Apôtre. Sa Sainteté, en effet, a
eu un vif plaisir à apprendre que, non
contente de donner aux jeunes ouvrières,
pieusement réunies sous le patronage de
sainte Agnès, une tendre sollicitude, vous
avez voulu recueillir, .comme en un odo
rant bouquet de fleurs, les principales
raisons qui démontrent l'importance de
l'apostolat au milieu des travailleurs.
L'acueil favorable qui a été fait à votre
livre par d'illustres prélats et par des
personnages qui cultivent avec distinc
tion les études sociales est une garantie
certaine de l'utilité que ce livre produira;
c'est pourquoi le Saint-Père m'a chargé
de vous exprimer, en son auguste nom,
en même temps que son plaisir pour
l'exemplaire que vous lui avez offert, la
satisfaction qu'il éprouve pour le zèle
avec lequel vous vous occupez de secon
der ses désirs paternels et ses sollicitu
des à l'endroit delà classe ouvrière. Pour
récompenser un tel zèle et pour en ac
croître la fécondité dans l'oeuvre bien
faisante à laquelle vous vous consacrez,
l'auguste Pontife a daigné, en outre, vous
accorder une bénédiction spéciale.
Heureux de remplir cette agréable
mission de Sa Sainteté, je vous remercie
pour l'autre exèmplaire de votre travail,
que vous m'avez gracieusement offert, et
en espérant, pour vous, l'efficace et con
tinuel patronage de la glorieuse vierge et
martyre à laquelle, par une sage pensée
vous avez voulu dédier l'atelier que vous,
avez fondé, je me dis avec des senti
ments de haute estime,
Votre tout dévoué serviteur,
M. Card. R ampolla.
Home, 10 janvlér Î897.
Çà et là
LES VILLES D'HIVER
Il me souvient d'avoir entrevu jadis,
dans je né sais plus quel tome dépareillé
du Magasinpittoresque, une antique es
tampe où, dépouillée de sa façade ainsi
qu'une orange de" son écorce, une vaste
maison parisienne nous démasquait les,
alvéoles et nous révélait les habitants de
ses six étages. Le propriétaire— en
« grand seigneur », comme de raison —
occupait le premier étage ; un banquier
le second ; un magistrat le troisième ; un
chef de bureau le quatrième; un petit
commis le cinquième ; puis, enfin, sous
l'ardoise, dans la « froide » mansarde,
grelottait l'ouvrier classique. Paris
compte-t-il encore beaucoup de ces im
meubles où se rapprochent toutes les
conditions, où s'échelonnent toutes les
Classes? J'en doute fort.Messieurs nos con
cierges n'aiment point ces familiarités
déplacées. Si le sentiment de la hiérar
chie , disparaissait de la surface de la
terre il trouverait un inexpugnable refuge
dans le cœur de nos portiers. Quand un
fonctionnaire du cordon, quand un a gé
rant » a l'honneur de posséder, parmi ses
; usticiables, quelques locataires cossus,
tout son objectif est d'éliminer, de l'im
meuble ainsi favorisé, les petites gens,
ce qu'il appelle,dans son vocabulaire aris
tocratique, le « vilain monde ».
~~Si les maisons jadis ouvertes à toutes
leâ catégories sociales tombent de jour
en jour sous la pioche des maçons, si les
riches tendent eux -mêmes, hélas ! à se
parquer dans des quartiers inaccessibles
aux pauvres,Paris conserve encore,grâce
à Dieu, certaines zones où les anciennes
juxtapositions persistent. Tel est le fau-
bourg Saint-Germain : auprès des plus
somptueux hôtels débouchent des rues et
des cours où s'entassent des smalas
d'humbles travailleurs : marchands des
quatre-saisons, cantonniers, balayeurs,
chiffonniers, couturières, brocanteurs,
savetiers, ete., etc. Ce rapprochement
profite à tout le monde, aux « grands »
comme aux petits, au patriciat comme à
la plèbe. Une catastrophe inattendue
frappe-t-elle quelque membre de la
misérable tribu? L'opulent voisin, averti
par la rumeur publique, se trouve obligé
d'exercer des vertus qui, sans ce salutaire
voisinage, seraient peut-être restées
sans emploi. Des détresses insoupçonnées
se révèlent à ses regards et le détournent
d'un divertissement qui l'aurait peut-être
dégradé. Son âme, aveulie par la jouis
sance du bien-être, se relève et se re-
trempei Que d'oisifs un opportun contact
avec le pauvre a sauvés de la corruption
et peut-être préservés de la chute ! Les
humbles ne tirent pas un moindre béné
fice de ces relatioiis cordiales. Entre voi
sins tout se sait et tout s'ébruité, et com
me les épreuves morales iî'épaxg ne ut pas
plus le millionnaire que les mC-P^iants,
les petits, initiés âiii deuils de leuT. s
protecteurs, se' sentent moins enclins à
jalouser une richesse qui ne garantit pais
de la foudre. Un apaisement se fait dans
les cœurs les plus aigris : on finit par
plaindre ces pauvres riches qui souvent
connaissent encore mieux que nous tou
tes les amertumes de la vie, toutës les
tristesses de l'ingratitude, et toutes les
hontes de là déchéance morale...
D'où vient le socialisme ? Précisément
de l'ignorance de ces. misères. Le sec
taire s'acharne contre le fantôme d'une
félicité menteuse. Mais le riche ne favo-
rise-t-il pas lui-même tout lé.. premier
cette ignorance et cette acrimonie en
s'isolantde plus en plus des classes infé
rieures, en se claquemurant dans des
quartiers et dans de» villes où les petites
gens ne peuvent ni le coudoyer, ni même
le voir? Gette tendance s'accuse sur
tout chez les peuples sortis de l'Eglise;
Quelle clientèle a fait et fait encore la
fortune de Nice, de Monte-Carlo, de
Cannes, de Menton et de tous ces edens
de la « côte d'azur » où l'on va chercher
l'oubli des tristesses humaines ? La clien
tèle anglaise, américaine, allemande et
russe. Pendant nombre d'années, seules
les «hautes classes » des Etats-Unis, de la
Grande-Bretagne et de la Russie vinrent
promener leurs fainéantes sollicitudes
sur le sable irisé du golfe de la Napoule,
à l'ombre des pics de l'Esterel. Le Fran
çais arriva le dernier. Encore alléguait-
il l'excuse— fort légitime d'ailleurs —
d'un mal à soulager ou à guérir. Il lui
semblait qu'en refusant de prendre sa
part des rigueurs hivërnales, il commet
tait une lâcheté. Ne laissait-il point alors
en pleine lutte des compagnons de
route sans fortune et des frères, malheu
reux qui comptaient sur son aide pour
« gravir le rude sentier » ?
On ne transgresse jamais impunément
une loi divine. Rebelle au devoir social,
le riche oisif qui déserte le champ de
bataille des misères humaines pour se
livrer exclusivement à « la joie de vivre »
ne tarde pas à subir le châtiment de son
infidélité. L'ennui, — cette puissance mal
faisante qu'il voulait exorciser, — ne le
lâche plus et le soleil qui fait flamber l'a
zur de lamerMéditerranée n'illumine que
le cimetière de ses illusions mortes. Un
jeune écrivain,un poète d'un beau talént,
à la palette vive, M.Pierre Jay, a eu le
courage de signaler ce désenchantement
et cette désolation. Autant la « côte d'a
zur » se montre secourable et propice,
souriante et maternelle aux honnêtes
gens qui se contentent d'aller chercher le
calme et le repos dans ses criques de la
Théoule et de Saint-Honorat, autant elle
dupe,, autant elle leurre les hôtes des
plages mondaines. « Rien n' égale la sensa
tion de navrance et d'écœurement qui se
dégage — nous dit M. Pierre Jay — de
la noce internationale où défilent... des
jeunes gens aux boutonnières fleuries,
roses et gras ! Nice ! Il faut en avoir en
trevu les bas fonds soùs les splendeurs
incomparables de son ciel bleu, en avoir
longé les égouts à travers ses jardins d'o
rangers... On a couvert d'une prairie
«plendide, d'un square suspendu, chargé
de palmiers et de lauriers roses, l'infect
ruisseau du Paillon.
« Mais dissimuler le grand collecteur
cosmopolite qui charrie ses ordures hu
maines de l'avenue de la Gare à la pro
menade des Anglais est une tâche qu'au
cune municipalité n'accomplira jamais.
Le Paillon noie son flot cadavéreux dans
les nappes azurées de la baie des Anges.
Les pompes funèbres escamotent l'ense
velissement des morts, et jamais un cer
cueil n'assombrit de son drap funéraire et
de ses larmes d'argent la fête du soleil et
du ciel bleu.Mais les pavés,les terrasses,
les pelouses, les escaliers de marbre, les
fleurs, là mer elle-même, frissonnante
d'azur et embrasée, ne peuvent dépouil
ler le morne caractère de prostitution qui
les pénètre et les pourrit. Les deux ville?
du littoral qui n'ont pas voyilu sacrifier
aux grâces faciles et qui restent enfer
mées dans leur aristocratique réserve ne
valent guère mieux (1). »
Ne jalousons donc pas les sybarites et
les viveurs qui se dirigent, dès les der
niers jours de novembre, vers le littoral
enchanté ou les blocs de porphyre des
caps profilent, sous les morsures du so-
leiîdécembral,leurs silhouettes bleuâtres.
S'il est vrai que la création — selon le
mot admirable de Saint-Grégoire de
Nysse, — est un vase où Dieu a déposé
le parfum de ses attributs, il n'est que
trop vrai, hélas ! aussi, que l'homme
peut faire'de cette urne un infect cloaque*
C'est notre privilège d'imprimer notre
empreinte à tout ce qui nous entoure. Si
la nature flamboie pour ainsi dire sous
le regard d'une conscience pure, le pé
ché, en revanche, la voile d'un crêpe de
deuil. « L'homme, dit Novalis, est avec la
nature dans des relations aussi variées
que celles qu'il entretient avec ses sem
blables, et comme elle se met à la portée
des enfants, de même elle se montre su
blime aux esprits élevés, divine aux êtres
divins et morne aux pervers. » Que les
honnêtes gens ne regrettent donc pas
trop de ne pouvoir contempler, au mois
de janvier, les baies parfumées où le
soleil éclabousse d'or les balcons des vil
las ; la luxure a flétri l'éblouissement de
ces rivages. Ici, dans nos brouillards
glacés, ruisselle une invisible lumière.
Si le soleil avare de nivôse n'allume pas
ses rayons au-dessus de nos têtes, il em
brase du moins de ses feux les cœurs.
Oscar H avard.
LETTRES DE POLOGNE
15 janvier 1897.
L'année nouvelle commence sous de
favorables auspices pour les Polonais
soumis à la Russie. Après vous avoir
tant de fois entretenu de leur position
désespérée, il n'est que juste de vous
transmettre l'écho des espérances que
fait naître le règne nouveau. Le jeune
tsar agit avec prudence ; il n'a garde de
condamner par des démarches éclatant
tes la politique de son père et de son
grand-père. Mais petit » petit, sous une
impulsion nouvelle, d'anciennes vexa
tions disparaissent, tombent eil désué
tude, nous laissent entrevoir plus de Jus
tice dans l'avenir. Le changement s'ae-
centue surtout dans la presse russe, qui,
hier encore, se refusait à prononcer le
nom ihême de Pologne, à jamais rayé de
là liste des vivants. Les fonctionnaires et
les journalistes avaient imaginé une dé
nomination fantaisiste, appelant tour à
tour le lambeau de Pologne échu parle
partage à la Russie, soit pays vistulien,
soit provinces occidentales de l'Empire.
;I1 était défendu d'évoquer la morte, de
rappeler le fantôme enseveli sans re
tour. Il se produit en ce moment ûne
réaction inattendue, aussi bien dans les
salons et dans les cercles de la société
russe, que dans la presse tout entière.
On n'entend plus parler que d'entente
cordiale, de modus Vivendi, de^ conces
sions nécessaires, d'invitations à se ten
dre la main. Comme je viens de le dire,
ce mouvement est jusqu'ici plutôt à l'état
latent qu'actif, le jeune tsar Xie désavoue
rien, ne se prononce point, n'effâce ni
ne révoque aucun des ukases paternels»
Mais chaque journée apporte soit quel j
que adoucissement, soit quelque nouvelle
espérance. Je vous ai dit déjà combien
les catholiques polonais sont heureux
de pouvoir bâtir ou rebâtir à volonté
leurs églises, sans avoir à rechercher
pour cela l'autorisation des gouverneurs,
qui, depuis plusieurs années, refusaient
la plupart du temps leur consentement
ou faisaient traîner en longueur chaque
décision de ce genre.
Déjà nous avons vu plusieurs d'entre
nos évêques ou membres du haut clergé
se rendre en pèlerinage au tombeau des
apôtres et aux pieds du Souverain Pon
tife, ce qui leur avait été refusé pendant
tant d'années. D'autre part, les curés et
vicaires qui ne pouvaient jusqu'ici quit
ter leur paroisse, même pour aller se
confesser à quelque confrère voisin, sans
demander préalablements de passeports
délivrés ou refusés par l'autorité civile,
jouiront dorénavant de plus de liberté de
mouvement, n'étant plus astreints à cette
mesure rigoureuse. On parle également
de lever les lourdes contributions, qui de
puis l'année 1863 n'avaient cessé de pe
ser sur les propriétaires fonciers des
provinces orientales de l'ancienne Polo
gne. On se prend à espérer que l'oukase
Si sévère qui depuis la même époque in
terdit à tout catholique polonais d'ache
ter des terres ou même d'en hériter dans
l'enceinte des mêmes provinces, finira
également par être abandonné. Déjà
quelques voix autorisées s'élèvent contre
le système inique introduit dans les éco
les de Pologne, où l'enseignement russe
prime tout, interdisant aux enfants jus
qu'à l'usage de leur langue maternelle
dans leurs conversations mutuelles. La
nomination du prince Imérétynski au
poste de général gouverneur de Varsovie
semble confirmer les espérances qui s'é
veillent de toute part. On dit que c'est un
homme juste, étranger aux haines de
race, disposé à'faire droit aux justes ré
clamations des opprimés.
Jusqu'ici, le changement de régime
est imperceptible, mais cependant il
(1) Le Chemin de la Méditerranée, par
Pierre Jay, Nice 1897.
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