Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1897-01-06
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 janvier 1897 06 janvier 1897
Description : 1897/01/06 (Numéro 10581). 1897/01/06 (Numéro 10581).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
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ANNONCES /
MM. LAGRÂNGE, CERF et O, 6, place de la Bourse
PARIS, 5 JANVIER 1897
SOMMAIRE
Ï j 6 jubilé du Vœu
national F rançois V euillot.
L'élection de Brest. E. V.
Renan et Anatole
France ». A. A iihjepersb.
Lettre d'Orient..... A ltoman.
Lettre du village... A.-J. B essières.
Correspondance ro
maine..... ***.
Le chant religieux. L 'abbé V antroys.
Nouvelles agricoles. A. de V illiers db
L'I sle- A dàm.
. Bulletin du jour. — Premier aveu — L'ar
rivée de Mgr Clari. — Informations po
litiques et parlementaires. — Tonkin. —
A travers la presse, -r Erratum. — Chro
nique. t — Lettres, sciences et arts. —
)Ue souvenir de Tabarka. — La question
ouvrière. — Anniversaire de la bataille
de Bapaume. — Echos de partout. — Dé
pêches del'étranger. — Actes officiels. —
Guèrre et marine. — Nécrologie. — Tri
bunaux. — Les vols sacrilèges. — Nou
velles diverses. — Dernière heure. — Ca
lendrier. — Bourse et bulletin financier.
Il JUBILÉ DU ïiU MOMt
Le soir du 31 décembre, au Sacré-
Cœur de Montmartre, un millier
d'hommes étaient réunis. Une céré
monie touchante et solennelle avait
lieu dans la puissante basilique, il
luminée par le doux éclat des cier
ges, au sein de la nuit qui l'environ
nait. Une pensée très belle et très
pieuse avait voulu que les derniers
moments de l'année finissante, en
ÇQ temple vénéré» fussent donnés au
Sacré-Cœur de Jésus : on implorait
son pardon sur les crimes commis
pendant ces douze mois ; on offrait
a ce cœur infiniment bon, pour
tous les bienfaits répandus par Lui
sur la France, un nommage d'a
mour et de gratitude. Et la même
pensée avait voulu aussi qu'aux pre
miers instants de l'année nouvelle,
au seuil de cet avenir tout rempli
des mystérieux desseins de la Pro
vidence, un élan de prière implo
rât sur notre pays les bénédictions
çtles clartés aeDieu.
Ainsi fut célébrée la cérémonie,
très émouvante, au milieu d'un pro
fond recueillement. AvanJ; minuit,
©n chanta d'abord un cantique au
Sacré-Cœur de Jésus ; puis, en ■ di
verses allocutions, remplies de son
éloquence imprégnée d'amour et
de foi, le R. P. Ténières invita l'as
semblée ^ à déposer aux pieds de
Notre-Seigneur l'adoration, le re
pentir et la reconnaissance. Et ces
mille chrétiens — parmi lesquels
sè pressaient, nombreux, ces « pau
vres » généreux et patients, dont les
zélés chapelains de la basilique
élèvent le cœur et soulagent le
corps entonnèrent fortement,
d'une voix pleine et grave, et l'Ado-
remus qui se prosterne et le Miserere
qui supplie et le Te Deum qui rend
grâces. En vérité, ce spectacle était
grand ; la sainte Hostie, dans la
gloire dorée de l'ostensoir, au mi
lieu de l'auréole flamboyante des
cires allumées, resplendissait sur
l'autel; l'écho des chants sacrés se
heurtait aux piliers vigoureux; on
se sentait en présence de Dieu.
Le silence, à minuit, eut plus d'é
loquence encore,et jeta plus d'émo
tion; Le silence, en effet, régnait
dans la basilique, à l'instant même
où l'horloge sonna les douze coups
qui marquaient,àlafois,la fin d'une
année morte et la naissance d'une
année nouvelle. Il semblait vraiment
que l'on sentît, d'une façon presque
physique et matérielle, le passage
du temps. Ce grand silence, au mi
lieu de la nuit, dans la basilique où
veillait la prière au-dessus de la
ville endormie ; cette idée qu'on fi
nissait de vivre une année, marquée
d'un chiffre à jamais disparu ; ce
sentiment que ron s'enfonçait dans
une nouvelle série de jours, pleins
d'inconnu; tout cet ensemble d'im-
{tressions et de pensées eût pénétré
e fcœur, eût secoué l'esprit d'un
indifférent. Que dire du chrétien,
et du chrétien à genoux devant Dieu,
qui voit s'échapper de ses mains et
fuir dans le néant, cette année —
bien pauvre, hélas ! en nobles ac
tions et en grandes vertus, et tou
jours trop alourdie de mal, —• cette
année, ce long espace de temps,
que Dieu lui avait remis pour mé
riter le ciel ; du chrétien, qui voit
s'ouvrir devant ses pas ce nou
veau délai de grâce,; cTont peut-être
il ne connaîtra point la nn, ni le
milieu. Un sceptique ou un esprit
calculateur et froid aura beau soute
nir,en alarmant de la sèche et maus
sade réalité, que rien ne marque,
en fait, le crépuscule et l'aube des
années; que les douze coups de mi
nuit ne sonnent pas différemment,
entre la Saint-Silvestre et la Cir
concision qu'entre tous les jours de
l'année, et qu'enfin l'impression que
nous en recevons estpurement ima-
ginative.». il peut avoir raison ; mais
est certain qu'il a tort !...
Après que chacun des mille.as
sistants eut silencieusement, dans
le fond de son âme, avec une ar*
dente et pieuse ferveur* consacré-,
pour lui, pour les siens ët pour
son paysjr&hhêë nouvelle au Cœur
très sacré de Jésus, le Veni Creator,
montant sous la voûte sacrée, im
plora le secours et la protection du
Saint Esprits Enfin, quand une allo
cution dernière feUtéleVê vers Dieu
îles êSprlts et les cœurs, le Vœu na
tional, répété au seuil de l'an nou
veau, par ces mille voix qu'un seul
souffle animait* tePmîna la céré
monie, si simple et si grande à la
fois. Cependant, le R. P. Lemius,
dont très volontiers nous dirions à
nouveau les hautes qualités* si les
lecteurs de ce joUrnàl avaient encore
besoin d'en être instruits, le R. P.
Lemius ne voulut point laisser par
tir les assistants sans les convier
— en termes puissants et chaleu
reux,que trouvait sa vigoureuse élo
quence en un cœur plein de zèle et
d'ardeur pour Celui de Jésus, — à
revenir, tous, à la solennité du
17 janvier prochain.
Nous avons annoncé déjà cette
cérémonie, ce jubilé du Vœu na
tional» cette fête grandiose en l'hon-
HBUr du vingt-cinquième anniver
saire* dfFJûurîiBémoTable ou le car
dinal Guibert sanctionna le vœu de
la France au Sacré-Cœur de Jésus.
Nous avons publié l'appel commu
niqué aux journaux, lancé à travers
le pays, voici plus de huit jours,
par la supérieur des chapelains de
Montmartre ; on a lu, avant-hier, la
Lettre pastorale écrite à cette occa
sion par le cardinal Richard, avec
son onction pénétrante et sa piété
{irofonde ; on connait maintenant
'ordre et la disposition des fêtes
qui seront célébrées, le 17 janvier
Çrochain, dans l'auguste basilique.
outefois, nous n'attendrons pas ce
jour prochain,pour reparler encore
à nos lecteurs de. cette incompa
rable solennité, dont la portée sur
naturelle est très haute et dont le
souvenir, pour employer une ex
pression du R. P. Lemius, «devra
rester comme une espérance ». Il y
a trop à dire, en effet, d'une telle
cérémonie, pour que les bornes res-
sserrées d'un seul article y suffisent.
Aujourd'hui, nous voulons surtout,
j , :~ j»a
auprès de nos amis, servir d'écho à
l'éloquent rendez-vous que, dans la
nuit au premier janvier, donnait le
supérieur des chapelains de Mont
martre à tous les fidèles dévots du
Sacré-Cœur de Jésus.
La convocation ne s'adressait,
dans l'instant même où elle était
prononcéè, qu'aux mille assistants
qui montaient leur garde d'honneur,
comme à la porte de l'an nouveau,
auprès du Très Saint-Sacrement.
Mais ces mille étaient les repré
sentants de tous ceux qui, dans
la France, {appuyés fermement sur
les promesses au cœur de Jésus,
ont la profonde et inébranlable
conviction que le salut de notre pa
trie doit nous venir par* ce Cœur
adorable et] infiniment miséricor
dieux. Et ceux-là, c'est la foule,
immense encore aujourd'hui, Dieu
merci, des [chrétiens pratiquants.
A tous, on a demande leur pré
sence ou leur concours à la céré
monie de ce jubilé, vraiment natio
nal. Et tous auront à cœur d'ap
porter l'un ou l'autre. Et tous ceux
qui n'auront point, devant leur cons
cience, une suffisante raison de ne
pas venir à Montmartre, en ce grand
jour, tiendront à monter sur la
sainte colline.
Il suffit, en effet, de se souvenir
que Notre-Seigneur a demandé for
mellement la consécration de la
France à son Cœur très sacré ; il
suffit de considérer que, le 17 jan
vier prochain, ce sera, par ses re
présentants venus de tous les points
du pays, délégués par tous les corps
sociaux, envoyés au Parlement par
les électeurs chrétiens, nommés par
toutes les œuvres et par toutes les
classes, que ce sera la France ca
tholique elle-même, en vérité, qui
viendra se consacrer à Notre-Sei
gneur; qui viendra renouveler, à
ses [pieds, le vœu d'édifier en fa
veur de son divin Cœur le temple
national dont il a daigné nous
exprimer le désir; —il suffit d'u
nir ce souvenir et cette réflexion,
pour concevoir la haute impor
tance d'une cérémonie pareille.
Et riën n'est plus propre, assuré
ment, que cette manifestation de la
France catholique, pour rapprocher
le jour, éternellement marqué dans
les desseins secrets- de la Provi
dence, où les désirs du Sacré-Cœur
seront satisfaits par la France offi
cielle ! Il est donc urgent qu'une
telle manifestation, patriotique et
religieuse à la fois, soit vraiment
revêtue, par le nombre de ceux qui
y prendront part, d'un caractère im
posant et grandiose. Et, nous en
avons la confiance, il en sera ainsi.
François Veuillot.
BULLETIN DU JOUR
Mgr Claris % ftemmu nvnce ën "
Ffânce, est arrivé ce ma.tin h, Paris. ■/
L'incident qui s'est produit entre le
maire de Nice et le préfet dès Alpes-
Maritimes à l'occasion du jour de l'an
n'est pas encore terminé. On en trouvera
plus loin les détails-.
On prétend — mais ce n'est qu'un
bruit — que M. Constans, battu à Tou
louse, au scrutin de dimanche, songe
rait. à se.présenter à la dëputatioii. Par
contre, M. Cot, député de Béziers, qui
.s'est présenté avant-hier aux élections
séna toriales et n'a pas été élu, serait dé
cidé à donner sa démission. La même
cause ne produit donc pas toujours le
tnêfne effet.
MM. Denarié, radical, et Forni, répu
blicain, sont candidats à l'élection légis
lative qui aura lieu le 2k janvier dam
V arrondis sentent d'Albertville, pour élire
un député en remplacement de M.
Berthet, républicain, ;décédé.
Hier a été publié à Rome le texte du
traité de paix italo-abyssin : il est con
forme au texte déjà, publié le 15 novem
bre d'après une dépêche.
Le major Neratzini, le négociateur
de ce traité, est arrivé à Borne avec le
premier convoi de prisonniers italiens
libérés.
. D'aprÀs.- le Times, k la. firu de.. dé-,
cembre, l'ambassadeur de Russie à
Constantinople aurait présenté à la
Sublime Porte une note rédigée en
termes énergiques, d'accord avec les
représentants des autres puissances.
Les dépêches de la Havane annon
cent que diverses bandes d'insurgés
ont été dispersées avec de grandes per
tes et que les révolutionnaires seraient
en désaccord complet sur le choix des
successeurs à donner à Maceo.
——•—>—— .
L'ÉLECTION DE BREST
Mgr de Cabrières, auquel la
candidature avait été offerte de
nouveau et, cette fois, par unedé-
putation d'ecclésiastiques de la
troisième circonscription, a répondu
à ces instances par la dépêche sui
vante adressée à M. le comte de
Bourmont:
Montpellier 7281. 49. 3. 6 h. 55 s.
Veuillez faire savoir que, très sensible
aux démarches dont on m'a honoré, je
maintiens cependant, de façon absolue
et irrévocable, la résolution de ne pas
accepter la candidature.
Respectueux remerciements.
A. de C abrière s.
L'Autorité, qui publie cette dé
pêche, ajoute qu'on ne croit pas au
maintien de la candidature du P.
Charmetant et elle en conclut que
M. de Blois sera seul candidat.
L'Autorité est trop prompte à
transformer ses désirs. en réalités.
Nous n'avons pas appris que le P.
Charmetant veuille retirer sa can
didature et nous savons que les
électeurs, désireux "d'avoir pour dé
puté un évêque ou un simple ecclé
siastique, n'ont pas abandonné leur
idée. Nous croyons qu'une réunion
prochaine le prouvera.
En même temps que Y Autorité
annonce comme probable la retraite
du P. Charmetant, la Libre Parole
donne comme certain le succès de
cette candidature et s'en réjouit.
L'article est de M. Drumont en per
sonne qui, nécessairement, y rai
sonne et y déraisonne avec un égal
sans-gêne et aussi une égale auto
rité. Il ne manque pas, par exem
ple, d'y répéter qu'il respecte le
Pape et que le Pape, en ce qui tou
che la France, ne sait pas ce qu'il
fait. Il lui accorde d'ailleurs de
bonnes intentions et plaide en sa
faveur avec décousu et désinvol
ture les circonstances atténuantes.
Et nul moyen de mettre en doute
que par ce langage et cette attitude
M. Drumont ne plaise beaucoup à ses
amis les réfractaires. C'est d'ailleurs
ce qu'il veut.
E. V.
Nous disions,, hier, que les radi
caux et socialistes, après avoir
bruyamment triomphé des élections
sénatoriales, ne. tarderaient pas à
déchanter, et se retrancheraient
derrière le peu d'importance d'une,
consultation de cet ordre.
Voici que cela commence. On se
proclame toujours vainqueur, mais
on ajoute, entre deux cris de vic
toire, que même si l'on était battu,
cela ne signifierait rien du tout,
puisqu'il ne s'agit que du « suffrage
restreint ».
Et Rochefort s'exprime ainsi dans
l'Intransigeant :
Si le suffrage restreint fonctionnant
dans le tiers de la France représentait, à
lui seul, tout le pays, les ministériels
n'auraient déjà pas beaucoup à se félici-
liter : les radicaux leur enlevant onze
nouveaux sièges, parmi. lesquels deux
qu'occupaient Constans et Hébrard dans
la Haute-Garonne, et un à Oonstantine,
enfin arrachée au joug des phosphateux
de tout acabit.
Mais il faut chercher jusqu'aux bran
ches les plus pourries, dans l'espoir de
s'y raccrocher, pour donner à cette con
sultation partielle une importance plébis
citaire. Depuis quand le Sénat, dont
nous n'avons cessé de réclamer l'aboli
tion, a-t-il le droit d'arborer d'aussi vas-
; teB prétentions ?
N'est-ce point, exactement, le lan
gage, que nous avions annoncé?
LE T. H. FRÈRE JOSEPH
Les obsèques du T. II. Frère Jo
seph auront lieu à Paris, jeudi ma
tin à lOheures, en l'église de Saint-
François-Xavier. La messe sera
dite par Mgr Péchenard, recteur
de l'Institut catholique. S. Em. le
cardinal Richard assistera à la cé
rémonie funèbre et donnera l'ab
soute.
De nombreux témoignages de
sympathie continuent oarriver au
siège de l'Institut. M. Te vice-recr
teur de l'Académie, M. le ministre
de l'instruction publique et M. le
président de la République ont fait
exprimer aux Frèrès leurs senti
ments de condoléance.
RENAN ET ANATOLE FRANCE
Le nouvel académicien, M. Ana-
jfolft^fiance, ne s'est pas bori^é à l'é-
^gé traditionnel de son prédéces
seur; il a eu un souvenir significa
tif pour « l'immortel » mort qui reçut
M. de Lesseps. Il faut dire que
cet immortel était M. Renan, et
M. France devait bien un hommage
à son patron intellectuel. Ils appar
tiennent, en effet,, tous les deux, à la
même catégorie d'écrivains dange
reux, à la même classe d'athées,
agréablement grimés et costumés.
On sait que Renan s'était fait une
conception du monde qui rend logi-
3uement raison de la complexité
u personnage et qui explique ce
perpétuel balancement du oui et du
non, ces innombrables « que sais-
je? » et ces pullulations de « peut-
etre » dont ses œuvres sont rem
plies. La négation du Dieu person
nel, créateur et régulateur des cho
ses, était à la base du système. Le
monde, existant ainsi par lui-même,
allait se développant en une évolu
tion qui avait ses lois que Renan .dé
clarait ignorer et un but final qu'il
proclamait ne pas connaître davan
tage. Dès lors, les éléments de toute
nature qui concourent à l'universel
mouvement étaient des agents dont
il se gardait de juger l'action.
Conclusion : dans l'ordre intellec
tuel, sobriété extrême d'affirma
tions : dites que cela paraît être,
mais rarement que cela est ; dans
l'ordre moral, réserve presque ab
solue au point de vue de la critique
ou du blâme : inclinez-vous devant
ce que le langage commun appelle
vertu, car vous ne savez pas si ce
n'est point un rouage important de
la grande machine, mais ne vous
avisez pas, iion plus, de condamner
des genres de vie qualifiés de vi
cieux, car l'homme qui les pratique
est peut-être un sage et n'a fait que
se dégager d'un rôle de dupe. Donc,
à l'occasion, on criera à l'ascète,
même catholique : « Courage! je
vous admire; vous êtes ce que je
connais de plus respectable dans
l'humanité, » mais à la jeunesse,
réunie en banquet, on enseignera :
« Mes amis, amusez-vous, c'est le
meilleur moyen de prendre la vie. »
Et pour son compte, le maître la
prendra, bien : entendu, au gré de
ses goûts et de sa fantaisie.
M. Anatole France qui, jeune
homme, avait cherché sans la dé
couvrir, en se promenant sous les
ombrages du Luxembourg,l'explica
tion du monde, a fait plus tard cette
trouvaille. Sa philosophie est pro
che parente de celle de Renan. Ce
lui-ci donne un peu plus à l'objectif;
l'autre, au subjectif. D'après M.
France, le monde n'est qu'un as
semblage de phénomènes, la vie un
perpétuel écoulement ; il est, lui, le
contemplateur. Le spectacle se dé
roule et, au passage, il ne l'étudié
pas, il ne le juge pas, il le sent, et il
exprime ses sentiments. Il se vante
de n'être conduit que par le senti
ment du beau; point d'autre lu
mière, ni d'autre guide. Il estime
que le bon critique est celui qui ra
conte les aventures de son âme au
milieu des chefs -d'œuvre. Mora
liste, il professe que la pensée porte
en elle-même sa légitimité et qu'elle
plane au-dessus de toutes les mo
rales. En unmot, M. Anatole France
est pour M. Anatale France la règle
unique du vrai, du bien et du beau.
La grande affirmatrice de la vé
rité et du devoir, c'est l'Eglise ca
tholique. Aussi, ni Renan, ni M.
France ne peuvent-ils la rencontrer
sans la traiter en ennemie, chacun
suivant les procédés qui lui sont
spéciaux. Leurs ouvrages présen
tent ce danger, entre plusieurs au
tres. Mais plus étendu et plus grave
est le mal causé par leur système
philosophique. Sous cette forme,
très simplifiée : « Rien n'est certain
ni en doctrine, ni en morale ; vivons
comme il nous plaira, » on sait si les
adeptes lui font défaut !
Cela n'a pas empêché Renan de
mourir doté de rentes et'd'honneurs,
ni Anatole . France d'être appelé
dans le Sénat littéraire. Il y â des
méfaits qui mènent en-prison, d'au
tres aux bonnes places ; expliquer
cette différence dasuccès serait long
pour aujourd'hui. ■
A. Aigueperse.
L'ARRIVEE DE 1" CLARI
Nonce apostolique.
S. Exc. Mgr Clari, nonce aposto
lique, est arrivé, ce matin, à sept
heures, à Paris.
Parti de Rome, dimanche soir,
Mgr Clari a supporté ce long voyage
sans aucune fatigue.
S. Exc. Mgr Clari a été reçu, à la
gare de Lyon, par Mgr Celli, audi
teur et par Mgr Morosini^ secré
taire de fa nonciature.
Le nonce est accompagné à Paris
par M. l'abbé Gagliardini, son secré
taire particulier.
Sous quelques} jours, ^'introduc
teur des ambassadeurs viendra pré
senter ses hommages à Mgr t Clari
et se mettre à sa disposition pour
le règlement des audiences offi
cielles qui auront lieu, très proba
blement, la semaine prochaine, au
ministère des affaires étrangères et
à la présidence.
Une personne qui assistait à l'ar
rivée de Mgr Clari à la Nonciature
nous fait ce portrait du nouveau
nonce :
« Il est de taille moyenne ; son re
gard est à la fois vif et reposé. Ses
manières sont des plus sympathi
ques ; sa courtoisie et son urbanité,
exquises. Mgr Clari montre une
très grande affection pour la
France. »
Après avoir déjeuné avec son se
crétaire et quelques personnes de
sa suite, Mgr Clari a pris, cette
après-midi, quelque repos.
Vers deux heures, beaucoup de
personnes faisaient remettre leurs
cartes^ rue de Varennes 58.
Mais aujourd'hui aucune récep
tion officielle, ainsi que nous le di
sions plus haut, n'a eu lieu.
; ; : 4 :
lETTREjyOÏSlEOT
Le conflit du patriarchat de Constan
tinople avec la Serbie.
Belgrade, 26 décembre.
La lutte qui vient de s'engager entre
le patriarchat œcuménique d'une part et
la Serbie et le Monténégro de l'autre
restera un précieux document historique
pour l'évolution de l'Eglise d'Orient. Elle
donnera de nouveaux arguments à tous
ceux qui, depuis longtemps, sont per
suadés que l'état d'anarchie religieuse,
au delà de l'Adriatique,est insupportable.
Les faits que j'ai à vous exposeront de
nature à intéresser le public français ; le
nôtre, spécialement, qui est si préoccupé
de la grande affaire de l'union des
Eglises.
Vous savez que le patriarchat de Cons
tantinople, oubliant son prétendu carac
tère « œcuménique » c'est-à-dire univer
sel, s'est fait l'instrument aveugle de la
propagande nationale grecque au détri
ment des droits des nationalités serbe et
bulgare. Il en était ainsi du temps de
l'empire serbe — puissant état qui à la
fin du XIV e siècle, s'étendait du Danube
à l'Adriatique et à l'Archipel. — Après la
chute de Constantinople (1453), cet état
de choses ne fit que s'aggraver. Le pa
triarchat continua à placer sur les sièges
épiscopaux de la Serbie et de la Bulgarie
des évêques grecs du Fanar ; ceux-ci,
gens avides et intrigants,rançonnaient la
population indigène pour se rembourser
de l'argent que leur avait coûté leur no
mination. -
Ils obligeaient leurs diocésains à en
tendre la liturgie en langue grecque.
Délivrées du joug turc> la Serbie et la
Bulgarie s'émancipèrent de la tutelle
ecclésiastique de Constantinople. Mal
heureusement le fléau fanariote s'abattit
sur les éparchies soumises au gouverne
ment ottoman, sur la Bosnie et l'Herzé
govine et sur l'ancienne Serbie qui com
prend les vilayets de Kossovo et de
Monastir. On sait qu'après de longues
luttes et à la suite des démarches col
lectives de la Russie, de la Serbie et du
Monténégro, le patriarchat finit par céder
dans l'affaire du siège métropolitain de
Prizrend qui fut occupé par Mgr Dyoni-
sios, serbe de nationalité. Evidemment
ce ne fut qu'après que la .Sublime Porte
eut envoyé un ultimatum au patriarchat
— comme preuve de l'indépendance ab
solue de cetie Eglise « apostolique » !
Tout était pour le mieux, lorsque il y a
trois semaines à peu près un nouveau et
redoutable conflit vint à éclater entre la
propagande grecque et la Serbie ou plu
tôt, la Serbie et le Monténégro.
A Ushub (en serbe,Shoplyé), ville très
importante du vilayet (gouvernement) de
Kossovo et ancienne résidence des sou
verains serbes, meurt le métropolite Mé-
todius, serbe de nationalité. Le synode
du patriarchat se rassemble en hâte, et
malgré les assurances données par le
patriarche Antymios aux ministres de
Serbie et de Monténégro, MM. Georgye-
vitch et Bakitch,Mt au siège métropo
litain d'Uskub un grec avide et fanatique
nommé Ambrosius.
Cette élection anticanonique fut pré
cédée d'un dialogue entre le patriarche
et le ministre de Serbie,digne d'un vaude
ville. Le lendemain du décès du métro
polite Métodius , M. Vladan Georgyevitch
courut au Patriarchat. Mgr Antymios
lui répondit qu'il n'avait reçu aucune
nouvelle de la mort de l'excellent prélat.
Le ministre revint au bout de trois heu "
res. Cette fois le patriarche lui répondit :
« Oui nous venons d'apprendre le doulou
reux événement ; nous procéderons mardi
prochain à l'élection canonique » En
même temps, Mgr Antymios lui promit
d'élire ausiège d'Uskub leprotosyngelios
(vicaire-général) de feu le métropolite,
un certain Nikiforos serbe de nationalité.;
Le ministre de Serbie se déclara satisfait
et partit. Hélas ! tout n'était gue vaines
promesses.
Ce fut un lundi au lieu d'un mardi
qu'on procéda à l'élection clandestine
ment. Vous pouvez vous imaginer la fi
gure des représentants des deux Etats
serbes et de la Russie elle-même quand
le patriarche leur notifia l'élection d'un
Grec de mauvaise réputation. Les jour
naux serbes sont d'ailleurs pleins d'anec
dotes sur le sans-façon dont le patriar
che Antymios traite les représentants de
la Serbie et du Monténégro. L 'ironie et la
ruse byzantines s'étalent au grand jour
et d'une façon humiliante pour les Etats
slaves qui croient naïvement en la sainte
Eglise œcuménique de Constantinople !
Voici un exemple de cette naïveté.
M. Georgevitch vient au patriarchat et il
demande d'un ton sévère pourquoi on a
pris une résolution contraire aux pro
messes de la veille. « Sa Sainteté » An-<
tymios répond d'un air inconscient : « Je
vous ai promis, peut-être bien, mais je
suis vieux et je l'ai oublié. Quelle mé
moire excellente vous avez ! Il n'y a pas
à dire, vous êtes un jeune homme en
core ! » Et M. Georgevitch s'en va con
tent du certificat de jeunesse (il a 50 ans)
que le patriarche lui a délivré. Après le
départ du ministre de Serbie arrive, M.
Bahitch, le ministre du Monténégro, qui
fait son entrée en criant : « Vous me
« trompez, Très Saint Patriarche, je ne
« franchirai plus jamais le seuil du pa-
« triarchat, je négocierai directement
« avec la Sublime Porte etc. » « Inu
tile, lui répond Sa Sainteté en souriant
(il n'a plus l'air inconscient de tout à
l'heure) on voit bien que voua êtes
« Monténégrin, feu et flamme comme
« tous vos compatriotes. Vous êtes un .
a digne représentant de notre état. J'aime
« à vous voir. Revenez souvent. »
Et M. Bakitch sort heureux du compli
ment fait à l'orgueil de ses compa
triotes.
La farce du patriarchat fut saluée par
une explosion d'indignation dans les pays
serbes. A Ushub le peuple serbe fit chan
ter par le protosyngelios la liturgie en
langue paléo-slave, chassa la poignéô de
Grecs de l'église et se prépara à la résis
tance. L'évêque nouvellement élu riposta
en faisant apposer les scellés sur la porte
de la cathédrale. Le peuple se rassembla
et brisa solennellement les scellés. L'au
torité turque dut intervenir et le pacha
d'Uskub dut procéder à une nouvelle ap
position de scellés, qui furent cette fois
respectés. Ce fut en petit une répétition
des combats autour du Saint Sépulcre ;
et les nizams turcs, en montant la garde
devant la cathédrale d'Uskub, pouvaient
dire de nouveau : « Ils s'aiment bien
entre eux, ces Nazaréens !»
En attendant, des nombreux meetings
en Serbie flétriren t l'acte arbitraire de
l'évêque de Constantinople et l'on vota
des résolutions du genre de celle-ci,
adoptée par les citoyens de la ville de
Vranya : « Le patriarchat, par l'élection
de M. Ambrosius ausiège métropolitain
d'Uskub, a perdu le droit de s'appeler
Œcuménique. »
Il paraît que les ministres de Serbie et
du Monténégro ont menacé le patriarche
de faire schisme. Quoi qu'il en soit, la
situation est très tendue et elle acquiert
une gravité exceptionnelle en face des
mouvements révolutionnaires çui^ sillon
nent l'empire ottoman de Scutarià Cons
tantinople. Un journal de Belgrade le
Hajdouk^Velyho, dans son numéro
du 13 décembre, vient de publier des do
cuments très intéressants sur la question
religieuse aux Balkans et des réflexions
très sensées signées Un ancien diplo
mate.
D'une note adressée èri 1869 par la ré
gence de la principauté à son représen
tant à Constantinople, je vous détache
les passages suivants : « Il nous a été fa
cile de prouver aux patriarches œucumé-
nique qui ont siégé depuis dix,, ans à
Constantinople » écrit M. Ristitch, l'au
teur de ce mémoire important, « qu'à l'é
poque où nous vivons la science reli
gieuse ( sic !) doit être comme toute autre
accessible au peuple et que, pour attein
dre ce but, il faut s'adresser à lui dans la
langue qu'il comprend et par l'organe
des hommes tirés de son sein ; que le
rêve de la domination d'une nationalité
sur l'autre non seulement ne fait que
produire entre les peuples un antago
nisme regrettable en les affaiblissant,
mais encore n'a aucune chance de se réa
liser. »
Malheureusement nous avons depuis
assez longtemps perdu l'espoir de voir
nos recommandations écoutées. Il s'agis-
§ait cette année-là d'un conflit ecclésias
tique serbo-bulgare. Le patriarchat pro
tégeait les Bulgares contre les Serbes,
comme aujourd'hui les Grecs.
Et l'ultimatum déguisé de M. Ristitch
qui va suivre pourrait bien s'appliquer
au cas actuel qui révèle la même situa
tion à Constantinople et la même disso
lution des liens hiérarchiques entre les
nations orthodoxes. « Si donc l'on de
mande la restauration du droit de l'E
glise bulgare », continue l'ancien régent,
« la Serbie à son tour doit demander la
restauration du même droit pour tout le
peuple serbe, etparconséquent il faudrait
que toutes les éparchies des anciennes
provinces serbes rentrassent sous la ju
ridiction du chef de l'Eglise serbe déjà
reconnue'dans la principauté.
.« Aussi longtemps que ce droit impres
criptible du peuple serbe rie pourra être
reconnu, il faut désirer que les ancien
nes éparchies serbes restent en commu
nion avec la patriarchie de Constantino
ple. Dans ce cas Sa Sainteté ne pourra
agir dans l'intérêt del'Eglise-et du peuple
qu'en lui envoyant exclusivement des
pasteurs serbes de naissance, pour éviter
PARIS
et départements
Un Mï.i* 40 A
Six mois.....,, 21 »
Trois mois.,... 11 »
ETRANGER
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51 • .
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L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressés
ANNONCES /
MM. LAGRÂNGE, CERF et O, 6, place de la Bourse
PARIS, 5 JANVIER 1897
SOMMAIRE
Ï j 6 jubilé du Vœu
national F rançois V euillot.
L'élection de Brest. E. V.
Renan et Anatole
France ». A. A iihjepersb.
Lettre d'Orient..... A ltoman.
Lettre du village... A.-J. B essières.
Correspondance ro
maine..... ***.
Le chant religieux. L 'abbé V antroys.
Nouvelles agricoles. A. de V illiers db
L'I sle- A dàm.
. Bulletin du jour. — Premier aveu — L'ar
rivée de Mgr Clari. — Informations po
litiques et parlementaires. — Tonkin. —
A travers la presse, -r Erratum. — Chro
nique. t — Lettres, sciences et arts. —
)Ue souvenir de Tabarka. — La question
ouvrière. — Anniversaire de la bataille
de Bapaume. — Echos de partout. — Dé
pêches del'étranger. — Actes officiels. —
Guèrre et marine. — Nécrologie. — Tri
bunaux. — Les vols sacrilèges. — Nou
velles diverses. — Dernière heure. — Ca
lendrier. — Bourse et bulletin financier.
Il JUBILÉ DU ïiU MOMt
Le soir du 31 décembre, au Sacré-
Cœur de Montmartre, un millier
d'hommes étaient réunis. Une céré
monie touchante et solennelle avait
lieu dans la puissante basilique, il
luminée par le doux éclat des cier
ges, au sein de la nuit qui l'environ
nait. Une pensée très belle et très
pieuse avait voulu que les derniers
moments de l'année finissante, en
ÇQ temple vénéré» fussent donnés au
Sacré-Cœur de Jésus : on implorait
son pardon sur les crimes commis
pendant ces douze mois ; on offrait
a ce cœur infiniment bon, pour
tous les bienfaits répandus par Lui
sur la France, un nommage d'a
mour et de gratitude. Et la même
pensée avait voulu aussi qu'aux pre
miers instants de l'année nouvelle,
au seuil de cet avenir tout rempli
des mystérieux desseins de la Pro
vidence, un élan de prière implo
rât sur notre pays les bénédictions
çtles clartés aeDieu.
Ainsi fut célébrée la cérémonie,
très émouvante, au milieu d'un pro
fond recueillement. AvanJ; minuit,
©n chanta d'abord un cantique au
Sacré-Cœur de Jésus ; puis, en ■ di
verses allocutions, remplies de son
éloquence imprégnée d'amour et
de foi, le R. P. Ténières invita l'as
semblée ^ à déposer aux pieds de
Notre-Seigneur l'adoration, le re
pentir et la reconnaissance. Et ces
mille chrétiens — parmi lesquels
sè pressaient, nombreux, ces « pau
vres » généreux et patients, dont les
zélés chapelains de la basilique
élèvent le cœur et soulagent le
corps entonnèrent fortement,
d'une voix pleine et grave, et l'Ado-
remus qui se prosterne et le Miserere
qui supplie et le Te Deum qui rend
grâces. En vérité, ce spectacle était
grand ; la sainte Hostie, dans la
gloire dorée de l'ostensoir, au mi
lieu de l'auréole flamboyante des
cires allumées, resplendissait sur
l'autel; l'écho des chants sacrés se
heurtait aux piliers vigoureux; on
se sentait en présence de Dieu.
Le silence, à minuit, eut plus d'é
loquence encore,et jeta plus d'émo
tion; Le silence, en effet, régnait
dans la basilique, à l'instant même
où l'horloge sonna les douze coups
qui marquaient,àlafois,la fin d'une
année morte et la naissance d'une
année nouvelle. Il semblait vraiment
que l'on sentît, d'une façon presque
physique et matérielle, le passage
du temps. Ce grand silence, au mi
lieu de la nuit, dans la basilique où
veillait la prière au-dessus de la
ville endormie ; cette idée qu'on fi
nissait de vivre une année, marquée
d'un chiffre à jamais disparu ; ce
sentiment que ron s'enfonçait dans
une nouvelle série de jours, pleins
d'inconnu; tout cet ensemble d'im-
{tressions et de pensées eût pénétré
e fcœur, eût secoué l'esprit d'un
indifférent. Que dire du chrétien,
et du chrétien à genoux devant Dieu,
qui voit s'échapper de ses mains et
fuir dans le néant, cette année —
bien pauvre, hélas ! en nobles ac
tions et en grandes vertus, et tou
jours trop alourdie de mal, —• cette
année, ce long espace de temps,
que Dieu lui avait remis pour mé
riter le ciel ; du chrétien, qui voit
s'ouvrir devant ses pas ce nou
veau délai de grâce,; cTont peut-être
il ne connaîtra point la nn, ni le
milieu. Un sceptique ou un esprit
calculateur et froid aura beau soute
nir,en alarmant de la sèche et maus
sade réalité, que rien ne marque,
en fait, le crépuscule et l'aube des
années; que les douze coups de mi
nuit ne sonnent pas différemment,
entre la Saint-Silvestre et la Cir
concision qu'entre tous les jours de
l'année, et qu'enfin l'impression que
nous en recevons estpurement ima-
ginative.». il peut avoir raison ; mais
est certain qu'il a tort !...
Après que chacun des mille.as
sistants eut silencieusement, dans
le fond de son âme, avec une ar*
dente et pieuse ferveur* consacré-,
pour lui, pour les siens ët pour
son paysjr&hhêë nouvelle au Cœur
très sacré de Jésus, le Veni Creator,
montant sous la voûte sacrée, im
plora le secours et la protection du
Saint Esprits Enfin, quand une allo
cution dernière feUtéleVê vers Dieu
îles êSprlts et les cœurs, le Vœu na
tional, répété au seuil de l'an nou
veau, par ces mille voix qu'un seul
souffle animait* tePmîna la céré
monie, si simple et si grande à la
fois. Cependant, le R. P. Lemius,
dont très volontiers nous dirions à
nouveau les hautes qualités* si les
lecteurs de ce joUrnàl avaient encore
besoin d'en être instruits, le R. P.
Lemius ne voulut point laisser par
tir les assistants sans les convier
— en termes puissants et chaleu
reux,que trouvait sa vigoureuse élo
quence en un cœur plein de zèle et
d'ardeur pour Celui de Jésus, — à
revenir, tous, à la solennité du
17 janvier prochain.
Nous avons annoncé déjà cette
cérémonie, ce jubilé du Vœu na
tional» cette fête grandiose en l'hon-
HBUr du vingt-cinquième anniver
saire* dfFJûurîiBémoTable ou le car
dinal Guibert sanctionna le vœu de
la France au Sacré-Cœur de Jésus.
Nous avons publié l'appel commu
niqué aux journaux, lancé à travers
le pays, voici plus de huit jours,
par la supérieur des chapelains de
Montmartre ; on a lu, avant-hier, la
Lettre pastorale écrite à cette occa
sion par le cardinal Richard, avec
son onction pénétrante et sa piété
{irofonde ; on connait maintenant
'ordre et la disposition des fêtes
qui seront célébrées, le 17 janvier
Çrochain, dans l'auguste basilique.
outefois, nous n'attendrons pas ce
jour prochain,pour reparler encore
à nos lecteurs de. cette incompa
rable solennité, dont la portée sur
naturelle est très haute et dont le
souvenir, pour employer une ex
pression du R. P. Lemius, «devra
rester comme une espérance ». Il y
a trop à dire, en effet, d'une telle
cérémonie, pour que les bornes res-
sserrées d'un seul article y suffisent.
Aujourd'hui, nous voulons surtout,
j , :~ j»a
auprès de nos amis, servir d'écho à
l'éloquent rendez-vous que, dans la
nuit au premier janvier, donnait le
supérieur des chapelains de Mont
martre à tous les fidèles dévots du
Sacré-Cœur de Jésus.
La convocation ne s'adressait,
dans l'instant même où elle était
prononcéè, qu'aux mille assistants
qui montaient leur garde d'honneur,
comme à la porte de l'an nouveau,
auprès du Très Saint-Sacrement.
Mais ces mille étaient les repré
sentants de tous ceux qui, dans
la France, {appuyés fermement sur
les promesses au cœur de Jésus,
ont la profonde et inébranlable
conviction que le salut de notre pa
trie doit nous venir par* ce Cœur
adorable et] infiniment miséricor
dieux. Et ceux-là, c'est la foule,
immense encore aujourd'hui, Dieu
merci, des [chrétiens pratiquants.
A tous, on a demande leur pré
sence ou leur concours à la céré
monie de ce jubilé, vraiment natio
nal. Et tous auront à cœur d'ap
porter l'un ou l'autre. Et tous ceux
qui n'auront point, devant leur cons
cience, une suffisante raison de ne
pas venir à Montmartre, en ce grand
jour, tiendront à monter sur la
sainte colline.
Il suffit, en effet, de se souvenir
que Notre-Seigneur a demandé for
mellement la consécration de la
France à son Cœur très sacré ; il
suffit de considérer que, le 17 jan
vier prochain, ce sera, par ses re
présentants venus de tous les points
du pays, délégués par tous les corps
sociaux, envoyés au Parlement par
les électeurs chrétiens, nommés par
toutes les œuvres et par toutes les
classes, que ce sera la France ca
tholique elle-même, en vérité, qui
viendra se consacrer à Notre-Sei
gneur; qui viendra renouveler, à
ses [pieds, le vœu d'édifier en fa
veur de son divin Cœur le temple
national dont il a daigné nous
exprimer le désir; —il suffit d'u
nir ce souvenir et cette réflexion,
pour concevoir la haute impor
tance d'une cérémonie pareille.
Et riën n'est plus propre, assuré
ment, que cette manifestation de la
France catholique, pour rapprocher
le jour, éternellement marqué dans
les desseins secrets- de la Provi
dence, où les désirs du Sacré-Cœur
seront satisfaits par la France offi
cielle ! Il est donc urgent qu'une
telle manifestation, patriotique et
religieuse à la fois, soit vraiment
revêtue, par le nombre de ceux qui
y prendront part, d'un caractère im
posant et grandiose. Et, nous en
avons la confiance, il en sera ainsi.
François Veuillot.
BULLETIN DU JOUR
Mgr Claris % ftemmu nvnce ën "
Ffânce, est arrivé ce ma.tin h, Paris. ■/
L'incident qui s'est produit entre le
maire de Nice et le préfet dès Alpes-
Maritimes à l'occasion du jour de l'an
n'est pas encore terminé. On en trouvera
plus loin les détails-.
On prétend — mais ce n'est qu'un
bruit — que M. Constans, battu à Tou
louse, au scrutin de dimanche, songe
rait. à se.présenter à la dëputatioii. Par
contre, M. Cot, député de Béziers, qui
.s'est présenté avant-hier aux élections
séna toriales et n'a pas été élu, serait dé
cidé à donner sa démission. La même
cause ne produit donc pas toujours le
tnêfne effet.
MM. Denarié, radical, et Forni, répu
blicain, sont candidats à l'élection légis
lative qui aura lieu le 2k janvier dam
V arrondis sentent d'Albertville, pour élire
un député en remplacement de M.
Berthet, républicain, ;décédé.
Hier a été publié à Rome le texte du
traité de paix italo-abyssin : il est con
forme au texte déjà, publié le 15 novem
bre d'après une dépêche.
Le major Neratzini, le négociateur
de ce traité, est arrivé à Borne avec le
premier convoi de prisonniers italiens
libérés.
. D'aprÀs.- le Times, k la. firu de.. dé-,
cembre, l'ambassadeur de Russie à
Constantinople aurait présenté à la
Sublime Porte une note rédigée en
termes énergiques, d'accord avec les
représentants des autres puissances.
Les dépêches de la Havane annon
cent que diverses bandes d'insurgés
ont été dispersées avec de grandes per
tes et que les révolutionnaires seraient
en désaccord complet sur le choix des
successeurs à donner à Maceo.
——•—>—— .
L'ÉLECTION DE BREST
Mgr de Cabrières, auquel la
candidature avait été offerte de
nouveau et, cette fois, par unedé-
putation d'ecclésiastiques de la
troisième circonscription, a répondu
à ces instances par la dépêche sui
vante adressée à M. le comte de
Bourmont:
Montpellier 7281. 49. 3. 6 h. 55 s.
Veuillez faire savoir que, très sensible
aux démarches dont on m'a honoré, je
maintiens cependant, de façon absolue
et irrévocable, la résolution de ne pas
accepter la candidature.
Respectueux remerciements.
A. de C abrière s.
L'Autorité, qui publie cette dé
pêche, ajoute qu'on ne croit pas au
maintien de la candidature du P.
Charmetant et elle en conclut que
M. de Blois sera seul candidat.
L'Autorité est trop prompte à
transformer ses désirs. en réalités.
Nous n'avons pas appris que le P.
Charmetant veuille retirer sa can
didature et nous savons que les
électeurs, désireux "d'avoir pour dé
puté un évêque ou un simple ecclé
siastique, n'ont pas abandonné leur
idée. Nous croyons qu'une réunion
prochaine le prouvera.
En même temps que Y Autorité
annonce comme probable la retraite
du P. Charmetant, la Libre Parole
donne comme certain le succès de
cette candidature et s'en réjouit.
L'article est de M. Drumont en per
sonne qui, nécessairement, y rai
sonne et y déraisonne avec un égal
sans-gêne et aussi une égale auto
rité. Il ne manque pas, par exem
ple, d'y répéter qu'il respecte le
Pape et que le Pape, en ce qui tou
che la France, ne sait pas ce qu'il
fait. Il lui accorde d'ailleurs de
bonnes intentions et plaide en sa
faveur avec décousu et désinvol
ture les circonstances atténuantes.
Et nul moyen de mettre en doute
que par ce langage et cette attitude
M. Drumont ne plaise beaucoup à ses
amis les réfractaires. C'est d'ailleurs
ce qu'il veut.
E. V.
Nous disions,, hier, que les radi
caux et socialistes, après avoir
bruyamment triomphé des élections
sénatoriales, ne. tarderaient pas à
déchanter, et se retrancheraient
derrière le peu d'importance d'une,
consultation de cet ordre.
Voici que cela commence. On se
proclame toujours vainqueur, mais
on ajoute, entre deux cris de vic
toire, que même si l'on était battu,
cela ne signifierait rien du tout,
puisqu'il ne s'agit que du « suffrage
restreint ».
Et Rochefort s'exprime ainsi dans
l'Intransigeant :
Si le suffrage restreint fonctionnant
dans le tiers de la France représentait, à
lui seul, tout le pays, les ministériels
n'auraient déjà pas beaucoup à se félici-
liter : les radicaux leur enlevant onze
nouveaux sièges, parmi. lesquels deux
qu'occupaient Constans et Hébrard dans
la Haute-Garonne, et un à Oonstantine,
enfin arrachée au joug des phosphateux
de tout acabit.
Mais il faut chercher jusqu'aux bran
ches les plus pourries, dans l'espoir de
s'y raccrocher, pour donner à cette con
sultation partielle une importance plébis
citaire. Depuis quand le Sénat, dont
nous n'avons cessé de réclamer l'aboli
tion, a-t-il le droit d'arborer d'aussi vas-
; teB prétentions ?
N'est-ce point, exactement, le lan
gage, que nous avions annoncé?
LE T. H. FRÈRE JOSEPH
Les obsèques du T. II. Frère Jo
seph auront lieu à Paris, jeudi ma
tin à lOheures, en l'église de Saint-
François-Xavier. La messe sera
dite par Mgr Péchenard, recteur
de l'Institut catholique. S. Em. le
cardinal Richard assistera à la cé
rémonie funèbre et donnera l'ab
soute.
De nombreux témoignages de
sympathie continuent oarriver au
siège de l'Institut. M. Te vice-recr
teur de l'Académie, M. le ministre
de l'instruction publique et M. le
président de la République ont fait
exprimer aux Frèrès leurs senti
ments de condoléance.
RENAN ET ANATOLE FRANCE
Le nouvel académicien, M. Ana-
jfolft^fiance, ne s'est pas bori^é à l'é-
^gé traditionnel de son prédéces
seur; il a eu un souvenir significa
tif pour « l'immortel » mort qui reçut
M. de Lesseps. Il faut dire que
cet immortel était M. Renan, et
M. France devait bien un hommage
à son patron intellectuel. Ils appar
tiennent, en effet,, tous les deux, à la
même catégorie d'écrivains dange
reux, à la même classe d'athées,
agréablement grimés et costumés.
On sait que Renan s'était fait une
conception du monde qui rend logi-
3uement raison de la complexité
u personnage et qui explique ce
perpétuel balancement du oui et du
non, ces innombrables « que sais-
je? » et ces pullulations de « peut-
etre » dont ses œuvres sont rem
plies. La négation du Dieu person
nel, créateur et régulateur des cho
ses, était à la base du système. Le
monde, existant ainsi par lui-même,
allait se développant en une évolu
tion qui avait ses lois que Renan .dé
clarait ignorer et un but final qu'il
proclamait ne pas connaître davan
tage. Dès lors, les éléments de toute
nature qui concourent à l'universel
mouvement étaient des agents dont
il se gardait de juger l'action.
Conclusion : dans l'ordre intellec
tuel, sobriété extrême d'affirma
tions : dites que cela paraît être,
mais rarement que cela est ; dans
l'ordre moral, réserve presque ab
solue au point de vue de la critique
ou du blâme : inclinez-vous devant
ce que le langage commun appelle
vertu, car vous ne savez pas si ce
n'est point un rouage important de
la grande machine, mais ne vous
avisez pas, iion plus, de condamner
des genres de vie qualifiés de vi
cieux, car l'homme qui les pratique
est peut-être un sage et n'a fait que
se dégager d'un rôle de dupe. Donc,
à l'occasion, on criera à l'ascète,
même catholique : « Courage! je
vous admire; vous êtes ce que je
connais de plus respectable dans
l'humanité, » mais à la jeunesse,
réunie en banquet, on enseignera :
« Mes amis, amusez-vous, c'est le
meilleur moyen de prendre la vie. »
Et pour son compte, le maître la
prendra, bien : entendu, au gré de
ses goûts et de sa fantaisie.
M. Anatole France qui, jeune
homme, avait cherché sans la dé
couvrir, en se promenant sous les
ombrages du Luxembourg,l'explica
tion du monde, a fait plus tard cette
trouvaille. Sa philosophie est pro
che parente de celle de Renan. Ce
lui-ci donne un peu plus à l'objectif;
l'autre, au subjectif. D'après M.
France, le monde n'est qu'un as
semblage de phénomènes, la vie un
perpétuel écoulement ; il est, lui, le
contemplateur. Le spectacle se dé
roule et, au passage, il ne l'étudié
pas, il ne le juge pas, il le sent, et il
exprime ses sentiments. Il se vante
de n'être conduit que par le senti
ment du beau; point d'autre lu
mière, ni d'autre guide. Il estime
que le bon critique est celui qui ra
conte les aventures de son âme au
milieu des chefs -d'œuvre. Mora
liste, il professe que la pensée porte
en elle-même sa légitimité et qu'elle
plane au-dessus de toutes les mo
rales. En unmot, M. Anatole France
est pour M. Anatale France la règle
unique du vrai, du bien et du beau.
La grande affirmatrice de la vé
rité et du devoir, c'est l'Eglise ca
tholique. Aussi, ni Renan, ni M.
France ne peuvent-ils la rencontrer
sans la traiter en ennemie, chacun
suivant les procédés qui lui sont
spéciaux. Leurs ouvrages présen
tent ce danger, entre plusieurs au
tres. Mais plus étendu et plus grave
est le mal causé par leur système
philosophique. Sous cette forme,
très simplifiée : « Rien n'est certain
ni en doctrine, ni en morale ; vivons
comme il nous plaira, » on sait si les
adeptes lui font défaut !
Cela n'a pas empêché Renan de
mourir doté de rentes et'd'honneurs,
ni Anatole . France d'être appelé
dans le Sénat littéraire. Il y â des
méfaits qui mènent en-prison, d'au
tres aux bonnes places ; expliquer
cette différence dasuccès serait long
pour aujourd'hui. ■
A. Aigueperse.
L'ARRIVEE DE 1" CLARI
Nonce apostolique.
S. Exc. Mgr Clari, nonce aposto
lique, est arrivé, ce matin, à sept
heures, à Paris.
Parti de Rome, dimanche soir,
Mgr Clari a supporté ce long voyage
sans aucune fatigue.
S. Exc. Mgr Clari a été reçu, à la
gare de Lyon, par Mgr Celli, audi
teur et par Mgr Morosini^ secré
taire de fa nonciature.
Le nonce est accompagné à Paris
par M. l'abbé Gagliardini, son secré
taire particulier.
Sous quelques} jours, ^'introduc
teur des ambassadeurs viendra pré
senter ses hommages à Mgr t Clari
et se mettre à sa disposition pour
le règlement des audiences offi
cielles qui auront lieu, très proba
blement, la semaine prochaine, au
ministère des affaires étrangères et
à la présidence.
Une personne qui assistait à l'ar
rivée de Mgr Clari à la Nonciature
nous fait ce portrait du nouveau
nonce :
« Il est de taille moyenne ; son re
gard est à la fois vif et reposé. Ses
manières sont des plus sympathi
ques ; sa courtoisie et son urbanité,
exquises. Mgr Clari montre une
très grande affection pour la
France. »
Après avoir déjeuné avec son se
crétaire et quelques personnes de
sa suite, Mgr Clari a pris, cette
après-midi, quelque repos.
Vers deux heures, beaucoup de
personnes faisaient remettre leurs
cartes^ rue de Varennes 58.
Mais aujourd'hui aucune récep
tion officielle, ainsi que nous le di
sions plus haut, n'a eu lieu.
; ; : 4 :
lETTREjyOÏSlEOT
Le conflit du patriarchat de Constan
tinople avec la Serbie.
Belgrade, 26 décembre.
La lutte qui vient de s'engager entre
le patriarchat œcuménique d'une part et
la Serbie et le Monténégro de l'autre
restera un précieux document historique
pour l'évolution de l'Eglise d'Orient. Elle
donnera de nouveaux arguments à tous
ceux qui, depuis longtemps, sont per
suadés que l'état d'anarchie religieuse,
au delà de l'Adriatique,est insupportable.
Les faits que j'ai à vous exposeront de
nature à intéresser le public français ; le
nôtre, spécialement, qui est si préoccupé
de la grande affaire de l'union des
Eglises.
Vous savez que le patriarchat de Cons
tantinople, oubliant son prétendu carac
tère « œcuménique » c'est-à-dire univer
sel, s'est fait l'instrument aveugle de la
propagande nationale grecque au détri
ment des droits des nationalités serbe et
bulgare. Il en était ainsi du temps de
l'empire serbe — puissant état qui à la
fin du XIV e siècle, s'étendait du Danube
à l'Adriatique et à l'Archipel. — Après la
chute de Constantinople (1453), cet état
de choses ne fit que s'aggraver. Le pa
triarchat continua à placer sur les sièges
épiscopaux de la Serbie et de la Bulgarie
des évêques grecs du Fanar ; ceux-ci,
gens avides et intrigants,rançonnaient la
population indigène pour se rembourser
de l'argent que leur avait coûté leur no
mination. -
Ils obligeaient leurs diocésains à en
tendre la liturgie en langue grecque.
Délivrées du joug turc> la Serbie et la
Bulgarie s'émancipèrent de la tutelle
ecclésiastique de Constantinople. Mal
heureusement le fléau fanariote s'abattit
sur les éparchies soumises au gouverne
ment ottoman, sur la Bosnie et l'Herzé
govine et sur l'ancienne Serbie qui com
prend les vilayets de Kossovo et de
Monastir. On sait qu'après de longues
luttes et à la suite des démarches col
lectives de la Russie, de la Serbie et du
Monténégro, le patriarchat finit par céder
dans l'affaire du siège métropolitain de
Prizrend qui fut occupé par Mgr Dyoni-
sios, serbe de nationalité. Evidemment
ce ne fut qu'après que la .Sublime Porte
eut envoyé un ultimatum au patriarchat
— comme preuve de l'indépendance ab
solue de cetie Eglise « apostolique » !
Tout était pour le mieux, lorsque il y a
trois semaines à peu près un nouveau et
redoutable conflit vint à éclater entre la
propagande grecque et la Serbie ou plu
tôt, la Serbie et le Monténégro.
A Ushub (en serbe,Shoplyé), ville très
importante du vilayet (gouvernement) de
Kossovo et ancienne résidence des sou
verains serbes, meurt le métropolite Mé-
todius, serbe de nationalité. Le synode
du patriarchat se rassemble en hâte, et
malgré les assurances données par le
patriarche Antymios aux ministres de
Serbie et de Monténégro, MM. Georgye-
vitch et Bakitch,Mt au siège métropo
litain d'Uskub un grec avide et fanatique
nommé Ambrosius.
Cette élection anticanonique fut pré
cédée d'un dialogue entre le patriarche
et le ministre de Serbie,digne d'un vaude
ville. Le lendemain du décès du métro
polite Métodius , M. Vladan Georgyevitch
courut au Patriarchat. Mgr Antymios
lui répondit qu'il n'avait reçu aucune
nouvelle de la mort de l'excellent prélat.
Le ministre revint au bout de trois heu "
res. Cette fois le patriarche lui répondit :
« Oui nous venons d'apprendre le doulou
reux événement ; nous procéderons mardi
prochain à l'élection canonique » En
même temps, Mgr Antymios lui promit
d'élire ausiège d'Uskub leprotosyngelios
(vicaire-général) de feu le métropolite,
un certain Nikiforos serbe de nationalité.;
Le ministre de Serbie se déclara satisfait
et partit. Hélas ! tout n'était gue vaines
promesses.
Ce fut un lundi au lieu d'un mardi
qu'on procéda à l'élection clandestine
ment. Vous pouvez vous imaginer la fi
gure des représentants des deux Etats
serbes et de la Russie elle-même quand
le patriarche leur notifia l'élection d'un
Grec de mauvaise réputation. Les jour
naux serbes sont d'ailleurs pleins d'anec
dotes sur le sans-façon dont le patriar
che Antymios traite les représentants de
la Serbie et du Monténégro. L 'ironie et la
ruse byzantines s'étalent au grand jour
et d'une façon humiliante pour les Etats
slaves qui croient naïvement en la sainte
Eglise œcuménique de Constantinople !
Voici un exemple de cette naïveté.
M. Georgevitch vient au patriarchat et il
demande d'un ton sévère pourquoi on a
pris une résolution contraire aux pro
messes de la veille. « Sa Sainteté » An-<
tymios répond d'un air inconscient : « Je
vous ai promis, peut-être bien, mais je
suis vieux et je l'ai oublié. Quelle mé
moire excellente vous avez ! Il n'y a pas
à dire, vous êtes un jeune homme en
core ! » Et M. Georgevitch s'en va con
tent du certificat de jeunesse (il a 50 ans)
que le patriarche lui a délivré. Après le
départ du ministre de Serbie arrive, M.
Bahitch, le ministre du Monténégro, qui
fait son entrée en criant : « Vous me
« trompez, Très Saint Patriarche, je ne
« franchirai plus jamais le seuil du pa-
« triarchat, je négocierai directement
« avec la Sublime Porte etc. » « Inu
tile, lui répond Sa Sainteté en souriant
(il n'a plus l'air inconscient de tout à
l'heure) on voit bien que voua êtes
« Monténégrin, feu et flamme comme
« tous vos compatriotes. Vous êtes un .
a digne représentant de notre état. J'aime
« à vous voir. Revenez souvent. »
Et M. Bakitch sort heureux du compli
ment fait à l'orgueil de ses compa
triotes.
La farce du patriarchat fut saluée par
une explosion d'indignation dans les pays
serbes. A Ushub le peuple serbe fit chan
ter par le protosyngelios la liturgie en
langue paléo-slave, chassa la poignéô de
Grecs de l'église et se prépara à la résis
tance. L'évêque nouvellement élu riposta
en faisant apposer les scellés sur la porte
de la cathédrale. Le peuple se rassembla
et brisa solennellement les scellés. L'au
torité turque dut intervenir et le pacha
d'Uskub dut procéder à une nouvelle ap
position de scellés, qui furent cette fois
respectés. Ce fut en petit une répétition
des combats autour du Saint Sépulcre ;
et les nizams turcs, en montant la garde
devant la cathédrale d'Uskub, pouvaient
dire de nouveau : « Ils s'aiment bien
entre eux, ces Nazaréens !»
En attendant, des nombreux meetings
en Serbie flétriren t l'acte arbitraire de
l'évêque de Constantinople et l'on vota
des résolutions du genre de celle-ci,
adoptée par les citoyens de la ville de
Vranya : « Le patriarchat, par l'élection
de M. Ambrosius ausiège métropolitain
d'Uskub, a perdu le droit de s'appeler
Œcuménique. »
Il paraît que les ministres de Serbie et
du Monténégro ont menacé le patriarche
de faire schisme. Quoi qu'il en soit, la
situation est très tendue et elle acquiert
une gravité exceptionnelle en face des
mouvements révolutionnaires çui^ sillon
nent l'empire ottoman de Scutarià Cons
tantinople. Un journal de Belgrade le
Hajdouk^Velyho, dans son numéro
du 13 décembre, vient de publier des do
cuments très intéressants sur la question
religieuse aux Balkans et des réflexions
très sensées signées Un ancien diplo
mate.
D'une note adressée èri 1869 par la ré
gence de la principauté à son représen
tant à Constantinople, je vous détache
les passages suivants : « Il nous a été fa
cile de prouver aux patriarches œucumé-
nique qui ont siégé depuis dix,, ans à
Constantinople » écrit M. Ristitch, l'au
teur de ce mémoire important, « qu'à l'é
poque où nous vivons la science reli
gieuse ( sic !) doit être comme toute autre
accessible au peuple et que, pour attein
dre ce but, il faut s'adresser à lui dans la
langue qu'il comprend et par l'organe
des hommes tirés de son sein ; que le
rêve de la domination d'une nationalité
sur l'autre non seulement ne fait que
produire entre les peuples un antago
nisme regrettable en les affaiblissant,
mais encore n'a aucune chance de se réa
liser. »
Malheureusement nous avons depuis
assez longtemps perdu l'espoir de voir
nos recommandations écoutées. Il s'agis-
§ait cette année-là d'un conflit ecclésias
tique serbo-bulgare. Le patriarchat pro
tégeait les Bulgares contre les Serbes,
comme aujourd'hui les Grecs.
Et l'ultimatum déguisé de M. Ristitch
qui va suivre pourrait bien s'appliquer
au cas actuel qui révèle la même situa
tion à Constantinople et la même disso
lution des liens hiérarchiques entre les
nations orthodoxes. « Si donc l'on de
mande la restauration du droit de l'E
glise bulgare », continue l'ancien régent,
« la Serbie à son tour doit demander la
restauration du même droit pour tout le
peuple serbe, etparconséquent il faudrait
que toutes les éparchies des anciennes
provinces serbes rentrassent sous la ju
ridiction du chef de l'Eglise serbe déjà
reconnue'dans la principauté.
.« Aussi longtemps que ce droit impres
criptible du peuple serbe rie pourra être
reconnu, il faut désirer que les ancien
nes éparchies serbes restent en commu
nion avec la patriarchie de Constantino
ple. Dans ce cas Sa Sainteté ne pourra
agir dans l'intérêt del'Eglise-et du peuple
qu'en lui envoyant exclusivement des
pasteurs serbes de naissance, pour éviter
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