Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1896-11-10
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 novembre 1896 10 novembre 1896
Description : 1896/11/10 (Numéro 10526). 1896/11/10 (Numéro 10526).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 10 Novembre 1896
Edition Quotidlenae. — 10,S2ô
—M—■—BW—i—l
Mardi 10 Novembre 1896.
ÉDITION QUOTIDIENNE
PARIS . ÉTRANGER
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PARIS, 9 NOVEMBRE 18ÇG
SOMMAIRE
M. de Bismarck et
l'alliance franco-
russe
M. Léo Taxil au con
grès de Trente...
A nos amis..........
M. l'abbé Barbin et
M. Lasserre...
Le congrès de Saint-
Denis
A travers Paris re
ligieux.
Nouvelles agricoles.
-Variétés : Souvenirs-
: du maréchal de Cas-
tellanç,.....
f. Levé.
Eugène Veuillot.
E. V.
Eugène Veùillot.
J. V.
Edouard Alexandre
A. de Villiers de
L'Isle-Adam. '
geoffroy dte grand-
. maison. '
Bulletin du jour. — Entêtement. ■— Les
obsèques de Mgr d'Hulst. — La santé du
cardinal Boyer. — Informations. — Les
élections sénatoriales. — Le fisc et les
congrégations. — A propos du congrès
de Lyon. — À Madagascar. — A travers la
presse. — Chronique. — Lettres^ sciences
et arts,'— La question ouvrière.— Etran-
, ger. —Echos. — Nécrologie. —Guerre et
marine.— Tribunaux,. — Nouvelles di
verses. -T- Dernière heure. — Tableau et
.bulletin de la Bourse.
M, DE BISMARCK
ET L'ALLIANCE FRANCO-RUSSE
Les révélations des Hamburger
Nachrichteh au sujet des relations
de l'empire allemand avec laRussie,
durant les dernières années du
règne de M. de Bismarck, ne nous
semblent avoir ni l'importance di
plomatique ni l'intérêt historique
que paraissent leur reconnaître les
commentaires prolongés dont elles
sont l'objet dans la presse allemande
et autrichienne. Ces prétendues ré
vélations n'ont vraiment que la va
leur d'une apologie rétrospective, à
la fois équivoque et personnelle,
ayant surtout pour objet d'établir
que M. de Bismarck n'a aucune res
ponsabilité dans le fait de l'alliance
franco-russe.
Cette tentative est audacieuèe, car
l'histoire, si nous ne nous trompons,
dira au contraire que M. de Bis
marck en doit être considéré comme
le principal auteur, puisque c'est sa
politique qui l'a successivement ren
due nécessaire d'abord pour là
France et ensuite pour la Russie.
Quand, en 1875, la France a pu
craindre de se voir tout à coup sur-
{>risepar une nouvelle invasion,sous
e.seul prétexte que son relèvement
se faisait trop vite et portait om
brage à, l'Allemagne, elle a dû cher
cher un appui, un peu coûte que
c.o.ûte, du côté de la seule puissance
qui pût avoir intérêt à contenir les
prétentions devenues exorbitantes
de rhégémonie germanique.
Quand, quelques années plus tard,,
là Russie, à son tour, se vit arra
cher au congrès de Berlin, sous la
pression du prince de Bismarck,
une grande partie dés. fruits de la
guerre d'Orient et du traité de San
Stefano, elle comprit qu'une alliance
lui était nécessaire pour le cas, où il
lui faudrait tenir tête à la coalition
récemment nouée, et spécialement
menaçante pour elle, de l'Allema
gne et de l'Autriche-Hongrie.
• Cette dernière puissance, en effet,
venaitde se lier d'une façon étroite
avec l'Allemagne, au moment même
où elle recevait* par le traité de
Berlin, le droit d'occuper à titre ré
gulier deux provinces turques : la
Bosnie et l'Herzégovine. Cette com
binaison diplomatique et territo
riale qui faisait de l'Autriche la ri
vale immédiate de . la Russie dans la
péninsule, des Balkans est l'un des
actes diplomatiques les plus consi
dérables de ce temps-ci; c'est bien
l'œuvre voulue et savamment calcu
lée de M. de Bismarck.
La Russie comprit alors qu'outre
les oppositions internationales, plus
ou moins lôintàinès, qui surveil-v
laient ses visées en Orient, il lui
faudrait compter . désormais avec
les prétentions voisines et singu
lièrement accrues de l'Autriche-
Ilongrie, directement intéressée
à lui barrer la route de Çonstan-
tinople, à lui disputer la clientèle
et la suzeraineté morale des peu
ples slaves de la péninsule des Bal- :
kans, et peut-être même , secrète
ment résolue, à la gagner de
vitesse pour atteindre, de ce côté,
elle aussi, les rivages de la Méditer
ranée..
Dans cette nouvelle carrière ou
verte tout à coup au génie politique
et. à l'activité des hommes d'Etat de
pouvait compter sur l'appuide l'Al
lemagne, enchantée de-brider par
les mains d'autrui l'ambition russe;
l'Autriche d'ailleurs ne travaillerait
pas pour ses seuls intérêts,mais de
viendrait comme l'avant-garde. de
l'influencé et de la civilisation ger
manique dans l'Europe orientale.
Il y a certenement quelque chose
de hardi et de grand dans cette
conception politique •; qui semble
avoir' éteint toute pensée de revan
che des désastres de Sadowa, et
qui a réussi à tourner l'Autriche du
côté du Bosphore.
Quoi qu'il en soit, c'est une évolu
tion politique internationale grosse
.de conséquences pour tout l'en
semble de questions, complexes que
l'on appelle la question d'Orient.
Parmi ces conséqùences, la Russie
entrevit, dès la première heure, que
les difficiles problèmes de l'organi
sation de la péninsule des Balkans
étaient singulièrement aggravés
par l'occupation de là Bosnie et de
l'Herzégovine, et qu'ils pourraient
être l'occasion d'une guerre où elle
se trouverait aux prises avec l'Au-
triche-Hongrie soutenue par toutes
lés forces ae l'Allemagne,
Dans cette hypothèse, il dévenàit
facile de prévoir que la partie ne
serait pas égale, l'Allemagne et
l'Autriche disposant d'armées for
midables par le nombre et l'instruc
tion,et se trouvant en mesure, grâce à
la supériorité de leurs voies ferrées,
stratégiquement orientées, de sur-
prendre.Ia Russie par une' offensive
irrésistible. Tandis que la Russie,
dans cette rencontre, aurait à la fois
contre çlle des frontières mal con
formées et difficiles à défendre, des
chemins de fer plus rares et moins
bien outillés, une mobilisation beau
coup plus lente, en raison même de
son immense territoire, et enfin une
Pologne mal résignée à sa domina
tion.
Aussi, dépuis le traité de Berlin,
a-t-on vu la Russie prendre des me
sures militaires d'uni caractère très
significatif; elle a accumulé dans ses
provinces occidentales des forces
militaires énormes et particulière
ment une cavalerie fort nombreuse,
afin de compenser les lenteurs iné
vitables de sa mobilisation et de
pouvoir même, au besoin, prendre
une offensive hardie.
Mais ces précaution s,si importan
tes et si efficaces qu'elles soient, ne
pouvaient suffire pour parer aux dan-
fers de la coalition austro-alleman-
e : il y fallait joindi'e l'appui d'une
{missance qui pût intervenir contre
'Allemagne au moment décisif, et
retenir loin des frontières de la
Russie une notable partie de ses
forces. La France" seule pouvait
remplir ce ^rôle et le remplir avan
tageusement.
Voilà, en ce qui regarde la Rus
sie, la première cause, voilà la
principale raison de l'alliance
franco-russe.
Que cette alliance ait également
pour la France un très grand
prix et, fournisse à notre poli
tique extérieure un concours pré
cieux, cela est évident : les faits
l'ont déjà démontré; il faut, es
pérer que l'avenir mettra ces avan
tages encore plus en lumière;
mais en tout état, il n'était peut-
être pas sans utilité de rappeler
la véritable origine de cette al
liance et le grand intérêt qu'y avait
la Russie.
Nous laissons de côté,à dessein,les'
avantages économiques et financiers
3ui ont été aussi pour, la Russie un
es fruits de l'alliance française.
Nous avons youlu seulement indi
quer que sous les effusions senti
mentales et sous la rhétorique habile
du langage officiel, l'union des deux
peuplçs a pour première cause des
raisons très positives de sécurité
mutuelle au point' de vue militaire,
et d'appui réciproque au point de
vue diplomatique. Au reste, les
deux peuples l'ont, d'instinct, admi
rablement compris.
Et maintenant cpie doit-on penser'
des prétendues révélations de M. de
Bismarck et des commentaires dont
elles ont été et dont elles continuent
d'être encore l'objet dans la presse
allemande et autrichiènne ? Simple
ment ceci : que M. de Bismarck,
durant les dernières années où il a
été au pouvoir; s'étant probable
ment aperçu qu'il avait été trop
loin dans ses procédés désagréables
ou hostiles visrà-vis de la Russie,
que peut-être il avait révélé trop
clairement le dessein de faire à l'Est
une rectification de frontières ana
logue à celle qu'il avait victorieuse
ment accomplie à l'Ouest, (1) fit de
sérieux efforts pour renouer avec
la Russie les liens d'une entente
cordiale.
Mais la vraie raison,probablement,
c'est que M. de Bismarck entrevit
dès lors la possibilité d'une alliance
franco-russe, que jusqu'à ce moment
il n'avait- pas crue possible; voilà
pourquoi il s'efforça de renouer
avec la Russie des relations ami
cales et d'obtenir un engagement
de neutralité -bienveillante dans 1©
cas ' dlune nouvelle guerre avec la
France. C'est-à-dire que M. de
Bismarck voulait à la fois être en
mesure de faire à la Russie une"
guerre victorieuse avec l'aide de
l'Autriche, et en même temps l'immo
biliser dans les liens d'une entente
particulière. Il n'y avait donc là rien
dont l'Autriche se pût inquiéter. La
puissance que M. de Bismarck a es
sayé de jouer en cette occasion, c'é
tait la Russie, non l'Autriche. Il
voulait, en un mot-, avoir laRussie à
sa discrétion, soit pour s'en faire as
sister en cas de besoin, soit pour la
dépecer si l'occasion s'en présen
tait.
F. Levé. .
BULLETIN DU JOUR
. Aujourd'hui, àia Chambre des dépu
tés, suite de l'interpellation sur l'Algé
rie. -
' Hier plusieurs élections ont eu lieu en
France.
A Bordeaux, dans la l n circonscrip
tion, trois candidats, MM. Albert Bé
erais, républicain modéré, Ferret, radi
cal, socialiste, et Chiché, ancien député
boulangiste, se disputaient le siège laissé
vacant par la mort de M. Labat.il y a
ballottage.
La date des prochaines élections séna
toriales est fixée : te 29 novembre, les
conseils municipaux des départements
appelés à, nommer des sénateurs, éliront
les électeurs sénatoriaux et le 3 janvier
seront faites les élections sénatoriales.
Là police allemande vient de signifier
un décret d'expulsion du territoire alle
mand à un Français, M. Grivolt deBeau-
court, qui résidait depuis quelque temps
à Berlin.
On ne connaît pas encore les motifs de
cette expulsion.
Dans la 3' circonscription de Nantes,
M. de La Billiais, conservateur, a été élu
en remplacement de M. Cazenove de
Pradine. Il n'avait pas de concur
rent.
Enfin à Toulouse ont eu lieu des élec
tions municipales. Il y avait plus d'une
centaine de candidats et, à l'heure où
nous écrivons, on ignore encore les ré
sultats.-
La rentrée des Chambres belges aura
lieu demain. .
Hier, en Suisse, ont eu lieu les scru
tins de ballottage pour les élections du
conseil national. On en trouvera les ré
sultats aux Dépèches de l'Etranger.
Il vient de se produire en Crète un
nouvel incident qui a provoqué une vive
émotion parmi la population chrétienne
de l'île. Les consuls des puissances réu
nies a La Canée,ont réclamé l'applica-
tionimmédiate.des réformes.
D'après une dépêche de Manille, on a
commencé hier matin l'attaque de Ca
vité. Quatre colonnes, débarquées sur
des points différents et appuyées par des
navires de guerre, prennentpart àl'opé-
ration. On .s'attend a un important
succès.
M. ilO TAXIL AU C01KÉS1 MIE
(1)11, ne faut pas oublier .que, datis; les
derniers, partages;de;fe B9iiogne ) -jiii , & grande
, j. r>,,j tu . • i partie du grand-duché de Varsovie fut at-
Vienne et de Buciâp6stj 1 Autriche j tnbuée à la Prusse.
Un des membres du congrès anti-
maçonnique de Trente, M. Laurent
Billiet, de Lyon, nous a adressé sur
l'affaire Vaughan-Taxil une lettre
âu'il nous permet de reproduire. Il y
onne des noms que nous retran
chons, tous ceux que les révélations
de'la palladiste ont charmés ne te
nant plus peut-être à être ses ré
pondants. .
Lyon, 30 octobre,
Monsieur le rédacteur,
Ayant assisté au congrès de Trente et
pris une part active à ses travaux, je
tiens à vous remercier sincèrement d'a
voir pris; comme vous venez de le faire,
le taureau par les cornes dans la ques
tion Diana Vaughan...-
Lorsque. nous avons fait voter l'ordre
du jour renvoyant cette question fasti
dieuse de Diana Vaughan devant la côm-
mission romaine, on pouvait évaluer à
80 0[0 le nombre des congressistes satis
faits des renseignements fournis par M.
le chanoine X... et ses amis.
J'étais au bureau du secrétariat, je
voyais et je notais tout. Oui, hélas ! un
très grand nombre de congressistes, ont
trouvé suffisantes, parce que respecta
bles, les .affirmations apportées à la tri
bune. Mais.il,faut se hâter de dire que ce"
sentiment a été en quelque sorte imposé
par le caractère sacerdotal des défen
seurs de Diana Vaughan... Il est difficile,
en effet, de ne pas être ébranlé par des
affirmations publiques très énergiques
comme celles que nous avons entendues,
répétées par cinq: excellents prêtres du
Bon Dieu.
J'ai failli, pour ma part, m'incliner de
vant les affirmations de l'un d'eux. Oui,
j'ai failli .croire, lorsque ces ecclésias
tiques ont promis de donner prompte-
■ment des preuves tangibles.
Quanta Léo Taxil, l'homme aux trois
noms et demi, je puis bien dire que son
attitude, lors de ce débat, a été suffisante
pour détruire l'effet produit sur mon es
prit, par les défenseurs ecclésiastiques
de la mystérieuse convertie. L'attitude
de Gabriel Jogand m'a absolument em
pêché de croire^
• Son emballement, qui lui a valu un
rappel à l'ordre, m'a bien semblé l'em
ballement du marchand qui défend sa
boutique, et je suis étonné qu'on l'ait si
peu rô!i:%tjué^Il a dépassé la mesurait,
me semble s'être vendu quand il a me-:
nacé les auditeurs de la cessation, par
la miss offensée, des révélations com
mencées.
Pour moi, qui n'ai rien lu de tous ces
gens-là, j'ai été peu ému par une telle
menace ; je l'ai remarquée. Elle en dit
bien long!
En attendant que la commission ro
maine sé prononce, je vous remercie,
monsieur, pour votre 'attitude vis-à-vis
de cet homme que je ne veux pas croire
coupable, mais que je.crois aussi incons
cient,aussi irresponsable aujourd'hui que.
jadis. Prions pour lui.
Je viens de le surprendre', donnant,
dans son" journal l'Anti-maçon, journal
des labaristes au milieu desquels il se
fait appeler P. de Régis (3 e nom), un texte
complètement faux de l'article 3 du rè
glement général voté à Trente. Or il peut
d'autant moins ignorer qu'il donne un
texte faux, gue le rejet de ce texte a mo
tivé sa démission de rapporteur et son
départ de. la IV e section ; démission que
j'ai reçue comme secrétaire et transmise ,
au président le commandeur Pacelli»;
lequel s'est empressé de l'accepter. -
Veuillez agréer; monsieur, l'assurance
de mon profond respect et de mon sin
cère; dévouement en Notre-Seigneur
Jésus-Christ.
Billiet.
M. Billiet a raison de signaler et
de souligner cette menace de M.
Léo Taxil : Diana Vaughan offensée
cessera de publier ses mémoires.
Ce sera làj en effet,pour lui et ses
associés, le moyen d'en finir. Ils se
retireront dans leur dignité, — une
feuille de vigne qui ne les couvrira
guère.
Le roman devait, d'ailleurs, finir
par la disparition de miss Diana.
Quel autre dénouement serait pos
sible? Quel autre eût pu satis
faire les lecteurs convaincus ?
Lorsque la palladiste encore lu-
ciférienne mais ayant déjà M. Léo
Taxil pour truchement, dénonça les
chefs ae sa secte, tout en disant : Je
reste l'ennemie du catholicisme et je
ne me convertirai jamais, nous vî
mes là un effet littéraire connu et je
ne doutai pas pour ma part que bien
tôt elle se déclarerait convertie. La
question était de savoir si on la
donnerait pour un personnage de
fantaisie voyageant a travers les
sectes maçonniques, comme, le
jeune Anacharsis avait voyagé en
Grèce ou pour une réalité. Non, on
soutint qu'elle existait, qu'elle avait
vécu ses récits, lesquels étaient, par
conséquent, des révélations très
sûres, des documents historiques.
Du moment où on donnait Diana
pour vivante, il fallait bien qu'un
jour ou l'autre elle; parût ou fit une
belle sortie. Une conclusion sensa
tionnelle était obligatoire. Serait-elle
enlevée par les palladistes et sou
mise, en quelque caverne diabolique
à des supplices dont on pourrait s'i
maginer 1 horreur ? Annoncerait-elle
au contraire que, quittant l'aimable
monastère connu au seul Taxil, où
ellejouit si largement de la liberté
d'écrire, elle allait s'ensevelir sans
donner son nom dans un de ces cou
vents sévères absolument fermés au
monde?
L'enquête actuelle semble devoir
simplifier la situation : Diana Vau
ghan offensée et se conformant à l'a
vis de M. Léo Taxil cessera ses pu
blications.
Eugène Veuillot.
A NOS AMIS
Voilà 29 ans que l'Univers pa
rait avec la signature de M. S. Des
quers, administrateur-gérant. C'est.
Louis Veuillot qui avait placé là
notre beau-frère. Il lui savait les
aptitudes, les doctrines, le zèle
nécessaires à cette importante et
difficile besogne pour laquelle M.
Desquers quitta la position qu'il
avait occupée durant 17 ans à l'im
primerie impériale. Il a été depuis
lors le chef très entendu de no
tre administration et l'auxiliaire
dévoué de tous nos combats.
Aujourd'hui sa santéy sans être
gravement compromise, ne lui per
met plus le travail absorbant dont
il a si longtemps été chargé, et il
s'en décharge sur M. Denoyel. Ce
n'est là qu'une affaire d'intérieur,
mais je n'ai pas voulu que ce chan
gement se fît sans en donner la rai
son à nos lecteurs et sans leur dire
que M. Stanislas. Desquers reste
toujours des nôtres.
E. V.
LES OBSÈQUES DE W D'HULST
La cérémonie des obsèques de
Mgr d'Hulst aura lieu demain, à
onze heures, à Notre-Dame,
i S. Em. le cardinal Richard don
nera l'absoute.
L'abondance des. matières nous
oblige à/ remettre ft demain le ÇA ET
LA.
I L'ABBÉ BARBEflï IL LASSEMI
Comme nous l'avions prévu, et c'é
tait chose facile à prévoir, M. l'abbé
II. Barbin veut répliquer à M. Henri
Lasserre. Voici sa réplique ; nous y
avons fait quelques coupures qu'il
voudra bien nous pardonner, étant
sous ce rapport de meilleure com
position que son adversaire :
Il est pénible de voir M. Lasserre, un
homme âgé, un chrétien, — qui écrit un :
livre sur la Vie chrétienne, — s'emporter
à despropos mal séants,injurieux : « men
teur, calomniateur », etc., dès qu'on le
critique... Et traiterait-il ainsi un laïque
non chrétien?
Je me suis d'abord défendu brièvement
et doucement, pour ménager son extrême
susceptibilité. Il y revient. Je vois qu'on
ne le prend pas par la douceur.
L 'Univers voudra bien me laisser un
peu d'espace, pour vider ce débat. .
' I/" ■'
Parlons d'abord des textes. .
Ma phrase : « Lasserre avait promis
des «orrections qu'il n'a point faite?, »
est juste, quoique moins claire que
celle-ci : « Il n'a pas fait toutes les cor
rections qu'on lui avait indiquées, sur
tout dans sa préface... » Est-ce qu'il le
nie ? Non ! Cela suffit donc.
Mais il revient à son «gens du monde».
Là, par exemple, il est impayable ! Pour
qui prend-il les lecteurs de l'Univers?
Je citais de mémoire, sans récourir
au texte. Il me rappel^ en colère,
que son mot n'est pas dans, saint Mat
thieu. Qu'est-ce que cela fait, puisqu'il
est dans saint Luc (XII, 30), et dans saint
Jean (XV, 19) ? Dans le premier texte, il
s'agit des Gentils, des païens, comme M.
Lasserre lui-même le traduit, au passage
correspondant de saint Matthieu (VI, 32).
Dans le second, il s'agit du monde en
nemi, opposé à l'Evangile, que Notre-
Seigneur a maudit. « Gens du monde »,
en français moderne, ne signifie ni l'un
ni l'autre, Dieu merci ! Il a donc fait deux
gros contre-sens,, des- contresens d'en
fants de sixièmô. C'est ce qu'il fallait dé
montrer ! Ainsi, son « gens du monde »
est bien à lui. II peut s'en illustrer, s'en
décorer : Lasserre, dit Gens-du-monde,
Gentes mundi /
Du reste, il ne conteste pas ses autres
fautes, et il a raison. Il en a tant ! Le
cardinal Pitra, dit-on, en comptait plus
de huit cents, et'je le trouve indulgent..
Citons-en quelques-unes, des plus béni
gnes, pour amuser un peu nos lec
teurs. • •
Ses naïfs mot-à-mot sonl déjà risibles,
ses libertés ne le sont pas moins. .
J'ai déjà cité le Fatigatus de saint
Jean (IV, 5), traduit par : « accablé par
la fatigue... et n'en pouvant plus. » Où
a-t-il pris ce n'en pouvant plus ? Sous
son bonne,t, mais pas dans l'Evangile.
Saint Jean dit de Judas (XII, 6): « Ea
quœ mittebantur portabat. » Lasserre
traduit : « Tenant la bourse, il détournait
ce qu'on y mettait. » Est-ce que porta
bat a jamais voulu dire détourner?.
Saint Luc dit du père de l'Enfant Pro
digue (XV, 20) : misericordia l motus,
ému de pitié. Lasserre traduit : « Emu
jusqu'au fond des entrailles. » — Ex
pression trouvée, mais pas dans le
texte., v
Ces . enjolivements sont parfois solen
nels, style de bazoehe. Saint Matthieu
(II, 16) dit qu'IIérode fit massacrer les
enfants, secundum tempus qùod exqui-
sierat à magis. Lasserre biffe tempus,
qui est pourtant essentiel ; puis il traduit
le reste (lisez comme l'Intimé) : « Basant
alors ses présomptions sur les rensei
gnements qu'il avait recueillis auprès
d'eux... » En saint Jean (VIII,. 52) ce sim
ple motj EJ tu dicis, est traduit : « Et
vous, voilà que vous lancez cette asser
tion l » Comme cela est simple et de cou
leur orientale !
Veut-on de l'élégance, du limé, comme
dit M. Eugène Veuillot?
En parlant de la pierre du tombeau,
saint Marc dit simplement (XVI, 3}:Lapi-
dem, la pierre. Lasserre dit : « Bloc .de;'
rocher. » — C'est bien mieux. Il est vrai
que le même mot, Lapidem, est traduit
en saint Matthieu,pierre tombale, en saint
Luc, pierre tumulaire, en saint Jean (XI,
39), La dalle. — îQue voulez-vous ! l'es
sentiel est d'arranger l'Evangile ! "
Le mot si beau de saint Jean (XIII, 1):
In finem dilexit, aurait dû trouver grâce;
c'est une expression divine, qu'il faut
laisser dans son vague, dans toute sa
portée. Lasserre traduit: « Il mit le com
ble à un amour ! » C'est une réminis
cence d'un vieux cantique ; mais un com
ble à son amour n'en est pas moins plat.
En tous les cas ce n'est pas dans saint
Jean ; c'est de la paraphrase. Lasserre
ajoute aux versets suivants : « Jésus (1),
alors, Jésus (2) qui savait que son père -
avait tout remis entre ses mains, Jésus (3)
qui savait qu'il était issu (?) de Dieu et
qu'il allaità Dieu, Jésus (4) se leva de ta
ble... » Vous croyez peut-être,électeur
naïf, que Jésus est quatre fois répété dans,
le texte? Pas du tout, il n'y est qu'une
fois. Mais il faut bien embellir ce pauvre
simple Evangile !— Et vous croyez que
cela n'est pas impatientant?
Un de ces embellissements... remar-'
quables se trouve en Jean XV, 1 et 5.
C'est la célèbre comparaison : Ego suni
vitis, vos palmites, « Je suis la vigne,
vous êtes les branches, les sarments;
tout sarment qui ne porte pas de fruit
sera coupé, etc. » Mais comme le mot
paImites est employé plusieurs fois, sa-
vez-vous ce que fait Lasserre ? Il varie,
et il écrit au verset 5 : « Je suis la vigne,
et vous êtes les pampres ! » .— Ah ! le...'
mais ne disons pas d'injures! Au fait,
peut-être que dans le lieu champêtre, in
loco campestri, qu'habite Lasserre,
c'est la feuille qui produit le fruit.
Veut-on des enjolivements érudits ? En
saint Matthieu XXII, 44 , Dixit Dominus
,Domino meo, est traduit : « Jehovah -a
dit à mon seigneur. » — Il n'y a point de
Jehova,h dans l'évangile, ni en grec niep
latin, mais c'est plus distingué. De même
l'Evangile appelle simplement -Notre-
Seigneur (en saint Matthieu, . II, 23.) Em
manuel. ïiasserre met : Imm&nou -—Eli '
— Quel homme !
Mais où il est particulièrement osé,
barbare, inconscient, c'est dans les pas
sages qui concernent l'adorable mystère
de l'Incarnation.
Il fait dire à l'ange, pour, Invenisti
gratiam apud Deum : « Vous avez con
quis les bonnes grâces de Dieu. »
Ah ! qu'en termes galants ces choses-^
là sont mises !
Il fait dire à la sainte Vierge, poijr
Hominemnon cognosco : « Je n'ai nul
rapport avec mon mari. » Vraiment ? nul
rapport?. : ■ •
Antequam convenirent est traduit par :
« Avant que l'union conjugale ait: été
consommée . » A la bonne heure ! Soyons
précis! ....
Enfin, au même chapitre de saint Mat
thieu, De spiritu sancto est est rendu
par ces deux expressions : « Ce qui s'est
produit en elle est le fait même de l'Es-
prit-Saint,— le fruitd.il Saint-Esprit, » —
Non, Notre-Seigneur est fructus ventris
tui, il n'est pas fructus spiritus sancti.
Si l'Evangile l'avait voulu dire, il l'aurait
bien dit, je pense! Mais il ne l'a pas dit.
Ici, je plaindrais le chrétien qui ne
s'indignerait pas. Il n'y a rien dé plus
divin, de plus délicat, de plus ineffable
que ce mystère du Verbe fait chair. Nous
avons, pour le raconter, des paroles ins
pirées de Dieu, tombées des lèvres mê
mes de la Vierge des Vierges. Et un
chrétien concevrait cette idée saugrenue» ,
de remplacer ces paroles traditionnelles,
divines, virginales, par des paroles hur
maines!... Il me semble voir « le san
glier sauvage » aper de sylva, pataugeant
dans ce jardin des lis.
Je ne peux pas "continuer. Je ne cite pas
les fautes qui touchent au dogme. Il fau
drait discuter. Je ne veux pas oublier ce-
pendant'ce cas : saint Marc raconte l'ins
titution de la Sainte-Eucharistie. A la
consécration du calice, il dit ; «. Et bibe-
runt ex eo omnes. Et ils en burent tous. »
Que fait Lasserre ? Ces mots vont mal à
sa phrase. Il les supprime ! — Et vous
croyez qu'il est permis de traiter ainsi le
saint Evangile de Dieu !
Je pourrais continuer longtemps led
citations, rappeler ses points de sus
pension, ses phrases soulignées, Sans
aucune espèce de droit, ses inversions; *
ses changements de temps — la Passion
de saint Marc, par exemple, est presque
tout entière écrite au présent. Pourquoi?
Demandez-lui! Sans doute, il n'est pas
nécessaire d'être servile, mais il faut être
fidèle, conserver le sens, avec la cou
leur, la physionomie de l'original ; il faut
traduire.
Or, sofi livre, d'un bout à l'autre, est
une paraphrase,une adaptation,un arran
gement de l'Evangile, .t- un arrangement
arbitraire, puéril, prétentieux, ignorant,
parfois très malheureux : ce n'est pas
une traduction., - -
Et il s'étonne que l'Index l'ait noté et
qu'on lui traîne, en longueur sa correc
tion ! — Et il ne voit, pas qu'on vevit lui
dire que sa version n'est pas utilisable,
qu'il faudrait la refaire à fond et qu'il n'a
pas compétence pour cela! — Et ses
amis s'indignent que le Souverain Pon
tife juge inutile de le recevoir, pour dis
cuter avec lui cette -version" impos
sible !
II
Un mot de ses approbations.
■ On lui a donné l'Imprimatur, sans
doute, mais sur sa réputation, par indul
gence voulue. — Bonté fâcheuse, peut-
être. t - Mais cependant; une note publi
que et officielle de l'archevêché l'a averti
formellement que cet imprimatur n'est
pas une approbation proprement dite,
mais plutôt un simple permis d'imprimer,
appelant très bien la critique. •— Qu'a-t-
il à dire alors ?
Quant aux compliments qu'il a reçus
des prélats auxquels il adressait son li
vre — avant la sentence de l'Index — il
faut être aveuglé comme il l'est pour y
voir des sentences doctrinales. Ce sont
des accusés de réception, polis, aimables,
flatteurs, comme il convient entre gens
du monde, gentes mundi. ■■
Osons d'ailleurs, respectueusement,'
dire à nos vénérés prélats, qu'on ne leur
reprocherait point, à l'heure qu'il est, de
se montrer un peu plus sobres de ce
genrç de bénédictions. Nous recevons
journellement des paquets de prospectus
de librairie quelconques presque entiè
rement composés de lettres d'évêques.
Cela peut avoir des inconvénients, sur
tout en France, où l'on est moins habitué
aux superlatifs.
III
M. Barbin traite ici de l'Index. J©
me permets de retrancher cette par
tie de sa réponse. Si je l'insérais,
M. Henri Lasserre voudrait s'éten
dre sur ce sujet et je vois déjà ve
nir deux ou trois chapitres de son
mémoire confidentiel. Nenni ! Je
ferme nos colonnes à ce nouveau
débordement. Et pour consoler M.
l'abbé Barbin je lui dis tout bas qu'à
mon sentiment, M. Lasserre sera
plus fâché que lui de mon refus.
Je rends la parole à M. l'abbé Bar
bin.
■ ' ■ ' IV V
Reste la vertueuse finale : Déplorons
ces controverses entre catholiques!
Comment! C'est Lasserre qui ose
prendre ce rôle ! —■ Lasserre qui, depuis
dix ans, peste et geint à tout venant con
tre l'autorité ecclésiastique ! — Lasserre
qui... ,
. Drumont a écrit, en son chapitre -.Clergé
fin-de-siëcle, des pages infiniment regret
tables sur l'affaire Lasserre. Il y injurie
vilainement notre vieux cardinal, cher
che à ridiculiser sa personne, son lan
gage,.etc... Lasserre a-t-il protesté? A-
t-il publié un mot de. regret ou d'excuses?
Drumont, lui, avait une excuse, c'est
qu'il croyait à son ami Lasserre et à « sa
verve endiablée » (façopde gasconne se-
Edition Quotidlenae. — 10,S2ô
—M—■—BW—i—l
Mardi 10 Novembre 1896.
ÉDITION QUOTIDIENNE
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PARIS, 9 NOVEMBRE 18ÇG
SOMMAIRE
M. de Bismarck et
l'alliance franco-
russe
M. Léo Taxil au con
grès de Trente...
A nos amis..........
M. l'abbé Barbin et
M. Lasserre...
Le congrès de Saint-
Denis
A travers Paris re
ligieux.
Nouvelles agricoles.
-Variétés : Souvenirs-
: du maréchal de Cas-
tellanç,.....
f. Levé.
Eugène Veuillot.
E. V.
Eugène Veùillot.
J. V.
Edouard Alexandre
A. de Villiers de
L'Isle-Adam. '
geoffroy dte grand-
. maison. '
Bulletin du jour. — Entêtement. ■— Les
obsèques de Mgr d'Hulst. — La santé du
cardinal Boyer. — Informations. — Les
élections sénatoriales. — Le fisc et les
congrégations. — A propos du congrès
de Lyon. — À Madagascar. — A travers la
presse. — Chronique. — Lettres^ sciences
et arts,'— La question ouvrière.— Etran-
, ger. —Echos. — Nécrologie. —Guerre et
marine.— Tribunaux,. — Nouvelles di
verses. -T- Dernière heure. — Tableau et
.bulletin de la Bourse.
M, DE BISMARCK
ET L'ALLIANCE FRANCO-RUSSE
Les révélations des Hamburger
Nachrichteh au sujet des relations
de l'empire allemand avec laRussie,
durant les dernières années du
règne de M. de Bismarck, ne nous
semblent avoir ni l'importance di
plomatique ni l'intérêt historique
que paraissent leur reconnaître les
commentaires prolongés dont elles
sont l'objet dans la presse allemande
et autrichienne. Ces prétendues ré
vélations n'ont vraiment que la va
leur d'une apologie rétrospective, à
la fois équivoque et personnelle,
ayant surtout pour objet d'établir
que M. de Bismarck n'a aucune res
ponsabilité dans le fait de l'alliance
franco-russe.
Cette tentative est audacieuèe, car
l'histoire, si nous ne nous trompons,
dira au contraire que M. de Bis
marck en doit être considéré comme
le principal auteur, puisque c'est sa
politique qui l'a successivement ren
due nécessaire d'abord pour là
France et ensuite pour la Russie.
Quand, en 1875, la France a pu
craindre de se voir tout à coup sur-
{>risepar une nouvelle invasion,sous
e.seul prétexte que son relèvement
se faisait trop vite et portait om
brage à, l'Allemagne, elle a dû cher
cher un appui, un peu coûte que
c.o.ûte, du côté de la seule puissance
qui pût avoir intérêt à contenir les
prétentions devenues exorbitantes
de rhégémonie germanique.
Quand, quelques années plus tard,,
là Russie, à son tour, se vit arra
cher au congrès de Berlin, sous la
pression du prince de Bismarck,
une grande partie dés. fruits de la
guerre d'Orient et du traité de San
Stefano, elle comprit qu'une alliance
lui était nécessaire pour le cas, où il
lui faudrait tenir tête à la coalition
récemment nouée, et spécialement
menaçante pour elle, de l'Allema
gne et de l'Autriche-Hongrie.
• Cette dernière puissance, en effet,
venaitde se lier d'une façon étroite
avec l'Allemagne, au moment même
où elle recevait* par le traité de
Berlin, le droit d'occuper à titre ré
gulier deux provinces turques : la
Bosnie et l'Herzégovine. Cette com
binaison diplomatique et territo
riale qui faisait de l'Autriche la ri
vale immédiate de . la Russie dans la
péninsule, des Balkans est l'un des
actes diplomatiques les plus consi
dérables de ce temps-ci; c'est bien
l'œuvre voulue et savamment calcu
lée de M. de Bismarck.
La Russie comprit alors qu'outre
les oppositions internationales, plus
ou moins lôintàinès, qui surveil-v
laient ses visées en Orient, il lui
faudrait compter . désormais avec
les prétentions voisines et singu
lièrement accrues de l'Autriche-
Ilongrie, directement intéressée
à lui barrer la route de Çonstan-
tinople, à lui disputer la clientèle
et la suzeraineté morale des peu
ples slaves de la péninsule des Bal- :
kans, et peut-être même , secrète
ment résolue, à la gagner de
vitesse pour atteindre, de ce côté,
elle aussi, les rivages de la Méditer
ranée..
Dans cette nouvelle carrière ou
verte tout à coup au génie politique
et. à l'activité des hommes d'Etat de
pouvait compter sur l'appuide l'Al
lemagne, enchantée de-brider par
les mains d'autrui l'ambition russe;
l'Autriche d'ailleurs ne travaillerait
pas pour ses seuls intérêts,mais de
viendrait comme l'avant-garde. de
l'influencé et de la civilisation ger
manique dans l'Europe orientale.
Il y a certenement quelque chose
de hardi et de grand dans cette
conception politique •; qui semble
avoir' éteint toute pensée de revan
che des désastres de Sadowa, et
qui a réussi à tourner l'Autriche du
côté du Bosphore.
Quoi qu'il en soit, c'est une évolu
tion politique internationale grosse
.de conséquences pour tout l'en
semble de questions, complexes que
l'on appelle la question d'Orient.
Parmi ces conséqùences, la Russie
entrevit, dès la première heure, que
les difficiles problèmes de l'organi
sation de la péninsule des Balkans
étaient singulièrement aggravés
par l'occupation de là Bosnie et de
l'Herzégovine, et qu'ils pourraient
être l'occasion d'une guerre où elle
se trouverait aux prises avec l'Au-
triche-Hongrie soutenue par toutes
lés forces ae l'Allemagne,
Dans cette hypothèse, il dévenàit
facile de prévoir que la partie ne
serait pas égale, l'Allemagne et
l'Autriche disposant d'armées for
midables par le nombre et l'instruc
tion,et se trouvant en mesure, grâce à
la supériorité de leurs voies ferrées,
stratégiquement orientées, de sur-
prendre.Ia Russie par une' offensive
irrésistible. Tandis que la Russie,
dans cette rencontre, aurait à la fois
contre çlle des frontières mal con
formées et difficiles à défendre, des
chemins de fer plus rares et moins
bien outillés, une mobilisation beau
coup plus lente, en raison même de
son immense territoire, et enfin une
Pologne mal résignée à sa domina
tion.
Aussi, dépuis le traité de Berlin,
a-t-on vu la Russie prendre des me
sures militaires d'uni caractère très
significatif; elle a accumulé dans ses
provinces occidentales des forces
militaires énormes et particulière
ment une cavalerie fort nombreuse,
afin de compenser les lenteurs iné
vitables de sa mobilisation et de
pouvoir même, au besoin, prendre
une offensive hardie.
Mais ces précaution s,si importan
tes et si efficaces qu'elles soient, ne
pouvaient suffire pour parer aux dan-
fers de la coalition austro-alleman-
e : il y fallait joindi'e l'appui d'une
{missance qui pût intervenir contre
'Allemagne au moment décisif, et
retenir loin des frontières de la
Russie une notable partie de ses
forces. La France" seule pouvait
remplir ce ^rôle et le remplir avan
tageusement.
Voilà, en ce qui regarde la Rus
sie, la première cause, voilà la
principale raison de l'alliance
franco-russe.
Que cette alliance ait également
pour la France un très grand
prix et, fournisse à notre poli
tique extérieure un concours pré
cieux, cela est évident : les faits
l'ont déjà démontré; il faut, es
pérer que l'avenir mettra ces avan
tages encore plus en lumière;
mais en tout état, il n'était peut-
être pas sans utilité de rappeler
la véritable origine de cette al
liance et le grand intérêt qu'y avait
la Russie.
Nous laissons de côté,à dessein,les'
avantages économiques et financiers
3ui ont été aussi pour, la Russie un
es fruits de l'alliance française.
Nous avons youlu seulement indi
quer que sous les effusions senti
mentales et sous la rhétorique habile
du langage officiel, l'union des deux
peuplçs a pour première cause des
raisons très positives de sécurité
mutuelle au point' de vue militaire,
et d'appui réciproque au point de
vue diplomatique. Au reste, les
deux peuples l'ont, d'instinct, admi
rablement compris.
Et maintenant cpie doit-on penser'
des prétendues révélations de M. de
Bismarck et des commentaires dont
elles ont été et dont elles continuent
d'être encore l'objet dans la presse
allemande et autrichiènne ? Simple
ment ceci : que M. de Bismarck,
durant les dernières années où il a
été au pouvoir; s'étant probable
ment aperçu qu'il avait été trop
loin dans ses procédés désagréables
ou hostiles visrà-vis de la Russie,
que peut-être il avait révélé trop
clairement le dessein de faire à l'Est
une rectification de frontières ana
logue à celle qu'il avait victorieuse
ment accomplie à l'Ouest, (1) fit de
sérieux efforts pour renouer avec
la Russie les liens d'une entente
cordiale.
Mais la vraie raison,probablement,
c'est que M. de Bismarck entrevit
dès lors la possibilité d'une alliance
franco-russe, que jusqu'à ce moment
il n'avait- pas crue possible; voilà
pourquoi il s'efforça de renouer
avec la Russie des relations ami
cales et d'obtenir un engagement
de neutralité -bienveillante dans 1©
cas ' dlune nouvelle guerre avec la
France. C'est-à-dire que M. de
Bismarck voulait à la fois être en
mesure de faire à la Russie une"
guerre victorieuse avec l'aide de
l'Autriche, et en même temps l'immo
biliser dans les liens d'une entente
particulière. Il n'y avait donc là rien
dont l'Autriche se pût inquiéter. La
puissance que M. de Bismarck a es
sayé de jouer en cette occasion, c'é
tait la Russie, non l'Autriche. Il
voulait, en un mot-, avoir laRussie à
sa discrétion, soit pour s'en faire as
sister en cas de besoin, soit pour la
dépecer si l'occasion s'en présen
tait.
F. Levé. .
BULLETIN DU JOUR
. Aujourd'hui, àia Chambre des dépu
tés, suite de l'interpellation sur l'Algé
rie. -
' Hier plusieurs élections ont eu lieu en
France.
A Bordeaux, dans la l n circonscrip
tion, trois candidats, MM. Albert Bé
erais, républicain modéré, Ferret, radi
cal, socialiste, et Chiché, ancien député
boulangiste, se disputaient le siège laissé
vacant par la mort de M. Labat.il y a
ballottage.
La date des prochaines élections séna
toriales est fixée : te 29 novembre, les
conseils municipaux des départements
appelés à, nommer des sénateurs, éliront
les électeurs sénatoriaux et le 3 janvier
seront faites les élections sénatoriales.
Là police allemande vient de signifier
un décret d'expulsion du territoire alle
mand à un Français, M. Grivolt deBeau-
court, qui résidait depuis quelque temps
à Berlin.
On ne connaît pas encore les motifs de
cette expulsion.
Dans la 3' circonscription de Nantes,
M. de La Billiais, conservateur, a été élu
en remplacement de M. Cazenove de
Pradine. Il n'avait pas de concur
rent.
Enfin à Toulouse ont eu lieu des élec
tions municipales. Il y avait plus d'une
centaine de candidats et, à l'heure où
nous écrivons, on ignore encore les ré
sultats.-
La rentrée des Chambres belges aura
lieu demain. .
Hier, en Suisse, ont eu lieu les scru
tins de ballottage pour les élections du
conseil national. On en trouvera les ré
sultats aux Dépèches de l'Etranger.
Il vient de se produire en Crète un
nouvel incident qui a provoqué une vive
émotion parmi la population chrétienne
de l'île. Les consuls des puissances réu
nies a La Canée,ont réclamé l'applica-
tionimmédiate.des réformes.
D'après une dépêche de Manille, on a
commencé hier matin l'attaque de Ca
vité. Quatre colonnes, débarquées sur
des points différents et appuyées par des
navires de guerre, prennentpart àl'opé-
ration. On .s'attend a un important
succès.
M. ilO TAXIL AU C01KÉS1 MIE
(1)11, ne faut pas oublier .que, datis; les
derniers, partages;de;fe B9iiogne ) -jiii , & grande
, j. r>,,j tu . • i partie du grand-duché de Varsovie fut at-
Vienne et de Buciâp6stj 1 Autriche j tnbuée à la Prusse.
Un des membres du congrès anti-
maçonnique de Trente, M. Laurent
Billiet, de Lyon, nous a adressé sur
l'affaire Vaughan-Taxil une lettre
âu'il nous permet de reproduire. Il y
onne des noms que nous retran
chons, tous ceux que les révélations
de'la palladiste ont charmés ne te
nant plus peut-être à être ses ré
pondants. .
Lyon, 30 octobre,
Monsieur le rédacteur,
Ayant assisté au congrès de Trente et
pris une part active à ses travaux, je
tiens à vous remercier sincèrement d'a
voir pris; comme vous venez de le faire,
le taureau par les cornes dans la ques
tion Diana Vaughan...-
Lorsque. nous avons fait voter l'ordre
du jour renvoyant cette question fasti
dieuse de Diana Vaughan devant la côm-
mission romaine, on pouvait évaluer à
80 0[0 le nombre des congressistes satis
faits des renseignements fournis par M.
le chanoine X... et ses amis.
J'étais au bureau du secrétariat, je
voyais et je notais tout. Oui, hélas ! un
très grand nombre de congressistes, ont
trouvé suffisantes, parce que respecta
bles, les .affirmations apportées à la tri
bune. Mais.il,faut se hâter de dire que ce"
sentiment a été en quelque sorte imposé
par le caractère sacerdotal des défen
seurs de Diana Vaughan... Il est difficile,
en effet, de ne pas être ébranlé par des
affirmations publiques très énergiques
comme celles que nous avons entendues,
répétées par cinq: excellents prêtres du
Bon Dieu.
J'ai failli, pour ma part, m'incliner de
vant les affirmations de l'un d'eux. Oui,
j'ai failli .croire, lorsque ces ecclésias
tiques ont promis de donner prompte-
■ment des preuves tangibles.
Quanta Léo Taxil, l'homme aux trois
noms et demi, je puis bien dire que son
attitude, lors de ce débat, a été suffisante
pour détruire l'effet produit sur mon es
prit, par les défenseurs ecclésiastiques
de la mystérieuse convertie. L'attitude
de Gabriel Jogand m'a absolument em
pêché de croire^
• Son emballement, qui lui a valu un
rappel à l'ordre, m'a bien semblé l'em
ballement du marchand qui défend sa
boutique, et je suis étonné qu'on l'ait si
peu rô!i:%tjué^Il a dépassé la mesurait,
me semble s'être vendu quand il a me-:
nacé les auditeurs de la cessation, par
la miss offensée, des révélations com
mencées.
Pour moi, qui n'ai rien lu de tous ces
gens-là, j'ai été peu ému par une telle
menace ; je l'ai remarquée. Elle en dit
bien long!
En attendant que la commission ro
maine sé prononce, je vous remercie,
monsieur, pour votre 'attitude vis-à-vis
de cet homme que je ne veux pas croire
coupable, mais que je.crois aussi incons
cient,aussi irresponsable aujourd'hui que.
jadis. Prions pour lui.
Je viens de le surprendre', donnant,
dans son" journal l'Anti-maçon, journal
des labaristes au milieu desquels il se
fait appeler P. de Régis (3 e nom), un texte
complètement faux de l'article 3 du rè
glement général voté à Trente. Or il peut
d'autant moins ignorer qu'il donne un
texte faux, gue le rejet de ce texte a mo
tivé sa démission de rapporteur et son
départ de. la IV e section ; démission que
j'ai reçue comme secrétaire et transmise ,
au président le commandeur Pacelli»;
lequel s'est empressé de l'accepter. -
Veuillez agréer; monsieur, l'assurance
de mon profond respect et de mon sin
cère; dévouement en Notre-Seigneur
Jésus-Christ.
Billiet.
M. Billiet a raison de signaler et
de souligner cette menace de M.
Léo Taxil : Diana Vaughan offensée
cessera de publier ses mémoires.
Ce sera làj en effet,pour lui et ses
associés, le moyen d'en finir. Ils se
retireront dans leur dignité, — une
feuille de vigne qui ne les couvrira
guère.
Le roman devait, d'ailleurs, finir
par la disparition de miss Diana.
Quel autre dénouement serait pos
sible? Quel autre eût pu satis
faire les lecteurs convaincus ?
Lorsque la palladiste encore lu-
ciférienne mais ayant déjà M. Léo
Taxil pour truchement, dénonça les
chefs ae sa secte, tout en disant : Je
reste l'ennemie du catholicisme et je
ne me convertirai jamais, nous vî
mes là un effet littéraire connu et je
ne doutai pas pour ma part que bien
tôt elle se déclarerait convertie. La
question était de savoir si on la
donnerait pour un personnage de
fantaisie voyageant a travers les
sectes maçonniques, comme, le
jeune Anacharsis avait voyagé en
Grèce ou pour une réalité. Non, on
soutint qu'elle existait, qu'elle avait
vécu ses récits, lesquels étaient, par
conséquent, des révélations très
sûres, des documents historiques.
Du moment où on donnait Diana
pour vivante, il fallait bien qu'un
jour ou l'autre elle; parût ou fit une
belle sortie. Une conclusion sensa
tionnelle était obligatoire. Serait-elle
enlevée par les palladistes et sou
mise, en quelque caverne diabolique
à des supplices dont on pourrait s'i
maginer 1 horreur ? Annoncerait-elle
au contraire que, quittant l'aimable
monastère connu au seul Taxil, où
ellejouit si largement de la liberté
d'écrire, elle allait s'ensevelir sans
donner son nom dans un de ces cou
vents sévères absolument fermés au
monde?
L'enquête actuelle semble devoir
simplifier la situation : Diana Vau
ghan offensée et se conformant à l'a
vis de M. Léo Taxil cessera ses pu
blications.
Eugène Veuillot.
A NOS AMIS
Voilà 29 ans que l'Univers pa
rait avec la signature de M. S. Des
quers, administrateur-gérant. C'est.
Louis Veuillot qui avait placé là
notre beau-frère. Il lui savait les
aptitudes, les doctrines, le zèle
nécessaires à cette importante et
difficile besogne pour laquelle M.
Desquers quitta la position qu'il
avait occupée durant 17 ans à l'im
primerie impériale. Il a été depuis
lors le chef très entendu de no
tre administration et l'auxiliaire
dévoué de tous nos combats.
Aujourd'hui sa santéy sans être
gravement compromise, ne lui per
met plus le travail absorbant dont
il a si longtemps été chargé, et il
s'en décharge sur M. Denoyel. Ce
n'est là qu'une affaire d'intérieur,
mais je n'ai pas voulu que ce chan
gement se fît sans en donner la rai
son à nos lecteurs et sans leur dire
que M. Stanislas. Desquers reste
toujours des nôtres.
E. V.
LES OBSÈQUES DE W D'HULST
La cérémonie des obsèques de
Mgr d'Hulst aura lieu demain, à
onze heures, à Notre-Dame,
i S. Em. le cardinal Richard don
nera l'absoute.
L'abondance des. matières nous
oblige à/ remettre ft demain le ÇA ET
LA.
I L'ABBÉ BARBEflï IL LASSEMI
Comme nous l'avions prévu, et c'é
tait chose facile à prévoir, M. l'abbé
II. Barbin veut répliquer à M. Henri
Lasserre. Voici sa réplique ; nous y
avons fait quelques coupures qu'il
voudra bien nous pardonner, étant
sous ce rapport de meilleure com
position que son adversaire :
Il est pénible de voir M. Lasserre, un
homme âgé, un chrétien, — qui écrit un :
livre sur la Vie chrétienne, — s'emporter
à despropos mal séants,injurieux : « men
teur, calomniateur », etc., dès qu'on le
critique... Et traiterait-il ainsi un laïque
non chrétien?
Je me suis d'abord défendu brièvement
et doucement, pour ménager son extrême
susceptibilité. Il y revient. Je vois qu'on
ne le prend pas par la douceur.
L 'Univers voudra bien me laisser un
peu d'espace, pour vider ce débat. .
' I/" ■'
Parlons d'abord des textes. .
Ma phrase : « Lasserre avait promis
des «orrections qu'il n'a point faite?, »
est juste, quoique moins claire que
celle-ci : « Il n'a pas fait toutes les cor
rections qu'on lui avait indiquées, sur
tout dans sa préface... » Est-ce qu'il le
nie ? Non ! Cela suffit donc.
Mais il revient à son «gens du monde».
Là, par exemple, il est impayable ! Pour
qui prend-il les lecteurs de l'Univers?
Je citais de mémoire, sans récourir
au texte. Il me rappel^ en colère,
que son mot n'est pas dans, saint Mat
thieu. Qu'est-ce que cela fait, puisqu'il
est dans saint Luc (XII, 30), et dans saint
Jean (XV, 19) ? Dans le premier texte, il
s'agit des Gentils, des païens, comme M.
Lasserre lui-même le traduit, au passage
correspondant de saint Matthieu (VI, 32).
Dans le second, il s'agit du monde en
nemi, opposé à l'Evangile, que Notre-
Seigneur a maudit. « Gens du monde »,
en français moderne, ne signifie ni l'un
ni l'autre, Dieu merci ! Il a donc fait deux
gros contre-sens,, des- contresens d'en
fants de sixièmô. C'est ce qu'il fallait dé
montrer ! Ainsi, son « gens du monde »
est bien à lui. II peut s'en illustrer, s'en
décorer : Lasserre, dit Gens-du-monde,
Gentes mundi /
Du reste, il ne conteste pas ses autres
fautes, et il a raison. Il en a tant ! Le
cardinal Pitra, dit-on, en comptait plus
de huit cents, et'je le trouve indulgent..
Citons-en quelques-unes, des plus béni
gnes, pour amuser un peu nos lec
teurs. • •
Ses naïfs mot-à-mot sonl déjà risibles,
ses libertés ne le sont pas moins. .
J'ai déjà cité le Fatigatus de saint
Jean (IV, 5), traduit par : « accablé par
la fatigue... et n'en pouvant plus. » Où
a-t-il pris ce n'en pouvant plus ? Sous
son bonne,t, mais pas dans l'Evangile.
Saint Jean dit de Judas (XII, 6): « Ea
quœ mittebantur portabat. » Lasserre
traduit : « Tenant la bourse, il détournait
ce qu'on y mettait. » Est-ce que porta
bat a jamais voulu dire détourner?.
Saint Luc dit du père de l'Enfant Pro
digue (XV, 20) : misericordia l motus,
ému de pitié. Lasserre traduit : « Emu
jusqu'au fond des entrailles. » — Ex
pression trouvée, mais pas dans le
texte., v
Ces . enjolivements sont parfois solen
nels, style de bazoehe. Saint Matthieu
(II, 16) dit qu'IIérode fit massacrer les
enfants, secundum tempus qùod exqui-
sierat à magis. Lasserre biffe tempus,
qui est pourtant essentiel ; puis il traduit
le reste (lisez comme l'Intimé) : « Basant
alors ses présomptions sur les rensei
gnements qu'il avait recueillis auprès
d'eux... » En saint Jean (VIII,. 52) ce sim
ple motj EJ tu dicis, est traduit : « Et
vous, voilà que vous lancez cette asser
tion l » Comme cela est simple et de cou
leur orientale !
Veut-on de l'élégance, du limé, comme
dit M. Eugène Veuillot?
En parlant de la pierre du tombeau,
saint Marc dit simplement (XVI, 3}:Lapi-
dem, la pierre. Lasserre dit : « Bloc .de;'
rocher. » — C'est bien mieux. Il est vrai
que le même mot, Lapidem, est traduit
en saint Matthieu,pierre tombale, en saint
Luc, pierre tumulaire, en saint Jean (XI,
39), La dalle. — îQue voulez-vous ! l'es
sentiel est d'arranger l'Evangile ! "
Le mot si beau de saint Jean (XIII, 1):
In finem dilexit, aurait dû trouver grâce;
c'est une expression divine, qu'il faut
laisser dans son vague, dans toute sa
portée. Lasserre traduit: « Il mit le com
ble à un amour ! » C'est une réminis
cence d'un vieux cantique ; mais un com
ble à son amour n'en est pas moins plat.
En tous les cas ce n'est pas dans saint
Jean ; c'est de la paraphrase. Lasserre
ajoute aux versets suivants : « Jésus (1),
alors, Jésus (2) qui savait que son père -
avait tout remis entre ses mains, Jésus (3)
qui savait qu'il était issu (?) de Dieu et
qu'il allaità Dieu, Jésus (4) se leva de ta
ble... » Vous croyez peut-être,électeur
naïf, que Jésus est quatre fois répété dans,
le texte? Pas du tout, il n'y est qu'une
fois. Mais il faut bien embellir ce pauvre
simple Evangile !— Et vous croyez que
cela n'est pas impatientant?
Un de ces embellissements... remar-'
quables se trouve en Jean XV, 1 et 5.
C'est la célèbre comparaison : Ego suni
vitis, vos palmites, « Je suis la vigne,
vous êtes les branches, les sarments;
tout sarment qui ne porte pas de fruit
sera coupé, etc. » Mais comme le mot
paImites est employé plusieurs fois, sa-
vez-vous ce que fait Lasserre ? Il varie,
et il écrit au verset 5 : « Je suis la vigne,
et vous êtes les pampres ! » .— Ah ! le...'
mais ne disons pas d'injures! Au fait,
peut-être que dans le lieu champêtre, in
loco campestri, qu'habite Lasserre,
c'est la feuille qui produit le fruit.
Veut-on des enjolivements érudits ? En
saint Matthieu XXII, 44 , Dixit Dominus
,Domino meo, est traduit : « Jehovah -a
dit à mon seigneur. » — Il n'y a point de
Jehova,h dans l'évangile, ni en grec niep
latin, mais c'est plus distingué. De même
l'Evangile appelle simplement -Notre-
Seigneur (en saint Matthieu, . II, 23.) Em
manuel. ïiasserre met : Imm&nou -—Eli '
— Quel homme !
Mais où il est particulièrement osé,
barbare, inconscient, c'est dans les pas
sages qui concernent l'adorable mystère
de l'Incarnation.
Il fait dire à l'ange, pour, Invenisti
gratiam apud Deum : « Vous avez con
quis les bonnes grâces de Dieu. »
Ah ! qu'en termes galants ces choses-^
là sont mises !
Il fait dire à la sainte Vierge, poijr
Hominemnon cognosco : « Je n'ai nul
rapport avec mon mari. » Vraiment ? nul
rapport?. : ■ •
Antequam convenirent est traduit par :
« Avant que l'union conjugale ait: été
consommée . » A la bonne heure ! Soyons
précis! ....
Enfin, au même chapitre de saint Mat
thieu, De spiritu sancto est est rendu
par ces deux expressions : « Ce qui s'est
produit en elle est le fait même de l'Es-
prit-Saint,— le fruitd.il Saint-Esprit, » —
Non, Notre-Seigneur est fructus ventris
tui, il n'est pas fructus spiritus sancti.
Si l'Evangile l'avait voulu dire, il l'aurait
bien dit, je pense! Mais il ne l'a pas dit.
Ici, je plaindrais le chrétien qui ne
s'indignerait pas. Il n'y a rien dé plus
divin, de plus délicat, de plus ineffable
que ce mystère du Verbe fait chair. Nous
avons, pour le raconter, des paroles ins
pirées de Dieu, tombées des lèvres mê
mes de la Vierge des Vierges. Et un
chrétien concevrait cette idée saugrenue» ,
de remplacer ces paroles traditionnelles,
divines, virginales, par des paroles hur
maines!... Il me semble voir « le san
glier sauvage » aper de sylva, pataugeant
dans ce jardin des lis.
Je ne peux pas "continuer. Je ne cite pas
les fautes qui touchent au dogme. Il fau
drait discuter. Je ne veux pas oublier ce-
pendant'ce cas : saint Marc raconte l'ins
titution de la Sainte-Eucharistie. A la
consécration du calice, il dit ; «. Et bibe-
runt ex eo omnes. Et ils en burent tous. »
Que fait Lasserre ? Ces mots vont mal à
sa phrase. Il les supprime ! — Et vous
croyez qu'il est permis de traiter ainsi le
saint Evangile de Dieu !
Je pourrais continuer longtemps led
citations, rappeler ses points de sus
pension, ses phrases soulignées, Sans
aucune espèce de droit, ses inversions; *
ses changements de temps — la Passion
de saint Marc, par exemple, est presque
tout entière écrite au présent. Pourquoi?
Demandez-lui! Sans doute, il n'est pas
nécessaire d'être servile, mais il faut être
fidèle, conserver le sens, avec la cou
leur, la physionomie de l'original ; il faut
traduire.
Or, sofi livre, d'un bout à l'autre, est
une paraphrase,une adaptation,un arran
gement de l'Evangile, .t- un arrangement
arbitraire, puéril, prétentieux, ignorant,
parfois très malheureux : ce n'est pas
une traduction., - -
Et il s'étonne que l'Index l'ait noté et
qu'on lui traîne, en longueur sa correc
tion ! — Et il ne voit, pas qu'on vevit lui
dire que sa version n'est pas utilisable,
qu'il faudrait la refaire à fond et qu'il n'a
pas compétence pour cela! — Et ses
amis s'indignent que le Souverain Pon
tife juge inutile de le recevoir, pour dis
cuter avec lui cette -version" impos
sible !
II
Un mot de ses approbations.
■ On lui a donné l'Imprimatur, sans
doute, mais sur sa réputation, par indul
gence voulue. — Bonté fâcheuse, peut-
être. t - Mais cependant; une note publi
que et officielle de l'archevêché l'a averti
formellement que cet imprimatur n'est
pas une approbation proprement dite,
mais plutôt un simple permis d'imprimer,
appelant très bien la critique. •— Qu'a-t-
il à dire alors ?
Quant aux compliments qu'il a reçus
des prélats auxquels il adressait son li
vre — avant la sentence de l'Index — il
faut être aveuglé comme il l'est pour y
voir des sentences doctrinales. Ce sont
des accusés de réception, polis, aimables,
flatteurs, comme il convient entre gens
du monde, gentes mundi. ■■
Osons d'ailleurs, respectueusement,'
dire à nos vénérés prélats, qu'on ne leur
reprocherait point, à l'heure qu'il est, de
se montrer un peu plus sobres de ce
genrç de bénédictions. Nous recevons
journellement des paquets de prospectus
de librairie quelconques presque entiè
rement composés de lettres d'évêques.
Cela peut avoir des inconvénients, sur
tout en France, où l'on est moins habitué
aux superlatifs.
III
M. Barbin traite ici de l'Index. J©
me permets de retrancher cette par
tie de sa réponse. Si je l'insérais,
M. Henri Lasserre voudrait s'éten
dre sur ce sujet et je vois déjà ve
nir deux ou trois chapitres de son
mémoire confidentiel. Nenni ! Je
ferme nos colonnes à ce nouveau
débordement. Et pour consoler M.
l'abbé Barbin je lui dis tout bas qu'à
mon sentiment, M. Lasserre sera
plus fâché que lui de mon refus.
Je rends la parole à M. l'abbé Bar
bin.
■ ' ■ ' IV V
Reste la vertueuse finale : Déplorons
ces controverses entre catholiques!
Comment! C'est Lasserre qui ose
prendre ce rôle ! —■ Lasserre qui, depuis
dix ans, peste et geint à tout venant con
tre l'autorité ecclésiastique ! — Lasserre
qui... ,
. Drumont a écrit, en son chapitre -.Clergé
fin-de-siëcle, des pages infiniment regret
tables sur l'affaire Lasserre. Il y injurie
vilainement notre vieux cardinal, cher
che à ridiculiser sa personne, son lan
gage,.etc... Lasserre a-t-il protesté? A-
t-il publié un mot de. regret ou d'excuses?
Drumont, lui, avait une excuse, c'est
qu'il croyait à son ami Lasserre et à « sa
verve endiablée » (façopde gasconne se-
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