Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1896-01-13
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 janvier 1896 13 janvier 1896
Description : 1896/01/13 (Numéro 10225). 1896/01/13 (Numéro 10225).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k709014r
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 13 Janvier 1896
Edition quotidienne. —10,225
4 v' V / n
V / (.
18 m;
s
Lundi 13 Janvier 1896
ÉDITI ON QUOTID IENNE
- PARIS ÉTRANGER
bt départements (union postale)
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. . . ; . , . 40 »
Six mois. . ... 21 »
Trois mois. ... 11 »
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Les abonnements parten t des 1 «> et 16 dé chaque mois
Paris . 10 cent.
™ NUMÉRO | ÊX'; r U' m e„t s ;
15 —
BUREAUX : Paris, 15, me de Vernavdl
On s'abonne à Rome, place du Qesù, 8
uHXw
SOMJWAÏBK
Bulletin dn jour.g...
Les Mémoires de Ro
chefort Eugène Tavernier.
Lettres de Genève.... Z. Z.
A Zola. Boyer d'Agen.
Urbain' II à Clermont. F. G.
Variétés : Vinticinque
anni J. M. Séaume.
Feuilletons : Le. lende
main de la victoire... Loois Veuillot.
— A travers les revues.
Union libre et anonyme. — Le comédien
Crispi. — Irresponsabilité. — Les comp
tes des fabriques. — Souhaits du nouvel
an. — Informations politiques. — Affaire
Lebaudy.— L'A/faire Arton. —- La lu te
des i04. — Suicide de Jacques Meytr.
— Chronique. — Une lettre du R, P. La-
cordaire.— Conférence. — Les missions.
Les Massacres en Arménie. — En Irlande
— Alsace-Lorraine. —Au lran#waal.—
Etranger. — Nécrologie. — Chronique
religieuse. — Tribunaux. — Nouvelle»
diverses.
BULLE TIN DU JOUR
PARIS, 12 JANVIER
L'attention de là presse et du pu
blic reste tout entière, de plus en
plus surexcitée, aux multiples scan
dales soulevés par l'affaire Lebaudy.
De nouvelles comparutions devant le
juge d'instruction, M. Meyer, .ont eu
lieu, de nouvelles perquisitions, à
droite et à gauche, ont été opérées;
on annonce de nouvelles et retentis
santes arrestations. "
Hier matin j avant de - partir pour
Lyon, M. Bourgeois, accompagné de
MM. Gavaignac et Berthelot, s'est
rendu à l'Elysée. Les . trois ministres
ont eu avec le président de la Répu
blique une longue conférence. On
pense qu'elle avait pour cause certai
nes découvertes faites au cours de
l'instruction par M. Meyer. Des per
sonnalités seraient, compromises ,
et par ricochet, on se trouverait
amené sur la piste d'une vaste entre
prise d'espionnage international.
M. Bourgeois, président du conseil
des ministres, et M. Doumer, minis
tre des finances, accompagnés par
MM. Millaud, sénateur* Clapot, dé
puté, sont arrivés, hier soir, à onze
heures quinze, en gare de Lyon-Perra-
che. M. Rivaud, préfet du Rhône, qui
était allé attendre à Mâcon le train
-ministériel, avait pris place dans le
"&agon-salon de M. Bourgeois.
Lés ministres, ont été reçus sur le
quai par M. Gailleton, maire de Lyon,
entouré de . plusieurs adjoints et du
bureau du conseil municipal; pai» le
général Zédéj gouverneur militaire;
MM. Moulle et : Rostaing, secrétaires
généraux de la préfecture. . '
Le baron Beelaerts van Blockland.
représentant du Transvaal en Europe,
arrivé hier à Paris, a eu une longue,
conférence avec M. Berthelot, notre
ministre des affaires étrangères. M.
Beelaerts van Blockland a pu donner
à M. Berthelot quelques renseigne
ments dont celui-ci doit avoir besoin,
sur la République Sud-Africaine. Nous
ne doutons pas que le ministre des
affaires étrangères n'ait affirmé à .M.
Beelaerts van Blockland, toutes les
sympathies de la' France pour le
Transvaal.
En Angleterre, on se montré tou
jours très échauffé.
, On annonce de Portsmouth, de
Chathàm et de Devanport, que les
préparatifs pour mettre en état l'es
cadre volante qui devra être adjointe
à l'escadre de la Manche, continuent
sans interruption. Tous lés navires
seront prêts à la date fixée, c'est-à-
dire le 14 janvier. Une grande quan
tité de fusils Leenetford ont été em
barqués pour Tarmeïnent des équi
pages.
Cependant, la polémique à laquelle
a donné lieu l'agression de Jameson
paraît s'apaiser de plus en plus en
Allemagne ; mais la question des
rapports du Transvaal avec l'Angle-,
terre, soulevée par cet événement,
préoccupe toujours vivement le
monde politique.
On semble avoir adopté complète
ment, dans les sphères officielles, le
le point de vue du gouvernement du
Transvaal, à savoir que le traité de
Londres de 1884 ne confère à l'An
gleterre aucune espèce de suzeraineté
sur la République sud africaine.
LES MEMOIRES DE ROCHEFORT
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 13 Janvier 1896
LE LEMIAIÏ DE LA VICTOIRE"'
.(vision)
III
■ ■ uns rue
Les marchands mettent les volets aux bou
tiques, et se rassemblent en petits groupes
inquiets près des portes. Coups. de fusil au
loin.
dénis du puis; — Eh bien I qu'est-ce
donc? les journaux ne disaient pourtant
rien oe matin 1
l'épicier . — Il paraît que ça chauffe.
jacques bonhommb N'y allODS-BOUS
pas?
l'épicier . — Où ?
jacques bonhommb. — Au feu. On a
battu le rappel.
une portière . — Même qu'ils ont tué
les tambours ; ils sont maîtres partout.
dénis dupuis . — Qui ?
la portière . — Les Rouges. ( Marques
de terreur.)
dénis dupuis . — Allons, citoyens, met
tons nos uniformes.
l'épicier .— Pourquoi n'àvez-vous pas
lie vôtre, vous? Moi je reste. J'en ai assez
du gouvernement. Qu'est ce que ça me
(i) Voir ÏÛuivers du 11 janvier.
11 ne paraît pas du tout que la
France prenne aucun agrément à les
lire. Par la France, j'entends Paris,
qui est pour Rochefort la seule huma
nité intéressante et intelligente ; et
encore, dans Paris, l'unique rive
droite ou plutôt quelques portions de
la rive droite.-
L'œuvre essentielle du grand
homme est limitée aux dernières an
nées de l'Empire. Courte destinée.
Vieille histoire.
Depuis le glorieux « Narquois » a
continué ses exercices et il a pris part
à la démolition de Gambetta, nuis de
Ferry, puis de Constans. Il a conduit
assez loin iJoulanger que M. Clémen-
ceau avait introduit dans la carrière
et bientôt répudié.
Après trente ans d'une . pareille
besogne, que faire? Se raconter. L'il
lustre Rochefort se raconte.
Alors le public trouve que c'est
terriblement la même chose; -
Pour .expliquer leur déception, les
lecteurs n'ont pas la ressource de
dire que le héros est usé; car il est de
meuré parfaitement égal à lui-même.
Les cheveux blancs n'ont pas rendu
la physionomie plus sérieuse et l'âge
n'a rien enlevé à la souplesse des
articulations. Avec une régularité et
une aisance suprême, Rochefort exé
cute les grimaces et les gambades
de ses débuts. « La France, qui
« qui compte trente-six millions de
« sujets, sans compter ceux de mé-
« contentement... » Ainsi le mer.veil-
leux"« narquois » a commencé, con
tinué et, sans nul, doute, finira,
< Lui ne changera point ; mais sa
France s'étonne d'avoir pris tant de
plaisir à un procédé si rudimentaire.
Alors qu'il se vante d'une rare fécon
dité, on s'aperçoit que la fécondité
est très voisine de la monotonie.
Les spectateurs rappellent un per- ;
sonnage de Labiche, vieux bonhomme
de province amené à Paris par une
bande de» jeunes gens qui veulent
mener joyeuse vie, promené de théâ
tre en restaurant et qui bientôt éreinté,
dégoûté, abruti, dit tous, les matins,
avec une inquiétude lamentable :
« Est-rce qu'on va encore s'amuser? ».
Ceux qui connaissaient l'adoles
cence de Rochefort n'éprouvaient au
cun désir de l'entendre narrer. Ceûx
qui l'ignoraient ont jugé que les an
ciens prologues de l'Ambigu étaient
autrement émouvants. Et puis dans
ces histoires, il faut au moins un in
dividu qui ait quelque apparence sym
pathique. s ■
Des horreurs, et des absurdités
contre Marie-Antoinette Rochefort
s'en est servi trop souvent. Comment
il fut àmené à combattre, l'empire!
Qu'importe, puisque l'empire n'est
Elus qu'un très vieux cadavre. La
onté d'âme et les vertus privées de-
Victor Hugo : quel paradoxe candide!
On ne se doutait" pas qu'un narquois»
de profession pût être si « gobeur ».
_ Rochefort déclamant par cœur, au
pied levé, mille vers pris dans les
Châtiment ,s ou dans un» autre chef-
d'œuvre, comme parfait sergent ins
tructeur qui est toujours prêt à réciter
la théorie\ même en commençant par
la fin, voilà une idée comique. Lui
s'imagine qu'elle est touchante. S'il
avait rencontré quelque chose de
pareil n'importe où, il se serait tout
de suite senti emporté par la verve
railleuse.
Au fond, et même écrits sur le ton
sempiternellément goguenard, des
Mémoires manifestent sinon une pen
sée, du moins une tendance qui a
quelque cbfose- de sérieux Se racon
ter, c'est donner une sotte d'explica
tion; c'est pour l'illustre railleur
prendre un souci qui ne lui convient
pas.
Des grimaces, des gambades et des
calembourgs (surtout les calembourgs
qui révèlent l'affinité mystérieuse des
Victor Hugo et de Rochefort), la
France aurait encore accepté cela
malgré l'émoi résultant d'une trop
longue habitude. Mais un plaidoyer
non. PoUrqu r oi pas un .traité d'écono
mie politique.
Il y à huit ou dix années, dans les
cirques, un clown éminent qui s'ap
pelait Auguste, personnifiait la gaité
populaire. Nul comme lui ne savait
se composer une perruque insensée
ni cabrioler de travers. Son nom est
devenu un type et désigne un emploi.
On ne voit point qu'il ait tenté de
rivaliser avec les autres artistes soit
sur les chevaux, soit sur le trapèze^
Il devinait qu'une . telle prétention
, l'eût perdu. Il demeura fidèle à lui-
même jusqu'au bout et rendit pres
que le dernier souffle dans ses con
torsions professionnelles; préoccupé
| sans doute de remplir un devoir, Ro
chefort, qui veut finir en donnant
du sérieux à sa goguenardise, n'au
rait donc pas l'âme stoïque ! !
Un autre Auguste a pratiqué aussi
la fidélité invincible. Celui-là était
empereur. Il mourut, en disant à ses
amis : « Aivje bien joué mon rôle ?
Voyons, applaudissez. »
Rochefort psychologue, c'est le lan-
ternier « qui a perdu sa. lanterne ».
Se souviendrait-il d'un mot mépri
sant dé Voltaire sur le peu d'intelli
gence des hommes qui ont pour
métier de faire rire? Non, puisqu'il
n'a lu que Victor Hago.
.11 voudrait donner une leçon et il la
donne, mais pas de la manière qu'il
suppose. En le voyant occupé à écrire
l'histoire, ses contemporains songent
que c'ést lui qui jadis leur procura
tant de joie et tant dé fierté. Et ils
fo.nt la grimace ; ce qui est naturel,
puisque les rôles sont renversés.
E ugène T avernier.
veut même pas dire son nom. Les
extravaganc es odieuses et folles, de
Mme Mincie soulèvent à la fois l'in
digfifêftion et le rire, mêlés d'un peu
de pitié.-Elle cherche ce résultat ét
l'obtient. Mais c'est encore plus fort
et plus abominable, qu'elle veuille
imposer aux enfants qui ont eu le
malheur de naître d'elle ce genre de
vie odieux et ridicule.
On est inquiet à Rome. Et, suivant
l'usage, on cherche un bouc émis
saire Il faut trouver le pelé, le galeux
d'où tout le mal- est venu. M. Crispi
déjà le désigne. C'est ce malheureux
général Baratieri à qui il a télégra
phié :
« Je crois que; dans vos nouvelles,
la confusion et l'incertitude existent.
Remarquez que votre honneur et celui
du pays sont en jeu : lorsque vous
aurez une idée claire sur la situation,
il ne sera peut-être plus temps de
vous envoyer les renforts néces
saires. » .
Depuis, Iês renforts ont été envoyés
— mais il manque le moyen d'appro
visionner et de nourrir les soldats qui
arrivent. Des désastres menacent. Ils
seront toujours imputables au géné
ral Baratieri et pendant qu'on le cou
vrira d'insultes M. Crispi se préparera
à riïoriter lui-même au capitole.
Quel comédien que cet homme I
Un homme vient d'être condamné
à deux ans de prison. Il avait la
manie cruelle de couper le lobe des
oreilles à des enfants auxquels il
faisait croire qu'il les guérissait ainsi
de terribles maladies à venir. Le mé
decin expert avait à se demander si ce
sanguinaire était responsable.
Il a répondu : « C'est un dilettante
de la chirurgie ». On comprend que
le tribunal ne se soit pas contenté de
cette excuse. Il n'y auraitplus moyen
de condamner personne si les théo
ries de l'irresponsabilité allaient jus
qu'à excuser d'aussi originaux « dilet
tantes ».
fait, que les Rouges soient maîtres? Ils
mangeront du gruyère comme les au
tres.
jacques bonhomme .— Et ils. aboliront,
les dettes, n'est-ce pas, voisin ?
l'épicier . — Que voulez vous dire? . ■ .
jacques bonhomme .— Je dis que, quand
tout le monde fait faillite, il n'y a plus de
honte à déposer son bilan. V
l"épicier . — Vous me payerez cela.
j acques bonhomme — Ça mè sera plus
facile qu'à toi de payer ton terme. (//* se
montrent le poing.)
drnis dupuis . — Messieurs, messieurs,
ce n'est pas le moment de se disputer. Sau
vons l'ordre et la république.
jacqubs bonhomme .-— Allez vous pro
mener, vous, avec votre République 1 Elle
nous a bien accommodas ! Tous les jours
des banqueroutes, et tous les mois des
coups de fusil ! Que ceux qui l'ont faite la
défendent. Je ne me ferai pas crever la
peau pour elle-. •
dénis dupuis . — Eh ! monsieur, je ne
tiens pas plus que vous à la république. Il
s'agit de l'ordre et de la propriété...
baisemain ; — C'est-à-dire des proprié
taires.
dénis dupuis . — N'est-ce pas la môme
chose ?
l'épicier . — Oui, c'est la n.ème chose,
et je me, trouverais béte de mourir pour
eux, moi, qui n'ai que mon corps et ma
boutique.
dénis dupuis . : — Voire boutique sera
pillée.
Quand elle habitait Montpellier,
Mme Négro, plus connue sous le
liom dé Paulè Mihck, « oratrice » r des
réunions révolutionnaires, eut un fils
qu'elle voulut appeler Lucifer, Blan-
qui, Vercingétorix. L'officier del'état-
i civil refusa d'inscrire les deux pre-
! miers noms et,-quelques jours après,
le pauvre enfant mourait. Paule Minck
; vient de se distinguer, à nouveau, par
■ une aussi odieuse et ridicule extrava-
; gance. Dans les bureaux de la Revue
socialiste , elle a procédé hier, par
devant-'ràdirii'nistrateur du 'journal,'
au mariage-sans^notaire; ni' maire,
ni prêtre, au mariage de sa fille avec
un jeune homme qui désire garder
r incognito. On .a servi un lùnch én
; faveur dé cès adeptes "de l'amour
libre... èt pas toujours durable, cap
: on se demande ce que valent les
, engagements d'un .homme qui ne
baisemain . — Vous insultez le peuple,
■ monsieur. ( Elevant la voix.) Croyez-vous
que là blouse ej, la veste ne valent pas l'ha
bit noir?
• dénis dupuis .— Mais, monsieur...
baisemain, plus haut. — Vous êtes un
ihsolènt, monsieur.'!.
la portière . — A bas l'aristocrate ! ...
plusieurs voix, -r- A bas l'aristocrate 1
dénis dupuis . — Je ne suis pas aristo
crate. Je respecte le peuple, j'en suis. J'ai
'bien' le droit dé soutenir le gouverrnfe-
mentl
' baisemain * :;cnan< — Non, monsieur.
Quand le peuple parle, il faut obéir.
. jacques bonhomme ; — A bas le gouver .
inement 1: A bas les avocats, les braillards,
les bourgeois, qui font des lois et qui i met
tent des impôts I Je çlem.ande un dictateur
, qui jette tout à la porte. Ça sera bien fait,
Bi le gouvernement veut qu'on le sou
i tienne, pourquoi a-t-il renversé l'autre ?
baisemain . — Il n'y a pas de gouverne
ment. Il n'y a que la volonté du peuple.
dénis dupuis . — Mais enfin, me direz-
vous oe qu'il veut, le peuple.
l'épicier . Cela ne vous regarde pas.
"le portier . — Le peuple veut être heu
reux et libre. . - ,
jaçques bonhomme . —, Le peuple veut la
tranquillité et un dictateur.
baisemain . — C'est cela ; et la liberté.
; jaçques bonhomme . —. La liberté, j'en
i ai plein le dos.
baisemain . -7 Ne'parlez pas ainsi.
jacques bonhomme . — Je parle à ma
La Cour des comptes a tenu, lundi,
son audience trimestrielle, sous la
présidence de M. Boulanger, séna
teur, premier président.
On sait qu'une partie des comptes
des fabriques est soumise à l'examen
de la Cour des comptes. A ce sujet,
du rapport de M. le procuréur gé
néral, nous extrayons le passage ci-
après :
La production des comptes de Fabriques,
conseils presbytéraux et consistoires, pour
suit le procureur général, s'pffcctue, j.e le
constate avec regret, trop lentement, mal
gré les circulaires de l'administration des
cultes et nos réclamations personnelles,
celles-ci forcément limitées tant que nous
ne connaîtrons pas le cadre -de nos nou
veaux justiciables.
Au moment actuel, la Cour n'est encore
saisie que de 159 comptes de cette catégo
rie, dont 144 de fabriques, 4 de oonseils
presbytéraux, 7 de consistoires et 4 de
syndicats de pompes funèbres. Il faut, as
surément,' nous l'avons déjà, dit, fairè la
part des difficultés que peuvent rencontrer
dans l'application des règlements de 1893
des- trésoriers peu expérimentés, enclins
peut-être à s'exagérer les prescriptions
auxquelles ils sont soumis ; mais depuis
neuf mois et demi que l'exercice 1894 est
clos, ils o.it eu, semble-t-il, tout le temps
de prendre lès conseils nécessaires et de
dresser les comptes. De plus longs 1 retards
. deviendraient fâcheux à tous égards. Nous
; espérons que le trimestre qui commence
verra s 'améliorer cet état de choses et que
la loi pourra enfin recevoir sa pleine et en
tière exécution.
Nous croyons, nous, le contraire.
Cette loi ne recevra pas « sa pleine et
entière exécution », pour cette excel
lente raison qu'elle est inexécu
table.
. Un an. . t. • . »
Six mois. . . -.
Trois mois. . .
. PARIS ÉTRANGER
bt départements , (onion postais)
. . 20 » • 26 »
10
&
13 »
6 50
Les abonnements partent des 1 er et 16 de chaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressât
• ANNONCES
MM. LA.GRANGE, CERF et G 1 ',, 6, place de la Bourse
SOUHAITS DE NOUVEL AN
Mgr l'évêque d'Arras a présenté à
son clergé ses souhaits de nouvel an,
dans une lettre où sont donnés ces
précieux conseils :
... Puisqu'il faut, pour répondre à vos
affeotueux souhaits d'heureuse année, vous
envoyer le nôtre, nous vous le transmet
tons au nom du Saint-Père lui-même* Il
renferme tout un programme ou plutôt il
exprime, sous sa forme la plus vraie, ce
que doit être le ministère fructueux d'un
pasteur, au milieu de la population qui lui
a été confiée.
Recommandez à vos prêtres, nous disait
Léon XIII, de ne point s'isoler du peuple^
mais d'aller à lui et de le conquérir en lui
prouvant qu'ils l'aiment. Cette preuve,
ajoutait le grand Pontife, se donne par les
actes du dévouement : Créez, encoura
gez, soutenez les œuvres de bienfaisance
populaire.
Du reste, il suffit d'ouvrir l'Evangile
pour reconnaître la justesse de cette dec-
trine:« Cœpit Jésus facere et docere (Act.I);
en même temps qu'il enseignait, Jésus agis
sait ». Et ses actes donnaient le point
d'appui à sa parole. — Et que faisait-il?
Parcourez les pages du texte sacré : il gué
rissait, il consolait, il nourrissait la foule au
désert, en un mot, il passait en faisant le
bien: « Pertransutbenefaciefido (Act.X,38) ».
Messieurs, voilà, le programme de
Léon XIII. Que le clergé continue de passer
ep. faisant le bien. Le dernier mot lui res-
lêra;"Ta"vicldîfe finale sera pour lui. « Le
monde, suivant la belle parole du saint curé
d'Ars, appartient à celui qui l'aime davan
tage et qui sait le mieux le lui prouver. »
LETTRES DE GENÉffi
Genève, 9 janvier 1896.
Les chambres fédérales ont prompte-
ment clos leur session, et nous avons eu
de bonne heure ce que vous appelez à Pa
ris la trêve des confiseurs. A vrai dire,
elle ne saurait être trop longue à Genève
pour les fêtes qui s'y succèdent. C'est ainsi
que chaque année,nous célébrons, le 12 dé
cembre, l'Escalade, ainsi nommée d'un
coup de main que tenta pour s'emparer de
la cité calviniste, en 1602, le duo de Sa
voie, Charles-Emmanuel. A la faveur des.
épaisses ténèbres de là nuit, trois cents
hommes, résolus et bien armés, avaient
escaladé , au moyen d'échelles, les murailles
de la ville, avec l'intention d'en ouvrir les
portes à une petite armée campée près de
là, sous les ordres du seigneur d'Albigny.
Mais, braves jusqu'à la témérité, ils n'é
taient pas à un degré suffisant doués de
sang-froid et dé cette prudence qui ne laisse
rien à l'imprévu ; surpris par un soldat
du guet, qui donna le signal d'alarme, ils
perdirent la tète; au lieu'de se masser sur.
un point, et là , de vendre chèrement
leur vie, ou bien de se replier vers leurs
échelles afin de se ménager un moyen de
salut, ils se dirigèrent vers l'hôtel de. ville
en se partageant en petites bandes, qui fu
rent bientôt enveloppées par la foule des
citoyens sortant de toutes les maisons, mu
nis de piques, de lances, de pertuisanes,
de mousquetons et même de marmites.
Ce fut moins un combat qu'un massacre ;
deux cents Savoyards trouvèrent la mort
dans cette mêlée ; quelques-uns parvin
rent à se cacher et à s'enfuir plus tard ; les
autres* qui s'étaient rendus prisonniers en
criant merci, furent pendus dans la journée
comme brigands et félons.
D'Albigny ne fut pas plus habile tacti
cien. Au tocsin qui sonnait, aux cris qui
s'élevaient de la ville, aux lumières qui
brillaientde toutes parts,il devinaquelecoup
était manqué-et s'enfuit, au lieu de tenter
une diversion en faveur de ses frères
d'armes au moyen d'un assaut en règle.
Lorsque le soleil vint éclairer le théâtre
du carnage, les Genevois se rendirent
compte de la grandeur du péril auquel ils
avaient échappé, et, dans l'ivresse d'une
joie bien naturelle, se précipitèrent à Saint-
. Pierre pour y chanter un cantique à l'Eter
nel. Ils s'imaginèrent même qu'ils venaient
de remporter une victoire que les annales
des siècles enregistreraient à côté de Ma
asa»
: guise, et "ce n'est pas toi qui me feras taire.
i,Quel est ton métier? Tu m'as l'air, d'un
propre à rien !
baisemain . — Voiis ne savez pas à qui
vous parlez. Je suis Baisemain, l'un des
rédacteurs de la Lanterne sociale.
jacques bonhomme . — Eh bienl Baise
main, rédacteur de la Lanterne sociale, si
tu dis un mot, je te ferai voir 36 chandelles.
baisemain. — vous?
jacques bonhomme . — Moi-même, Jao-
ques-Jean-Jérôihe Bonhomme» marchand
fruitier patenté, père de six enfants légi
times, entends-tu?
baisemain . — Vous êtes un brave citoyen,
et je m'étonne de vous voir parmi les
.réactionnaires.
jacques bonhommé . — Réactionnaire,
moi \ Attrape ça, gredin.
(Il lui détache un soufflet. Baisemain fait
cinq ou six pas en arrière et tombe.)
un gamin . — Comme c'est mouché! Bis!
\Les coups de fusil se rapprochent. On en
tend crier ; Aux armes !)
la portière . — Les Rouges I Ils ont des
fusils de la ligne.
(Tout le monde rentre. Baisemain reste sur
le pavé. Une troupe d'insurgés envahit
la rue.)
rheto. — Pistolets A la ceinture, fusil
de chasse en bandoulière, sabre turc à la
main. — Vive la république sociale 1
voix de la bandb . A bas les bour
geois !
rheto . — Halte! (Il aperçoit Baisemain.)
Relevez cet homme.
baisemain , — A moi, oitoyens !
rheto . —.Eh mais 1 c'est le farouche
Baisemain ! Que fais-tu là.?
baisemain . — J'étais seul pour insur
ger ce quartier. Un garde national en fuyant
m'a tiré un coup de fusil.
rheto . '— La balle t'a effroyablement
poohé l'œil. Ton nez sanglant flue comme
l'urne d'un fleuve classiqua.
baisemain . — Que mon sang coule pour
la république sociale !
— guyot . — Commandant, si le citoyen
voulait, il nous servirait de cadavre.
rheto . — Comment ? '•
guyot . — Oui. Pâle et ensanglanté, nous
le promènerions dans les rues en oriant
« On égorge nos frères ! » Ça fait bien.
rheto , à Baisemain. — Qu'en dis-tu ?
baisemain . — Non ; je me sens la force
de combattre encore. Je vais ici près me
faire panser et je vous rejoins. Citoyens,
vive la république sociale 1 Ne me plaignez
pas d'avoir souffert pour elle. Heureux ses
martyrs ! (Il sort).
les insurgés . — Vive Baisemain !
rheto . ■— L'intrigant ! il tirera bon parti
du coup de poing qu'il a reçu... de sa pro
pre main, peut-être... (A sa troupe.) Ci
toyens, la position est importante. Il faut ici
une barricade. A l'ouvrage, et dépêchons )
On dépave). Trente fusils de bonne, vo
lonté 1 _
hommes armés . — Présents 1
rheto . — Partagez vous ces fenêtres à
droite et à gauche. Si l'on résiste, vous avez
des fcaïonnertes. Ménagez vos cartouches.
rathon ou tout au moins de S9mpach, et ■ .
quoique l'histoire n'ait pas ratifié ce juge-
ment, ils ne s'abstiennent pas pour autant"
d'en célébrer exactement l'anniversaire. Le
côté religieux a complètement disparu de '
la fête ; plus de ' cantique à l'Eternel , et si
le carillon- de l'ancienne cathédrale n'en
répétait l'air chaque année pendant quel
ques jours, on aurait même fini par oublier
la vieille chanson en patois qui commençait
par ces mots : «Ce qué laino... Celui qui est,
là-haut, h maître des batailles. »
Les gamins ont mieux conservé le re
frain : « Ah ! la belle escalade, Savoyard,
Savoyard »; et encore tombe-t il en désué
tude, peut-être pour cette raison bien sim
ple, que les Savoyards, si nombreux parmi
nous, sont les premiers à prendre part aux
réjouissances. Ne les blâmons point trop
de ce manque de patriotisme : à Genève,
l'Escalade remplace le carnaval, et il n'y en
a pas d'autre. Aussi l'on s'en donne â cœur
joie : pendant trois jours, ou plutôt trois
nuits, dès que la lumière du. soleil a lait
place à celle des bec 3 de gaz, les rues se
remplissent de masques qui circulent au
milieu d'une foule de curieux. Le choix le
plus bizarre de costumes se donne libre
carrière ; mais, en général, les masques se
ressemblent en un point, le nez en est très
long : ceci à l'adresse du duc de Savoie.
Ce n'est toutefois là que la fête des en
fants et. de la classe populaire ; les bour
geois, si petits soient-ils, s'asseyent, un de
ces mêmes soirs, à un repas de famille ou
de société, dont une dinde est le plat prin
cipal, de par les exigences d'une antique
tradition.
L'élément sérieux n'est pas tout-à-fait
négligé; les ardents patriotes trouvent leur
temps pour se presser dans une salle où un
conférencier en vogue leur, ressasse, d'an
née en année, le récit de la célèbre nuit du
12 décembre 1602, récit qui serait sopori
fique à l'excès s'il n'était agrémenté de
commentaires fortement épicés contre
François de Sales, les -jésuites, etc. Cette
fois-ci, la parole était à un ministre du saint
Evangile-, comme on devait s'y attendre, au
nom de la paix et de la tolérance, il n'a pas
manqué, dans sa conclusion, de signaler
le péril que font courir les catholiques à la
vieille Genève.
A peine est-on remis de ces émotions,
que le 31 décembre nous ramène la fête de
la rettauralion. Le souvenir n'est pas en
core séculaire. La grande république fran
çaise n'avait pas traité sa petite sœur avec
autant de façons qu'en avait mis le duc < de
Savoie; après l'avoir d'abord affamée pen
dant que'que temps au moyen d'un système
douanier qui équivalait à un blocus en règle,
elle avait, un beau matin du 15 avril .1798,
fait entrer dans la ville sans défense, trois
corps de troupes, et en avait fait le chef-
lieu du département du Léman. Les ci-
oyens ne subirent le joug qu'en frémissant;
les levées militaires, le blocus continental
qui minait leur commerce, le rétablissement
officiel du catholicisme dans la cité de Cal-'
vin, tous ces motifs réunis ne firent qu'exas
pérer leur indignation; aussi, rien ne dé
peindra les transports avec lesquels ils appri
rent, en 1813, les victoires des alliés et leur
marche vers la France. Ils se disaient que
l'heure de la délivrance allait sonner pour
eux. En effet, dans les derniers jours de-
décembre, l'administration française, pré
fet, général, garnison de la ville se reti
raient, et, le 30, _ une armée autrichienne;
commandée par Bubna, se trouvait devant
la porte dite de Cornavin : le lendemain,
quand elle entra, ce n'était plus une place ®
ennemie qu'elle conquérait, mais un état
ami qui l'accueillait à. bras ouverts. Pen
dant la nuit, un gouvernement provisoire
s'était organisé et. dès le point du jour, il
avait affirmé son existence par une procla
mation que publiaient des huissiers aux
anciennes couleurs nationales.
Tel est l'événement que l'on célèbre par
de nouveaux banquets et par ce que l'on
appelle le service liturgique de la restaurar
lion ; dans un temple de la oité, un révé
rend prêcheur, devant une assistance clair
semée de zélés adorateurs, lit une prière
et prononce un discours de circonstance,
un insurgé . — Citoyen commandant, il
faudrait un peu de charpente pour soutenir
la barricade. . - ... . -
rheto . — Entrez dans ces maisons, et
requérez les meubles du premier èt du
second étage pour un service national; mais
ne laissez pas approcher des oaves.
un gamin . — Aujourd'hui nous travail
lons pour nos frères les ébénistes et les vi
triers; demain on fera quelque chose pour
ces pauvres vignerons.
rheto, à Guyot. —- Ecoute. Tu vois
cette maison, c'est l'hôtel de l'ex-comte de
Lavaur, père de Valentin. Le vieil aristo
crate m'a jadis outragé, et je pourrais le
faire repentir. Je veux être généreux.
Place quelques hommes de garde dans sa
cour, et empêche qu'on ne monte chez
lui.
i
(Des hommes armés paraissent aux fenêtres
des étages supérieurs. La barricade s'élève
rapidement; on la couronne d'un drapeau
rouge.
les insurgés . — Vive la République so
ciale ! A mort les aristos !
IV
hotel du comte de laveur; cour d'entrêb
griffard . — Va-t-on nous laisser moisir
ici? Je m'ennuie à garder cette porte de
cave. J'ai envie d'aller chercher une bou
teille. . ;
simplet, r- Ne le fais pas; tu verrai?
tout de suite, accourir.les amisi
Edition quotidienne. —10,225
4 v' V / n
V / (.
18 m;
s
Lundi 13 Janvier 1896
ÉDITI ON QUOTID IENNE
- PARIS ÉTRANGER
bt départements (union postale)
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an. . . ; . , . 40 »
Six mois. . ... 21 »
Trois mois. ... 11 »
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Les abonnements parten t des 1 «> et 16 dé chaque mois
Paris . 10 cent.
™ NUMÉRO | ÊX'; r U' m e„t s ;
15 —
BUREAUX : Paris, 15, me de Vernavdl
On s'abonne à Rome, place du Qesù, 8
uHXw
SOMJWAÏBK
Bulletin dn jour.g...
Les Mémoires de Ro
chefort Eugène Tavernier.
Lettres de Genève.... Z. Z.
A Zola. Boyer d'Agen.
Urbain' II à Clermont. F. G.
Variétés : Vinticinque
anni J. M. Séaume.
Feuilletons : Le. lende
main de la victoire... Loois Veuillot.
— A travers les revues.
Union libre et anonyme. — Le comédien
Crispi. — Irresponsabilité. — Les comp
tes des fabriques. — Souhaits du nouvel
an. — Informations politiques. — Affaire
Lebaudy.— L'A/faire Arton. —- La lu te
des i04. — Suicide de Jacques Meytr.
— Chronique. — Une lettre du R, P. La-
cordaire.— Conférence. — Les missions.
Les Massacres en Arménie. — En Irlande
— Alsace-Lorraine. —Au lran#waal.—
Etranger. — Nécrologie. — Chronique
religieuse. — Tribunaux. — Nouvelle»
diverses.
BULLE TIN DU JOUR
PARIS, 12 JANVIER
L'attention de là presse et du pu
blic reste tout entière, de plus en
plus surexcitée, aux multiples scan
dales soulevés par l'affaire Lebaudy.
De nouvelles comparutions devant le
juge d'instruction, M. Meyer, .ont eu
lieu, de nouvelles perquisitions, à
droite et à gauche, ont été opérées;
on annonce de nouvelles et retentis
santes arrestations. "
Hier matin j avant de - partir pour
Lyon, M. Bourgeois, accompagné de
MM. Gavaignac et Berthelot, s'est
rendu à l'Elysée. Les . trois ministres
ont eu avec le président de la Répu
blique une longue conférence. On
pense qu'elle avait pour cause certai
nes découvertes faites au cours de
l'instruction par M. Meyer. Des per
sonnalités seraient, compromises ,
et par ricochet, on se trouverait
amené sur la piste d'une vaste entre
prise d'espionnage international.
M. Bourgeois, président du conseil
des ministres, et M. Doumer, minis
tre des finances, accompagnés par
MM. Millaud, sénateur* Clapot, dé
puté, sont arrivés, hier soir, à onze
heures quinze, en gare de Lyon-Perra-
che. M. Rivaud, préfet du Rhône, qui
était allé attendre à Mâcon le train
-ministériel, avait pris place dans le
"&agon-salon de M. Bourgeois.
Lés ministres, ont été reçus sur le
quai par M. Gailleton, maire de Lyon,
entouré de . plusieurs adjoints et du
bureau du conseil municipal; pai» le
général Zédéj gouverneur militaire;
MM. Moulle et : Rostaing, secrétaires
généraux de la préfecture. . '
Le baron Beelaerts van Blockland.
représentant du Transvaal en Europe,
arrivé hier à Paris, a eu une longue,
conférence avec M. Berthelot, notre
ministre des affaires étrangères. M.
Beelaerts van Blockland a pu donner
à M. Berthelot quelques renseigne
ments dont celui-ci doit avoir besoin,
sur la République Sud-Africaine. Nous
ne doutons pas que le ministre des
affaires étrangères n'ait affirmé à .M.
Beelaerts van Blockland, toutes les
sympathies de la' France pour le
Transvaal.
En Angleterre, on se montré tou
jours très échauffé.
, On annonce de Portsmouth, de
Chathàm et de Devanport, que les
préparatifs pour mettre en état l'es
cadre volante qui devra être adjointe
à l'escadre de la Manche, continuent
sans interruption. Tous lés navires
seront prêts à la date fixée, c'est-à-
dire le 14 janvier. Une grande quan
tité de fusils Leenetford ont été em
barqués pour Tarmeïnent des équi
pages.
Cependant, la polémique à laquelle
a donné lieu l'agression de Jameson
paraît s'apaiser de plus en plus en
Allemagne ; mais la question des
rapports du Transvaal avec l'Angle-,
terre, soulevée par cet événement,
préoccupe toujours vivement le
monde politique.
On semble avoir adopté complète
ment, dans les sphères officielles, le
le point de vue du gouvernement du
Transvaal, à savoir que le traité de
Londres de 1884 ne confère à l'An
gleterre aucune espèce de suzeraineté
sur la République sud africaine.
LES MEMOIRES DE ROCHEFORT
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 13 Janvier 1896
LE LEMIAIÏ DE LA VICTOIRE"'
.(vision)
III
■ ■ uns rue
Les marchands mettent les volets aux bou
tiques, et se rassemblent en petits groupes
inquiets près des portes. Coups. de fusil au
loin.
dénis du puis; — Eh bien I qu'est-ce
donc? les journaux ne disaient pourtant
rien oe matin 1
l'épicier . — Il paraît que ça chauffe.
jacques bonhommb N'y allODS-BOUS
pas?
l'épicier . — Où ?
jacques bonhommb. — Au feu. On a
battu le rappel.
une portière . — Même qu'ils ont tué
les tambours ; ils sont maîtres partout.
dénis dupuis . — Qui ?
la portière . — Les Rouges. ( Marques
de terreur.)
dénis dupuis . — Allons, citoyens, met
tons nos uniformes.
l'épicier .— Pourquoi n'àvez-vous pas
lie vôtre, vous? Moi je reste. J'en ai assez
du gouvernement. Qu'est ce que ça me
(i) Voir ÏÛuivers du 11 janvier.
11 ne paraît pas du tout que la
France prenne aucun agrément à les
lire. Par la France, j'entends Paris,
qui est pour Rochefort la seule huma
nité intéressante et intelligente ; et
encore, dans Paris, l'unique rive
droite ou plutôt quelques portions de
la rive droite.-
L'œuvre essentielle du grand
homme est limitée aux dernières an
nées de l'Empire. Courte destinée.
Vieille histoire.
Depuis le glorieux « Narquois » a
continué ses exercices et il a pris part
à la démolition de Gambetta, nuis de
Ferry, puis de Constans. Il a conduit
assez loin iJoulanger que M. Clémen-
ceau avait introduit dans la carrière
et bientôt répudié.
Après trente ans d'une . pareille
besogne, que faire? Se raconter. L'il
lustre Rochefort se raconte.
Alors le public trouve que c'est
terriblement la même chose; -
Pour .expliquer leur déception, les
lecteurs n'ont pas la ressource de
dire que le héros est usé; car il est de
meuré parfaitement égal à lui-même.
Les cheveux blancs n'ont pas rendu
la physionomie plus sérieuse et l'âge
n'a rien enlevé à la souplesse des
articulations. Avec une régularité et
une aisance suprême, Rochefort exé
cute les grimaces et les gambades
de ses débuts. « La France, qui
« qui compte trente-six millions de
« sujets, sans compter ceux de mé-
« contentement... » Ainsi le mer.veil-
leux"« narquois » a commencé, con
tinué et, sans nul, doute, finira,
< Lui ne changera point ; mais sa
France s'étonne d'avoir pris tant de
plaisir à un procédé si rudimentaire.
Alors qu'il se vante d'une rare fécon
dité, on s'aperçoit que la fécondité
est très voisine de la monotonie.
Les spectateurs rappellent un per- ;
sonnage de Labiche, vieux bonhomme
de province amené à Paris par une
bande de» jeunes gens qui veulent
mener joyeuse vie, promené de théâ
tre en restaurant et qui bientôt éreinté,
dégoûté, abruti, dit tous, les matins,
avec une inquiétude lamentable :
« Est-rce qu'on va encore s'amuser? ».
Ceux qui connaissaient l'adoles
cence de Rochefort n'éprouvaient au
cun désir de l'entendre narrer. Ceûx
qui l'ignoraient ont jugé que les an
ciens prologues de l'Ambigu étaient
autrement émouvants. Et puis dans
ces histoires, il faut au moins un in
dividu qui ait quelque apparence sym
pathique. s ■
Des horreurs, et des absurdités
contre Marie-Antoinette Rochefort
s'en est servi trop souvent. Comment
il fut àmené à combattre, l'empire!
Qu'importe, puisque l'empire n'est
Elus qu'un très vieux cadavre. La
onté d'âme et les vertus privées de-
Victor Hugo : quel paradoxe candide!
On ne se doutait" pas qu'un narquois»
de profession pût être si « gobeur ».
_ Rochefort déclamant par cœur, au
pied levé, mille vers pris dans les
Châtiment ,s ou dans un» autre chef-
d'œuvre, comme parfait sergent ins
tructeur qui est toujours prêt à réciter
la théorie\ même en commençant par
la fin, voilà une idée comique. Lui
s'imagine qu'elle est touchante. S'il
avait rencontré quelque chose de
pareil n'importe où, il se serait tout
de suite senti emporté par la verve
railleuse.
Au fond, et même écrits sur le ton
sempiternellément goguenard, des
Mémoires manifestent sinon une pen
sée, du moins une tendance qui a
quelque cbfose- de sérieux Se racon
ter, c'est donner une sotte d'explica
tion; c'est pour l'illustre railleur
prendre un souci qui ne lui convient
pas.
Des grimaces, des gambades et des
calembourgs (surtout les calembourgs
qui révèlent l'affinité mystérieuse des
Victor Hugo et de Rochefort), la
France aurait encore accepté cela
malgré l'émoi résultant d'une trop
longue habitude. Mais un plaidoyer
non. PoUrqu r oi pas un .traité d'écono
mie politique.
Il y à huit ou dix années, dans les
cirques, un clown éminent qui s'ap
pelait Auguste, personnifiait la gaité
populaire. Nul comme lui ne savait
se composer une perruque insensée
ni cabrioler de travers. Son nom est
devenu un type et désigne un emploi.
On ne voit point qu'il ait tenté de
rivaliser avec les autres artistes soit
sur les chevaux, soit sur le trapèze^
Il devinait qu'une . telle prétention
, l'eût perdu. Il demeura fidèle à lui-
même jusqu'au bout et rendit pres
que le dernier souffle dans ses con
torsions professionnelles; préoccupé
| sans doute de remplir un devoir, Ro
chefort, qui veut finir en donnant
du sérieux à sa goguenardise, n'au
rait donc pas l'âme stoïque ! !
Un autre Auguste a pratiqué aussi
la fidélité invincible. Celui-là était
empereur. Il mourut, en disant à ses
amis : « Aivje bien joué mon rôle ?
Voyons, applaudissez. »
Rochefort psychologue, c'est le lan-
ternier « qui a perdu sa. lanterne ».
Se souviendrait-il d'un mot mépri
sant dé Voltaire sur le peu d'intelli
gence des hommes qui ont pour
métier de faire rire? Non, puisqu'il
n'a lu que Victor Hago.
.11 voudrait donner une leçon et il la
donne, mais pas de la manière qu'il
suppose. En le voyant occupé à écrire
l'histoire, ses contemporains songent
que c'ést lui qui jadis leur procura
tant de joie et tant dé fierté. Et ils
fo.nt la grimace ; ce qui est naturel,
puisque les rôles sont renversés.
E ugène T avernier.
veut même pas dire son nom. Les
extravaganc es odieuses et folles, de
Mme Mincie soulèvent à la fois l'in
digfifêftion et le rire, mêlés d'un peu
de pitié.-Elle cherche ce résultat ét
l'obtient. Mais c'est encore plus fort
et plus abominable, qu'elle veuille
imposer aux enfants qui ont eu le
malheur de naître d'elle ce genre de
vie odieux et ridicule.
On est inquiet à Rome. Et, suivant
l'usage, on cherche un bouc émis
saire Il faut trouver le pelé, le galeux
d'où tout le mal- est venu. M. Crispi
déjà le désigne. C'est ce malheureux
général Baratieri à qui il a télégra
phié :
« Je crois que; dans vos nouvelles,
la confusion et l'incertitude existent.
Remarquez que votre honneur et celui
du pays sont en jeu : lorsque vous
aurez une idée claire sur la situation,
il ne sera peut-être plus temps de
vous envoyer les renforts néces
saires. » .
Depuis, Iês renforts ont été envoyés
— mais il manque le moyen d'appro
visionner et de nourrir les soldats qui
arrivent. Des désastres menacent. Ils
seront toujours imputables au géné
ral Baratieri et pendant qu'on le cou
vrira d'insultes M. Crispi se préparera
à riïoriter lui-même au capitole.
Quel comédien que cet homme I
Un homme vient d'être condamné
à deux ans de prison. Il avait la
manie cruelle de couper le lobe des
oreilles à des enfants auxquels il
faisait croire qu'il les guérissait ainsi
de terribles maladies à venir. Le mé
decin expert avait à se demander si ce
sanguinaire était responsable.
Il a répondu : « C'est un dilettante
de la chirurgie ». On comprend que
le tribunal ne se soit pas contenté de
cette excuse. Il n'y auraitplus moyen
de condamner personne si les théo
ries de l'irresponsabilité allaient jus
qu'à excuser d'aussi originaux « dilet
tantes ».
fait, que les Rouges soient maîtres? Ils
mangeront du gruyère comme les au
tres.
jacques bonhomme .— Et ils. aboliront,
les dettes, n'est-ce pas, voisin ?
l'épicier . — Que voulez vous dire? . ■ .
jacques bonhomme .— Je dis que, quand
tout le monde fait faillite, il n'y a plus de
honte à déposer son bilan. V
l"épicier . — Vous me payerez cela.
j acques bonhomme — Ça mè sera plus
facile qu'à toi de payer ton terme. (//* se
montrent le poing.)
drnis dupuis . — Messieurs, messieurs,
ce n'est pas le moment de se disputer. Sau
vons l'ordre et la république.
jacqubs bonhomme .-— Allez vous pro
mener, vous, avec votre République 1 Elle
nous a bien accommodas ! Tous les jours
des banqueroutes, et tous les mois des
coups de fusil ! Que ceux qui l'ont faite la
défendent. Je ne me ferai pas crever la
peau pour elle-. •
dénis dupuis . — Eh ! monsieur, je ne
tiens pas plus que vous à la république. Il
s'agit de l'ordre et de la propriété...
baisemain ; — C'est-à-dire des proprié
taires.
dénis dupuis . — N'est-ce pas la môme
chose ?
l'épicier . — Oui, c'est la n.ème chose,
et je me, trouverais béte de mourir pour
eux, moi, qui n'ai que mon corps et ma
boutique.
dénis dupuis . : — Voire boutique sera
pillée.
Quand elle habitait Montpellier,
Mme Négro, plus connue sous le
liom dé Paulè Mihck, « oratrice » r des
réunions révolutionnaires, eut un fils
qu'elle voulut appeler Lucifer, Blan-
qui, Vercingétorix. L'officier del'état-
i civil refusa d'inscrire les deux pre-
! miers noms et,-quelques jours après,
le pauvre enfant mourait. Paule Minck
; vient de se distinguer, à nouveau, par
■ une aussi odieuse et ridicule extrava-
; gance. Dans les bureaux de la Revue
socialiste , elle a procédé hier, par
devant-'ràdirii'nistrateur du 'journal,'
au mariage-sans^notaire; ni' maire,
ni prêtre, au mariage de sa fille avec
un jeune homme qui désire garder
r incognito. On .a servi un lùnch én
; faveur dé cès adeptes "de l'amour
libre... èt pas toujours durable, cap
: on se demande ce que valent les
, engagements d'un .homme qui ne
baisemain . — Vous insultez le peuple,
■ monsieur. ( Elevant la voix.) Croyez-vous
que là blouse ej, la veste ne valent pas l'ha
bit noir?
• dénis dupuis .— Mais, monsieur...
baisemain, plus haut. — Vous êtes un
ihsolènt, monsieur.'!.
la portière . — A bas l'aristocrate ! ...
plusieurs voix, -r- A bas l'aristocrate 1
dénis dupuis . — Je ne suis pas aristo
crate. Je respecte le peuple, j'en suis. J'ai
'bien' le droit dé soutenir le gouverrnfe-
mentl
' baisemain * :;cnan< — Non, monsieur.
Quand le peuple parle, il faut obéir.
. jacques bonhomme ; — A bas le gouver .
inement 1: A bas les avocats, les braillards,
les bourgeois, qui font des lois et qui i met
tent des impôts I Je çlem.ande un dictateur
, qui jette tout à la porte. Ça sera bien fait,
Bi le gouvernement veut qu'on le sou
i tienne, pourquoi a-t-il renversé l'autre ?
baisemain . — Il n'y a pas de gouverne
ment. Il n'y a que la volonté du peuple.
dénis dupuis . — Mais enfin, me direz-
vous oe qu'il veut, le peuple.
l'épicier . Cela ne vous regarde pas.
"le portier . — Le peuple veut être heu
reux et libre. . - ,
jaçques bonhomme . —, Le peuple veut la
tranquillité et un dictateur.
baisemain . — C'est cela ; et la liberté.
; jaçques bonhomme . —. La liberté, j'en
i ai plein le dos.
baisemain . -7 Ne'parlez pas ainsi.
jacques bonhomme . — Je parle à ma
La Cour des comptes a tenu, lundi,
son audience trimestrielle, sous la
présidence de M. Boulanger, séna
teur, premier président.
On sait qu'une partie des comptes
des fabriques est soumise à l'examen
de la Cour des comptes. A ce sujet,
du rapport de M. le procuréur gé
néral, nous extrayons le passage ci-
après :
La production des comptes de Fabriques,
conseils presbytéraux et consistoires, pour
suit le procureur général, s'pffcctue, j.e le
constate avec regret, trop lentement, mal
gré les circulaires de l'administration des
cultes et nos réclamations personnelles,
celles-ci forcément limitées tant que nous
ne connaîtrons pas le cadre -de nos nou
veaux justiciables.
Au moment actuel, la Cour n'est encore
saisie que de 159 comptes de cette catégo
rie, dont 144 de fabriques, 4 de oonseils
presbytéraux, 7 de consistoires et 4 de
syndicats de pompes funèbres. Il faut, as
surément,' nous l'avons déjà, dit, fairè la
part des difficultés que peuvent rencontrer
dans l'application des règlements de 1893
des- trésoriers peu expérimentés, enclins
peut-être à s'exagérer les prescriptions
auxquelles ils sont soumis ; mais depuis
neuf mois et demi que l'exercice 1894 est
clos, ils o.it eu, semble-t-il, tout le temps
de prendre lès conseils nécessaires et de
dresser les comptes. De plus longs 1 retards
. deviendraient fâcheux à tous égards. Nous
; espérons que le trimestre qui commence
verra s 'améliorer cet état de choses et que
la loi pourra enfin recevoir sa pleine et en
tière exécution.
Nous croyons, nous, le contraire.
Cette loi ne recevra pas « sa pleine et
entière exécution », pour cette excel
lente raison qu'elle est inexécu
table.
. Un an. . t. • . »
Six mois. . . -.
Trois mois. . .
. PARIS ÉTRANGER
bt départements , (onion postais)
. . 20 » • 26 »
10
&
13 »
6 50
Les abonnements partent des 1 er et 16 de chaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui sont adressât
• ANNONCES
MM. LA.GRANGE, CERF et G 1 ',, 6, place de la Bourse
SOUHAITS DE NOUVEL AN
Mgr l'évêque d'Arras a présenté à
son clergé ses souhaits de nouvel an,
dans une lettre où sont donnés ces
précieux conseils :
... Puisqu'il faut, pour répondre à vos
affeotueux souhaits d'heureuse année, vous
envoyer le nôtre, nous vous le transmet
tons au nom du Saint-Père lui-même* Il
renferme tout un programme ou plutôt il
exprime, sous sa forme la plus vraie, ce
que doit être le ministère fructueux d'un
pasteur, au milieu de la population qui lui
a été confiée.
Recommandez à vos prêtres, nous disait
Léon XIII, de ne point s'isoler du peuple^
mais d'aller à lui et de le conquérir en lui
prouvant qu'ils l'aiment. Cette preuve,
ajoutait le grand Pontife, se donne par les
actes du dévouement : Créez, encoura
gez, soutenez les œuvres de bienfaisance
populaire.
Du reste, il suffit d'ouvrir l'Evangile
pour reconnaître la justesse de cette dec-
trine:« Cœpit Jésus facere et docere (Act.I);
en même temps qu'il enseignait, Jésus agis
sait ». Et ses actes donnaient le point
d'appui à sa parole. — Et que faisait-il?
Parcourez les pages du texte sacré : il gué
rissait, il consolait, il nourrissait la foule au
désert, en un mot, il passait en faisant le
bien: « Pertransutbenefaciefido (Act.X,38) ».
Messieurs, voilà, le programme de
Léon XIII. Que le clergé continue de passer
ep. faisant le bien. Le dernier mot lui res-
lêra;"Ta"vicldîfe finale sera pour lui. « Le
monde, suivant la belle parole du saint curé
d'Ars, appartient à celui qui l'aime davan
tage et qui sait le mieux le lui prouver. »
LETTRES DE GENÉffi
Genève, 9 janvier 1896.
Les chambres fédérales ont prompte-
ment clos leur session, et nous avons eu
de bonne heure ce que vous appelez à Pa
ris la trêve des confiseurs. A vrai dire,
elle ne saurait être trop longue à Genève
pour les fêtes qui s'y succèdent. C'est ainsi
que chaque année,nous célébrons, le 12 dé
cembre, l'Escalade, ainsi nommée d'un
coup de main que tenta pour s'emparer de
la cité calviniste, en 1602, le duo de Sa
voie, Charles-Emmanuel. A la faveur des.
épaisses ténèbres de là nuit, trois cents
hommes, résolus et bien armés, avaient
escaladé , au moyen d'échelles, les murailles
de la ville, avec l'intention d'en ouvrir les
portes à une petite armée campée près de
là, sous les ordres du seigneur d'Albigny.
Mais, braves jusqu'à la témérité, ils n'é
taient pas à un degré suffisant doués de
sang-froid et dé cette prudence qui ne laisse
rien à l'imprévu ; surpris par un soldat
du guet, qui donna le signal d'alarme, ils
perdirent la tète; au lieu'de se masser sur.
un point, et là , de vendre chèrement
leur vie, ou bien de se replier vers leurs
échelles afin de se ménager un moyen de
salut, ils se dirigèrent vers l'hôtel de. ville
en se partageant en petites bandes, qui fu
rent bientôt enveloppées par la foule des
citoyens sortant de toutes les maisons, mu
nis de piques, de lances, de pertuisanes,
de mousquetons et même de marmites.
Ce fut moins un combat qu'un massacre ;
deux cents Savoyards trouvèrent la mort
dans cette mêlée ; quelques-uns parvin
rent à se cacher et à s'enfuir plus tard ; les
autres* qui s'étaient rendus prisonniers en
criant merci, furent pendus dans la journée
comme brigands et félons.
D'Albigny ne fut pas plus habile tacti
cien. Au tocsin qui sonnait, aux cris qui
s'élevaient de la ville, aux lumières qui
brillaientde toutes parts,il devinaquelecoup
était manqué-et s'enfuit, au lieu de tenter
une diversion en faveur de ses frères
d'armes au moyen d'un assaut en règle.
Lorsque le soleil vint éclairer le théâtre
du carnage, les Genevois se rendirent
compte de la grandeur du péril auquel ils
avaient échappé, et, dans l'ivresse d'une
joie bien naturelle, se précipitèrent à Saint-
. Pierre pour y chanter un cantique à l'Eter
nel. Ils s'imaginèrent même qu'ils venaient
de remporter une victoire que les annales
des siècles enregistreraient à côté de Ma
asa»
: guise, et "ce n'est pas toi qui me feras taire.
i,Quel est ton métier? Tu m'as l'air, d'un
propre à rien !
baisemain . — Voiis ne savez pas à qui
vous parlez. Je suis Baisemain, l'un des
rédacteurs de la Lanterne sociale.
jacques bonhomme . — Eh bienl Baise
main, rédacteur de la Lanterne sociale, si
tu dis un mot, je te ferai voir 36 chandelles.
baisemain. — vous?
jacques bonhomme . — Moi-même, Jao-
ques-Jean-Jérôihe Bonhomme» marchand
fruitier patenté, père de six enfants légi
times, entends-tu?
baisemain . — Vous êtes un brave citoyen,
et je m'étonne de vous voir parmi les
.réactionnaires.
jacques bonhommé . — Réactionnaire,
moi \ Attrape ça, gredin.
(Il lui détache un soufflet. Baisemain fait
cinq ou six pas en arrière et tombe.)
un gamin . — Comme c'est mouché! Bis!
\Les coups de fusil se rapprochent. On en
tend crier ; Aux armes !)
la portière . — Les Rouges I Ils ont des
fusils de la ligne.
(Tout le monde rentre. Baisemain reste sur
le pavé. Une troupe d'insurgés envahit
la rue.)
rheto. — Pistolets A la ceinture, fusil
de chasse en bandoulière, sabre turc à la
main. — Vive la république sociale 1
voix de la bandb . A bas les bour
geois !
rheto . — Halte! (Il aperçoit Baisemain.)
Relevez cet homme.
baisemain , — A moi, oitoyens !
rheto . —.Eh mais 1 c'est le farouche
Baisemain ! Que fais-tu là.?
baisemain . — J'étais seul pour insur
ger ce quartier. Un garde national en fuyant
m'a tiré un coup de fusil.
rheto . '— La balle t'a effroyablement
poohé l'œil. Ton nez sanglant flue comme
l'urne d'un fleuve classiqua.
baisemain . — Que mon sang coule pour
la république sociale !
— guyot . — Commandant, si le citoyen
voulait, il nous servirait de cadavre.
rheto . — Comment ? '•
guyot . — Oui. Pâle et ensanglanté, nous
le promènerions dans les rues en oriant
« On égorge nos frères ! » Ça fait bien.
rheto , à Baisemain. — Qu'en dis-tu ?
baisemain . — Non ; je me sens la force
de combattre encore. Je vais ici près me
faire panser et je vous rejoins. Citoyens,
vive la république sociale 1 Ne me plaignez
pas d'avoir souffert pour elle. Heureux ses
martyrs ! (Il sort).
les insurgés . — Vive Baisemain !
rheto . ■— L'intrigant ! il tirera bon parti
du coup de poing qu'il a reçu... de sa pro
pre main, peut-être... (A sa troupe.) Ci
toyens, la position est importante. Il faut ici
une barricade. A l'ouvrage, et dépêchons )
On dépave). Trente fusils de bonne, vo
lonté 1 _
hommes armés . — Présents 1
rheto . — Partagez vous ces fenêtres à
droite et à gauche. Si l'on résiste, vous avez
des fcaïonnertes. Ménagez vos cartouches.
rathon ou tout au moins de S9mpach, et ■ .
quoique l'histoire n'ait pas ratifié ce juge-
ment, ils ne s'abstiennent pas pour autant"
d'en célébrer exactement l'anniversaire. Le
côté religieux a complètement disparu de '
la fête ; plus de ' cantique à l'Eternel , et si
le carillon- de l'ancienne cathédrale n'en
répétait l'air chaque année pendant quel
ques jours, on aurait même fini par oublier
la vieille chanson en patois qui commençait
par ces mots : «Ce qué laino... Celui qui est,
là-haut, h maître des batailles. »
Les gamins ont mieux conservé le re
frain : « Ah ! la belle escalade, Savoyard,
Savoyard »; et encore tombe-t il en désué
tude, peut-être pour cette raison bien sim
ple, que les Savoyards, si nombreux parmi
nous, sont les premiers à prendre part aux
réjouissances. Ne les blâmons point trop
de ce manque de patriotisme : à Genève,
l'Escalade remplace le carnaval, et il n'y en
a pas d'autre. Aussi l'on s'en donne â cœur
joie : pendant trois jours, ou plutôt trois
nuits, dès que la lumière du. soleil a lait
place à celle des bec 3 de gaz, les rues se
remplissent de masques qui circulent au
milieu d'une foule de curieux. Le choix le
plus bizarre de costumes se donne libre
carrière ; mais, en général, les masques se
ressemblent en un point, le nez en est très
long : ceci à l'adresse du duc de Savoie.
Ce n'est toutefois là que la fête des en
fants et. de la classe populaire ; les bour
geois, si petits soient-ils, s'asseyent, un de
ces mêmes soirs, à un repas de famille ou
de société, dont une dinde est le plat prin
cipal, de par les exigences d'une antique
tradition.
L'élément sérieux n'est pas tout-à-fait
négligé; les ardents patriotes trouvent leur
temps pour se presser dans une salle où un
conférencier en vogue leur, ressasse, d'an
née en année, le récit de la célèbre nuit du
12 décembre 1602, récit qui serait sopori
fique à l'excès s'il n'était agrémenté de
commentaires fortement épicés contre
François de Sales, les -jésuites, etc. Cette
fois-ci, la parole était à un ministre du saint
Evangile-, comme on devait s'y attendre, au
nom de la paix et de la tolérance, il n'a pas
manqué, dans sa conclusion, de signaler
le péril que font courir les catholiques à la
vieille Genève.
A peine est-on remis de ces émotions,
que le 31 décembre nous ramène la fête de
la rettauralion. Le souvenir n'est pas en
core séculaire. La grande république fran
çaise n'avait pas traité sa petite sœur avec
autant de façons qu'en avait mis le duc < de
Savoie; après l'avoir d'abord affamée pen
dant que'que temps au moyen d'un système
douanier qui équivalait à un blocus en règle,
elle avait, un beau matin du 15 avril .1798,
fait entrer dans la ville sans défense, trois
corps de troupes, et en avait fait le chef-
lieu du département du Léman. Les ci-
oyens ne subirent le joug qu'en frémissant;
les levées militaires, le blocus continental
qui minait leur commerce, le rétablissement
officiel du catholicisme dans la cité de Cal-'
vin, tous ces motifs réunis ne firent qu'exas
pérer leur indignation; aussi, rien ne dé
peindra les transports avec lesquels ils appri
rent, en 1813, les victoires des alliés et leur
marche vers la France. Ils se disaient que
l'heure de la délivrance allait sonner pour
eux. En effet, dans les derniers jours de-
décembre, l'administration française, pré
fet, général, garnison de la ville se reti
raient, et, le 30, _ une armée autrichienne;
commandée par Bubna, se trouvait devant
la porte dite de Cornavin : le lendemain,
quand elle entra, ce n'était plus une place ®
ennemie qu'elle conquérait, mais un état
ami qui l'accueillait à. bras ouverts. Pen
dant la nuit, un gouvernement provisoire
s'était organisé et. dès le point du jour, il
avait affirmé son existence par une procla
mation que publiaient des huissiers aux
anciennes couleurs nationales.
Tel est l'événement que l'on célèbre par
de nouveaux banquets et par ce que l'on
appelle le service liturgique de la restaurar
lion ; dans un temple de la oité, un révé
rend prêcheur, devant une assistance clair
semée de zélés adorateurs, lit une prière
et prononce un discours de circonstance,
un insurgé . — Citoyen commandant, il
faudrait un peu de charpente pour soutenir
la barricade. . - ... . -
rheto . — Entrez dans ces maisons, et
requérez les meubles du premier èt du
second étage pour un service national; mais
ne laissez pas approcher des oaves.
un gamin . — Aujourd'hui nous travail
lons pour nos frères les ébénistes et les vi
triers; demain on fera quelque chose pour
ces pauvres vignerons.
rheto, à Guyot. —- Ecoute. Tu vois
cette maison, c'est l'hôtel de l'ex-comte de
Lavaur, père de Valentin. Le vieil aristo
crate m'a jadis outragé, et je pourrais le
faire repentir. Je veux être généreux.
Place quelques hommes de garde dans sa
cour, et empêche qu'on ne monte chez
lui.
i
(Des hommes armés paraissent aux fenêtres
des étages supérieurs. La barricade s'élève
rapidement; on la couronne d'un drapeau
rouge.
les insurgés . — Vive la République so
ciale ! A mort les aristos !
IV
hotel du comte de laveur; cour d'entrêb
griffard . — Va-t-on nous laisser moisir
ici? Je m'ennuie à garder cette porte de
cave. J'ai envie d'aller chercher une bou
teille. . ;
simplet, r- Ne le fais pas; tu verrai?
tout de suite, accourir.les amisi
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