Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1894-09-10
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 septembre 1894 10 septembre 1894
Description : 1894/09/10 (Numéro 9589). 1894/09/10 (Numéro 9589).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 10 Septembre 1894
N* 9589 — Édition quotidienne
Lundi 10 Septembre 1894
ÉDITIO N QUOTID IENNE
PARIS ÉTRANGER
et départements (union postale)
t)n an . . . . . . 40 » 51 »
Six mois . . . . . 21 » 23 50
. Trois mois. ... 11 » - 14 »
Les abonnements parten t des 1 ," et 16 de chaque mois
tiN NUMÉRO ! ^ >ar * s • • 10 cent.
ur* { Départements. . . 1$ —
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
On s'abonne à Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUO TIDIENNE
PARIS ÉTRANGER .
et départements (union postale)
Un an. v . ... 20 » 26 »
Six mois 10' » 13 »
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l'ÉITO ne'répd pas des manuscrits fi lui sont adressés .. % ■
- ANNONCES
MM. LAGR a NUE, CERF et g ie , 6. place de la Bourse
sombrai HE
Bulletin politique...
Attitude de la presse..
Les fêtes d'Issoudun..
Çà et là : Saint-Gaudens.
'La mort du comte de
P&rîs
Les manœuvres de for
teresse
Feuilleton : Louis Veuil
lot ;.
Revue agricole
E ugène V euillot.
E ugène T aveunier.
F. V.
Colonel O rtus.
Louis Df.gron. '
A. DE VlLLIERS DE
l Isle-Adam.
Le Congo belge. — Le conseil des minis
tres. — Le nouveau prétendant. — Chro
nique. — La question ouvrière. —Les
anarchistes. — Tonkin. Andorre. <—
La guerre de Corée. — ^Etranger. —
Après le baccalauréat. — Echos de par
tout. — Nécrologie. — Guerre et marine.
—- Nouvelles diverses.
BULLETIN DU JOUR
PARIS 9 SEPTEMBRE 1894
Naturellement, tous les journaux
s'occupènt de M. le comte de Paris,
et nous donnons plus loin des extraits
des articles qu'ils consacrent au prince
défunt. En général, la presse est fa
vorable, au moiQS h l'homme privé
dont elle nè peut méconnaître les
qualités, ni la foi chrétienne. Pour le
prétendant, les appréciations sont fort
divergentes. Pendant que des jour
naux disent, avec plus ou moins d'af
fectation, que la disparition du prince
n'a aucune importance, d'autres, re-
{>renant la note de M. Barrés, hier,
aissent deviner qu'ils regrettent, pour
la République,un prétendant dont elle
n'avait rien à craindre ; ils se deman
dent si avec un prince jeune, ardent,
là situation ne sera pas changée.
Un prochain avenir nous éclairera
sans doute à ce sujet.
Quoiqu'il ne soit pris au sérieux
par personne, le général de brigade
espagnol qui s'est improvisé préten
dant et créé duc d'Anjou de son auto
rité privée, ne laisse pas que de faire
son petit tapage. Il a écrit à son cher
prince de Yalori une lettre que nous
reproduisons plus loin, ainsi qu'un
mémorandum politique de celui-ci.
Ces deux pièces ne sont même pas
des « documents », mais elles peu
vent "distraire un moment.
Si nous nous en tenons aux indis
crétions officieuses de l'Agence Havas,
le conseil des ministres tenu- hier à
Pont-sur-Seine, sous la présidence de
M. Casimir Périer, n'a pas eu l'impor
tance qu'on lui attribuait à l'avance.
Pas n'était besoin pour tenir ce con
seil d'attendre la guérison et le retour
d.e M. Dupuy, aussi divars journaux
n'adpaettent-ils pas le compte-rendu
trop peu explicite de l'Agence Havas.
Nous croirions volontiers qu'ils ont
eu un peu raison.
On trouvera plus loin la note de
l 'Agence Havas et les observations
d'un de ces journaux.
Seri ons-nous à la veille d'une ren
contre décisive entre les armées chi
noises et japonaises. On annonce
qu'elles sont en présence, .séparées
seulement par un fleuve. Il est vrai
que ledit fleuve, d'ordinaire assez
large, 'est encore agrandi par un dé
bordement, ce qui le rendrait difficile
à franchir. Les deux armées pour
raient donc rester en présence sans
s'aborder, surtout si des deux côtés les
généraux se soucient peu de risquer
une bataille.
ATTITUDE DES JOURNAUX
Nous donnons plus loin une revue
de-la presse, à la fois developpéé et
concise, sur la portée politique de la
mort du Comte de Paris. Les appré
ciations que nous reproduisons prêtent
toutes plus ou moins à la discussion.
•Nous n'en discuterons aucune. Notre
but ici est de renseigner les catholi
ques sur l'effet produit par cet événe
ment et de leur dire ce qu'en pensent
ou plutôt en veulent faire penser les
différents partis.
On se tromperait, en effet, si l'on
prenait à la lettre toutes ces appré
ciations et prévisions. L'esprit de
parti les dicte et elles n'ont qu'une
sincérité relative. Néanmoins, au to
tal, elles donnent dans leur ensem
ble, une indication assez sérieuse de
l'état de l'opinion.
Déjà, et c'est fort naturel, on s'oc
cupe du duc d'Orléans, que ses parti
sans vont , saluer roi, et on le: juge
très différemment. Les républicains le
déclarent insignifiant, ayant plus de
penchant pour la vie facile que pour
les affaires publiques et le travail ; les
royalistes annoncent en lui un homme
de réflexion et de résolution qui saura
allier la prudence à l'audace. Les
uns et les autres parlent selon leurs
désirs et sans se soucier d'approcher
plus ou moins de la vérité. Leur af
faire n'est pas dfe montrer le jeune
prince tel qu'il est, mais tel ..qu'ils le
voudraient. Il faudra s'occuper de
ces informations où la fantaisie et le
calcul politique ont tant de part,
mais rien ne presse. *
Ce qu'il convient de bien signaler
aujourd'hui, c'est que des , apprécia
tions des journaux prises en bloc, se
dégage un sentiment de grand res
pect pour le comte de Paris, ce fils
ae France, si innocent de ses mal
heurs, très digne dans sa vie privée
et dont la mort a rendu éclatantes
les vertus et la foi.'
E. Y. ■
LES FÊTES D'ISSOUDUN
8 septembre.
Les missionnaires du Sacré-Cœur célè
brent le vingt-cinquième anniversaire du
couronnement de la statue de la Sainte
Vierge, honorée dans la basilique d'Issou-
dun, sous le nom de « Notre-Dame du.
Sacré-Cœur ». Cette solennité mémorable,
qui fut présidée par Mgr Pie, marqua la
consécration rapide d'une œuvre qui est un
des témoignages les plus sensibles de la foi
et de la grâce; aussi le souvenir en est-il
resté cher aux prêtres zélés qui, de plus en
plus nombreux, sè sont groupés autour du
vénéré et bien-aimé fondateur. Le monde
glorifie la date des victoires remportées par
les armes. La piété a bien mieux encore le
droit de se réjouir quand vienl l'anniver
saire des événements qui attestent les con
quêtes réalisées par la prière. .
Issoudun est un théâtre privilégié des
merveilles de la puissance divine. Dans
cette ville où la passion anti-religieuse se
montre ardente, la Vierge-Immaculée et le"
Rédempteur sont l'objet d'une dévotion ad
mirable qui les réunit spécialement dans le
même culte. Tel était le but des désirs et
des travaux des plusieurs séminaristes qui,
dès 1849, s'étaient associés à Bourges. Tel
est le résultat obtenu par le vaillant apôtre
qui, pour sa première récompense et pour
la joie de tous, assiste à l'épanouissement
de son noble triomphe.
■ Dans un beau livre où il n'a songé à lui
que pour s'effacer le plus possible (1), le
! (1) Notre-fiame du Sacré-Cœur,'Paris, Re-
taux-Brayv j ■ • ; •
T. R. P. Chevalier a raconté cette histoire.
Si peu qu'il dise de sa part personnelle, on
devine combien elle est grande, Il a conçu
le projet, il l'a entrepris, il l'a mené à
bonne fin. Dans quelles conditions? Contre
toute - vraisemblance- humaine, presque
sans appuis, dépourvu d'abord des moin
dres ressources. Il comptait sur Dieu pour
trouver les uns et les autres, qui sont ve
nus. Un prêtre avait lu dans son âme ; un
riche donateur s'est présenté à l'heure pré
cise ; et le labeur prodigieux a commencé,
produisant vite des fruits qui n'ont cessé de
se multiplier. Doux et inlrépide, plein de
modestie et de bonté, le T. R. P. Cheva
lier est l'exemple vivant de la fécondité at
tachée à la vertu.
Une église gracieuse et magnifique s'é
lève à la place de la petite chapelle qui
rassembla les adhérents en 1855. Elle est
tout entière' enrichie de peintures et de do
rures exquises, de superbes vitraux et
d'ex-votos qui s'harmonisent avec le carao-
tère général de la décoration. Alentour se
déploient de vastes bâtiments dans lesquels
les missionnaires ont installé leur commu
nauté et l'écolo apostolique qui est un de
leurs moyens de recrutement. Derrière s'é
tend un parc qui est encore un sanctuaire :
orné de statues et d'un Calvaire monumen
tal, d'un Chemin de Croix où chaque ta
bleau est fixé au centre d'une grande croix
faite en ciment et placé sur un bloc de ro
chers ; entre les stations, il y a dix' mètres
de distance. Pour les cérémonies d'hier et
d'aujourd'hui, on a dressé des mâts q ui
déploient les bannières de la Sainte-Vierge
et du Pape ; on a construit un grand repo-
soir de verdure.
Hier après-midi, les vêpres ayant été
chantées dans la Basilique, une foule nom
breuse a suivi le Chemin de la Croix, con
duite par M. le Chanoine Caseneuve, de
Marseille, qui a commenté, avec une onc
tion pénétrante* les scène^ du drame sacré.
Le R. P. Bontemps récitait les prières. Il
revient de l'Océanie, où la congrégation
évangélise avec un grand succès. Le zélé
religieux a ramené deux jeunes Canaques,
dont on observe avec émotion l'intelligence,
la douceur et la piété.
Parmi les ecclésiastiques présents, je
note, un peu au hasard, M'.l'abbé Lagrange;
vicaire général de Chartres, qui représen
tait son frère, Mgr l'Evêque de Chartres,
empêché à la dernière heure; M. le doyen
de Luxeuil, accompagnantMgr l'Evêque de
Monaco; M. le chanoine vicaire général'
de Tours; M. le Supérieur du Grand
Séminaire de Bourges; M. lé Supérieur
de l'école Sainte-Marie de Bourges ; M. le
Supérieur de l'école Lourdoueix-Saint-
Michel; M. l'abbé Belleville (abbé de
l'Epée dans la presse); le R. P. Ramot,
missionnaire du Sacré-Cœur, provincial de.
Belgique ; des religieux Rédemptoristes de !
Châteauroux et des représentants d'autres
congrégations;' en somme, deux à trois
cents prêtres.
S. Em. le cardinal Meignan, Mgr l'ar
chevêque de Bourges, Mgr Bardel, évêque
auxiliaire de Mgr l'archevêque de Bourges,
Mgr l'évêque de Blois, Mgr Theuret, évê-
que de Monaco, sont présents.
. Les prêtres et les pèlerins laïques, hom
mes et femmes, venus de la région et de
différents point de la France et de l'étran
ger, notamment de la Belgique, sont nom
breux. Pendant le repas des invités et des
religieux, la jeune et brillante fanfare de
l'école apostolique joue dans le jardin d'en
trée*
Hier soir, au salut solennel, après le sou
per, en présente d'un auditoire qui remplis
sait la Basilique, le R. P. Jouet est monté
en chaire. Dans un discours émouvant et
chaleureux, l'éloquent orateur a retracé le
développement de l'œuvre et de la commu
nauté. C'est un superbe chapitre d'histoire
religieuse. Jusqu'à trois heures du matin,
les chants ont retenti dans l'église invoquant
Marie et le Sacré-Cœur aux pieds du Saint-
Sacrement exposé. Dès une heure, la pre
mière. messe était célébrée par M. le cha
noine Caseneuve.
À dix heures, Mgr Bardel, évêque auxi
liaire de. Bourges officie pontificalement
^dans la Basilique trop petite pour l'assis
tance. S. Ein." 3è cardinal Meignan, NN.
: SS. Boyer, Laborde, Theuret, ont pris
place à leurs trônes. Le spectacle est ma
gnifique. L'église resplendit de dorures et
de lumières. Après l'Evangile, le R. P.
Jouet prend la parole et, avec autant d'ar
deur et d'onction que la veille, parle de la
gloire de la Sainte-Vierge. Comme aux pré -
cédents offices, des artistes venus de Paris,
et dont plusieurs appartiennent à la cha
pelle de Sainte-Clotilde, exécutent de jbril-
lants morceaux. Puis, à maintes reprises,
la foule des pèlerins (le chemin de fer en a
amené plus de trois mille) chante en
chœur. Le Credo, Y Ave maris Stella, les
cantiques les plus populaires retentissent
dans l'église et au dehors.
A onze heures, Mgr Theuret, évêque de
Monaco, célèbre la messe dans le parc, en
plein air, entouré de deux mille fidèles. La
fanfare, qui l'a conduit à l'autel, le précède
encore pour le ramener à la sacristie. Tout
est joie et enthousiasme.
Le déjeuner a lieu dans deux salles. Au
moment du toast, un jeune frère scolasti-
. que du Sacré-Cœur se lève le premier et
remercie, en vers gracieux, les prélats qui
sont venus prendre part à la cérémonie. Puis,
le R. P. Vaudon, le supérieur de la maison,
poète lui aussi, et des plus délicats, lit une
olieur, un commentaire charmant emprunté
, au peuple ailé qui habite les bords de la ri
vière près de laquelle l'œuvre est établie, la
Théols, au nom symbolique. Mgr Boyer, le
pasteur de ce beau diocèse, remercie les
missionnaires du Sacré-Cœur et, en termes
élevés, chaleureux, admirables, glorifie le
zèle des religieux. M. le chanoine Caseneuil,
curé de Saint-Vincent-de-Paul de Marseille,
rend aux religieux et aux prélats un hom
mage étincelantde verve. S. Em. le cardinal
Meignan, sollicitée de prendre la parole,
s'abandonne aune causerie toute brillante :
c'est une suite de traits d'esprit interrompue
à chaque instant par les applaudissements
de l'auditoire.
La pluie né permet pas la grande proces
sion annoncée. On doit se contenter de
chanter dans la Basilique. L'assistance fait
son sacrifice et remercie Dieu des émotions
recueillies en ces jours bénis.
Je devrais, au nom de l'Univers, exprimer
ma gratitude pour les religieux qui ont
prodigué à son représentant les marques de
la plus vive sympathie. Mais je ne sais à
qui m'adresser. Je suis sûr d'être l'inter
prète de tous en constatant l'amabilité infa
tigable du R. P. Y a udon, supérieur, et du
RyP. Gandinoux, économe, qui ont su faire
face aux innombrables difficultés de l'ins
tallation.
A la fin de.ces réunions splendides, si
douces et si majestueuses, je me laisse aller
à penser aux souvenirs historiques que le
T. R. P. Chevalier a réunis dans le livre
consacré à Notre-Dame du Sacré-Cœur. La
gracieuse basilique dédiée à la Reine du
Ciel et au Sauveur du monde est construite
sur remplacement occupé, dès les temps
les plus reculés, par la déesse Isis. C'est là
* déjà que fut bâtie la première église chré
tienne, lorsque saint Ursin vint prêcher
l'Évangile dans la province de Bourges,
l'ancien royaume d'Ambigat, dont parle
Tite-Live. Le prestige de la déesse païenne
était si grand que le nom même de la ville
en a été pénétré. Issoudun s'appelait autre
fois Issoldun, qui venait, dit-on, de la déno
mination significative â'Isis-Xoldun. Les
armées de César ont campé sur ces lieux,
aujourd'hui transformés, purifiés par la
grâcej embellis par la foi, témoins de la
puissance rénovatrice quo Dieu a fondée au
milieu des hommes. Des ignorants, des
pervers ou des timides se persuadent que
cette force, qui a triomphé de tout, est
épuisée : ou la sent frémir; on l'entend se
développer, impatiente de se répandre et
d'ensevelir les ruines sous lesquelles les
moribonds voudraient étouffer sa jeunesse.
E ugène T avernier.
Çà et là
Saint-Gaudens, 5 septembre.
Le plateau qui porte la délicieuse ville de
Saint-Gaudens et qui, l'exhaussant au-
dessus de la Garonne, arrondit, devant ses
murs, le merveilleux panorama des Pyré
nées, se termine brusquement du côté de
l'Ouest ; une pente abrupte, en certains en
droits presque à pic, relie la hauteur à la
plaine ; on donne à cette extrémité du pla
teau le nom de La Caoue.
Si quelque [voyageur, arrivant de l'Ouest
par la route de Luchon ou par celle de
Montréjean, aperçoit La Caoue vers l'heure
où le soleil couchant y jette ses rayons, ses
yeux s'arrêteront, séduits, sur une chapelle
encadrée de verdure et dont la pierre jaune
apparaît toute dorée aux derniers feux de
la lumière du jour. Qu'il monte vers ce lieu
bénit et que, du seuil de la chapelle, il se
retourne pour embrasser du regard le pays
qu'il a parcouru : peu d'horizons sont
plus grandioses, et, pour l'esprit inquiet;
d'une vue plus apaisante et plus large que
l'horizon qu'on en peut contempler. La
plaine de Rivière, au sol nourricier de mois
sons abondantes, se déroule à nos pieds et
semble s'abandonner mollement aux ca
resses fécondantes du grand soleil, clairet
chaud ; çà et là, des arbres vigoureux s'é-
lançent de la terre, en longues rangées ver
doyantes et par endroits leur feuillage
éclairci laisse apercevoir le filet argenté de
la Garonne. A droite, la vue est bornée
par des hauteurs où s'étagent les champs,
les prairies et les bois semés de vil
lages. L'œil se repose à suivre cette ligne
de coteaux qui déclinent insensiblement
jusqu'à Montréjeau, point blanc parmi la
verdure, où l'on voit la colline, abaissée
penàpeu, venir enfin se perdre aux bords
de la vallée, effleurant de ses dernières on
dulations le confluentde laNesteetdela Ga
ronne. Et de là, sil'on remonte vers la gau
che,onabientôt les yeux remplis du superbe
amphithéâtre des Pyrénées : au-dessus des
premiers contreforts, aux cimes chargées
d'une épaisse toison de forêts, les vastes
prairies étalent leur verte fraîcheur sur les
flancs de montagnes plus hautes ; elles-mê
mes, ces montagnes sont dominées par les
rocs chenus, aux arêtes vives, des sommets,
que surmonte encore élevant dans le ciel sa
masse imposante, le Pic du Midi, Cepen
dant, tout au loin, quand la crête des monts
s'affaisse ou se brise,on distingue l'éclatante
blancheur des neiges glacées, qui dorment
leur éternel sommeil sous la voûte du ciel.
Et quelles impressions variées donne à la
vue ce panorama immobile et changeant,
.selon les'différentes heures du jour et les
divers états de l'atmosphère. A de certains
moments on croirait les contours de la
montagne à peine esquissés d'un léger pin
ceau sur un fond de ciel bleu, clair et ten
dre ; par instants, les sommets se perdent
noyés dans la brume et paraissent vêtus
d'une indéfinissable couleur grise, pleine
de douceur au regard, et quelquefois la
crête s'incline, hardiment dessinée en traits
vigoureux, sur l'azur profond qu'inonde
une lumière crue.
Du seuil de la chapelle, après avoir lon
guement contemplé ce paysage, et quand
l'œil est rassasié de ces contours si pleins
de grâce et de force, de ces teintes si fon
dues, si caressantes, on peut entrer dans le
sanctuaire ; on y priera mieux, d'une âme
plus élargie, plus ouvertes aux grandes
pensées, aussi d'un cœur plus haut, l'Au
teur de ces merveilles ; on y saura invoquer,
avec plus d'abondance et de gratitude, Ce
lui qui revêt les prairies de leur manteau
verdoyant, qui jette sur les champs, la pa
rure d'or clair des moissons, qui donne aux
arbres leur feuillage et leur ombre si douce
aux vallées," et aux rivières la fraîcheur et
la limpidité de leurs eaux, Celui qui dresse
la majesté hardie des rochers et couvre les
sommets de leur fourrure de neiges im
mortelles.
• La chapelle 'est romane ; elle n'a point
assurément les vastes proportions de nos
vieilles églises ; mais elle en reproduit
l'admirable pureté de lignes, et tous les
détails, où s'unissent la vigueur et lot
grâce, concourent à charmer les regards
par leur ensemble harmonieux. La voûte
s'arrondit, à la fois élégante et forte, et
par les vitraux clairs pénètre une lumière
douce. Au fond, sur l'autel, une statue se
dresse, étrange au premier coup d'oeil :
c'est un jeune berger qui porte entre les
mains sa tête coupée, d'où le sang coule à
flots ; mort, il semble marcher d'un pas
agile et sûr. Dans les grands yeux éteints
de l'enfant décapité, l'artiste a mis un re
gard fixe et brillant qui paraît contempler
déjà la lumière éternelle. C'est la statue da
saint Gaudens, patron de la ville : en ce
lieu, jadis, le petit berger, martyrisé pour
sa foi, naquit à la gloire céleste. Evaric le
Cruel, prince desWisigoths, écrasait alors la
contrée sous son odieuse tyrannie : acharné
partisan de l'hérésie d'Arius, il rêvait
d'anéantir le catholicisme ; et c'était, à ses
yeux, un crime capital que de proclamer
la divinité de Notre-Seigneur. Gaudens, le
berger de treize ans, au regard éclairé par_
la pureté de l'âme, eut le courage de con
fesser sa croyance et méprisa les valets du
persécuteur; il eut la tête tranchée, en.
présence de sa mère, Quitérie, qui, nourrie
delà forte sève des femmes chrétiennes,
encourageait son fils à mourir pour son
Dieu.
Or, le Tout-Puissant, voulant affermir les
catholiques dans leur foi, releva le cadavres
et fit marcher le mort au milieu des vivants :
le martyr alla placer sa tète sur l'autel d»
la cité, qui bientôt délivrée de l'oppression,
se mit sous la protection du saint enfant,
qu'elle avait porté.
Aux jours odieux de la Révolution, la
chapelle, édifiée dès longtemps sur la terre
arrosée du sang de Gaudens, fut démolie
de fond en comble. On voulait réduire en
poudre ces monuments de la superstition.
Aujourd'hui, cent ans après l'attentat, la
chapelle ressuscitée resplendit d un éclat
nouveau, et ses destructeurs ont été rejetés
dans l'oubli. Le culte de saint Gaudens,
martyr de la divinité du Christ, s'élève glo
rieux devant les impies, négateurs de di
vinité du Christ.
Déjà, dans le cours du siècle, M. l'abbé
Clergue,alors vicaire à Saint-Gaudens, objet
aujourd'hui de tant de respect et d'admiration
sous le nom de frère Marie -Antoine, avait
entrepris de relever la chapelle et de ré
chauffer le culte du saint martyr, un instant
attiédi, jamais éteint. Mais cette petite
merveille d'église romane qu'un architecte
de talent et de piété, M. Castex d'Aulon,a
élevé sur le penchant de la Caoue, est do
construction toute récente.
Un grand acte de foi et de générosité ea
dota, l'année dernière,, les catholiques de
Saint-Gaudens. Ce fut Mgr Compans, enfant
de cette ville,ancien vicaire général du car
dinal Donnet, qui éleva ce monument au
martyr de la divinité de Jésus -Christ. Il
voudra bien nous pardonner de lui rendre
ici cet hommage : à quoi nous servirait la
silence, ainsi que le disait M. le chanoine
Ribet, dans son éloquent panégyrique du
saint? Les pierres de ce sanctuaire- ne con
tinueraient-elles point, si nous nous taisions,
de chanter la louange de celui qui les a
jetées vers le ciel, à la gloire de Gaudens?
Lapides clamabunt !
Ce panégyrique fut prononoé lundi, dans
la chapelle de la Caoue, à l'occasion de la
fête solennelle que l'on célébrait en l'hon
neur de saint Gaudens. Devant l'assemblée
fidèle, où l'on sentait la foi monter vers
Dieu, simple et robuste en même temps
que la prière, M. le ohanoine Ribet raconta
la carrière si courte et si remplie de l'en-
FEUILLETON DE U UNIVERS
. du 10 septembre 1894
LOUIS VEUILLOT
jugé par un critique naturaliste (1)
. . . II . .
Le beau portrait que le critique de la
Revue Bleue a dressé devant nous, si
étudié qu'il soit, et si flatteur qu'il pa
raisse, ne nous satisfait pas pleinement,
nous l'avons dit en commençant. Il ne
nous donne pas, à notre avis, le vrai Louis
Veuillot ou du moins il ne nous le donne
pas tout entier. M. Jules Lemaitre, n'a pas
vu ou il a omis de marquer, du moins
avec une suffisante insistance, la part qui
revient à la Providence dans la formation
de l'homme, celle qui appartient à l'action
de la grâce dans sa conversion, celle qu'il
-faut attribuer à l'influence de la foi et des
doctrines catholiques dans son œuvre littér-
raire. C'est tout un côté chez Louis Veuil
lot, toute une face de sa vie et de son œu
vre, qu'il a laissée dans l'ombre, le côté sur
naturel.
Après l'avoir constaté pour les divers
aspects que "nous avons déjà envisagés, il
nous reste à le montrer par rapport à la
mission du vaillant polémiste, à la part d'ac
tion qu'il a exercée sur son temps et à l'ins
trument qu'il a été dajis les mains de la
Providence.
L'œuvre que la Providence accomplit de
nos jours ou la portée des événements con
temporains, M. J. Lemaitre, sans la foi,
pouvait-il s'en faire une juste idée?
Ces événements constituent un nouvel
(1) Voir l'Univers du 6 septembre,
et décisif épisode du drame immense ou
plutôt de la grande épopée dont l'histoire
de l'Eglise déroule la suite. L'bistoire de
l'Église, c'est l'histoire de la propagation
ou de la communication de la vie divine et
des bienfaits divins dans l'humanité. Au
jourd'hui cette vie et ces bienfaits divins
atteignent, pour les transformer, les cou
ches les plus humbles. Nous assistons à
l'avènement de la démocratie chrétienne!
Le mouvement de rénovation religieuse
qui signale. notre époque a commencé par
les hautes classes, comme avait fait le mou
vement révolutionnaire au siècle précédent,
et est descendu ensuite -par les classes
moyennes jusqu'au peuple. Chateaubriand
d'abord, puis Lacordaire, de Ravignàn et
Ozanam en furent les imitateurs et les pro
pagateurs . ! lï fallait un apôtre spécial et ap
proprié pour ébranler les masses populaires.
Le fils dé l'hiiirible tonnelier du Gatinais
ja. été cet apôtre. Ce fils de prolétaire est
yenu pouf désabuser les prolétaires trom
pés par les faux docteurs de la iibre-pen-
sée révolutionnaire, pour faire tomber les
préventions accréditées çhe? les petits con
tre l'Eglise et le Christ qui seuls peuvent
les relever. iEt en même temps il a eu la
mission d'inciter le clergé -et lès chrétiens
des classes dirigeantes à aller au peuple
.et à se faire les instruments dé l'oeuvre de :
charité et de justice que le Divin Ouvrier
de Nazareth a inaugurée sur la terre- i
Une telle œuvre, dont le premier promo- :
teur a été, à vrai dire, le Christ, pour ?
prendre toute son extension et produire ;
tous ses fruits devait avoir poiir principal j
■ ouvriër le Vicaire du Christ, le Pape. Il
importait de relever la Papauté (abaissée
pair le régalisme et parla Révolution), et de.
donner à son action toute sa puissance en
rendant incontestées sés prérogatives et son
autorité. De là le grand travail: de Louis
Veuillot en -la première partie de sa car-.
rière de publicisté chrétien. De là la part
qu'il a prise, dans le journal l' Univers, à
tous les grands actes de Pie IX, qui avaient
pour objectif lé relèvement de la Papauté.
C'est lorsque ce premier point a été ob
tenu et assuré qu'il s'est appliqué principa
lement à semer les idées politiques et so
ciales dont le glorieux pontificat de
Léon XIII voit le développement et la flo
raison et qui sont à la veille de fructifier
pour 'la paix et le bonheur des nations.
Nous avons parlé de son projet de Répu
blique ohrétienne tracé dès 1871, que
Taine n ? eût pas désavoué, nous dit Jules
Lemaitre. La constitution assurait à l'ordre
■età la vraie liberté les meilleures garanties.
Louis Veuillot présentait dès lors la solution
catholique de la question sociale, celle que
M. de Mun devait recommander dans les
cercles et dans les congrès avec le concours
d'autres voix éloquentes, et à laquelle l'En
cyclique De conditione opiûcum est venue
donner une éclatante "confirmation.
Oui, Louis Veuillot a montré dans ces
diverses circonstances et,surtout dans l'ac
complissement de ces grandes tâches qu'il
était plus qu'un journaliste, plus qu'un pu
blicisté ordinaire, plus qu'un polémiste
éloquent et vaillant. Il s'y révèle; nous osons
lp dire, avec la marque supérieure des
hommes qui ont reçu une mission.
Il a fondé un nouvel apostolat, l'apostolat
par le journal. Et les PP. de l'Assomption
et Drumont lui-même en ce qu'il a donné
de meilleur (quantum mutatus!) et tant
d'autres, ont été ses disciples ; ses disciples
aussi, les vaillants prêtres qui se sont fait
les apôtres des ouvriers et se sont voués à
l'œuvre de la pacification sociale-, les Le-
mire, les Naudet, les Garnier-; et de Mun,
de Mun surtout, le grand exécuteur testa*
mentaire de s_es dispositions à l'égard du
peuple, qui, brûlé de la même flamme de
charité s'avanoe par la même voie doulou
reuse, en butté aux mêmes outrages.
On me trouverait sans doute bien exa
géré si j'allais jusqu'à dire qu'il y a eu du
prophète chez Louis Veuillot ? J'ose pour
tant affirmer qu'il reproduit en sa personne
plus d'un trait appartenant aux sublimes
voyants de l'Ancien Testament. ;I1 semble
animé de leur esprit et participe parfois à
la puissance fulgurante de leur langage.
Comme les prophètes, il s'adresse aux deux
grandes cités ennemies : Rome et Paris
ne sont-elles pas la Jérusalem et la Baby-
lone modernes? Comme les prophètes, il
est rempli de l'idée du Christ (ou du Mes
sie). Il annonce et prépare aussi son règne.
Son principal, son maître-ouvrage est une
vie de Noire-Seigneur Jésus-Christ. Les
prophètes ne l'avaient-ils pas racontée par
avance.
La cité de la Paix , dont la vision éblouis
sait Isaïe, la nouvelle Jérusalem, c'est
l'Eglise,c'est Rome et l'Eglise. Louis Veuil
lot se retourne sans cesse vers Rome, et
sans cesse en évoque les splendeurs, même
quand il nous peint le Paris des odeurs ou le
faris des deux sièges.
Vis-à-vis de Paris et de la France, il a
été le prophète des vengeapees du ciel. Il
l'a été surtout aux jours heureux, avant les
catastrophes ; puis quand les malheurs sont
venus, il est devenu le prophète des con
solations et de l'espérance. Durant les deux
sièges de Paris, il nous rappelle Jérémie
dans Jérusalem investie. Malgré la grandeur
de nos désastres qu'il explique par nos pé-
ohés et par l'abandon de notre mission à
Rome, il espère, il salue de loin des jours
meilleurs.
Il voit la colère de Dieu se tourner contre
une autre Babylone. La véritable Babylone
n'est plus pour lui Paris, du .moins notre
Paris français. G'est Berlin et la Prusse
dont le Paris cosmopolite est le complice et
l'instrument.
Puis aveo la France relevée dans son an
tique grandeur et dans son rôle traditionnel
de fille aînée de l'Eglise, Louis Veuillot salua
la Papauté redevenue l'arbitre des sociétés
et des nations.
« Le3 peuples, disait-il, se tourneront
vers la sainte Montagne où leur apparaîtra
le pasteur. Ils salueront Pierre juge et pas
teur des nations. » •
Un trait qui achève ou du moins rend
plus frappante la ressemblance de Louis
Veuillot avec ces grands envoyés de Dieu
et de la Providence malgré le caractère
simple, populaire et laïque de sa physiono
mie, ce sont les hostilités qu'il a rencon
trées, les contradictions et les persécutions
qn'il a subies.
Nous avons parlé des combats qu'il a
soutenus contre les tenants de la libre-pen
sée bourgeoise et révolutionnaire, et des
luttes plus acharnées encore dans lesquelles
il futjengagé contre d'autres catholiques,
contre ceux qui parquent dans les limites
trop étroites l'action et la vie catholiques.
Mais nous n'avons pas' dit toute la malignité
de cette guerre, tout ce qui a été fait,
même par des évèques même, par un em
pereur pour briser la plume et étouffer la
voix de Louis Veuillot. Heureusement Dieu
lui avait donné/à lui aussi, un front plus
dur que celui de ses ennemis.
Ces épreuves et ces persécutions si vail
lamment subies,et tant de pertes cruelles et
taiit de douleurs domestiques si noblement
portées ont achevé de le placer sous le
rayon. C'est pour ne l'avoir pas fait reluire
au front de l'héroïque chrétien que le tra-
| vail de M. Jules Lemaitre, tout remarqua-
i ble qu'il est, ne saurait nous satisfaire.
M. Jules Lemaitre n'a pas donné au grand
catholique toute sa taille ni attribué à son
action toute son importance. Et par suite
il a diminué l'écrivain lui-même. Il n'a pas
suffisamment éclairé la principale face de
son talent et de son œuvre.
Louis Veuillot a été le véritable introduc
teur dans notre littérature de l'élément chré
tien et surnaturel à peu près absent depuis
le moyen âge.
Un critique catholique eût marqué aveo
plus d'insistance cette immense étape que
Louis Veuillot nous a fait franohir vers l'art
j baptisé ou surnaturalisé qui doit être celui
de notre démooratie chrétienne.
Châteaubriand a entr'ouvert la porte au
surnaturel chrétien. Mais il n.'a fait que
l'entr'ouvrir (1). Son œuvre comme son
christianisme est trop vague ou troublée et
contient trop d'alliage. Louis Veuillot a
précisé et vulgarisé, en les appliquant dans
des écrits plus populaires, plus purs et
plus sains,les idées artistiques et littéraires
de Châteaubriand. Il a mieux dégagé la
notion du surnaturel dans l'art. Et chemin
faisant il a vulgarisé et démocratisé les
doctrines politiques et sociales de Joseph
de Maistre, et préparé par là la vraie ré
forme chrétienne de la société.
Catholique, M. Jules Lemaitre eût re
cherché aveo plus de soin les origines ca
tholiques du talent de Louis Veuillot, et il
n'en eût pas omis d'importantes, pour ne
signaler parmi ses maîtres que La Bruyère
et Bossuet. Sans doute, dans notre moyen
âge, ,il no lui eût guère trouvé de modèies.
Mais les écrits mystiques et scolastiques
d'alors, comme les restes de notre archi
tecture Bénédictine et de nos oathédrales,
ont été des sources d'inspiration qu'il n'a
pas négligées. Les écoles poétiques et ar
tistiques du moyen âge italien auraient sur-,
tout attiré l'attention de l'éminent oritique.
(1) Je rappelle à ce propos le charmant vo
lume de poésies intitulé : le Surnaturel dans;
■l'art, que M. Lucien Dagron a publié chez Palmé
en 1879. — E. V.
N* 9589 — Édition quotidienne
Lundi 10 Septembre 1894
ÉDITIO N QUOTID IENNE
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sombrai HE
Bulletin politique...
Attitude de la presse..
Les fêtes d'Issoudun..
Çà et là : Saint-Gaudens.
'La mort du comte de
P&rîs
Les manœuvres de for
teresse
Feuilleton : Louis Veuil
lot ;.
Revue agricole
E ugène V euillot.
E ugène T aveunier.
F. V.
Colonel O rtus.
Louis Df.gron. '
A. DE VlLLIERS DE
l Isle-Adam.
Le Congo belge. — Le conseil des minis
tres. — Le nouveau prétendant. — Chro
nique. — La question ouvrière. —Les
anarchistes. — Tonkin. Andorre. <—
La guerre de Corée. — ^Etranger. —
Après le baccalauréat. — Echos de par
tout. — Nécrologie. — Guerre et marine.
—- Nouvelles diverses.
BULLETIN DU JOUR
PARIS 9 SEPTEMBRE 1894
Naturellement, tous les journaux
s'occupènt de M. le comte de Paris,
et nous donnons plus loin des extraits
des articles qu'ils consacrent au prince
défunt. En général, la presse est fa
vorable, au moiQS h l'homme privé
dont elle nè peut méconnaître les
qualités, ni la foi chrétienne. Pour le
prétendant, les appréciations sont fort
divergentes. Pendant que des jour
naux disent, avec plus ou moins d'af
fectation, que la disparition du prince
n'a aucune importance, d'autres, re-
{>renant la note de M. Barrés, hier,
aissent deviner qu'ils regrettent, pour
la République,un prétendant dont elle
n'avait rien à craindre ; ils se deman
dent si avec un prince jeune, ardent,
là situation ne sera pas changée.
Un prochain avenir nous éclairera
sans doute à ce sujet.
Quoiqu'il ne soit pris au sérieux
par personne, le général de brigade
espagnol qui s'est improvisé préten
dant et créé duc d'Anjou de son auto
rité privée, ne laisse pas que de faire
son petit tapage. Il a écrit à son cher
prince de Yalori une lettre que nous
reproduisons plus loin, ainsi qu'un
mémorandum politique de celui-ci.
Ces deux pièces ne sont même pas
des « documents », mais elles peu
vent "distraire un moment.
Si nous nous en tenons aux indis
crétions officieuses de l'Agence Havas,
le conseil des ministres tenu- hier à
Pont-sur-Seine, sous la présidence de
M. Casimir Périer, n'a pas eu l'impor
tance qu'on lui attribuait à l'avance.
Pas n'était besoin pour tenir ce con
seil d'attendre la guérison et le retour
d.e M. Dupuy, aussi divars journaux
n'adpaettent-ils pas le compte-rendu
trop peu explicite de l'Agence Havas.
Nous croirions volontiers qu'ils ont
eu un peu raison.
On trouvera plus loin la note de
l 'Agence Havas et les observations
d'un de ces journaux.
Seri ons-nous à la veille d'une ren
contre décisive entre les armées chi
noises et japonaises. On annonce
qu'elles sont en présence, .séparées
seulement par un fleuve. Il est vrai
que ledit fleuve, d'ordinaire assez
large, 'est encore agrandi par un dé
bordement, ce qui le rendrait difficile
à franchir. Les deux armées pour
raient donc rester en présence sans
s'aborder, surtout si des deux côtés les
généraux se soucient peu de risquer
une bataille.
ATTITUDE DES JOURNAUX
Nous donnons plus loin une revue
de-la presse, à la fois developpéé et
concise, sur la portée politique de la
mort du Comte de Paris. Les appré
ciations que nous reproduisons prêtent
toutes plus ou moins à la discussion.
•Nous n'en discuterons aucune. Notre
but ici est de renseigner les catholi
ques sur l'effet produit par cet événe
ment et de leur dire ce qu'en pensent
ou plutôt en veulent faire penser les
différents partis.
On se tromperait, en effet, si l'on
prenait à la lettre toutes ces appré
ciations et prévisions. L'esprit de
parti les dicte et elles n'ont qu'une
sincérité relative. Néanmoins, au to
tal, elles donnent dans leur ensem
ble, une indication assez sérieuse de
l'état de l'opinion.
Déjà, et c'est fort naturel, on s'oc
cupe du duc d'Orléans, que ses parti
sans vont , saluer roi, et on le: juge
très différemment. Les républicains le
déclarent insignifiant, ayant plus de
penchant pour la vie facile que pour
les affaires publiques et le travail ; les
royalistes annoncent en lui un homme
de réflexion et de résolution qui saura
allier la prudence à l'audace. Les
uns et les autres parlent selon leurs
désirs et sans se soucier d'approcher
plus ou moins de la vérité. Leur af
faire n'est pas dfe montrer le jeune
prince tel qu'il est, mais tel ..qu'ils le
voudraient. Il faudra s'occuper de
ces informations où la fantaisie et le
calcul politique ont tant de part,
mais rien ne presse. *
Ce qu'il convient de bien signaler
aujourd'hui, c'est que des , apprécia
tions des journaux prises en bloc, se
dégage un sentiment de grand res
pect pour le comte de Paris, ce fils
ae France, si innocent de ses mal
heurs, très digne dans sa vie privée
et dont la mort a rendu éclatantes
les vertus et la foi.'
E. Y. ■
LES FÊTES D'ISSOUDUN
8 septembre.
Les missionnaires du Sacré-Cœur célè
brent le vingt-cinquième anniversaire du
couronnement de la statue de la Sainte
Vierge, honorée dans la basilique d'Issou-
dun, sous le nom de « Notre-Dame du.
Sacré-Cœur ». Cette solennité mémorable,
qui fut présidée par Mgr Pie, marqua la
consécration rapide d'une œuvre qui est un
des témoignages les plus sensibles de la foi
et de la grâce; aussi le souvenir en est-il
resté cher aux prêtres zélés qui, de plus en
plus nombreux, sè sont groupés autour du
vénéré et bien-aimé fondateur. Le monde
glorifie la date des victoires remportées par
les armes. La piété a bien mieux encore le
droit de se réjouir quand vienl l'anniver
saire des événements qui attestent les con
quêtes réalisées par la prière. .
Issoudun est un théâtre privilégié des
merveilles de la puissance divine. Dans
cette ville où la passion anti-religieuse se
montre ardente, la Vierge-Immaculée et le"
Rédempteur sont l'objet d'une dévotion ad
mirable qui les réunit spécialement dans le
même culte. Tel était le but des désirs et
des travaux des plusieurs séminaristes qui,
dès 1849, s'étaient associés à Bourges. Tel
est le résultat obtenu par le vaillant apôtre
qui, pour sa première récompense et pour
la joie de tous, assiste à l'épanouissement
de son noble triomphe.
■ Dans un beau livre où il n'a songé à lui
que pour s'effacer le plus possible (1), le
! (1) Notre-fiame du Sacré-Cœur,'Paris, Re-
taux-Brayv j ■ • ; •
T. R. P. Chevalier a raconté cette histoire.
Si peu qu'il dise de sa part personnelle, on
devine combien elle est grande, Il a conçu
le projet, il l'a entrepris, il l'a mené à
bonne fin. Dans quelles conditions? Contre
toute - vraisemblance- humaine, presque
sans appuis, dépourvu d'abord des moin
dres ressources. Il comptait sur Dieu pour
trouver les uns et les autres, qui sont ve
nus. Un prêtre avait lu dans son âme ; un
riche donateur s'est présenté à l'heure pré
cise ; et le labeur prodigieux a commencé,
produisant vite des fruits qui n'ont cessé de
se multiplier. Doux et inlrépide, plein de
modestie et de bonté, le T. R. P. Cheva
lier est l'exemple vivant de la fécondité at
tachée à la vertu.
Une église gracieuse et magnifique s'é
lève à la place de la petite chapelle qui
rassembla les adhérents en 1855. Elle est
tout entière' enrichie de peintures et de do
rures exquises, de superbes vitraux et
d'ex-votos qui s'harmonisent avec le carao-
tère général de la décoration. Alentour se
déploient de vastes bâtiments dans lesquels
les missionnaires ont installé leur commu
nauté et l'écolo apostolique qui est un de
leurs moyens de recrutement. Derrière s'é
tend un parc qui est encore un sanctuaire :
orné de statues et d'un Calvaire monumen
tal, d'un Chemin de Croix où chaque ta
bleau est fixé au centre d'une grande croix
faite en ciment et placé sur un bloc de ro
chers ; entre les stations, il y a dix' mètres
de distance. Pour les cérémonies d'hier et
d'aujourd'hui, on a dressé des mâts q ui
déploient les bannières de la Sainte-Vierge
et du Pape ; on a construit un grand repo-
soir de verdure.
Hier après-midi, les vêpres ayant été
chantées dans la Basilique, une foule nom
breuse a suivi le Chemin de la Croix, con
duite par M. le Chanoine Caseneuve, de
Marseille, qui a commenté, avec une onc
tion pénétrante* les scène^ du drame sacré.
Le R. P. Bontemps récitait les prières. Il
revient de l'Océanie, où la congrégation
évangélise avec un grand succès. Le zélé
religieux a ramené deux jeunes Canaques,
dont on observe avec émotion l'intelligence,
la douceur et la piété.
Parmi les ecclésiastiques présents, je
note, un peu au hasard, M'.l'abbé Lagrange;
vicaire général de Chartres, qui représen
tait son frère, Mgr l'Evêque de Chartres,
empêché à la dernière heure; M. le doyen
de Luxeuil, accompagnantMgr l'Evêque de
Monaco; M. le chanoine vicaire général'
de Tours; M. le Supérieur du Grand
Séminaire de Bourges; M. lé Supérieur
de l'école Sainte-Marie de Bourges ; M. le
Supérieur de l'école Lourdoueix-Saint-
Michel; M. l'abbé Belleville (abbé de
l'Epée dans la presse); le R. P. Ramot,
missionnaire du Sacré-Cœur, provincial de.
Belgique ; des religieux Rédemptoristes de !
Châteauroux et des représentants d'autres
congrégations;' en somme, deux à trois
cents prêtres.
S. Em. le cardinal Meignan, Mgr l'ar
chevêque de Bourges, Mgr Bardel, évêque
auxiliaire de Mgr l'archevêque de Bourges,
Mgr l'évêque de Blois, Mgr Theuret, évê-
que de Monaco, sont présents.
. Les prêtres et les pèlerins laïques, hom
mes et femmes, venus de la région et de
différents point de la France et de l'étran
ger, notamment de la Belgique, sont nom
breux. Pendant le repas des invités et des
religieux, la jeune et brillante fanfare de
l'école apostolique joue dans le jardin d'en
trée*
Hier soir, au salut solennel, après le sou
per, en présente d'un auditoire qui remplis
sait la Basilique, le R. P. Jouet est monté
en chaire. Dans un discours émouvant et
chaleureux, l'éloquent orateur a retracé le
développement de l'œuvre et de la commu
nauté. C'est un superbe chapitre d'histoire
religieuse. Jusqu'à trois heures du matin,
les chants ont retenti dans l'église invoquant
Marie et le Sacré-Cœur aux pieds du Saint-
Sacrement exposé. Dès une heure, la pre
mière. messe était célébrée par M. le cha
noine Caseneuve.
À dix heures, Mgr Bardel, évêque auxi
liaire de. Bourges officie pontificalement
^dans la Basilique trop petite pour l'assis
tance. S. Ein." 3è cardinal Meignan, NN.
: SS. Boyer, Laborde, Theuret, ont pris
place à leurs trônes. Le spectacle est ma
gnifique. L'église resplendit de dorures et
de lumières. Après l'Evangile, le R. P.
Jouet prend la parole et, avec autant d'ar
deur et d'onction que la veille, parle de la
gloire de la Sainte-Vierge. Comme aux pré -
cédents offices, des artistes venus de Paris,
et dont plusieurs appartiennent à la cha
pelle de Sainte-Clotilde, exécutent de jbril-
lants morceaux. Puis, à maintes reprises,
la foule des pèlerins (le chemin de fer en a
amené plus de trois mille) chante en
chœur. Le Credo, Y Ave maris Stella, les
cantiques les plus populaires retentissent
dans l'église et au dehors.
A onze heures, Mgr Theuret, évêque de
Monaco, célèbre la messe dans le parc, en
plein air, entouré de deux mille fidèles. La
fanfare, qui l'a conduit à l'autel, le précède
encore pour le ramener à la sacristie. Tout
est joie et enthousiasme.
Le déjeuner a lieu dans deux salles. Au
moment du toast, un jeune frère scolasti-
. que du Sacré-Cœur se lève le premier et
remercie, en vers gracieux, les prélats qui
sont venus prendre part à la cérémonie. Puis,
le R. P. Vaudon, le supérieur de la maison,
poète lui aussi, et des plus délicats, lit une
olieur, un commentaire charmant emprunté
, au peuple ailé qui habite les bords de la ri
vière près de laquelle l'œuvre est établie, la
Théols, au nom symbolique. Mgr Boyer, le
pasteur de ce beau diocèse, remercie les
missionnaires du Sacré-Cœur et, en termes
élevés, chaleureux, admirables, glorifie le
zèle des religieux. M. le chanoine Caseneuil,
curé de Saint-Vincent-de-Paul de Marseille,
rend aux religieux et aux prélats un hom
mage étincelantde verve. S. Em. le cardinal
Meignan, sollicitée de prendre la parole,
s'abandonne aune causerie toute brillante :
c'est une suite de traits d'esprit interrompue
à chaque instant par les applaudissements
de l'auditoire.
La pluie né permet pas la grande proces
sion annoncée. On doit se contenter de
chanter dans la Basilique. L'assistance fait
son sacrifice et remercie Dieu des émotions
recueillies en ces jours bénis.
Je devrais, au nom de l'Univers, exprimer
ma gratitude pour les religieux qui ont
prodigué à son représentant les marques de
la plus vive sympathie. Mais je ne sais à
qui m'adresser. Je suis sûr d'être l'inter
prète de tous en constatant l'amabilité infa
tigable du R. P. Y a udon, supérieur, et du
RyP. Gandinoux, économe, qui ont su faire
face aux innombrables difficultés de l'ins
tallation.
A la fin de.ces réunions splendides, si
douces et si majestueuses, je me laisse aller
à penser aux souvenirs historiques que le
T. R. P. Chevalier a réunis dans le livre
consacré à Notre-Dame du Sacré-Cœur. La
gracieuse basilique dédiée à la Reine du
Ciel et au Sauveur du monde est construite
sur remplacement occupé, dès les temps
les plus reculés, par la déesse Isis. C'est là
* déjà que fut bâtie la première église chré
tienne, lorsque saint Ursin vint prêcher
l'Évangile dans la province de Bourges,
l'ancien royaume d'Ambigat, dont parle
Tite-Live. Le prestige de la déesse païenne
était si grand que le nom même de la ville
en a été pénétré. Issoudun s'appelait autre
fois Issoldun, qui venait, dit-on, de la déno
mination significative â'Isis-Xoldun. Les
armées de César ont campé sur ces lieux,
aujourd'hui transformés, purifiés par la
grâcej embellis par la foi, témoins de la
puissance rénovatrice quo Dieu a fondée au
milieu des hommes. Des ignorants, des
pervers ou des timides se persuadent que
cette force, qui a triomphé de tout, est
épuisée : ou la sent frémir; on l'entend se
développer, impatiente de se répandre et
d'ensevelir les ruines sous lesquelles les
moribonds voudraient étouffer sa jeunesse.
E ugène T avernier.
Çà et là
Saint-Gaudens, 5 septembre.
Le plateau qui porte la délicieuse ville de
Saint-Gaudens et qui, l'exhaussant au-
dessus de la Garonne, arrondit, devant ses
murs, le merveilleux panorama des Pyré
nées, se termine brusquement du côté de
l'Ouest ; une pente abrupte, en certains en
droits presque à pic, relie la hauteur à la
plaine ; on donne à cette extrémité du pla
teau le nom de La Caoue.
Si quelque [voyageur, arrivant de l'Ouest
par la route de Luchon ou par celle de
Montréjean, aperçoit La Caoue vers l'heure
où le soleil couchant y jette ses rayons, ses
yeux s'arrêteront, séduits, sur une chapelle
encadrée de verdure et dont la pierre jaune
apparaît toute dorée aux derniers feux de
la lumière du jour. Qu'il monte vers ce lieu
bénit et que, du seuil de la chapelle, il se
retourne pour embrasser du regard le pays
qu'il a parcouru : peu d'horizons sont
plus grandioses, et, pour l'esprit inquiet;
d'une vue plus apaisante et plus large que
l'horizon qu'on en peut contempler. La
plaine de Rivière, au sol nourricier de mois
sons abondantes, se déroule à nos pieds et
semble s'abandonner mollement aux ca
resses fécondantes du grand soleil, clairet
chaud ; çà et là, des arbres vigoureux s'é-
lançent de la terre, en longues rangées ver
doyantes et par endroits leur feuillage
éclairci laisse apercevoir le filet argenté de
la Garonne. A droite, la vue est bornée
par des hauteurs où s'étagent les champs,
les prairies et les bois semés de vil
lages. L'œil se repose à suivre cette ligne
de coteaux qui déclinent insensiblement
jusqu'à Montréjeau, point blanc parmi la
verdure, où l'on voit la colline, abaissée
penàpeu, venir enfin se perdre aux bords
de la vallée, effleurant de ses dernières on
dulations le confluentde laNesteetdela Ga
ronne. Et de là, sil'on remonte vers la gau
che,onabientôt les yeux remplis du superbe
amphithéâtre des Pyrénées : au-dessus des
premiers contreforts, aux cimes chargées
d'une épaisse toison de forêts, les vastes
prairies étalent leur verte fraîcheur sur les
flancs de montagnes plus hautes ; elles-mê
mes, ces montagnes sont dominées par les
rocs chenus, aux arêtes vives, des sommets,
que surmonte encore élevant dans le ciel sa
masse imposante, le Pic du Midi, Cepen
dant, tout au loin, quand la crête des monts
s'affaisse ou se brise,on distingue l'éclatante
blancheur des neiges glacées, qui dorment
leur éternel sommeil sous la voûte du ciel.
Et quelles impressions variées donne à la
vue ce panorama immobile et changeant,
.selon les'différentes heures du jour et les
divers états de l'atmosphère. A de certains
moments on croirait les contours de la
montagne à peine esquissés d'un léger pin
ceau sur un fond de ciel bleu, clair et ten
dre ; par instants, les sommets se perdent
noyés dans la brume et paraissent vêtus
d'une indéfinissable couleur grise, pleine
de douceur au regard, et quelquefois la
crête s'incline, hardiment dessinée en traits
vigoureux, sur l'azur profond qu'inonde
une lumière crue.
Du seuil de la chapelle, après avoir lon
guement contemplé ce paysage, et quand
l'œil est rassasié de ces contours si pleins
de grâce et de force, de ces teintes si fon
dues, si caressantes, on peut entrer dans le
sanctuaire ; on y priera mieux, d'une âme
plus élargie, plus ouvertes aux grandes
pensées, aussi d'un cœur plus haut, l'Au
teur de ces merveilles ; on y saura invoquer,
avec plus d'abondance et de gratitude, Ce
lui qui revêt les prairies de leur manteau
verdoyant, qui jette sur les champs, la pa
rure d'or clair des moissons, qui donne aux
arbres leur feuillage et leur ombre si douce
aux vallées," et aux rivières la fraîcheur et
la limpidité de leurs eaux, Celui qui dresse
la majesté hardie des rochers et couvre les
sommets de leur fourrure de neiges im
mortelles.
• La chapelle 'est romane ; elle n'a point
assurément les vastes proportions de nos
vieilles églises ; mais elle en reproduit
l'admirable pureté de lignes, et tous les
détails, où s'unissent la vigueur et lot
grâce, concourent à charmer les regards
par leur ensemble harmonieux. La voûte
s'arrondit, à la fois élégante et forte, et
par les vitraux clairs pénètre une lumière
douce. Au fond, sur l'autel, une statue se
dresse, étrange au premier coup d'oeil :
c'est un jeune berger qui porte entre les
mains sa tête coupée, d'où le sang coule à
flots ; mort, il semble marcher d'un pas
agile et sûr. Dans les grands yeux éteints
de l'enfant décapité, l'artiste a mis un re
gard fixe et brillant qui paraît contempler
déjà la lumière éternelle. C'est la statue da
saint Gaudens, patron de la ville : en ce
lieu, jadis, le petit berger, martyrisé pour
sa foi, naquit à la gloire céleste. Evaric le
Cruel, prince desWisigoths, écrasait alors la
contrée sous son odieuse tyrannie : acharné
partisan de l'hérésie d'Arius, il rêvait
d'anéantir le catholicisme ; et c'était, à ses
yeux, un crime capital que de proclamer
la divinité de Notre-Seigneur. Gaudens, le
berger de treize ans, au regard éclairé par_
la pureté de l'âme, eut le courage de con
fesser sa croyance et méprisa les valets du
persécuteur; il eut la tête tranchée, en.
présence de sa mère, Quitérie, qui, nourrie
delà forte sève des femmes chrétiennes,
encourageait son fils à mourir pour son
Dieu.
Or, le Tout-Puissant, voulant affermir les
catholiques dans leur foi, releva le cadavres
et fit marcher le mort au milieu des vivants :
le martyr alla placer sa tète sur l'autel d»
la cité, qui bientôt délivrée de l'oppression,
se mit sous la protection du saint enfant,
qu'elle avait porté.
Aux jours odieux de la Révolution, la
chapelle, édifiée dès longtemps sur la terre
arrosée du sang de Gaudens, fut démolie
de fond en comble. On voulait réduire en
poudre ces monuments de la superstition.
Aujourd'hui, cent ans après l'attentat, la
chapelle ressuscitée resplendit d un éclat
nouveau, et ses destructeurs ont été rejetés
dans l'oubli. Le culte de saint Gaudens,
martyr de la divinité du Christ, s'élève glo
rieux devant les impies, négateurs de di
vinité du Christ.
Déjà, dans le cours du siècle, M. l'abbé
Clergue,alors vicaire à Saint-Gaudens, objet
aujourd'hui de tant de respect et d'admiration
sous le nom de frère Marie -Antoine, avait
entrepris de relever la chapelle et de ré
chauffer le culte du saint martyr, un instant
attiédi, jamais éteint. Mais cette petite
merveille d'église romane qu'un architecte
de talent et de piété, M. Castex d'Aulon,a
élevé sur le penchant de la Caoue, est do
construction toute récente.
Un grand acte de foi et de générosité ea
dota, l'année dernière,, les catholiques de
Saint-Gaudens. Ce fut Mgr Compans, enfant
de cette ville,ancien vicaire général du car
dinal Donnet, qui éleva ce monument au
martyr de la divinité de Jésus -Christ. Il
voudra bien nous pardonner de lui rendre
ici cet hommage : à quoi nous servirait la
silence, ainsi que le disait M. le chanoine
Ribet, dans son éloquent panégyrique du
saint? Les pierres de ce sanctuaire- ne con
tinueraient-elles point, si nous nous taisions,
de chanter la louange de celui qui les a
jetées vers le ciel, à la gloire de Gaudens?
Lapides clamabunt !
Ce panégyrique fut prononoé lundi, dans
la chapelle de la Caoue, à l'occasion de la
fête solennelle que l'on célébrait en l'hon
neur de saint Gaudens. Devant l'assemblée
fidèle, où l'on sentait la foi monter vers
Dieu, simple et robuste en même temps
que la prière, M. le ohanoine Ribet raconta
la carrière si courte et si remplie de l'en-
FEUILLETON DE U UNIVERS
. du 10 septembre 1894
LOUIS VEUILLOT
jugé par un critique naturaliste (1)
. . . II . .
Le beau portrait que le critique de la
Revue Bleue a dressé devant nous, si
étudié qu'il soit, et si flatteur qu'il pa
raisse, ne nous satisfait pas pleinement,
nous l'avons dit en commençant. Il ne
nous donne pas, à notre avis, le vrai Louis
Veuillot ou du moins il ne nous le donne
pas tout entier. M. Jules Lemaitre, n'a pas
vu ou il a omis de marquer, du moins
avec une suffisante insistance, la part qui
revient à la Providence dans la formation
de l'homme, celle qui appartient à l'action
de la grâce dans sa conversion, celle qu'il
-faut attribuer à l'influence de la foi et des
doctrines catholiques dans son œuvre littér-
raire. C'est tout un côté chez Louis Veuil
lot, toute une face de sa vie et de son œu
vre, qu'il a laissée dans l'ombre, le côté sur
naturel.
Après l'avoir constaté pour les divers
aspects que "nous avons déjà envisagés, il
nous reste à le montrer par rapport à la
mission du vaillant polémiste, à la part d'ac
tion qu'il a exercée sur son temps et à l'ins
trument qu'il a été dajis les mains de la
Providence.
L'œuvre que la Providence accomplit de
nos jours ou la portée des événements con
temporains, M. J. Lemaitre, sans la foi,
pouvait-il s'en faire une juste idée?
Ces événements constituent un nouvel
(1) Voir l'Univers du 6 septembre,
et décisif épisode du drame immense ou
plutôt de la grande épopée dont l'histoire
de l'Eglise déroule la suite. L'bistoire de
l'Église, c'est l'histoire de la propagation
ou de la communication de la vie divine et
des bienfaits divins dans l'humanité. Au
jourd'hui cette vie et ces bienfaits divins
atteignent, pour les transformer, les cou
ches les plus humbles. Nous assistons à
l'avènement de la démocratie chrétienne!
Le mouvement de rénovation religieuse
qui signale. notre époque a commencé par
les hautes classes, comme avait fait le mou
vement révolutionnaire au siècle précédent,
et est descendu ensuite -par les classes
moyennes jusqu'au peuple. Chateaubriand
d'abord, puis Lacordaire, de Ravignàn et
Ozanam en furent les imitateurs et les pro
pagateurs . ! lï fallait un apôtre spécial et ap
proprié pour ébranler les masses populaires.
Le fils dé l'hiiirible tonnelier du Gatinais
ja. été cet apôtre. Ce fils de prolétaire est
yenu pouf désabuser les prolétaires trom
pés par les faux docteurs de la iibre-pen-
sée révolutionnaire, pour faire tomber les
préventions accréditées çhe? les petits con
tre l'Eglise et le Christ qui seuls peuvent
les relever. iEt en même temps il a eu la
mission d'inciter le clergé -et lès chrétiens
des classes dirigeantes à aller au peuple
.et à se faire les instruments dé l'oeuvre de :
charité et de justice que le Divin Ouvrier
de Nazareth a inaugurée sur la terre- i
Une telle œuvre, dont le premier promo- :
teur a été, à vrai dire, le Christ, pour ?
prendre toute son extension et produire ;
tous ses fruits devait avoir poiir principal j
■ ouvriër le Vicaire du Christ, le Pape. Il
importait de relever la Papauté (abaissée
pair le régalisme et parla Révolution), et de.
donner à son action toute sa puissance en
rendant incontestées sés prérogatives et son
autorité. De là le grand travail: de Louis
Veuillot en -la première partie de sa car-.
rière de publicisté chrétien. De là la part
qu'il a prise, dans le journal l' Univers, à
tous les grands actes de Pie IX, qui avaient
pour objectif lé relèvement de la Papauté.
C'est lorsque ce premier point a été ob
tenu et assuré qu'il s'est appliqué principa
lement à semer les idées politiques et so
ciales dont le glorieux pontificat de
Léon XIII voit le développement et la flo
raison et qui sont à la veille de fructifier
pour 'la paix et le bonheur des nations.
Nous avons parlé de son projet de Répu
blique ohrétienne tracé dès 1871, que
Taine n ? eût pas désavoué, nous dit Jules
Lemaitre. La constitution assurait à l'ordre
■età la vraie liberté les meilleures garanties.
Louis Veuillot présentait dès lors la solution
catholique de la question sociale, celle que
M. de Mun devait recommander dans les
cercles et dans les congrès avec le concours
d'autres voix éloquentes, et à laquelle l'En
cyclique De conditione opiûcum est venue
donner une éclatante "confirmation.
Oui, Louis Veuillot a montré dans ces
diverses circonstances et,surtout dans l'ac
complissement de ces grandes tâches qu'il
était plus qu'un journaliste, plus qu'un pu
blicisté ordinaire, plus qu'un polémiste
éloquent et vaillant. Il s'y révèle; nous osons
lp dire, avec la marque supérieure des
hommes qui ont reçu une mission.
Il a fondé un nouvel apostolat, l'apostolat
par le journal. Et les PP. de l'Assomption
et Drumont lui-même en ce qu'il a donné
de meilleur (quantum mutatus!) et tant
d'autres, ont été ses disciples ; ses disciples
aussi, les vaillants prêtres qui se sont fait
les apôtres des ouvriers et se sont voués à
l'œuvre de la pacification sociale-, les Le-
mire, les Naudet, les Garnier-; et de Mun,
de Mun surtout, le grand exécuteur testa*
mentaire de s_es dispositions à l'égard du
peuple, qui, brûlé de la même flamme de
charité s'avanoe par la même voie doulou
reuse, en butté aux mêmes outrages.
On me trouverait sans doute bien exa
géré si j'allais jusqu'à dire qu'il y a eu du
prophète chez Louis Veuillot ? J'ose pour
tant affirmer qu'il reproduit en sa personne
plus d'un trait appartenant aux sublimes
voyants de l'Ancien Testament. ;I1 semble
animé de leur esprit et participe parfois à
la puissance fulgurante de leur langage.
Comme les prophètes, il s'adresse aux deux
grandes cités ennemies : Rome et Paris
ne sont-elles pas la Jérusalem et la Baby-
lone modernes? Comme les prophètes, il
est rempli de l'idée du Christ (ou du Mes
sie). Il annonce et prépare aussi son règne.
Son principal, son maître-ouvrage est une
vie de Noire-Seigneur Jésus-Christ. Les
prophètes ne l'avaient-ils pas racontée par
avance.
La cité de la Paix , dont la vision éblouis
sait Isaïe, la nouvelle Jérusalem, c'est
l'Eglise,c'est Rome et l'Eglise. Louis Veuil
lot se retourne sans cesse vers Rome, et
sans cesse en évoque les splendeurs, même
quand il nous peint le Paris des odeurs ou le
faris des deux sièges.
Vis-à-vis de Paris et de la France, il a
été le prophète des vengeapees du ciel. Il
l'a été surtout aux jours heureux, avant les
catastrophes ; puis quand les malheurs sont
venus, il est devenu le prophète des con
solations et de l'espérance. Durant les deux
sièges de Paris, il nous rappelle Jérémie
dans Jérusalem investie. Malgré la grandeur
de nos désastres qu'il explique par nos pé-
ohés et par l'abandon de notre mission à
Rome, il espère, il salue de loin des jours
meilleurs.
Il voit la colère de Dieu se tourner contre
une autre Babylone. La véritable Babylone
n'est plus pour lui Paris, du .moins notre
Paris français. G'est Berlin et la Prusse
dont le Paris cosmopolite est le complice et
l'instrument.
Puis aveo la France relevée dans son an
tique grandeur et dans son rôle traditionnel
de fille aînée de l'Eglise, Louis Veuillot salua
la Papauté redevenue l'arbitre des sociétés
et des nations.
« Le3 peuples, disait-il, se tourneront
vers la sainte Montagne où leur apparaîtra
le pasteur. Ils salueront Pierre juge et pas
teur des nations. » •
Un trait qui achève ou du moins rend
plus frappante la ressemblance de Louis
Veuillot avec ces grands envoyés de Dieu
et de la Providence malgré le caractère
simple, populaire et laïque de sa physiono
mie, ce sont les hostilités qu'il a rencon
trées, les contradictions et les persécutions
qn'il a subies.
Nous avons parlé des combats qu'il a
soutenus contre les tenants de la libre-pen
sée bourgeoise et révolutionnaire, et des
luttes plus acharnées encore dans lesquelles
il futjengagé contre d'autres catholiques,
contre ceux qui parquent dans les limites
trop étroites l'action et la vie catholiques.
Mais nous n'avons pas' dit toute la malignité
de cette guerre, tout ce qui a été fait,
même par des évèques même, par un em
pereur pour briser la plume et étouffer la
voix de Louis Veuillot. Heureusement Dieu
lui avait donné/à lui aussi, un front plus
dur que celui de ses ennemis.
Ces épreuves et ces persécutions si vail
lamment subies,et tant de pertes cruelles et
taiit de douleurs domestiques si noblement
portées ont achevé de le placer sous le
rayon. C'est pour ne l'avoir pas fait reluire
au front de l'héroïque chrétien que le tra-
| vail de M. Jules Lemaitre, tout remarqua-
i ble qu'il est, ne saurait nous satisfaire.
M. Jules Lemaitre n'a pas donné au grand
catholique toute sa taille ni attribué à son
action toute son importance. Et par suite
il a diminué l'écrivain lui-même. Il n'a pas
suffisamment éclairé la principale face de
son talent et de son œuvre.
Louis Veuillot a été le véritable introduc
teur dans notre littérature de l'élément chré
tien et surnaturel à peu près absent depuis
le moyen âge.
Un critique catholique eût marqué aveo
plus d'insistance cette immense étape que
Louis Veuillot nous a fait franohir vers l'art
j baptisé ou surnaturalisé qui doit être celui
de notre démooratie chrétienne.
Châteaubriand a entr'ouvert la porte au
surnaturel chrétien. Mais il n.'a fait que
l'entr'ouvrir (1). Son œuvre comme son
christianisme est trop vague ou troublée et
contient trop d'alliage. Louis Veuillot a
précisé et vulgarisé, en les appliquant dans
des écrits plus populaires, plus purs et
plus sains,les idées artistiques et littéraires
de Châteaubriand. Il a mieux dégagé la
notion du surnaturel dans l'art. Et chemin
faisant il a vulgarisé et démocratisé les
doctrines politiques et sociales de Joseph
de Maistre, et préparé par là la vraie ré
forme chrétienne de la société.
Catholique, M. Jules Lemaitre eût re
cherché aveo plus de soin les origines ca
tholiques du talent de Louis Veuillot, et il
n'en eût pas omis d'importantes, pour ne
signaler parmi ses maîtres que La Bruyère
et Bossuet. Sans doute, dans notre moyen
âge, ,il no lui eût guère trouvé de modèies.
Mais les écrits mystiques et scolastiques
d'alors, comme les restes de notre archi
tecture Bénédictine et de nos oathédrales,
ont été des sources d'inspiration qu'il n'a
pas négligées. Les écoles poétiques et ar
tistiques du moyen âge italien auraient sur-,
tout attiré l'attention de l'éminent oritique.
(1) Je rappelle à ce propos le charmant vo
lume de poésies intitulé : le Surnaturel dans;
■l'art, que M. Lucien Dagron a publié chez Palmé
en 1879. — E. V.
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