Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1894-01-13
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 13 janvier 1894 13 janvier 1894
Description : 1894/01/13 (Numéro 9373). 1894/01/13 (Numéro 9373).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 13 Janvier 1894
N° 9373 — Edition quotidienne
Samedi 13 Janvier 1894
ÉDITIO N QUOTID IENNE *
PARIS . ÉTRANGER
« • m dipauteuents {union postale) !
On an . .... . 40 » 61, »
Six mois . . . . 21 » 23 50
Trois mois. . . . Al » 14
Les abonnements partent des i« et 16 de chaque mois
UN NUMÉRO I ^ >aï '* s 1Q cent.
UJK j Départements . . . 1B —
BUREAUX: Paris, 10, rue des Saints -Pères
On s'abonna & Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION- SEMI-QUOTIDIENNE
Un an . . ••
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
es ïiépamements -
. . 20 »
. . 10 »
. • 5 »
.. étranger .
(union postalb)
26 »
13 »
6 50
Les abonnements partent des 1« F et 16 "de chaque mois
- - L 'UNTVSBS ie répond pas des maïuiscrits qsi lui tout adressé
ANNONOE8
LAGRANGE, CERF et C lb , 6, 'place de la Bourse
BHB
- BULLETIN DU JOUR
PARIS, 12 JANVIER 1894
1 On a bien quarante-huit heures pour
s'occuper d'un jugement important;
aussi estai tout naturel que les jour
naux raisonnent et déraisonnent en
core sur le jugement qui condamne
Vaillant à mort. La campagne conti
nue pour la grâce de l'anarchiste dans
les feuilles socialistes , radicales et
fantaisistes. Les arguments ne sont
pas variés; en général, les journaux
font d^ la sentimentalité en faveur
d'un homme qui en a montré fort peu.
Nous avouerons sans détour que cela
ne nous paraît pas très sérieux. Le
jury a bien fait de se montrer ferme,
et sa conduite impose la fermeté à
M. le président de la République, qui
sera bien inspiré en réservant son
droit de grâce pour une meilleure oc
casion.
Au Sénat, hier, on a validé avec ra
pidité une soixantaine d'élections^
dans la haute assemblée, la validation
des pouvoirs n'est guère qu'une for-
îrialité. ToutefoiSj il y a deux ou trois
élections qui ont été réservées, et se
ront plus sérieusement examinées.
Aujourd'hui, séance au Sénat pour
la constitution du bureau ; M. Ghalle-
mel-Lacour sera certainement réélu.
Les députés ont élu ou plutôt réélu
leur bureau ; il reste seulement à
nommer quatre secrétaires pour les
quels il y aura demain un deuxième
tour de scrutin. M. Dupuy a retrouvé
son succès de l'année dernière ; le voilà
presque devenu le président néces
saire. Qui aurait dit cela à ce gros
homme, il y a seulement deux ans,
l'aurait fort étonné. Les radicaux
avaient lancé une liste de vice-prési
dents qui a piteusement échoué.
La démission du président Peixoto
est démentie, mais il ne s'ensuit pas,
en dépit des- déclarations de la léga
tion brésilienne, que la situation du-
dit président soit bien bonne. On parle
toujours d'une affaire décisive qui se
rait imminente.
Les nouvelles de Bruxelles semblent
indiquer que M. Beernaert donne dé
finitivement sa démission et qu'il sera
suivi par les autres ministres.
, On trouvera plus loin des détails
sur les circonstances daiàs lesquelles
se produit la retraite de M. Beer-
1 naert. On avait imaginé une espèce
de transaction que le ministre a re
fusée parce qu'elle l'aurait trop di
minué. Toutefois, les droites n'ont
pas encore pris une résolution défini
tive ; elles doivent avoir une dernière
réunion démain. Quoique peu proba
ble, une entente à la dernière ^ heure
ne serait doïio pas absolument impos
sible.
Pourvu que le parti catholique ne
se trouve pas irrémédiablement divisé
par la retraite de M. Beernaert 1
. „—: : *— —
L'AUTRE BOMBE
Maintenant qu'elle a proclamé son
droit et rempli son devoir, il faut bien
avouer que la société moderne piaraît
très bête en face de Vaillant.
■■■■■ Le factum lu par l'anarchiste est
emprunté aux écrivains à qui elle a
donné sa confiance. Sans doute le pro
cureur n'a pas manqué de faire une
moue dédaigneuse, et l'assistance s'est
esclaffée quand le bombardier à invo
qué l'autorité de Buchner, de Darwin
et ..d'Herbgrt. Spencer ; mais _ le ma
gistrat et le public auraient été
fort , embarrassés pour donner des
raisons après avoir ; ricané- Vaillant
avait sur ses adversaires l'avantage
de posséder une doctrine. La déclara
tion qu'il a lue prouve qu'il s'est fait
quelque idée du droit qu'il applique,,
à ses risques et périls, tandis que la
société officielle ne sait plus au nom
de quoi elle commande, juge et exé
cute. Darwin n'est-il pas un grand
souverain dans la région des intelli
gences ? Or c'est lui qui enseigne que
la nature est gouvernée par la loi du
* plus fort. Devant les gendarmes, de-
— ' vant l'armée et devant les mœurs,
Vaillant représentait l'élément infime
destiné à être écrasé. Mais la bombe
qu'il portait dans sa poche et l'énergie
qu'il avait développée dans son àme
compensaient sa faiblesse naturelle»
La force de l'homme décidé à risquer sa
™"^vie, la force des acides mélangés aux
-*•' poudres, voilà des puissances légitimes
çans la société darwinienne. Après
que le bruit et la fumée de l'explosion
se sont dissipés; que reste-t-il ? Un
Êrisonnier qui dit à ses juges, à des
ourgeois : « Si les bourgeois n'avaient
« pas massacré ou fait massacrer pen-
« dant la Révolution, il est probable
« qu'ils seraient encore sous le joug
« de la noblesse. » Gela n'est point
déjà si mal pensé ni si mal écrit pour
un homme sur qui tombent toutes les
malédictions et toutes les flétrissures,
pour un bandit.
Ses phrases sont longues et parfois
embrouillées, mais elles contiennent
aussi beaucoup, de termes scientifi
ques. Vaillant parle des « affinités. »
des hommes et du « jeu perpétuel
« des forces cosmiques se renouvelant
« et se transformant à l'infini ». L'a
narchiste a recueilli ces mots et ces
idées dans les collections des bi
bliothèques populaires. Il raisonne.
Il sait trouver un argument ou l'at
taquer de front comme s'il avait
appris au collège les règles de la dis
sertation. La guerre au « préjugé », il
là pratique après l'avoir, entendu
prêcher par les autorités le3 plus ré
gulières de la société libre-penseuse :
« Toutes les forces gouvernementales
« n'ont pu empêcher les Diderot et les
« Voltaire de semer les idées émanci-
« patrices parmi le peuple, toutes les
« forces gouvernementales actuelles
« n'empêcheront pas les Reclus, les
« Darwin, les Spencer, les Ibsen, les
« Mirbeau, etc., de semer les idées de
; « justice et de liberté qui anéantiront
« les préjugés qui tiennent la masse
« en ignorance, et ces idées ac -
« cueillies par les malheureux fteu-
« riront en actes de révolte comme
« elles l'ont fait en moi... » ; c'est de
la philosophie et do la littérature offi
cielle. Ces choses-là ont été dites très
souvent à la tribune et elles consti-
: tuent le fond de l'esprit public. Les
chroniqueurs qui se flattent d'être
animés des sentiments les plus hu
mains développent tous les jours,dans
des journaux lus par plus de cent
mille citoyens paisibles,les considéra
tions que Vaillant a prises à son
compte et dont il fait profiter l'anar
chie.
Dépossédés de leurs arguments, les
défenseurs de la société voient encore
se tourner contre eux' le3 exemples
dont ils étaient fiers. N'est-ce pas
une tradition de la bourgeoisie ré
volutionnaire de j ustifier le régi
cide? La condamnation de Louis XVI,
i titre de- gloire que les historiens,
y compris le doux Mignet, ne
croyaient pas pouvoir trop vanter 1 Or-
sinfn'a-t-il pas trouvé des défenseurs ?
Grime politique. Il y a donc des bom
bes innocentes et même vertueuses.
Les écrivains de l'empire et ceux de
nos jours ont appris à Vaillant que la
liberté progresse à coups de couteau et
à coups de bombes. Devant la classe
stupéfaite et stupide qui le condamne
et qui va le tuer en mourant de peur,
c'est ce misérable qui a le beau rôle.
On nous permettra de répéter un
mot que nous avions écrit à propos
d'un autre anarchiste, non encore
jugé, Léauthier. Nou3 disions que
l'important n'était pas de punir l'as
sassin, mais de le réfuter. Il faut re
marquer que lés représentants du
droit invoqué hier à la cour d'assises
avouent, par leur conduite piteuse,
qu'ils' ignorent d'où leur vient leur
autorité. Vaillant au moins compte sur
sa vigueur morale et physique; et bien
que condamné, ou plutôt parce que
condamné, c'est lui qui a l'air d'avoir
raison. L'anarchie, pour laquelle il
mourra sans doute, elle règne dans les
cerveaux qui ont dicté l'arrêt de mort.
Les formules philosophiques et chi
miques dont Vaillant s'est inspiré sont
maintenant à la portée de toutes les
foules. Les souffrances et les haines
auxquelles il s'est abandonné foison
nent au sein de la société libre-pen
seuse, dépossédée par elle-même puis-
qu'elle a nié le droit supérieur aux
passions. Tout porte à croire que la
fabrication des bombes va continuer
et que le inonde actuel sautera.
Eugenh Tavernier.
a. ï^a: chambré
Le public était clairsemé ; , cepen-
J en dant, çà et là, dans. les tribunes et
ans les galeries, on apercevait de
rares spectateurs et l'on ne pouvait se
défendre d'une pitié profonde, en son
geant à l'ennui, également profond,
où ces malheureux devaient être pion?
gés. Quatre heures et.demie durant,
ils ont ; vu des députés gravir lente
ment la tribune, remettre un petit pa
pier blanc à un monsieur qui l'insérait
dans une urne vert sombre, descendre
de la tribune, et s'en aller. Quand, au
bout d'une heure environ, tous les dé
putés présents avaient accompli ce
manège, on recommençait. Groirait-
on que certains spectateurs ont eu
la constance de demeurer jusqu'au
bout ? Ce devaient être, à n'en pas
douter, des agents en bourgeois !
Dans les couloirs, on avait du moins
quelques intermèdes récréatifs et di
vertissants. D'abord, vers trois heures
et demie, au moment où l'on venait
de fermer le scrutin qui, pour un an,
le fait président de la Ghambre, M. Du-,
puy est apparu : d'un pas majestueux,
la tête solidement assise sur de vastes
épaules, il a traversé le salon de . la
Paix; de tous côtés, vers lui, les
mains se tendaient, respectueuses; lui,
toujours calme et souriant, daignait
abandonner à la foule ses gros doigts
que l'on pressait avec enthousiasme !
En contemplant M. Dupuy, l'on com
prenait ce que c'est que la gloire.
Mais quittons, le. triomphateur, il
voudra bien sans doute nous accor
der quelquefois encore l'occasion de
parler de lui. Sa réélection d'ail
leurs ne faisait doute pour personne :
la nomination des vice-présidents
offrait un intérêt plus curieux ; toute
une intrigue s'était nouée dans les cou
lisses parlementaires à cette occasion.
Les radicaux, peu satisfaits du rang
inférieur qu'on leur avait laissé dans
le bureau de la Ghambre, exigeaient
pour leur part deux vice-présidents.
Les « républicains de gouvernement »
ne voulurent pas céder à cette préten
tion-; furieux, les radicaux entre pr-
rent la lutte et confectionnèrent
une liste de quatre candidats à
la vice - présidence. Hélas ! le seul
Lockroy, accepté des opportunis
tes, réussit à conquérir ce poste ; et,
comble d'infortune, bien que porté
sur les deux listes,, il arrive, tout
comme en novembre, le dernier,
après MM. de Mahy, Félix Faure,
Etienne. Le parti radical continuera
donc d'être relégué dans le bureau de
la Ghambre, au cinquième rang; en
outre, il y 'sera toujours représenté
par M. Lockroy, chose particulières-
ment cruelle pour un parti qui se
prétend sérieux!
F. V. ■■
A.TJ SÉNA T
Le bruit a persisté M. Kiéner
présidait encore.
Le Sénat a validé,—au milieu du ta
page empêchant d'entendre même les
noms une soixantaine des nou-'
veaux élus.
Il n'y aura, dans la suite, de-dis
cussion qu'au sujet de l'élection de
l'Ardèche.
Séance aujourd'hui pour la nomi^
nation du bureau définitif.
G. de T.
LA MAÇONNERIE ET LES CONGRÉGATIONS
Gomme suite au questionnaire ma
çonnique que nous avons reproduit,
ou nous communique cet extrait du
compte rendu de l'Assemblée générale
du G * 0 * :
Séance du 15 septembre / 893
Le F. \ président (le F. 1 . Poulie).—Il y a
; deux ans au oongrès dès LL.\ de l'Ouest
I qui s'est tenu à Angers, un de nos FFi\, le
; F.*. Jeanvrot a fait une étude des plus sai
sissantes et des plus remarquables sur
l'augmentation des richesses des congréga-
: tions et du clergé; il a démontré que si cela
' continuait, avant qu'il soit quarante ou
; cinquante ans, ce serait, quelque chose
comme 40 ou 50 milliards qui seraient aux
mains de nos ennemis. Et il indiquait lts
moyens législatifs qui selon lui devaient
empêoher cet état de choses mauvais de
; s'aggraver.
Le travail du F.*. Jeanvrot a été imprimé
à un petit nombre d'exemplaires. Je crois
qu'en le priant de vouloir bien envoyer au
conseil de l'ordre son travail et en y ajou
tant ce qu'il croit devoir y ajouter et sur
tout certains tableaux très instructifs qu'il
avait mis sur les parois du temple,il le ferait.
Je demanderai donc à l'assemblée de dé
cider que, sous la correction du F.*. Jean
vrot,on fasse imprimer ce travail à l'aide des
fonds de propagande, et que ce travail soit
distribué à, ohaquê L.\. (Applaudissements.)
Vous aurez ainsi pour chaque L.v des
moyens de propagande magnifiques et
fructueux et je vous fais très nettement.la
proposition de dire que ce travail sera im-,
primé et.distribué. (Applaudissements.)
Le F.\ Jeanvrot. — J'ai des renseigne
ments depuis que j'ai fait cette ooiiférence,
ils me permettront de la compléter.
L'assemblée vote la proposition du
F Poulie.
(Cf. Bulletin G .% 0 .'. de France. Su
prême-Conseil. Août et septembre 1893,
n°" 6 et 7, p. 488).
A la séance du lendemain, sous la
présidence du F. \ Lartigue, le F.*. La-
faye revient sur cette question :
Je viens prier les LL.'. d'envoyer quel
ques exemplaires de la brochure du F
Jeanvrot contre le olérioalisme, "mais aussi
d'établir un prix bien minime^ Je suis per
suadé qu'ainsi les LL .*. se feront un véri
table devoir de prendre beaucoup d'exem
plaires afin de faire cette propagande qui
qui est la propagande la plus intéressante
pour la Maç afin de détruire cette secte
de corbeaux qui ruine la population entière,
non seulement par ce qu'elle professe, mais
enoore par les ateliers qu'elle possède,
comme les lingeries ou tant d'autres in
dustries qui causent préjudice à une masse
d'ouvriers. Je propose dono que les LL
soient invitées à répandre cette brochure à
profusion.
Le F .*. président. — Gomme c'est le Con
seil de l'Ordre qui est chargé de faire l'im
pression, il fera son possible pour que le
prix soit le moins élevé, vous pouvez en
être assuré.
(Gf./ôid., p. 549.)
La dissolution des congrégations est
au premier rang des vœux du con-
vent. Une campagne active va être
organisee'irifcessàmment par les LL.-..
Les mensonges absurdes qui sont ré
pandus au sujet de la: fortune des con
grégations, continuellement spoliées,
indiquent l'emportement avec lequel
cette campagne sera conduite.
Si nous réclamions une enquête sur
la fortune des juifs, la franc-maçon
nerie appuierait-elle?
LES FABRIQUES
Nous trouvons dans la Semaine Reli
gieuse de Séez la lettre suivante adres
sée au ministre des cultes par Mgr
Tregaro :
Séez, le 1« janvier 1894,'
Monsieur le ministre,
Dans la lettre que j'avais l'honneur de
vous adresser, relativement au déorel du
27 mars 1893, concernant les fabriqués, je
me suis efforcé de prouver à Votre Excel
lence, du moins sommairement, que le
nouveau décret était entaché d'illégalité.
J'avais osé espérer que Votre Excellence
daignerait m'honorer d'une réponse qui
rectifierait mon erreur, si toutefois je m'é
tais trompé. Devant votre silence, j'ai le
droit de croire que j'étais dans le vreyL
Vous ne trouverez donc pas mauvais que je
m'abstienne, jusqu'à nouvel ordre, dé
transmettre vos instructions aux fabriques
de mon !; dîooèse. , Du reste, permettez moi
de vous'le faire remarquer,monsieur le mi
nistre, entre la réception de votre lettre et
l'exécution de vos ordres, il nous restait à
peine le temps moral voulu pour leur Taire
cette communication. .
11 y a quelques années, monsieur le mi
nistre, un orateur, que vous connaissez
particulièrement, laissait tomber de la tri
bune française ces sinistres paroles, faisant
allusion aux lois si justement qualifiées par
tous les hommes d'honneur de tous les
partis : « Nous avancerons lentement, mais
nous marcherons toujours et sûrement. »
Depuis cette époque, qui oserait le nier?
ce 1 programme a été scrupuleusement suivi.
Les religieux et les religieuses ont été
chassés, spoliés. On a laïcisé les hôpitaux,
laïcisé les éooles,laïoisé le mariage chré
tien par une loi judaïque, laïcisé nos sémi
naires, voire même nos prêtres en les arra-
ohant & l'autel pour les envoyer à la ca
serne. En vérité, il ne reste plus guère qu'à
laïciser Dieu lui-môme. Déj-à son nom sa-
oré, trois fois saint, n'est-il pas proscrit de
nos écoles, de no3 tribunaux, de nos lois?
N'est-il pas banni aveo soin du langage pu
blic officiel, même devant la tombe de vail
lants chrétiens, quelle que soit leur gloire,
quelque éminents qu'aient été les services
rendus par eux à la Franoe ?
En présence de semblables attentats con
tre Dieu et ooatré son Christ, Votre Exoel-
léace no saurait trouver mauvaises les pro
testations d'uaévêque qui a juré de les
combattre, au jour où l'huile sainte, qui
fait les Pontifes, a coulé sur son front, et
qui, aveo la grâce de Dieu, restera fidèle à
ses serments.
Devant de pareils agissements de la part
du gouvernement, serait-il téméraire, mon
sieur le ministre, de craindre que le déoret
sur les fabriques ne soit encore une nouvelle
marche en avant dans ce même ordre de
choses ? Les biens de nos fabriques, que
nous devons en grande majorité à la cha
rité publique, ne sont-ils pas, en effet, des
tinés & entretenir le culte divin et à proou-
rer la gloire de Dieu ? En les faisant
disparaîre doucement mais sûrement, car la
charité va se refroidir, sinon s'éteindre
devant les nouvelles mesures gouvernemen
tales, les conséquences n'en rejailliront elles
pas sur Dieu lui-mê mes et sur le culte qui
lui est dû?
< Aussi, malgré son amour pour la pai x,
l'union et la concorde, malgré son profond
, respect pour les représentants de l'autorité,
un évêque se doit à lui-même, doit à sa
i consoience de défendre les intérêts sacrés
qui lui sont confiés. Je lie fais pas autre
chose en oe moment, monsieur le ministre,
I et j'ai la oonfiance, comptant sur votre
i droiture etvotre loyauté,que vous me com
prendrez et rendrez juslioe & nos légitimes
revendications.
Veuillez agréer, monsieur, le ministre,
! l'hommage de ma très haute considération.
; f François-Marie,
Evêquede Séez.
LES CLASSES DIRIGEANTES
Je terminais un précédent arti
cle par" ce jugement d'un écrivain et
économiste de renom : « Les riches,
les hautes classes sont inconsciem
ment les grands fauteurs du socia
lisme. » Que les riches, les hautes
classes s'en scandalisent si bon leur
semble, l'accusation — pour sévère
qu'on la trouve — n'en est pas moins
méritée. Et si quelqu'un s'avisait de
s'inscrire en faux, celui-là ferait
preuve d'un étrange aveuglement. Ge
;que je,vais dire pour l'appuyer, c'est
en sommé ce que tout le monde pense,
jee que tout le monde sait et ce qui
frappe le3 yeux des moins clair-
Voyants.
'j Lie privilège de la naissance et celui
de la fortune —■ ce dernier peut-être
encore plus que l'autre dans un temps
où il semble que Mammon soit de
venu le prince de ce. monde —- con
fèrent à ceux qui en sont pourvus
une puissance énorme qui, mise au
service de la société, pourrait être à
celle-ci d'un immense secours et la
retenir sur la pente des abîmes. Mal
heureusement cette puissance, ou l'on
ne sait pas ou l'on ne veut pas en
user.
La mission sociale de la naissance
et de la richesse, dirai-je que per
sonne ne s'en préoccupe ? Non, certes.
Dieu merci, on rencontre encore des
familles — et en assez bon nombre t -
qui, fidèles au vieilles traditions, com
prennent que noblesse et que fortune
obligent et qui, par leurs exemples en
même temps que par leurs bienfaits,
exercent autour d'elles une salutaire
influence. Gelles-là n'ont droit qu'à
notre estime et à notre admiration et
nul reproche ne saurait les attein
dre ; mais je soutiens que, prises dans
leur ensemble, — ma thèse ne s'étend
pas au delà, — les hautes classes, ce
qu'on appelle les classes dirigeantes,
n'ont pas suffisamment conscience de
la mission qu'elles ont reçue de la
Providence.
Est-ce comprendre son devoir et
l'exèrcer, par exemple, que de con
traindre dés phalanges entières d'ou-
vrierà à -violer le jrepos dominical,
quand on a l'obligation rigoureuse de
tenir à son observation ?
Est-ce comprendre son devoir et
l'exercer que d'insulter à la misère du
pauvre par l'étalage d'un luxe rui
neux?
Est il convenable de consacrer à
des soirées mondaines des sommes
fabuleuses qui suffiraient à nourrir
de nombreuses familles ?
Quelle tristesse et en même temps
quelle honte de voir des descendants
de croisés, des porteurs de grands
noms, de ceux enfin qui sont réputés
l'élite de la société, figurer dans des
tournois d'un nouveau genre, non
plus avec la'lance au poing et revêtus
au casque et du haubert, mai3 -dégui
sés en bêtes, en clowns et faire assaut
de grotesque l
. Deux faits assez récents serviront
d'ailleurs — mieux que toute autre
chose — à faire connaître la conduite
et l'état d'esprit des classes dont nous
parlons.
L'an dernier, une grève assez cu
rieuse, celle de» « casseuses de su
cre », éclatait à Paris. Cette grève avait
pour cause l'abaissement du salaire
des ouvrières. Ces dernières', bientôt
sans pain, se virent obligées de ca
pituler et de reprendre le travail
aux conditions gui leur étaient faites.
Or, dans le meme temps, le patron
faisait restaurer son château, an
cienne "et fameuse résidence: d'un
personnage célèbre. Serait-ce pour
aider à payer la dépense des tra
vaux, dont le devis montait, paraît-il,
à plusieurs millions, qu'il prit le parti
de réduire le salaire de pauvres fem
mes astreintes à un dur labeur?
Autre fait. A peu près à la même >
époque, les journaux mondains an
nonçaient que Mme ls vicomtesse
de... allait donner des fêtes splendidçs
dans son château dont on vient d'à-,
ichever la merveilleuse restauration.
Plusieurs fois par semaine on devait
y jouer la comédie,et les mêmes jour
naux avaient soin d'avertir que les
principaux rôles seraient tenus par
quelques-uns des invités. On citait
même les noms ; c'étaient — outre la
châtelaine qui est douée, paraît-il* d'un
vrai talent d'artiste— M. le prince et
Mme la princesse de..., M. de..., M- le
marquis de... et « la charmante com
tesse » de...
Notez que le château est situé à
proximité d'un centre industriel forte
ment travaillé par les idées révolu
tionnaires. Là des milliers d'ouvriers
se livrent à un travail pénible et dan-
gereux.et ne reçoivent en retour qu'un
maigre salaire, .à peine suffisant pour
les faire subsister eux et leur nom
breuse famille.
Gomment veut-on que ces ouvriers
ne fassent pas le rapprochement et
ne se rendent pas compte du con
traste ? Le moyen pour eux de n'être
pas socialistes quand ils voient à quoi
sert leur sueur ? Il y aurait assurément
pour ces. membres de3 classes diri
geantes mieux à faire que de jouer à
grands frais la comédie.
Que ne sont-ils aussi bien inspirés
que cette dame qui remit un jour
1,000 francs à un bureau de bienfai
sance en disant : « Voici 1,000 francs
sur lesquels je ne comptais pas; j'ai
pensé d'abord à m'acheter un cache
mire ; mais le pain est à cinq sous la
livre, ce serait quatre mille livres de
pain que je porterais sur mes épaules;
le fardeau serait trop lourd, je donne
ces 1,000 francs aux pauvres. »
On dit pourtant Mme la vicomtesse
de... intelligente et femme d'es
prit; ses invités sont certainement
gens fort distingués et fort honnêtes ;
comment donc expliquer une pareille
conduite ? Dirait-on que tout ce
monde a perdu le sens moral? Je
n'irai pas jusque-là. Leur exQBse, se
lon moi, est dans l'ignorance où ils
sont de leur temps ; ils n'ont pas l'air
de se douter delà transformation qui
à'est opérée dans la société depuis
moins d'un demi-siècle, ce qui fait
qu'ils n'ont pu encore s'affranchir
des préjugés d'un passé irrémédiable
ment mort; ils ne comprennent pas
que leur montre retarde. On pourrait
dire d'eux ce qui a été dit de leur*
ancêtres, qu'ils n'ont rien appris ni
rien oublie. Ils ne voient pas ou se re
fusent à voir l'évolution sociale qui
s'accomplit sous leurs yeux ; peut-être
se disent-ils qu'après tout le monde
durera toujours bien autant qu'eux.
Leurs pères ont pu avoir raison de le
dire, mais eux en sont-ils bien sûrs ?
Ce qui prouve leur" inconscience,
c'est qu'entre temps ces braves gens
moduleront les tristesses de l'heure
présente et lanceront l'anathème con
tre les francsrmaçons qui nous oppri
ment, sans se douter qu'ils ont eux-,
mêmes contribué à préparer l'avène
ment de ces maudits sectaires et ont
ainsi une large part dans les maux
dont ils se plaignent.
.Certes, ils sont catholiques, mais
ils se font une religion de fantaisie.
Il ne saurait être question pour eux,
par exemple d'aller en paradis par
« l'âpre sentier » dont parle Bossuet,
« où l'on grimpe plutôt qu'on ne mar
che » ; ce qu'il leur faut, ce sont de
petits chemins tout aimables, fleuris
et embaumés. Tirer une traite sur la"
miséricorde divine sans sacrifier au
cun de leurs plaisirs leur semble une
méthode exquise pour faire leur sa
lut.''';
Un journal traçait naguère le por
trait de cette classe ; j'en extrais le
passage suivant : .
« Catholiques, ils ont tout fait quand
ils ont fondé un bazar ou un comité ;
mais leur religion se promène en ha
bit rouge et en coupé, chasse chez
Rothschild, soupe à l'Opéra et envoie
des valets porter aux pauvres leur des
serte. »
Aux rudes chevaliers des temps pas
sés ont succédé des gommeux dont le
chic est la loi et l'élégance la règle,
dont la vie se passe-dans une oisiveté
ridiculement affairée, partagée qu'elle
est entre la chasse, le sport et... le
reste, et pour qui la suprême distinc
tion consiste à surpasser des rivaux '
par la. coupe de ses vêtements ou le
scandale de ses folies. -, /
Non, non, un pays ne sera jamais
sauvé tant que les sauveurs parleront
en croyants et agiront en incrédules.
On l'a dit : Toute grande cause veut
être servie par de grandes vertus.
Résumons cet article :
Pour avoir abdiqué leur mission so
ciale ou l'avoir méconnue en na faisant
pas un meilleur usage de leur influence
et de leur fortune, lès riches, les hau
tes classes — qu'elles le veuillent ou
non —ont une part considérable dans
la crise sociale que nous traversons.
Il y aurait pour elles un moyen de
réparer le mal ou au moins de l'atté
nuer, ce serait de se retremper, elles
aussi, aux sources du christianisme et
de revenir à l'Evangile. A cette école,,
elles apprendraient à mettre un terme
à leur vie facile, à leur égoïsme inhu
main et à leur insatiable cupidité.
Abandonnant le passé aux morts et
ouvrant les yeux vers l'avenir, elles
iraient au peuple et travailleraient
résolument à éteindre les convoitises
imprudemment allumées. Sans quoi
le torrent ira toujours grossissant jus
qu'au jour où, brisant ses digues,il les
•emportera et les engloutira.
J ules C harrier.
NOUVELLE S DES ÉT ATS-LOTS _
La question d'Hawaï au Congrès. — Le mes
sage du préeident.—Le nouveau tarif. — Le
canal de Nicaragua.
Dans son message, M. Cleveland avait
recommandé & l'attention des législateurs
deux questions importantes, celle d'Hawaï
et celle de la réforme du tarif douanier. En
envoyant M. Willis & Honolulu, pour buc*
céder à M. Blount, dont là mission était
terminée, il lui avait ordonné de se tenir
en bons rapports avec le gouvernement
provisoire, tout en préparant la réinstalla
tion de la reine. M. Willis avait reçu des
instructions secrètes qu'il ne devait com
muniquer qu'après un ordre formel venu
de Washington. Le 18 déoembre, le secré
taire d'État mandait à M. Willis d'informer
la reine que le gouvernement des Etats-Unis
était disposé à la rétablir sur le trône dont'
on l'avait fait injustement descendre, mais
à deux conditions : 1" elle devait accorder
une amnistie générale; 2° elle accepterait-
les charges et les obligations contractées'
. par ceux qui avaient usurpé le pouvoir.
M. Cleveland voulait ainsi ménager le parti
révolutionnaire. Si la reine consentait, alors
on déciderait le gouvernement provisoire à?
se retirer, la reine rentrerait' dans- son-
palais,-et les choses ayant été rétablies'
dans le stalu quo avant le ooup d'État, le
peuple serait convoqué à voter librement
pour le gouvernement qu'il préférait, mo-«
narchie ou république ; il ne fallait plus-
parler d'annexion. Les Américains main- 1
tiendraient l'ordre et la séourité pour la
complète liberté des élections.
La reine trouvâtes conditions imposées '
un peu dures et demanda à réfiéohir. On
lui répondit que si elle ne consentait point à
accepter, les Américains se retireraient, la
laissant seule en face de son peuple et des>
usurpateurs de son pouvoir. Le gouverne-'
ment américain se bornerait à veiller sur les
intérêts de ses nationaux^ M. Cleveland'
oroyait ainsi faire tout ce qui était possible •
pour réparer les torts qu'il reconnaissait
avoir été causés par M. Stevens et
M. Harrisson. ' . - i
Cette attitude de M. Cleveland a été
sévèrement critiquée au Sénat et dans
la Ghambre. Les républicains n'ont pas.
" i sans irritation le blâma infligé aux.
• Urniers actes de l'administration de
M. Harrisson et ne laissent échapper.'
aucune occasion de harceler M. Cle
veland. ' ; ■■■■ ■
Le 11 décembre, M. Hoar, sénateur
du Massaohusetts, présentait au Sénat .un.,
projet de résolution demandant au prési
dent la communication do toutes les pièces
relatives à l'affaire d'Hawaï. M. Hoar est
un ami de M. Stevens, il était donc naturel
qu'il voulût prendre sa défense ; mais il
aurait pu le faire avec plus de modération.
Les rudes Yankees ne « prennent pas de
gants », comme nous disons, lorsqu'ils trai
tent avec un' président qui n'a pas leurs
sympathies. En développant les motifs de
sa résolution, M. le sénateur Hoar a usé de
termes violents et grossiers contre M. Cle
veland, l'accusant d'avoir outrepassé la
limite de ses droits en envoyant M. Blount
à Honoîulu, sans demander permission au
Sénat : il a conclu à la mise en jugement du
président.
M. Cleveland a gardé tout son sang-froid '
devant ces brutales attaques : il a adressé
au Congrès un message fort bien rédigé
et très explicite sur tous les incidents de
l'affaire d'Hawaï. Il y dévoile la conduite
coupable de M. Stevens : lors de la révolu
tion du 15 janvier à. Honoîulu, le ministrè
infidèle a été le complice des conspirateurs;
il a fait débarquer les matelots du Boston
pour renverser la reine auprès de laquelle
il était ministre accrédité des Etats-Unis, et
il a trompé son gouvernement par des dépê
ches mensongères. M. Harrisson n'est pas
exempt de blâme, non plus, ni son ministre
d'Etat, pour avoir mis tant d'empressement
à faire" annexer les îles Sanîwioh, sans
consulter le peuple .En lisant ce message
visiblement inspiré par l'amour de la jus
tice, de la probité, de l'honneur national,
on ne peut retenir son indignation contra
l'acte de piraterie qu'a commis M. Ste
vens. H est temps de laver la tache qui
a souillé le drapeau américain et de répa
rer les torts causés à l'infortunée reine
d'Hawaï. M. Cleveland communique lés
I
\
«
N° 9373 — Edition quotidienne
Samedi 13 Janvier 1894
ÉDITIO N QUOTID IENNE *
PARIS . ÉTRANGER
« • m dipauteuents {union postale) !
On an . .... . 40 » 61, »
Six mois . . . . 21 » 23 50
Trois mois. . . . Al » 14
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UN NUMÉRO I ^ >aï '* s 1Q cent.
UJK j Départements . . . 1B —
BUREAUX: Paris, 10, rue des Saints -Pères
On s'abonna & Rome, place du Gesù, 8
ÉDITION- SEMI-QUOTIDIENNE
Un an . . ••
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
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. • 5 »
.. étranger .
(union postalb)
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- - L 'UNTVSBS ie répond pas des maïuiscrits qsi lui tout adressé
ANNONOE8
LAGRANGE, CERF et C lb , 6, 'place de la Bourse
BHB
- BULLETIN DU JOUR
PARIS, 12 JANVIER 1894
1 On a bien quarante-huit heures pour
s'occuper d'un jugement important;
aussi estai tout naturel que les jour
naux raisonnent et déraisonnent en
core sur le jugement qui condamne
Vaillant à mort. La campagne conti
nue pour la grâce de l'anarchiste dans
les feuilles socialistes , radicales et
fantaisistes. Les arguments ne sont
pas variés; en général, les journaux
font d^ la sentimentalité en faveur
d'un homme qui en a montré fort peu.
Nous avouerons sans détour que cela
ne nous paraît pas très sérieux. Le
jury a bien fait de se montrer ferme,
et sa conduite impose la fermeté à
M. le président de la République, qui
sera bien inspiré en réservant son
droit de grâce pour une meilleure oc
casion.
Au Sénat, hier, on a validé avec ra
pidité une soixantaine d'élections^
dans la haute assemblée, la validation
des pouvoirs n'est guère qu'une for-
îrialité. ToutefoiSj il y a deux ou trois
élections qui ont été réservées, et se
ront plus sérieusement examinées.
Aujourd'hui, séance au Sénat pour
la constitution du bureau ; M. Ghalle-
mel-Lacour sera certainement réélu.
Les députés ont élu ou plutôt réélu
leur bureau ; il reste seulement à
nommer quatre secrétaires pour les
quels il y aura demain un deuxième
tour de scrutin. M. Dupuy a retrouvé
son succès de l'année dernière ; le voilà
presque devenu le président néces
saire. Qui aurait dit cela à ce gros
homme, il y a seulement deux ans,
l'aurait fort étonné. Les radicaux
avaient lancé une liste de vice-prési
dents qui a piteusement échoué.
La démission du président Peixoto
est démentie, mais il ne s'ensuit pas,
en dépit des- déclarations de la léga
tion brésilienne, que la situation du-
dit président soit bien bonne. On parle
toujours d'une affaire décisive qui se
rait imminente.
Les nouvelles de Bruxelles semblent
indiquer que M. Beernaert donne dé
finitivement sa démission et qu'il sera
suivi par les autres ministres.
, On trouvera plus loin des détails
sur les circonstances daiàs lesquelles
se produit la retraite de M. Beer-
1 naert. On avait imaginé une espèce
de transaction que le ministre a re
fusée parce qu'elle l'aurait trop di
minué. Toutefois, les droites n'ont
pas encore pris une résolution défini
tive ; elles doivent avoir une dernière
réunion démain. Quoique peu proba
ble, une entente à la dernière ^ heure
ne serait doïio pas absolument impos
sible.
Pourvu que le parti catholique ne
se trouve pas irrémédiablement divisé
par la retraite de M. Beernaert 1
. „—: : *— —
L'AUTRE BOMBE
Maintenant qu'elle a proclamé son
droit et rempli son devoir, il faut bien
avouer que la société moderne piaraît
très bête en face de Vaillant.
■■■■■ Le factum lu par l'anarchiste est
emprunté aux écrivains à qui elle a
donné sa confiance. Sans doute le pro
cureur n'a pas manqué de faire une
moue dédaigneuse, et l'assistance s'est
esclaffée quand le bombardier à invo
qué l'autorité de Buchner, de Darwin
et ..d'Herbgrt. Spencer ; mais _ le ma
gistrat et le public auraient été
fort , embarrassés pour donner des
raisons après avoir ; ricané- Vaillant
avait sur ses adversaires l'avantage
de posséder une doctrine. La déclara
tion qu'il a lue prouve qu'il s'est fait
quelque idée du droit qu'il applique,,
à ses risques et périls, tandis que la
société officielle ne sait plus au nom
de quoi elle commande, juge et exé
cute. Darwin n'est-il pas un grand
souverain dans la région des intelli
gences ? Or c'est lui qui enseigne que
la nature est gouvernée par la loi du
* plus fort. Devant les gendarmes, de-
— ' vant l'armée et devant les mœurs,
Vaillant représentait l'élément infime
destiné à être écrasé. Mais la bombe
qu'il portait dans sa poche et l'énergie
qu'il avait développée dans son àme
compensaient sa faiblesse naturelle»
La force de l'homme décidé à risquer sa
™"^vie, la force des acides mélangés aux
-*•' poudres, voilà des puissances légitimes
çans la société darwinienne. Après
que le bruit et la fumée de l'explosion
se sont dissipés; que reste-t-il ? Un
Êrisonnier qui dit à ses juges, à des
ourgeois : « Si les bourgeois n'avaient
« pas massacré ou fait massacrer pen-
« dant la Révolution, il est probable
« qu'ils seraient encore sous le joug
« de la noblesse. » Gela n'est point
déjà si mal pensé ni si mal écrit pour
un homme sur qui tombent toutes les
malédictions et toutes les flétrissures,
pour un bandit.
Ses phrases sont longues et parfois
embrouillées, mais elles contiennent
aussi beaucoup, de termes scientifi
ques. Vaillant parle des « affinités. »
des hommes et du « jeu perpétuel
« des forces cosmiques se renouvelant
« et se transformant à l'infini ». L'a
narchiste a recueilli ces mots et ces
idées dans les collections des bi
bliothèques populaires. Il raisonne.
Il sait trouver un argument ou l'at
taquer de front comme s'il avait
appris au collège les règles de la dis
sertation. La guerre au « préjugé », il
là pratique après l'avoir, entendu
prêcher par les autorités le3 plus ré
gulières de la société libre-penseuse :
« Toutes les forces gouvernementales
« n'ont pu empêcher les Diderot et les
« Voltaire de semer les idées émanci-
« patrices parmi le peuple, toutes les
« forces gouvernementales actuelles
« n'empêcheront pas les Reclus, les
« Darwin, les Spencer, les Ibsen, les
« Mirbeau, etc., de semer les idées de
; « justice et de liberté qui anéantiront
« les préjugés qui tiennent la masse
« en ignorance, et ces idées ac -
« cueillies par les malheureux fteu-
« riront en actes de révolte comme
« elles l'ont fait en moi... » ; c'est de
la philosophie et do la littérature offi
cielle. Ces choses-là ont été dites très
souvent à la tribune et elles consti-
: tuent le fond de l'esprit public. Les
chroniqueurs qui se flattent d'être
animés des sentiments les plus hu
mains développent tous les jours,dans
des journaux lus par plus de cent
mille citoyens paisibles,les considéra
tions que Vaillant a prises à son
compte et dont il fait profiter l'anar
chie.
Dépossédés de leurs arguments, les
défenseurs de la société voient encore
se tourner contre eux' le3 exemples
dont ils étaient fiers. N'est-ce pas
une tradition de la bourgeoisie ré
volutionnaire de j ustifier le régi
cide? La condamnation de Louis XVI,
i titre de- gloire que les historiens,
y compris le doux Mignet, ne
croyaient pas pouvoir trop vanter 1 Or-
sinfn'a-t-il pas trouvé des défenseurs ?
Grime politique. Il y a donc des bom
bes innocentes et même vertueuses.
Les écrivains de l'empire et ceux de
nos jours ont appris à Vaillant que la
liberté progresse à coups de couteau et
à coups de bombes. Devant la classe
stupéfaite et stupide qui le condamne
et qui va le tuer en mourant de peur,
c'est ce misérable qui a le beau rôle.
On nous permettra de répéter un
mot que nous avions écrit à propos
d'un autre anarchiste, non encore
jugé, Léauthier. Nou3 disions que
l'important n'était pas de punir l'as
sassin, mais de le réfuter. Il faut re
marquer que lés représentants du
droit invoqué hier à la cour d'assises
avouent, par leur conduite piteuse,
qu'ils' ignorent d'où leur vient leur
autorité. Vaillant au moins compte sur
sa vigueur morale et physique; et bien
que condamné, ou plutôt parce que
condamné, c'est lui qui a l'air d'avoir
raison. L'anarchie, pour laquelle il
mourra sans doute, elle règne dans les
cerveaux qui ont dicté l'arrêt de mort.
Les formules philosophiques et chi
miques dont Vaillant s'est inspiré sont
maintenant à la portée de toutes les
foules. Les souffrances et les haines
auxquelles il s'est abandonné foison
nent au sein de la société libre-pen
seuse, dépossédée par elle-même puis-
qu'elle a nié le droit supérieur aux
passions. Tout porte à croire que la
fabrication des bombes va continuer
et que le inonde actuel sautera.
Eugenh Tavernier.
a. ï^a: chambré
Le public était clairsemé ; , cepen-
J en dant, çà et là, dans. les tribunes et
ans les galeries, on apercevait de
rares spectateurs et l'on ne pouvait se
défendre d'une pitié profonde, en son
geant à l'ennui, également profond,
où ces malheureux devaient être pion?
gés. Quatre heures et.demie durant,
ils ont ; vu des députés gravir lente
ment la tribune, remettre un petit pa
pier blanc à un monsieur qui l'insérait
dans une urne vert sombre, descendre
de la tribune, et s'en aller. Quand, au
bout d'une heure environ, tous les dé
putés présents avaient accompli ce
manège, on recommençait. Groirait-
on que certains spectateurs ont eu
la constance de demeurer jusqu'au
bout ? Ce devaient être, à n'en pas
douter, des agents en bourgeois !
Dans les couloirs, on avait du moins
quelques intermèdes récréatifs et di
vertissants. D'abord, vers trois heures
et demie, au moment où l'on venait
de fermer le scrutin qui, pour un an,
le fait président de la Ghambre, M. Du-,
puy est apparu : d'un pas majestueux,
la tête solidement assise sur de vastes
épaules, il a traversé le salon de . la
Paix; de tous côtés, vers lui, les
mains se tendaient, respectueuses; lui,
toujours calme et souriant, daignait
abandonner à la foule ses gros doigts
que l'on pressait avec enthousiasme !
En contemplant M. Dupuy, l'on com
prenait ce que c'est que la gloire.
Mais quittons, le. triomphateur, il
voudra bien sans doute nous accor
der quelquefois encore l'occasion de
parler de lui. Sa réélection d'ail
leurs ne faisait doute pour personne :
la nomination des vice-présidents
offrait un intérêt plus curieux ; toute
une intrigue s'était nouée dans les cou
lisses parlementaires à cette occasion.
Les radicaux, peu satisfaits du rang
inférieur qu'on leur avait laissé dans
le bureau de la Ghambre, exigeaient
pour leur part deux vice-présidents.
Les « républicains de gouvernement »
ne voulurent pas céder à cette préten
tion-; furieux, les radicaux entre pr-
rent la lutte et confectionnèrent
une liste de quatre candidats à
la vice - présidence. Hélas ! le seul
Lockroy, accepté des opportunis
tes, réussit à conquérir ce poste ; et,
comble d'infortune, bien que porté
sur les deux listes,, il arrive, tout
comme en novembre, le dernier,
après MM. de Mahy, Félix Faure,
Etienne. Le parti radical continuera
donc d'être relégué dans le bureau de
la Ghambre, au cinquième rang; en
outre, il y 'sera toujours représenté
par M. Lockroy, chose particulières-
ment cruelle pour un parti qui se
prétend sérieux!
F. V. ■■
A.TJ SÉNA T
Le bruit a persisté M. Kiéner
présidait encore.
Le Sénat a validé,—au milieu du ta
page empêchant d'entendre même les
noms une soixantaine des nou-'
veaux élus.
Il n'y aura, dans la suite, de-dis
cussion qu'au sujet de l'élection de
l'Ardèche.
Séance aujourd'hui pour la nomi^
nation du bureau définitif.
G. de T.
LA MAÇONNERIE ET LES CONGRÉGATIONS
Gomme suite au questionnaire ma
çonnique que nous avons reproduit,
ou nous communique cet extrait du
compte rendu de l'Assemblée générale
du G * 0 * :
Séance du 15 septembre / 893
Le F. \ président (le F. 1 . Poulie).—Il y a
; deux ans au oongrès dès LL.\ de l'Ouest
I qui s'est tenu à Angers, un de nos FFi\, le
; F.*. Jeanvrot a fait une étude des plus sai
sissantes et des plus remarquables sur
l'augmentation des richesses des congréga-
: tions et du clergé; il a démontré que si cela
' continuait, avant qu'il soit quarante ou
; cinquante ans, ce serait, quelque chose
comme 40 ou 50 milliards qui seraient aux
mains de nos ennemis. Et il indiquait lts
moyens législatifs qui selon lui devaient
empêoher cet état de choses mauvais de
; s'aggraver.
Le travail du F.*. Jeanvrot a été imprimé
à un petit nombre d'exemplaires. Je crois
qu'en le priant de vouloir bien envoyer au
conseil de l'ordre son travail et en y ajou
tant ce qu'il croit devoir y ajouter et sur
tout certains tableaux très instructifs qu'il
avait mis sur les parois du temple,il le ferait.
Je demanderai donc à l'assemblée de dé
cider que, sous la correction du F.*. Jean
vrot,on fasse imprimer ce travail à l'aide des
fonds de propagande, et que ce travail soit
distribué à, ohaquê L.\. (Applaudissements.)
Vous aurez ainsi pour chaque L.v des
moyens de propagande magnifiques et
fructueux et je vous fais très nettement.la
proposition de dire que ce travail sera im-,
primé et.distribué. (Applaudissements.)
Le F.\ Jeanvrot. — J'ai des renseigne
ments depuis que j'ai fait cette ooiiférence,
ils me permettront de la compléter.
L'assemblée vote la proposition du
F Poulie.
(Cf. Bulletin G .% 0 .'. de France. Su
prême-Conseil. Août et septembre 1893,
n°" 6 et 7, p. 488).
A la séance du lendemain, sous la
présidence du F. \ Lartigue, le F.*. La-
faye revient sur cette question :
Je viens prier les LL.'. d'envoyer quel
ques exemplaires de la brochure du F
Jeanvrot contre le olérioalisme, "mais aussi
d'établir un prix bien minime^ Je suis per
suadé qu'ainsi les LL .*. se feront un véri
table devoir de prendre beaucoup d'exem
plaires afin de faire cette propagande qui
qui est la propagande la plus intéressante
pour la Maç afin de détruire cette secte
de corbeaux qui ruine la population entière,
non seulement par ce qu'elle professe, mais
enoore par les ateliers qu'elle possède,
comme les lingeries ou tant d'autres in
dustries qui causent préjudice à une masse
d'ouvriers. Je propose dono que les LL
soient invitées à répandre cette brochure à
profusion.
Le F .*. président. — Gomme c'est le Con
seil de l'Ordre qui est chargé de faire l'im
pression, il fera son possible pour que le
prix soit le moins élevé, vous pouvez en
être assuré.
(Gf./ôid., p. 549.)
La dissolution des congrégations est
au premier rang des vœux du con-
vent. Une campagne active va être
organisee'irifcessàmment par les LL.-..
Les mensonges absurdes qui sont ré
pandus au sujet de la: fortune des con
grégations, continuellement spoliées,
indiquent l'emportement avec lequel
cette campagne sera conduite.
Si nous réclamions une enquête sur
la fortune des juifs, la franc-maçon
nerie appuierait-elle?
LES FABRIQUES
Nous trouvons dans la Semaine Reli
gieuse de Séez la lettre suivante adres
sée au ministre des cultes par Mgr
Tregaro :
Séez, le 1« janvier 1894,'
Monsieur le ministre,
Dans la lettre que j'avais l'honneur de
vous adresser, relativement au déorel du
27 mars 1893, concernant les fabriqués, je
me suis efforcé de prouver à Votre Excel
lence, du moins sommairement, que le
nouveau décret était entaché d'illégalité.
J'avais osé espérer que Votre Excellence
daignerait m'honorer d'une réponse qui
rectifierait mon erreur, si toutefois je m'é
tais trompé. Devant votre silence, j'ai le
droit de croire que j'étais dans le vreyL
Vous ne trouverez donc pas mauvais que je
m'abstienne, jusqu'à nouvel ordre, dé
transmettre vos instructions aux fabriques
de mon !; dîooèse. , Du reste, permettez moi
de vous'le faire remarquer,monsieur le mi
nistre, entre la réception de votre lettre et
l'exécution de vos ordres, il nous restait à
peine le temps moral voulu pour leur Taire
cette communication. .
11 y a quelques années, monsieur le mi
nistre, un orateur, que vous connaissez
particulièrement, laissait tomber de la tri
bune française ces sinistres paroles, faisant
allusion aux lois si justement qualifiées par
tous les hommes d'honneur de tous les
partis : « Nous avancerons lentement, mais
nous marcherons toujours et sûrement. »
Depuis cette époque, qui oserait le nier?
ce 1 programme a été scrupuleusement suivi.
Les religieux et les religieuses ont été
chassés, spoliés. On a laïcisé les hôpitaux,
laïcisé les éooles,laïoisé le mariage chré
tien par une loi judaïque, laïcisé nos sémi
naires, voire même nos prêtres en les arra-
ohant & l'autel pour les envoyer à la ca
serne. En vérité, il ne reste plus guère qu'à
laïciser Dieu lui-môme. Déj-à son nom sa-
oré, trois fois saint, n'est-il pas proscrit de
nos écoles, de no3 tribunaux, de nos lois?
N'est-il pas banni aveo soin du langage pu
blic officiel, même devant la tombe de vail
lants chrétiens, quelle que soit leur gloire,
quelque éminents qu'aient été les services
rendus par eux à la Franoe ?
En présence de semblables attentats con
tre Dieu et ooatré son Christ, Votre Exoel-
léace no saurait trouver mauvaises les pro
testations d'uaévêque qui a juré de les
combattre, au jour où l'huile sainte, qui
fait les Pontifes, a coulé sur son front, et
qui, aveo la grâce de Dieu, restera fidèle à
ses serments.
Devant de pareils agissements de la part
du gouvernement, serait-il téméraire, mon
sieur le ministre, de craindre que le déoret
sur les fabriques ne soit encore une nouvelle
marche en avant dans ce même ordre de
choses ? Les biens de nos fabriques, que
nous devons en grande majorité à la cha
rité publique, ne sont-ils pas, en effet, des
tinés & entretenir le culte divin et à proou-
rer la gloire de Dieu ? En les faisant
disparaîre doucement mais sûrement, car la
charité va se refroidir, sinon s'éteindre
devant les nouvelles mesures gouvernemen
tales, les conséquences n'en rejailliront elles
pas sur Dieu lui-mê mes et sur le culte qui
lui est dû?
< Aussi, malgré son amour pour la pai x,
l'union et la concorde, malgré son profond
, respect pour les représentants de l'autorité,
un évêque se doit à lui-même, doit à sa
i consoience de défendre les intérêts sacrés
qui lui sont confiés. Je lie fais pas autre
chose en oe moment, monsieur le ministre,
I et j'ai la oonfiance, comptant sur votre
i droiture etvotre loyauté,que vous me com
prendrez et rendrez juslioe & nos légitimes
revendications.
Veuillez agréer, monsieur, le ministre,
! l'hommage de ma très haute considération.
; f François-Marie,
Evêquede Séez.
LES CLASSES DIRIGEANTES
Je terminais un précédent arti
cle par" ce jugement d'un écrivain et
économiste de renom : « Les riches,
les hautes classes sont inconsciem
ment les grands fauteurs du socia
lisme. » Que les riches, les hautes
classes s'en scandalisent si bon leur
semble, l'accusation — pour sévère
qu'on la trouve — n'en est pas moins
méritée. Et si quelqu'un s'avisait de
s'inscrire en faux, celui-là ferait
preuve d'un étrange aveuglement. Ge
;que je,vais dire pour l'appuyer, c'est
en sommé ce que tout le monde pense,
jee que tout le monde sait et ce qui
frappe le3 yeux des moins clair-
Voyants.
'j Lie privilège de la naissance et celui
de la fortune —■ ce dernier peut-être
encore plus que l'autre dans un temps
où il semble que Mammon soit de
venu le prince de ce. monde —- con
fèrent à ceux qui en sont pourvus
une puissance énorme qui, mise au
service de la société, pourrait être à
celle-ci d'un immense secours et la
retenir sur la pente des abîmes. Mal
heureusement cette puissance, ou l'on
ne sait pas ou l'on ne veut pas en
user.
La mission sociale de la naissance
et de la richesse, dirai-je que per
sonne ne s'en préoccupe ? Non, certes.
Dieu merci, on rencontre encore des
familles — et en assez bon nombre t -
qui, fidèles au vieilles traditions, com
prennent que noblesse et que fortune
obligent et qui, par leurs exemples en
même temps que par leurs bienfaits,
exercent autour d'elles une salutaire
influence. Gelles-là n'ont droit qu'à
notre estime et à notre admiration et
nul reproche ne saurait les attein
dre ; mais je soutiens que, prises dans
leur ensemble, — ma thèse ne s'étend
pas au delà, — les hautes classes, ce
qu'on appelle les classes dirigeantes,
n'ont pas suffisamment conscience de
la mission qu'elles ont reçue de la
Providence.
Est-ce comprendre son devoir et
l'exèrcer, par exemple, que de con
traindre dés phalanges entières d'ou-
vrierà à -violer le jrepos dominical,
quand on a l'obligation rigoureuse de
tenir à son observation ?
Est-ce comprendre son devoir et
l'exercer que d'insulter à la misère du
pauvre par l'étalage d'un luxe rui
neux?
Est il convenable de consacrer à
des soirées mondaines des sommes
fabuleuses qui suffiraient à nourrir
de nombreuses familles ?
Quelle tristesse et en même temps
quelle honte de voir des descendants
de croisés, des porteurs de grands
noms, de ceux enfin qui sont réputés
l'élite de la société, figurer dans des
tournois d'un nouveau genre, non
plus avec la'lance au poing et revêtus
au casque et du haubert, mai3 -dégui
sés en bêtes, en clowns et faire assaut
de grotesque l
. Deux faits assez récents serviront
d'ailleurs — mieux que toute autre
chose — à faire connaître la conduite
et l'état d'esprit des classes dont nous
parlons.
L'an dernier, une grève assez cu
rieuse, celle de» « casseuses de su
cre », éclatait à Paris. Cette grève avait
pour cause l'abaissement du salaire
des ouvrières. Ces dernières', bientôt
sans pain, se virent obligées de ca
pituler et de reprendre le travail
aux conditions gui leur étaient faites.
Or, dans le meme temps, le patron
faisait restaurer son château, an
cienne "et fameuse résidence: d'un
personnage célèbre. Serait-ce pour
aider à payer la dépense des tra
vaux, dont le devis montait, paraît-il,
à plusieurs millions, qu'il prit le parti
de réduire le salaire de pauvres fem
mes astreintes à un dur labeur?
Autre fait. A peu près à la même >
époque, les journaux mondains an
nonçaient que Mme ls vicomtesse
de... allait donner des fêtes splendidçs
dans son château dont on vient d'à-,
ichever la merveilleuse restauration.
Plusieurs fois par semaine on devait
y jouer la comédie,et les mêmes jour
naux avaient soin d'avertir que les
principaux rôles seraient tenus par
quelques-uns des invités. On citait
même les noms ; c'étaient — outre la
châtelaine qui est douée, paraît-il* d'un
vrai talent d'artiste— M. le prince et
Mme la princesse de..., M. de..., M- le
marquis de... et « la charmante com
tesse » de...
Notez que le château est situé à
proximité d'un centre industriel forte
ment travaillé par les idées révolu
tionnaires. Là des milliers d'ouvriers
se livrent à un travail pénible et dan-
gereux.et ne reçoivent en retour qu'un
maigre salaire, .à peine suffisant pour
les faire subsister eux et leur nom
breuse famille.
Gomment veut-on que ces ouvriers
ne fassent pas le rapprochement et
ne se rendent pas compte du con
traste ? Le moyen pour eux de n'être
pas socialistes quand ils voient à quoi
sert leur sueur ? Il y aurait assurément
pour ces. membres de3 classes diri
geantes mieux à faire que de jouer à
grands frais la comédie.
Que ne sont-ils aussi bien inspirés
que cette dame qui remit un jour
1,000 francs à un bureau de bienfai
sance en disant : « Voici 1,000 francs
sur lesquels je ne comptais pas; j'ai
pensé d'abord à m'acheter un cache
mire ; mais le pain est à cinq sous la
livre, ce serait quatre mille livres de
pain que je porterais sur mes épaules;
le fardeau serait trop lourd, je donne
ces 1,000 francs aux pauvres. »
On dit pourtant Mme la vicomtesse
de... intelligente et femme d'es
prit; ses invités sont certainement
gens fort distingués et fort honnêtes ;
comment donc expliquer une pareille
conduite ? Dirait-on que tout ce
monde a perdu le sens moral? Je
n'irai pas jusque-là. Leur exQBse, se
lon moi, est dans l'ignorance où ils
sont de leur temps ; ils n'ont pas l'air
de se douter delà transformation qui
à'est opérée dans la société depuis
moins d'un demi-siècle, ce qui fait
qu'ils n'ont pu encore s'affranchir
des préjugés d'un passé irrémédiable
ment mort; ils ne comprennent pas
que leur montre retarde. On pourrait
dire d'eux ce qui a été dit de leur*
ancêtres, qu'ils n'ont rien appris ni
rien oublie. Ils ne voient pas ou se re
fusent à voir l'évolution sociale qui
s'accomplit sous leurs yeux ; peut-être
se disent-ils qu'après tout le monde
durera toujours bien autant qu'eux.
Leurs pères ont pu avoir raison de le
dire, mais eux en sont-ils bien sûrs ?
Ce qui prouve leur" inconscience,
c'est qu'entre temps ces braves gens
moduleront les tristesses de l'heure
présente et lanceront l'anathème con
tre les francsrmaçons qui nous oppri
ment, sans se douter qu'ils ont eux-,
mêmes contribué à préparer l'avène
ment de ces maudits sectaires et ont
ainsi une large part dans les maux
dont ils se plaignent.
.Certes, ils sont catholiques, mais
ils se font une religion de fantaisie.
Il ne saurait être question pour eux,
par exemple d'aller en paradis par
« l'âpre sentier » dont parle Bossuet,
« où l'on grimpe plutôt qu'on ne mar
che » ; ce qu'il leur faut, ce sont de
petits chemins tout aimables, fleuris
et embaumés. Tirer une traite sur la"
miséricorde divine sans sacrifier au
cun de leurs plaisirs leur semble une
méthode exquise pour faire leur sa
lut.''';
Un journal traçait naguère le por
trait de cette classe ; j'en extrais le
passage suivant : .
« Catholiques, ils ont tout fait quand
ils ont fondé un bazar ou un comité ;
mais leur religion se promène en ha
bit rouge et en coupé, chasse chez
Rothschild, soupe à l'Opéra et envoie
des valets porter aux pauvres leur des
serte. »
Aux rudes chevaliers des temps pas
sés ont succédé des gommeux dont le
chic est la loi et l'élégance la règle,
dont la vie se passe-dans une oisiveté
ridiculement affairée, partagée qu'elle
est entre la chasse, le sport et... le
reste, et pour qui la suprême distinc
tion consiste à surpasser des rivaux '
par la. coupe de ses vêtements ou le
scandale de ses folies. -, /
Non, non, un pays ne sera jamais
sauvé tant que les sauveurs parleront
en croyants et agiront en incrédules.
On l'a dit : Toute grande cause veut
être servie par de grandes vertus.
Résumons cet article :
Pour avoir abdiqué leur mission so
ciale ou l'avoir méconnue en na faisant
pas un meilleur usage de leur influence
et de leur fortune, lès riches, les hau
tes classes — qu'elles le veuillent ou
non —ont une part considérable dans
la crise sociale que nous traversons.
Il y aurait pour elles un moyen de
réparer le mal ou au moins de l'atté
nuer, ce serait de se retremper, elles
aussi, aux sources du christianisme et
de revenir à l'Evangile. A cette école,,
elles apprendraient à mettre un terme
à leur vie facile, à leur égoïsme inhu
main et à leur insatiable cupidité.
Abandonnant le passé aux morts et
ouvrant les yeux vers l'avenir, elles
iraient au peuple et travailleraient
résolument à éteindre les convoitises
imprudemment allumées. Sans quoi
le torrent ira toujours grossissant jus
qu'au jour où, brisant ses digues,il les
•emportera et les engloutira.
J ules C harrier.
NOUVELLE S DES ÉT ATS-LOTS _
La question d'Hawaï au Congrès. — Le mes
sage du préeident.—Le nouveau tarif. — Le
canal de Nicaragua.
Dans son message, M. Cleveland avait
recommandé & l'attention des législateurs
deux questions importantes, celle d'Hawaï
et celle de la réforme du tarif douanier. En
envoyant M. Willis & Honolulu, pour buc*
céder à M. Blount, dont là mission était
terminée, il lui avait ordonné de se tenir
en bons rapports avec le gouvernement
provisoire, tout en préparant la réinstalla
tion de la reine. M. Willis avait reçu des
instructions secrètes qu'il ne devait com
muniquer qu'après un ordre formel venu
de Washington. Le 18 déoembre, le secré
taire d'État mandait à M. Willis d'informer
la reine que le gouvernement des Etats-Unis
était disposé à la rétablir sur le trône dont'
on l'avait fait injustement descendre, mais
à deux conditions : 1" elle devait accorder
une amnistie générale; 2° elle accepterait-
les charges et les obligations contractées'
. par ceux qui avaient usurpé le pouvoir.
M. Cleveland voulait ainsi ménager le parti
révolutionnaire. Si la reine consentait, alors
on déciderait le gouvernement provisoire à?
se retirer, la reine rentrerait' dans- son-
palais,-et les choses ayant été rétablies'
dans le stalu quo avant le ooup d'État, le
peuple serait convoqué à voter librement
pour le gouvernement qu'il préférait, mo-«
narchie ou république ; il ne fallait plus-
parler d'annexion. Les Américains main- 1
tiendraient l'ordre et la séourité pour la
complète liberté des élections.
La reine trouvâtes conditions imposées '
un peu dures et demanda à réfiéohir. On
lui répondit que si elle ne consentait point à
accepter, les Américains se retireraient, la
laissant seule en face de son peuple et des>
usurpateurs de son pouvoir. Le gouverne-'
ment américain se bornerait à veiller sur les
intérêts de ses nationaux^ M. Cleveland'
oroyait ainsi faire tout ce qui était possible •
pour réparer les torts qu'il reconnaissait
avoir été causés par M. Stevens et
M. Harrisson. ' . - i
Cette attitude de M. Cleveland a été
sévèrement critiquée au Sénat et dans
la Ghambre. Les républicains n'ont pas.
" i sans irritation le blâma infligé aux.
• Urniers actes de l'administration de
M. Harrisson et ne laissent échapper.'
aucune occasion de harceler M. Cle
veland. ' ; ■■■■ ■
Le 11 décembre, M. Hoar, sénateur
du Massaohusetts, présentait au Sénat .un.,
projet de résolution demandant au prési
dent la communication do toutes les pièces
relatives à l'affaire d'Hawaï. M. Hoar est
un ami de M. Stevens, il était donc naturel
qu'il voulût prendre sa défense ; mais il
aurait pu le faire avec plus de modération.
Les rudes Yankees ne « prennent pas de
gants », comme nous disons, lorsqu'ils trai
tent avec un' président qui n'a pas leurs
sympathies. En développant les motifs de
sa résolution, M. le sénateur Hoar a usé de
termes violents et grossiers contre M. Cle
veland, l'accusant d'avoir outrepassé la
limite de ses droits en envoyant M. Blount
à Honoîulu, sans demander permission au
Sénat : il a conclu à la mise en jugement du
président.
M. Cleveland a gardé tout son sang-froid '
devant ces brutales attaques : il a adressé
au Congrès un message fort bien rédigé
et très explicite sur tous les incidents de
l'affaire d'Hawaï. Il y dévoile la conduite
coupable de M. Stevens : lors de la révolu
tion du 15 janvier à. Honoîulu, le ministrè
infidèle a été le complice des conspirateurs;
il a fait débarquer les matelots du Boston
pour renverser la reine auprès de laquelle
il était ministre accrédité des Etats-Unis, et
il a trompé son gouvernement par des dépê
ches mensongères. M. Harrisson n'est pas
exempt de blâme, non plus, ni son ministre
d'Etat, pour avoir mis tant d'empressement
à faire" annexer les îles Sanîwioh, sans
consulter le peuple .En lisant ce message
visiblement inspiré par l'amour de la jus
tice, de la probité, de l'honneur national,
on ne peut retenir son indignation contra
l'acte de piraterie qu'a commis M. Ste
vens. H est temps de laver la tache qui
a souillé le drapeau américain et de répa
rer les torts causés à l'infortunée reine
d'Hawaï. M. Cleveland communique lés
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