Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1893-11-15
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 novembre 1893 15 novembre 1893
Description : 1893/11/15 (Numéro 9316). 1893/11/15 (Numéro 9316).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi 15 Novembre 1893
N° 9316 — Edition quotidienne
Mercredi 15 Novembre 1893
ÉDITION
Un an . . .
Six mois . .
Trois mois.
QUOTID IENNE
ÉTRANGER
(union postale)
51 »
26 50
14 »
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
PARIS
ST DÊPÀRTBMENTS
. . 40 »
. . 21 »
. . 11 »
Les abonnements partent des 1" et 16 de chaque mois
Paris . lOcent.
Départemënts... 16 —
UN NUMERO
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
oïl s'abonne à Rome, pince du Gesù, 3
Un an . . .
Six mois. .
Trois mois.
PARIS
et lépautementS
. . 20 »
... 10 »
. . 5 »
ÉTRANGER .
(union postale) V
26. » ■ .•*
13 »
6 50
Les abonnemènts partent des 1 er et 16 de chaque mois
L 'DNIVERS oe répond pas des manuscrits qui loi sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C", 6, place de la Bourse
BULLETINJW JOUR
PARIS, 14 NOVEMBRE 1893
Nous voilà donc à la réunion des
Chambres qui reprennent aujourd'hui
leurs travaux. A la Chambre, le doyen
d'âge, M. Blanc, a prononcé un dis
cours qui est principalement consacré
aux manifestations franco - russes.
M. Blanc constate l'intervention per
sonnelle du tsar dans ces fêtes mé
morables.
La lutte pour la présidence de la
Chambre des députés ne semble pas
devoir être bien vive ; ' M. Lockroy
s'est retiré, et il ne reste en présence
que MM. Oasimir-Périer et Brisson.
Dans' ces conditions, le succès du pre
mier paraît certain, nombre de radi
caux n'ayant aucun enthousiasme
pour le morne M. Brisson.
L'affaire du document volé continue
à occuper l'opinion. En fait, on ne
sait pas comment une pièce si impor
tante est arrivée à la Petite République
française , et on ne le saura probable
ment pas. Il n'est plus question de la
retraite de M. Guérin. Ce n : est peut-
être que partie remise.
Il est certain qu'il y aura un inci
dent parlementaire au sujet de ces
documents, les députés socialistes
étant décidés à faire une interpella
tion. «
Des dépêches du Temps, que nous
reproduisons, annoncent la soumis
sion de Behanzin, toutefois la nou
velle demande confirmation, le mi
nistre de la marine n'étant avisé de
rien.
Un fait très grave vient de se pro
duire en Angleterre : M. Gladstone a
déclaré que le devoir du gouverne
ment était d'intervenir entre les mi
neurs en grève et les compagnies.
Cette déclaration a produit une grande
impression et elle est fort commentée.
On annonce de nouveau la retraite
provisôiré de M. Giolitti qui passerait
la main à M. Zanardélli ; la nouvelle
est-elle plus vraie cette fois que pré
cédemment?
Afin d'avoir raison de l'opposition
des magnats' à sa politique confes
sionnelle, le ministre Wekerlé aurait
obtenu de l'empereur la promesse
d'une « fournée » de magnats. Jadis,
quand des ministres conservateurs
usaient de semblables moyens, on se
récriait, mais tout est permis aux li
béraux, surtout contre l'Eglise !
P. S. — M Casimir-Périer est élu
présidentgde la Chambre par 296 voix
contre 195 voix données a M. Brisson.
. : * r—
LE PRINCIPAT CIVIL
Cette fois, c'est la Voce délia Veriià
qui a comparu devant le tribunal du
roi Humbert pour se justifier d'un ar
ticle concernant l'anniversaire de lia
prise de Rome. Nos vaillants et distin
gués confrères ont réussi à faire com
prendre qu'ils ont usé de leurs droits.
Le gérant de la feuille catholique a
été acquitté. Nous nous en réjouissons
et nous offrons nos félicitations bien
sincères à la Voce, non pas seulement
pour le résultat auquel ont abouti ces
poursuites, mais surtout pour l'énergie
qu'elle a dépensée à maintenir ses af
firmations doctrinales et pratiques.
Le jour même où elle comparais
sait devant la cour d'assises, la Voce
délia Verità constatait, avec toute la
netteté possible, que les faits du
Vingt-Septembre 1870, glorifiés par
l'Italie officielle sont, pour la vérita
ble Italie, une cause de trouble et de
danger. La date de l'outrage suprême
infligé à la souveraineté la plus légi
time, a ouvert une période de mal
heurs. Depuis ce jour néfaste on suit
la marche de la dissolution politique
et matérielle qui se développe en
proportion des ravages accomplis
dans l'ordre moral par l'incrédulité.
Rarement le rapport qui existe entre
ces deux domaines est apparu dans
une telle lumière. Le malaise est si
général qu'il met d'accord les Italiens,
divisés de croyances et de sentiments.
A entendre les appréciations portées
sur l'état des choses, il semble qu'il
n'y ait pas de pays où l'accord puisse
se manifester avec cette plénitude.
C'est l'accord parfait dans la souf
france ; c'est l'harmonie des lamen
tations.
En constatant cette misère pro
fonde qui, de Rome envahie, s'est
étendue à l'Italie tout entière, la Voce
délia Verità a pu produire le témoi
gnage unanime de la presse libre-
penseuse. Elle a pu affirmer encore
que le problème qu'on avait espéré
résoudre, ou plutôt supprimer parla
force, demeure posé et qu'il éveille
plus de sollicitudes qu'avant la con
quête. La Papauté s'impose à l'atten
tion , du monde, qui ne peut se résigner
à voir durer indéfiniment un régime
contradictoire en soi, nuisible à la
Îtaix des consciences et aux besoins de
a civilisation. Quel moyen employer?
A quel arrangement recourir? Cette
pensée hante tous les esprits ; et cette
question est sur toutes les lèvre3. La
Voce l'a dit et elle a mis ses adversai
res au défi d'indiquer un mode de
solution autre que le rétablissement
du principal civil. On avait compté
sur le temps ; et, comme l'observe la
Voce « après trente années d'expé-
,« rience, le temps ne s'est pas mon-
« tré le bon serviteur qu'on avait es-
« péré trouver en lui ».
Les inquiétudes et les souffrances
du peuple italien sont devenues assez
générales et assez vives pour que le
désir d'une nouvelle forme politique
ait commencé de se manifester. Un
autre journal catholique italien, qui
vit depuis longtemps en pleine lutte et
auquel, ces jours derniers encore, nous
avions l'occasion de rendre un cordial
hommage, VOsservatore cattolico enre
gistre de curieux symptômes. L'idée de
la « République fédérative » circule en
Italie et y fait des progrès. La décep
tion aiguë, causée par la monarchie
conquérante, change peu-à-peu la di
rection des esprits. On s ! en prend au
système politique des maux aggravés
ou même inventés depuis son émanci
pation complète. On se dit qu'il n'était
pas de force à conduire les événements
qu'il a déchaînés et que, peut-être,
il ne convient plus au milieu qui est
son œuvre. Ces réflexions se font avec
le sérieux qui caractérise la pensée
italienne. Il y a des journaux consi
dérés comme les appuis de la dynastie
qui, sans prendre aucun ménagement,
étudient cette opinion et laissent voir
qu'elle ne leur déplaît pas ! On s'at
tend à des transformations profondes
entraînées par la ruine du çrincipat
civil et qui ne seront régularisées que
grâce à lui.
Eugène Tavernier
NOUVELLES^ DE ROME
VAgence Havas nous communique
la dépêche suivante :
Rome, 13 novembre.
L'information donnée par un journal sui
vant laquelle le Pape serait malade, est dé
nuée de fondement. Le pape a reçu hier
l'ambassadeur de France accompagné de
Mme Lefebvre de Behaine qui partent en
coDgé temporaire.
Il a également reçu hier l'évêque de
Quimper, aujourd'hui l'évêque de Limoges.
Jeudi, Léon XIII recevra 4.000 pèlerins
lombards et vénitiens dans la basilique va-
ticane où il célébrera la messe et pronon
cera un discours.
POUR L'ÉGLISE 4 POUR LE PAPE
Samedi matin , au Vatican, dans la
salle du trône, le Saint-Père a, comme nous
l'avons annoncé, reçu environ cent per
sonnes décorées de la médaille pro Ecclesia
et pontifiie.
L'adresse était lue par don David Alber-
tario, le vaillant rédacteur N en chef de
VOsservatore Catïolico, de Milan.
Voici la réponse du Saint-Père, lue par
Mgr Radini-Tedeschi :
Chers fils, .
En témoignage perpétuel de votre
zèle à glorifier Jésus-Christ dans la
personne de son Vicaire sur la terre,
et comme preuve de Notre affection
paternelle et reconnaissante, Nous
avons, à l'occasion de Notre jubilé
sacerdotal, attaché sur votre poitrine
cette croix qui porte l'inscription : Pro
Ecclesia et pontifice, récompense de
votre passé et gage de votre avenir.
En effet, elle Nous rappelle les efforts
que vous avez faits afin d'augmenter le
lustre et l'éclat des fêtes jubilaires,
dont la splendeur s'est reflétée sur ce
siège auguste. En même temps, Nous
espérons que votre zèle pour la gloire
de Dieu, pour Notre liberté et Notre
indépendance, l'emportera sur le temps
et sur les vicissitudes. Et comment
les croisés de la sainte milice pour
raient-ils perdre courage et déserter
l 'union glorieuse, alors que la guerre
faite au Christ et à son Eglise devient
plus ardente et plus perfide ? — Vous
vous souvenez, ô très chers fils, que
Notre intention, en vous donnant cette
croix, n'était pas seulement de récom
penser vos mérites en honorant votre
personne, mais bien plu3 encore de
vous donner l'élan et la vigueur pour
les futurs combats.
Serrez-vous donc toujours plus com
pacts autour de votre bannière et
combattez, comme des hommes que
vous êtes, les combats de Notre-Sei-
gneur. Ne vous laissez pas intimider
par le nombre, la puissance et l'ardeur
des ennemis. Ils seront réduits en
poudre, et le Christ régnera. Conft-
dite, dit le Christ, ego vici mundum.
L'homme ne peut rien contre Dieu.
La synagogue de Satan ne pourra
rien faire contre l'Eglise, fondée sur
la pierre inébranlable qui est le
Christ et contre laquelle se sont bri
sés le sceptre des Césars et l'épée des
plus puissants persécuteurs. Les tem
pêtes humaines et lés générations en
nemies ont passé : l'Eglise reste de
bout ; le Siège de Pierre est immobile;
la croix du Christ triomphe.
Mais rappelez-vous que l'Eglise ne
remporte la victoire et que la croix
ne triomphe que par le martyre. Du
jour où Elle a été consacrée par le
sang de Dieu, ce sang n'a jamais cessé
de la féconder, pendant l'espace de
dix-neuf siècles. Nous ne sommes pas
dignes de répandre notre sang pour
son triomphe; mais le martyre du
sang, s'il est le plus excellent témoi
gnage de la foi, n'est pas le seul qui
couronne .du laurier triomphal la
croix du Christ. Il y a encore le mar
tyre de la patience, qui consiste à
supporter, pour l'amour du Christ,
toutes sortes d'adversités ; le martyre
de la pénitence, dont les larmes,
comme le dit si bien saint Augustin,
sont le sang du cœur ; le martyre de
l'abnégation et de l'obéissance, qui
forme un holocauste dans lequel tout
l'homme s'offre à Dieu par la main de
ses représentants.
Voilà le moyen de glorifier cette
croix, dont tant d'hommes se déco
rent la poitrine, mais qui ne la por
tent pas tous gravée dans leurs cœurs.
— Oui, il Nous plaît de le dire, vous
l'avez gravée dans votre cœur. Vos
œuvres en font foi ; et aussi cette so
lennelle et généreuse protestation de
votre fidélité et de votre amour que
vous renouvelez, dans votre personne,
au Christ même, par votre adresse,
votre album et la croix ornée de pier
res précieuses que vous Nous offrez à
l'occasion de Notre jubilé épiscopal.
Nous vous remercions cordialement
de ce splendide témoignage d'affec
tion lequel met le sceau à tant d'au
tres que Nous avons reçus de vous à
l'occasion de Notre jubilé ; et Nous
Nous réjouissons très haut des nobles
sentiments que vous Nous avez expri
més.
Nous avons aussi approuvé, avec
non moins de satisfaction, le sens que
vous avez donné à cette croix d'or en
touré de pierres précieuses, voulant,
avec l'or, symboliser la pureté de votre
foi et, avec les pierres précieuses,
l'ardeur des vœux que vous faites pour
Nous.
D'autre part, dans cette croix,
Nous reconnaissons le symbole des
sacrifices que le Seigneur demande
de Nqus et de vous; et dans l'or et
dans les pierres précieuses, le sym
bole de la palme immortelle et de la
couronne que la croix nous méritera
au ciel.
Qu'elle nous soit donc chère, ô
très chers fils, cette croix de Jésus-
Christ, enrichie de son sang, qui, de
l'exemple d'infamie qu'elle était, fut
changée en signe de gloire et brille
souverainement, sur le front des rois,
sur la cime des temples, sur les éten
dards chrétiens et sur la poitrine
des soldats.
Aimons donc cette croix qui con
centre en elle la vie de l'Eglise et de
tout fidèle de Jésus-Christ ; et qui est
pour nous l'arbre de la vie, l'étendard
de la liberté, l'arme du salut, l'em
blème de la victoire et la palme du
triomphe.
Dans ces sentiments, Nous prions
Dieu, de toute Notre âme, de répandre
sur vous et sur tous les autres cheva
liers de la Croix Pro Ecclesia et Ponti
fice , défunts ou vivants, sur vous et
sur vos familles, les grâces les plus
précieuses, engage desquelles Nous
vous donnons, du fond du cœur, la
Bénédiction Apostolique.
: Après la lecture de ce discours, le Saint-
Père a daigné accepter les dons magnifi
ques qui Lui étaient offerts et que Lui ont
remis don Albertario, don Aibuzzi, don
Mszzoleni, le prévôt de Treviglio,„le cha
noine Nazzari et M. Gérôme Magni, tous
Milanais.
M. LOCKROY
Il n'y a pas d'orateur plus sérieux
que M- Lockroy. Ses harangues sont
toujours empreintes de la gravité so
lennelle qui convient à l'homme d'E
tat, prononçant des paroles décisives.
La période se déroule majestueuse
ment, accompagnée d'un geste d'une
ampleur superbe. Les passages les
plus beaux et d'une importance parti
culière, sont soulignés par un trémolo
discret, qui devrait accroître l'émo
tion de tous.
Et que fait l'auditoire ? Générale
ment il sourit. Quand il ne sourit pas,
il rit.
Les efforts que prodigue M. Loc
kroy pour qu'on oublie son ancien
métier de plaisantin et de vaudevil
liste, obtiennent le résultat contraire.
Ils rappellent à chacun que cet ora
teur si grave, et même si pathétique,
est l'auteur du Zouave est en bas.
La situation douloureuse de ce dé
puté peut se comparer à celle d'un ac
teur destiné, par son physique et ses
talents, à représenter les personnages
bouffons, qui aurait tenu longtemps
cet emploi, et qui s'aviserait, un beau
jour, de jouer les grands premiers
rôles tragiques..Plus il serait vibrant
et solennel, plus les spectateurs son
geraient à ses farces et grimaces de
naguère, et s'amuseraient- du con
traste. Ainsi M. Lockroy.
On a pu lui donner le portefeuille
du commerce dans un ministère de
concentration, où l'on voulait avoir un
radical qui n'eût pas une autorité suf
fisante pour être gênant. M. Floquet,
son ami, a pu lui confier, en homme
qui ne doute de rien et pense que son
investiture supplée à tout, le départe
ment de l'instruction publique. Mais
on n'a pas pu le faire prendre au sé
rieux, ni par la Chambre, ni dans le
pays. Il a déposé maints projets de loi,
des propositions, des ordres du jour;
il est intervenu au milieu des discus
sions les plus importantes : il reste
invinciblement l'auteur du Zouave est
en bas et le rédacteur du Diable à
quatre.
Tant de déboires ne l'ont pas décou
ragé. C'est un persévérant ; il faut
lui rendre cette justice. Nous allons
le voir se remettre à l'œuvre. L'in
fluence et la considération que les
Chambres précédentes ne lui accor
dèrent point, il espère les obtenir de
l'assemblée nouvelle. Il ne négligera
rien pour cette conquête. Le voici qui
entre en campagne. Les radicaux ont
perdu leur chef, Clemenceau. La
place est à prendre. II l'aura.
M. Goblet se pose en compétiteur.
Il distancera M. Goblet. Tout d'abord,
un coup de maître : M. Lockroy fait
annoncer dans les journaux sa candi
dature à la présidence delà Chambre.
Sur son nom, pense-t-il, va s'établir
instantanément l'union entre tous les
membres de la gauche avancée. Ainsi
porté au fauteuil, d'un accord una
nime, par les radicaux, il prend, élu
ou non, la première place parmi eux.
Son ascendant grandit vite, et bientôt
l'on n'écoute plus à gauche d'autre
voix que la sienne.
Hélas ! M. Brisson, qui a le mau
vais goût suprême de n'admettre
point sa mort politique, vient se
mettre à la traverse d'un projet si bien
combiné. Il pose, lui aussi, sa candi
dature à ce fauteuil présidentiel qu'il
pleure depuis tout près de neuf ans.
Les radicaux, par une aberration im
possible à prévoir, font meilleur ac
cueil au fossile récalcitrant qu'à
l'homme d'avenir, et M. Lockroy se
trouve dans l'obligation de se désis
ter. C'est un mécompte de. plus.
■ Accoutumé à ces- cruelles aven
tures, le pète du Zouave n'a point:
{jerdu son temp3 à se lamenter sur
'effondrement de sa petite combinai
son. Voulant, à tout prix, avant la
rentrée des Chambres, forcer l'atten
tion du public en général et des radi
caux en particulier, rapidement il
a organisé un grand banquet, dans
sa circonscription électorale. C'était
hier. Un grand banquet comporte un
grand discours. Ce discours, M. Loc
kroy l'a prononcé. Si la harangue
fut le meilleur plat du festin, c'est
que la cuisine était bien mauvaise.
L'orateur a servi à l'auditoire les
idées les plus neuves, condensées dans
un programme d'une rare précision.
Tout d'abord, il a dit que l'alliance
russe était un événement heureux.
Passant à la politique intérieure, il
a réclamé des réformes, beaucoup
de réformes. S'il n'a point énuméré
lesquelles, c'est, sans doute, qu'il
n'a point voulu fatiguer ceux qui
l'écoutaient. Il a demandé aussi qu'on
revisât la constitution. Puis il a fait
part à l'assistance d'une grande dé
couverte : le socialisme est en pro
grès. M. Lockroy le regrette et
s'en réjouit. Il le regrette, parce
que le socialisme a le tort de nier la
patrie et la propriété. Il s'en réjouit,
parce qu'un grand nombre des re
vendications socialistes sont réalisa
bles et raisonnables. Ces dernières,
qu'il n'indique pas d'une façon plus
détaillée, il faut y faire droit. En at
tendant,» supprimons le budget des
cultes, séparons l'Etat de l'Eglise,
opérations connexes que devra précé
der une loi sur les associations. Et
voilà !
Si c'est avec ces redites et ces ba
nalités que M. Lockroy pense conqué
rir l'autorité qui lui manque, nous
croyons qu'il n'est point au bout de
ses mécomptes. Il ne nous semble
pas encore à la veille de se voir cou
ramment traiter, dans les journaux
et à la Chambre, d 'homme d'Etat , au
lieu d'entendre toujours dire quand il
se mentre : c'est l'auteur du Zouave.
Pierre Veuillot.
LE BOUDDHISME A PARIS ,
Hier des libres-penseurs, pontifes
ou badauds, assistaient aux cérémo
nies du culte de Bouddha, et les jour
naux rendent compte de ce nouveau
spectacle qui a lieu dans le musée of
fert par M. Guimet. On voit dans ce
fait l'amour du divertissement; on
devrait y remarquer surtout le désar
roi et la corruption de l'esprit public.
Cette malheureuse foule incrédule est
abandonnée à ses besoins pervertis.
Ne connaissant plus la vérité, elle sa
repaît de scandales.
La_ .corporation des Publicistes
chrétiens, en se réunissant pour la
première fois depuis l'été, a décidé
d'envoyer la dépêche suivante à la
presse russe par l'intermédiaire de la
Gazette de Moscou :
La corporation des publicistes et journa
listes chrétiens au nombre d'environ deux
cents membres, saisit l'occasion de sa pre
mière réunion depuis la visite de l'escadre,
pour envoyer à la presse chrétienne russe
l'expression de la joie profonde oausée par
l'heureux événement qui, par la grâce de
Dieu, a réuni fraternellement deux grands
peuples chrétiens, et confirme l'assurance
des vœux ardents que tous forment pour
l'inébranlable indissolubilité de cette union.
Le président,
Victor de Marolles.
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 15 novembre 1893
REVUE AGRICOLE
Le drait de douaao sur les blés.
en hiver.
• Les éUbles
te droit do douane sur les blés
L'agriculture n'est pas heureuse : îa ré
colte des blés a été médiocre et malgré cela
les prix sont très bas ; il en est à peu près
de même des seigles ; l'avoine, à la vérité,
se vend très cher, mais on en a très peu à
vendre. On ne peut plus dire aujourd'hui
aux agriculteurs : « Puisque la culture du
« blén'est pas rémunératrice, faites du bé-
* lait. » Le bétail ne va pas mieux que le
blé ; il se vend à vil prix ; il est vrai que
les cours du bétail se relèveront dans quel
ques mois, mais c'est précisément parce
que les cultivateurs n'en auront que peu ou
point à vendre.
Que pourrait-on faire pour améliorer
cette situation? Un bon nombre d'agricul
teurs demandent le relèvement des droits
de douane sur les blés et plusieurs sociétés
agricoles ont émis des vœux en ce sens -,
les uns demandent que le droit aetuel de
5 fr. par 100 kilos soit porté à 8 fr., d'au
tres voudraient que ce droit fut doublé.
Examinons la question.
Çeoi nous oblige à revenir sur la querelle
toujours pendante entre le libre-éohange et
Sa protection : nous le ferons aussi briève
ment que possible.
Nous admettons bien volontiers qu'en
principe chaoun a le droit de vendre et d'a
cheter comme bon lui semble, pourvu qu'il
le fasse honnêtement et sans fraude et que
par conséquent, la liberté des éohanges
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, est la règle
générale, mais dans la pratique cette règle
souffre beaucoup d'exceptions.
C'est un prinoipe non moins oertain gue
l'Etat a le droit, et même souvent le de
voir, de prendre les mesures qui sont né
cessaires ou simplement utiles, dans l'inté
rêt général. Par suite de l'application de
ce principe, nous sommes obligés de faire
le saoriflee d'une part plus ou moins im
portante de nos droits ; c'est ainsi que no
tre liberté personnelle est gravement at
teinte par l'obligation du servioe militaire
et que la libre disposition de notre fortune
se trouve très sérieusement restreinte par
l'impôt sous cent formes diverses.
Si nous voulons acheter une pièce de
terre, le fisc se présente immédiatement
pour nous faire payer des droits qui ne
sont pas moindres de 8 0/0 du capital dans
les cas les plus favorables. De même nous
sommes obligés de payer des droits pour
la circulation des boissons et pour l'entrée
d'un grand nombre de marchandises- et
notamment de produits agricoles dans les
villes. Nous n'avons donc pas la liberté des
échanges à l'intérieur ; il est bien difficile
que nous ayons oette liberté pour le com
merce extérieur.
La question des droits de douane se ré
duit donc à une question de fait : Est-il
avantageux à l'ensemble de la nation que la
production du blé soit protégée par un
droit de douane? Si oui, il faut maintenir
celui qui existe, peut être même l'augmen
ter ; si non, il faut le supprimer.
En quoi le droit de douane sur le blé
est-il dono avantageux à l'ensemble de la
nation ? Au premier abord on serait tenté
de croire qu'il n'a pas d'autre utilité que
d'assurer aux cultivateurs une rémunéra
tion plus large et aux propriétaires meil
leur revenu. S'il en était ainsi, je serais le
premier à demander sa suppression, bien
loin de parler de son augmentation.
Il est un fait certain, connu de tout le
monde et facile à constater : c'est que les
cultivateurs sont plus mal rémunérés que
tous les autres ouvriers et que le capital
employé soit en achat de terres, soit comme
oapital d'exploitation, donne de moindres
revenus que tout autre mode d'emploi. On
ne peut donc pas dire que l'agriculture
donne des bénéfices suffisants qu'il est inu
tile d'accroître.
Certains économistes "disent aux agricul
teurs : « Soyez plus habiles, mettez à proflt
• les découvertes de la scienoe et vous
« pourrez réaliser des b'énéfioes convena-
« bles môme avec les prix actuels. » — La
réponse est facile : sans doute il y a beau
coup de cultivateurs qui sont ignorants et
routiniers, mais il y en a beaucoup aussi
qui sont instruits et habiles ; et la baisse
des fermages n'est pas moindre danS le
Nord où la culture est portée à une grande
perfeotion que dans le Centre et dans l'Ouest
où elle est moins avancée. Il serait trop
long de détailler ici les raisons de ce fait,
mais il est incontestable et il n'en ressort
pas moins qu'avec les prix actuels, l'agricul
ture la plus parfaite est elle-même en souf
france.
Pour appliquer les découvertes de la
science, il faut engager du capital et même
beaucoup de capital ; de plus, les débuts
sont toujours difficiles ; celui qui a des ca
pitaux, ne se hâte pas de les employer dans
une industrie qui est à l'état de crise aiguë.
L'outillage agricole moderne a pour effet
de diminuer la main d'œuvre; s'il était
appliqué en un petit nombre d'années sur
la totalité du sol français, un tiers peut-être
des ouvriers ruraux se trouverait sans tra
vail et par conséquent dans la misère ; il ne
faut donc pas trop se plaindre de la lenteur
avec laquelle oertains progrès se propa
gent.
Nos concurrents d'Amérique ou d 'Aus
tralie sont dans une situation beauooup plus
favorable que nous : ils ont des terres
neuves qui n'ont pas besoin d'engrais ; ils
peuvent faire usage du labourage à vapeur
et de tout l'outilljge moderne dans les
meilleures conditions possibles ; ils n'ont à
supporterrfgue des impôts très légers ; nos
concurrents de l'Inde ont la main-d'œuvre
& très bas prix. Les transports, tant par
mer que par terre, ont été amenés & un bon
marché extrême. Dans de telles conditions,
la lutte est impossible.
On nous dit : « Si la oulture du blé n'est
« pas rémunératrice, faites autre ohose. »
— Quelle autre chose pouvons-nous faire ?
La culture des autres céréales n'est pas
plus lucrative que celle du blé, elle est
même généralement moins lucrative. La
pomme de terre, la betterave, lé colza, le
chanvre, le lin, etc., ne sont pas suscepti
bles d'une grande extension ; on arriverait
immédiatement à uae reproduction qui dé
terminerait l'avilissement des prix; d'ailleurs
le colza, le ohanvre et le lin ne donnent
plus aucun profit.
La vigne et les fourrages sont les deux
seules cultures qui peuvent prendre une
extension de quelque importance ; mais la
vigne lutte péniblement contre le phylloxéra
et la concurrence étrangère; elle a perdu
beaucoup de terrain et ne peut le reconqué
rir que très lentement. Quant aux cultures
fourragères, si on voulait leur donner une
extension assez grande pour occuper seu
lement le quart ou le tiers de la surface
actuellement attribuée aux .céréales, on ar
riverait à oe double résultat d'avilir le prix
du bétail et de priver de travail un grand
nombre d'ouvriers agricoles. On ne doit
pas perdre de vue que la production des
fourrages et leur emploi pour l'élevage du
bétail demande très peu de main d'œuvre et
qu'elle donne, à surface égale, beauooup
moins de matière alimentaire que la culture
des céréales.
En France, le blé occupe chaque année
une étendue de 7 millions d'hectares, le
méteil et le seigle én couvrent 2 millions,
l'orge un million, l'avoine 3 millions et
demie; en tout 13 millions et demi d'hec
tares. Ce ne sont pas là de petites surfaoes
que l'on peut employer à son gré d'une ma
nière ou d'une autre.
La production des céréales et celle du
bétail sont les deux bases de notre agricul
ture ; le reste n'est qu'accessoire ; on ne
peut pas affaiblir l'une ou l'autre de ces
bases sans que l'édifice croule.
Si le blé se vend mal, le cultivateur voit
diminuer son salaire déjà très modique, il
se décourage, soigne mal sa culture, épar
gne les semences et les engrais, il en vient
même à laisser incultes des terres de qua
lité inférieure dont les produits ne suffi
sent plus à payer les frais de culture. Le
bas prix des céréales, et'surtout du blé, a
peur effet inévitable dé restreiudre la pro
duction et la demande de main d'œuvre,
deux choses absolument contraires à l'inté
rêt général.
Pour soutenir la production intérieure
contre la concurrence étrangère, des droits
de douane sont indispensebles ; reste à sa
voir quel doit être leur taux ; c'est un point
qui ne peut être résolu que par l'expé
rience.
Le droit doit être suffisant pour empê
cher l'avilissement des prix sans cependant
les relever au point d'être onéreux pour le
consommateur. Or, il n'est pas possible de
calculer d priori, d'une manière exacte,
quel sera l'effet du droit de douane : o'est
une grande erreur de croire que chaque
franc ajouté au droit de douane, relève
juste d'un frano le cours général de la mar
chandise.
La répercussion du droit de douane est
rarement égale à son ohiffre, elle est sou
vent inférieure, mais elle peut aussi être
supérieure : cela dépend des circonstances
économiques.
Quand les ■ Chambres ont porté à 3 fr
le droit de douane sur les blés, quand elles
l'ont relevé à 5 fr., on a entendu beaucoup
d'économistes se récrier en prédisant que
l'on allait affamer le peuple, que les blés
étrangers ne viendraient plus sur nos mar
chés. Ces sinistres prédictions ne se sont
point réalisées, les blés étrangers ont con
tinué à affluer ohez nous et en telle quan
tité que, malgré le peu d'abondance de la
dernière réoolte, les cours du blé sont dé
préciés au point de décourage les produc
teurs.
Ce résultat n'a rien qui doive surprendre •
la consommation du blé n'est pas suscepti
ble d'une extension rapide ; elle ne peut sa
développer que par suite de l'accroissement
de la population. Les pays exportateurs de
blé ne trouvent des débouchés que dans
les pays fort peu nombreux où la popula
tion est très dense et où l'industrie occupe
beaucoup de bras. Si les producteurs étran
gers refusaient d'offrir leur marchandise
sur notre marché, ils n'en trouveraient pas
le placement ailleurs et se verraient dans la
nécessité de restreindre leur production.
Il est clair que les importateurs ont la
bonne intention de nous faire payer inté
gralement le droit de douane, et ils y n aj J
viendraient s'ils n'avaient * eous offrir ôua
des quantités de bl$ inférieures ou à peine
N° 9316 — Edition quotidienne
Mercredi 15 Novembre 1893
ÉDITION
Un an . . .
Six mois . .
Trois mois.
QUOTID IENNE
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Paris . lOcent.
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BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
oïl s'abonne à Rome, pince du Gesù, 3
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L 'DNIVERS oe répond pas des manuscrits qui loi sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et C", 6, place de la Bourse
BULLETINJW JOUR
PARIS, 14 NOVEMBRE 1893
Nous voilà donc à la réunion des
Chambres qui reprennent aujourd'hui
leurs travaux. A la Chambre, le doyen
d'âge, M. Blanc, a prononcé un dis
cours qui est principalement consacré
aux manifestations franco - russes.
M. Blanc constate l'intervention per
sonnelle du tsar dans ces fêtes mé
morables.
La lutte pour la présidence de la
Chambre des députés ne semble pas
devoir être bien vive ; ' M. Lockroy
s'est retiré, et il ne reste en présence
que MM. Oasimir-Périer et Brisson.
Dans' ces conditions, le succès du pre
mier paraît certain, nombre de radi
caux n'ayant aucun enthousiasme
pour le morne M. Brisson.
L'affaire du document volé continue
à occuper l'opinion. En fait, on ne
sait pas comment une pièce si impor
tante est arrivée à la Petite République
française , et on ne le saura probable
ment pas. Il n'est plus question de la
retraite de M. Guérin. Ce n : est peut-
être que partie remise.
Il est certain qu'il y aura un inci
dent parlementaire au sujet de ces
documents, les députés socialistes
étant décidés à faire une interpella
tion. «
Des dépêches du Temps, que nous
reproduisons, annoncent la soumis
sion de Behanzin, toutefois la nou
velle demande confirmation, le mi
nistre de la marine n'étant avisé de
rien.
Un fait très grave vient de se pro
duire en Angleterre : M. Gladstone a
déclaré que le devoir du gouverne
ment était d'intervenir entre les mi
neurs en grève et les compagnies.
Cette déclaration a produit une grande
impression et elle est fort commentée.
On annonce de nouveau la retraite
provisôiré de M. Giolitti qui passerait
la main à M. Zanardélli ; la nouvelle
est-elle plus vraie cette fois que pré
cédemment?
Afin d'avoir raison de l'opposition
des magnats' à sa politique confes
sionnelle, le ministre Wekerlé aurait
obtenu de l'empereur la promesse
d'une « fournée » de magnats. Jadis,
quand des ministres conservateurs
usaient de semblables moyens, on se
récriait, mais tout est permis aux li
béraux, surtout contre l'Eglise !
P. S. — M Casimir-Périer est élu
présidentgde la Chambre par 296 voix
contre 195 voix données a M. Brisson.
. : * r—
LE PRINCIPAT CIVIL
Cette fois, c'est la Voce délia Veriià
qui a comparu devant le tribunal du
roi Humbert pour se justifier d'un ar
ticle concernant l'anniversaire de lia
prise de Rome. Nos vaillants et distin
gués confrères ont réussi à faire com
prendre qu'ils ont usé de leurs droits.
Le gérant de la feuille catholique a
été acquitté. Nous nous en réjouissons
et nous offrons nos félicitations bien
sincères à la Voce, non pas seulement
pour le résultat auquel ont abouti ces
poursuites, mais surtout pour l'énergie
qu'elle a dépensée à maintenir ses af
firmations doctrinales et pratiques.
Le jour même où elle comparais
sait devant la cour d'assises, la Voce
délia Verità constatait, avec toute la
netteté possible, que les faits du
Vingt-Septembre 1870, glorifiés par
l'Italie officielle sont, pour la vérita
ble Italie, une cause de trouble et de
danger. La date de l'outrage suprême
infligé à la souveraineté la plus légi
time, a ouvert une période de mal
heurs. Depuis ce jour néfaste on suit
la marche de la dissolution politique
et matérielle qui se développe en
proportion des ravages accomplis
dans l'ordre moral par l'incrédulité.
Rarement le rapport qui existe entre
ces deux domaines est apparu dans
une telle lumière. Le malaise est si
général qu'il met d'accord les Italiens,
divisés de croyances et de sentiments.
A entendre les appréciations portées
sur l'état des choses, il semble qu'il
n'y ait pas de pays où l'accord puisse
se manifester avec cette plénitude.
C'est l'accord parfait dans la souf
france ; c'est l'harmonie des lamen
tations.
En constatant cette misère pro
fonde qui, de Rome envahie, s'est
étendue à l'Italie tout entière, la Voce
délia Verità a pu produire le témoi
gnage unanime de la presse libre-
penseuse. Elle a pu affirmer encore
que le problème qu'on avait espéré
résoudre, ou plutôt supprimer parla
force, demeure posé et qu'il éveille
plus de sollicitudes qu'avant la con
quête. La Papauté s'impose à l'atten
tion , du monde, qui ne peut se résigner
à voir durer indéfiniment un régime
contradictoire en soi, nuisible à la
Îtaix des consciences et aux besoins de
a civilisation. Quel moyen employer?
A quel arrangement recourir? Cette
pensée hante tous les esprits ; et cette
question est sur toutes les lèvre3. La
Voce l'a dit et elle a mis ses adversai
res au défi d'indiquer un mode de
solution autre que le rétablissement
du principal civil. On avait compté
sur le temps ; et, comme l'observe la
Voce « après trente années d'expé-
,« rience, le temps ne s'est pas mon-
« tré le bon serviteur qu'on avait es-
« péré trouver en lui ».
Les inquiétudes et les souffrances
du peuple italien sont devenues assez
générales et assez vives pour que le
désir d'une nouvelle forme politique
ait commencé de se manifester. Un
autre journal catholique italien, qui
vit depuis longtemps en pleine lutte et
auquel, ces jours derniers encore, nous
avions l'occasion de rendre un cordial
hommage, VOsservatore cattolico enre
gistre de curieux symptômes. L'idée de
la « République fédérative » circule en
Italie et y fait des progrès. La décep
tion aiguë, causée par la monarchie
conquérante, change peu-à-peu la di
rection des esprits. On s ! en prend au
système politique des maux aggravés
ou même inventés depuis son émanci
pation complète. On se dit qu'il n'était
pas de force à conduire les événements
qu'il a déchaînés et que, peut-être,
il ne convient plus au milieu qui est
son œuvre. Ces réflexions se font avec
le sérieux qui caractérise la pensée
italienne. Il y a des journaux consi
dérés comme les appuis de la dynastie
qui, sans prendre aucun ménagement,
étudient cette opinion et laissent voir
qu'elle ne leur déplaît pas ! On s'at
tend à des transformations profondes
entraînées par la ruine du çrincipat
civil et qui ne seront régularisées que
grâce à lui.
Eugène Tavernier
NOUVELLES^ DE ROME
VAgence Havas nous communique
la dépêche suivante :
Rome, 13 novembre.
L'information donnée par un journal sui
vant laquelle le Pape serait malade, est dé
nuée de fondement. Le pape a reçu hier
l'ambassadeur de France accompagné de
Mme Lefebvre de Behaine qui partent en
coDgé temporaire.
Il a également reçu hier l'évêque de
Quimper, aujourd'hui l'évêque de Limoges.
Jeudi, Léon XIII recevra 4.000 pèlerins
lombards et vénitiens dans la basilique va-
ticane où il célébrera la messe et pronon
cera un discours.
POUR L'ÉGLISE 4 POUR LE PAPE
Samedi matin , au Vatican, dans la
salle du trône, le Saint-Père a, comme nous
l'avons annoncé, reçu environ cent per
sonnes décorées de la médaille pro Ecclesia
et pontifiie.
L'adresse était lue par don David Alber-
tario, le vaillant rédacteur N en chef de
VOsservatore Catïolico, de Milan.
Voici la réponse du Saint-Père, lue par
Mgr Radini-Tedeschi :
Chers fils, .
En témoignage perpétuel de votre
zèle à glorifier Jésus-Christ dans la
personne de son Vicaire sur la terre,
et comme preuve de Notre affection
paternelle et reconnaissante, Nous
avons, à l'occasion de Notre jubilé
sacerdotal, attaché sur votre poitrine
cette croix qui porte l'inscription : Pro
Ecclesia et pontifice, récompense de
votre passé et gage de votre avenir.
En effet, elle Nous rappelle les efforts
que vous avez faits afin d'augmenter le
lustre et l'éclat des fêtes jubilaires,
dont la splendeur s'est reflétée sur ce
siège auguste. En même temps, Nous
espérons que votre zèle pour la gloire
de Dieu, pour Notre liberté et Notre
indépendance, l'emportera sur le temps
et sur les vicissitudes. Et comment
les croisés de la sainte milice pour
raient-ils perdre courage et déserter
l 'union glorieuse, alors que la guerre
faite au Christ et à son Eglise devient
plus ardente et plus perfide ? — Vous
vous souvenez, ô très chers fils, que
Notre intention, en vous donnant cette
croix, n'était pas seulement de récom
penser vos mérites en honorant votre
personne, mais bien plu3 encore de
vous donner l'élan et la vigueur pour
les futurs combats.
Serrez-vous donc toujours plus com
pacts autour de votre bannière et
combattez, comme des hommes que
vous êtes, les combats de Notre-Sei-
gneur. Ne vous laissez pas intimider
par le nombre, la puissance et l'ardeur
des ennemis. Ils seront réduits en
poudre, et le Christ régnera. Conft-
dite, dit le Christ, ego vici mundum.
L'homme ne peut rien contre Dieu.
La synagogue de Satan ne pourra
rien faire contre l'Eglise, fondée sur
la pierre inébranlable qui est le
Christ et contre laquelle se sont bri
sés le sceptre des Césars et l'épée des
plus puissants persécuteurs. Les tem
pêtes humaines et lés générations en
nemies ont passé : l'Eglise reste de
bout ; le Siège de Pierre est immobile;
la croix du Christ triomphe.
Mais rappelez-vous que l'Eglise ne
remporte la victoire et que la croix
ne triomphe que par le martyre. Du
jour où Elle a été consacrée par le
sang de Dieu, ce sang n'a jamais cessé
de la féconder, pendant l'espace de
dix-neuf siècles. Nous ne sommes pas
dignes de répandre notre sang pour
son triomphe; mais le martyre du
sang, s'il est le plus excellent témoi
gnage de la foi, n'est pas le seul qui
couronne .du laurier triomphal la
croix du Christ. Il y a encore le mar
tyre de la patience, qui consiste à
supporter, pour l'amour du Christ,
toutes sortes d'adversités ; le martyre
de la pénitence, dont les larmes,
comme le dit si bien saint Augustin,
sont le sang du cœur ; le martyre de
l'abnégation et de l'obéissance, qui
forme un holocauste dans lequel tout
l'homme s'offre à Dieu par la main de
ses représentants.
Voilà le moyen de glorifier cette
croix, dont tant d'hommes se déco
rent la poitrine, mais qui ne la por
tent pas tous gravée dans leurs cœurs.
— Oui, il Nous plaît de le dire, vous
l'avez gravée dans votre cœur. Vos
œuvres en font foi ; et aussi cette so
lennelle et généreuse protestation de
votre fidélité et de votre amour que
vous renouvelez, dans votre personne,
au Christ même, par votre adresse,
votre album et la croix ornée de pier
res précieuses que vous Nous offrez à
l'occasion de Notre jubilé épiscopal.
Nous vous remercions cordialement
de ce splendide témoignage d'affec
tion lequel met le sceau à tant d'au
tres que Nous avons reçus de vous à
l'occasion de Notre jubilé ; et Nous
Nous réjouissons très haut des nobles
sentiments que vous Nous avez expri
més.
Nous avons aussi approuvé, avec
non moins de satisfaction, le sens que
vous avez donné à cette croix d'or en
touré de pierres précieuses, voulant,
avec l'or, symboliser la pureté de votre
foi et, avec les pierres précieuses,
l'ardeur des vœux que vous faites pour
Nous.
D'autre part, dans cette croix,
Nous reconnaissons le symbole des
sacrifices que le Seigneur demande
de Nqus et de vous; et dans l'or et
dans les pierres précieuses, le sym
bole de la palme immortelle et de la
couronne que la croix nous méritera
au ciel.
Qu'elle nous soit donc chère, ô
très chers fils, cette croix de Jésus-
Christ, enrichie de son sang, qui, de
l'exemple d'infamie qu'elle était, fut
changée en signe de gloire et brille
souverainement, sur le front des rois,
sur la cime des temples, sur les éten
dards chrétiens et sur la poitrine
des soldats.
Aimons donc cette croix qui con
centre en elle la vie de l'Eglise et de
tout fidèle de Jésus-Christ ; et qui est
pour nous l'arbre de la vie, l'étendard
de la liberté, l'arme du salut, l'em
blème de la victoire et la palme du
triomphe.
Dans ces sentiments, Nous prions
Dieu, de toute Notre âme, de répandre
sur vous et sur tous les autres cheva
liers de la Croix Pro Ecclesia et Ponti
fice , défunts ou vivants, sur vous et
sur vos familles, les grâces les plus
précieuses, engage desquelles Nous
vous donnons, du fond du cœur, la
Bénédiction Apostolique.
: Après la lecture de ce discours, le Saint-
Père a daigné accepter les dons magnifi
ques qui Lui étaient offerts et que Lui ont
remis don Albertario, don Aibuzzi, don
Mszzoleni, le prévôt de Treviglio,„le cha
noine Nazzari et M. Gérôme Magni, tous
Milanais.
M. LOCKROY
Il n'y a pas d'orateur plus sérieux
que M- Lockroy. Ses harangues sont
toujours empreintes de la gravité so
lennelle qui convient à l'homme d'E
tat, prononçant des paroles décisives.
La période se déroule majestueuse
ment, accompagnée d'un geste d'une
ampleur superbe. Les passages les
plus beaux et d'une importance parti
culière, sont soulignés par un trémolo
discret, qui devrait accroître l'émo
tion de tous.
Et que fait l'auditoire ? Générale
ment il sourit. Quand il ne sourit pas,
il rit.
Les efforts que prodigue M. Loc
kroy pour qu'on oublie son ancien
métier de plaisantin et de vaudevil
liste, obtiennent le résultat contraire.
Ils rappellent à chacun que cet ora
teur si grave, et même si pathétique,
est l'auteur du Zouave est en bas.
La situation douloureuse de ce dé
puté peut se comparer à celle d'un ac
teur destiné, par son physique et ses
talents, à représenter les personnages
bouffons, qui aurait tenu longtemps
cet emploi, et qui s'aviserait, un beau
jour, de jouer les grands premiers
rôles tragiques..Plus il serait vibrant
et solennel, plus les spectateurs son
geraient à ses farces et grimaces de
naguère, et s'amuseraient- du con
traste. Ainsi M. Lockroy.
On a pu lui donner le portefeuille
du commerce dans un ministère de
concentration, où l'on voulait avoir un
radical qui n'eût pas une autorité suf
fisante pour être gênant. M. Floquet,
son ami, a pu lui confier, en homme
qui ne doute de rien et pense que son
investiture supplée à tout, le départe
ment de l'instruction publique. Mais
on n'a pas pu le faire prendre au sé
rieux, ni par la Chambre, ni dans le
pays. Il a déposé maints projets de loi,
des propositions, des ordres du jour;
il est intervenu au milieu des discus
sions les plus importantes : il reste
invinciblement l'auteur du Zouave est
en bas et le rédacteur du Diable à
quatre.
Tant de déboires ne l'ont pas décou
ragé. C'est un persévérant ; il faut
lui rendre cette justice. Nous allons
le voir se remettre à l'œuvre. L'in
fluence et la considération que les
Chambres précédentes ne lui accor
dèrent point, il espère les obtenir de
l'assemblée nouvelle. Il ne négligera
rien pour cette conquête. Le voici qui
entre en campagne. Les radicaux ont
perdu leur chef, Clemenceau. La
place est à prendre. II l'aura.
M. Goblet se pose en compétiteur.
Il distancera M. Goblet. Tout d'abord,
un coup de maître : M. Lockroy fait
annoncer dans les journaux sa candi
dature à la présidence delà Chambre.
Sur son nom, pense-t-il, va s'établir
instantanément l'union entre tous les
membres de la gauche avancée. Ainsi
porté au fauteuil, d'un accord una
nime, par les radicaux, il prend, élu
ou non, la première place parmi eux.
Son ascendant grandit vite, et bientôt
l'on n'écoute plus à gauche d'autre
voix que la sienne.
Hélas ! M. Brisson, qui a le mau
vais goût suprême de n'admettre
point sa mort politique, vient se
mettre à la traverse d'un projet si bien
combiné. Il pose, lui aussi, sa candi
dature à ce fauteuil présidentiel qu'il
pleure depuis tout près de neuf ans.
Les radicaux, par une aberration im
possible à prévoir, font meilleur ac
cueil au fossile récalcitrant qu'à
l'homme d'avenir, et M. Lockroy se
trouve dans l'obligation de se désis
ter. C'est un mécompte de. plus.
■ Accoutumé à ces- cruelles aven
tures, le pète du Zouave n'a point:
{jerdu son temp3 à se lamenter sur
'effondrement de sa petite combinai
son. Voulant, à tout prix, avant la
rentrée des Chambres, forcer l'atten
tion du public en général et des radi
caux en particulier, rapidement il
a organisé un grand banquet, dans
sa circonscription électorale. C'était
hier. Un grand banquet comporte un
grand discours. Ce discours, M. Loc
kroy l'a prononcé. Si la harangue
fut le meilleur plat du festin, c'est
que la cuisine était bien mauvaise.
L'orateur a servi à l'auditoire les
idées les plus neuves, condensées dans
un programme d'une rare précision.
Tout d'abord, il a dit que l'alliance
russe était un événement heureux.
Passant à la politique intérieure, il
a réclamé des réformes, beaucoup
de réformes. S'il n'a point énuméré
lesquelles, c'est, sans doute, qu'il
n'a point voulu fatiguer ceux qui
l'écoutaient. Il a demandé aussi qu'on
revisât la constitution. Puis il a fait
part à l'assistance d'une grande dé
couverte : le socialisme est en pro
grès. M. Lockroy le regrette et
s'en réjouit. Il le regrette, parce
que le socialisme a le tort de nier la
patrie et la propriété. Il s'en réjouit,
parce qu'un grand nombre des re
vendications socialistes sont réalisa
bles et raisonnables. Ces dernières,
qu'il n'indique pas d'une façon plus
détaillée, il faut y faire droit. En at
tendant,» supprimons le budget des
cultes, séparons l'Etat de l'Eglise,
opérations connexes que devra précé
der une loi sur les associations. Et
voilà !
Si c'est avec ces redites et ces ba
nalités que M. Lockroy pense conqué
rir l'autorité qui lui manque, nous
croyons qu'il n'est point au bout de
ses mécomptes. Il ne nous semble
pas encore à la veille de se voir cou
ramment traiter, dans les journaux
et à la Chambre, d 'homme d'Etat , au
lieu d'entendre toujours dire quand il
se mentre : c'est l'auteur du Zouave.
Pierre Veuillot.
LE BOUDDHISME A PARIS ,
Hier des libres-penseurs, pontifes
ou badauds, assistaient aux cérémo
nies du culte de Bouddha, et les jour
naux rendent compte de ce nouveau
spectacle qui a lieu dans le musée of
fert par M. Guimet. On voit dans ce
fait l'amour du divertissement; on
devrait y remarquer surtout le désar
roi et la corruption de l'esprit public.
Cette malheureuse foule incrédule est
abandonnée à ses besoins pervertis.
Ne connaissant plus la vérité, elle sa
repaît de scandales.
La_ .corporation des Publicistes
chrétiens, en se réunissant pour la
première fois depuis l'été, a décidé
d'envoyer la dépêche suivante à la
presse russe par l'intermédiaire de la
Gazette de Moscou :
La corporation des publicistes et journa
listes chrétiens au nombre d'environ deux
cents membres, saisit l'occasion de sa pre
mière réunion depuis la visite de l'escadre,
pour envoyer à la presse chrétienne russe
l'expression de la joie profonde oausée par
l'heureux événement qui, par la grâce de
Dieu, a réuni fraternellement deux grands
peuples chrétiens, et confirme l'assurance
des vœux ardents que tous forment pour
l'inébranlable indissolubilité de cette union.
Le président,
Victor de Marolles.
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 15 novembre 1893
REVUE AGRICOLE
Le drait de douaao sur les blés.
en hiver.
• Les éUbles
te droit do douane sur les blés
L'agriculture n'est pas heureuse : îa ré
colte des blés a été médiocre et malgré cela
les prix sont très bas ; il en est à peu près
de même des seigles ; l'avoine, à la vérité,
se vend très cher, mais on en a très peu à
vendre. On ne peut plus dire aujourd'hui
aux agriculteurs : « Puisque la culture du
« blén'est pas rémunératrice, faites du bé-
* lait. » Le bétail ne va pas mieux que le
blé ; il se vend à vil prix ; il est vrai que
les cours du bétail se relèveront dans quel
ques mois, mais c'est précisément parce
que les cultivateurs n'en auront que peu ou
point à vendre.
Que pourrait-on faire pour améliorer
cette situation? Un bon nombre d'agricul
teurs demandent le relèvement des droits
de douane sur les blés et plusieurs sociétés
agricoles ont émis des vœux en ce sens -,
les uns demandent que le droit aetuel de
5 fr. par 100 kilos soit porté à 8 fr., d'au
tres voudraient que ce droit fut doublé.
Examinons la question.
Çeoi nous oblige à revenir sur la querelle
toujours pendante entre le libre-éohange et
Sa protection : nous le ferons aussi briève
ment que possible.
Nous admettons bien volontiers qu'en
principe chaoun a le droit de vendre et d'a
cheter comme bon lui semble, pourvu qu'il
le fasse honnêtement et sans fraude et que
par conséquent, la liberté des éohanges
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, est la règle
générale, mais dans la pratique cette règle
souffre beaucoup d'exceptions.
C'est un prinoipe non moins oertain gue
l'Etat a le droit, et même souvent le de
voir, de prendre les mesures qui sont né
cessaires ou simplement utiles, dans l'inté
rêt général. Par suite de l'application de
ce principe, nous sommes obligés de faire
le saoriflee d'une part plus ou moins im
portante de nos droits ; c'est ainsi que no
tre liberté personnelle est gravement at
teinte par l'obligation du servioe militaire
et que la libre disposition de notre fortune
se trouve très sérieusement restreinte par
l'impôt sous cent formes diverses.
Si nous voulons acheter une pièce de
terre, le fisc se présente immédiatement
pour nous faire payer des droits qui ne
sont pas moindres de 8 0/0 du capital dans
les cas les plus favorables. De même nous
sommes obligés de payer des droits pour
la circulation des boissons et pour l'entrée
d'un grand nombre de marchandises- et
notamment de produits agricoles dans les
villes. Nous n'avons donc pas la liberté des
échanges à l'intérieur ; il est bien difficile
que nous ayons oette liberté pour le com
merce extérieur.
La question des droits de douane se ré
duit donc à une question de fait : Est-il
avantageux à l'ensemble de la nation que la
production du blé soit protégée par un
droit de douane? Si oui, il faut maintenir
celui qui existe, peut être même l'augmen
ter ; si non, il faut le supprimer.
En quoi le droit de douane sur le blé
est-il dono avantageux à l'ensemble de la
nation ? Au premier abord on serait tenté
de croire qu'il n'a pas d'autre utilité que
d'assurer aux cultivateurs une rémunéra
tion plus large et aux propriétaires meil
leur revenu. S'il en était ainsi, je serais le
premier à demander sa suppression, bien
loin de parler de son augmentation.
Il est un fait certain, connu de tout le
monde et facile à constater : c'est que les
cultivateurs sont plus mal rémunérés que
tous les autres ouvriers et que le capital
employé soit en achat de terres, soit comme
oapital d'exploitation, donne de moindres
revenus que tout autre mode d'emploi. On
ne peut donc pas dire que l'agriculture
donne des bénéfices suffisants qu'il est inu
tile d'accroître.
Certains économistes "disent aux agricul
teurs : « Soyez plus habiles, mettez à proflt
• les découvertes de la scienoe et vous
« pourrez réaliser des b'énéfioes convena-
« bles môme avec les prix actuels. » — La
réponse est facile : sans doute il y a beau
coup de cultivateurs qui sont ignorants et
routiniers, mais il y en a beaucoup aussi
qui sont instruits et habiles ; et la baisse
des fermages n'est pas moindre danS le
Nord où la culture est portée à une grande
perfeotion que dans le Centre et dans l'Ouest
où elle est moins avancée. Il serait trop
long de détailler ici les raisons de ce fait,
mais il est incontestable et il n'en ressort
pas moins qu'avec les prix actuels, l'agricul
ture la plus parfaite est elle-même en souf
france.
Pour appliquer les découvertes de la
science, il faut engager du capital et même
beaucoup de capital ; de plus, les débuts
sont toujours difficiles ; celui qui a des ca
pitaux, ne se hâte pas de les employer dans
une industrie qui est à l'état de crise aiguë.
L'outillage agricole moderne a pour effet
de diminuer la main d'œuvre; s'il était
appliqué en un petit nombre d'années sur
la totalité du sol français, un tiers peut-être
des ouvriers ruraux se trouverait sans tra
vail et par conséquent dans la misère ; il ne
faut donc pas trop se plaindre de la lenteur
avec laquelle oertains progrès se propa
gent.
Nos concurrents d'Amérique ou d 'Aus
tralie sont dans une situation beauooup plus
favorable que nous : ils ont des terres
neuves qui n'ont pas besoin d'engrais ; ils
peuvent faire usage du labourage à vapeur
et de tout l'outilljge moderne dans les
meilleures conditions possibles ; ils n'ont à
supporterrfgue des impôts très légers ; nos
concurrents de l'Inde ont la main-d'œuvre
& très bas prix. Les transports, tant par
mer que par terre, ont été amenés & un bon
marché extrême. Dans de telles conditions,
la lutte est impossible.
On nous dit : « Si la oulture du blé n'est
« pas rémunératrice, faites autre ohose. »
— Quelle autre chose pouvons-nous faire ?
La culture des autres céréales n'est pas
plus lucrative que celle du blé, elle est
même généralement moins lucrative. La
pomme de terre, la betterave, lé colza, le
chanvre, le lin, etc., ne sont pas suscepti
bles d'une grande extension ; on arriverait
immédiatement à uae reproduction qui dé
terminerait l'avilissement des prix; d'ailleurs
le colza, le ohanvre et le lin ne donnent
plus aucun profit.
La vigne et les fourrages sont les deux
seules cultures qui peuvent prendre une
extension de quelque importance ; mais la
vigne lutte péniblement contre le phylloxéra
et la concurrence étrangère; elle a perdu
beaucoup de terrain et ne peut le reconqué
rir que très lentement. Quant aux cultures
fourragères, si on voulait leur donner une
extension assez grande pour occuper seu
lement le quart ou le tiers de la surface
actuellement attribuée aux .céréales, on ar
riverait à oe double résultat d'avilir le prix
du bétail et de priver de travail un grand
nombre d'ouvriers agricoles. On ne doit
pas perdre de vue que la production des
fourrages et leur emploi pour l'élevage du
bétail demande très peu de main d'œuvre et
qu'elle donne, à surface égale, beauooup
moins de matière alimentaire que la culture
des céréales.
En France, le blé occupe chaque année
une étendue de 7 millions d'hectares, le
méteil et le seigle én couvrent 2 millions,
l'orge un million, l'avoine 3 millions et
demie; en tout 13 millions et demi d'hec
tares. Ce ne sont pas là de petites surfaoes
que l'on peut employer à son gré d'une ma
nière ou d'une autre.
La production des céréales et celle du
bétail sont les deux bases de notre agricul
ture ; le reste n'est qu'accessoire ; on ne
peut pas affaiblir l'une ou l'autre de ces
bases sans que l'édifice croule.
Si le blé se vend mal, le cultivateur voit
diminuer son salaire déjà très modique, il
se décourage, soigne mal sa culture, épar
gne les semences et les engrais, il en vient
même à laisser incultes des terres de qua
lité inférieure dont les produits ne suffi
sent plus à payer les frais de culture. Le
bas prix des céréales, et'surtout du blé, a
peur effet inévitable dé restreiudre la pro
duction et la demande de main d'œuvre,
deux choses absolument contraires à l'inté
rêt général.
Pour soutenir la production intérieure
contre la concurrence étrangère, des droits
de douane sont indispensebles ; reste à sa
voir quel doit être leur taux ; c'est un point
qui ne peut être résolu que par l'expé
rience.
Le droit doit être suffisant pour empê
cher l'avilissement des prix sans cependant
les relever au point d'être onéreux pour le
consommateur. Or, il n'est pas possible de
calculer d priori, d'une manière exacte,
quel sera l'effet du droit de douane : o'est
une grande erreur de croire que chaque
franc ajouté au droit de douane, relève
juste d'un frano le cours général de la mar
chandise.
La répercussion du droit de douane est
rarement égale à son ohiffre, elle est sou
vent inférieure, mais elle peut aussi être
supérieure : cela dépend des circonstances
économiques.
Quand les ■ Chambres ont porté à 3 fr
le droit de douane sur les blés, quand elles
l'ont relevé à 5 fr., on a entendu beaucoup
d'économistes se récrier en prédisant que
l'on allait affamer le peuple, que les blés
étrangers ne viendraient plus sur nos mar
chés. Ces sinistres prédictions ne se sont
point réalisées, les blés étrangers ont con
tinué à affluer ohez nous et en telle quan
tité que, malgré le peu d'abondance de la
dernière réoolte, les cours du blé sont dé
préciés au point de décourage les produc
teurs.
Ce résultat n'a rien qui doive surprendre •
la consommation du blé n'est pas suscepti
ble d'une extension rapide ; elle ne peut sa
développer que par suite de l'accroissement
de la population. Les pays exportateurs de
blé ne trouvent des débouchés que dans
les pays fort peu nombreux où la popula
tion est très dense et où l'industrie occupe
beaucoup de bras. Si les producteurs étran
gers refusaient d'offrir leur marchandise
sur notre marché, ils n'en trouveraient pas
le placement ailleurs et se verraient dans la
nécessité de restreindre leur production.
Il est clair que les importateurs ont la
bonne intention de nous faire payer inté
gralement le droit de douane, et ils y n aj J
viendraient s'ils n'avaient * eous offrir ôua
des quantités de bl$ inférieures ou à peine
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