Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1893-08-21
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 août 1893 21 août 1893
Description : 1893/08/21 (Numéro 9233). 1893/08/21 (Numéro 9233).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Lundi 21 Août 1893
N* 9233 — édition qvoflditnn*
Lundi 21 Août 1893
ÉDITION
QUOTID IENNE
paris ÉTRANGER
et départements (union postale)
Un an . . . . . . 40 » 51 »
Six mois . . ; . 21 » ~ 26 50
Trois mois. ... 11 » 14 »
et 16 de-chaque mois
ÉDITION SE^tl-QU OTIDIENNE
Les abonnements partent des 1
Paris
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1B —
UN numéro ( gtjïu ^nt; : : :
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
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PARIS
et départements
Un an...... 20 »
Six mois! .... 10 »
Trois mois. "... 5 »
ÉTRANGER ■
(union postale)
26 »
13 »
6 50
Les abonnements partent des 1" et 16 de chaque mois
L'DNIYERS ut répond pas des œamscrits p lai sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et G le , 6, place de la Bourse
BULLE TIN DP JOUR
PARIS, 20 AOUT 1893
C'est le jour du vote. Il est favorisé
par un temps superbe, un tempa de
train de .plaisir. Hélas ! par ordre
du ministre les trains de plaisir ont
été supprimés. On doit voter aujour
d'hui, non se promener; mais ceux
qui sont déjà partis, seraient revenus
peut-être pour remplir le devoir élec
toral, si on leur avait accordé quelque
réduction de prix; maintenant ils reste
ront à la mer ou à la campagne et le
ministre n'aura pas diminué le nom
bre des abstentions. Seulement il
compte que les gens qui sont déjà
partis, auraient voté mal et que ceux
qu'il retient voteront bien. Il pourrait
se tromper.
La dernière journée de la période
électorale n'a été véritablement inté
ressante que dans le Var, où M. Clé-
menceau a été, dans une réunion or
ganisée par lui à Draguigaap, presque
unanimement conspué. Des coups out.
été échangés. Le leader de l'extrême
gauche, calme d'ordinaire, a appelé ses
contradicteurs « lâches et misérables ».
Il rentre à Paris pour se reposer deux
jours après avoir fait placarder une
affiche d'une extraordinaire violence.
A Paris, les colleurs ont été sur pied
toute la nuit pour recouvrir les affi
ches de leurs concurrents qui faisaient
une heure plu3 tard, mettre une nou
velle couche de papier à leur nom. Il
y .a sur tous les mur3, de ces profes
sions de foi, de ces réponses, de ces
derniers appels, plusieurs centimètres
d^épaisseur. Et maintenant il n'y a
plus qu'à attendre les résultats.
Demain lundi 21 août, doit s'ouvrir
la session des conseils généraux.
Il est probable que la plupart s'a
journeront à quinzaine, comme la loi
leur en donnera faculté.
Ils voudront laisser s'accomplir les
scrutins de ballottage, car près de
300 des députés sortants sont mem
bres des conseils généraux et, d'autre
part, un grand nombre des candidats
nouveaux à ladéputation qui sont en
trés eii ligne, font également partie de
ces assemblées.
Toute la presse déplore les événe
ments d'Aigues-Mortes. Les journaux
taliens demandent le châtiment des
icoupables sans se douter que ce sont
les ouvriers italiens qui ont engagé
la bataille. En tous cas il y a d'autres
moyens de réclamer satisfaction que.
l'organisation de l'émeute. La foule a
hué la France hier à Rome et à Gênes.
On fera bien de calmer ces ardeurs.
Lès, réclamations perdent à être ainsi
forchulées. Ety s'il est démontré que
les troubles d'Aigues-Mortes ont été
provoqués par ceux-mêmes à qui nous
accordons une si large hospitalité, on
ne comprendrait.plus du tout l'exas
pération des Italiens.
Aujourd'hui le peuple suisse va
comme nous aux urnes, mais ce n'est
pas pour renouveler sa représenta
tion nationale. Il est appelé à se pror
non cer sur la loi proposée par l'ini
tiative populaire concernant le mode
d'abatage des animaux de boucherie.
Ce vote a été précédé d'une agita
tion extraordinaire qu'explique le
principe, engagé. Ce n'est rien moins
qu'une question de liberté religieuse
qui est mise aux voix.
Ce qu'on demande aux électeurs,
en effet c'est d'interdire aux juifs
l'abatage suivant leur rite des ani
maux de boucherie.
Notre dernière correspondance, de
Suisse a donné sur ce sujet d'intéres
sants détails.
La pacifique ^Hollande prépare un
gigantesque projet de nouvel assèche
ment de ses polders ; il s'agit de gagner
encore sur la mer du Nord et sur l'em
bouchure des rivières plusieurs mil
liers'de kilomètres fertiles ou aisément
fertilisables.
PRONOSTICS
Ne pouvant plus agir sur les choix
électoraux les journaux commencent
à émettre des pronostics sur la pro
chaine Chambre. Voici en deux, mots
les nôtres.
Cette Chambre, qui, par la faute des
divers partis et groupes conservateurs,
sera composée à peu près comme la
précédente et où l'ancienne majorité,
dite de concentration républicaine, se
trouvera en force, n'aura pas cepen
dant tout à fait le même,esprit. Un
souffle nouveau passe sur le pays, et
agira sur elle.
Les catholiques continueront de re
vendiquer leurs droits avec la même
vigueur, mais d'un ton plus rassuré,
parce que leur terrain de combat sera
plus étendu et meilleur. Les républi
cains politiques voudront, avec plus
de sincérité, l'apaisement, parce que
les radicaux et les socialistes les mena
ceront davantage et que, d'autre part k
ils seront convaincus que la Républi
que, prise en elle-même, a moins
d'ennemis.
Par conséquent, il y aura un mou
vement vers l'ordre. Oh ! ce ne sera
pas un mouvement rapide et il sera
d'abord plus marqué dans le3 aspira
tions que dans les faits. Les pessimis
tes et tous ceux qui espèrent que l'ag
gravation du mal leur donnera raison,
auront donc encore de'b )ns -moments,
d'heureux jours même. Néanmoins,
somme toute, dès aujourd'hui, et mal
gré tous les hasards, toutes les surpri
ses, toutes les défaillances du scrutin,
nous allons cesser de descendre et
commencer de remonter. Nous le de-r
vronsàla politique de Léon XIII.
E. V.
LA. LET TRE D U PAPE
Sous ce titre, nous lisons aujour
d'hui dans Y Aquitaine, semaine reli
gieuse de l'archidiocèse de Bordeaux.
Il importait que oe grave dooument revê
tît, dès son apparition, le caractère d'uni
versalité qui le distingue.
Jaloux d'entrer pleinement, selon sa rè
gle invariable, dans la pensée du Souverain
Pontife, notre éminent cardinal devait donc
communiquer ' d'abord la lettre de Rome
aux deux organes les plus répandus de la
presse oatholique en Franoe, l'Univers et le
Monde.
Nous estimons cependant que si les pres
criptions pontifioales sont de nature à
triompher enfla de toute résistance chez un
oatholique français quel qu'il soit, elles im
posent, en outre, une adhésion filiale et
joyeuse sux diocésains de Mgr Leoot.
Il y a juste soixante-treize ans, à pareil
jour peut-être [août 1820), le.comte Joseph
de Mais Ire écrivait : a Le saorifice de oer-
ta'ns.préjugés favoris, suoés avao le lait et
devenus nature, est diffioile sans doute et
môme douloureux; cependant,il n'y a pas à
balancer : une grande récompense appelle
un grand courage. »
Quelle récompense de leur soumission au
Pape les hommes du parti royaliste ont-ils
en perspective ? Une restauration de la Mo
narchie? ,
Nous n 'aurons garde de dire noD ; car,
après avoir affirmé que « dans les condi
tions où est actuellement .la France, il ne
parait pas possible de revenir à l'ancienne
forme du pouvoir, sans passer par de gra*--
ves perturbations », Léon XIII ajoute :
« qu'il n'est permis à personne, sans témé
rité* d'impo3er des limites à l'action de la
Providence divine pour ce qui touche à
l'avenir des nations ».
Mais au dessus de cette récompense, as
surément très digne de faire battre un cœur
fidèle, il en est une autre et plus noble et
plus oertaine.
Le Saint-Père y convie indistinctement
« tous les citoyens français, hommes de
conscience et de cœur ».
Quelle récompenje, encore une fois ? La
conviction d'avoir hâté le jour « où la paix
s'établira d'une façon solide et où la nation
française pourra réunir ses forces disper
sées et les faire servir toutes au bien com
mun ».
J.C.,
LES TROIS EMPIRES
L'Allemagne et la Russie augmen
tent leurs armements, se déclarent
une guerre de tarifs, et se surveillent ;
l'aigle noir et l'aigle blanc se regar
dent fièrement, becs et serres éntr'ou-
verts ; l'Autriche, inquiète, interpose
«ntre ces deux grands mangeurs son
oiseau noir et jaune. -
Les trois empires contiennent entre
eux 210 millions d'habitants et peu
vent mobiliser 12 millions de soldats.
La France prédominait, en Europe
avant la Révolution, avec ses 26 mil
lions d'âmes, sa solide armée et son
excellente marine; la guerre lui en
leva, en 22 ans, 1,700,000 de ses en
fants ; la perte de deux provinces, et
sou insuffisante natalité l'ont abaissée
au quatrième rang, sous le rapport
de la population ; elle est contrainte
de veiller, l'arme au bras, sur ses fron
tières ; mais elle fête, en compensa
tion, la Révolution, qui l'a tant sai
gnée et si gravement affaiblie.
Rappelons à nos concitoyens com
ment se sont formés les trois grands
empires.
I. — L'origine de l'empire prussien
n'est pas brillante.
Un riche comte de Hohenzollern,
burgrave de Nuremberg, acheta, en
1415, le margraviat de Brandebourg.
Son petit fils Albert, grand maître
de l'ordre teutonique, arracha le du
ché de Prusse à la Pologne, se fit pro
testant et garda pour lui sa conquête ;
un autre de ses petits fils, Joachim,
margrave de Brandebourg, embrassa
aussi la réforme, ce qui lui procura
l'annexion de trois évêchés à. ses do
maines.
La Prusse ayant été réunie par hé
ritage au Brandebourg, en 1618, leur
possesseur devint un important per
sonnage. .
Le grand électeur de Brandebourg
changea si habilement de parti, selon
les circonstances, dans la guerre de
Trente ans, qu'il obtint, à là paix de
Westphalie, l'annexion de quatre
évêchés considérables..
Son fils Frédéric I" soutint la mai
son d'Autriche dans la guérre de la
succession espagnole, et reçut de son
chef le titre de roi de Prusse ; son fils
Frédéric - Guillaume légua à Frédé
ric II un trésor rempli par une
extrême avarice, 72,000 soldats et
2,500,000 sujets.
Le premier grand Prussien, Fré
déric II* qu'aucun scrupule ne gênait,
s'empara perfidement de. la Silésie,
se joua de Louis XV comme de Marie-
Thérèse, accomplit, avec Kaunitz et
Catherine II l'odieux partage de la
Pologne, et parvint a régner sur
8 millions de sujets. Il échoua toute
fois dans sa compétition de la. cou
ronne impériale.
Au début de la Révolution française,
la Prusse tenta de s'agrandir aux dé
pens de notre pays; ce projet ayant
échoué, elle lâcha le.s alliés et traita
avec la République, pour s'arrondir
par l'acquêt des évêchés de Bamberg
et de Wurzbourg.
Napoléon acheta encore sa neutra
lité, en l'an X, en lui cédant trois
évêchés, quatre abbayes, des princi
pautés et des villes libres, territoires
six fois plus étendus que les posses
sions livrées par la Prusse sur la rive
gauche du . Rhin. Ainsi le royaume
prussien se compose surtout d'an
ciens domaines ecclésiastiques et ca
tholiques.
Avant la campagne de 1805, Napo
léon promit encore au roi de Prusse
de payer sa neutralité par la cession
du Hanovre, mais il se moqua, de ce
souverain et retira sa promesse après
la victoire. Le roi, irrité, traita avec la
Russie* le 26 août 1807, et déclara la
guerre ; le vainqueur enleva à la
Prusse la moitié de son territoire, à la
paix de Tilsitt, violence qu'elle ne par
donna jamais à notre pays, et qu'elle
^.imitée autant que possible en.1871..
vi La Prusse gagna, en 1815, une am
ple extension ; le prudent Metternich
lui fit, cepéndant, constituer un Etat
inomogène, séparé en deux par la
Hesse, et l'Autriche conserva la supé
riorité dans la Confédération germa
nique. La politique prussienne ne
considéra pas cette solution comme
définitive ; elle la brisa en 1866.
Napoléon III se prit dans les pièges
de Bismarck, en 1866 et 1870 ; la su
périorité du nombre, de la prépara
tion, de l'artillerie, de la discipline,
du commandement et de la tactique
acquirent la victoire à la Prusse.
Depuis ses malheurs, la France s'est
résignée sincèrement à la paix ; mais
elle ne peut oublier le cruel démem
brement qu'elle a subi.
Le roi de Prusse, en 1793, comman
dait à 100,000 soldats et à 8 millions
de sujets : l'empereur prussien com
mande, en 1893, à 5 millions de sol
dats et à 50 millions d'âmes.
La grandeur de la Prusse a été créée
par la valeur de ses armées et l'habi
leté de ses souverains, mais aussi par
les erreurs politiques de la France.
II. — Les progrès de la Russie sont
encore plus prodigieux que ceux de
•la Prusse.
La Russie fut révélée à l'Europe par
Pierre-le-Grand,à son avènement. Elle
végétait, avec des 15 millions d'âmes,
pauvre et barbare, sans marine et
sans commerce, sans autre port que
la baie glaciale d'Archangel. Pierre
indiqua pour but, à sa nation, la con
quête de trois mers, la Baltique, la
Caspienne, la Mer Noire, et la domi
nation sur la Vistule et le bas Danube.
Il maîtrisa les Polonais, se servit d'eux
contre la Suède, conquit la Livonie,
la Géorgie, Azof, Tegawrok et une
partie du littoral caspien.
Sa veuve ne put conserver toutes
ces conquêtes ; il avait dû lui-même
en évacuer quelques unes; Catherine
II les répr't et les augmenta.
Elle fit trois fois la guerre aux
Turcs, qui furent battus sur terre et
sur mer ; elle leur enleva la Crimée et
la Kabardie. Avant sa troisième
guerre.elle offrit à la France et à l'Au
triche le partage de l'empire ottoman;
la France eût acquis l'Egypte, et l'Au
triche une partie des principautés
danubiennes ; la Russie se réservait
Constantinople et la part du lion. La
diplomatie française rejeta cette pro
position ; Joseph II l'accepta ; mais la
défection de la Hongrie le contraignit
à la paix, après deux campagnes mal
heureuses. L'Angleterre, la Suède et
la Prusse soutinrent la Tqrquie ; mais
la Révolution française absorba leur
attention; et le sultan abandonné dut
signer, en 1792, le traité de Jassy, qui
porta les limites de la Russie jusqu'au
Dniester, et ouvrit la Mer Noire aux
produits des provinces polonaises
que Catherine avait annexées. Pàul I"
hérita d'elle 36 millions de sujets.
L'heureux Alexandre I" commença
par enlever à la Perse la Mingrélie, et
toutes les provinces contiguëi à la Mer
Caspienne, qui devint dès lors un lac
russe. Après Tilsitt, en 1808, il atta
qua la Turquie et lui imposa le traité
de Bucharest, qui lui donna la Bessa
rabie et les bouches du Danube. Il lé
gua 52 millions de sujets au czar
Nicolas, avec la gloire d'avoir affran
chi l'Europe continentale de la domi
nation napoléonienne.
Depuis 1815, la Russie a encore dé
pouillé la Perse desfprovincesd'Erivan
et de Nakhivan ; elle a pris à la Tur
quie les districts de Poti et d'Anapa;
elle a affranchi du joug ottoman les
Roumains, les .Serhes et les Bulgares.
La guerre de "Crimée a peu ralenti
les progrès den a effacé les conséquences qui,arrê
taient sa marche. Entravé par le traité
de Berlin vis à-vis de là Turquie, il a
poussé vers les Indes anglaises cette
prodigieuse pointe qui l'en a rendu
presque limitrophe.
Les Indes ne peuvent être coloni
sées par l'Angleterre ; c'est pour elle
une vaste, exploitation ; aussi, en cas
de conflit, la, couronne impériale in
dienne sera-t-elle peut-être arrachée
par l'aigle blanc au léopard britan
nique.
Alexandre III cemmande à 120 mil
lions d'âmes, à une redoutable armée
de 5 à 6 millions d'hommes ; mais
l'immensité dès distances et l'insuffi
sance des chemins de fer rendent en
core Ja Russie plus apte à la défense
qu'à l'offensive.
III. — C'est l'illustre maison de
Lorraine-Habsbourg qui a fondé et
qui maintient l'empire autrichien ; si
elle disparaissait.,ses Etats se disloque
raient en morceaux. Les souverains
de cette maison se sont montrés gé
néralement bienfaisants, utilement
patriotes ; le lien de l'affection a pres
que toujours uni autour de leur trône
les divers peuples de la monarchie.
Ces empereurs ont moins grandi
par les guerres que par les mariages ;
leur mission historique a été surtout
protectrice et défensive ; ils ont dé
fendu l'Allemagne contre la France,
4'Europe chrétienne contre les musul-
mans, la liberté des peuples contre
Napoléon.
L'armée autrichienne se distingue
aussi principalement dans la défen
sive; on l'a vue habituellement aussi
ferme après les défaites qu'après les
victoires. Ainsi, repoussée au-delà de
Vienne, en 1809, elle battit à Essling
Napoléon, dont les cuirassiers se sa
crifièrent pour assurer la retraite.
A Magenta, 1,000 chasseurs autri
chiens reçurent l'ordre de tenir jus
qu'au dernier homme ; ils y restèrent
tous, tués ou blessés, à l'exception de
•42 prisonniers.
A Solférino, les Autrichiens se reti
rèrent sans désordre, après avoir causé
aux alliés des pertes équivalentes à
celles qu'ils avaient subies.
A Kœnigratz, l'infanterie autri
chienne, coupée en deux, ayant
éprouvé d'énormes pertes, ne se
repliait. pas avec l'ordre accoutumé ;
mais la réserve de cavalerie et d'ar
tillerie repoussa, pendant quatre
heures, l'es poursuivants victorieux.
L'Autriche ménage actuellement
ses ressources d'hommes et d'argent ;
son attitude est conciliante et pacifi
que ; mais le plateau "de, la balance
dans laquelle elle mettra son million
de soldats de première ligne, recevra
un poids peut-être décisif ; la France
et la Russie doivent donc ménager ses
intérêts. En cas de difficultés, l'inter
vention de François-Joseph pourrait
être heureusement pacifiante.
Malgré la perte de ses provinces ita
liennes, il possède 4Q millions de su
jets.
Tandis que les Prussiens considè
rent comme « l'ennemi héréditaire»
la France qui les a si souveut appuyés,
tous les peuples autrichiens lui témoi
gnent de la sympathie.
La politique française a été, cepen-.
dant, presque toujours hostile à la
maison d'Autriche.
Ferdinand II écrasa trois fois les
protestants et les vit réduits à l'im
puissance : en 1629, par la défaite du
roi de Danemark, en Ï633, après la
mort de Gustave-Adolphe, en 1635,
après le traité de Prague : trois fois la
France rétablit la fortune des protes
tants; et elle la consolida en imposant
à Ferdinand III le traité de West
phalie.
Cette politique, poursuivie par Na
poléon III, a fait créer l'empire alle
mand de la Prusse, et l'organisation
de l'armée prussienne, a infligé aux
autres puissances le service universel
des hommes valides, qui permet de
mobiliser des troupes innombrables
contre l'étranger, mais qui affaiblit et
comprometia défense intérieure contre
l'anarchie.
Si le bon sens présidait à leurs con
seils, les chefs des grandes puis
sances constitueraient, par leurs dé
légués, un tribunal d'arbitrage, sta
tuant sur les causes de conflits qui
existent ou qui surgiraient entre elles.
Ils transformeraient ensuite l'orga-
sdsation de" leurs armées, en dimi
nuant d'accord le nombre des soldats
et en prolongeant le service actif.
On acquerrait ainsi, dans toute l'Eu
rope, des forces sûres contre le dé
sordre socialiste et ne menaçant au
cune nation ; les peuples rassurés,
allégés d'impôts,- travailleraient en
paix véritable. —
Dans la fausse paix actuelle, les
millions de soldats détruisent le bien-
être des peuples.
G. de La Tour
S. Gr. Mgr Hautin, achevêque de
Chambéry, ancien évéque d'Evreux,
quittera cette dernière ville, le 23 août,
et arrivera le samedi 26 août dans sa
ville épiscopale. Le cortège partira à
9 heures du matin de la maison des
Frères du Verney et se rendra à la
cathédrale.
Les nouveaux abonnés recevront sur
leur demande tout ce gui a déjà paru
de F ouvrage de M. Edmond Biré :
Victor Hugo après 1852.
Pour la saison des vacances /'Univers
fera des abonnements au mois ; prix :
Trois francs cinquante centimes.
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 21 août 1893
(24)
VICTOR HUGO
APRÈS 1852 0
CHAPITRE XII
A BRUXELLES. — L'ANNÉE TERRIBLE
s - I (Suite)
. Après le 31 oolobre, lesolubs continuent
i réclamer « la Commune ». On la de
mande plus que jamais à la salle Favié (1),
où se réunissent les montagnards de
Belleville. Dans la «éance du 19 dé
cembre, un des membres du olub déolare,
aux applaudissements de la salle entière,
que « Paris serait déjà débloqué, si nos
armées avaient été commandées par des
généraux républicains comme on en avait
en 93. » — « Voilà pourquoi, ajoutait-il,
nous avons besoin de la Commune; elle
nous rendra 93, et 93 nous rendra lavio-
toire. » Une voix s'écrie : » Oui, il nous
faut la guillotine, en permanence 1 » Per
sonne ne proteste. Or, dans cette même
séance, un autre orateur entretient l'assem
blée «de la triste situation dé la presse
vraiment républicaine ». Après avoir cons-
talé que plus les journaux sont réaction
naires, plus ils ont de lecteurs ; que plus
ils sont « bons »; au contraire moins ils
(*} Reproduction interdit*.
(I) La salle Favié.où le olub de ce nom tenait
ses p*an«es. ét»it située rue de Paris, en face
des Foiies-Belleville.
se vendent, l'orateur continue en ces
termes : « Quels sont maintenant nos jour
naux à nous ? Il y a le RAPPEL , qui se
vend un peu plus que les autres ; il y a en
core le Combat et le Réveil (2), qui sont des
journaux respeotables et vraiment répu
blicains; mais sont-ils & notre hauteur?
(Non ! non 1) (3) » Ainsi, après le 31 octo
bre et jusqu'à la fin du siège, la feuille de
Victor Hugo n'avait pas cessé d'être en fa
veur auprès des partisans de la Commune ;
elle avait mérité ■ d'être rangée par eux
parmi les «bons » journaux. .
Il était dono naturel qu'après le 18 mars
1871, elle prit parti pour l'insurrsotion.
Elle disait, dans son numéro du 20 mars :
En finir aveo Paris a été le rêve des réac
tionnaires. Ce râve, ils ont oru avoir une occa
sion de le réaliser. Montmartre avait des ca
nons. Il les avait pris pour qu'ils ne fussent,
pas pris par les Prussiens, et il ne demandai!
pas mieux que de les rendre à la garde natio
nale ; mais alors il n'y aurait pas eu de guerre
civile. Les ruminants de monarchie (4) n'ont
pas voulu de cette restitution-là, ils ont mieux
aimé menacer,, provoquer, irriter, montrer les
dents de M. Vinoy et de M. Valentin (5), bra
quer les canons, lanoer les brigades. Une
émette dont : on viendrait facilement à bout et
dans le sang de laquelle la République glisse
rait et tomberait, c'était un plan tout simple
pour des gens qui ne sont pas gênés par leur
(2) A la date du 19 décembre 1870, la Patrie
< en danger avait cessé de paraître; c'eBt ce qui
i explique que l'orateur de la salle FmVié n'en
' ait pas parlé dans son énumératioa des « bons »
' journaux.
(3) Les Clubs rouges pendant le siège de Pa
ris, par G. de Molinari, pages 157 et suivan
tes. — 1871.
(4) Ces ruminants de monarchie étaient
MM. Tbiers, Jules Favre, Jules Simon, Jules
Dufaure, Ernest Picard, etc;
(.&) Le général Vinoy, gouverneur de Paris ;
Si. Valentin, préfet de police.
conscience. Mais leur caloul avait négligé ce
détail, que c'étaient des gardes nationaux qui
retenaient les canons de Montmartre, et que,
depuis que la ligne a vu les gardes nationaux-
à l'œuvre dans le siège et principalement à
l'affaire de Buzenval, il s'est créé, entre la
garde nationale et la ligne, une amitié et une
camaraderie étroite et une parenté de sang
versé qu'il ne dépend plus du gouvernement
de rompre. Et les soldats qu'on a envoyés
oontre les gardes nationaux ont mis la
crosse en l'air, et, au lieu de les tuer, ils les
ont embrassés... Le peuple qui vient de prou
ver sa foroe aux réactionnaires en leur brisant,
leurs menaces en plein visage, leur prouvera'
son intelligence en modérant sa victoire. L'accès
de colère très légitime qui l'a saisi devant les
nominations et les mesures quiis défiaient, ne
l'entraînera pas à des excès qui fourniment à
l'ennemi un prétexte de revenir (6). '
Cela était éorit deux jours après l'assassi
nat des généraux Lecomte et Clément Tho
mas. Que le Rappel dans cet article, ait
' exprimé la pensée même de Victor Hugo,
la ohose ne saurait faire doute. Voioi ce que
le poète disait lui même, un mois plus tard,
dans sa lettre du 28 avril :
î Qui a fait le 18 mars ?
Examinons.
Est-ce la Commune ? ' y
Non. Elle n'existait pas.
E-t-ce le comité central 1 -
Non. li a saisi l'occasion, il ne l'a pas créée.
Qui donc a fait le 18 mars ?
C'est l'Assemblée, ou pour mieux dire la ma
jorité...
Si l'assemblée eut laissé Montmartre tran
quille, Montmartre.n'tût pas soulevé Paris. Il n'y
aurait pas eu de 4 8 mars (7).
Et c'était bien également la pensée d&
Victor Hugo que le Rappel avait traduite,
lorsqu'il avait, pendant le siège, réclamé la
(6) Le fi appel du 20 mars 187 L
(7) Depuis l'exil, p. 160.
Commune. Voioi encore ce qu'écrivait le
poète dans sa Lettre à MM. Maurice et Vac-
querie :
Comme vous je suis pour la Commune en
principe... Certes, le droit de Paris, est patent.
Paris est une commune, la plus nécessaire de
toutes, comme la plus illustre. Paris com
mune est la résultante de la Franoe républi
que... Le droit de Paris de se déolarer com
mune est incontestable... Ce que représente la
Commune est immense (8)...
Immense, en effet, oar le poète n'enten
dait point que la Commune de Paris fût un
simple conseil municipal, comme celui de
Pontoise ou de Quimper-Corentin. Il récla
mait pour elle l'indépendance "absolue, le
pouvoir souverain. Les parisiens ne rece
vraient leurs lois que d'elle seule ; les lois
émanées de l'Assemblée nationale, ne leur
seraient pas applicables, mais seulement
aux gens des provinoes, aux ruraux. Il écri
vait, dans la lettre que j'ai déjà oitée:
' L% Commune fait la loi parisienne qui sert
d'éclalreur et de précurseur à la loi française
faite par l'Assemblée. Paris, je l'ai dit plus
d'une fois, a un rôle européen à remplir. P-iris
ept un propulseur. Paris est l'initiateur univer
sel. Il marche et prouve le moBvement. Sans
sortir de son droite qui est identique à son de
voir, il peut, dans son enceinte, abolir la peine
de mort, préolamer le droit de la fumme et le
droit do l'enfant, appeler la femme au vote,
décréter l'instruotion gratuite et obligatoire,
doter l'enseignement laïque, supprimer les-pro
cès de presse; pratiquer la liberté absolue de
publicité, d'affichage et; de colportage, d'asso
ciation et de meeting, se refuser à la juridic-
" tion de la magistrature impériale, installer la
magistrature élective, prendre le tribunal de
commerce et l'institution des prud'hommes
comme expérience faite,devant servir de base à
la réforme judiciaire, étendre le jury aux causes
(8) Ibidem, p. 158 et suivantes.
iBBSMMBMIl IIII I I IIIIIIU—MBB
civiles, mettre en location les églises (9), n'a
dopter, ne salarier et ne persécuter aucun culte,
proolamer la liberté des banques, proolamer
le droit au travail, lui donner pour organisme
l'atelier communal et le magasin communal,
reliés l'un à l'autre par la monnaie fiduciaire à
rente, supprimer l'ootroi, constituer l'impôt
unique qui est l'impôt sur le revenu ; en un
mot abolir l'ignorance, abolir la misère, et, en
fondant la cité, créer le citoyen.
Mais, dira-t-on, ce sera mettre un Etat dans
l'Etat. Non, ce sera mettre un pilote dans le na
vire... Ce que Pavis dit est dit pour le monde
Ce que Paris fait eBt fait pour le monda...
Que penser de nos gouvernants ? avoir ce pro
digieux outil de oiviiisation et de suprématie,
Paris, et ne pas s'en servir? N'imparte, ce qui
est dans Paris en sortira. Tôt ou tard, Paris
commune s'imposera (10) ».
A Bordeaux, Violor Hugo avait mis en
avant, pour ne pas voter la paix, les obliga
tions particulières que lui créait èon titre
de député de Paris. Pendant le siège, il
avait pris, du droit de son génie, l'attitude
et le rôle de chef moral de la Défense,
(9) Mettre en Incation les églises, c'est-à-dire
les enlever au culte catholique, c'était là un des
principaux articles du programme de Viotor
Hugo. Le Rappel du 7 mai 1871 publia, sous oe
titre : A louer présentement une page extraite du
livre de Charma Hugo sur Victor Hugn en Hol
lande (1868). Dins cette page, Victor Hugo dé
veloppe ses idées sur «la location des églises».
— « Ce sont, dit-il, des propriétés nationales.
C'est par une sorte d'inqualifiable sophisme que
les catholiques se les adj-jgent... Nous leur
disons : Vous n'êtes plus propriétaires, vas
êtes locataires. Nous ne vous mettons pas à la
porte, restez ; seulement, c'est tout. Notre-
Dame d'Anvers, c'est 500,000 francs par an.....
Nou» en sommes bien fâchés ; mais le culte is-
raélites'est présenté pour louer II paye 500,000
francs. Nous louons la cathédrale aux Juifs... »
— L'homme qui parle ainsi, et il y en a huit
pages sur ce ton, c'est l'auteur de Notre Dame
de Paris l .
ilOi Lettre à MM. Meunce et vacquene
Bruxelles, 28 avril -1871. — Depuis l'exil,
p. 168. *
de représentant et d'orateur de la « Ville-
Lumière », de la « Cité-Soleil ». Il avait
parlé en son nom Urbi et Orbi , aux Alle
mands, aux Français, aux Parisiens. Aujour
d'hui que l'heure était venue des grands et
suprêmes périls, il se devait à lui-même de
les partager. Sas écrits socialistes, ses
appels révolutionnaires, sa glorification à ou
trance de Paris ne laissaient pas d'être pour
beaucoup dans l'insurrection parisienne. Il
avait, pour sa part, attisé l'incendie. Qu'il
l'eût fait à bonne intention, je veux bien
l'admettre ; il n'en reste pas moins qu'il
n'avait pas le droit, maintenant que l'incen
die avait éclaté, de se borner à le contem
pler de loin, — de très loin, d'au-delà de la
frontière. En un -tel moment, son éloigne-
ment avait le tort grave et le malheur de
ressembler à une fuite.
De Bruxelles, il envoya au Rappel trois
pièces de vers : Un Cri, — Pas de repré
sailles, — Les deux trophées { 11). Il crie aux
combattants : — Trêve à cette lutte fratri
cide ! Pas de vengeances ! Pas de repré
sailles I Vous ne renversez pas la Colonne !
Vous ne cannonnez pas l'Arc de triomphe !
— Le sentiment était bon ; mais encore
ne fallait-il pas mettre sur la même ligne
les fédérés qui avaient, les premiers, sous
les yeux de l'ennemi vainqueur,; arboré
le drapeau de la guerre civile et les
soldats qui défendaient le drapeau de
la France et l'intégrité de la Patrie. Quelle
était, d'ailleurs, la signification et la portée
oe ces vers venant de l'étranger, alors que,
dans Paris même, le journal du poète insul
tait chaque jour ceux qu'il appelait les- Fer-
saillais. glorifiait les fédérés, soufflait au
cœur des Parisiens la haine de nos soldats,
le mépris de notre armée, ramassis « desé-
(11) Voir ces trois pièces dans VAnnée Terrible
avril et mai (1871).
N* 9233 — édition qvoflditnn*
Lundi 21 Août 1893
ÉDITION
QUOTID IENNE
paris ÉTRANGER
et départements (union postale)
Un an . . . . . . 40 » 51 »
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ÉDITION SE^tl-QU OTIDIENNE
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Paris
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UN numéro ( gtjïu ^nt; : : :
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L'DNIYERS ut répond pas des œamscrits p lai sont adressés
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et G le , 6, place de la Bourse
BULLE TIN DP JOUR
PARIS, 20 AOUT 1893
C'est le jour du vote. Il est favorisé
par un temps superbe, un tempa de
train de .plaisir. Hélas ! par ordre
du ministre les trains de plaisir ont
été supprimés. On doit voter aujour
d'hui, non se promener; mais ceux
qui sont déjà partis, seraient revenus
peut-être pour remplir le devoir élec
toral, si on leur avait accordé quelque
réduction de prix; maintenant ils reste
ront à la mer ou à la campagne et le
ministre n'aura pas diminué le nom
bre des abstentions. Seulement il
compte que les gens qui sont déjà
partis, auraient voté mal et que ceux
qu'il retient voteront bien. Il pourrait
se tromper.
La dernière journée de la période
électorale n'a été véritablement inté
ressante que dans le Var, où M. Clé-
menceau a été, dans une réunion or
ganisée par lui à Draguigaap, presque
unanimement conspué. Des coups out.
été échangés. Le leader de l'extrême
gauche, calme d'ordinaire, a appelé ses
contradicteurs « lâches et misérables ».
Il rentre à Paris pour se reposer deux
jours après avoir fait placarder une
affiche d'une extraordinaire violence.
A Paris, les colleurs ont été sur pied
toute la nuit pour recouvrir les affi
ches de leurs concurrents qui faisaient
une heure plu3 tard, mettre une nou
velle couche de papier à leur nom. Il
y .a sur tous les mur3, de ces profes
sions de foi, de ces réponses, de ces
derniers appels, plusieurs centimètres
d^épaisseur. Et maintenant il n'y a
plus qu'à attendre les résultats.
Demain lundi 21 août, doit s'ouvrir
la session des conseils généraux.
Il est probable que la plupart s'a
journeront à quinzaine, comme la loi
leur en donnera faculté.
Ils voudront laisser s'accomplir les
scrutins de ballottage, car près de
300 des députés sortants sont mem
bres des conseils généraux et, d'autre
part, un grand nombre des candidats
nouveaux à ladéputation qui sont en
trés eii ligne, font également partie de
ces assemblées.
Toute la presse déplore les événe
ments d'Aigues-Mortes. Les journaux
taliens demandent le châtiment des
icoupables sans se douter que ce sont
les ouvriers italiens qui ont engagé
la bataille. En tous cas il y a d'autres
moyens de réclamer satisfaction que.
l'organisation de l'émeute. La foule a
hué la France hier à Rome et à Gênes.
On fera bien de calmer ces ardeurs.
Lès, réclamations perdent à être ainsi
forchulées. Ety s'il est démontré que
les troubles d'Aigues-Mortes ont été
provoqués par ceux-mêmes à qui nous
accordons une si large hospitalité, on
ne comprendrait.plus du tout l'exas
pération des Italiens.
Aujourd'hui le peuple suisse va
comme nous aux urnes, mais ce n'est
pas pour renouveler sa représenta
tion nationale. Il est appelé à se pror
non cer sur la loi proposée par l'ini
tiative populaire concernant le mode
d'abatage des animaux de boucherie.
Ce vote a été précédé d'une agita
tion extraordinaire qu'explique le
principe, engagé. Ce n'est rien moins
qu'une question de liberté religieuse
qui est mise aux voix.
Ce qu'on demande aux électeurs,
en effet c'est d'interdire aux juifs
l'abatage suivant leur rite des ani
maux de boucherie.
Notre dernière correspondance, de
Suisse a donné sur ce sujet d'intéres
sants détails.
La pacifique ^Hollande prépare un
gigantesque projet de nouvel assèche
ment de ses polders ; il s'agit de gagner
encore sur la mer du Nord et sur l'em
bouchure des rivières plusieurs mil
liers'de kilomètres fertiles ou aisément
fertilisables.
PRONOSTICS
Ne pouvant plus agir sur les choix
électoraux les journaux commencent
à émettre des pronostics sur la pro
chaine Chambre. Voici en deux, mots
les nôtres.
Cette Chambre, qui, par la faute des
divers partis et groupes conservateurs,
sera composée à peu près comme la
précédente et où l'ancienne majorité,
dite de concentration républicaine, se
trouvera en force, n'aura pas cepen
dant tout à fait le même,esprit. Un
souffle nouveau passe sur le pays, et
agira sur elle.
Les catholiques continueront de re
vendiquer leurs droits avec la même
vigueur, mais d'un ton plus rassuré,
parce que leur terrain de combat sera
plus étendu et meilleur. Les républi
cains politiques voudront, avec plus
de sincérité, l'apaisement, parce que
les radicaux et les socialistes les mena
ceront davantage et que, d'autre part k
ils seront convaincus que la Républi
que, prise en elle-même, a moins
d'ennemis.
Par conséquent, il y aura un mou
vement vers l'ordre. Oh ! ce ne sera
pas un mouvement rapide et il sera
d'abord plus marqué dans le3 aspira
tions que dans les faits. Les pessimis
tes et tous ceux qui espèrent que l'ag
gravation du mal leur donnera raison,
auront donc encore de'b )ns -moments,
d'heureux jours même. Néanmoins,
somme toute, dès aujourd'hui, et mal
gré tous les hasards, toutes les surpri
ses, toutes les défaillances du scrutin,
nous allons cesser de descendre et
commencer de remonter. Nous le de-r
vronsàla politique de Léon XIII.
E. V.
LA. LET TRE D U PAPE
Sous ce titre, nous lisons aujour
d'hui dans Y Aquitaine, semaine reli
gieuse de l'archidiocèse de Bordeaux.
Il importait que oe grave dooument revê
tît, dès son apparition, le caractère d'uni
versalité qui le distingue.
Jaloux d'entrer pleinement, selon sa rè
gle invariable, dans la pensée du Souverain
Pontife, notre éminent cardinal devait donc
communiquer ' d'abord la lettre de Rome
aux deux organes les plus répandus de la
presse oatholique en Franoe, l'Univers et le
Monde.
Nous estimons cependant que si les pres
criptions pontifioales sont de nature à
triompher enfla de toute résistance chez un
oatholique français quel qu'il soit, elles im
posent, en outre, une adhésion filiale et
joyeuse sux diocésains de Mgr Leoot.
Il y a juste soixante-treize ans, à pareil
jour peut-être [août 1820), le.comte Joseph
de Mais Ire écrivait : a Le saorifice de oer-
ta'ns.préjugés favoris, suoés avao le lait et
devenus nature, est diffioile sans doute et
môme douloureux; cependant,il n'y a pas à
balancer : une grande récompense appelle
un grand courage. »
Quelle récompense de leur soumission au
Pape les hommes du parti royaliste ont-ils
en perspective ? Une restauration de la Mo
narchie? ,
Nous n 'aurons garde de dire noD ; car,
après avoir affirmé que « dans les condi
tions où est actuellement .la France, il ne
parait pas possible de revenir à l'ancienne
forme du pouvoir, sans passer par de gra*--
ves perturbations », Léon XIII ajoute :
« qu'il n'est permis à personne, sans témé
rité* d'impo3er des limites à l'action de la
Providence divine pour ce qui touche à
l'avenir des nations ».
Mais au dessus de cette récompense, as
surément très digne de faire battre un cœur
fidèle, il en est une autre et plus noble et
plus oertaine.
Le Saint-Père y convie indistinctement
« tous les citoyens français, hommes de
conscience et de cœur ».
Quelle récompenje, encore une fois ? La
conviction d'avoir hâté le jour « où la paix
s'établira d'une façon solide et où la nation
française pourra réunir ses forces disper
sées et les faire servir toutes au bien com
mun ».
J.C.,
LES TROIS EMPIRES
L'Allemagne et la Russie augmen
tent leurs armements, se déclarent
une guerre de tarifs, et se surveillent ;
l'aigle noir et l'aigle blanc se regar
dent fièrement, becs et serres éntr'ou-
verts ; l'Autriche, inquiète, interpose
«ntre ces deux grands mangeurs son
oiseau noir et jaune. -
Les trois empires contiennent entre
eux 210 millions d'habitants et peu
vent mobiliser 12 millions de soldats.
La France prédominait, en Europe
avant la Révolution, avec ses 26 mil
lions d'âmes, sa solide armée et son
excellente marine; la guerre lui en
leva, en 22 ans, 1,700,000 de ses en
fants ; la perte de deux provinces, et
sou insuffisante natalité l'ont abaissée
au quatrième rang, sous le rapport
de la population ; elle est contrainte
de veiller, l'arme au bras, sur ses fron
tières ; mais elle fête, en compensa
tion, la Révolution, qui l'a tant sai
gnée et si gravement affaiblie.
Rappelons à nos concitoyens com
ment se sont formés les trois grands
empires.
I. — L'origine de l'empire prussien
n'est pas brillante.
Un riche comte de Hohenzollern,
burgrave de Nuremberg, acheta, en
1415, le margraviat de Brandebourg.
Son petit fils Albert, grand maître
de l'ordre teutonique, arracha le du
ché de Prusse à la Pologne, se fit pro
testant et garda pour lui sa conquête ;
un autre de ses petits fils, Joachim,
margrave de Brandebourg, embrassa
aussi la réforme, ce qui lui procura
l'annexion de trois évêchés à. ses do
maines.
La Prusse ayant été réunie par hé
ritage au Brandebourg, en 1618, leur
possesseur devint un important per
sonnage. .
Le grand électeur de Brandebourg
changea si habilement de parti, selon
les circonstances, dans la guerre de
Trente ans, qu'il obtint, à là paix de
Westphalie, l'annexion de quatre
évêchés considérables..
Son fils Frédéric I" soutint la mai
son d'Autriche dans la guérre de la
succession espagnole, et reçut de son
chef le titre de roi de Prusse ; son fils
Frédéric - Guillaume légua à Frédé
ric II un trésor rempli par une
extrême avarice, 72,000 soldats et
2,500,000 sujets.
Le premier grand Prussien, Fré
déric II* qu'aucun scrupule ne gênait,
s'empara perfidement de. la Silésie,
se joua de Louis XV comme de Marie-
Thérèse, accomplit, avec Kaunitz et
Catherine II l'odieux partage de la
Pologne, et parvint a régner sur
8 millions de sujets. Il échoua toute
fois dans sa compétition de la. cou
ronne impériale.
Au début de la Révolution française,
la Prusse tenta de s'agrandir aux dé
pens de notre pays; ce projet ayant
échoué, elle lâcha le.s alliés et traita
avec la République, pour s'arrondir
par l'acquêt des évêchés de Bamberg
et de Wurzbourg.
Napoléon acheta encore sa neutra
lité, en l'an X, en lui cédant trois
évêchés, quatre abbayes, des princi
pautés et des villes libres, territoires
six fois plus étendus que les posses
sions livrées par la Prusse sur la rive
gauche du . Rhin. Ainsi le royaume
prussien se compose surtout d'an
ciens domaines ecclésiastiques et ca
tholiques.
Avant la campagne de 1805, Napo
léon promit encore au roi de Prusse
de payer sa neutralité par la cession
du Hanovre, mais il se moqua, de ce
souverain et retira sa promesse après
la victoire. Le roi, irrité, traita avec la
Russie* le 26 août 1807, et déclara la
guerre ; le vainqueur enleva à la
Prusse la moitié de son territoire, à la
paix de Tilsitt, violence qu'elle ne par
donna jamais à notre pays, et qu'elle
^.imitée autant que possible en.1871..
vi La Prusse gagna, en 1815, une am
ple extension ; le prudent Metternich
lui fit, cepéndant, constituer un Etat
inomogène, séparé en deux par la
Hesse, et l'Autriche conserva la supé
riorité dans la Confédération germa
nique. La politique prussienne ne
considéra pas cette solution comme
définitive ; elle la brisa en 1866.
Napoléon III se prit dans les pièges
de Bismarck, en 1866 et 1870 ; la su
périorité du nombre, de la prépara
tion, de l'artillerie, de la discipline,
du commandement et de la tactique
acquirent la victoire à la Prusse.
Depuis ses malheurs, la France s'est
résignée sincèrement à la paix ; mais
elle ne peut oublier le cruel démem
brement qu'elle a subi.
Le roi de Prusse, en 1793, comman
dait à 100,000 soldats et à 8 millions
de sujets : l'empereur prussien com
mande, en 1893, à 5 millions de sol
dats et à 50 millions d'âmes.
La grandeur de la Prusse a été créée
par la valeur de ses armées et l'habi
leté de ses souverains, mais aussi par
les erreurs politiques de la France.
II. — Les progrès de la Russie sont
encore plus prodigieux que ceux de
•la Prusse.
La Russie fut révélée à l'Europe par
Pierre-le-Grand,à son avènement. Elle
végétait, avec des 15 millions d'âmes,
pauvre et barbare, sans marine et
sans commerce, sans autre port que
la baie glaciale d'Archangel. Pierre
indiqua pour but, à sa nation, la con
quête de trois mers, la Baltique, la
Caspienne, la Mer Noire, et la domi
nation sur la Vistule et le bas Danube.
Il maîtrisa les Polonais, se servit d'eux
contre la Suède, conquit la Livonie,
la Géorgie, Azof, Tegawrok et une
partie du littoral caspien.
Sa veuve ne put conserver toutes
ces conquêtes ; il avait dû lui-même
en évacuer quelques unes; Catherine
II les répr't et les augmenta.
Elle fit trois fois la guerre aux
Turcs, qui furent battus sur terre et
sur mer ; elle leur enleva la Crimée et
la Kabardie. Avant sa troisième
guerre.elle offrit à la France et à l'Au
triche le partage de l'empire ottoman;
la France eût acquis l'Egypte, et l'Au
triche une partie des principautés
danubiennes ; la Russie se réservait
Constantinople et la part du lion. La
diplomatie française rejeta cette pro
position ; Joseph II l'accepta ; mais la
défection de la Hongrie le contraignit
à la paix, après deux campagnes mal
heureuses. L'Angleterre, la Suède et
la Prusse soutinrent la Tqrquie ; mais
la Révolution française absorba leur
attention; et le sultan abandonné dut
signer, en 1792, le traité de Jassy, qui
porta les limites de la Russie jusqu'au
Dniester, et ouvrit la Mer Noire aux
produits des provinces polonaises
que Catherine avait annexées. Pàul I"
hérita d'elle 36 millions de sujets.
L'heureux Alexandre I" commença
par enlever à la Perse la Mingrélie, et
toutes les provinces contiguëi à la Mer
Caspienne, qui devint dès lors un lac
russe. Après Tilsitt, en 1808, il atta
qua la Turquie et lui imposa le traité
de Bucharest, qui lui donna la Bessa
rabie et les bouches du Danube. Il lé
gua 52 millions de sujets au czar
Nicolas, avec la gloire d'avoir affran
chi l'Europe continentale de la domi
nation napoléonienne.
Depuis 1815, la Russie a encore dé
pouillé la Perse desfprovincesd'Erivan
et de Nakhivan ; elle a pris à la Tur
quie les districts de Poti et d'Anapa;
elle a affranchi du joug ottoman les
Roumains, les .Serhes et les Bulgares.
La guerre de "Crimée a peu ralenti
les progrès den a effacé les conséquences qui,arrê
taient sa marche. Entravé par le traité
de Berlin vis à-vis de là Turquie, il a
poussé vers les Indes anglaises cette
prodigieuse pointe qui l'en a rendu
presque limitrophe.
Les Indes ne peuvent être coloni
sées par l'Angleterre ; c'est pour elle
une vaste, exploitation ; aussi, en cas
de conflit, la, couronne impériale in
dienne sera-t-elle peut-être arrachée
par l'aigle blanc au léopard britan
nique.
Alexandre III cemmande à 120 mil
lions d'âmes, à une redoutable armée
de 5 à 6 millions d'hommes ; mais
l'immensité dès distances et l'insuffi
sance des chemins de fer rendent en
core Ja Russie plus apte à la défense
qu'à l'offensive.
III. — C'est l'illustre maison de
Lorraine-Habsbourg qui a fondé et
qui maintient l'empire autrichien ; si
elle disparaissait.,ses Etats se disloque
raient en morceaux. Les souverains
de cette maison se sont montrés gé
néralement bienfaisants, utilement
patriotes ; le lien de l'affection a pres
que toujours uni autour de leur trône
les divers peuples de la monarchie.
Ces empereurs ont moins grandi
par les guerres que par les mariages ;
leur mission historique a été surtout
protectrice et défensive ; ils ont dé
fendu l'Allemagne contre la France,
4'Europe chrétienne contre les musul-
mans, la liberté des peuples contre
Napoléon.
L'armée autrichienne se distingue
aussi principalement dans la défen
sive; on l'a vue habituellement aussi
ferme après les défaites qu'après les
victoires. Ainsi, repoussée au-delà de
Vienne, en 1809, elle battit à Essling
Napoléon, dont les cuirassiers se sa
crifièrent pour assurer la retraite.
A Magenta, 1,000 chasseurs autri
chiens reçurent l'ordre de tenir jus
qu'au dernier homme ; ils y restèrent
tous, tués ou blessés, à l'exception de
•42 prisonniers.
A Solférino, les Autrichiens se reti
rèrent sans désordre, après avoir causé
aux alliés des pertes équivalentes à
celles qu'ils avaient subies.
A Kœnigratz, l'infanterie autri
chienne, coupée en deux, ayant
éprouvé d'énormes pertes, ne se
repliait. pas avec l'ordre accoutumé ;
mais la réserve de cavalerie et d'ar
tillerie repoussa, pendant quatre
heures, l'es poursuivants victorieux.
L'Autriche ménage actuellement
ses ressources d'hommes et d'argent ;
son attitude est conciliante et pacifi
que ; mais le plateau "de, la balance
dans laquelle elle mettra son million
de soldats de première ligne, recevra
un poids peut-être décisif ; la France
et la Russie doivent donc ménager ses
intérêts. En cas de difficultés, l'inter
vention de François-Joseph pourrait
être heureusement pacifiante.
Malgré la perte de ses provinces ita
liennes, il possède 4Q millions de su
jets.
Tandis que les Prussiens considè
rent comme « l'ennemi héréditaire»
la France qui les a si souveut appuyés,
tous les peuples autrichiens lui témoi
gnent de la sympathie.
La politique française a été, cepen-.
dant, presque toujours hostile à la
maison d'Autriche.
Ferdinand II écrasa trois fois les
protestants et les vit réduits à l'im
puissance : en 1629, par la défaite du
roi de Danemark, en Ï633, après la
mort de Gustave-Adolphe, en 1635,
après le traité de Prague : trois fois la
France rétablit la fortune des protes
tants; et elle la consolida en imposant
à Ferdinand III le traité de West
phalie.
Cette politique, poursuivie par Na
poléon III, a fait créer l'empire alle
mand de la Prusse, et l'organisation
de l'armée prussienne, a infligé aux
autres puissances le service universel
des hommes valides, qui permet de
mobiliser des troupes innombrables
contre l'étranger, mais qui affaiblit et
comprometia défense intérieure contre
l'anarchie.
Si le bon sens présidait à leurs con
seils, les chefs des grandes puis
sances constitueraient, par leurs dé
légués, un tribunal d'arbitrage, sta
tuant sur les causes de conflits qui
existent ou qui surgiraient entre elles.
Ils transformeraient ensuite l'orga-
sdsation de" leurs armées, en dimi
nuant d'accord le nombre des soldats
et en prolongeant le service actif.
On acquerrait ainsi, dans toute l'Eu
rope, des forces sûres contre le dé
sordre socialiste et ne menaçant au
cune nation ; les peuples rassurés,
allégés d'impôts,- travailleraient en
paix véritable. —
Dans la fausse paix actuelle, les
millions de soldats détruisent le bien-
être des peuples.
G. de La Tour
S. Gr. Mgr Hautin, achevêque de
Chambéry, ancien évéque d'Evreux,
quittera cette dernière ville, le 23 août,
et arrivera le samedi 26 août dans sa
ville épiscopale. Le cortège partira à
9 heures du matin de la maison des
Frères du Verney et se rendra à la
cathédrale.
Les nouveaux abonnés recevront sur
leur demande tout ce gui a déjà paru
de F ouvrage de M. Edmond Biré :
Victor Hugo après 1852.
Pour la saison des vacances /'Univers
fera des abonnements au mois ; prix :
Trois francs cinquante centimes.
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 21 août 1893
(24)
VICTOR HUGO
APRÈS 1852 0
CHAPITRE XII
A BRUXELLES. — L'ANNÉE TERRIBLE
s - I (Suite)
. Après le 31 oolobre, lesolubs continuent
i réclamer « la Commune ». On la de
mande plus que jamais à la salle Favié (1),
où se réunissent les montagnards de
Belleville. Dans la «éance du 19 dé
cembre, un des membres du olub déolare,
aux applaudissements de la salle entière,
que « Paris serait déjà débloqué, si nos
armées avaient été commandées par des
généraux républicains comme on en avait
en 93. » — « Voilà pourquoi, ajoutait-il,
nous avons besoin de la Commune; elle
nous rendra 93, et 93 nous rendra lavio-
toire. » Une voix s'écrie : » Oui, il nous
faut la guillotine, en permanence 1 » Per
sonne ne proteste. Or, dans cette même
séance, un autre orateur entretient l'assem
blée «de la triste situation dé la presse
vraiment républicaine ». Après avoir cons-
talé que plus les journaux sont réaction
naires, plus ils ont de lecteurs ; que plus
ils sont « bons »; au contraire moins ils
(*} Reproduction interdit*.
(I) La salle Favié.où le olub de ce nom tenait
ses p*an«es. ét»it située rue de Paris, en face
des Foiies-Belleville.
se vendent, l'orateur continue en ces
termes : « Quels sont maintenant nos jour
naux à nous ? Il y a le RAPPEL , qui se
vend un peu plus que les autres ; il y a en
core le Combat et le Réveil (2), qui sont des
journaux respeotables et vraiment répu
blicains; mais sont-ils & notre hauteur?
(Non ! non 1) (3) » Ainsi, après le 31 octo
bre et jusqu'à la fin du siège, la feuille de
Victor Hugo n'avait pas cessé d'être en fa
veur auprès des partisans de la Commune ;
elle avait mérité ■ d'être rangée par eux
parmi les «bons » journaux. .
Il était dono naturel qu'après le 18 mars
1871, elle prit parti pour l'insurrsotion.
Elle disait, dans son numéro du 20 mars :
En finir aveo Paris a été le rêve des réac
tionnaires. Ce râve, ils ont oru avoir une occa
sion de le réaliser. Montmartre avait des ca
nons. Il les avait pris pour qu'ils ne fussent,
pas pris par les Prussiens, et il ne demandai!
pas mieux que de les rendre à la garde natio
nale ; mais alors il n'y aurait pas eu de guerre
civile. Les ruminants de monarchie (4) n'ont
pas voulu de cette restitution-là, ils ont mieux
aimé menacer,, provoquer, irriter, montrer les
dents de M. Vinoy et de M. Valentin (5), bra
quer les canons, lanoer les brigades. Une
émette dont : on viendrait facilement à bout et
dans le sang de laquelle la République glisse
rait et tomberait, c'était un plan tout simple
pour des gens qui ne sont pas gênés par leur
(2) A la date du 19 décembre 1870, la Patrie
< en danger avait cessé de paraître; c'eBt ce qui
i explique que l'orateur de la salle FmVié n'en
' ait pas parlé dans son énumératioa des « bons »
' journaux.
(3) Les Clubs rouges pendant le siège de Pa
ris, par G. de Molinari, pages 157 et suivan
tes. — 1871.
(4) Ces ruminants de monarchie étaient
MM. Tbiers, Jules Favre, Jules Simon, Jules
Dufaure, Ernest Picard, etc;
(.&) Le général Vinoy, gouverneur de Paris ;
Si. Valentin, préfet de police.
conscience. Mais leur caloul avait négligé ce
détail, que c'étaient des gardes nationaux qui
retenaient les canons de Montmartre, et que,
depuis que la ligne a vu les gardes nationaux-
à l'œuvre dans le siège et principalement à
l'affaire de Buzenval, il s'est créé, entre la
garde nationale et la ligne, une amitié et une
camaraderie étroite et une parenté de sang
versé qu'il ne dépend plus du gouvernement
de rompre. Et les soldats qu'on a envoyés
oontre les gardes nationaux ont mis la
crosse en l'air, et, au lieu de les tuer, ils les
ont embrassés... Le peuple qui vient de prou
ver sa foroe aux réactionnaires en leur brisant,
leurs menaces en plein visage, leur prouvera'
son intelligence en modérant sa victoire. L'accès
de colère très légitime qui l'a saisi devant les
nominations et les mesures quiis défiaient, ne
l'entraînera pas à des excès qui fourniment à
l'ennemi un prétexte de revenir (6). '
Cela était éorit deux jours après l'assassi
nat des généraux Lecomte et Clément Tho
mas. Que le Rappel dans cet article, ait
' exprimé la pensée même de Victor Hugo,
la ohose ne saurait faire doute. Voioi ce que
le poète disait lui même, un mois plus tard,
dans sa lettre du 28 avril :
î Qui a fait le 18 mars ?
Examinons.
Est-ce la Commune ? ' y
Non. Elle n'existait pas.
E-t-ce le comité central 1 -
Non. li a saisi l'occasion, il ne l'a pas créée.
Qui donc a fait le 18 mars ?
C'est l'Assemblée, ou pour mieux dire la ma
jorité...
Si l'assemblée eut laissé Montmartre tran
quille, Montmartre.n'tût pas soulevé Paris. Il n'y
aurait pas eu de 4 8 mars (7).
Et c'était bien également la pensée d&
Victor Hugo que le Rappel avait traduite,
lorsqu'il avait, pendant le siège, réclamé la
(6) Le fi appel du 20 mars 187 L
(7) Depuis l'exil, p. 160.
Commune. Voioi encore ce qu'écrivait le
poète dans sa Lettre à MM. Maurice et Vac-
querie :
Comme vous je suis pour la Commune en
principe... Certes, le droit de Paris, est patent.
Paris est une commune, la plus nécessaire de
toutes, comme la plus illustre. Paris com
mune est la résultante de la Franoe républi
que... Le droit de Paris de se déolarer com
mune est incontestable... Ce que représente la
Commune est immense (8)...
Immense, en effet, oar le poète n'enten
dait point que la Commune de Paris fût un
simple conseil municipal, comme celui de
Pontoise ou de Quimper-Corentin. Il récla
mait pour elle l'indépendance "absolue, le
pouvoir souverain. Les parisiens ne rece
vraient leurs lois que d'elle seule ; les lois
émanées de l'Assemblée nationale, ne leur
seraient pas applicables, mais seulement
aux gens des provinoes, aux ruraux. Il écri
vait, dans la lettre que j'ai déjà oitée:
' L% Commune fait la loi parisienne qui sert
d'éclalreur et de précurseur à la loi française
faite par l'Assemblée. Paris, je l'ai dit plus
d'une fois, a un rôle européen à remplir. P-iris
ept un propulseur. Paris est l'initiateur univer
sel. Il marche et prouve le moBvement. Sans
sortir de son droite qui est identique à son de
voir, il peut, dans son enceinte, abolir la peine
de mort, préolamer le droit de la fumme et le
droit do l'enfant, appeler la femme au vote,
décréter l'instruotion gratuite et obligatoire,
doter l'enseignement laïque, supprimer les-pro
cès de presse; pratiquer la liberté absolue de
publicité, d'affichage et; de colportage, d'asso
ciation et de meeting, se refuser à la juridic-
" tion de la magistrature impériale, installer la
magistrature élective, prendre le tribunal de
commerce et l'institution des prud'hommes
comme expérience faite,devant servir de base à
la réforme judiciaire, étendre le jury aux causes
(8) Ibidem, p. 158 et suivantes.
iBBSMMBMIl IIII I I IIIIIIU—MBB
civiles, mettre en location les églises (9), n'a
dopter, ne salarier et ne persécuter aucun culte,
proolamer la liberté des banques, proolamer
le droit au travail, lui donner pour organisme
l'atelier communal et le magasin communal,
reliés l'un à l'autre par la monnaie fiduciaire à
rente, supprimer l'ootroi, constituer l'impôt
unique qui est l'impôt sur le revenu ; en un
mot abolir l'ignorance, abolir la misère, et, en
fondant la cité, créer le citoyen.
Mais, dira-t-on, ce sera mettre un Etat dans
l'Etat. Non, ce sera mettre un pilote dans le na
vire... Ce que Pavis dit est dit pour le monde
Ce que Paris fait eBt fait pour le monda...
Que penser de nos gouvernants ? avoir ce pro
digieux outil de oiviiisation et de suprématie,
Paris, et ne pas s'en servir? N'imparte, ce qui
est dans Paris en sortira. Tôt ou tard, Paris
commune s'imposera (10) ».
A Bordeaux, Violor Hugo avait mis en
avant, pour ne pas voter la paix, les obliga
tions particulières que lui créait èon titre
de député de Paris. Pendant le siège, il
avait pris, du droit de son génie, l'attitude
et le rôle de chef moral de la Défense,
(9) Mettre en Incation les églises, c'est-à-dire
les enlever au culte catholique, c'était là un des
principaux articles du programme de Viotor
Hugo. Le Rappel du 7 mai 1871 publia, sous oe
titre : A louer présentement une page extraite du
livre de Charma Hugo sur Victor Hugn en Hol
lande (1868). Dins cette page, Victor Hugo dé
veloppe ses idées sur «la location des églises».
— « Ce sont, dit-il, des propriétés nationales.
C'est par une sorte d'inqualifiable sophisme que
les catholiques se les adj-jgent... Nous leur
disons : Vous n'êtes plus propriétaires, vas
êtes locataires. Nous ne vous mettons pas à la
porte, restez ; seulement, c'est tout. Notre-
Dame d'Anvers, c'est 500,000 francs par an.....
Nou» en sommes bien fâchés ; mais le culte is-
raélites'est présenté pour louer II paye 500,000
francs. Nous louons la cathédrale aux Juifs... »
— L'homme qui parle ainsi, et il y en a huit
pages sur ce ton, c'est l'auteur de Notre Dame
de Paris l .
ilOi Lettre à MM. Meunce et vacquene
Bruxelles, 28 avril -1871. — Depuis l'exil,
p. 168. *
de représentant et d'orateur de la « Ville-
Lumière », de la « Cité-Soleil ». Il avait
parlé en son nom Urbi et Orbi , aux Alle
mands, aux Français, aux Parisiens. Aujour
d'hui que l'heure était venue des grands et
suprêmes périls, il se devait à lui-même de
les partager. Sas écrits socialistes, ses
appels révolutionnaires, sa glorification à ou
trance de Paris ne laissaient pas d'être pour
beaucoup dans l'insurrection parisienne. Il
avait, pour sa part, attisé l'incendie. Qu'il
l'eût fait à bonne intention, je veux bien
l'admettre ; il n'en reste pas moins qu'il
n'avait pas le droit, maintenant que l'incen
die avait éclaté, de se borner à le contem
pler de loin, — de très loin, d'au-delà de la
frontière. En un -tel moment, son éloigne-
ment avait le tort grave et le malheur de
ressembler à une fuite.
De Bruxelles, il envoya au Rappel trois
pièces de vers : Un Cri, — Pas de repré
sailles, — Les deux trophées { 11). Il crie aux
combattants : — Trêve à cette lutte fratri
cide ! Pas de vengeances ! Pas de repré
sailles I Vous ne renversez pas la Colonne !
Vous ne cannonnez pas l'Arc de triomphe !
— Le sentiment était bon ; mais encore
ne fallait-il pas mettre sur la même ligne
les fédérés qui avaient, les premiers, sous
les yeux de l'ennemi vainqueur,; arboré
le drapeau de la guerre civile et les
soldats qui défendaient le drapeau de
la France et l'intégrité de la Patrie. Quelle
était, d'ailleurs, la signification et la portée
oe ces vers venant de l'étranger, alors que,
dans Paris même, le journal du poète insul
tait chaque jour ceux qu'il appelait les- Fer-
saillais. glorifiait les fédérés, soufflait au
cœur des Parisiens la haine de nos soldats,
le mépris de notre armée, ramassis « desé-
(11) Voir ces trois pièces dans VAnnée Terrible
avril et mai (1871).
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