Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1893-08-11
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 11 août 1893 11 août 1893
Description : 1893/08/11 (Numéro 9224). 1893/08/11 (Numéro 9224).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Vendredi 11 Ao ût 1893
N* 9224 — édition quotidienne
Vendredi 11 Août 1893
ÉDITIO N' QUOT IDIENNE
PARIS ÉTRANGE]?-
' ET DÉPARTEMENTS (UMION POSTALE)
Un an . ..... 40 » 51 »
■ Six mots ..... 21 d 26 50
Trois mois. . . . 11 # 14 »
Les abonnements parten t des 1 "~ et 16 de chaque mois
ttxt •KTTTuir-é'-o/S .(• Paris . . .' 10 cent.
UN NUMERO ( D éparte ments ... 16 -
BUREAUX : Paris, 10, rue des Saints-Pères
•rT>' " -• ' -
On s'abonne à Rome, . place <}u Gesù, 8
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an . . ,
Sijc mois. .
Trois .mois.
PARIS
ET DÉPARTEMENTS
. . 20 h
. . 10 ».
i . 5 m .
ÉTRANGER .
(union - postale)
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13 »
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.Les abonnements parte nt .des 1 " et 16 do chaque mois
L 'UNIVERS ne répond pis des manuscrits qui lai sont acte es . ...
ANNONCES 1
MM. LAGRANGE, CERF et O, 6, place da la Bourfe .
BULLETIN DU-JOUR
. t '' 1 H ' J
PARIS, 10 AOUT 1893
L'épiscopàt français ne pouvait pas
se désintéresser des luttes électorales
prochaines. Nosseigneurs les évêques
de Saint-Brieuc, Autun, Vannes, ont
invité les fidèles à prier. Et cet appel
sera entendu; Aujourd'hui nous avons
une lettre de Mgr l'archevêque d'Aix.
Si nous descendons de ces hauteurs,
où on nous pousse & la prière et à l'ac
tion plus que jamais nécessaires, nous
retombons au milieu des scandales,des
accusations, des violences qui sont
l'aliment ordinaire des réunions pu-*
bliques et des discussions sur le mé
rite des candidats: Deux de ces candie
dats, plus violemment pris à partie,
font entendre un plaidoyer pro domo.
C'est d'abord M. Andrieux qui, dans
une longue lettre à Y Eclair, affirme
qu'il n ! émargea jamais au budget de
Herz et de Panama, rappelle qu'il
porte le ruban de la Légion d'honneur
et la robe de l'avocat et ajoute qu'il dé
lie les pénalités disciplinaires comme
les condamnations des tribunaux. C'est
ensuite M. Glémenceau qui a prononcé
hier* dans le Var, un discours fort
habile. Lui, l'agent de l'étranger! mais
où sont les millions qu'il a. reçus ? Ses
dettes de jeunesse ne sont pas payées,
il a marié sa fille sans dot ; la Justice
lui coûte très cher ; son tapissier, et
son marchand de meubles sont encore.
ses créanciers 1 II parait que ce ta
bleau de la misère de M. Glémenceau
a ému .les auditeurs de Salernes. On a
la larme moins facile à Paris où
M. Glémenceau n'a jamais paru si
pauvre et eù"on attend encore qu'il
donne dë ces rapports avec Cornélius
Herz une explication plausible.
M. Dupuy avait dit à' MM. Mille-
• voye et Ducret, venant lui montrer les
faux papiers : « Je cherche à faire
comprendre à M. Glémenceau qu'il
doit disparaître. '» De ce propos, le dé
puté du Var ne demande plus compte
au ministre, mais les diverses asso
ciations de journalistes nomment des
délégués pour demander à M. Develle
le nom des journalistes payés par les
gouvernements , étrangers , puisque
M. Develle a dit qu'il y en avait. Ga
geons que M. Develle ne les nommera
pas, ce qui ne prouve pas qu'il n'y en
ait point.
Notre résident général à Madagascar
revient en congé et demande à ne pas
retourner là-bas. Il a pour consigne
« attendre toujours;- patienter tou
jours ». Et comme l'attitude du gou
vernement hovi est de plus'en plus
insoutenable, il ne veut pas de cette
attitude contraire à sa dignité.
Nous avons été énergique au Siam
et nous avons réussi. Notre faiblesse'
nous fera-t-elle perdre Madagascar ?
On écrit d'Italie que la santé de
M* Grispi, quoique un peu améliorée,
ne lui permettra pas de prendre part
aux affaires publiques. Ce n'est pas
nous qui nous en plaindrons et l'Italie
n'y perdra guère.
Nous recevons de notre correspon
dant particulier des lettres intéres
santes sur le congrès ouvrier. de "
Zurich. Nous publions aujourd'hui la
première. •
LE SALAIRE FAMILIAL
VEmancipateur da Cambrai nous a
répondu.
Nou3 finirons par être d'accord.
VEmancipateur est sur un bon che
min. Il admettra, il demandera le sa
laire familial. Déjà> il le reconnaît
j uste, et ne se retranché plus que der
rière Ie3 difficultés pratiques.
« Le-salaire, dit-il, doit être suffi
sant pour subvenir aux besoins, non
seulement de l'ouvrier, mais aussi de
sa famille.. »
Parfait! C'est exactement la thèse
que nous soutenons.
Gomment arriver à l'établir, ce sa
laire suffisant? nous objecte, ensuite
YEmancipaiêur. Il n'en voit guère le
moyen. Ce serait si long, si malaisé,,
qu'il aime mieux renoncer tout» de
suite à la tentative. Et il s'assoit, en
nous posant cette question : De quelle
façon comprenez-vous l'organisation
du salaire familial ?
Puis, sans attendre notre réponse, il
ajoute : Vous voulez que le patron
paie une rémunération plus forte au
père de famille lent et maladroit qu'au
célibataire actif et habile! Ne sentez-
vous point que vous tombez dans une
autre injustice, que vous vous heur
terez à d'insurmontables et continuelles
difficultés? Quant aux conséquences,
elles sent faciles à prévoir : les usines
et fabriques ne recevront plus que des
ouvriers célibataires. Vous aurez
rendu un joli service aux pères de fa
milles et à la société !
Ainsi parle, en substance, YEmanci
paiêur-,il se serait épargné la peine
d'établir tout ce raisonnement qui
porte à faux, s'il avait- été moins
pressé de nous confondre.
Voilà donc, par terre, jonchant le
-sol de ses tristes débris, grâce aux
impétueux efforts du journal de Cam
brai, la thèse de ceux qui demandent,
réglementée selon les besoins des fa
milles, une échelle des salaires, Hé
bien, ce n'est pas çe système-là que
nous soutenons. ." .»*
Le nôtre est celui-ci : nous, deman
dons qu.'on.arxive à. une. organisation
industrielle qui permette de rétribuer
l'ouvrier suffisamment pour qu'il
puisse avoir, s'il le veut, une famiile
et l'élever. S'il lui plaît de rester céli*
bataire, libre à lui. Eu • compensation
des joies et de l'honneur dont il se pri
vera, de la solitude qui l'attend sur la
fin de ses jours, il pourra mener une
vie plus large et se prémunir contre
une vieillesse misérable.
Que l'établissement du salaire fami
lial, ainsi compris, ne soit pas pos
sible , en beaucoup d'endroits, du jour
au lendemain, nous en convenons
tout des premiers. D'autre3 mesures
doivent «y,re prises d'abord. Quand
les efforts du législateur et de la libre
initiative auront discipliné la concur
rence, réglé la production, limité Je
travail, généralisé l'arbitrage et la ju
ridiction professionnelle, la nouvelle
organisation économique se complé
tera graduellement. par l'institution
du salaire familial.
Aujourd'hui, évidemment, certains
patrons ne pourraient le donner sans
ailer-drcût à la ruine. Mais à côté des
patrons qui gagnent peu, _ victimes
d'une concurrence sans frein et d'un
état économique mal équilibré, d 'au
tres; dans la même industrie, réalisent
des fortunes colossales. Donc, en
somme, les industries rapportent,
elles rapportent même largement.
Sans faire disparaître les inégalités,
la nouvelle organisation les dimi
nuerait. Amoindris pour les uns,
augmentés pour les autres, les gains
des patrons seraient mieux répartis
et plus sûrs. L'ouvrier, naturellement,
bénéficierait aussi, de cette situation.
UEmancipateur dira : Que d'obsta
cles à franchir ! — Est-ce une raisan
pour différer toujours de se mettre en
route? Le journal dë Cambrai l'a re
connu lui-même : le droit, c'est le sa
laire familial. Hé bien, il faut! tra
vailler à ce que ce soit aussi le fait.
Léon XIII, notre guide, auquel nous
devons être soumis non seulement de
bouche mais de cœur, nous, exhorte à
marcher dans cette voie. Nous l'avons
démontré, en citant,, de l'Encyclique
Rerum novarum, des passages que les
adversaires obstinés du salaire'fami*
liai n'ont pas eu la loyauté- de repro
duire, et ne reproduiront point. Ces
passages, sommes-nous seuls à les in
terpréter comme nous l'avons fait?
Yeut-.on des autorités que l'on. ne
puisse accuser ni d'ignorance, ni de
parti-pris,, à moins de franchîr les li
mites de l'inconscience et du ridicule ?
M. l'abbé Perriot, le savant philosophe
et théologien dent les remarquables
études sur l'Encyclique, publiées dans
Y Univers il y a deux ans, ont "été
été réunies en brochure (1), s'exprime
ainsi :
« Il ne nous semble pas douteux
« que le Pape, en disant Youvrier sobre
« et honnête, entend l'ouvrier tel qu'il
« se présente concrètement, c'est -à-
« dire avec lés obligations que la na-
« ture lui impose. Or, la nature ap-
« pelle, de règle générale, les ouvriers
« à vivre en famille. Le mariage est
« la condition-commune. Il est néces-
« saire, de règle générale, aux indivi-
« dus et à la société. L'ouvrier, au
« sens commun du mot, l'ouvrier
« normal, si l'on peut s'exprimer
« ainsi, est donc l'ouvrier marié, l'ou.-
« vrier père de famille : c'est lui qu'un
« législateur doit avoir en vue. C'est
« lui qu'a visé Léon XIII. Il suffirait,
« pour être en droit de l'affirmer, de
« rappeler que Léon XIII prend les
« choses au concret et telles qu'elles
« sont. Mais on a, dans l'Encyclique
« elle-même, des indices assez clairs
« qu'il en est ainsi. »
A l'argumentation probante . de
M. l'abbé Perriot, joignons le. témoir
gnage décisif du R. P. Eschbach, l'é-
minent supérieur du séminaire fran
çais à Rome. On prétendait s'appuyer
sur une lettre de lui, datée du 7 mai
1892, et relative à la consultation per
sonnelle du théologien romain,, pour
soutenir que la thèse du salaire fami
lial était condamnée. Or, le P. Esch
bach, « ayant été renseigné en haut
lieu sur le sens exact de ce passage
du document pontifical », écrivant à
M. Arthur Verhaegen, le 28 mai 1892,
lui envoyait comme exacte et pré
cise la formule que voici :
« Nous regardons comme un devoir
« de stricte justice naturelle, pour le
« patron, de payer à l'ouvrier, nor-
« mal, sobre et honnête (e'est-à-dire à
« celui qui exécute honnêtement et
« moyennement bien son travail, et
« qui vit sobrement comme il con-
« vient à un pauvre,-obligé de man
« ger son pain à la sueur de son front),
« — pour autant que la situation de
« l'industrie le permette,— un salaire
« minimum suffisant pour pourvoir
« aux frais d'entretien dudit ouvrier
« et, s'il est en âge d'être marié, d'un
« ménage ordinaire, ces frais compre-
« nant, outre la nourriture, le vête-
« ment etje logement, les petites dé
penses indispensables de maladie et
« celles de l'instruction élémentaire
« des enfants. »
Cette lettre fut publiée dans nombre
de journaux, notamment dans Y Uni'
vers. Vous croyez que les adversaires
du salaire familial ont cessé, pour si
(1) Chez Retaux et fils, éditeurs.
peu, d'invoquer contre lui la lettre du
7 mai? Allons donc ! Vous les connais
sez bien mal. Il aurait fallu qu'ils
fussent-de bonne foi et sincèrement
désireux de suivre les enseignements
du Saint-Père !
•P ierre V euillot.
M. de Gassagnac continue de révé*-
ler le fond de son cœur et de son es
prit.
» Il a prononcé l'autre jour un dis»-
cours, dans le Gers, au milieu d'une
réunion électorale, à Marciac.
Vo^ci un passage du discours qui
fera juger à quels sentiments M. de
Gassagnac sai| faire appel. Il parle
ainsi de M. Laudet, son concurrent
catholique:
Cet homme ne se confesse si souvent et ne
communie tous les jours , que paroe qu'il
méat tous les Jours el a tous les jours be
soin de l'absolution de ses infamies. (Rires
prolongés.)
Gomme Laudet a menti, dis-je, moi, qui
ne connaît point le mensonge, qui ne l'ai
jamais connu, je viens affirmer à mo,a tour..,.
(Mouvement d'attention.)
Père adorant mes ,enfants, je jure sur
leur tête ;
Catholique ooavairiou, je jure sur l'Evan
gile ;
Je jure qué Laudet est venu au Couloumé
me demander l'investiture de la candida
ture oonservatrioe et impérialiste dans le
canton de Marciao. (Emotion profonde.) ' f
Je jure que, s'il est allé au parti républi
cain, çe n'est que parce que le parti conser
vateur n'a pas voulu satisfaire son avidité
et sou ambition.
Ainsi M. de Gassagnac ne craint
pas de railler les pratiques religieuses
et de diriger sur elles la risée publique.
Il montre, lorsque son importance est
menacée, qu'il est capable de tout pour la
défendre, même de recourir aux gros
sièretés des libres-penseurs.
Nous, devons attirer"l'attention de
nos léôteurs du , VI* arrondissement
de Paris sur les déclarations faites par
M. Defert, adversaire de M. Deviile.
Mardi, dans une réunion, M. Defert
s'est déclaré partisan des lois scolaires,
et militaire. 1 Au sujet dés hôpitaux,
d'ailleurs, dont on n'a pas parlé ce
jour-là, le maire de Saint-Sulpice est
également de l'opinion dé nos enne
mis.
Il faut signaler ces faits dont ne se
doutent pas les personnes qui louent
la modération d'allures par lesquelles
M. Defert s'était distingué. En dépit
de cette modération extérieure, M. De
fert est le candidat de tout le parti
maçonnique. C'est pourquoi les nom
mes qui veulent vraiment la liberté
religieuse, doivent voter pour M. De
viile, l'éloquent et fidèle défenseur de
nos droits au conseil municipal et si
digue ide les défendre à la Chambre.
A QUI SERA L'AVENIR?
Encore un adversaire passionné qui
est contraint de rendre hommage à la
merveilleuse vitalité de l'Eglise. Eu
pleine réunion électorale, occupé à se
débattre contre une foule d'accusa
tions et à tracer un programme de ré
formes sociales, M. Glémenceau a dû
reconnaître que la puissance reli
gieuse, dont il avait cru plus d'une
fois célébrer les funérailles, est encore
assurée de demeurer très longtemps
debout.
Le « Pape voit » de loin! s'est écrié
M. Glémenceau. Devant une foule qui
n'avait entendu parler de l'Eglise que
comme d'une institution en ruines, et
à laquelle lui-même a souvent expri
mé cette espérance trompeuse, l'ar
dent libre-penseur a montré le monde
futur- divisé en deuxrégions,dont l'une
appartiendra tout entière à l'Eglise !
« Ce qui est vivant, très vivant encore
« et très puissant, c'est Eglise catho-
« lique, la plus grande force politique
« organisée qui soit ».
Ce mot « force politique » doit être
employé dans le sens le plus^ large et
le plus élevé. Telle est bien la pensée :
de M. Glémenceau. Il ne s'agit pas
d'une combinaison intéressant une ca
tégorie d'individus pubien une nation,
ni même proportionnée à une de ces
périodes qui absorbent l'existence d'un
gouvernement et d'un parti. .Non,, le
mouvement que M. Glémenceau est
obligé de constater contient les ten
dances de tous les peuples et s'harmo
nise avec la marche de. l'humanité
entière. Un monde ytouveau est en
formation ; et l'Eglise, qui joue déjà
dans cet événement un rôle si consi
dérable, est, assurée d'une influence
qui renaît, qui va s'étendre.
Peu importe que M. Glémenceau
s'applique ensuite à rabaisser la puis-.
sance qu'il est obligé de saluer et à
laquelle il abandonne, par nécessité,
une si. grande part d'action. Nous ne
pouvons demander à ce libre-pen
seur de ■ voir juste en tout 'ce qui
nous concerne. C'est beaucoup qu'il
s'incline devant le fait dont il est ir-,
rite et encore plus surpris. Quoi!
depuis quinze ans, tant d'efforts dé
pensés,- tant de périls affrontés, tant
de triomphes savourés d'avance ; et
voici que rien n'est fait et que l'E
glise apparaît plus forte qu'avant
- le combat qui semblait ne devoir être
qu'une simple exécution, comme les
préparatifs d'un enterrement! Forte
et résistante, sans autre symptôme,
ce serait déjà un phénomène assez
déeevant. Les libre-penseurs s'y rési
gneraient. Ils diraient qu'ils se sont
tçpp pressés et que la victoire finale
est assurée à leurs successeurs. Mais
l'Eglise rajeunie,entrée fièrement dans
la voie.de l'avenir, et devançant, par
son activité prévoyante et entendue,
l'ardeur des théoriciens qui avaient jeté,
leur dévolu sur le monde futur,.c'est
un prodige. M. Glémenceau. en aie sen--
timent. La foule au milieu.de laquelle
l'orateur radical. a formulé cet aveu
'aura-t-elle retenu autre chose? Les
'spectateurs étaient venus pour en^
tendre un homme politique important
répondre à des attaques terribles, jus
tifier sa vie publique et sa vie privée.
"Suivant son habitude,M.Glémenceau a
montré une énergie supérieure. Il paraît
même avoir été habile. Mais les his
toires de Cornélius Herz terminées de
n'importe quelle manière, quelle idée
restera dans ces esprits? Celle d'une
force immense qu'ils ignoraient et
avec laquelle tous doivent compter.
Ainsi le, même événement a eu lieu
depuis Julien jusqu'à Henri IV d'Alle
magne, jusqu'à Napoléon, jusqu'aux
Ferry et aux Glémenceau. Quinze ans 1
Le Christ livre cet espace de temps à
ses ennemis et les laisse ensuite à
l'oubli où ils tombent stupéfaits.
S'il s'était plus tôt mis en quête dès
questions sérieuse^ au lieu de s'amuser
à renverser des ministères, s'il avait
regardé au delà de ce Parlement où
sans doute il n'aura plus de rôle à
jouer, M. Glémenceau aurait noté
bien d'autres symptômes étonnants.
Il aurait remarqué de singulières ana
logies entre les revendications des
travailleurs, même athées, avec l'en
seignement de l'Eglise. Il aurait pu
observer que notre doctrine est assez
large et assez profonde pour embras
ser tous les détails de la justice entre
les individus- et entre les sociétés. La
science, elle aussi, aura son tour, car
l'esprit humain réclame une solution
qui n'est dans aucun système inventé
par les hommes. Le seuikde l'ère, nou
velle est franchi. Léon XIII a conduit
l'Eglise dans des régions où, pour
longtemps, elle est, même au regard
des incrédules,.assurée de semer faci
lement et de récolter avec abon
dance. Nous avon3 le témoignage dé
nos enjjqnjis.
E ugène T àvernier.
•< V
I m DE CONSCIENCE ÉLECTORAL
Sous le titre qu'on vient de lire, notre
éminent collaborateur, M. le marquis de
Ségur, nous adresse sur la situation électo
rale dans le septième arrondissement de
Paris, les observations suivantes, :
Si les électeurs de la circonscription
à laquelle j'appartiens, n'avaient à
choisir qu'entre M. Andrieux et ses
concurrents de la gauche, les citoyens
Frébault et Torin, le choix des con
servateurs catholiques ne serait pas
douteux.
Seul, parmi les auteurs ou les exé
cuteurs de3 décrets contre les congré
gations, M. Andrieux a exprimé quel
que regret de sa participation à cet
acte de violence sacrilège et d'ini
quité ; et bien qu'il n'ait formulé cet
aveu que du bout des lèvres, bien qu'il
n'ait fait son mea culpa que du bout
des doigts, bien que sa confession ait
manqué de deux conditions essen
tielles, la contrition, humble ei pro
fonde, et le ferme propos de réparer.,
dans la mesure possible, le mal ac
compli,— l'hésitation entre lui et ces
deux concurrents ne serait pas per
mise. G'est une règle très sage, en ma
tière électorale, qu'à défaut du bien,
il faut choisir le moindre maL
■ Mais qu'un catholique puisse hési
ter entre M. Andrieux. et M. Lerolle,
le quatrième candidat de la circons
cription, cela ne me semble ni vrai
semblable, ni excusable.
Quand même l'ancien préfet de po
lice de M. Jules Ferry serait un con
verti de toutes pièces, un enfant pro
digue de la politique et de la religion
rentré au bercail, c'est au fils aîné, à
celui qui n'a jamais déserté la maison
paternelle, que le père de famille ré
serve la primauté : « Mon fils, vous le
savez, tout ce qui est à moi est à
vous. » On accueille le prodigue à
bras ouverts*on l'embrasse; on le lave,
on l'habille, on lui fait fête sur toute
la ligne, mais on ne lui livre pas la
maison.
M. Andrieux a beaucoup d'esprit :
je ne sache pas qpe M. Lerolle en soit
dépourvu.
M. Andrieux parle bien, il est ha
bile, incisif, redoutable à ses ennemis
ou- à ses anciens amis (ils ne font
qu'un) par les choses qu'il dit et par
çelles qu'il ne dit pas. M. Lerolle, lui,
à la grande éloquence populaire, celle
qui vient du cœur et qui gagne les
cœurs.
: M. Andrieux est personnellement
peu connu dans le quartier qu'il as-
pire à représenter j M. Lerolle y a
passé sa vie, et tous ses électeurs mu
nicipaux, les pauvres et les ouvriers
en tête, lé connaissent par ses bien
faits, par son aimable accueil, par
cette charité chrétienne qui donne et
se donne à tous et qui fait de cet
homme de bien le serviteur de tout ce
qui est petit, opprimé ou souffrant au
tour de lui. -
On dit pourtant que certains dilet-
tanti du inonde, il y en a en politique
comme en tout, verraient avec bonheur'
M. Andrieux arriver à la Chambre. Il
est dilettante lui-même, il; fait de l'art
pour l'art et il est de ceux dont on dit
en se frottant les mains, quand ils
doivent monter à la tribune : « Il
parle demain, la séance sera bonne ! »
J 'ai entendu, il y a quelques mois,
un bon gentleman catholique dire au
premier bruit de la candidature de
M. Andrieux : « N'était M. Lerolle,
je voterais vivement pour Andrieux.
Gomme il les -embêterait ! » Les, c'é
taient les opportunistes, les radicaux;,
les panamistes, toute la grenouillère
de la majorité républicainô.
En effet, M. Andrieux s'entend
mieux que personne à embêter les
gens, c'est-à-dire à les amuser, car
l'embêtement des uns est le grand
amusemënt des autres, et je com
prends, à ce point de vue, le senti
ment de mon spirituel et léger ami.
Si donc M. Andrieux arrivait à se faire
élire quelque part, pourvu que ce ne
soit pas chez nous, j'avoue que je
battrais des mains.
Mais, pour dire toute ma pensée, ce
ne serait pas sans un arrière fond
d'inquiétude, car avec ces grands ar
tistes de la presse et de la tribune, si-
on est sûr ae ne pas s'ennuyer, on ^te
sait jamais bien aux dépens de qui on
rira. M. Andrieux les embêtera, c'est
certain ; mais j ? ai idée que, s'il
compte des électeurs catholiques ,
ceux-là pourraient bien, à un moment
donné, faire partie des embêtés.
Je ne puis penser, à cet homme d'in
finiment d'esprit, mais de doctrine
peu sûre, sans voir se dresser devant
moi l'X de sa fameuse list# fc des
104 panamistes. L'X, c'est le mys
tère, et le programma politique, de
M. Andrieux me paraît, participer
de ce caractère énigm'atique. .
M. Andrieux, député, voterait-?il
pour la; vraie liberté d'association ,
s'étendant à tous, y compris l'Eglise
et les congrégations religieuses? — x
Voterait-il pour la'liberté d'ensei
gnement, laïque ou congréganiste à
tous les degrés ? — x. .
Voterait-il pour la réforme de la loi
militaire, au point de vue du clergé?
— x. - ■ •
. Voterait-il pour la réintégration des
sœurs dans les hôpitaux, hospices,
maisons de secours, et du curé dans
les 'conseils de fabrique? —r y.
Je n'affirme pas qu'il voterait con
tre tout ou partie de ces mesurés si
nécessaires à l'apaisement et au relè
vement du pays. J'incline même à
penser que, le cas échéant, il ne s'y
opposerait point.
Mais je n'en suis; pas sûr, pas sûr
du tout, et c'est parce que je n'en suis
pas sûr que je conclus ces trop -longs
considérants par un dispositif qui adu
moins le mérite de la netteté : Il n'est
pas permis à un catholique sérieux de
donner sa voix à M. Andrieux, alors
qu'il peut la donner à un candidat
comme M. Lerolle
„ A. DE SËGUR.
Voilà qui est aussi juste que bien dit.
Nous n'ajouterons qu'un mot : en oas de
ballottage pour empêcher le candidat radi-
o&l ou opportuniste de passer entre M. Le^-
rolle et M. Andrieux, celui des deux qui
aurait eu le moins de voix au premier tour
de scrutin, devrait, sous la réserve des inci
dents qui pourraient se produire, se retirer
devant l'autre.
LE DEVOIR ÉLECTORAL
Sous ce titre, Mgr l'archevêque
d'Aix adresse à un de ses amis la let
tre suivante qu'il daigne nous com
muniquer: '
Mon cher ami,
. Vous me demandez moii sentiment sur
les prochaines élections : je vais vous , la
donner avec une entière franchise.
Le moment est venu, en effet, de mettre,
en pratique ma leçon.éleotorale ; elle se ré
sume en oes termes,vous ne l'avez point ou
blié : C'est un devoir de voter', c'est tin péché
de mal voter ; nous devons voter pour des
candidats honnêtes, consciencieux et ca
pables.
Quoi de plus raisonnable et de plus chré
tien? N'est-il pas absolument nécessaire de
donner à la France des serviteurs , en , qui
se retrouvent au moins les qualités, que
nous exigeons à bon droit des personnes
employées à notre service.
Ces trois mots sont l'abrégé des Encycli
ques du Souverain Pontife et en particulier
de celle du 16 février i892, aux évôques et
aux catholiques français ; elle a été si mal
interprétée !
Dans: cette lettre, le Saint-Père nous
presse d'aocepter, sans restriction, le gou
vernement de la République qui est le
gouvernement légal ; mais il ne nous dé
mande pas d'accepter, et encore moins
d'aimer, la République actuelle ; le Pape ne
pouvait avoir cette pensée : cette Républi
que-là, plus d'une fois il l'a flétrie comme
sectaire, persécutrice, spoliatrice; mieux
que qui que ce soit, le Pape sait que nous
ne sommes pas en République, mais en
franc-maçonnerie. C'est dono comme s'il
nous disait : Français, vous ressemblez à
un propriétaire dont la maison est dévalisée
par les voleurs; et qui discute avec ses
serviteurs, ses amis, ses voisins, pour
savoir par quels moyens et par quelle
fenêtre il fera sauter la bande dans la rue.
Léon XIII oôndamne les lois qui sont
mauvaises et qu'il faut réformer, mais il
admet le prinoipe du pouvoir républicain,
lequel peut être bon, pourvu qu'il soit entre
des mains honnêtes, consciencieuses et
capables ; il nous laisse la liberté de nos
préférences politiques ; o'est renseigne
ment de l'Eglise catholique dans tous les
siècles. L'Eglise, vous le savez, n'a jamais
imposé à ses enfants de brûler un drapeau
pour en arborer un autre. Il s'agit ici d'une
question de salut social. Le Pape n'a pas
d'autre pensée ; or, le Pape est mon'doc
teur, je l'écoute. Je ne , suis ni un rallié, ai
un non rallié ; je suis raisonnable, catholi
que et Français, et, ce faisant, je remplis
un devoir de ma charge.
Faites dono de bonnes élections : choi
sissez bien, éolairez-vous, renseignez-vous
auprès des plus probes et desj>lus compé
tents, la chose en vaut la peine ; votre
conscience est engagée ; défiez-vous des
programmés et des promisses; ne voteï
que pour des candidats bien oonnus, de
votre région, qui. auront les mêmes intérêts-
que vous : le Midi aux Méridionaux !
Votei pour des oandidats honnêtes et
çonsoiencieux : ceuxrlà ne vous tromperont
pas, vous ne les trouverez jamais dans les
brigandages du Panama et autres opérations
financières de même probité.
Ces dures leçons doivent vous suffire:
la petite épargne 4 perdu des milliards dans
oes indignes, flibusteries. Je. ne veux pas
chercher les responsabilités, je, ne, m'oa-
oupe pas des personnes. Le fait certain,'
o'est que les pièces d'or et les billets de
banque n'ont été ni fondues ni- brûlés ; .ils
sont, quelque part, maiapaa daçs la boùrM
des pauvres diables, qui ne. les, reverroat
jamais.
Je donné à ma lettre la valeur d'une péti
tion adressée a nos futurs députés, et cette
pétition la voici : elle est simple ; nul, je
crois, n'en contestera la justice ni la jus
tesse. Nous voulons la paix, nous avons
besoin de la paix ; mais nous la voulons
dans l'honneur, dans la liberté, dans le res
pect de"tous nos droits, que nous glorifions
par l'aooomplissement fidèle de, tous nos
devoirs.
Entre autres revendications, nous, de
mandons la refonte de la loi scolaire : elle
est injuste, de l'aveu même de plus d'un de
ses partisans. Elle divise, en deux oamps les
enfants de la France : aux uns, elle donne
tout ; aux autres, rien. Nous sommes obli
gés de payer deux fois, et pour les éooles
que notre conscienoe n'approuve pas,, et
pour nos éooles catholiques libres, qui ont
les mêmes droits, puisqu'elles sont fran
çaises et qu'elles se distinguent par le nom
bre et le succès de leurs élèves :
Nous ne sommes pas une quantité négli
geable.
Nous demandons le retrait de la loi mili
taire, qui envoie nos séminaristes et nos
prêtres à la caserne elle n'est pas juste;
elle est contraire au Concordat, qui assure
la liberté du oulte catholique en France.
Notre culte n'est pas libre : nous avons des
prêtres pour le servioe des paroisses, mais
vous nous les prenez ; les malades reste
ront'sans secours religieux; les pauvres,
sans assistance ; les enfants, sans caté
chisme; les dimanches, sans offioe; et ce
ne sont pas là les plus grands inconvénients:
Mgr Trjégaro.évêque de Séez, vient de le
démontrer dans sa magnifique lettre à ses
prêtres, appelée à faire leurs vingt-huit
jours : le service des autels est incompatible
avec le servioe militaire. .
Est-ce que jamais nous avons refusé de
recueillir les mourants et les blessés sur les
champs de bataille, de les soigaer dans les
ambulanoes et dans les hôpitaux ?
Qu'on se rappelle l'Année terrible : nous
avions vingt aumôaiers à offrir pour un
qu'on nous demandait.
Non, non ! on ne doute pas de >notre-dé-
.vouement, on le redoute. On nous fait la
guerre non paroe que nous faisons mal,
mais paroe que nous faisons trop bien. Et
nous, dans le fond de notre conscienoe,
nous trouvons que nous, no faisons jamais
assez bien, et voilà pourquoi, chaque soir
et chaque matin, nous faisons notre med
culpa au profit des œuvres de demain.
Nous demandons à nos futurs députés de
s'ooeuper loyalement et en toute justice, de
-la question ouvrière.
Les ouvriers savent bien- que'nous som
mes aveo eux, et par droit de ; naissance et
par devoir de vocation. Nous sommes
presque tous de leur sang, de leur rang, de
leur condition ; prêtres et religieux, frères
et soeurs, sa reorutent en immease majorité
dans la olasse des travailleurs. Quand leur
sort sera amélioré, nous et les nôtres nous
en profiterons. Qui peut nous aoouser d'être
infidèles à notre vocation qui est d'évangé-
liser les pauvres, de les aimer et de les as-<
sis ter? Si vous ne voulez pas oroire à nos
paroles, croyez à nos œuvres qui oouvrent
la France, et sont sa gloire exceptionnelle,
enviée de toutes les nations. La religion 0&1
tholique a fait la France, elle est plus fran
çaise que nous tous.
Nous demandons à nos futurs députés de
diminuer les impôts et de fermer enfin le
gouffre toujours béant des emprunts et des
déficits énormes de chaque année, maigri
un budget de quatre milliards.
Savez-vous quelle est la fortune totale de
la France ? Elle est estimée à 220 milliards*
Savez-vous quelle est la dette totale de la
France T Elle est de 40 milliards, o'est -à -dire
le cinquième de toute sa fortune.
.- Mais cette dette, o'est la vôtre, c'est la ;
mienne : c'est nous qui avons emprunté par
nos mandataires : elle est hypothéquée sur
tout notre avoir. Un jour il faudra régler "
les comptes. "
Vous croyez, mes ohers amis, que vous
avez une valenr de oinq mille francs sur
votre maisonnette et votre petit champ,
erreur : Vous n'en avez qu& quatre, vous
devez mille francs. Vous croyez avoir cinq -
brebis : erreur, vous n'en avez que quatre,
vous en devez une. Vous devez le cin
quième de vos rentes, de votre travail, de
votre journée, du vêtement qui vous cou
vre, du morceau de pain que vous man
gez, et du verre d'eau que vo,us buvez. La
démonstration est irréfutable. Je vous la
fais toucher du doigt. Nous demandons que
oette situation cesse. Vos oandidats vous
le promettront, forcez-les de tenir parole,
et pour cela, choisissez bien. . .
Si j'étais chargé de rédiger la proclama
tion d'un oandidat à la suprême magistra
ture de la France, ce serait vite fait- Je lui
dirais : écrivez au peuple Français :
Français, mon gouvernement sera honnête,
consciencieux et capable.: voilà ma charte
qui deviendra une vérité ' .
, Ces deux lignes enlèveraient notre noble!
nation qui a soif d'honnêteté et de con«-
cience et qui n'est jamais dépourvue de c&-
N* 9224 — édition quotidienne
Vendredi 11 Août 1893
ÉDITIO N' QUOT IDIENNE
PARIS ÉTRANGE]?-
' ET DÉPARTEMENTS (UMION POSTALE)
Un an . ..... 40 » 51 »
■ Six mots ..... 21 d 26 50
Trois mois. . . . 11 # 14 »
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UN NUMERO ( D éparte ments ... 16 -
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ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
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L 'UNIVERS ne répond pis des manuscrits qui lai sont acte es . ...
ANNONCES 1
MM. LAGRANGE, CERF et O, 6, place da la Bourfe .
BULLETIN DU-JOUR
. t '' 1 H ' J
PARIS, 10 AOUT 1893
L'épiscopàt français ne pouvait pas
se désintéresser des luttes électorales
prochaines. Nosseigneurs les évêques
de Saint-Brieuc, Autun, Vannes, ont
invité les fidèles à prier. Et cet appel
sera entendu; Aujourd'hui nous avons
une lettre de Mgr l'archevêque d'Aix.
Si nous descendons de ces hauteurs,
où on nous pousse & la prière et à l'ac
tion plus que jamais nécessaires, nous
retombons au milieu des scandales,des
accusations, des violences qui sont
l'aliment ordinaire des réunions pu-*
bliques et des discussions sur le mé
rite des candidats: Deux de ces candie
dats, plus violemment pris à partie,
font entendre un plaidoyer pro domo.
C'est d'abord M. Andrieux qui, dans
une longue lettre à Y Eclair, affirme
qu'il n ! émargea jamais au budget de
Herz et de Panama, rappelle qu'il
porte le ruban de la Légion d'honneur
et la robe de l'avocat et ajoute qu'il dé
lie les pénalités disciplinaires comme
les condamnations des tribunaux. C'est
ensuite M. Glémenceau qui a prononcé
hier* dans le Var, un discours fort
habile. Lui, l'agent de l'étranger! mais
où sont les millions qu'il a. reçus ? Ses
dettes de jeunesse ne sont pas payées,
il a marié sa fille sans dot ; la Justice
lui coûte très cher ; son tapissier, et
son marchand de meubles sont encore.
ses créanciers 1 II parait que ce ta
bleau de la misère de M. Glémenceau
a ému .les auditeurs de Salernes. On a
la larme moins facile à Paris où
M. Glémenceau n'a jamais paru si
pauvre et eù"on attend encore qu'il
donne dë ces rapports avec Cornélius
Herz une explication plausible.
M. Dupuy avait dit à' MM. Mille-
• voye et Ducret, venant lui montrer les
faux papiers : « Je cherche à faire
comprendre à M. Glémenceau qu'il
doit disparaître. '» De ce propos, le dé
puté du Var ne demande plus compte
au ministre, mais les diverses asso
ciations de journalistes nomment des
délégués pour demander à M. Develle
le nom des journalistes payés par les
gouvernements , étrangers , puisque
M. Develle a dit qu'il y en avait. Ga
geons que M. Develle ne les nommera
pas, ce qui ne prouve pas qu'il n'y en
ait point.
Notre résident général à Madagascar
revient en congé et demande à ne pas
retourner là-bas. Il a pour consigne
« attendre toujours;- patienter tou
jours ». Et comme l'attitude du gou
vernement hovi est de plus'en plus
insoutenable, il ne veut pas de cette
attitude contraire à sa dignité.
Nous avons été énergique au Siam
et nous avons réussi. Notre faiblesse'
nous fera-t-elle perdre Madagascar ?
On écrit d'Italie que la santé de
M* Grispi, quoique un peu améliorée,
ne lui permettra pas de prendre part
aux affaires publiques. Ce n'est pas
nous qui nous en plaindrons et l'Italie
n'y perdra guère.
Nous recevons de notre correspon
dant particulier des lettres intéres
santes sur le congrès ouvrier. de "
Zurich. Nous publions aujourd'hui la
première. •
LE SALAIRE FAMILIAL
VEmancipateur da Cambrai nous a
répondu.
Nou3 finirons par être d'accord.
VEmancipateur est sur un bon che
min. Il admettra, il demandera le sa
laire familial. Déjà> il le reconnaît
j uste, et ne se retranché plus que der
rière Ie3 difficultés pratiques.
« Le-salaire, dit-il, doit être suffi
sant pour subvenir aux besoins, non
seulement de l'ouvrier, mais aussi de
sa famille.. »
Parfait! C'est exactement la thèse
que nous soutenons.
Gomment arriver à l'établir, ce sa
laire suffisant? nous objecte, ensuite
YEmancipaiêur. Il n'en voit guère le
moyen. Ce serait si long, si malaisé,,
qu'il aime mieux renoncer tout» de
suite à la tentative. Et il s'assoit, en
nous posant cette question : De quelle
façon comprenez-vous l'organisation
du salaire familial ?
Puis, sans attendre notre réponse, il
ajoute : Vous voulez que le patron
paie une rémunération plus forte au
père de famille lent et maladroit qu'au
célibataire actif et habile! Ne sentez-
vous point que vous tombez dans une
autre injustice, que vous vous heur
terez à d'insurmontables et continuelles
difficultés? Quant aux conséquences,
elles sent faciles à prévoir : les usines
et fabriques ne recevront plus que des
ouvriers célibataires. Vous aurez
rendu un joli service aux pères de fa
milles et à la société !
Ainsi parle, en substance, YEmanci
paiêur-,il se serait épargné la peine
d'établir tout ce raisonnement qui
porte à faux, s'il avait- été moins
pressé de nous confondre.
Voilà donc, par terre, jonchant le
-sol de ses tristes débris, grâce aux
impétueux efforts du journal de Cam
brai, la thèse de ceux qui demandent,
réglementée selon les besoins des fa
milles, une échelle des salaires, Hé
bien, ce n'est pas çe système-là que
nous soutenons. ." .»*
Le nôtre est celui-ci : nous, deman
dons qu.'on.arxive à. une. organisation
industrielle qui permette de rétribuer
l'ouvrier suffisamment pour qu'il
puisse avoir, s'il le veut, une famiile
et l'élever. S'il lui plaît de rester céli*
bataire, libre à lui. Eu • compensation
des joies et de l'honneur dont il se pri
vera, de la solitude qui l'attend sur la
fin de ses jours, il pourra mener une
vie plus large et se prémunir contre
une vieillesse misérable.
Que l'établissement du salaire fami
lial, ainsi compris, ne soit pas pos
sible , en beaucoup d'endroits, du jour
au lendemain, nous en convenons
tout des premiers. D'autre3 mesures
doivent «y,re prises d'abord. Quand
les efforts du législateur et de la libre
initiative auront discipliné la concur
rence, réglé la production, limité Je
travail, généralisé l'arbitrage et la ju
ridiction professionnelle, la nouvelle
organisation économique se complé
tera graduellement. par l'institution
du salaire familial.
Aujourd'hui, évidemment, certains
patrons ne pourraient le donner sans
ailer-drcût à la ruine. Mais à côté des
patrons qui gagnent peu, _ victimes
d'une concurrence sans frein et d'un
état économique mal équilibré, d 'au
tres; dans la même industrie, réalisent
des fortunes colossales. Donc, en
somme, les industries rapportent,
elles rapportent même largement.
Sans faire disparaître les inégalités,
la nouvelle organisation les dimi
nuerait. Amoindris pour les uns,
augmentés pour les autres, les gains
des patrons seraient mieux répartis
et plus sûrs. L'ouvrier, naturellement,
bénéficierait aussi, de cette situation.
UEmancipateur dira : Que d'obsta
cles à franchir ! — Est-ce une raisan
pour différer toujours de se mettre en
route? Le journal dë Cambrai l'a re
connu lui-même : le droit, c'est le sa
laire familial. Hé bien, il faut! tra
vailler à ce que ce soit aussi le fait.
Léon XIII, notre guide, auquel nous
devons être soumis non seulement de
bouche mais de cœur, nous, exhorte à
marcher dans cette voie. Nous l'avons
démontré, en citant,, de l'Encyclique
Rerum novarum, des passages que les
adversaires obstinés du salaire'fami*
liai n'ont pas eu la loyauté- de repro
duire, et ne reproduiront point. Ces
passages, sommes-nous seuls à les in
terpréter comme nous l'avons fait?
Yeut-.on des autorités que l'on. ne
puisse accuser ni d'ignorance, ni de
parti-pris,, à moins de franchîr les li
mites de l'inconscience et du ridicule ?
M. l'abbé Perriot, le savant philosophe
et théologien dent les remarquables
études sur l'Encyclique, publiées dans
Y Univers il y a deux ans, ont "été
été réunies en brochure (1), s'exprime
ainsi :
« Il ne nous semble pas douteux
« que le Pape, en disant Youvrier sobre
« et honnête, entend l'ouvrier tel qu'il
« se présente concrètement, c'est -à-
« dire avec lés obligations que la na-
« ture lui impose. Or, la nature ap-
« pelle, de règle générale, les ouvriers
« à vivre en famille. Le mariage est
« la condition-commune. Il est néces-
« saire, de règle générale, aux indivi-
« dus et à la société. L'ouvrier, au
« sens commun du mot, l'ouvrier
« normal, si l'on peut s'exprimer
« ainsi, est donc l'ouvrier marié, l'ou.-
« vrier père de famille : c'est lui qu'un
« législateur doit avoir en vue. C'est
« lui qu'a visé Léon XIII. Il suffirait,
« pour être en droit de l'affirmer, de
« rappeler que Léon XIII prend les
« choses au concret et telles qu'elles
« sont. Mais on a, dans l'Encyclique
« elle-même, des indices assez clairs
« qu'il en est ainsi. »
A l'argumentation probante . de
M. l'abbé Perriot, joignons le. témoir
gnage décisif du R. P. Eschbach, l'é-
minent supérieur du séminaire fran
çais à Rome. On prétendait s'appuyer
sur une lettre de lui, datée du 7 mai
1892, et relative à la consultation per
sonnelle du théologien romain,, pour
soutenir que la thèse du salaire fami
lial était condamnée. Or, le P. Esch
bach, « ayant été renseigné en haut
lieu sur le sens exact de ce passage
du document pontifical », écrivant à
M. Arthur Verhaegen, le 28 mai 1892,
lui envoyait comme exacte et pré
cise la formule que voici :
« Nous regardons comme un devoir
« de stricte justice naturelle, pour le
« patron, de payer à l'ouvrier, nor-
« mal, sobre et honnête (e'est-à-dire à
« celui qui exécute honnêtement et
« moyennement bien son travail, et
« qui vit sobrement comme il con-
« vient à un pauvre,-obligé de man
« ger son pain à la sueur de son front),
« — pour autant que la situation de
« l'industrie le permette,— un salaire
« minimum suffisant pour pourvoir
« aux frais d'entretien dudit ouvrier
« et, s'il est en âge d'être marié, d'un
« ménage ordinaire, ces frais compre-
« nant, outre la nourriture, le vête-
« ment etje logement, les petites dé
penses indispensables de maladie et
« celles de l'instruction élémentaire
« des enfants. »
Cette lettre fut publiée dans nombre
de journaux, notamment dans Y Uni'
vers. Vous croyez que les adversaires
du salaire familial ont cessé, pour si
(1) Chez Retaux et fils, éditeurs.
peu, d'invoquer contre lui la lettre du
7 mai? Allons donc ! Vous les connais
sez bien mal. Il aurait fallu qu'ils
fussent-de bonne foi et sincèrement
désireux de suivre les enseignements
du Saint-Père !
•P ierre V euillot.
M. de Gassagnac continue de révé*-
ler le fond de son cœur et de son es
prit.
» Il a prononcé l'autre jour un dis»-
cours, dans le Gers, au milieu d'une
réunion électorale, à Marciac.
Vo^ci un passage du discours qui
fera juger à quels sentiments M. de
Gassagnac sai| faire appel. Il parle
ainsi de M. Laudet, son concurrent
catholique:
Cet homme ne se confesse si souvent et ne
communie tous les jours , que paroe qu'il
méat tous les Jours el a tous les jours be
soin de l'absolution de ses infamies. (Rires
prolongés.)
Gomme Laudet a menti, dis-je, moi, qui
ne connaît point le mensonge, qui ne l'ai
jamais connu, je viens affirmer à mo,a tour..,.
(Mouvement d'attention.)
Père adorant mes ,enfants, je jure sur
leur tête ;
Catholique ooavairiou, je jure sur l'Evan
gile ;
Je jure qué Laudet est venu au Couloumé
me demander l'investiture de la candida
ture oonservatrioe et impérialiste dans le
canton de Marciao. (Emotion profonde.) ' f
Je jure que, s'il est allé au parti républi
cain, çe n'est que parce que le parti conser
vateur n'a pas voulu satisfaire son avidité
et sou ambition.
Ainsi M. de Gassagnac ne craint
pas de railler les pratiques religieuses
et de diriger sur elles la risée publique.
Il montre, lorsque son importance est
menacée, qu'il est capable de tout pour la
défendre, même de recourir aux gros
sièretés des libres-penseurs.
Nous, devons attirer"l'attention de
nos léôteurs du , VI* arrondissement
de Paris sur les déclarations faites par
M. Defert, adversaire de M. Deviile.
Mardi, dans une réunion, M. Defert
s'est déclaré partisan des lois scolaires,
et militaire. 1 Au sujet dés hôpitaux,
d'ailleurs, dont on n'a pas parlé ce
jour-là, le maire de Saint-Sulpice est
également de l'opinion dé nos enne
mis.
Il faut signaler ces faits dont ne se
doutent pas les personnes qui louent
la modération d'allures par lesquelles
M. Defert s'était distingué. En dépit
de cette modération extérieure, M. De
fert est le candidat de tout le parti
maçonnique. C'est pourquoi les nom
mes qui veulent vraiment la liberté
religieuse, doivent voter pour M. De
viile, l'éloquent et fidèle défenseur de
nos droits au conseil municipal et si
digue ide les défendre à la Chambre.
A QUI SERA L'AVENIR?
Encore un adversaire passionné qui
est contraint de rendre hommage à la
merveilleuse vitalité de l'Eglise. Eu
pleine réunion électorale, occupé à se
débattre contre une foule d'accusa
tions et à tracer un programme de ré
formes sociales, M. Glémenceau a dû
reconnaître que la puissance reli
gieuse, dont il avait cru plus d'une
fois célébrer les funérailles, est encore
assurée de demeurer très longtemps
debout.
Le « Pape voit » de loin! s'est écrié
M. Glémenceau. Devant une foule qui
n'avait entendu parler de l'Eglise que
comme d'une institution en ruines, et
à laquelle lui-même a souvent expri
mé cette espérance trompeuse, l'ar
dent libre-penseur a montré le monde
futur- divisé en deuxrégions,dont l'une
appartiendra tout entière à l'Eglise !
« Ce qui est vivant, très vivant encore
« et très puissant, c'est Eglise catho-
« lique, la plus grande force politique
« organisée qui soit ».
Ce mot « force politique » doit être
employé dans le sens le plus^ large et
le plus élevé. Telle est bien la pensée :
de M. Glémenceau. Il ne s'agit pas
d'une combinaison intéressant une ca
tégorie d'individus pubien une nation,
ni même proportionnée à une de ces
périodes qui absorbent l'existence d'un
gouvernement et d'un parti. .Non,, le
mouvement que M. Glémenceau est
obligé de constater contient les ten
dances de tous les peuples et s'harmo
nise avec la marche de. l'humanité
entière. Un monde ytouveau est en
formation ; et l'Eglise, qui joue déjà
dans cet événement un rôle si consi
dérable, est, assurée d'une influence
qui renaît, qui va s'étendre.
Peu importe que M. Glémenceau
s'applique ensuite à rabaisser la puis-.
sance qu'il est obligé de saluer et à
laquelle il abandonne, par nécessité,
une si. grande part d'action. Nous ne
pouvons demander à ce libre-pen
seur de ■ voir juste en tout 'ce qui
nous concerne. C'est beaucoup qu'il
s'incline devant le fait dont il est ir-,
rite et encore plus surpris. Quoi!
depuis quinze ans, tant d'efforts dé
pensés,- tant de périls affrontés, tant
de triomphes savourés d'avance ; et
voici que rien n'est fait et que l'E
glise apparaît plus forte qu'avant
- le combat qui semblait ne devoir être
qu'une simple exécution, comme les
préparatifs d'un enterrement! Forte
et résistante, sans autre symptôme,
ce serait déjà un phénomène assez
déeevant. Les libre-penseurs s'y rési
gneraient. Ils diraient qu'ils se sont
tçpp pressés et que la victoire finale
est assurée à leurs successeurs. Mais
l'Eglise rajeunie,entrée fièrement dans
la voie.de l'avenir, et devançant, par
son activité prévoyante et entendue,
l'ardeur des théoriciens qui avaient jeté,
leur dévolu sur le monde futur,.c'est
un prodige. M. Glémenceau. en aie sen--
timent. La foule au milieu.de laquelle
l'orateur radical. a formulé cet aveu
'aura-t-elle retenu autre chose? Les
'spectateurs étaient venus pour en^
tendre un homme politique important
répondre à des attaques terribles, jus
tifier sa vie publique et sa vie privée.
"Suivant son habitude,M.Glémenceau a
montré une énergie supérieure. Il paraît
même avoir été habile. Mais les his
toires de Cornélius Herz terminées de
n'importe quelle manière, quelle idée
restera dans ces esprits? Celle d'une
force immense qu'ils ignoraient et
avec laquelle tous doivent compter.
Ainsi le, même événement a eu lieu
depuis Julien jusqu'à Henri IV d'Alle
magne, jusqu'à Napoléon, jusqu'aux
Ferry et aux Glémenceau. Quinze ans 1
Le Christ livre cet espace de temps à
ses ennemis et les laisse ensuite à
l'oubli où ils tombent stupéfaits.
S'il s'était plus tôt mis en quête dès
questions sérieuse^ au lieu de s'amuser
à renverser des ministères, s'il avait
regardé au delà de ce Parlement où
sans doute il n'aura plus de rôle à
jouer, M. Glémenceau aurait noté
bien d'autres symptômes étonnants.
Il aurait remarqué de singulières ana
logies entre les revendications des
travailleurs, même athées, avec l'en
seignement de l'Eglise. Il aurait pu
observer que notre doctrine est assez
large et assez profonde pour embras
ser tous les détails de la justice entre
les individus- et entre les sociétés. La
science, elle aussi, aura son tour, car
l'esprit humain réclame une solution
qui n'est dans aucun système inventé
par les hommes. Le seuikde l'ère, nou
velle est franchi. Léon XIII a conduit
l'Eglise dans des régions où, pour
longtemps, elle est, même au regard
des incrédules,.assurée de semer faci
lement et de récolter avec abon
dance. Nous avon3 le témoignage dé
nos enjjqnjis.
E ugène T àvernier.
•< V
I m DE CONSCIENCE ÉLECTORAL
Sous le titre qu'on vient de lire, notre
éminent collaborateur, M. le marquis de
Ségur, nous adresse sur la situation électo
rale dans le septième arrondissement de
Paris, les observations suivantes, :
Si les électeurs de la circonscription
à laquelle j'appartiens, n'avaient à
choisir qu'entre M. Andrieux et ses
concurrents de la gauche, les citoyens
Frébault et Torin, le choix des con
servateurs catholiques ne serait pas
douteux.
Seul, parmi les auteurs ou les exé
cuteurs de3 décrets contre les congré
gations, M. Andrieux a exprimé quel
que regret de sa participation à cet
acte de violence sacrilège et d'ini
quité ; et bien qu'il n'ait formulé cet
aveu que du bout des lèvres, bien qu'il
n'ait fait son mea culpa que du bout
des doigts, bien que sa confession ait
manqué de deux conditions essen
tielles, la contrition, humble ei pro
fonde, et le ferme propos de réparer.,
dans la mesure possible, le mal ac
compli,— l'hésitation entre lui et ces
deux concurrents ne serait pas per
mise. G'est une règle très sage, en ma
tière électorale, qu'à défaut du bien,
il faut choisir le moindre maL
■ Mais qu'un catholique puisse hési
ter entre M. Andrieux. et M. Lerolle,
le quatrième candidat de la circons
cription, cela ne me semble ni vrai
semblable, ni excusable.
Quand même l'ancien préfet de po
lice de M. Jules Ferry serait un con
verti de toutes pièces, un enfant pro
digue de la politique et de la religion
rentré au bercail, c'est au fils aîné, à
celui qui n'a jamais déserté la maison
paternelle, que le père de famille ré
serve la primauté : « Mon fils, vous le
savez, tout ce qui est à moi est à
vous. » On accueille le prodigue à
bras ouverts*on l'embrasse; on le lave,
on l'habille, on lui fait fête sur toute
la ligne, mais on ne lui livre pas la
maison.
M. Andrieux a beaucoup d'esprit :
je ne sache pas qpe M. Lerolle en soit
dépourvu.
M. Andrieux parle bien, il est ha
bile, incisif, redoutable à ses ennemis
ou- à ses anciens amis (ils ne font
qu'un) par les choses qu'il dit et par
çelles qu'il ne dit pas. M. Lerolle, lui,
à la grande éloquence populaire, celle
qui vient du cœur et qui gagne les
cœurs.
: M. Andrieux est personnellement
peu connu dans le quartier qu'il as-
pire à représenter j M. Lerolle y a
passé sa vie, et tous ses électeurs mu
nicipaux, les pauvres et les ouvriers
en tête, lé connaissent par ses bien
faits, par son aimable accueil, par
cette charité chrétienne qui donne et
se donne à tous et qui fait de cet
homme de bien le serviteur de tout ce
qui est petit, opprimé ou souffrant au
tour de lui. -
On dit pourtant que certains dilet-
tanti du inonde, il y en a en politique
comme en tout, verraient avec bonheur'
M. Andrieux arriver à la Chambre. Il
est dilettante lui-même, il; fait de l'art
pour l'art et il est de ceux dont on dit
en se frottant les mains, quand ils
doivent monter à la tribune : « Il
parle demain, la séance sera bonne ! »
J 'ai entendu, il y a quelques mois,
un bon gentleman catholique dire au
premier bruit de la candidature de
M. Andrieux : « N'était M. Lerolle,
je voterais vivement pour Andrieux.
Gomme il les -embêterait ! » Les, c'é
taient les opportunistes, les radicaux;,
les panamistes, toute la grenouillère
de la majorité républicainô.
En effet, M. Andrieux s'entend
mieux que personne à embêter les
gens, c'est-à-dire à les amuser, car
l'embêtement des uns est le grand
amusemënt des autres, et je com
prends, à ce point de vue, le senti
ment de mon spirituel et léger ami.
Si donc M. Andrieux arrivait à se faire
élire quelque part, pourvu que ce ne
soit pas chez nous, j'avoue que je
battrais des mains.
Mais, pour dire toute ma pensée, ce
ne serait pas sans un arrière fond
d'inquiétude, car avec ces grands ar
tistes de la presse et de la tribune, si-
on est sûr ae ne pas s'ennuyer, on ^te
sait jamais bien aux dépens de qui on
rira. M. Andrieux les embêtera, c'est
certain ; mais j ? ai idée que, s'il
compte des électeurs catholiques ,
ceux-là pourraient bien, à un moment
donné, faire partie des embêtés.
Je ne puis penser, à cet homme d'in
finiment d'esprit, mais de doctrine
peu sûre, sans voir se dresser devant
moi l'X de sa fameuse list# fc des
104 panamistes. L'X, c'est le mys
tère, et le programma politique, de
M. Andrieux me paraît, participer
de ce caractère énigm'atique. .
M. Andrieux, député, voterait-?il
pour la; vraie liberté d'association ,
s'étendant à tous, y compris l'Eglise
et les congrégations religieuses? — x
Voterait-il pour la'liberté d'ensei
gnement, laïque ou congréganiste à
tous les degrés ? — x. .
Voterait-il pour la réforme de la loi
militaire, au point de vue du clergé?
— x. - ■ •
. Voterait-il pour la réintégration des
sœurs dans les hôpitaux, hospices,
maisons de secours, et du curé dans
les 'conseils de fabrique? —r y.
Je n'affirme pas qu'il voterait con
tre tout ou partie de ces mesurés si
nécessaires à l'apaisement et au relè
vement du pays. J'incline même à
penser que, le cas échéant, il ne s'y
opposerait point.
Mais je n'en suis; pas sûr, pas sûr
du tout, et c'est parce que je n'en suis
pas sûr que je conclus ces trop -longs
considérants par un dispositif qui adu
moins le mérite de la netteté : Il n'est
pas permis à un catholique sérieux de
donner sa voix à M. Andrieux, alors
qu'il peut la donner à un candidat
comme M. Lerolle
„ A. DE SËGUR.
Voilà qui est aussi juste que bien dit.
Nous n'ajouterons qu'un mot : en oas de
ballottage pour empêcher le candidat radi-
o&l ou opportuniste de passer entre M. Le^-
rolle et M. Andrieux, celui des deux qui
aurait eu le moins de voix au premier tour
de scrutin, devrait, sous la réserve des inci
dents qui pourraient se produire, se retirer
devant l'autre.
LE DEVOIR ÉLECTORAL
Sous ce titre, Mgr l'archevêque
d'Aix adresse à un de ses amis la let
tre suivante qu'il daigne nous com
muniquer: '
Mon cher ami,
. Vous me demandez moii sentiment sur
les prochaines élections : je vais vous , la
donner avec une entière franchise.
Le moment est venu, en effet, de mettre,
en pratique ma leçon.éleotorale ; elle se ré
sume en oes termes,vous ne l'avez point ou
blié : C'est un devoir de voter', c'est tin péché
de mal voter ; nous devons voter pour des
candidats honnêtes, consciencieux et ca
pables.
Quoi de plus raisonnable et de plus chré
tien? N'est-il pas absolument nécessaire de
donner à la France des serviteurs , en , qui
se retrouvent au moins les qualités, que
nous exigeons à bon droit des personnes
employées à notre service.
Ces trois mots sont l'abrégé des Encycli
ques du Souverain Pontife et en particulier
de celle du 16 février i892, aux évôques et
aux catholiques français ; elle a été si mal
interprétée !
Dans: cette lettre, le Saint-Père nous
presse d'aocepter, sans restriction, le gou
vernement de la République qui est le
gouvernement légal ; mais il ne nous dé
mande pas d'accepter, et encore moins
d'aimer, la République actuelle ; le Pape ne
pouvait avoir cette pensée : cette Républi
que-là, plus d'une fois il l'a flétrie comme
sectaire, persécutrice, spoliatrice; mieux
que qui que ce soit, le Pape sait que nous
ne sommes pas en République, mais en
franc-maçonnerie. C'est dono comme s'il
nous disait : Français, vous ressemblez à
un propriétaire dont la maison est dévalisée
par les voleurs; et qui discute avec ses
serviteurs, ses amis, ses voisins, pour
savoir par quels moyens et par quelle
fenêtre il fera sauter la bande dans la rue.
Léon XIII oôndamne les lois qui sont
mauvaises et qu'il faut réformer, mais il
admet le prinoipe du pouvoir républicain,
lequel peut être bon, pourvu qu'il soit entre
des mains honnêtes, consciencieuses et
capables ; il nous laisse la liberté de nos
préférences politiques ; o'est renseigne
ment de l'Eglise catholique dans tous les
siècles. L'Eglise, vous le savez, n'a jamais
imposé à ses enfants de brûler un drapeau
pour en arborer un autre. Il s'agit ici d'une
question de salut social. Le Pape n'a pas
d'autre pensée ; or, le Pape est mon'doc
teur, je l'écoute. Je ne , suis ni un rallié, ai
un non rallié ; je suis raisonnable, catholi
que et Français, et, ce faisant, je remplis
un devoir de ma charge.
Faites dono de bonnes élections : choi
sissez bien, éolairez-vous, renseignez-vous
auprès des plus probes et desj>lus compé
tents, la chose en vaut la peine ; votre
conscience est engagée ; défiez-vous des
programmés et des promisses; ne voteï
que pour des candidats bien oonnus, de
votre région, qui. auront les mêmes intérêts-
que vous : le Midi aux Méridionaux !
Votei pour des oandidats honnêtes et
çonsoiencieux : ceuxrlà ne vous tromperont
pas, vous ne les trouverez jamais dans les
brigandages du Panama et autres opérations
financières de même probité.
Ces dures leçons doivent vous suffire:
la petite épargne 4 perdu des milliards dans
oes indignes, flibusteries. Je. ne veux pas
chercher les responsabilités, je, ne, m'oa-
oupe pas des personnes. Le fait certain,'
o'est que les pièces d'or et les billets de
banque n'ont été ni fondues ni- brûlés ; .ils
sont, quelque part, maiapaa daçs la boùrM
des pauvres diables, qui ne. les, reverroat
jamais.
Je donné à ma lettre la valeur d'une péti
tion adressée a nos futurs députés, et cette
pétition la voici : elle est simple ; nul, je
crois, n'en contestera la justice ni la jus
tesse. Nous voulons la paix, nous avons
besoin de la paix ; mais nous la voulons
dans l'honneur, dans la liberté, dans le res
pect de"tous nos droits, que nous glorifions
par l'aooomplissement fidèle de, tous nos
devoirs.
Entre autres revendications, nous, de
mandons la refonte de la loi scolaire : elle
est injuste, de l'aveu même de plus d'un de
ses partisans. Elle divise, en deux oamps les
enfants de la France : aux uns, elle donne
tout ; aux autres, rien. Nous sommes obli
gés de payer deux fois, et pour les éooles
que notre conscienoe n'approuve pas,, et
pour nos éooles catholiques libres, qui ont
les mêmes droits, puisqu'elles sont fran
çaises et qu'elles se distinguent par le nom
bre et le succès de leurs élèves :
Nous ne sommes pas une quantité négli
geable.
Nous demandons le retrait de la loi mili
taire, qui envoie nos séminaristes et nos
prêtres à la caserne elle n'est pas juste;
elle est contraire au Concordat, qui assure
la liberté du oulte catholique en France.
Notre culte n'est pas libre : nous avons des
prêtres pour le servioe des paroisses, mais
vous nous les prenez ; les malades reste
ront'sans secours religieux; les pauvres,
sans assistance ; les enfants, sans caté
chisme; les dimanches, sans offioe; et ce
ne sont pas là les plus grands inconvénients:
Mgr Trjégaro.évêque de Séez, vient de le
démontrer dans sa magnifique lettre à ses
prêtres, appelée à faire leurs vingt-huit
jours : le service des autels est incompatible
avec le servioe militaire. .
Est-ce que jamais nous avons refusé de
recueillir les mourants et les blessés sur les
champs de bataille, de les soigaer dans les
ambulanoes et dans les hôpitaux ?
Qu'on se rappelle l'Année terrible : nous
avions vingt aumôaiers à offrir pour un
qu'on nous demandait.
Non, non ! on ne doute pas de >notre-dé-
.vouement, on le redoute. On nous fait la
guerre non paroe que nous faisons mal,
mais paroe que nous faisons trop bien. Et
nous, dans le fond de notre conscienoe,
nous trouvons que nous, no faisons jamais
assez bien, et voilà pourquoi, chaque soir
et chaque matin, nous faisons notre med
culpa au profit des œuvres de demain.
Nous demandons à nos futurs députés de
s'ooeuper loyalement et en toute justice, de
-la question ouvrière.
Les ouvriers savent bien- que'nous som
mes aveo eux, et par droit de ; naissance et
par devoir de vocation. Nous sommes
presque tous de leur sang, de leur rang, de
leur condition ; prêtres et religieux, frères
et soeurs, sa reorutent en immease majorité
dans la olasse des travailleurs. Quand leur
sort sera amélioré, nous et les nôtres nous
en profiterons. Qui peut nous aoouser d'être
infidèles à notre vocation qui est d'évangé-
liser les pauvres, de les aimer et de les as-<
sis ter? Si vous ne voulez pas oroire à nos
paroles, croyez à nos œuvres qui oouvrent
la France, et sont sa gloire exceptionnelle,
enviée de toutes les nations. La religion 0&1
tholique a fait la France, elle est plus fran
çaise que nous tous.
Nous demandons à nos futurs députés de
diminuer les impôts et de fermer enfin le
gouffre toujours béant des emprunts et des
déficits énormes de chaque année, maigri
un budget de quatre milliards.
Savez-vous quelle est la fortune totale de
la France ? Elle est estimée à 220 milliards*
Savez-vous quelle est la dette totale de la
France T Elle est de 40 milliards, o'est -à -dire
le cinquième de toute sa fortune.
.- Mais cette dette, o'est la vôtre, c'est la ;
mienne : c'est nous qui avons emprunté par
nos mandataires : elle est hypothéquée sur
tout notre avoir. Un jour il faudra régler "
les comptes. "
Vous croyez, mes ohers amis, que vous
avez une valenr de oinq mille francs sur
votre maisonnette et votre petit champ,
erreur : Vous n'en avez qu& quatre, vous
devez mille francs. Vous croyez avoir cinq -
brebis : erreur, vous n'en avez que quatre,
vous en devez une. Vous devez le cin
quième de vos rentes, de votre travail, de
votre journée, du vêtement qui vous cou
vre, du morceau de pain que vous man
gez, et du verre d'eau que vo,us buvez. La
démonstration est irréfutable. Je vous la
fais toucher du doigt. Nous demandons que
oette situation cesse. Vos oandidats vous
le promettront, forcez-les de tenir parole,
et pour cela, choisissez bien. . .
Si j'étais chargé de rédiger la proclama
tion d'un oandidat à la suprême magistra
ture de la France, ce serait vite fait- Je lui
dirais : écrivez au peuple Français :
Français, mon gouvernement sera honnête,
consciencieux et capable.: voilà ma charte
qui deviendra une vérité ' .
, Ces deux lignes enlèveraient notre noble!
nation qui a soif d'honnêteté et de con«-
cience et qui n'est jamais dépourvue de c&-
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