Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1893-02-14
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 février 1893 14 février 1893
Description : 1893/02/14 (Numéro 9049). 1893/02/14 (Numéro 9049).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mardi 14 Février 1893
ïf* 9049 — Edition quotidienne
WÊmammmÊmmiaaaÊÊÊÈmmmÈmmÊm «mmmiw
Mardi 14 Février 1893
ÉDITION QUOTIDIENNE
On ati. „ ,
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PARIS
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L 'UNIVERS M répond pas des manuscrits qui M sont ita&
annonces
MM. LAGRÀNGE, CERF, et G'*, 6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 13 FÉVRIER 1893
Que sera l'interpellation de M. Ley-
det ? Sur quel terrain se placera le
député radical ? Il se propose évidem
ment de faire le jeu de MM. Ribot et
Bourgeois, mais le pourra-t-il ? Déjà
il se produit chez les radicaux des exi
gences qui pourraient embarrasser M.
le président du conseil malgré sa flexi
bilité. Dans la Petite République ,
M. Goblet pose ses conditions ; il veut
qu'on « saisisse cette occasion peur
affirmer,en vue des élections, un pro
gramme non pas seulement d'honnê
teté, mais de progrès et de réformes
politiques, économiques et sociales »,
et qu'on fasse « appel au concours de
tous les républicains qui voudront
l'accepter. Et il ajoute dédaigneuse
ment : « Viendront ceux qui voudrent,
et le gouvernement aussi, si le cœur
lui en dit. Mais c'est sur ce terrain
qu'il faut rester, sous peine d'ac
cepter des solidarités compromet
tantes et de perdre tout l'avantage de
la situation que les événements et la
fidélité (quelque peu contestable) des
radicaux à leurs convictions leur ont
faité. »
Gela nous semble bien gros pour
M. Ribot, d'autant que, s'il accepte ce
programme, il risque "de s'aliéner les
opportunistes.
Nos députés et sénateurs se sont
donné de petites vacances à l'occa
sion du carnaval. Qu'ils en profitent,
car les préoccupations ne leur man
queront pas à la rentrée. Outre celles
Sue peut leur donner le programme
e M. Goblet dont nous venons de par
ler, il reste toujours le Panama, qui
n'est pas enterré.
C'est ce soir que se terminent les
délais de pourvoi contre l'arrêt de la
chambre des mises en accusation dans
l'affaire de corruption. Déjà plusieurs
des prévenus se sont pourvus, d'au
tres hésiteraient encore.
L'impatience est vive en Angle
terre : on attend le dépôt par M. Glad
stone de sa motion pour le Home
Rule. C'est la grande lutte qui va
s'engager; la discussion interminable
de l'Adresse n'était qu'une escar
mouche sans conséquence.
VOsservatorë Romano du 12 février,
que nous recevons à la dernière heure,
nous apporte le texte d'une impor
tante lettre pontificale adressée aux
évêques de la province ecclésiastique
de Venise, qui avaient éerit au Saint-
Père pour lui demander d'intervenir
par ses enseignements, ses avis et ses
conseils, au sujet de la nouvelle loi
que projette le gouvernement italien,
et qui a pour but de faire précéder
obligatoirement le mariage religieux
par ce qu'on appelle le mariage civil.
La réponse du Pape, dont nous
donnerons demain la traduction,-
condamne le projet de loi dont il
s'agit comme attentatoire aux droits
de l'Eglise, seule compétente en ma
tière d'administration des sacrements.
Résumant lui-même l'enseignement
de l'Eglise, qu'il expose à nouveau
sur ce point avec une ampleur admi
rable, le Souverain Pontife dit que le
projet de loi en cause « usurpe les
droits de l'Eglise, entrave son action
salutaire et en resserre de plus en plus
les chaînes, au grand détriment des
âmes. » Le Pape ajoute que ce projet
«lèse la juste liberté des citoyens et
des fidèles, favorise et sanctionne les
unions illégitimes, ouvre la voie à de
nouveaux scandales et à des désor
dres moraux ». En outre, « il trouble
la paix des consciences et rend plus
aigu le conflit entre l'Eglise et l'Etat,
conflit absolument contraire à l'ordre
établi par le Créateur, justement
blâmé et réprouvé par tous les esprits
honnêtes et dont assurément l'Eglise
n'est pas cause ».
Le Pape ne «Joule pas qu'à l'exem
ple des évêques, le clergé et les fidèles
ne combattent de toutes leurs forces
un projet aussi monstrueux qui vise
à persuader au peuple que le rite civil
suffit & constituer le légitime mariage
tandis qu'il n'y a là pour ceux qui s'en
contentent, dit le Saint-Père, qu'un
« abominable concubinat. »
La Lanterne nous dédie un article
pour lequel co journal prodigue titre
et sous-titre, avec un luxe de grosses
lettres très propre à frapper l'imagina
tion de ses lecteurs. Le titre porte :
« La laïcité de l'enseignement » et le
sous-titre : « Précautions nécessaires».
Ils sont mis en vedette pour signaler
ce qui suit :
L'Univers publie, avec force commen
taires indignés, un questionnaire adressé
aux instituteurs et institutrices de l'arron
dissement des Andelys et qui a pour but
de renseigner l'inspecteur primaire sur la
manière dont est observé le principe de la
laîoilé'ttë TMielgaeriiStit. "
Le pieux journal feint de s'étonner des
précautions que prend l'autorité universi
taire pour assurer l'exéoution de la loi. Il
demande plaisamment si la République
serait en danger au cas .où l'instituteur en
seignerait le catéchisme ou chanterait au
lutrin.
Evidemment, la République telle qu'on
la rêve à l 'Univers, une République théo-
cratique gouvernée du Vatioan par le Pape,
ne pourrait que gagner & ce que les généra
tions nouvelles fussent façonnées dès l'en
fance à la domination de l'Eglise.
Mais c'est précisément parce que la Ré
publique républicaine, c'est-à-dire celle
qui a pour principe la liberté de l'esprit hu
main, a vu les inconvénients de oette pré
paration en serre chaude, qu'elle prend ses
précautions pour tenir le prêtre à l'écart
de l'école.
On comprend que l'Univers le trouve
mauvais. C'est une raison de plus pour que
le questionnaire qui l'indigne nous rem
plisse d'aise et que nous désirions le voir
étendre à toute la France.
Il est des gens qui, affligés de la jau
nisse, voient tout en jaune. Les lan-
terniers, eux, voient tout en rouge.
C'est aussi une maladie dont nous de
vons signaler ici un nouvel accès. Où
donc la Lanterne a-t-elle vu « force
commentaires indignés » dans les
brèves remarques dont nous avons ac
compagné le questionnaire d'espion
nage adressé aux instituteurs de l'ar
rondissement des Andelys?
Nous n'avons pas, davantage, feint
un étonnement quelconque à propos
de cette inquisition laïcisatriee, la
chose étant coutumière aux soi-disant
libéraux, qui parlent toujours de to
lérance,mais sont, en réalité, les pires
des oppresseurs.
Mais la Lanterne se rapproche du
vrai quand elle ajoute que nous avons
demandé plaisamment si la Républi
que serait en danger au cas où l'insti
tuteur enseignerait le catéchisme ou
chanterait au lutrin. Le questionnaire
dont nous avons parlé prêtait en effet
àl'ironie, et nous n'avons pas jugé né
cessaire de le combattre autrement,
bien qu'il soit une manifestation très
sérieuse de l'esprit de secte qui anime
les laïcisants contre tout instituteur
soupçonné de vouloir adoucir en pra
tique les dispositions de la loi scolaire
athée.
A cet égard, nous devons prendre
acte aussi du désir exprimé par la
Lanterne , qui voudrait voir ledit ques
tionnaire étendu à toute la France.
Elle prétend que cela serait fort» utile
à la « liberté ae l'esprit humain ». La
vérité, c'est qu'il n'est pire oppression
pour l'esprit humain que cette préten
due liberté, au nom de laquelle on
supprime par voie législative la liberté
des pères de famille en ce qui con
cerne le plus grave devoir^ c'est-à-dire
l'éducation de leurs enfants.
La Lanterne nous rappelle par là
même la nécessité qui s'impose à tous
les catholiques de lutter sans trêve,
par toute la France, contre les sectai
res qui ont voté, qui maintiennent et
appliquent ces lois détestables. C'est
un avis dont nous lui savons gré, car.
nous espérons qu'il portera ses fruits.
A uguste : R oussel.
On sait que M. Floquet est un mem
bre important de la franc-maçonnerie
qui a été pour beaucoup dans sa for
tune politique et qui, plus d'une fois,
l'a remis en selle après diverses cul
butes.
En sera-t-il de même cette fois? Là-
dessus, voici ce qu'a dit à un rédac
teur du Matin « un très-haut gradé
d'une loge très ancienne » :
La vérité est que la franc-maçonnerie
constitue peut-être le dernier atout que le
F* - , Floquat a dans son jeu»C'est lafrano-
maçonnerie qui a contribué, pour une large
part, à ses succès politiques : il a été, dans
la vie publique, le porte-voix des revendi
cations formulées mystérieusement au sein
des loges; e'est beauooup sur ses instances
réitérées que la frano-maçonnerie a com
battu le boulangisme. Si donc l'homme a
rendu des services à l'institution, l'institu
tion en a rendu à l'homme.
C'est pourquoi, au moment de l'éîeotion
présidentielle à la Chambre, le F.'. Floquet,
comptant sur l'appui de ses FF.*., nom
breux au Parlement, essaya de ressaisir le
fauteuil présidentiel. Hélas ! on a pu se con
vaincre, en parcourant Y Officiel que le zèle
des bons FF.*, s'était considérablement
ralenti. En effet, beaucoup de ces derniers
n'nnt pas voté pour le eandidat Floquet. Le
lâchage était caractéristique.
Des amis du blackboulé, ne perdant pas
oourage, se répandirent dans les loges, où
ils tenté rentre grands efforts pour démon
trer que la cause du F.*. Floquet et celle
de la franc-maçonnerie étaient indissoluble
ment liées ; que la ohute du F.'. Floquet
porterait naturellement un préjudice sérieux
à l'institution elle-même ; bref, qu'il fallait,
à tout prix, sauver le F.*. Floquet. Il fut
alors oonvenu que les loges seraient invi
tées à voter des ordres du jour en faveur
du F.*. Floquet.
Le résultat de toutes oes intrigues a été
piteux. Deux ou trois loges de province ont
seules montré un peu d'enthousiasme. Tout
le gros bataillon maçonnique n'a pas bougé.
Comme au théâtre, on entendait bien quel
ques voix crier : « Marchons 1 » mais pres
que tout le monde restait en plaoe.
Vous pouvez donc annoncer, sans crain
dre d'être démenti, que le F.-. Floquet e;t
bel et bien lâohé par la franc-maçonnerie ;
d'ailleurs, vous n'avez qu'à lire l'histoire de
l'Ordre pour vous convainore que l'institu
tion ne s'est jamais montrée bien tendre à
l'égard des vaincus ; elle n'aime guère que
ceux qui peuvent lui être utiles.
C'est aujourd'hui que M. Gladstone
entreprend définitivement l'œuvre par
laquelle il veut couronner sa carrière.
C'est aujourd'hui qu'il déposera au
Parlement son projet de loi de Home
Rule.
Il va sans dire que ce projet de loi
est attendu en Irlande et en Angleterre
avec une grande impatience. Aucun
détail n'en a encore transpiré dans le
public. Et quand on pense que le
projet a été imprimé à un certain
nombre d'exemplaires, et que chaque
ministre en a eu copie, le secret
dont le document est encore entouré
paraît incroyable. Et il paraît plus
incroyable encore quand on sait que
les adversaires du cabinet n'ont rien
épargné pour tâcher de connaître le
lâmeux projet. On raconte dans les
journaux anglais-qu'une somme de
1.000 livres sterling avait été offerte
pour une copie du projet.
Quant à l'accueil que le projet de
loi recevra aux Communes, on peut
le prévoir avec assez d'exactitude.
Les tories et les unionistes pousse
ront de beaux cris et proclameront
que le salut de l'Angleterre est com
promis. Les Irlandais l'accueilleront
avec gratitude, car on prétend que
M. Gladstone fait largement les cho
ses. Un point reste un peu incertain,
à savoir l'attitude que le parti libéral
prendra entre la réforme de son chef
et les clameurs unionistes.
LES
« Etudes » et le ne Correspondant »
m ■ '
un ÉPISODE du CONCILE
,11(1)
Les évêques de la minorité, ou plu
tôt des évêques de l'opposition, depuis
l'ouverture jusqu'à la fin du concile,
ont-ils, oui ou non, demandé avec
une.passion extrême que le dogme dé
l'infaillibilité pontificale ne fût pas
proclamé ? Quelques-uns — ceux qui
menaient les autres — n'ont-ils pas,
dans ce but, publié ou encouragé des
écrits déplorables,eu recours à l'intri
gue et,enfin, cherché l'appui du pou
voir civil?
Là-dessus il n'y a pas doute : les
chefs de l'opposition, dépassant de
beaucoup la mesure légitime, ont usé
de ces moyens. Ceux de leur école qui
ne veulent pas l'avouer* n'osent dire
carrément non. Le Correspondant lui-
meme passe condamnation sur ce qui
touche Mgr Darboy, et se borne pour
Mgr Dupanloup à nier qu'il ait de
mandé au gouvernement français le
retrait des troupes qui gardaient
Rome au Pape. Jamais, dit-il, on ne
produira un tel papier ; prétendre
qu'il existe, c'est calomnier un grand
évêque. Et il invoque le témoignage
de M. Emile Ollivier.
C'est forcer et fausser les choses afin
de s'en mieux tirer. Ni les Etudes ni
Mgr Freppel n'ont affirmé que Mgr
Dupanloup avait écrit à Napoléon III :
« Sire, menacez le Pape de rappeler
votre:ambassadeur et vos soldats, et,
si la menace ne suffit pas, exécutez-la,
sinon le dogme que, d'accord avec
vous, nous écartons, sera voté. » Mgr
Freppel, en disant, avec sa liberté de
langage, ce qu'il a dit, sans nommer
Eersonne, rappelait tout uniment un
ruit très répandu. Quant au rédac
teur des Etudes, le R. P. Cornut, voici
son commentaire : L'évêque d'Angers
faisait « allusion à l'appel direct que
Mgr Darboy et Mgr Dupanloup, vain
cus sur le terrain théoiogique, adres
saient à l'empereur et au pouvoir ci
vil contre le concile ».
La question, quant aux Etudes , est
donc de savoir s'il y a eu appel direct
au pouvoir civil. M. Ollivier ne la tran
che pas en s'écriant : « Aucun évêque
de la minorité, et pas plus Mgr Du
panloup que tout autre, n'a réclamé
l'évacuation du territoire pontifical ».
Ces paroles prêtent à l'équivoque, et
voilà pourquoi le Correspondant en
fait tant de cas.
(1) Univers du 3 février.
Je demande pardon d'avoir mis tant d'inter
valle entre cet article et le premier. Le journa
liste n'est jamais bien maître de son temps, et
c'est une éprouve où j'ai plus que ma part.
E. V.
Voyons donc si « certains évêquesj»,
comme disait Mgr Freppel, ont de
mandé au gouvernement impérial
d'intervenir au profit de la minorité
du concile contre la majorité et le
Pape,
Oui, cette intervention a été désirée
et appelée. Le doute ne peut exister
que sur les formes de l'appel. Quicon
que lira sans parti-pris le travail du
R. P. Cornut le reconnaîtra.
Tandis que l'anonyme du Corres
pondant procède par des inductions,
des déductions et des à-peu-près, le
rédacteur des Etudes produit des tex
tes.Les plus concluants en l'espèce sont
incontestablement ceux de M. Emile
Ollivier, racontant comme historien
ce qu'il a fait et écrit comme minis
tre. Aussi le'R. P. Cornut lui em-
prunte-t-il beaucoup. Suivons-le li
brement et en abrégeant.
Le 17 février 1870 l'ambassadeur de
France, M. de Banneville., rendant
compte au ministre d'un entretien
qu'il avait eu avec Mgr Dupanloup,
rapportait que celui-ci, à propos de
l'éventualité du retrait de nos troupes,
s'était écrié : « Alors, nous oublierions
tout le reste et nous serions les pre
miers à nous ranger autourdu Pape ».
Ainsi Mgr Dupanloup et ses amis
estimaient avoir beaucoup à oublier
du Pape, c'est-à-dire beaucoup à lui
pardonner! Si cette déclaration n'é
tait pas claire par elle-même, il suffi
rait pour l'éclairer en plein, à giorno,
de rappeler quelle conduite, dès cette
date, tenait à Rome le remuant évê
que d'Orléans. Cette conduite, un
évêque français MgrWicart, évêque
de Laval, la jugeait ainsi dans une
lettre du 19 février :
Je déclare ioi, devant Dieu et prêt à
paraître à son jugement, que j'aimerais
mieux mourir, tomber mort sur-le-champ
que de suivre l'évêque d'Orléans dans les
voies où il marche aujourd'hui.... Vous ne
savez pas oe qu'il fait, vous ne savez pas ce
qu'il dit ici, ni oe que font, ni ce que disent
ses adeptes. Moi, je le sais ; je l'entends de
mes oreilles, je le vois de mes yeux. Non,
plutôt mourir à l'instant même que de prê
ter la main à oes desseins, à oes manœuvres
inqualifiables 1 Je le dis, et je le répéterai à
mon dernier soupir.
Et cette passion de Mgr Dupanloup
3ui épouvantait Mgr Wicart, ne cessa
e monter, de s'enflammer, de s'irri
ter jusqu'à la fin du Concile. Que dit-
il et fit-il donc en mai et juin, l'évê
que qui en était arrivé là dès février?
N'est-il pas évident que son cri : Alors
nous oublierions toutl répondait à cette
observation de l'ambassadeur : « Mon
seigneur, si nous suivions vos conseils
si nous nous rendions à vos instan
ces, le Pape nous résisterait, et cette
lutte nous conduirait au retrait des
troupes, par conséquent à livrer
Rome aux Italiens. » 4
Et comme un évêque ne pouvait ré
pondre : Soit ! il fallait bien crier :
A/ors/...etc.
Cependant les instances continuè
rent et M. de Banneville, qui dési
rait ne pas attenter à la liberté du
Pape et du Concile fut accusé de man
quer à son devoir envers l'empereur
et l'empire. Il y en a des preuves en
divers lieux, notamment dans une
illisible vie de Mgr Maret. Mais tenons-
nous-en, comme le R. P. Cornut, aux
documents qu'a produits M. Emile
Ollivier.
Le 21 mai 1870, Mgr Darboy, écri
vant à Napoléon III, dont il était le
grand aumônier et le pensionné, lui
recommandait, comme donnant « la
vérité sur le Concile » et les choses
de Rome, des pamphlets où les faus
setés méchantes abondaient. Est-ce que
Mgr Dupanloup ne recommandait pas,
lui aussi, ces pamphlets ? Est-ce qu'il
n'en connaissait pas l'origine ? est-ce
que leurs auteurs ne se prévalaient pasf
de ses sympathies?...
Après avoir conseillé au maître ces
bonnes lectures,l'archevêque de Paris
lui montrait que l'intervention du
gouvernement dans les affaires du
Concile n'avait encore rien produit et
le pressait de n'en pas rester là. Que
faire en attendant mieux? Mais, un
acte de grande portée ;
Il consisterait, ajoute l'archevêque,
à rappeler M. dt Banneville sans lui donner
de successeur à présent, le premier secrétaire
de l'ambassade restant chargé par intérim des
affaires de France... Par oe que je viens
d'indiquer, Sire, le gouvernement de Votre
Majesté maintiendrait et mêpe sanctionne
rait ce qu'il a cru devoir faire au sujet du
Concile ; il ne contristerait pas, il honore
rait, au contraire, M. de Banneville, qui a
tiré de Home le parti qu'on en peut tirer :
il donnerait un appui moral à la minorité
engagée dans une lutte où elle se oomporte
bravement, et il contribuerait peut-être effi
cacement à faire retirer ou ajourner la ques
tion malheureuse qui inquiète et divise
tout le monde. Depuis huit jours, la discus
sion sur l'infaillibilité est ouverte; près de
cent évêques sont inscrits pour parler sur
le sohema en général. Un plus grand nom
bre encore parleront sur les différents
chapitres dont il se compose. Nous ne flai
rons pas avant le mois de juillet. On peut
donc encore arriver â temps pour empêcher
cê qui se prépare ici.
Le.R. P. Cornut n'est-il pas dans le,
vrai et ne garde-t-il pas une grande
mesure quand, à la suite de cette cita
tion,il dit: « La main tremble en trans-
« crivant ces lignes où Mgr Darboy
«•réveille les susceptibilités, ravive
« les rancunes, propose des moyens
« plus efficaces que les mesures em«
« ployées déjà, et termine en invitant
« à faire vite »?
Et quelle vilaine habileté dans ce lan
gage souple et calme 1 Le rappel de
l'ambassadeur, c'était pour celui-ci,
coupable de soumission au Pape, une
disgrâce ; pour Pie IX et la majorité du
Concile, la menace et le prélude du
rappel des troupes; pour la minorité,
un encouragèment à se comporter de
plus en plus bravement , c'est-à-dire à
suivre sans hésitation jusqu'où ils
voudraient aller Mgr Darboy et Mgr
Dupanloup. Quant à la suspension du
Concile, les opposants ne doutaient
pas qu'elle serait indéfinie et, en effet,
elle l'aurait été. La demander par de
tels moyens, c'était dire à l'empereur :
Sire, par cet acte vous empêcherez ce
qui se prépare ici ; vous fermerez le
Concile, vous vaincrez Rome, vous
pourrez dire que, grâce à vous,les évê
ques du monde entier, réunis au Vati-
cant pour proclamer l'infaillibilité du
Vicaire de Jésus-Christ, ne l'ont pas
fait ; courage, Sire!
Que -penser du disciple qui force à
rappeler ces choses, à réveiller de tels
souvenirs? Quel précieux ennemi !
« Calomniateurs », crie l'anonyme,
dressé sur ses ergots; je vous aban
donne Mgr Darboy, mais vous n'aurez
pas Mgr Dupanloup. Celui-ci n'a pas à
répondre des actes de celui-là.
Cette prétention n'est pas fondée.
Quand l'action a été commune, la
responsabilité doit l'être aussi. C'est le
cas.Commel'archevêque de Paris,l'évê
que d'Orléans a voulu le rappel de l'am
bassadeur et l'ajournement du Concile;
{)lus que lui, il a encouragé et secondé
a vilaine guerre des journaux,des bro
chures et des salons : il a été le père
des matriarches et le théologien des
théologiennes, cette floraison libérale
et gallicane que nous revoyons au
jourd'hui. Tout cela est reconnu même
de son historien. Quant à l'appel
direct au pouvoir civil, les» Etudes
produisent le témoignage déjà connu'
ae M. Emile Ollivier, ce même témoin
dont le Correspondant dit : Sa parole
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 14 février 1893
CAUSERIE LITTÉRAIRE
Les Poètes (1)
I
Puisque nous sommes en 1893, peut-être
m'arrivera-t-il quelquefois — le lecteur
voudra bien me le pardonner — de revenir
sur les souvenirs de l'Année Terrible et de
célébrer à ma façon, sans sortir de la litté
rature, le centenaire de 93.
Le samedi 20 avril 1793, on criait dans
les rues de Paris les Dernières condamna
tions du tribunal révolutionnaire. Le tribu
nal n'était encore qu'à ses débuts. Le
6 avril, il avait tenu sa première séance et
prononcé sa première condamation à mort.
Il tâtonnait bien un peu en ces premiers
jours ; même il avait acquitté deux ou trois
accusés. Il n'allait pas tarder à « se ressai
sir ». La journée du 20 avait été assez
bonne. Deux condamnations à mort. Le
premier prévenu était un ancien prieur de
Clisson, en Bretagne, Antoine-Jean de
Clinchamp, dit Saint-André, coupable d'a
voir fait imprimer un écrit de quatorze
pages, ayant pour titre : Aux amis de la vé
rité. Le seoond, Breton également, était un
(i) Charles Forsteh : L'Ame des choses, 1889;
— Les Poètes du Clocher, 1890; — Le Cœur.
1892.
jeune lieutenant de vaisseau, M. Gabriel du
Guiny, coupable d'être allé, en janvier
1792, à Bruxelles, puis à Spa, prendre les
eaux. Ah! mon Dieu ! s'était écrié le prieur
en entendant les réquisitions de Fouquier-
Tinville. Bien obligé ! avait dit l'officier de
marine (2).
Ce même jour, les libraires du Palais-
Royal — qui s'appelait alors palais de l'Ega
lité — mettaient en vente un livre nouveau,
un élégant volume in-18, soi ti des presses
de Didot l'aîaé, et qui avait pour ' titre :
Fables de M. de Florian, de l'Aoadémie
française, suivies du poème de 7'oàie(3).
Lancé en pleine Terreur, au lendemain
de l'établissement du tribunal révolution
naire, ce gracieux volume, aveo ses vers
riants et faciles, aveo sa morale innocente
et pure, dut faire l'effet d'un agneau égaré
loin de sa bergerie et tombé au milieu des
loups.
En 1787, lorsque Florian avait publié la
pastorale d'Estelle et Némorin , un homme
d'esprit, M. de Thiard, avait dit : « J'aime
(2) Bulletin du Tribunal criminel révolution
naire, n" 13, 14, 15 :« En allant au supplice,
dit le Bulletin, Duguigny salua différentes
personnes aveo un air g&i, surtout dans la rue
Saint-Honoré. Si figure ne souffrit pas dans la
route la moindre altération ». — Mlles du
Guiny, dont la maison servit pendant plusieurs
années d'asile à la duchesse de Berry en 1832,
appartenaient à la famille du courageux con
damné du 20 avril 1793.
(3) Sainte-Beuve, presque toujours si exact,
s 'est trompé dans son article sur Florian (Cau
series du Lundi, t. III), lorsqu'il a dit, page 187 :
« S es Fables parurent en 1792 ». Elles ont paru
au mois d'avril 1793. Voy. le Mercut e Français
de 1793, n°87, et dans VAImanach des Muses de
1794, la liste des publications poétiques de
1793. ' ■
beaucoup les bergeries de M. de Florian,
mais j'y voudrais un loup. » Mettant en
épigramme le mot de M. de Thiard, le
poète Lebrun avait dit, de son côté :
Dans ton beau roman pastoral,
Avec tes Moutons pêle-mêle,
Sur un ton bien doux, bien moral,
Berger, Bergère, Auteur, tout bêle.
Puis Berger, Bergère, Auteur,Lecteur; Chien,
S'endorment dè moutonneris.
Peur réveiller la Bergerie,
Oh ! qu'un petit Loup viendrait bien 1
En 1793, les Loups étaient venus, et Le
brun hurlait avec eux.
Composées sous Louis XVI, pendant les
années heureuses, les Fables de Florian ne
renfermaient aucune allusion aux événe
ments de la Révolution. Il se trouva pour
tant de braves gens pour les lire, pour goû
ter : l'Aveugle et le Paralytique, le Pacha et
le Dervis, le Charlatan, le Singe qui montre
la lanterne magique, le Perroquet confiant,
le Laboureur de Caslille, l'Habit d'Arle
quin, la Chenille, où certains se plurent &
reconnaître Mme de Genlis. Seule peut-être
une de ces pièces avait un air de oiroons-
tance, celle dans laquelle l'auteur peignait
cet imperturbable optimisme qui faisait alors
le fond du caractère français. Comme rien
n'est changé à cet égard depuis cent ans,
et que le Perroquet est toujours aussi con-
fiant/ je la oiterai tout entière :
Cela ne sera ritn, disent certaines gens,
Lorsque la tempête est proohaine ;
Pourquoi nous affliger avant que le mal vienne?
Pourquoi ? Pour l'éviter, s'il en est encor temps.
Un capitaine de navire,
Fort hrave homme, mais peu prudent,
Se mit en mer malgré le vent.
Le pilote avait beau lui dire
Qu'il risquait sa vie et son bien,
Notre homme ne faisait qu'en rire,
Et répétait toujours : Cela ne sera rien.
Un perroquet de l'équipage,
' A force d'entendre ces mots,
Les retint, et les dit pendant tout le voyage.
Le navire égaré voguait au gré des flots,
Quand un oalme plat vous l'arrête.
Les vivres tiraient à leur fin ;
Point de terre voisine, et bientôt plus de pain.
Chacun des passagers s'attriste, s'inquiète ;
Netre capitaine se tait.
Cela ne sera rien, oriait le perroquet.
Le oalme continue ; on vit, vaille que vaille ^
Il ne reste plus de volaille :
On mange les oiseaux, triste et dernier moyen I
Perruches, cardinaux, catakois, tout y passe ;
Le perroquet, la tête basse,
Disait plus doucement : Cela ne sera rien.
Il pouvait encore fuir, sa cage était trouée ;
Il attendit, il fut étranglé bel et bien; •
Et, mourant, il oriait d'une voix enrouée :
Cela .. Cela ne sera rien (4).
Non seulement il se trouva, en plein 93,
un auteur pour publier, un libraire pour
imprimer, des lecteurs pour lire ces fables,
dont la malice inoffensive, dont la gaieté
douée' etTaimable bienveillance formaient,
avec les réalités terribles du moment, un si
prodigieux contraste. La oritique elle-même
s'en occupa. Le Mercure français leur con
sacra un long artiole, dont l'auteur n'était
rien moins que le prince des critiques d'a
lors, La Harpe lui-même. Le oomité de
Salut public commençait à fonctionner à
côté du tribunal révolutionnaire. La Con
vention nationale était chaque jour le
théâtre de scènes d'une violence inouïe. La
guerre civile n'attendait plus qu'un signal
pour éclater dans la rue. La Harpe, pen-
(1) Fables, livre III, fable xx*.
dant ce temps-là, pèse, dans ses balances,
avec un sang-froid merveilleux, les rimes
et les oésures de Florian. Je lis dans son
article :
De Rossignols une centaine
S'éorie : Epargne-le, nous n'avons plus que lui.
a L'auteur a oublié quel'* muet n'a point
de valeur à la oésure, qui est le repos du
vers.
Armés d'hoyaux, dè pics, etc. 1
« L'A est aspirée dans Aoj/aux:il.faut abso
lument prononcer armés de hoyaux.
Notre lièvre hors d'haleine,
« Même faute : hors est aspiré. Il fallait :
le lièvre hors d'haleine.
« L'inversion n'est point admise dans ce
qu'on appelle les phrases faites, telle que
celle-oi : il parle beaucoup et ne dit rien.
C'est une raison pour oondamner oes deux
vers :
Et chacun comme à l'ordinaire
Parle beaucoup et rien ne dit.
a La contrainte de la rime se fait ioi trop
sentir. On ne doit la sentir nulle part, mais
dans la fable moins que partout ailleurs.
Le fermier qui passait en revenant des champs
Voit ce spectacle sanguinaire
« Sanguinaire, qui exprime toujours une
disposition à répandre le sang, ne peut
s'appliquer au mot spectacle. L'auteur au
rait pu mettre :
Voit ce passe-temps sanguinaire,
parce que alors ce qu'on dit du passe-temps
peut s'appliquer, par une métonymie très
permise, à ceux qui se donnent oe passe-
temps (5). »
Il fallait être homme de lettres — et Là
Harpe l'était jusque dans la moelle des os,
pour parler, en un tel moment, de métony
mie, et pour rechercher s'il était mieux de
dire passe-temps sanguinaire ou spectacle
sanguinaire !
If
Grâce à Dieu, les événements aotuels ne
sont pas aussi tragiques que ceux au mi
lieu desquels parurent les Fables de Flo
rian. La politique pourtant envahit tous ; il
n'est question que de scandales, de pots-de
vin, de corruption, de concussion, de po
lice correctionnelle, de cour d'assises, de
Haute-Cour. Ce ne sont de tous côtés qu'ac
cusations, injures, menaces. Il faut un fier
courage pour lancer au milieu de oette
tempête un volume de poésies. Les braves
gens qui s'y risquent savent, en tout cas,
que jamais leur éditeur ne détachera pour
eux de son carnet le moindre chèque. Que
ce soit pour la oritique un motif de plus de
leur faire accueil et de parler d'eux un ins
tant:
M. Charles Fuster est un vrai poète. J'ai
là sur ma table trois de ses volumes : l'Ame
des ehoses, les Poètes du Clocher et le Cœur.
L 'Ame des choses a paru en 1889, l'année
doublement fameuse par l'Exposition uni
verselle de Paris et par les élections de la
Chambre des députés. Il n'était quèstion
alors que da la Tour de M. Eiffel et de la
Chambre de M. Constans. La foule était-
elle assez enthousiaste! Les électeurs
étaient-ils assez dociles ! Jamais plus belles
(5) Mercure français, avril 1793, p. 186.
ïf* 9049 — Edition quotidienne
WÊmammmÊmmiaaaÊÊÊÈmmmÈmmÊm «mmmiw
Mardi 14 Février 1893
ÉDITION QUOTIDIENNE
On ati. „ ,
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PARIS
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L 'UNIVERS M répond pas des manuscrits qui M sont ita&
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MM. LAGRÀNGE, CERF, et G'*, 6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 13 FÉVRIER 1893
Que sera l'interpellation de M. Ley-
det ? Sur quel terrain se placera le
député radical ? Il se propose évidem
ment de faire le jeu de MM. Ribot et
Bourgeois, mais le pourra-t-il ? Déjà
il se produit chez les radicaux des exi
gences qui pourraient embarrasser M.
le président du conseil malgré sa flexi
bilité. Dans la Petite République ,
M. Goblet pose ses conditions ; il veut
qu'on « saisisse cette occasion peur
affirmer,en vue des élections, un pro
gramme non pas seulement d'honnê
teté, mais de progrès et de réformes
politiques, économiques et sociales »,
et qu'on fasse « appel au concours de
tous les républicains qui voudront
l'accepter. Et il ajoute dédaigneuse
ment : « Viendront ceux qui voudrent,
et le gouvernement aussi, si le cœur
lui en dit. Mais c'est sur ce terrain
qu'il faut rester, sous peine d'ac
cepter des solidarités compromet
tantes et de perdre tout l'avantage de
la situation que les événements et la
fidélité (quelque peu contestable) des
radicaux à leurs convictions leur ont
faité. »
Gela nous semble bien gros pour
M. Ribot, d'autant que, s'il accepte ce
programme, il risque "de s'aliéner les
opportunistes.
Nos députés et sénateurs se sont
donné de petites vacances à l'occa
sion du carnaval. Qu'ils en profitent,
car les préoccupations ne leur man
queront pas à la rentrée. Outre celles
Sue peut leur donner le programme
e M. Goblet dont nous venons de par
ler, il reste toujours le Panama, qui
n'est pas enterré.
C'est ce soir que se terminent les
délais de pourvoi contre l'arrêt de la
chambre des mises en accusation dans
l'affaire de corruption. Déjà plusieurs
des prévenus se sont pourvus, d'au
tres hésiteraient encore.
L'impatience est vive en Angle
terre : on attend le dépôt par M. Glad
stone de sa motion pour le Home
Rule. C'est la grande lutte qui va
s'engager; la discussion interminable
de l'Adresse n'était qu'une escar
mouche sans conséquence.
VOsservatorë Romano du 12 février,
que nous recevons à la dernière heure,
nous apporte le texte d'une impor
tante lettre pontificale adressée aux
évêques de la province ecclésiastique
de Venise, qui avaient éerit au Saint-
Père pour lui demander d'intervenir
par ses enseignements, ses avis et ses
conseils, au sujet de la nouvelle loi
que projette le gouvernement italien,
et qui a pour but de faire précéder
obligatoirement le mariage religieux
par ce qu'on appelle le mariage civil.
La réponse du Pape, dont nous
donnerons demain la traduction,-
condamne le projet de loi dont il
s'agit comme attentatoire aux droits
de l'Eglise, seule compétente en ma
tière d'administration des sacrements.
Résumant lui-même l'enseignement
de l'Eglise, qu'il expose à nouveau
sur ce point avec une ampleur admi
rable, le Souverain Pontife dit que le
projet de loi en cause « usurpe les
droits de l'Eglise, entrave son action
salutaire et en resserre de plus en plus
les chaînes, au grand détriment des
âmes. » Le Pape ajoute que ce projet
«lèse la juste liberté des citoyens et
des fidèles, favorise et sanctionne les
unions illégitimes, ouvre la voie à de
nouveaux scandales et à des désor
dres moraux ». En outre, « il trouble
la paix des consciences et rend plus
aigu le conflit entre l'Eglise et l'Etat,
conflit absolument contraire à l'ordre
établi par le Créateur, justement
blâmé et réprouvé par tous les esprits
honnêtes et dont assurément l'Eglise
n'est pas cause ».
Le Pape ne «Joule pas qu'à l'exem
ple des évêques, le clergé et les fidèles
ne combattent de toutes leurs forces
un projet aussi monstrueux qui vise
à persuader au peuple que le rite civil
suffit & constituer le légitime mariage
tandis qu'il n'y a là pour ceux qui s'en
contentent, dit le Saint-Père, qu'un
« abominable concubinat. »
La Lanterne nous dédie un article
pour lequel co journal prodigue titre
et sous-titre, avec un luxe de grosses
lettres très propre à frapper l'imagina
tion de ses lecteurs. Le titre porte :
« La laïcité de l'enseignement » et le
sous-titre : « Précautions nécessaires».
Ils sont mis en vedette pour signaler
ce qui suit :
L'Univers publie, avec force commen
taires indignés, un questionnaire adressé
aux instituteurs et institutrices de l'arron
dissement des Andelys et qui a pour but
de renseigner l'inspecteur primaire sur la
manière dont est observé le principe de la
laîoilé'ttë TMielgaeriiStit. "
Le pieux journal feint de s'étonner des
précautions que prend l'autorité universi
taire pour assurer l'exéoution de la loi. Il
demande plaisamment si la République
serait en danger au cas .où l'instituteur en
seignerait le catéchisme ou chanterait au
lutrin.
Evidemment, la République telle qu'on
la rêve à l 'Univers, une République théo-
cratique gouvernée du Vatioan par le Pape,
ne pourrait que gagner & ce que les généra
tions nouvelles fussent façonnées dès l'en
fance à la domination de l'Eglise.
Mais c'est précisément parce que la Ré
publique républicaine, c'est-à-dire celle
qui a pour principe la liberté de l'esprit hu
main, a vu les inconvénients de oette pré
paration en serre chaude, qu'elle prend ses
précautions pour tenir le prêtre à l'écart
de l'école.
On comprend que l'Univers le trouve
mauvais. C'est une raison de plus pour que
le questionnaire qui l'indigne nous rem
plisse d'aise et que nous désirions le voir
étendre à toute la France.
Il est des gens qui, affligés de la jau
nisse, voient tout en jaune. Les lan-
terniers, eux, voient tout en rouge.
C'est aussi une maladie dont nous de
vons signaler ici un nouvel accès. Où
donc la Lanterne a-t-elle vu « force
commentaires indignés » dans les
brèves remarques dont nous avons ac
compagné le questionnaire d'espion
nage adressé aux instituteurs de l'ar
rondissement des Andelys?
Nous n'avons pas, davantage, feint
un étonnement quelconque à propos
de cette inquisition laïcisatriee, la
chose étant coutumière aux soi-disant
libéraux, qui parlent toujours de to
lérance,mais sont, en réalité, les pires
des oppresseurs.
Mais la Lanterne se rapproche du
vrai quand elle ajoute que nous avons
demandé plaisamment si la Républi
que serait en danger au cas où l'insti
tuteur enseignerait le catéchisme ou
chanterait au lutrin. Le questionnaire
dont nous avons parlé prêtait en effet
àl'ironie, et nous n'avons pas jugé né
cessaire de le combattre autrement,
bien qu'il soit une manifestation très
sérieuse de l'esprit de secte qui anime
les laïcisants contre tout instituteur
soupçonné de vouloir adoucir en pra
tique les dispositions de la loi scolaire
athée.
A cet égard, nous devons prendre
acte aussi du désir exprimé par la
Lanterne , qui voudrait voir ledit ques
tionnaire étendu à toute la France.
Elle prétend que cela serait fort» utile
à la « liberté ae l'esprit humain ». La
vérité, c'est qu'il n'est pire oppression
pour l'esprit humain que cette préten
due liberté, au nom de laquelle on
supprime par voie législative la liberté
des pères de famille en ce qui con
cerne le plus grave devoir^ c'est-à-dire
l'éducation de leurs enfants.
La Lanterne nous rappelle par là
même la nécessité qui s'impose à tous
les catholiques de lutter sans trêve,
par toute la France, contre les sectai
res qui ont voté, qui maintiennent et
appliquent ces lois détestables. C'est
un avis dont nous lui savons gré, car.
nous espérons qu'il portera ses fruits.
A uguste : R oussel.
On sait que M. Floquet est un mem
bre important de la franc-maçonnerie
qui a été pour beaucoup dans sa for
tune politique et qui, plus d'une fois,
l'a remis en selle après diverses cul
butes.
En sera-t-il de même cette fois? Là-
dessus, voici ce qu'a dit à un rédac
teur du Matin « un très-haut gradé
d'une loge très ancienne » :
La vérité est que la franc-maçonnerie
constitue peut-être le dernier atout que le
F* - , Floquat a dans son jeu»C'est lafrano-
maçonnerie qui a contribué, pour une large
part, à ses succès politiques : il a été, dans
la vie publique, le porte-voix des revendi
cations formulées mystérieusement au sein
des loges; e'est beauooup sur ses instances
réitérées que la frano-maçonnerie a com
battu le boulangisme. Si donc l'homme a
rendu des services à l'institution, l'institu
tion en a rendu à l'homme.
C'est pourquoi, au moment de l'éîeotion
présidentielle à la Chambre, le F.'. Floquet,
comptant sur l'appui de ses FF.*., nom
breux au Parlement, essaya de ressaisir le
fauteuil présidentiel. Hélas ! on a pu se con
vaincre, en parcourant Y Officiel que le zèle
des bons FF.*, s'était considérablement
ralenti. En effet, beaucoup de ces derniers
n'nnt pas voté pour le eandidat Floquet. Le
lâchage était caractéristique.
Des amis du blackboulé, ne perdant pas
oourage, se répandirent dans les loges, où
ils tenté rentre grands efforts pour démon
trer que la cause du F.*. Floquet et celle
de la franc-maçonnerie étaient indissoluble
ment liées ; que la ohute du F.'. Floquet
porterait naturellement un préjudice sérieux
à l'institution elle-même ; bref, qu'il fallait,
à tout prix, sauver le F.*. Floquet. Il fut
alors oonvenu que les loges seraient invi
tées à voter des ordres du jour en faveur
du F.*. Floquet.
Le résultat de toutes oes intrigues a été
piteux. Deux ou trois loges de province ont
seules montré un peu d'enthousiasme. Tout
le gros bataillon maçonnique n'a pas bougé.
Comme au théâtre, on entendait bien quel
ques voix crier : « Marchons 1 » mais pres
que tout le monde restait en plaoe.
Vous pouvez donc annoncer, sans crain
dre d'être démenti, que le F.-. Floquet e;t
bel et bien lâohé par la franc-maçonnerie ;
d'ailleurs, vous n'avez qu'à lire l'histoire de
l'Ordre pour vous convainore que l'institu
tion ne s'est jamais montrée bien tendre à
l'égard des vaincus ; elle n'aime guère que
ceux qui peuvent lui être utiles.
C'est aujourd'hui que M. Gladstone
entreprend définitivement l'œuvre par
laquelle il veut couronner sa carrière.
C'est aujourd'hui qu'il déposera au
Parlement son projet de loi de Home
Rule.
Il va sans dire que ce projet de loi
est attendu en Irlande et en Angleterre
avec une grande impatience. Aucun
détail n'en a encore transpiré dans le
public. Et quand on pense que le
projet a été imprimé à un certain
nombre d'exemplaires, et que chaque
ministre en a eu copie, le secret
dont le document est encore entouré
paraît incroyable. Et il paraît plus
incroyable encore quand on sait que
les adversaires du cabinet n'ont rien
épargné pour tâcher de connaître le
lâmeux projet. On raconte dans les
journaux anglais-qu'une somme de
1.000 livres sterling avait été offerte
pour une copie du projet.
Quant à l'accueil que le projet de
loi recevra aux Communes, on peut
le prévoir avec assez d'exactitude.
Les tories et les unionistes pousse
ront de beaux cris et proclameront
que le salut de l'Angleterre est com
promis. Les Irlandais l'accueilleront
avec gratitude, car on prétend que
M. Gladstone fait largement les cho
ses. Un point reste un peu incertain,
à savoir l'attitude que le parti libéral
prendra entre la réforme de son chef
et les clameurs unionistes.
LES
« Etudes » et le ne Correspondant »
m ■ '
un ÉPISODE du CONCILE
,11(1)
Les évêques de la minorité, ou plu
tôt des évêques de l'opposition, depuis
l'ouverture jusqu'à la fin du concile,
ont-ils, oui ou non, demandé avec
une.passion extrême que le dogme dé
l'infaillibilité pontificale ne fût pas
proclamé ? Quelques-uns — ceux qui
menaient les autres — n'ont-ils pas,
dans ce but, publié ou encouragé des
écrits déplorables,eu recours à l'intri
gue et,enfin, cherché l'appui du pou
voir civil?
Là-dessus il n'y a pas doute : les
chefs de l'opposition, dépassant de
beaucoup la mesure légitime, ont usé
de ces moyens. Ceux de leur école qui
ne veulent pas l'avouer* n'osent dire
carrément non. Le Correspondant lui-
meme passe condamnation sur ce qui
touche Mgr Darboy, et se borne pour
Mgr Dupanloup à nier qu'il ait de
mandé au gouvernement français le
retrait des troupes qui gardaient
Rome au Pape. Jamais, dit-il, on ne
produira un tel papier ; prétendre
qu'il existe, c'est calomnier un grand
évêque. Et il invoque le témoignage
de M. Emile Ollivier.
C'est forcer et fausser les choses afin
de s'en mieux tirer. Ni les Etudes ni
Mgr Freppel n'ont affirmé que Mgr
Dupanloup avait écrit à Napoléon III :
« Sire, menacez le Pape de rappeler
votre:ambassadeur et vos soldats, et,
si la menace ne suffit pas, exécutez-la,
sinon le dogme que, d'accord avec
vous, nous écartons, sera voté. » Mgr
Freppel, en disant, avec sa liberté de
langage, ce qu'il a dit, sans nommer
Eersonne, rappelait tout uniment un
ruit très répandu. Quant au rédac
teur des Etudes, le R. P. Cornut, voici
son commentaire : L'évêque d'Angers
faisait « allusion à l'appel direct que
Mgr Darboy et Mgr Dupanloup, vain
cus sur le terrain théoiogique, adres
saient à l'empereur et au pouvoir ci
vil contre le concile ».
La question, quant aux Etudes , est
donc de savoir s'il y a eu appel direct
au pouvoir civil. M. Ollivier ne la tran
che pas en s'écriant : « Aucun évêque
de la minorité, et pas plus Mgr Du
panloup que tout autre, n'a réclamé
l'évacuation du territoire pontifical ».
Ces paroles prêtent à l'équivoque, et
voilà pourquoi le Correspondant en
fait tant de cas.
(1) Univers du 3 février.
Je demande pardon d'avoir mis tant d'inter
valle entre cet article et le premier. Le journa
liste n'est jamais bien maître de son temps, et
c'est une éprouve où j'ai plus que ma part.
E. V.
Voyons donc si « certains évêquesj»,
comme disait Mgr Freppel, ont de
mandé au gouvernement impérial
d'intervenir au profit de la minorité
du concile contre la majorité et le
Pape,
Oui, cette intervention a été désirée
et appelée. Le doute ne peut exister
que sur les formes de l'appel. Quicon
que lira sans parti-pris le travail du
R. P. Cornut le reconnaîtra.
Tandis que l'anonyme du Corres
pondant procède par des inductions,
des déductions et des à-peu-près, le
rédacteur des Etudes produit des tex
tes.Les plus concluants en l'espèce sont
incontestablement ceux de M. Emile
Ollivier, racontant comme historien
ce qu'il a fait et écrit comme minis
tre. Aussi le'R. P. Cornut lui em-
prunte-t-il beaucoup. Suivons-le li
brement et en abrégeant.
Le 17 février 1870 l'ambassadeur de
France, M. de Banneville., rendant
compte au ministre d'un entretien
qu'il avait eu avec Mgr Dupanloup,
rapportait que celui-ci, à propos de
l'éventualité du retrait de nos troupes,
s'était écrié : « Alors, nous oublierions
tout le reste et nous serions les pre
miers à nous ranger autourdu Pape ».
Ainsi Mgr Dupanloup et ses amis
estimaient avoir beaucoup à oublier
du Pape, c'est-à-dire beaucoup à lui
pardonner! Si cette déclaration n'é
tait pas claire par elle-même, il suffi
rait pour l'éclairer en plein, à giorno,
de rappeler quelle conduite, dès cette
date, tenait à Rome le remuant évê
que d'Orléans. Cette conduite, un
évêque français MgrWicart, évêque
de Laval, la jugeait ainsi dans une
lettre du 19 février :
Je déclare ioi, devant Dieu et prêt à
paraître à son jugement, que j'aimerais
mieux mourir, tomber mort sur-le-champ
que de suivre l'évêque d'Orléans dans les
voies où il marche aujourd'hui.... Vous ne
savez pas oe qu'il fait, vous ne savez pas ce
qu'il dit ici, ni oe que font, ni ce que disent
ses adeptes. Moi, je le sais ; je l'entends de
mes oreilles, je le vois de mes yeux. Non,
plutôt mourir à l'instant même que de prê
ter la main à oes desseins, à oes manœuvres
inqualifiables 1 Je le dis, et je le répéterai à
mon dernier soupir.
Et cette passion de Mgr Dupanloup
3ui épouvantait Mgr Wicart, ne cessa
e monter, de s'enflammer, de s'irri
ter jusqu'à la fin du Concile. Que dit-
il et fit-il donc en mai et juin, l'évê
que qui en était arrivé là dès février?
N'est-il pas évident que son cri : Alors
nous oublierions toutl répondait à cette
observation de l'ambassadeur : « Mon
seigneur, si nous suivions vos conseils
si nous nous rendions à vos instan
ces, le Pape nous résisterait, et cette
lutte nous conduirait au retrait des
troupes, par conséquent à livrer
Rome aux Italiens. » 4
Et comme un évêque ne pouvait ré
pondre : Soit ! il fallait bien crier :
A/ors/...etc.
Cependant les instances continuè
rent et M. de Banneville, qui dési
rait ne pas attenter à la liberté du
Pape et du Concile fut accusé de man
quer à son devoir envers l'empereur
et l'empire. Il y en a des preuves en
divers lieux, notamment dans une
illisible vie de Mgr Maret. Mais tenons-
nous-en, comme le R. P. Cornut, aux
documents qu'a produits M. Emile
Ollivier.
Le 21 mai 1870, Mgr Darboy, écri
vant à Napoléon III, dont il était le
grand aumônier et le pensionné, lui
recommandait, comme donnant « la
vérité sur le Concile » et les choses
de Rome, des pamphlets où les faus
setés méchantes abondaient. Est-ce que
Mgr Dupanloup ne recommandait pas,
lui aussi, ces pamphlets ? Est-ce qu'il
n'en connaissait pas l'origine ? est-ce
que leurs auteurs ne se prévalaient pasf
de ses sympathies?...
Après avoir conseillé au maître ces
bonnes lectures,l'archevêque de Paris
lui montrait que l'intervention du
gouvernement dans les affaires du
Concile n'avait encore rien produit et
le pressait de n'en pas rester là. Que
faire en attendant mieux? Mais, un
acte de grande portée ;
Il consisterait, ajoute l'archevêque,
à rappeler M. dt Banneville sans lui donner
de successeur à présent, le premier secrétaire
de l'ambassade restant chargé par intérim des
affaires de France... Par oe que je viens
d'indiquer, Sire, le gouvernement de Votre
Majesté maintiendrait et mêpe sanctionne
rait ce qu'il a cru devoir faire au sujet du
Concile ; il ne contristerait pas, il honore
rait, au contraire, M. de Banneville, qui a
tiré de Home le parti qu'on en peut tirer :
il donnerait un appui moral à la minorité
engagée dans une lutte où elle se oomporte
bravement, et il contribuerait peut-être effi
cacement à faire retirer ou ajourner la ques
tion malheureuse qui inquiète et divise
tout le monde. Depuis huit jours, la discus
sion sur l'infaillibilité est ouverte; près de
cent évêques sont inscrits pour parler sur
le sohema en général. Un plus grand nom
bre encore parleront sur les différents
chapitres dont il se compose. Nous ne flai
rons pas avant le mois de juillet. On peut
donc encore arriver â temps pour empêcher
cê qui se prépare ici.
Le.R. P. Cornut n'est-il pas dans le,
vrai et ne garde-t-il pas une grande
mesure quand, à la suite de cette cita
tion,il dit: « La main tremble en trans-
« crivant ces lignes où Mgr Darboy
«•réveille les susceptibilités, ravive
« les rancunes, propose des moyens
« plus efficaces que les mesures em«
« ployées déjà, et termine en invitant
« à faire vite »?
Et quelle vilaine habileté dans ce lan
gage souple et calme 1 Le rappel de
l'ambassadeur, c'était pour celui-ci,
coupable de soumission au Pape, une
disgrâce ; pour Pie IX et la majorité du
Concile, la menace et le prélude du
rappel des troupes; pour la minorité,
un encouragèment à se comporter de
plus en plus bravement , c'est-à-dire à
suivre sans hésitation jusqu'où ils
voudraient aller Mgr Darboy et Mgr
Dupanloup. Quant à la suspension du
Concile, les opposants ne doutaient
pas qu'elle serait indéfinie et, en effet,
elle l'aurait été. La demander par de
tels moyens, c'était dire à l'empereur :
Sire, par cet acte vous empêcherez ce
qui se prépare ici ; vous fermerez le
Concile, vous vaincrez Rome, vous
pourrez dire que, grâce à vous,les évê
ques du monde entier, réunis au Vati-
cant pour proclamer l'infaillibilité du
Vicaire de Jésus-Christ, ne l'ont pas
fait ; courage, Sire!
Que -penser du disciple qui force à
rappeler ces choses, à réveiller de tels
souvenirs? Quel précieux ennemi !
« Calomniateurs », crie l'anonyme,
dressé sur ses ergots; je vous aban
donne Mgr Darboy, mais vous n'aurez
pas Mgr Dupanloup. Celui-ci n'a pas à
répondre des actes de celui-là.
Cette prétention n'est pas fondée.
Quand l'action a été commune, la
responsabilité doit l'être aussi. C'est le
cas.Commel'archevêque de Paris,l'évê
que d'Orléans a voulu le rappel de l'am
bassadeur et l'ajournement du Concile;
{)lus que lui, il a encouragé et secondé
a vilaine guerre des journaux,des bro
chures et des salons : il a été le père
des matriarches et le théologien des
théologiennes, cette floraison libérale
et gallicane que nous revoyons au
jourd'hui. Tout cela est reconnu même
de son historien. Quant à l'appel
direct au pouvoir civil, les» Etudes
produisent le témoignage déjà connu'
ae M. Emile Ollivier, ce même témoin
dont le Correspondant dit : Sa parole
FEUILLETON DE L'UNIVERS
du 14 février 1893
CAUSERIE LITTÉRAIRE
Les Poètes (1)
I
Puisque nous sommes en 1893, peut-être
m'arrivera-t-il quelquefois — le lecteur
voudra bien me le pardonner — de revenir
sur les souvenirs de l'Année Terrible et de
célébrer à ma façon, sans sortir de la litté
rature, le centenaire de 93.
Le samedi 20 avril 1793, on criait dans
les rues de Paris les Dernières condamna
tions du tribunal révolutionnaire. Le tribu
nal n'était encore qu'à ses débuts. Le
6 avril, il avait tenu sa première séance et
prononcé sa première condamation à mort.
Il tâtonnait bien un peu en ces premiers
jours ; même il avait acquitté deux ou trois
accusés. Il n'allait pas tarder à « se ressai
sir ». La journée du 20 avait été assez
bonne. Deux condamnations à mort. Le
premier prévenu était un ancien prieur de
Clisson, en Bretagne, Antoine-Jean de
Clinchamp, dit Saint-André, coupable d'a
voir fait imprimer un écrit de quatorze
pages, ayant pour titre : Aux amis de la vé
rité. Le seoond, Breton également, était un
(i) Charles Forsteh : L'Ame des choses, 1889;
— Les Poètes du Clocher, 1890; — Le Cœur.
1892.
jeune lieutenant de vaisseau, M. Gabriel du
Guiny, coupable d'être allé, en janvier
1792, à Bruxelles, puis à Spa, prendre les
eaux. Ah! mon Dieu ! s'était écrié le prieur
en entendant les réquisitions de Fouquier-
Tinville. Bien obligé ! avait dit l'officier de
marine (2).
Ce même jour, les libraires du Palais-
Royal — qui s'appelait alors palais de l'Ega
lité — mettaient en vente un livre nouveau,
un élégant volume in-18, soi ti des presses
de Didot l'aîaé, et qui avait pour ' titre :
Fables de M. de Florian, de l'Aoadémie
française, suivies du poème de 7'oàie(3).
Lancé en pleine Terreur, au lendemain
de l'établissement du tribunal révolution
naire, ce gracieux volume, aveo ses vers
riants et faciles, aveo sa morale innocente
et pure, dut faire l'effet d'un agneau égaré
loin de sa bergerie et tombé au milieu des
loups.
En 1787, lorsque Florian avait publié la
pastorale d'Estelle et Némorin , un homme
d'esprit, M. de Thiard, avait dit : « J'aime
(2) Bulletin du Tribunal criminel révolution
naire, n" 13, 14, 15 :« En allant au supplice,
dit le Bulletin, Duguigny salua différentes
personnes aveo un air g&i, surtout dans la rue
Saint-Honoré. Si figure ne souffrit pas dans la
route la moindre altération ». — Mlles du
Guiny, dont la maison servit pendant plusieurs
années d'asile à la duchesse de Berry en 1832,
appartenaient à la famille du courageux con
damné du 20 avril 1793.
(3) Sainte-Beuve, presque toujours si exact,
s 'est trompé dans son article sur Florian (Cau
series du Lundi, t. III), lorsqu'il a dit, page 187 :
« S es Fables parurent en 1792 ». Elles ont paru
au mois d'avril 1793. Voy. le Mercut e Français
de 1793, n°87, et dans VAImanach des Muses de
1794, la liste des publications poétiques de
1793. ' ■
beaucoup les bergeries de M. de Florian,
mais j'y voudrais un loup. » Mettant en
épigramme le mot de M. de Thiard, le
poète Lebrun avait dit, de son côté :
Dans ton beau roman pastoral,
Avec tes Moutons pêle-mêle,
Sur un ton bien doux, bien moral,
Berger, Bergère, Auteur, tout bêle.
Puis Berger, Bergère, Auteur,Lecteur; Chien,
S'endorment dè moutonneris.
Peur réveiller la Bergerie,
Oh ! qu'un petit Loup viendrait bien 1
En 1793, les Loups étaient venus, et Le
brun hurlait avec eux.
Composées sous Louis XVI, pendant les
années heureuses, les Fables de Florian ne
renfermaient aucune allusion aux événe
ments de la Révolution. Il se trouva pour
tant de braves gens pour les lire, pour goû
ter : l'Aveugle et le Paralytique, le Pacha et
le Dervis, le Charlatan, le Singe qui montre
la lanterne magique, le Perroquet confiant,
le Laboureur de Caslille, l'Habit d'Arle
quin, la Chenille, où certains se plurent &
reconnaître Mme de Genlis. Seule peut-être
une de ces pièces avait un air de oiroons-
tance, celle dans laquelle l'auteur peignait
cet imperturbable optimisme qui faisait alors
le fond du caractère français. Comme rien
n'est changé à cet égard depuis cent ans,
et que le Perroquet est toujours aussi con-
fiant/ je la oiterai tout entière :
Cela ne sera ritn, disent certaines gens,
Lorsque la tempête est proohaine ;
Pourquoi nous affliger avant que le mal vienne?
Pourquoi ? Pour l'éviter, s'il en est encor temps.
Un capitaine de navire,
Fort hrave homme, mais peu prudent,
Se mit en mer malgré le vent.
Le pilote avait beau lui dire
Qu'il risquait sa vie et son bien,
Notre homme ne faisait qu'en rire,
Et répétait toujours : Cela ne sera rien.
Un perroquet de l'équipage,
' A force d'entendre ces mots,
Les retint, et les dit pendant tout le voyage.
Le navire égaré voguait au gré des flots,
Quand un oalme plat vous l'arrête.
Les vivres tiraient à leur fin ;
Point de terre voisine, et bientôt plus de pain.
Chacun des passagers s'attriste, s'inquiète ;
Netre capitaine se tait.
Cela ne sera rien, oriait le perroquet.
Le oalme continue ; on vit, vaille que vaille ^
Il ne reste plus de volaille :
On mange les oiseaux, triste et dernier moyen I
Perruches, cardinaux, catakois, tout y passe ;
Le perroquet, la tête basse,
Disait plus doucement : Cela ne sera rien.
Il pouvait encore fuir, sa cage était trouée ;
Il attendit, il fut étranglé bel et bien; •
Et, mourant, il oriait d'une voix enrouée :
Cela .. Cela ne sera rien (4).
Non seulement il se trouva, en plein 93,
un auteur pour publier, un libraire pour
imprimer, des lecteurs pour lire ces fables,
dont la malice inoffensive, dont la gaieté
douée' etTaimable bienveillance formaient,
avec les réalités terribles du moment, un si
prodigieux contraste. La oritique elle-même
s'en occupa. Le Mercure français leur con
sacra un long artiole, dont l'auteur n'était
rien moins que le prince des critiques d'a
lors, La Harpe lui-même. Le oomité de
Salut public commençait à fonctionner à
côté du tribunal révolutionnaire. La Con
vention nationale était chaque jour le
théâtre de scènes d'une violence inouïe. La
guerre civile n'attendait plus qu'un signal
pour éclater dans la rue. La Harpe, pen-
(1) Fables, livre III, fable xx*.
dant ce temps-là, pèse, dans ses balances,
avec un sang-froid merveilleux, les rimes
et les oésures de Florian. Je lis dans son
article :
De Rossignols une centaine
S'éorie : Epargne-le, nous n'avons plus que lui.
a L'auteur a oublié quel'* muet n'a point
de valeur à la oésure, qui est le repos du
vers.
Armés d'hoyaux, dè pics, etc. 1
« L'A est aspirée dans Aoj/aux:il.faut abso
lument prononcer armés de hoyaux.
Notre lièvre hors d'haleine,
« Même faute : hors est aspiré. Il fallait :
le lièvre hors d'haleine.
« L'inversion n'est point admise dans ce
qu'on appelle les phrases faites, telle que
celle-oi : il parle beaucoup et ne dit rien.
C'est une raison pour oondamner oes deux
vers :
Et chacun comme à l'ordinaire
Parle beaucoup et rien ne dit.
a La contrainte de la rime se fait ioi trop
sentir. On ne doit la sentir nulle part, mais
dans la fable moins que partout ailleurs.
Le fermier qui passait en revenant des champs
Voit ce spectacle sanguinaire
« Sanguinaire, qui exprime toujours une
disposition à répandre le sang, ne peut
s'appliquer au mot spectacle. L'auteur au
rait pu mettre :
Voit ce passe-temps sanguinaire,
parce que alors ce qu'on dit du passe-temps
peut s'appliquer, par une métonymie très
permise, à ceux qui se donnent oe passe-
temps (5). »
Il fallait être homme de lettres — et Là
Harpe l'était jusque dans la moelle des os,
pour parler, en un tel moment, de métony
mie, et pour rechercher s'il était mieux de
dire passe-temps sanguinaire ou spectacle
sanguinaire !
If
Grâce à Dieu, les événements aotuels ne
sont pas aussi tragiques que ceux au mi
lieu desquels parurent les Fables de Flo
rian. La politique pourtant envahit tous ; il
n'est question que de scandales, de pots-de
vin, de corruption, de concussion, de po
lice correctionnelle, de cour d'assises, de
Haute-Cour. Ce ne sont de tous côtés qu'ac
cusations, injures, menaces. Il faut un fier
courage pour lancer au milieu de oette
tempête un volume de poésies. Les braves
gens qui s'y risquent savent, en tout cas,
que jamais leur éditeur ne détachera pour
eux de son carnet le moindre chèque. Que
ce soit pour la oritique un motif de plus de
leur faire accueil et de parler d'eux un ins
tant:
M. Charles Fuster est un vrai poète. J'ai
là sur ma table trois de ses volumes : l'Ame
des ehoses, les Poètes du Clocher et le Cœur.
L 'Ame des choses a paru en 1889, l'année
doublement fameuse par l'Exposition uni
verselle de Paris et par les élections de la
Chambre des députés. Il n'était quèstion
alors que da la Tour de M. Eiffel et de la
Chambre de M. Constans. La foule était-
elle assez enthousiaste! Les électeurs
étaient-ils assez dociles ! Jamais plus belles
(5) Mercure français, avril 1793, p. 186.
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