Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1893-02-11
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34520232c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 70622 Nombre total de vues : 70622
Description : 11 février 1893 11 février 1893
Description : 1893/02/11 (Numéro 9046). 1893/02/11 (Numéro 9046).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse Collection numérique : Bibliographie de la presse
Description : Collection numérique : BIPFPIG44 Collection numérique : BIPFPIG44
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k707969m
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Samedi 11 Février 1893
K* 9046 — Edition quotidienne
Samedi 11 Février 1893
ÉDITION QUOTIDIENNE
paris
■t dâpartemsnrs
Un »n...... 65 »
Six mois .... . 28 50
Trois mois. ... 15 »
ÉTRANGER
(union postal!)
63 »
84 »
18 »
I >as abonnements parten t des 1 " et 16 de chaque mois
UN NUMÉRO | Il 0 -''
BUREAUX s Paris, 10, rue des Saints-Pè?e«
On «'«bonne à Rome, place du Gesù, S
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an . . •
Six mois. .
Trois mois.
paris
ET DÉPARTEMENTS
. . 30 u
. . 16 m
. . 8 50
ÉTRANGER
(union postale)
36 »
19 »
10 »
Les abonnements partent des 1» et 16 de chaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui soit adressés
annonces i
MM. LAGRANGE, 'CERF et"G ie , "6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 10 FÉVRIER 1893
La condamnation des administra
teurs du Panama, surtout de MM. de
Lesseps, venant après le renvoi de
MM. Rouvier et autres, a produit une
grande émotion. Tout naturellement,
on a rapproché la sévérité de la justice
correctionnelle de l'indulgence,encore
inexpliquée, de la justice criminelle;
et l'on s'est demandé si la condam
nation d'hier n'avait pas pour but
principal de faire accepter par l'opi
nion l'arrêt de non-lieu d'avant-
hier. Les commentaires sont fort vifs,
aussi bien dans la presse que dans les
coulisses parlementaires.
On annonce que les condamnés se
pourvoient en cassation.
En dépit de son imperturbable con
fiance en lui-même, le solennel et
prétentieux M. Ribot comprend, pa
raît-il, que son acceptation du dis
cours et de l'ordre du jour Gavaignac
l'a mis dans une fausse situation.
Peut-être certains de ses collègues,
moins souples ou plus clairvoyants,
ont-ils contribué à l'éclairer. Quoi
qu'il en soit, on annonce déjà une
interpellation de complaisance,qui se
rait déposée par M. Leydet, des Bou-
ches-du-Rhône, lequel joue mainte
nant les Devès à la Chambre, interpel
lation dont le but serait de fournir à
M. Ribot l'occasion de se relever en
éclaircissant la situation. Ce sera
quelque peu difficile.
Hier, nos députés ont terminé le
budget des postes et télégraphes, voté
ceux des téléphones et de la caisse
d'épargne postale et commencé celui
des finances, qu'ils continueront au
jourd'hui, sauf incident. Une discus
sion s'est engagée au sujet du repos
dominical, à laquelle ont pris paît
notamment Mgr d'Hulst et M. Delon-
cle ; jamais celui-ci n'avait été aussi
bien inspiré.
Au début delà séance, M. Godelle a
déposé une demande d'interpellation
au sujet d'une grève qui s'est pro
duite dans l'Aisne, et où l'on craint des
violences. La discussion a été fixée à
jeudi.
Le Sénat avait à s'occuper de la re
construction de l'Opéra.-Comique ; il a
écarté le projet de loi déjà voté par
la Chambre et a adopté un contre-pro
jet de M. Monis. Tout est à recom
mencer.
Le rapport sur la proposition Monis
dirigée contre MM. Delahaye et An-
drieux a été déposé. Il sera sans doute
distribué aujourd'hui et peut-être dis
cuté immédiatement. A l'ordre du
jour de la séance, il n'y a que des pro
jets de loi d'intérêt local, qui retien
draient bien le Sénat dix minutes.
De nouveau, M. Gladstone a an
noncé son intention de déposer au
plus tôt le bill du Home Rule \ il a
même fixé la date de lundi. Si la dis
cussion de l'Adresse n'est pas termi
née aujourd'hui, il demandera à la
Chambre des communes de tenir
séance demain afin d'en flair.
Le chef des parnellistes, M. Red
mond, a déposé un amendement à
l'Adresse réclamant l'amnistie pour
tous les prisonniers politiques irlan
dais. Le gouvernement, par l'organe
du ministre de l'intérieur, a combattu
cet amendement, qui a été repoussé à
une très forte majorité.
Le procès du Panama est fini, du
moins l'arrêt de la Cour est rendu et
si les vœux du gouvernement et de la
justice sont exaucés, on n'y revien
dra plus. Mais que vaut cet arrêt, que
faut-il en penser, quelle'est sa portée
politique et morale ?
Ces questions il y faudra venir, il
faudra les aborder de front et les trai
ter à fond, mais nous trouvons diffi
cile de le faire aujourd'hui. Il y a là
des hommes qui tombent de si haut,
qui ont présidé à tant de ruines en
songeant à faire une grande œuvre et
dont tant de complices restent in
demnes que même, si leur sort était
définitivement fixé, si aucun appel
n'était possible, nous hésiterions à
dire :'ou c'est la juste mesure, ou c'est
trop, ou l'échelle des peines n'est pas
bien proportionnée. Nous sommes de
ceux qui ont demandé l'enquête et
les poursuites ; s'il en est qui veuillent
frapper encore sur les condamnés,
nous n'en serons pas. Bien que nous
n'ayons jamais salué du titre de
« grand français » le vieillard long
temps en gloire qui disparaît dans cet
effondrement, nous ne pouvons être
sans pitié pour lui. Il y a d'autres
coupâmes !
Nous n'admettons pas, en effet,
que la j ustice tienne son rôle pour rem
pli ; nous demandons au contraire que
toutes ses ressources soient mises en
œuvre dans le but et la ferme réso
lution de faire rendre gorge à qui
conque a puisé frauduleusement ou in
dûment dans les caisses du Panama.
Nouâ n'en exceptons pas les ministres
ou les chefs de parti qui ont cherché
là de l'argent pour leurs journaux ou
leurs candidats. Ce chantage, plus
criminel que celui des tripoteurs d'af
faires et autres particuliers, doit
être puni exemplairement . Il est
grand temps de trouver et de garder
les corrompus de haut vol.
Mais si le procès même du Pa
nama peut être arrêté au point
actuel, il en est autrement de
l'affaire. Celle-ci, quoiqu'on fasse,
nous ménage de nouvelles secous
ses et de nouvelles surprises. La
politique y est trop mêlée et trop
d'hommes ayant des rôles et des posi
tions en vue y sont compromis ou en^
gagés pour que des incidents, qui
pourront devenir des événements, ne
se produisent point. Il faut bien que
cette aventure achève de préparer la
liquidation du régime.
L'arrêt qui condamne les directeurs
et le plus important des entrepre
neurs au Panama est certes un rude
coup, mais on se tromperait fort si
l'on croyait qu'il suffira, — avec l'ex
pulsion de quelques députés et séna
teurs, — à corriger les mœurs parle
mentaires et financières. N'est-il pas
évident que toute cette majorité, mo
mentanément enfiévrée de vertu l'autre
jour en entendant le chaud et honnête
discours de M. Cavaignac, est prête à
reprendre pour chefs et ministres les
hommes que la justice tenait hier au
collet et n'a peut-être pas lâché tout à
fait. Combien de nos personnages, en
ce temps de luttes pour les portefeuil
les et d'enquêtes, se demandent avec
trouble, lorsqu'on frappe à leur porte
si l'on vient leur offrir un hôtel mi
nistériel ou une cellule à Mazas. •
Ces raisons et quelques autres nous
assurent que l'arrêt d'hier au lieu
d'être un dénouement, comme tant
de gens le voudraient n'est guère
qu'un levé de rideau. La grande
pièce devra montrer d'autres hommes
et préparer d'autres institutions, si
non nos écuries ne seront pas net
toyées.
Eugène Veuillot.
Quel effet vont produire sur l'opi
nion publique les condamnations in
fligées à M. Ferdinand de Lesseps, à
MM. Charles de Lesseps, Cottu, Eiffel
et Fontane? On peut le prévoir déjà,
par le langage de la presse et grâce à
diverses informations et dépêches. Cet
effet ne sera pas celui qu'espérait sans
doute le gouvernement.
Le gouvernement a voulu "donner à
l'opinion publique, justement émue,
vivement irritée des scandales du
Panama, une satisfaction qui ferait
tomber le3 colères et permettrait de
passer à d'autres exercices. L oubli
viendrait vite, aidé par la lassitude.
On se fatigue d'entendre appeler tou
jours les gens voleurs, comme on se
fatigue de les entendre appeler justes.
Les administrateurs et le principal
entrepreneur sévèrement condamnés,
il serait donc aisé de s'en tenir là. Nos
ministres ont dû faire ce calcul. Il
pouvait paraître habile ; habile ou
non, il n'a pas réussi.
L'opinion publique se refuse à pren
dre le change; voilà ce qui arrive.
Elle est lancée sur une piste dont elle
flaire l'importance Capitale. Il ne s'agit
plus seulement, aujourd'hui, d'un
accident financier. Il s'agit de tout un
régime de corruption qui a longtemps
et .profondément étendu ses ravages.
L'opinion publique veut tout explorer,
tout savoir, tout punir. A ses yeux, les
condamnés d'hier sont devenus de
simples comparses. C'est pourquoi,
contrairement aux prévisions gou
vernementales, les peines que l'on
vient d'édicter et qui ne frappent
qu'une partie des coupables, non les
pires, semblent devoir entraîner ce
résultat : rendre le public plus ardent
à réclamer le châtiment de tous ceux
qui ont forfait.
On en voulait aux corrupteurs. On
en voulait encore davantage aux cor
rompus. Les corrupteurs sont punis.
Maintenant, sans retard, il faut que
les corrompus soient atteints et punis
à leur tour, avec une sévérité aussi
grande, plus grande même. Sinon, le
public trouvera d'abord que l'œuvre
de justice reste incomplète au point
d'être presque dérisoire. Bientôt, il
ira plus loin; il dira qu'elle devient
une véritable œuvre d'injustice à l'é
gard de ceux qui paient pour tous,
ayant peut-être moins à se reprocher
que les autres coupables, ces hommes
politiques, accusés, convaincus même
d'avoir trafiqué de leur influence et de
leur mandat.
Et comme le public a déjà tout lieu
de craindre que les politiciens, sauf
une ou deux exceptions, n'échappent
au châtiment, le voilà qui commence
à prendre en pitié, par comparaison,
les condamnés d'hier.
Telle est, fidèlement traduite, l'im
pression générale. On le verra par les
citations que nous donnons ci-dessous.
Terminons en déclarant que cette
impression nous semble assez juste.
Pierre V euillot.
Voici, à l'appui de ce qu'on vient
de lire, des extraits de plusieurs jour
naux de ce matin. Nous choisissons
des représentants de toutes les nuances
de l'opinion.
Ceci est tiré du Petit Journal :
Des condamnations sévères frappent
MM. Ferdinand et Charles de Lesseps,
ainsi que MM. Eiffel, Cottu el Fontane.
Cet événement produira dans le pays
une émotion d'autant plus profonde qu'il
survient immédiatement après les ordon
nances de non-lieu rendues en faveur de
la plupart des membres du Parlement,
inculpés dans le prooès en corruption.
Du Journal des Débats:
La conscience publique à pu être juste
ment révoltée des scandales révélés dans
ces derniers temps, mais c'est mal la con
naître que de croire qu'on lui donnera sa
tisfaction en frappant d'une condamnation
correctionnelle les derniers jours du créa
teur du canal de Suez.
Du Gaulois :
L'arrêt de la justice était impatiemment
attendu, et, depuis qu'on avait vu la oour
mettre hors de cause M. Rouvier, le bon
public, qui juge aveo son gros bon sens, et
dont l'honnête naïveté subsiste malgré
tout, comptait sur un acquittement général.
De la Lanterne :
La condamnation si dure qui frappe ce
vieillard de quatre-vingt-huit ans, en qui
depuis trente ans se personnifiait pour
ainsi dire aux yeux du monde le génie ex-
pansif et généreux de la raoe française, sera
exploitée à l'étranger comme une sorte de
déchéanoe morale de la France.
De M. Yves Guyot, dans 1 6 Siècle :
En lisant cet arrêt, je me suis senti
frappé. Il enlève des rayons à l'auréole de
notre pays. La gloire est cependant chose
si rare et si préoieuse,qu'une nation devrait
en être économe. M. Ricard en a fait de
la boue pour MM. de Lesseps et Eiffel 1
De M. Drumont dans la Libre Pa
role :
Devant la sévère condamnation qui vient
de frapper les administrateurs du Panama,
il n'y a place que pour la pitié.
Ea se taisant, les administrateurs de Pa
nama se sont crus habiles : ils n'ont été
que naïfs ; ils espéraient bien que l'impu
nité serait le prix de leur silenoe : ils se
sont trompés une fois de plus.
De M. Camille Pelletan, dans la
Justice :
L'arrêt a paru sévère pour le vieillard,
jadis loué de tous, qui se survit à lui-
même, et qui semble avoir moins commis
les fautes condamnées, qu'il ne les a cou
vertes de son grand nom.
De M. Durranc, dans Germinal ;
A cette heure, il ne nous est point possi
ble d'oublier que le Panama est devenu une
énorme machine politique qui ne nous di
rige pas toujours selon les règles sereines
de la justice. Il n'y a pas place pour l'indul-
genoe, pour la pitié, dans cette bataille.
De la Presse :
Si o'est aveo un sentiment de poignante
pitié que l'on a appris la cruelle sentenoe
qui frappe en M. Ferdinand de Lesseps un
vieillard de quatre-vingt-sept ans qui con
nut des années de gloire, le grand peuple
de Franoe, celui qui ignore les compromis
sions et les exigences de la politique, a ao-
cueilli favorablement la condamnation
d'hier.
De l'Autorité :
C'est roidè.
Et cela fait ressortir d'autant plus le soan-
dale de certaines ordonnances de non-lieu.
De l' Intransigeant : •.
L'opinion publique attendait cette sen
tenoe, mais il est fort à croire qu'elle ne lui
suffira pas.
Si, en effet, elle n'a point pardonné à
MM. de Lesseps et à leurs collègues du
conseil d'administration, dans l'affaire du
oanal interocéanique, leur extrême légèreté,
leurs dépenses exagérées, la mauvaise or
ganisation de leurs services, leur impré
voyance, elle ne saurait oublier què trop
souvent ils ont été pris à la gorge, ainsi
que l'a déclaré M. Charles de Lesseps, et
oontraints de verser entre les mains d'hom
mes politiques des sammes que les mal
heureux actionnaires et obligataires avaient
fournies uniquement pour que l'on creusât
le oanal.
Au sujet de l'impression produite,
on lit dans le Figaro :
Les pouvoirs publics n'avaient-ils pas
leur responsabilité dans les fautes commi
ses et dans les lois violées? Les Chambres
n'avaient-elles pas leur part dans les dila
pidations ? Les exigences et la cupidité des
députés ne devraient elles pas faire pen-
oher un peu la balance en faveur des pré
venus que l'on accablait ?
Le pays lui-même, dans son affolement
de la première heure, n'était-il pas un peu
le oomplice de MM. de Lesseps, Fontane,
Cottu, Eiffel?
Les débuts de l'entreprise n'avaient-ils
Îas été encouragés par l'Europe entière?
ies espérances qu'avait fait entrevoir le
peroement du canal, les difficultés que
l'on avait eu à vaincre, tout cela devait
entrer en compte dans la catastrophe
fiuale.
C'est de l'ensemble de ces réflexions
fort sages qu'est sortie la grande explosion
d'étonnement douloureux dont Paris a
donné hier le touchant spectacle.
Nous ne commentons pas, nous ne fai
sons qu'analyser ici les sentiments de la
foule.
On était, partout, surpris de la gravité
de la peine infligée à des ingénieurs ou à
un entrepreneur, tandis que les magistrats
relâchent avec tant d'empressement tous
les personnages politiques influents qui ont
été accusés de marchandage et de corrup
tion. Le monde parlementaire est sauvé
par ceux-là mêmes qui frappent le monde
des finanoes et des affaires.
Le même journal publie les dépêches
suivantes, reçues de l'étranger :
Londres, 9 février, 9 heures du soir.
La nouvelle de la condamnation des ad
ministrateurs de Panama est acoueillie ioi
avec une véritable stupeur.
On ne peut croire à la condamnation de
Ferdinand de Lesseps, une des gloires de
la France. "
L'impression générale du jugement est
considérée comme une manœuvre politique
et toute la sympathie va aux oondamnés, et
particulièrement & Ferdinand de Lesseps.
La nouvelle a été affichée dans les cou
loirs de la Chambre des communes et a
produit une sensation inexprimable.
: T L'arrêt estôommenté d'une façon péni
ble; pour la Franoe.
Saint-Pétersbourg, 9 février, 8 h. soir.
L'arrêt de la cour d'appel a douloureuse
ment impressionné le public : on ne com
prend pas un tel arrêt, après les plaidoiries
que l'on a lues et qui rétablissent les choses
dans leur véritable sens.
M. Eiffel est ici très populaire : il est
chargé de grands travaux sur la Néva, et on
s'aocorde à dire que sa condamnation, que
personne n'approuve, portera un préjudice
certain, non pas à la considération du grand
ingénieur, mais à toutes les entreprises
françaises à l'étranger.
Berlin, 9 février, 11 h. soir.
L'unique objet des conversations dans les
oercles politiques aétéla dure condamnation
des cinq accusés. M. de Lesseps, qui a été
reçu comme un souverain et qui était très
considéré par l'empereur, par la oour et par
le public, est l'objet de la compassion géné
rale. On blâme les magistrats qui auraitent
dû innocenter tout au moins le Grand Fran
çais et M, Eiffel, qui était le seul gros en
trepreneur qui ait, dit-on, soutenu de ses
derniers la République au moment du bou-
langisme menaçant.
L'effet est désastreux pour le gouverne
ment républicain, car tout le monde attri
bue au gouvernement, et non aux magistrats,
la dtireté du jugement rendu.
Vienne, 9 février, 10 h. soir.
On a été très frappé du bruit qui s'est
répandu dans la ville de la condamnation
de M. Ferdinand de Lesseps à cinq ans de
prison.
On se souvient encore du voyage triom
phal que le Grand Français a accompli il y
a sept ans en Autriche-Hongrie, et toutes
les sympathies vont à lui. On considère que
le gouvernement français fait une lourde
faute en demandant une aussi terrible pé
nalité oontre des gens qui ont servi à un si
haut point le renom français.
Ce n'est pas le moment de discuter
cette espèce de revirement d'opinion.
La chose nous a paru curieuse à noter.
Au milieu des commentaires causés
par les incidents de la séance de la
veille et par l'arrêt de la cour à l'égard
des administrateurs de Panama, la
Chambre a terminé la discussion du
budget. Elle a voté une augmentation
de crédit (600,000 fr.) pour assurer aux
facteurs ruraux un jour de repos par
mois.
A ce sujet Mgr d'Hulst est intervenu
et à exp'osé, brièvement mais d'une
manière saisissante, les avantages et
la nécessité du repos dominical. L'élo
quent prélat s'était placé au point de
vue de la morale naturelle, et il a pu
invoquer le témoignage de beaucoup
d'économistes non catholiques. M.
Deloncle a soutenu la même c£use,
malgré les réclamations de certains
libre-penseurs, qui vociféraient qu'on
voulait les ramener au moyen âge. Le
député de la gauche a bravé l'accusa
tion de cléricalisme,en citant d'ailleurs
l'exemple de l'Angleterre, de l'Améri
que et aô la Belgique. La solution a été
ajournée.
Eugène'Tavernier.
Quand le bâtiment va..,
Celui de l'Opéra-Comique ne va pas.
Hier, le Sénat, appelé à examiner le
projet de reconstruction de ce théâtre,
en a jeté les morceaux à la figure de
la Chambre, ce qui n'est peut-être pas
la plus mauvaise solution, mais ce qui
n'est certainement pas la plus expéai-
tive. Telle qu'elle était posée, la ques
tion n'intéressait guère que les entre
preneurs, et nous avons tellement en
tendu pârler d'entrepreneurs, depuis
quelque temps, que ceux qui ne ga
gnent pas des sommes fabuleuses dans
des affaires fantastiques, nous laissent
tout à fait indifférents.
La combinaison, qui a été acceptée
par la Chambre et présentée hier sans
succès au Sénat consistait donc à con
fier à quatre entrepreneurs, MM. Guil-
ïotin, Mozet, Delalonde et Leturgeon,
le soin de reconstituer l'Opéra-Comique
sur un plan élaboré par deux archi
tectes, MM. Duvert et Charpentier, et
accepté à la fois par le conseil des
bâtiments civils et la commission su
périeure des théâtres. La dépense,
fixée à forfait à 3,500,000 fr. en chif
fres ronds, devait être supportée par
les quatre intéressés, qui, après avoir
remis l'édifice achevé à l'Etat, seraient
indemnisés par voie de rembourse
ments annuels pendant, une période
de soixante-quinze ans.
M. Bardoux, rapporteur de la com
mission, s'est débrouillé avec aisance
dans le fatras de chiffres et d'explica
tions que comportait la question, et il
a éclairé le Sénat sans le convaincre.
Parmi ses auditeurs, un certain nom
bre trouvaient que l'Opéra-Comique
est très bien où il se trouve. M. Wal
lon s'est fait leur interprète,en deman
dant au Sénat d'ajourner le projet afin
de permettre à l'Etat d'engager des
négociations avec la ville en vue de
l'acquisition du théâtre Lyrique. De
puis cinq ans que l'Opéra-Comique
donne ses représentations dans cette
salle, nous n'avons pas entendu dire
que le public l'ait délaissé ; mais les
Parisiens se sont mis en tête que l'O
péra-Comique ne doit pas être là. Qu'y
faire ?
On reconstruira donc l'Opéra-Comi
que. MM. Charles Dupuy, Dulac et
Viette parlent en faveur de la combi
naison Guillotin, qui donne le pas à
l'entreprise sûr l'art. M. "Wallon se fait
battre sur le maintien du statu quo,
mais alors surgit M. Monis. Demain le
terrible Girondin tentera d'épouvanter
le Sénat pour obtenir les têtes de MM.
Andrieux et Delahaye; aujourd'hui, il
est enjoué, il amuse le Sénat aux dé
pens de « l'affreux projet » qui lui est
présenté, et il obtient, contre la com
mission et les ministres, la promesse
gu'il sera procédé par concours et ad
judication à la reconstruction de l'O-
Ï)éra-Gomique. Les chansonniers et
es vaudevillistes n'ont pas fini de faire
de l'esprit sur cet intarissable sujet.
J. M.
->■
S'il fallait en croire tel écrivain de
la Justice, le nouveau projet de loi sur
le droit d'accroissement dont la com
mission du budget propose elle-même
l'ajournement n'aurait à aucun degré
« le caractère ou même l'apparence de
quelque nouvelle machine de guerre
dirigée uniquement contre les cen-
grégations. « Il aurait uniquement
pour but, en modifiant les lois de 1880
et de 1884, » d'assurer et surtout de
simplifier la perception d'un juste im
pôt depuis longt'emps'vo'té. »
Nous ne demandons pas mieux que
d'adopter cette manière de voir. Mal
heureusement, il est trop aisé de
prouver qu'elle ne correspond pas
du tout à la réalité des faits. Et d'a
bord, s'agit-il d'un juste impôt dans
les lois de 1880 et 1884 que l'on songe
à modifier? Aujourd'hui même, la
Justice reconnaît que les deux lois en
question, étant extraordinairement
compliquées, « leur mise en pratique
a soulevé des difficultés inextrica
bles », en sorte que non seulement il
en est sorti des procès sans nombre,
mais que « les congrégations les
moins nombreuses et, relativement,
les moins fortunées, supportent un
impôt plus considérable que les au
tres ». M. Paul Degouy en vient même
à confesser que l'application de ces
lois comportait de véritables « injus
tices ». Et dès lors, ne doit-on pas
conclure qu'un impôt qui aboutit à
de pareils résultats ne saurait être
un juste impôt?
Celui qu'on propose le sera-t-il da
vantage ? Est-il vrai, comme on le pré
tend,qu'il n'ait à aucun degré le carac
tère ou même l'apparence de quelque
nouvelle machine de guerre dirigée
contre les congrégations ? Pour prou
ver le contraire, une seule observation
suffit. D'où vient, s'il en est ainsi, que
l'impôt soit prélevé sur les seules
congrégations religieuses et qu'on en
en exempte toutes les institutions laï
ques sur lesquelles il devrait être éga
lement prélevé si l'on observait stric
tement la règle de l'égalité devant
l'impôt?
Rappelons (jue les congrégations
paient déjà l'impôt de 3 0/0 sur les
revenus (qu'ils existent ou non) cal
culés au taux de 5 0/0 en prenant
pour base une estimation faite arbi
trairement par le fisc. Rappelons en
core que les mêmes congrégations
paient un impôt, dit de main-morte,
qui remplace largement l'impôt or
dinaire de succession. Où donc, après
cela, est la justification d'un nouvel
impôt ?
Aux termes du projet, cet. impôt
consisterait en une taxe de 30 cen
times pour cent de la valeur vénale
des biens meubles et immeubles, taxe
destinée à tenir lieu du droit de mu
tation, et qui serait payée annuelle
ment. Mais qui ne voit qu'une pareille
taxe fait double emploi,et avec l'im
pôt dit de main-morte, et avec l'im
pôt inique du 3 0/0 sur des revenus
qui presque toujours sont purement
imaginaires? La fameuse règle mm bis
in idem n'aura jamais été violés plus
effrontément.
D'ailleurs, l'écrivain de la Justice,
pour parler comme il fait, a grand
soin de ne pas produire un calcul bien»
simple pourtant, et qui montre à
l'évidence que le nouveau projet,
quoi qu'il en dise, a été forgé tout
exprès pour faire la guerre aux con
grégations. Prenons un exemple. Il
est tel établissement d'éducation
religieuse de la rive gauche où le^ jar
dins destinés aux récréations des jeu
nes filles sont estimés par le fisc, avec
l'immeuble,au chiffre invraisemblable
de douze millions. Il est superflu de
dire que ces soi-disant douze millions
ne rapportent absolument rien aux re
ligieuses qui sont à la tête de cet éta
blissement. Néanmoins, en dehors du
droit de mainmorte et de la cote immo
bilière, le fisc déclare que cette valeur
estimative de douze millions est censée
rapporter 600,000 francs,et sur ce re
venu imaginaire il prélève un impôt
de 3 0/0, soit une somme annuelle de
18,000 francs.
C'est déjà un joli denier pour le fisc
et; pour la congrégation, une très
lourde charge. Mais sait-on combien
le nouveau projet ajouterait à cette
charge de la congrégatien et à cette
aubaine du fisc ! Trente-six mille
francs par an! Si ce n'est pas là une
machine de guerre nouvelle dirigée
contre les congrégations pour les rui
ner à bref délai, qu'est-ce donc? Nous
prions la Justice de nous le dire.
A uguste Roussel.
Le Parlement anglais, réuni depuis
le 31 janvier, en est encore à la dis
cussion de l'adresse. Les adversaires
du cabinet Gladstone lui tiennent pa
role et ont résolument commencé
leur campagne d'obstruction. Tories
et unionistes multiplient depuis plu
sieurs jours les amendements èt les
discours.
La plus caractérisée de ces manœu
vres d'obstruction a été l'amendement
de M. Jesse Collings, un second de,
M. Chamberlain, un ancien radical
devenu un allié des tories. Cet amen
dement accusait le cabinet Gladstone,
d'oublier les intérêts des petits agri
culteurs, et de sacrifier toutes les ré-;
formes attendues par le libéralisme
anglais à la question dii Home Rule.
A la fin d'une session, on compren
drait un reproche ou une accusation
de cette nature; à l'ouverture d'un
Parlement et alors que, d'ailleurs, le
discours du Trône annonce les réfor
mes réclamées par M. Collings, c'était
trop visiblement une manœuvre de
parti. En général, M. Gladstone laisse
à ses lieutenants le soin de répondre
aux attaques de ce genre.
Mais les manœuvres de ses anciens
partisans qui se sont enrôlés aujour
d'hui dans le camp tory sous la ban
nière de Yunionisme ont le don d'exas
pérer particulièrement le « vieux
grand homme ». C'est donc lui qui a
voulu se> charger- de l'exécution de ^
M. Collings, et il faut avouer que ce "
dernier n'y a rien gagné. M. Glad
stone a commencé par établir qu'on
ne pouvait véritablement accuser son
administration de négliger les réfor
mes chères à M. Collings, alors que
précisément elle commençait seule •
ment de se mettre à l'œuvre^
Puis il a voulu montrer au Parle
ment qué M. Collings manquait en
vérité de titres pour se donner comme
le champion des agriculteurs. Et il a ,
rappelé, au milieu de saillies et d'al
lusions qui faisaient rire tout le
monde, l'attitude de M. Collings dans
la discussion des questions agricoles
au dernier Parlement.
Diverses réformes furent proposées,
furent discutées, avec ou sans l'appui
du cabinet Salisbury et chaque fois
M. Collings, soit fatalité soit calcul,
manqua aux discussions ou vota con
tre les réformes proposées. Aujour
d'hui son zèle pour l'agriculture se ré
veille, mais M. Gladstone le tient pour
suspect.
M. Gladstone était' en verve, la
Chambre des communes bien dis
posée et M. Collings faisait une bonne
cible. Cela a été un long éclat de rire
à ses dépens. Puis, quand on a passé
au vote de l'amendement,la majorité
ministérielle s'est élevée à 84 voix.
C'est un bon début pour le cabinet
Gladstone, dont les partisans sont en
core réconfortés par les élections
d'hier à Walsall, où un gladstonien
remplace un tory et à Halifax,où,mal
gré le schisme d un candidat « du tra
vail» le candidat gladstonien garde
ce siège à son parti.
L. N. G.
Le Vaterland, le grand organe ca
tholique de Vienne, reproduit les allo
cutions et discours prononcés, lors de
la cérémonie de la remise de la bar
rette, par les ablégats, les cardinaux
et M. le président de la République, et
y ajoute les réflexions suivantes, qui
indiquent assez bien l'impression gé
nérale produite à l'étranger dans les
groupes conservateurs :
C'e3t là une satisfaction donnée à .la poli
tique française du Saint-Père, dont l'impor
tance ressort d'autant plus que les feuilles
radicales, à l'occasion de cette manifesta
tion, attaquent, violemment le président de
la République et les nouveaux cardinaux.
La manifestation en elle-même a une telle
importance que nous avons cru devoir don
ner le texte authentique et intégral des allo
cutions et disoours.
S. Em. le cardinal Thomas a fait
hier sa rentrée solennelle à Rouen.
Le matin, dans la salle des Etats, où
un trône avait été dressé,, se réunis
saient les vicaires généraux, les mem
bres du chapitre, le clergé de la ca
thédrale, les directeurs et les élèves
du grand séminaire, enfin la maî
trise.
On remarquait la présence de
MgrTarnassi, l'ablégat qui avait ap
porté la barrette au nouveau cardinal
et du comte Délia Porta, garde noble.
Les félicitations et les vœux du
clergé ont été présentés à Son Emi
nence.
Plus de cinq cents prêtres, dit le Patriote
de Normandie, appartenant au clergé de la
ville ou venus des divers points du diocèse,
ont été reçus & une heure et demie par Son :
Eminence dans la salle des Etats. Puis la
corLègè s'est formé, et, traversant la cha
pelle particulière de Mgr Thomas et les
couloirs de l'archevêché, est entré dans la
cathédrale par la ports absidiale de gauche.
Derrière les enfants de chœur et les élèves
du grand séminaire venaient les curés, vi
caires, aumôniers, puis les membres du
chapitre, les vicaires généraux, la chapelle
de Son Eminence, le comte Délia Porta,
revêtu de l'uniforme rouge de.grande tenue,
Mgr Tarnassi, enfin Mgr Thomas, bénis
sant la foule, plus nombreuse que jamais,
qui remplissait la basilique, refluait jus
qu'aux portes et rendait parfois la marche
du cortège assez difficile.
K* 9046 — Edition quotidienne
Samedi 11 Février 1893
ÉDITION QUOTIDIENNE
paris
■t dâpartemsnrs
Un »n...... 65 »
Six mois .... . 28 50
Trois mois. ... 15 »
ÉTRANGER
(union postal!)
63 »
84 »
18 »
I >as abonnements parten t des 1 " et 16 de chaque mois
UN NUMÉRO | Il 0 -''
BUREAUX s Paris, 10, rue des Saints-Pè?e«
On «'«bonne à Rome, place du Gesù, S
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an . . •
Six mois. .
Trois mois.
paris
ET DÉPARTEMENTS
. . 30 u
. . 16 m
. . 8 50
ÉTRANGER
(union postale)
36 »
19 »
10 »
Les abonnements partent des 1» et 16 de chaque mois
L'UNIVERS ne répond pas des manuscrits qui lui soit adressés
annonces i
MM. LAGRANGE, 'CERF et"G ie , "6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 10 FÉVRIER 1893
La condamnation des administra
teurs du Panama, surtout de MM. de
Lesseps, venant après le renvoi de
MM. Rouvier et autres, a produit une
grande émotion. Tout naturellement,
on a rapproché la sévérité de la justice
correctionnelle de l'indulgence,encore
inexpliquée, de la justice criminelle;
et l'on s'est demandé si la condam
nation d'hier n'avait pas pour but
principal de faire accepter par l'opi
nion l'arrêt de non-lieu d'avant-
hier. Les commentaires sont fort vifs,
aussi bien dans la presse que dans les
coulisses parlementaires.
On annonce que les condamnés se
pourvoient en cassation.
En dépit de son imperturbable con
fiance en lui-même, le solennel et
prétentieux M. Ribot comprend, pa
raît-il, que son acceptation du dis
cours et de l'ordre du jour Gavaignac
l'a mis dans une fausse situation.
Peut-être certains de ses collègues,
moins souples ou plus clairvoyants,
ont-ils contribué à l'éclairer. Quoi
qu'il en soit, on annonce déjà une
interpellation de complaisance,qui se
rait déposée par M. Leydet, des Bou-
ches-du-Rhône, lequel joue mainte
nant les Devès à la Chambre, interpel
lation dont le but serait de fournir à
M. Ribot l'occasion de se relever en
éclaircissant la situation. Ce sera
quelque peu difficile.
Hier, nos députés ont terminé le
budget des postes et télégraphes, voté
ceux des téléphones et de la caisse
d'épargne postale et commencé celui
des finances, qu'ils continueront au
jourd'hui, sauf incident. Une discus
sion s'est engagée au sujet du repos
dominical, à laquelle ont pris paît
notamment Mgr d'Hulst et M. Delon-
cle ; jamais celui-ci n'avait été aussi
bien inspiré.
Au début delà séance, M. Godelle a
déposé une demande d'interpellation
au sujet d'une grève qui s'est pro
duite dans l'Aisne, et où l'on craint des
violences. La discussion a été fixée à
jeudi.
Le Sénat avait à s'occuper de la re
construction de l'Opéra.-Comique ; il a
écarté le projet de loi déjà voté par
la Chambre et a adopté un contre-pro
jet de M. Monis. Tout est à recom
mencer.
Le rapport sur la proposition Monis
dirigée contre MM. Delahaye et An-
drieux a été déposé. Il sera sans doute
distribué aujourd'hui et peut-être dis
cuté immédiatement. A l'ordre du
jour de la séance, il n'y a que des pro
jets de loi d'intérêt local, qui retien
draient bien le Sénat dix minutes.
De nouveau, M. Gladstone a an
noncé son intention de déposer au
plus tôt le bill du Home Rule \ il a
même fixé la date de lundi. Si la dis
cussion de l'Adresse n'est pas termi
née aujourd'hui, il demandera à la
Chambre des communes de tenir
séance demain afin d'en flair.
Le chef des parnellistes, M. Red
mond, a déposé un amendement à
l'Adresse réclamant l'amnistie pour
tous les prisonniers politiques irlan
dais. Le gouvernement, par l'organe
du ministre de l'intérieur, a combattu
cet amendement, qui a été repoussé à
une très forte majorité.
Le procès du Panama est fini, du
moins l'arrêt de la Cour est rendu et
si les vœux du gouvernement et de la
justice sont exaucés, on n'y revien
dra plus. Mais que vaut cet arrêt, que
faut-il en penser, quelle'est sa portée
politique et morale ?
Ces questions il y faudra venir, il
faudra les aborder de front et les trai
ter à fond, mais nous trouvons diffi
cile de le faire aujourd'hui. Il y a là
des hommes qui tombent de si haut,
qui ont présidé à tant de ruines en
songeant à faire une grande œuvre et
dont tant de complices restent in
demnes que même, si leur sort était
définitivement fixé, si aucun appel
n'était possible, nous hésiterions à
dire :'ou c'est la juste mesure, ou c'est
trop, ou l'échelle des peines n'est pas
bien proportionnée. Nous sommes de
ceux qui ont demandé l'enquête et
les poursuites ; s'il en est qui veuillent
frapper encore sur les condamnés,
nous n'en serons pas. Bien que nous
n'ayons jamais salué du titre de
« grand français » le vieillard long
temps en gloire qui disparaît dans cet
effondrement, nous ne pouvons être
sans pitié pour lui. Il y a d'autres
coupâmes !
Nous n'admettons pas, en effet,
que la j ustice tienne son rôle pour rem
pli ; nous demandons au contraire que
toutes ses ressources soient mises en
œuvre dans le but et la ferme réso
lution de faire rendre gorge à qui
conque a puisé frauduleusement ou in
dûment dans les caisses du Panama.
Nouâ n'en exceptons pas les ministres
ou les chefs de parti qui ont cherché
là de l'argent pour leurs journaux ou
leurs candidats. Ce chantage, plus
criminel que celui des tripoteurs d'af
faires et autres particuliers, doit
être puni exemplairement . Il est
grand temps de trouver et de garder
les corrompus de haut vol.
Mais si le procès même du Pa
nama peut être arrêté au point
actuel, il en est autrement de
l'affaire. Celle-ci, quoiqu'on fasse,
nous ménage de nouvelles secous
ses et de nouvelles surprises. La
politique y est trop mêlée et trop
d'hommes ayant des rôles et des posi
tions en vue y sont compromis ou en^
gagés pour que des incidents, qui
pourront devenir des événements, ne
se produisent point. Il faut bien que
cette aventure achève de préparer la
liquidation du régime.
L'arrêt qui condamne les directeurs
et le plus important des entrepre
neurs au Panama est certes un rude
coup, mais on se tromperait fort si
l'on croyait qu'il suffira, — avec l'ex
pulsion de quelques députés et séna
teurs, — à corriger les mœurs parle
mentaires et financières. N'est-il pas
évident que toute cette majorité, mo
mentanément enfiévrée de vertu l'autre
jour en entendant le chaud et honnête
discours de M. Cavaignac, est prête à
reprendre pour chefs et ministres les
hommes que la justice tenait hier au
collet et n'a peut-être pas lâché tout à
fait. Combien de nos personnages, en
ce temps de luttes pour les portefeuil
les et d'enquêtes, se demandent avec
trouble, lorsqu'on frappe à leur porte
si l'on vient leur offrir un hôtel mi
nistériel ou une cellule à Mazas. •
Ces raisons et quelques autres nous
assurent que l'arrêt d'hier au lieu
d'être un dénouement, comme tant
de gens le voudraient n'est guère
qu'un levé de rideau. La grande
pièce devra montrer d'autres hommes
et préparer d'autres institutions, si
non nos écuries ne seront pas net
toyées.
Eugène Veuillot.
Quel effet vont produire sur l'opi
nion publique les condamnations in
fligées à M. Ferdinand de Lesseps, à
MM. Charles de Lesseps, Cottu, Eiffel
et Fontane? On peut le prévoir déjà,
par le langage de la presse et grâce à
diverses informations et dépêches. Cet
effet ne sera pas celui qu'espérait sans
doute le gouvernement.
Le gouvernement a voulu "donner à
l'opinion publique, justement émue,
vivement irritée des scandales du
Panama, une satisfaction qui ferait
tomber le3 colères et permettrait de
passer à d'autres exercices. L oubli
viendrait vite, aidé par la lassitude.
On se fatigue d'entendre appeler tou
jours les gens voleurs, comme on se
fatigue de les entendre appeler justes.
Les administrateurs et le principal
entrepreneur sévèrement condamnés,
il serait donc aisé de s'en tenir là. Nos
ministres ont dû faire ce calcul. Il
pouvait paraître habile ; habile ou
non, il n'a pas réussi.
L'opinion publique se refuse à pren
dre le change; voilà ce qui arrive.
Elle est lancée sur une piste dont elle
flaire l'importance Capitale. Il ne s'agit
plus seulement, aujourd'hui, d'un
accident financier. Il s'agit de tout un
régime de corruption qui a longtemps
et .profondément étendu ses ravages.
L'opinion publique veut tout explorer,
tout savoir, tout punir. A ses yeux, les
condamnés d'hier sont devenus de
simples comparses. C'est pourquoi,
contrairement aux prévisions gou
vernementales, les peines que l'on
vient d'édicter et qui ne frappent
qu'une partie des coupables, non les
pires, semblent devoir entraîner ce
résultat : rendre le public plus ardent
à réclamer le châtiment de tous ceux
qui ont forfait.
On en voulait aux corrupteurs. On
en voulait encore davantage aux cor
rompus. Les corrupteurs sont punis.
Maintenant, sans retard, il faut que
les corrompus soient atteints et punis
à leur tour, avec une sévérité aussi
grande, plus grande même. Sinon, le
public trouvera d'abord que l'œuvre
de justice reste incomplète au point
d'être presque dérisoire. Bientôt, il
ira plus loin; il dira qu'elle devient
une véritable œuvre d'injustice à l'é
gard de ceux qui paient pour tous,
ayant peut-être moins à se reprocher
que les autres coupables, ces hommes
politiques, accusés, convaincus même
d'avoir trafiqué de leur influence et de
leur mandat.
Et comme le public a déjà tout lieu
de craindre que les politiciens, sauf
une ou deux exceptions, n'échappent
au châtiment, le voilà qui commence
à prendre en pitié, par comparaison,
les condamnés d'hier.
Telle est, fidèlement traduite, l'im
pression générale. On le verra par les
citations que nous donnons ci-dessous.
Terminons en déclarant que cette
impression nous semble assez juste.
Pierre V euillot.
Voici, à l'appui de ce qu'on vient
de lire, des extraits de plusieurs jour
naux de ce matin. Nous choisissons
des représentants de toutes les nuances
de l'opinion.
Ceci est tiré du Petit Journal :
Des condamnations sévères frappent
MM. Ferdinand et Charles de Lesseps,
ainsi que MM. Eiffel, Cottu el Fontane.
Cet événement produira dans le pays
une émotion d'autant plus profonde qu'il
survient immédiatement après les ordon
nances de non-lieu rendues en faveur de
la plupart des membres du Parlement,
inculpés dans le prooès en corruption.
Du Journal des Débats:
La conscience publique à pu être juste
ment révoltée des scandales révélés dans
ces derniers temps, mais c'est mal la con
naître que de croire qu'on lui donnera sa
tisfaction en frappant d'une condamnation
correctionnelle les derniers jours du créa
teur du canal de Suez.
Du Gaulois :
L'arrêt de la justice était impatiemment
attendu, et, depuis qu'on avait vu la oour
mettre hors de cause M. Rouvier, le bon
public, qui juge aveo son gros bon sens, et
dont l'honnête naïveté subsiste malgré
tout, comptait sur un acquittement général.
De la Lanterne :
La condamnation si dure qui frappe ce
vieillard de quatre-vingt-huit ans, en qui
depuis trente ans se personnifiait pour
ainsi dire aux yeux du monde le génie ex-
pansif et généreux de la raoe française, sera
exploitée à l'étranger comme une sorte de
déchéanoe morale de la France.
De M. Yves Guyot, dans 1 6 Siècle :
En lisant cet arrêt, je me suis senti
frappé. Il enlève des rayons à l'auréole de
notre pays. La gloire est cependant chose
si rare et si préoieuse,qu'une nation devrait
en être économe. M. Ricard en a fait de
la boue pour MM. de Lesseps et Eiffel 1
De M. Drumont dans la Libre Pa
role :
Devant la sévère condamnation qui vient
de frapper les administrateurs du Panama,
il n'y a place que pour la pitié.
Ea se taisant, les administrateurs de Pa
nama se sont crus habiles : ils n'ont été
que naïfs ; ils espéraient bien que l'impu
nité serait le prix de leur silenoe : ils se
sont trompés une fois de plus.
De M. Camille Pelletan, dans la
Justice :
L'arrêt a paru sévère pour le vieillard,
jadis loué de tous, qui se survit à lui-
même, et qui semble avoir moins commis
les fautes condamnées, qu'il ne les a cou
vertes de son grand nom.
De M. Durranc, dans Germinal ;
A cette heure, il ne nous est point possi
ble d'oublier que le Panama est devenu une
énorme machine politique qui ne nous di
rige pas toujours selon les règles sereines
de la justice. Il n'y a pas place pour l'indul-
genoe, pour la pitié, dans cette bataille.
De la Presse :
Si o'est aveo un sentiment de poignante
pitié que l'on a appris la cruelle sentenoe
qui frappe en M. Ferdinand de Lesseps un
vieillard de quatre-vingt-sept ans qui con
nut des années de gloire, le grand peuple
de Franoe, celui qui ignore les compromis
sions et les exigences de la politique, a ao-
cueilli favorablement la condamnation
d'hier.
De l'Autorité :
C'est roidè.
Et cela fait ressortir d'autant plus le soan-
dale de certaines ordonnances de non-lieu.
De l' Intransigeant : •.
L'opinion publique attendait cette sen
tenoe, mais il est fort à croire qu'elle ne lui
suffira pas.
Si, en effet, elle n'a point pardonné à
MM. de Lesseps et à leurs collègues du
conseil d'administration, dans l'affaire du
oanal interocéanique, leur extrême légèreté,
leurs dépenses exagérées, la mauvaise or
ganisation de leurs services, leur impré
voyance, elle ne saurait oublier què trop
souvent ils ont été pris à la gorge, ainsi
que l'a déclaré M. Charles de Lesseps, et
oontraints de verser entre les mains d'hom
mes politiques des sammes que les mal
heureux actionnaires et obligataires avaient
fournies uniquement pour que l'on creusât
le oanal.
Au sujet de l'impression produite,
on lit dans le Figaro :
Les pouvoirs publics n'avaient-ils pas
leur responsabilité dans les fautes commi
ses et dans les lois violées? Les Chambres
n'avaient-elles pas leur part dans les dila
pidations ? Les exigences et la cupidité des
députés ne devraient elles pas faire pen-
oher un peu la balance en faveur des pré
venus que l'on accablait ?
Le pays lui-même, dans son affolement
de la première heure, n'était-il pas un peu
le oomplice de MM. de Lesseps, Fontane,
Cottu, Eiffel?
Les débuts de l'entreprise n'avaient-ils
Îas été encouragés par l'Europe entière?
ies espérances qu'avait fait entrevoir le
peroement du canal, les difficultés que
l'on avait eu à vaincre, tout cela devait
entrer en compte dans la catastrophe
fiuale.
C'est de l'ensemble de ces réflexions
fort sages qu'est sortie la grande explosion
d'étonnement douloureux dont Paris a
donné hier le touchant spectacle.
Nous ne commentons pas, nous ne fai
sons qu'analyser ici les sentiments de la
foule.
On était, partout, surpris de la gravité
de la peine infligée à des ingénieurs ou à
un entrepreneur, tandis que les magistrats
relâchent avec tant d'empressement tous
les personnages politiques influents qui ont
été accusés de marchandage et de corrup
tion. Le monde parlementaire est sauvé
par ceux-là mêmes qui frappent le monde
des finanoes et des affaires.
Le même journal publie les dépêches
suivantes, reçues de l'étranger :
Londres, 9 février, 9 heures du soir.
La nouvelle de la condamnation des ad
ministrateurs de Panama est acoueillie ioi
avec une véritable stupeur.
On ne peut croire à la condamnation de
Ferdinand de Lesseps, une des gloires de
la France. "
L'impression générale du jugement est
considérée comme une manœuvre politique
et toute la sympathie va aux oondamnés, et
particulièrement & Ferdinand de Lesseps.
La nouvelle a été affichée dans les cou
loirs de la Chambre des communes et a
produit une sensation inexprimable.
: T L'arrêt estôommenté d'une façon péni
ble; pour la Franoe.
Saint-Pétersbourg, 9 février, 8 h. soir.
L'arrêt de la cour d'appel a douloureuse
ment impressionné le public : on ne com
prend pas un tel arrêt, après les plaidoiries
que l'on a lues et qui rétablissent les choses
dans leur véritable sens.
M. Eiffel est ici très populaire : il est
chargé de grands travaux sur la Néva, et on
s'aocorde à dire que sa condamnation, que
personne n'approuve, portera un préjudice
certain, non pas à la considération du grand
ingénieur, mais à toutes les entreprises
françaises à l'étranger.
Berlin, 9 février, 11 h. soir.
L'unique objet des conversations dans les
oercles politiques aétéla dure condamnation
des cinq accusés. M. de Lesseps, qui a été
reçu comme un souverain et qui était très
considéré par l'empereur, par la oour et par
le public, est l'objet de la compassion géné
rale. On blâme les magistrats qui auraitent
dû innocenter tout au moins le Grand Fran
çais et M, Eiffel, qui était le seul gros en
trepreneur qui ait, dit-on, soutenu de ses
derniers la République au moment du bou-
langisme menaçant.
L'effet est désastreux pour le gouverne
ment républicain, car tout le monde attri
bue au gouvernement, et non aux magistrats,
la dtireté du jugement rendu.
Vienne, 9 février, 10 h. soir.
On a été très frappé du bruit qui s'est
répandu dans la ville de la condamnation
de M. Ferdinand de Lesseps à cinq ans de
prison.
On se souvient encore du voyage triom
phal que le Grand Français a accompli il y
a sept ans en Autriche-Hongrie, et toutes
les sympathies vont à lui. On considère que
le gouvernement français fait une lourde
faute en demandant une aussi terrible pé
nalité oontre des gens qui ont servi à un si
haut point le renom français.
Ce n'est pas le moment de discuter
cette espèce de revirement d'opinion.
La chose nous a paru curieuse à noter.
Au milieu des commentaires causés
par les incidents de la séance de la
veille et par l'arrêt de la cour à l'égard
des administrateurs de Panama, la
Chambre a terminé la discussion du
budget. Elle a voté une augmentation
de crédit (600,000 fr.) pour assurer aux
facteurs ruraux un jour de repos par
mois.
A ce sujet Mgr d'Hulst est intervenu
et à exp'osé, brièvement mais d'une
manière saisissante, les avantages et
la nécessité du repos dominical. L'élo
quent prélat s'était placé au point de
vue de la morale naturelle, et il a pu
invoquer le témoignage de beaucoup
d'économistes non catholiques. M.
Deloncle a soutenu la même c£use,
malgré les réclamations de certains
libre-penseurs, qui vociféraient qu'on
voulait les ramener au moyen âge. Le
député de la gauche a bravé l'accusa
tion de cléricalisme,en citant d'ailleurs
l'exemple de l'Angleterre, de l'Améri
que et aô la Belgique. La solution a été
ajournée.
Eugène'Tavernier.
Quand le bâtiment va..,
Celui de l'Opéra-Comique ne va pas.
Hier, le Sénat, appelé à examiner le
projet de reconstruction de ce théâtre,
en a jeté les morceaux à la figure de
la Chambre, ce qui n'est peut-être pas
la plus mauvaise solution, mais ce qui
n'est certainement pas la plus expéai-
tive. Telle qu'elle était posée, la ques
tion n'intéressait guère que les entre
preneurs, et nous avons tellement en
tendu pârler d'entrepreneurs, depuis
quelque temps, que ceux qui ne ga
gnent pas des sommes fabuleuses dans
des affaires fantastiques, nous laissent
tout à fait indifférents.
La combinaison, qui a été acceptée
par la Chambre et présentée hier sans
succès au Sénat consistait donc à con
fier à quatre entrepreneurs, MM. Guil-
ïotin, Mozet, Delalonde et Leturgeon,
le soin de reconstituer l'Opéra-Comique
sur un plan élaboré par deux archi
tectes, MM. Duvert et Charpentier, et
accepté à la fois par le conseil des
bâtiments civils et la commission su
périeure des théâtres. La dépense,
fixée à forfait à 3,500,000 fr. en chif
fres ronds, devait être supportée par
les quatre intéressés, qui, après avoir
remis l'édifice achevé à l'Etat, seraient
indemnisés par voie de rembourse
ments annuels pendant, une période
de soixante-quinze ans.
M. Bardoux, rapporteur de la com
mission, s'est débrouillé avec aisance
dans le fatras de chiffres et d'explica
tions que comportait la question, et il
a éclairé le Sénat sans le convaincre.
Parmi ses auditeurs, un certain nom
bre trouvaient que l'Opéra-Comique
est très bien où il se trouve. M. Wal
lon s'est fait leur interprète,en deman
dant au Sénat d'ajourner le projet afin
de permettre à l'Etat d'engager des
négociations avec la ville en vue de
l'acquisition du théâtre Lyrique. De
puis cinq ans que l'Opéra-Comique
donne ses représentations dans cette
salle, nous n'avons pas entendu dire
que le public l'ait délaissé ; mais les
Parisiens se sont mis en tête que l'O
péra-Comique ne doit pas être là. Qu'y
faire ?
On reconstruira donc l'Opéra-Comi
que. MM. Charles Dupuy, Dulac et
Viette parlent en faveur de la combi
naison Guillotin, qui donne le pas à
l'entreprise sûr l'art. M. "Wallon se fait
battre sur le maintien du statu quo,
mais alors surgit M. Monis. Demain le
terrible Girondin tentera d'épouvanter
le Sénat pour obtenir les têtes de MM.
Andrieux et Delahaye; aujourd'hui, il
est enjoué, il amuse le Sénat aux dé
pens de « l'affreux projet » qui lui est
présenté, et il obtient, contre la com
mission et les ministres, la promesse
gu'il sera procédé par concours et ad
judication à la reconstruction de l'O-
Ï)éra-Gomique. Les chansonniers et
es vaudevillistes n'ont pas fini de faire
de l'esprit sur cet intarissable sujet.
J. M.
->■
S'il fallait en croire tel écrivain de
la Justice, le nouveau projet de loi sur
le droit d'accroissement dont la com
mission du budget propose elle-même
l'ajournement n'aurait à aucun degré
« le caractère ou même l'apparence de
quelque nouvelle machine de guerre
dirigée uniquement contre les cen-
grégations. « Il aurait uniquement
pour but, en modifiant les lois de 1880
et de 1884, » d'assurer et surtout de
simplifier la perception d'un juste im
pôt depuis longt'emps'vo'té. »
Nous ne demandons pas mieux que
d'adopter cette manière de voir. Mal
heureusement, il est trop aisé de
prouver qu'elle ne correspond pas
du tout à la réalité des faits. Et d'a
bord, s'agit-il d'un juste impôt dans
les lois de 1880 et 1884 que l'on songe
à modifier? Aujourd'hui même, la
Justice reconnaît que les deux lois en
question, étant extraordinairement
compliquées, « leur mise en pratique
a soulevé des difficultés inextrica
bles », en sorte que non seulement il
en est sorti des procès sans nombre,
mais que « les congrégations les
moins nombreuses et, relativement,
les moins fortunées, supportent un
impôt plus considérable que les au
tres ». M. Paul Degouy en vient même
à confesser que l'application de ces
lois comportait de véritables « injus
tices ». Et dès lors, ne doit-on pas
conclure qu'un impôt qui aboutit à
de pareils résultats ne saurait être
un juste impôt?
Celui qu'on propose le sera-t-il da
vantage ? Est-il vrai, comme on le pré
tend,qu'il n'ait à aucun degré le carac
tère ou même l'apparence de quelque
nouvelle machine de guerre dirigée
contre les congrégations ? Pour prou
ver le contraire, une seule observation
suffit. D'où vient, s'il en est ainsi, que
l'impôt soit prélevé sur les seules
congrégations religieuses et qu'on en
en exempte toutes les institutions laï
ques sur lesquelles il devrait être éga
lement prélevé si l'on observait stric
tement la règle de l'égalité devant
l'impôt?
Rappelons (jue les congrégations
paient déjà l'impôt de 3 0/0 sur les
revenus (qu'ils existent ou non) cal
culés au taux de 5 0/0 en prenant
pour base une estimation faite arbi
trairement par le fisc. Rappelons en
core que les mêmes congrégations
paient un impôt, dit de main-morte,
qui remplace largement l'impôt or
dinaire de succession. Où donc, après
cela, est la justification d'un nouvel
impôt ?
Aux termes du projet, cet. impôt
consisterait en une taxe de 30 cen
times pour cent de la valeur vénale
des biens meubles et immeubles, taxe
destinée à tenir lieu du droit de mu
tation, et qui serait payée annuelle
ment. Mais qui ne voit qu'une pareille
taxe fait double emploi,et avec l'im
pôt dit de main-morte, et avec l'im
pôt inique du 3 0/0 sur des revenus
qui presque toujours sont purement
imaginaires? La fameuse règle mm bis
in idem n'aura jamais été violés plus
effrontément.
D'ailleurs, l'écrivain de la Justice,
pour parler comme il fait, a grand
soin de ne pas produire un calcul bien»
simple pourtant, et qui montre à
l'évidence que le nouveau projet,
quoi qu'il en dise, a été forgé tout
exprès pour faire la guerre aux con
grégations. Prenons un exemple. Il
est tel établissement d'éducation
religieuse de la rive gauche où le^ jar
dins destinés aux récréations des jeu
nes filles sont estimés par le fisc, avec
l'immeuble,au chiffre invraisemblable
de douze millions. Il est superflu de
dire que ces soi-disant douze millions
ne rapportent absolument rien aux re
ligieuses qui sont à la tête de cet éta
blissement. Néanmoins, en dehors du
droit de mainmorte et de la cote immo
bilière, le fisc déclare que cette valeur
estimative de douze millions est censée
rapporter 600,000 francs,et sur ce re
venu imaginaire il prélève un impôt
de 3 0/0, soit une somme annuelle de
18,000 francs.
C'est déjà un joli denier pour le fisc
et; pour la congrégation, une très
lourde charge. Mais sait-on combien
le nouveau projet ajouterait à cette
charge de la congrégatien et à cette
aubaine du fisc ! Trente-six mille
francs par an! Si ce n'est pas là une
machine de guerre nouvelle dirigée
contre les congrégations pour les rui
ner à bref délai, qu'est-ce donc? Nous
prions la Justice de nous le dire.
A uguste Roussel.
Le Parlement anglais, réuni depuis
le 31 janvier, en est encore à la dis
cussion de l'adresse. Les adversaires
du cabinet Gladstone lui tiennent pa
role et ont résolument commencé
leur campagne d'obstruction. Tories
et unionistes multiplient depuis plu
sieurs jours les amendements èt les
discours.
La plus caractérisée de ces manœu
vres d'obstruction a été l'amendement
de M. Jesse Collings, un second de,
M. Chamberlain, un ancien radical
devenu un allié des tories. Cet amen
dement accusait le cabinet Gladstone,
d'oublier les intérêts des petits agri
culteurs, et de sacrifier toutes les ré-;
formes attendues par le libéralisme
anglais à la question dii Home Rule.
A la fin d'une session, on compren
drait un reproche ou une accusation
de cette nature; à l'ouverture d'un
Parlement et alors que, d'ailleurs, le
discours du Trône annonce les réfor
mes réclamées par M. Collings, c'était
trop visiblement une manœuvre de
parti. En général, M. Gladstone laisse
à ses lieutenants le soin de répondre
aux attaques de ce genre.
Mais les manœuvres de ses anciens
partisans qui se sont enrôlés aujour
d'hui dans le camp tory sous la ban
nière de Yunionisme ont le don d'exas
pérer particulièrement le « vieux
grand homme ». C'est donc lui qui a
voulu se> charger- de l'exécution de ^
M. Collings, et il faut avouer que ce "
dernier n'y a rien gagné. M. Glad
stone a commencé par établir qu'on
ne pouvait véritablement accuser son
administration de négliger les réfor
mes chères à M. Collings, alors que
précisément elle commençait seule •
ment de se mettre à l'œuvre^
Puis il a voulu montrer au Parle
ment qué M. Collings manquait en
vérité de titres pour se donner comme
le champion des agriculteurs. Et il a ,
rappelé, au milieu de saillies et d'al
lusions qui faisaient rire tout le
monde, l'attitude de M. Collings dans
la discussion des questions agricoles
au dernier Parlement.
Diverses réformes furent proposées,
furent discutées, avec ou sans l'appui
du cabinet Salisbury et chaque fois
M. Collings, soit fatalité soit calcul,
manqua aux discussions ou vota con
tre les réformes proposées. Aujour
d'hui son zèle pour l'agriculture se ré
veille, mais M. Gladstone le tient pour
suspect.
M. Gladstone était' en verve, la
Chambre des communes bien dis
posée et M. Collings faisait une bonne
cible. Cela a été un long éclat de rire
à ses dépens. Puis, quand on a passé
au vote de l'amendement,la majorité
ministérielle s'est élevée à 84 voix.
C'est un bon début pour le cabinet
Gladstone, dont les partisans sont en
core réconfortés par les élections
d'hier à Walsall, où un gladstonien
remplace un tory et à Halifax,où,mal
gré le schisme d un candidat « du tra
vail» le candidat gladstonien garde
ce siège à son parti.
L. N. G.
Le Vaterland, le grand organe ca
tholique de Vienne, reproduit les allo
cutions et discours prononcés, lors de
la cérémonie de la remise de la bar
rette, par les ablégats, les cardinaux
et M. le président de la République, et
y ajoute les réflexions suivantes, qui
indiquent assez bien l'impression gé
nérale produite à l'étranger dans les
groupes conservateurs :
C'e3t là une satisfaction donnée à .la poli
tique française du Saint-Père, dont l'impor
tance ressort d'autant plus que les feuilles
radicales, à l'occasion de cette manifesta
tion, attaquent, violemment le président de
la République et les nouveaux cardinaux.
La manifestation en elle-même a une telle
importance que nous avons cru devoir don
ner le texte authentique et intégral des allo
cutions et disoours.
S. Em. le cardinal Thomas a fait
hier sa rentrée solennelle à Rouen.
Le matin, dans la salle des Etats, où
un trône avait été dressé,, se réunis
saient les vicaires généraux, les mem
bres du chapitre, le clergé de la ca
thédrale, les directeurs et les élèves
du grand séminaire, enfin la maî
trise.
On remarquait la présence de
MgrTarnassi, l'ablégat qui avait ap
porté la barrette au nouveau cardinal
et du comte Délia Porta, garde noble.
Les félicitations et les vœux du
clergé ont été présentés à Son Emi
nence.
Plus de cinq cents prêtres, dit le Patriote
de Normandie, appartenant au clergé de la
ville ou venus des divers points du diocèse,
ont été reçus & une heure et demie par Son :
Eminence dans la salle des Etats. Puis la
corLègè s'est formé, et, traversant la cha
pelle particulière de Mgr Thomas et les
couloirs de l'archevêché, est entré dans la
cathédrale par la ports absidiale de gauche.
Derrière les enfants de chœur et les élèves
du grand séminaire venaient les curés, vi
caires, aumôniers, puis les membres du
chapitre, les vicaires généraux, la chapelle
de Son Eminence, le comte Délia Porta,
revêtu de l'uniforme rouge de.grande tenue,
Mgr Tarnassi, enfin Mgr Thomas, bénis
sant la foule, plus nombreuse que jamais,
qui remplissait la basilique, refluait jus
qu'aux portes et rendait parfois la marche
du cortège assez difficile.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.88%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 88.88%.
- Collections numériques similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"L'Avenir de la Dordogne : journal politique quotidien ["puis" républicain quotidien "puis" quotidien départemental] /ark:/12148/bd6t548686443.highres Forbacher Bürger-Zeitung : Tageblatt für den Kreis Forbach und Umgebung ["puis" Organ der Zentrumspartei für den Kreis Forbach "puis" katholisches Tageblatt] /ark:/12148/bd6t546498301.highresBibliographie de la presse Bibliographie de la presse /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPNOUV"
- Auteurs similaires Veuillot Louis Veuillot Louis /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Veuillot Louis" or dc.contributor adj "Veuillot Louis")Veuillot François Veuillot François /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Veuillot François" or dc.contributor adj "Veuillot François")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k707969m/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k707969m/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k707969m/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k707969m/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k707969m
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k707969m
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k707969m/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest