Titre : L'Univers
Éditeur : L'Univers (Paris)
Date d'édition : 1893-02-08
Contributeur : Veuillot, Louis (1813-1883). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, Pierre (1859-1907). Rédacteur
Contributeur : Veuillot, François (1870-1952). Rédacteur
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 février 1893 08 février 1893
Description : 1893/02/08 (Numéro 9043). 1893/02/08 (Numéro 9043).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Mercredi 8 Février 1893
R" 9043 — Edition quotidienne
Mercredi 8 Février 1893
ÉDITIO N QUOTI DIENNE
PARIS ÉTRANGER
■t département# (union postal!)
On an • « » > « ■ 55 h 66 m
Six mois 28 50 84 »
Trois mois. ... 15 » 18 »
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UN NUMÉRO f ® >ar ' s 15 cent,
U UU ( D éparté ménts . . . 20 —
SUREAUX s Paris, 10, rue des Saints-Pàrtf
On «'abonna l Rome, place du Qeaù, g
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
Un an . . .
Six mois. .
Trois mois.»
. PARIS
et déjpailtements
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. . 16 »
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L 'UNIVERS m répond pas te manuscrits qui lai sont adresses
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et G le , 6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 7 FÉVRIER 1893
La chambre des mises en accusa
tion n'a pas terminé hier l'examen des
questions multiples et complexes sur
lesquelles elle est appelée à se pronon
cer. C'est pour aujourd'hui, dans l'a
près-midi,qu'on annonce ses décisions
et, comme elle délibère à huis clos, il
n'est pas certain, qu'elles soient con
nues dans la soirée.
On continue à dire que des ordon
nances de non-lieu seraient rendues
au bénéfice des députés et sénateurs,
à l'exception de M. Baïhaut, qui, avec
M. _ Sans-Leroy, payerait pour tous.
Mais cette solution ne sera pas accep
tée sans protestation. Déjà on an
nonce de graves incidents parlemen
taires, On va jusqu'à parler d'une dé
mission en masse des députés de la
droite, qui serait suivie d'une dissolu
tion, que le gouvernement ferait après
avoir obtenu d'une majorité complai
sante trois nouveaux douzièmes pro
visoires. Ces bruits sont bien gros et
nous ne les mentionnons que comme
indices des nouvelles fantaisistes qui
circulent.
La séance d'hier à la Chambre des
députés a débuté par la question an
noncée de M. Millevoye au sujet des
accusations de M. Rochefort contre
M. Clémenceau. M. le ministre Bour
geois a refusé de répondre ; MM. Bris-
son et Clémenceau sont intervenus;
ce dernier avait l'air fort ému, il se
sent gravement atteint.
Après cet incident, on a repris la
discussion du budget, terminé celui
des colonies et commencé celui de
l'Algérie, qu'on continuera aujour
d'hui. Les crédits supplémentaires
pour le Dahomey ont été votés sans
discussion.
D'après les apparences, qui trom
pent parfois, les négociations de M. le
comte Taaffe avec les divers groupes
qui doivent constituer sa « majorité
d'affaires » sont plutôt en bonne voie.
Ces groupes, tout en faisant leurs
réserves, seraient disposés à accepter
momentanément le programme neutre
du ministre.
Les scandales semblent devoir suc
céder aux scandales dans l'affaire des
banques italiennes d'émission. Les
arrestations se suivent, et les révéla
tions ou dénonciations se multiplient,
dans lesquelles il est bien difficile de
faire actuellement la part du vrai et
du faux. Quelle que soit son habileté,
il semble difficile que M. Giolitti puisse
se maintenir au pouvoir en étouffant
l'affaire.
Dans une discussion assez longue
qui a eu lieu à la Chambre italienne,
au sujet des fortifications de Bizerte,
les députés et ministres italiens ont
donné un nouveau témoignage des
sentiments d'hostilité qu'ils nourris
sent contre la France. Ce n'est pas
pour étonner. On pardonne difficile
ment les bienfaits reçus, surtout lors
qu'on les a payés par l'ingratitude.
P. -S: — A la dernière heure, une
note de. l'officieuse Agence Havas an
nonce une ordonnance de non-lieu
en faveur de MM. Rouvier, Devès, Al
bert Grévy, Léon Renault et Gottu.
Il y aura des incidents.:
(Voir aux Dernières Nouvelles)
La République de tout le monde (|)
Encore que je pense n'ignorer rien
de son effrayante misère, je crois à la
résurrection de la très noble et très
magnanime France. J'y crois, je l'at
tends avec un ferme espoir par delà
ma vie, qui ne sera pas réjouie de la
plénitude de ce miracle. Et encore
que j'aie vu une première fois la Ré
publique et que je la revoie après
vingt ans dan3 ses indescriptibles
haillons, plus basse, plus impie, plus
digne s'il se peut des liuées de l'intel
ligence humaine, je crois néanmoins
que la République se nettoiera, et, net
toyée s'établirait j'en fais le vœu.
Je crois à la résurrection de la
France, parce que Dieu « a fait les
nations guérissables », particulière
ment les nations qui, plus trempées
du baptême, ont aussi donné plus de
sang à Jésus-Christ. On dit que la
France a apostasié; je l'ai dit moi-
même dans l'excès de ma douleur,
voyant à quel point honteux l'erreur a
(1) Ce travail date de 22 ans. Il a paru
dans l'Univers du 31 janvier 1871. Paris
aifamé venait de se rendre aux Prussiens.
Ceux qui avaient, comme Louis Veuillot,
subi le siège de l'ennemi, prévoyaient les
horreurs de la Commune, car déjà, et à di
verses reprises, l'armée de celle-ci s'était
montrée dans nos rues. Une fois même elle
avait occupé l'hôtel de ville, et ses journaux
annonçaient avec menace tout, ce que bien
tôt elle fit. C'est alors que Louis Veuillot,
songeant à l'avenir de la France, écrivit les
pages que nous allons citer. Ces pages, il
les a réimprimées cinq ans plus tard, en
1876, sans y joindre aucune note, sans en
rien retirer, se bornant à des corrections
e style qui ne modifient aucunement la
pensée. Nous reproduisons ce texte définitif.
E-V,
pu nous conquérir ; mais je sais bien
que le fond de la France n'a point
apostasié et n'a point abdiqué. Par la
grâce de Dieu, ou nous conquerrons les
conquérants, ou nous les mettrons de-*
hors. Nous savons maintenant quelles
destructions devaient opérer chez
nous les termites de l'hérésie. Ils nous
ont livrés à l'ennemi extérieur. Dans
la force épouvantable du mot, jadis
ignoré de nous, nous sommes un
peuple défait. Mais le secret de l'unité
n'est pas perdu, et les ouvriers de
l'unité, qui avaient « fait la France
comme les abeilles font la ruche »,
n'ont pas disparu. Nous nous referons
par ce ciment et par ces ouvriers.
Je crois à la République. En dehors
de la République, il n'y a que des dic
tatures à peu près également corrom
pues et infécondes.
. Au fond, depuis 89, et l'on pourrait
remonter plus haut, à travers tous les
genres de fiction, nous ne sommes
pas sortis de la dictature, et la dicta
ture n'a réussi qu'à détruire. Elle n'a
cessé d'être un despotisme destruc
teur que pour devenir une anarchie
destructive. Tous les régimes dont
nous avons essayé ont été factices,
imposés par la force ou appelés par
l'erreur. L'esprit révolutionnaire y a
dominé ; il s'est toujours agi d'a
néantir le grand, l'unique élément
de l'ordre et de la liberté, l'esprit
chrétien, qui est aussi l'esprit na
tional. Ce que nous avons appelé mo
narchie n'a été que le chemin couvert
de la république; ce que nous avons
appelé république n'a été qu'une en
treprise plus dictatoriale contre le
christianisme, c'est-à-dire contre la
liberté. Que peut-on faire de plus vio
lent contre la liberté d'un peuple que
d'entreprendre de lui arracher ses
croyances? Tout a été employé pour
arriver à ce résultat. On y a mis la
main des bourreaux et la main des
escrocs; on a fait des lois de liberté
Sui ont été des lois de sang, des lois
e justice qui ont été des friponneries.
Non seulement la conscience mais la
nature ont protesté contre ces entre-,
prises, jadis plus perverses, devenues
plus stupides par l'affaiblissement gra
duel des esprits et des âpaes: il en est
résulté, les convulsions au milieu des
quelles nous nous sentons périr.
Pour nous relever, il faut autre
chose qu'une dictature quelle qu'elle
soit, fût-elle pure à son origine, et
quand même il viendrait un de ces
hommes qui apparaissent dans, les
peuples comme des envoyés extraor
dinaires de Dieu. Nul homme ne peut
rien tout seul. A relever tout un peu
ple, aucune main ne suffit. Il faut
l'effort de ce peuplé lui-même ; un
effort unanime, ordonné, persévérant.
Il faut quelque chose que l'anarchie
ne peut produire, que la dictature ne
peut imposer. L'anarchie a usé aussi
la dictature, elle en a ruiné l'élément.
Nous ne trouverons plus de dictateur
qui ne devienne vite un faquin. Il y a
vingt ans, une illusion là-dessus pou
vait être encore possible. L'Empire et
la République ne la permettent plus..
Rien ne peut sauver le pays que le
pays lui-même, appelé à une activité
régulière et universelle. Sur certains
rivages, la mer seule peut se donner
une digne assez puissante; elle fait
cet ouvrage, s'il se trouve une
tête qui étudie le mouvement des flots
et leur livre des blocs à entasser.
Il manque en France une intelli
gence plutôt qu'une main, un lien
plutôt qu'un pouvoir, une probité plu
tôt qu'une force. C'est le contraire de
la dictature, et ce serait la constitu
tion de la République. Si nous le vou
lons, nous avons l'homme et le peu
ple, et les aspirations et les souvenirs.
La Providence nous a réservé et pré
paré tout ce qui est nécessaire à cette
rénovation.
Si la monarchie se pourra reconsti
tuer un jour, soit dans la pureté de la
conception chrétienne, soit dans la
corruption païenne où elle était tom
bée, Dieu le sait. Les apparences sont
qu'en bien il y aura mieux, qu'en mal
il y aura pire. A mon avis, la ques
tion est entre Pierre, juge et pasteur
universel des nations, ou pour mieux
dire des familles chrétiennes, et Cé
sar, maître unique du bétail humain ;
car, par une voie ou par une autre,
rien n'empêchera le monde d'aller à
l'unité, et la terre sera un bercail ou
sera un bagne. Mais ceci demeure
voilé. Dieu se réserve pour un temps
la connaissance des voies qu'il ouvre
au choix de la liberté humaine.
Au milieu des ténèbres, Dieu jette
les fondements de toutes choses,
comme si sa miséricorde voulait ôter
à la liberté humaine le funeste pou
voir de trop contrarier ses plans.
Quelques-uns pouvaient prévoir qu'en
réponse à l'orgueil de ce « siècle de
lumière », si assuré de prendre un
élan infini dans le progrès, Dieu don
nerait, que l'on pardonne l'expres
sion, un tour de clef et éteindrait le
gaz, pour travailler lui-même et ou
vrir une route où le monde n'aurait
pas eu l'intention de se porter.
Humainement, c'est invraisembla
ble. Voilà néanmoins qui est fait, avec
cette puissance et cette logique su
prême qui font soudain aboutir au
même point les efforts les plus con
tradictoires de la passion, au caprice
et de la sagesse des hommes dans
tout l'orbe de l'univers. La nouvelle
route s'ouvre inopinément sous le bé
lier des cataractes, au bruit des ton
nerres, vaste, profonde et inconnue.
Un monde finit, un monde commence,
et cette fin est une suite, et celte suite,
à certains égards, est un recommence
ment. La foule franchit ce seuil poso
depuis toujours, ouvert seulement
aujourd'hui. Elle entre, inquiète, pêle-
mêle, poussée par une force qu'elle
ignore, sans se connaître ni se dé
signer un guide, sans savoir où elle
va. Avant qu'il se forme là dedans des
princes, il se passera du temps. Von
dirait plutôt quels princes y devront
disparaître et quelles couronnes achè
veront d'y sombrer.
Cette foule qui n'a point de chef
élu, qui n'en gardera point qui existe,
et qui probablement n'en élira point
qui dure; cette foule grossissante, et
qui grossira jusqu'à ce qu'elle ait pris
les dimensions du genre humain
cette foule qui a l'instinct confus de
devenir un troupeau, c'est la démocratie
et elle va au baptême. Elle n'a pas vu
finir sa nuit, ni sa course, ni ses com
bats ; èlle n'a pas laissé tomber dans
les abîmes tout le périlleux bagage
qu'elle rêve encore de conserver. Mais
nn jour, sur la montagne, apparaîtra
le pasteur.
Il ne sera pas élu, il sera reconnu. Ce
ne sera pas un empereur d'Allemagne
ni un chef secret de la société souter
raine : ce sera Moïse, et il donnera la
loi ; ce sera Pierre, et il donnera l'a
mour; ce sera Jésus-Christ, et il don
nera la liberté. Les empereurs, les
conquérants, les chefs de secte n'au
ront fait que rompre les barrières qui
empêchaient la formation nouvelle de
l'humanité et qui la retenaient savam
ment par groupes hostiles dans les en
traves de la vieille erreur.
Ainsi se trouveront remplis tant de
pressentiments obscurs de ce siècle,
qui appellent par tant de voix discor
dantes un renouvellement de toutes
choses et leur consommation dans
l'unité. Prophéties de Balaam, faites
pour tromper ceux qui les disent et
ceux qui les écoutent, où tout est faux
et où tout se trouvera vrai ! Ils
croyaient et ils annonçaient la gloire
du règne de Pharaon, et ils ont tout
préparé pour un exode immense et in
comparable, dont le terme ne peut
être que la ruine de Pharaon et l'a
grandissement du peuple de Dieu
affranchi des idoles.
Il se peut que l'excès de nos afflic
tions et de notre décadence actuelle
produise en moi cet excès et cette fièr
vre d'espérance qui semble rendre
l'abondance de la vie aux malades dé
sespérés. En écrivant, j'entends d'une
oreille le clairon ennemi victorieux
sur nos murailles; de l'autre, ce que
dit la sédition dans la ville captive. Sur
les gémissements de Jérusalem vain
cue, j'entends dominer les chansons
lascives de Ninive et les blasphèmes
de Babylone. Je me souviens de l'or
gueil de Rome, de l'endurcissement
de son Sénat refusant le baptême. Les
barbares avaient déjà crevé les murs,
et le Sénat s'occupait encore d'assurer
la continuation des fêtes et le main
tien des dieux. Je me souviens de By-
zance et de ses docteurs qui criaient :
Plutôt le croissant ! Hier, quand la
capitulation se lisait au Journal Offi
ciel, devenu notre pilori, on lisait
aussi des affiches de spectacle, et les
comédiens français, à l'heure même
où l'ennemi entrait dans les forts,
amusaient un public prisonnier. Ils
représentaient Les Jeux de VAmour et
du Hasard. Je. sais cela, et je voudrais
ne le point savoir. Mais je sais aussi
que la prière n'est pas éteinte dans la
France, ni même dans Paris, et je ne
peux pas croire ni de la France qu'elle
veuille périr, ni de Dieu qu'il veuille
l'abandonner. Une voix me crie que
cette nation, incomparablement hu
miliée au milieu de l'abaissement mo
ral du monde, marchera en avant de
tous les peuples vers le meilleur ave
nir du genre humain, et que, comme
elle fuit la première monarchie chré
tienne, elle sera aussi, de rang et de
date, la première des nouvelles répu
bliques baptisées.
Que les révolutionnaires ne se hâ
tent point de me croire converti. Je
suis contre eux comme je l'ai été tou
jours. Dans l'ordre des idées, je n'ai
pour eux qu'un mépris absolu. Je les
regarde comme des sauvages, simple
ment susceptibles d'éducation, res
pectables en ce seul point qu'ils sont
hommes et qu'ils ont une âme immor
telle. Ma république et la leur ne sont
nullement la même chose et ne s'en
tendraient immédiatement sur rien.
Immédiatement, notre république ne
pourrait que les contenir, la leur ne
pourrait que nous tuer. La nôtre sera
établie contre la leur et la vaincra ;
sinon ils triompheront, se dévoreront
entre, eux et achèveront de périr sous
le bâton de César ou sous le pied de
quelque peuple étranger; car leur dé
mence les séparera de Dieu et ils n'au
ront plus l'Eucharistie. Finis Franciœ !
La France séparée du Christ sera plus
effacée que la Pologne et l'Irlande. Ce
ne sera pas seulement la fin, ce sera
la mort, et le chien maigre et le cha
cal qui ont habité les ruines de Baby
lone viendront hurler dans les caver
nes qui seront le reste de Paris.
Mais Dieu a fait les nations guéris
sables. La France guérira, et la Ré
publique sera son instrument. Cette
République sera implantée par le
clergé et par les restes les plus intel
ligents du parti monarchique; par elle
les révolutionnaires eux-mêmes de
viendront républicains. Les uns le
seront à cause de leur droiture natu
relle, qui leur fera reconnaître et ac
cepter la réalité saisissable de l'ordre
qu'ils cherchent dans la région des
chimères ;les autres le seront de force
en attendant l'habitude et l'éducation.
La République aura des lois qu'ils de
vront respecter. Ce caveçon maîtrisera
leur orgueil.
Ceci arrivera, parce que le canon
prussien a tué le luxe probablemen
pour longtemps, la centralisation, es
pérons-le, pour jamais. Il faut vivre
de régime, payer des dettes, relever
des murailles, rester , chez soi, s'appli
quer à produire du blé, du fer et des
hommes. Il faut répandre là vie sociale
partout pour que la patrie soit gardée
partout, et que partout elle enfante le
nécessaire et proscrive le stérile et le
Ïiérilleux. Il faut, en un mot, restituer
a France à elle-même, et qu'elle ne
soit pas une seconde fois partout meur
trie et mourante pour avoir été frap
pée en un seul point. L'unique moyen
d'obtenir ce résultat est de ressusciter
la plus grande liberté possible des
.provinces.
Le soi-disant gouvernement de la
défense nationale, sans consulter la
France, a décrété la République une
« et indivisible » et le sieur Arago l'a
écrit sur les murs avec la légende
consacrée : Liberté, égalité, frater
nité. C'était le cas d'ajouter : et la
mort ! Le privilège de la République
« indivisible » est d'être du premier
coup indivisiblement atteinte, blessée
au cœur, abattue par l'étranger ou
surprise par la dictature. Il faut faire
une République qui résiste mieux ou
au canon Krupp, ou aux torrents qui
descendent instantanément de Belle-
ville, et qui enflent tous les ruisseaux
de Paris au point de leur faire empor
ter l'indivisibilité, la République et le
reste.
Que la République donc soit établie
de façon à garantir, avant tout, et
après tout, l'indivisibilité de là France.
J'oserai dire maintenant ce que l'on
pourrait faire,non pas par un long tra
vail et dans un long avenir, mais en
quelques mots et en quelque sorte ins
tantanément,pour réaliser la Républi
que de tout le monde.
Louis Veuillot.
La suite qu'annoncent les dernières lignes
de'cet'article, où tout ce que nous voyons et
espérons est prévu, ne plut ni aux républi
cains, dont elle condamnables pratiques et
les doctrines, ni aux royalistes, car si Louis
Veuilllot y faisait appel au comte de Cham-
bord, c'était sans reconnaître le prinoipe de
la légitimité. Il voulait une démocratie
ohrétienne fortement organisée, ayant un
ohef et des institutions politiques adminis
tratives, économiques ou sociales, qui pus
sent garantir l'avenir. — « Vous faites un
rêve », lui dit-on. — « Peut-être », répon
dit-il. Mais il pensait et toujours il pensa
qu'espérer l'accord de la démooratie et non
de la révolution avec l'Eglise,- ce n'était pas
rêver. Nous reviendrons là-dessus.
Pour aujourd'hui, bornons-nous à recon
naître que le rédacteur en ohef de VUnivers
avait trop compté sur l'esprit conservateur
et l'intelligence de la olasse riche et diri
geante, en croyant que le canon prussien
l'aurait guérie de son amour du luxe, c'est-
à-dire de son matérialisme. Non, avant tout
elle veut jouir et la foule, prompte à suivre
cet exemple, veut jouir aussi ; — ce qui fi
nira par troubler très fort les jouissances
de tous. Ét oe sera justice.
E. V.
■ ; « ; ;
Avant de procéder à la discussion,
qui a lieu chaque année, sur nos
colonies en général et sur le Tonkin
en particulier (cette fois on a même
refait l'historique de nos tâtonnements
en Algérie), la Chambre a vu se pro
duire une scène courte, mais émou
vante, comme un engagement d'épées.
M. Millevoye portait à la tribune les
déclarations que M. Rochefort a faites
dans son journal, au sujet des liens
qui ont existé entre M. Clémenceau
et Cornélius Herz. Il demandait si
le gouvernement compte prendre des
mesures pour recueillir le témoi
gnage de M. Rochefort et les déclara
tions de Cornélius? Pendant que
M. Millevoye rappelait les projets d'a
près lesquels le financier cosmopolite
aurait fourni à M. Clémenceau, pour
son journal, trois ou quatre millions,
M. Déroulède a crié : « L'argent n'a
« pas été directement versé dans les
« caisses de la Justice-, il est passé des
« mains de Cornélius Herz dans
« celles de M. Clémenceau ». Articulés
d'une voix qui emplit la salle, ces
mots étaient prononcés à trois mètres
de M. Clémenceau, qui n'a fait d'au
tre mouvement que de se renverser
en arrière, la tète placée sur le dos
sier du banc. Le ministre ayant notifié
qu'il se refusait à donner aucune ré
ponse, et le président de la commis
sion d'enquête ayant dit qu'il était op
posé à l'envoi d'une délégation, l'an
cien leader de l'extrême gauche a pris
la parole pour un fait personnel.il s'est
borné à dire qu'il désirait communi
quer aux enquêteurs là comptabilité
de son journal, et qu'il se mettait sous
la protection des lois de son pays. Il a
parlé une minute, et le débat s'est
trouvé terminé ensuite ; mais l'im
pression de cet instant reste inou
bliable.
On a vu fléchir l'assurance auda
cieuse et provocante dont M. Clémen
ceau a si souvent abusé. Lui qui se
distinguait par la netteté comme par
la rapidité de l'élocution, il a presque
bredouille, pour dire une phrase ba
nale qu'il a répétée trois fois. Ce n'é
tait pas seulement une défaillance
physique ; l'esprit aussi s'est troublé,
en dépit' d'une volonté et d'un cou
rage qui n'abdiqueront pas. Voici plu
sieurs mois que M. Clémenceau appa
raît comme un homme dont tous
les ressorts sont tendus à l'ex
trême, qui vit sur une défensive
continuelle ; résolu à frapper sans
doute, mais occupé toujours à devi
ner le danger. Hier on n'aurait pas
reconnu dans M. Clémenceau l'ora
teur qui répondait avec un absolu
sang-froid aux premières attaques de
M. Déroulède. C'est ce jour-là qu'il a
fait son meilleur discours. Il était dans
son rôle de duelliste, il était sur son
terrain. Hier la fatigue s'est montrée.
On ne mène pas indéfiniment une pa
reille existence, surtout en face d'un
adversaire tel que M. Déroulède, qui a
pris, pour la circonstance, le ton et
les allures d'un exécuteur. Ce n'est pas
fini. M. Clémenceau ne se laissera pas
abattre sans assouvir sa colère ; M. Dé
roulède semble avoir une résolution
proportionnée à sa bravoure, laquelle
est inépuisable. L'attention de la
Chambre est fixée sur ce duel.
Eugène Tavbrnier.
Sous ce titre: « Un scandale au ci
metière », on écrit de Vercel au .jour
nal la Franche-Comté :
Le 4 février, une foule nombreuse ac
compagnait à sa dernière demeure un jeune
soldat do Véroel, Louis Bergier, mort pres
que subitement d'un aocès de fièvre perni
cieuse. Il avait fait, comme engagé volon
taire, toute la campagne du Dahomey. De
puis trois semaines à peine, il était rentré
dans sa famille. Par une illusion qui n'est
pas rare à son âge, Louis Bergier croyait
avoir triomphé de la fatigue et du climat.
Hélas I il rapportait une santé perdue, Ce
qui rendait l'émotion plus poignante, c'est
que sa mère avait elle-même suecombé,
îuit jours seulement avant son retour. Ils
reposent à côté l'un de l'autre.
Après les dernières prières, un gamin
universellement décrié, le fils de l'horïoger-
limonadier, délégué de la république de
Panama, du fameux Biesse enfin, s'avance
sur le bord de la fosse et commence un
discours. Surprise et indignation générale.
La famille Bergier est très religieuse, très
conservatrice remplie d'une juste horreur
pour le laïcisme et autres folies du jour.
A peine a-t-il prononcé quelques mots,
que M. le curé de Vercel, célébrant, se re
tourne et l'apostrophe en ces termes :
« Vous u'avez rien à dire ici. Vos principes
et votre passé ne vous autorisent pas à par
ler de ce soldat mort au service de la
France.
— Monsieur le curé, répondit-il, mourir
pour la France n'est pas une ingrati
tude (sic).
Comprenne qui pourra cette ânerie.
a Je proteste, reprend M. le curé, au
nom de sa famille, qui vous désavoue, que
vous insultez, e't j'invite M. Bergier père à
protester par son départ immédiat. Encore
une fois, vous n'avez aucun titre pour par
ler ici. »
M. Bergier se retira aussitôt et la foule le
suivit, écœurée de l'audace de ce jeune
personnage. Quelques écervelés et une
demi-douzaine de curieux restèrent. Lui,
Nous recevons de Rome la dépêche
suivante :
Rome, 7 février, 12 h. 45 m.
Pour l'anniversaire de la mort du Pape
Pie IX, le cardinal Parocchi a chanté la
messe à la ohapelle Sixtine.
Le Pape, qui avait très bonne mine, a
donné l'absoute ; sa voix était superbe.
Dans l'assistance on remarquait : le corps
diplomatique , l'aristocratie romaine, de
nombreux archevêques et évêques, parmi
lesquels oeux de Reims, Bordeaux, Van
nes et Angers, vingt-neuf cardinaux et
beaucoup de fidèles des deux sexes.
L'Agence Havas nous communique
les dépêches suivantes :
Rome, 6 février.
Les ambassadeurs de France, d'Autriohe-
Hongrie et de Portugal, ainsi que celui
d'Espagne, qui va arriver, et le ministre de
Bavière, ont reçu des lettres de créanoe,
leur conférant mission de féliciter le Pape
à l'oocasion de son jubilé, au aom de leurs
gouvernements respeotifs.
Les familles royales de Belgique, de Saxe
et de Roumanie se feront représenter par
des envoyés spéciaux.
Rome, 6 février.
Le Pape a adressé au P. Picard, supé
rieur général des Augustins, qui organise
le pèlerinage de Jérusalem, un bref encou
rageant le pèlerinage et désignant le cardi
nal Langénieux comme ohargé de présider
le congrès euoharistique.
Le Pape a reçu aujourd'hui le cardinal
Langénieux.
Rome, 6 février.
L'Osservatore Romano donne la liste des
diplomates qui présenteront des félicita
tions et des cadeaux au Pape à l'occasion
de son jubilé épiscopal. M. Lefebvre de
Béhaine représentera M. Carnot, le patriar
che arménien Azarian viendra de la part
du sultan ; le baron de Loë est envoyé par
l'empereur Guillaume; le baron de Milluz,
par le roi de Saxe, et le baron de Celto re
présentera le régent de Bavière.
L 'Osservatore dément les bruits répandus
psr quelques journaux que le baron de Loë
aurait reçu la mission de demander au Va
tican d'intervenir en faveur du gouverne
ment dans la question du projet de loi mi
litaire. Il affirme que la mission du baron
de Loë se borne exclusivement à l'acte de
courtoisie dont l'empereur a eu l'initiative.
sans comprendre la leçon, essaya quelques
mets ridicules et vides de sens.
Le correspondant de l'excellent
j ournal bysontin insiste dans sa con
clusion sur l'inconvenance dont a fait
preuve, en l'espèce, le manifestant
désigné ci-dessus :« Passe encore,dit-il,
d'essayer des phrases creuses sur la
tombe d'un mauvais garnement; l'ora
teur alors est digne du sujet. Mais ve
nir,contre l'assentiment d une famille,
souiller le cercueil à peine fermé d'un
soldat chrétien, qui donne sa vie pour
son pays, qui constamment a repoussé
toute liaison, toute intimité avec les
Eolissons, non ! cela n'est pas toléra*
le. Le devoir en pareil cas est de
hausser les épaules et de faire le vidé
autour des polichinellès qui cherchent
en toute circonstance une occasion de
parader mal à propos. »
On pourrait même examiner s'il n'y
a pas autre chose à faire, en pareil
cas, que de hausser les épaules et de
faire le vide autour de l'Orateur qui, à
une assistance chrétienne, prétend
imposer une harangue libre-penseuser
et charger ainsi la mémoire du mort
d'une apparence de solidarité avec des
doctrines qui ne furent jamais les
siennes. La famille aurait, sans nul
doute, en ce sens, une action quelcon
que à produire contre un acte qu'elle^
peut relever comme un véritable ou-*
trage à la réputation de l'un des siens.
D'autre part, il y aurait lieu d'en ap
peler à l'autorité de qui relève la po
lice du cimetière pour interdire et, au
besoin, pour réprimer des manifesta
tions qui constituent un véritable
trouble apporté à l'exercice de ce
qu'on est en droit de considérer
comme un acte du culte. Tel est bien,
en effet, le caractère d'un enterre
ment religieux, puisque l'Église a des
prières liturgiques pour la bénédiction
de la fosse et du terrain où sont en
terrés ceux pour qui l'on réclame ses
prières.
Ceux qui viennent jusque sur des
tombes outrager à la foi des catholi
ques, feront bien d'y réfléchir.
Auguste Roussel.
Le Nouvelliste de la Sarthe nous
donne les résultats de l'élection dont
nous avons parlé comme particulière
ment intéressante en raison de l'in
tervention d'un ancien aumônier con
tre un prêtre défroqué qui se présen
tait dans la troisième circonscription.
Cette intervention a été utile, car,
encore que produite â la dernière
heure, la candidature de M. l'abbé Lé?
veillé, 'caractérisée par le programme
que nous avons reproduit, a réuni
502 voix, tandis que l'apostat Laîné,
après une campagne ardemment me
née durant plusieurs jours, en a péni
blement récolté 380.
C'est encore trop, et il y a lieu dé
blâmer la coupable indolence de tant
d'indifférents qui se sont abstenus
au nombre de plus de 3,000, et qui,
s'ils avaient voulu secouer leur apathie,
auraient facilement amené le triom
phe de M. l'abbé Lé veillé même sur le
candidat opportuniste, qui entre au
conseil municipal avec 885 voix.
Espérons du moins que cette leçon
servira pour l'avenir.
Sur les funérailles de Madame la
duchesse de Madrid, M. de Saint-Vic
tor écrit à la Gazette de France :
Viareggio, 31 janvier.
Ce matin S. A. R. le duo de Parme est
arrivé avec don Jaime et l'archiduchesse
Léopold, qui était malade à Sohwarzaû. La
prinoesse Marie de Bourbon avait voulu
aooompagner sa cousine et rendre un der
nier hommage à son auguste tante. Demain
seulement viendra l'archiduc Léopold, quia
reçu la fatale nouvelle à Lemberg, oi il est
en garnison. Ainsi toute cette royale fa
mille désolée se trouvera réunie pour ce
dernier rendez-vous, à l'exception de Mme
la grande-duchesse de Toscane, la sœur
bien-aimée.
La mise en bière a été un spectacle dé
chirant. Le testament a été ouvert pour
savoir s'il ne contenait pas quelques indi
cations relatives aux funérailles. Madame
la duchesse de Madrid exprimait le désir
d'être enterrée dans cette ohapelle qui touche
à sa résidence et seulement si elle ne meurt
pas à une trop grande distance; puis elle
demande à ce qu'on ne couvre pas son
tombeau de fleurs et à ce qu'une aussi inu
tile dépense soit convertie en prières à faire
pour le repos de son âme. Cette disposition
peut être utilement méditée de nos jours.
1" février.
La cérémonie des funérailles a eu lieu à
11 heures. L'archevêque de Lucques est
venu donner une des cinq absoutes 1 Après
le télégramme de l'empereur d'Autriche,
arrivé le premier, il y a eu celui du Saint-
Père et, ce soir, le préfet de Lucques a fait
demander une audience à Monseigneur le
duc de Madrid pour lui remettre une lettre
du roi d'Italie.
Sur le cercueil, on voyait une touffe de
lys blancs. C'est que l'on a pas oublié quo
Madame la duchesse de Madrid était la
fille de celle quo l'on appelait jadis, en
France « Mademoiselle ! » ,
A 3 heures on a procédé à l'înhumation
dans le caveau royal, et maintenant, tout
est fini !
Le testament, ouvert oe soir, désigue
Mgr le duc de Parme comme exécuteur
testamentaire. Voilà tout ce que puis vous
dire, si je ne veux pas manquer l'heure du
courrier.
S. V.
R" 9043 — Edition quotidienne
Mercredi 8 Février 1893
ÉDITIO N QUOTI DIENNE
PARIS ÉTRANGER
■t département# (union postal!)
On an • « » > « ■ 55 h 66 m
Six mois 28 50 84 »
Trois mois. ... 15 » 18 »
>L»s Abonnements partent des 1" et 16 de chaque mofc
UN NUMÉRO f ® >ar ' s 15 cent,
U UU ( D éparté ménts . . . 20 —
SUREAUX s Paris, 10, rue des Saints-Pàrtf
On «'abonna l Rome, place du Qeaù, g
ÉDITION SEMI-QUOTIDIENNE
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Six mois. .
Trois mois.»
. PARIS
et déjpailtements
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Les abonnements partent des 1" et 16 de chaque mois
L 'UNIVERS m répond pas te manuscrits qui lai sont adresses
ANNONCES
MM. LAGRANGE, CERF et G le , 6, place de la Bourse
FRANCE
PARIS, 7 FÉVRIER 1893
La chambre des mises en accusa
tion n'a pas terminé hier l'examen des
questions multiples et complexes sur
lesquelles elle est appelée à se pronon
cer. C'est pour aujourd'hui, dans l'a
près-midi,qu'on annonce ses décisions
et, comme elle délibère à huis clos, il
n'est pas certain, qu'elles soient con
nues dans la soirée.
On continue à dire que des ordon
nances de non-lieu seraient rendues
au bénéfice des députés et sénateurs,
à l'exception de M. Baïhaut, qui, avec
M. _ Sans-Leroy, payerait pour tous.
Mais cette solution ne sera pas accep
tée sans protestation. Déjà on an
nonce de graves incidents parlemen
taires, On va jusqu'à parler d'une dé
mission en masse des députés de la
droite, qui serait suivie d'une dissolu
tion, que le gouvernement ferait après
avoir obtenu d'une majorité complai
sante trois nouveaux douzièmes pro
visoires. Ces bruits sont bien gros et
nous ne les mentionnons que comme
indices des nouvelles fantaisistes qui
circulent.
La séance d'hier à la Chambre des
députés a débuté par la question an
noncée de M. Millevoye au sujet des
accusations de M. Rochefort contre
M. Clémenceau. M. le ministre Bour
geois a refusé de répondre ; MM. Bris-
son et Clémenceau sont intervenus;
ce dernier avait l'air fort ému, il se
sent gravement atteint.
Après cet incident, on a repris la
discussion du budget, terminé celui
des colonies et commencé celui de
l'Algérie, qu'on continuera aujour
d'hui. Les crédits supplémentaires
pour le Dahomey ont été votés sans
discussion.
D'après les apparences, qui trom
pent parfois, les négociations de M. le
comte Taaffe avec les divers groupes
qui doivent constituer sa « majorité
d'affaires » sont plutôt en bonne voie.
Ces groupes, tout en faisant leurs
réserves, seraient disposés à accepter
momentanément le programme neutre
du ministre.
Les scandales semblent devoir suc
céder aux scandales dans l'affaire des
banques italiennes d'émission. Les
arrestations se suivent, et les révéla
tions ou dénonciations se multiplient,
dans lesquelles il est bien difficile de
faire actuellement la part du vrai et
du faux. Quelle que soit son habileté,
il semble difficile que M. Giolitti puisse
se maintenir au pouvoir en étouffant
l'affaire.
Dans une discussion assez longue
qui a eu lieu à la Chambre italienne,
au sujet des fortifications de Bizerte,
les députés et ministres italiens ont
donné un nouveau témoignage des
sentiments d'hostilité qu'ils nourris
sent contre la France. Ce n'est pas
pour étonner. On pardonne difficile
ment les bienfaits reçus, surtout lors
qu'on les a payés par l'ingratitude.
P. -S: — A la dernière heure, une
note de. l'officieuse Agence Havas an
nonce une ordonnance de non-lieu
en faveur de MM. Rouvier, Devès, Al
bert Grévy, Léon Renault et Gottu.
Il y aura des incidents.:
(Voir aux Dernières Nouvelles)
La République de tout le monde (|)
Encore que je pense n'ignorer rien
de son effrayante misère, je crois à la
résurrection de la très noble et très
magnanime France. J'y crois, je l'at
tends avec un ferme espoir par delà
ma vie, qui ne sera pas réjouie de la
plénitude de ce miracle. Et encore
que j'aie vu une première fois la Ré
publique et que je la revoie après
vingt ans dan3 ses indescriptibles
haillons, plus basse, plus impie, plus
digne s'il se peut des liuées de l'intel
ligence humaine, je crois néanmoins
que la République se nettoiera, et, net
toyée s'établirait j'en fais le vœu.
Je crois à la résurrection de la
France, parce que Dieu « a fait les
nations guérissables », particulière
ment les nations qui, plus trempées
du baptême, ont aussi donné plus de
sang à Jésus-Christ. On dit que la
France a apostasié; je l'ai dit moi-
même dans l'excès de ma douleur,
voyant à quel point honteux l'erreur a
(1) Ce travail date de 22 ans. Il a paru
dans l'Univers du 31 janvier 1871. Paris
aifamé venait de se rendre aux Prussiens.
Ceux qui avaient, comme Louis Veuillot,
subi le siège de l'ennemi, prévoyaient les
horreurs de la Commune, car déjà, et à di
verses reprises, l'armée de celle-ci s'était
montrée dans nos rues. Une fois même elle
avait occupé l'hôtel de ville, et ses journaux
annonçaient avec menace tout, ce que bien
tôt elle fit. C'est alors que Louis Veuillot,
songeant à l'avenir de la France, écrivit les
pages que nous allons citer. Ces pages, il
les a réimprimées cinq ans plus tard, en
1876, sans y joindre aucune note, sans en
rien retirer, se bornant à des corrections
e style qui ne modifient aucunement la
pensée. Nous reproduisons ce texte définitif.
E-V,
pu nous conquérir ; mais je sais bien
que le fond de la France n'a point
apostasié et n'a point abdiqué. Par la
grâce de Dieu, ou nous conquerrons les
conquérants, ou nous les mettrons de-*
hors. Nous savons maintenant quelles
destructions devaient opérer chez
nous les termites de l'hérésie. Ils nous
ont livrés à l'ennemi extérieur. Dans
la force épouvantable du mot, jadis
ignoré de nous, nous sommes un
peuple défait. Mais le secret de l'unité
n'est pas perdu, et les ouvriers de
l'unité, qui avaient « fait la France
comme les abeilles font la ruche »,
n'ont pas disparu. Nous nous referons
par ce ciment et par ces ouvriers.
Je crois à la République. En dehors
de la République, il n'y a que des dic
tatures à peu près également corrom
pues et infécondes.
. Au fond, depuis 89, et l'on pourrait
remonter plus haut, à travers tous les
genres de fiction, nous ne sommes
pas sortis de la dictature, et la dicta
ture n'a réussi qu'à détruire. Elle n'a
cessé d'être un despotisme destruc
teur que pour devenir une anarchie
destructive. Tous les régimes dont
nous avons essayé ont été factices,
imposés par la force ou appelés par
l'erreur. L'esprit révolutionnaire y a
dominé ; il s'est toujours agi d'a
néantir le grand, l'unique élément
de l'ordre et de la liberté, l'esprit
chrétien, qui est aussi l'esprit na
tional. Ce que nous avons appelé mo
narchie n'a été que le chemin couvert
de la république; ce que nous avons
appelé république n'a été qu'une en
treprise plus dictatoriale contre le
christianisme, c'est-à-dire contre la
liberté. Que peut-on faire de plus vio
lent contre la liberté d'un peuple que
d'entreprendre de lui arracher ses
croyances? Tout a été employé pour
arriver à ce résultat. On y a mis la
main des bourreaux et la main des
escrocs; on a fait des lois de liberté
Sui ont été des lois de sang, des lois
e justice qui ont été des friponneries.
Non seulement la conscience mais la
nature ont protesté contre ces entre-,
prises, jadis plus perverses, devenues
plus stupides par l'affaiblissement gra
duel des esprits et des âpaes: il en est
résulté, les convulsions au milieu des
quelles nous nous sentons périr.
Pour nous relever, il faut autre
chose qu'une dictature quelle qu'elle
soit, fût-elle pure à son origine, et
quand même il viendrait un de ces
hommes qui apparaissent dans, les
peuples comme des envoyés extraor
dinaires de Dieu. Nul homme ne peut
rien tout seul. A relever tout un peu
ple, aucune main ne suffit. Il faut
l'effort de ce peuplé lui-même ; un
effort unanime, ordonné, persévérant.
Il faut quelque chose que l'anarchie
ne peut produire, que la dictature ne
peut imposer. L'anarchie a usé aussi
la dictature, elle en a ruiné l'élément.
Nous ne trouverons plus de dictateur
qui ne devienne vite un faquin. Il y a
vingt ans, une illusion là-dessus pou
vait être encore possible. L'Empire et
la République ne la permettent plus..
Rien ne peut sauver le pays que le
pays lui-même, appelé à une activité
régulière et universelle. Sur certains
rivages, la mer seule peut se donner
une digne assez puissante; elle fait
cet ouvrage, s'il se trouve une
tête qui étudie le mouvement des flots
et leur livre des blocs à entasser.
Il manque en France une intelli
gence plutôt qu'une main, un lien
plutôt qu'un pouvoir, une probité plu
tôt qu'une force. C'est le contraire de
la dictature, et ce serait la constitu
tion de la République. Si nous le vou
lons, nous avons l'homme et le peu
ple, et les aspirations et les souvenirs.
La Providence nous a réservé et pré
paré tout ce qui est nécessaire à cette
rénovation.
Si la monarchie se pourra reconsti
tuer un jour, soit dans la pureté de la
conception chrétienne, soit dans la
corruption païenne où elle était tom
bée, Dieu le sait. Les apparences sont
qu'en bien il y aura mieux, qu'en mal
il y aura pire. A mon avis, la ques
tion est entre Pierre, juge et pasteur
universel des nations, ou pour mieux
dire des familles chrétiennes, et Cé
sar, maître unique du bétail humain ;
car, par une voie ou par une autre,
rien n'empêchera le monde d'aller à
l'unité, et la terre sera un bercail ou
sera un bagne. Mais ceci demeure
voilé. Dieu se réserve pour un temps
la connaissance des voies qu'il ouvre
au choix de la liberté humaine.
Au milieu des ténèbres, Dieu jette
les fondements de toutes choses,
comme si sa miséricorde voulait ôter
à la liberté humaine le funeste pou
voir de trop contrarier ses plans.
Quelques-uns pouvaient prévoir qu'en
réponse à l'orgueil de ce « siècle de
lumière », si assuré de prendre un
élan infini dans le progrès, Dieu don
nerait, que l'on pardonne l'expres
sion, un tour de clef et éteindrait le
gaz, pour travailler lui-même et ou
vrir une route où le monde n'aurait
pas eu l'intention de se porter.
Humainement, c'est invraisembla
ble. Voilà néanmoins qui est fait, avec
cette puissance et cette logique su
prême qui font soudain aboutir au
même point les efforts les plus con
tradictoires de la passion, au caprice
et de la sagesse des hommes dans
tout l'orbe de l'univers. La nouvelle
route s'ouvre inopinément sous le bé
lier des cataractes, au bruit des ton
nerres, vaste, profonde et inconnue.
Un monde finit, un monde commence,
et cette fin est une suite, et celte suite,
à certains égards, est un recommence
ment. La foule franchit ce seuil poso
depuis toujours, ouvert seulement
aujourd'hui. Elle entre, inquiète, pêle-
mêle, poussée par une force qu'elle
ignore, sans se connaître ni se dé
signer un guide, sans savoir où elle
va. Avant qu'il se forme là dedans des
princes, il se passera du temps. Von
dirait plutôt quels princes y devront
disparaître et quelles couronnes achè
veront d'y sombrer.
Cette foule qui n'a point de chef
élu, qui n'en gardera point qui existe,
et qui probablement n'en élira point
qui dure; cette foule grossissante, et
qui grossira jusqu'à ce qu'elle ait pris
les dimensions du genre humain
cette foule qui a l'instinct confus de
devenir un troupeau, c'est la démocratie
et elle va au baptême. Elle n'a pas vu
finir sa nuit, ni sa course, ni ses com
bats ; èlle n'a pas laissé tomber dans
les abîmes tout le périlleux bagage
qu'elle rêve encore de conserver. Mais
nn jour, sur la montagne, apparaîtra
le pasteur.
Il ne sera pas élu, il sera reconnu. Ce
ne sera pas un empereur d'Allemagne
ni un chef secret de la société souter
raine : ce sera Moïse, et il donnera la
loi ; ce sera Pierre, et il donnera l'a
mour; ce sera Jésus-Christ, et il don
nera la liberté. Les empereurs, les
conquérants, les chefs de secte n'au
ront fait que rompre les barrières qui
empêchaient la formation nouvelle de
l'humanité et qui la retenaient savam
ment par groupes hostiles dans les en
traves de la vieille erreur.
Ainsi se trouveront remplis tant de
pressentiments obscurs de ce siècle,
qui appellent par tant de voix discor
dantes un renouvellement de toutes
choses et leur consommation dans
l'unité. Prophéties de Balaam, faites
pour tromper ceux qui les disent et
ceux qui les écoutent, où tout est faux
et où tout se trouvera vrai ! Ils
croyaient et ils annonçaient la gloire
du règne de Pharaon, et ils ont tout
préparé pour un exode immense et in
comparable, dont le terme ne peut
être que la ruine de Pharaon et l'a
grandissement du peuple de Dieu
affranchi des idoles.
Il se peut que l'excès de nos afflic
tions et de notre décadence actuelle
produise en moi cet excès et cette fièr
vre d'espérance qui semble rendre
l'abondance de la vie aux malades dé
sespérés. En écrivant, j'entends d'une
oreille le clairon ennemi victorieux
sur nos murailles; de l'autre, ce que
dit la sédition dans la ville captive. Sur
les gémissements de Jérusalem vain
cue, j'entends dominer les chansons
lascives de Ninive et les blasphèmes
de Babylone. Je me souviens de l'or
gueil de Rome, de l'endurcissement
de son Sénat refusant le baptême. Les
barbares avaient déjà crevé les murs,
et le Sénat s'occupait encore d'assurer
la continuation des fêtes et le main
tien des dieux. Je me souviens de By-
zance et de ses docteurs qui criaient :
Plutôt le croissant ! Hier, quand la
capitulation se lisait au Journal Offi
ciel, devenu notre pilori, on lisait
aussi des affiches de spectacle, et les
comédiens français, à l'heure même
où l'ennemi entrait dans les forts,
amusaient un public prisonnier. Ils
représentaient Les Jeux de VAmour et
du Hasard. Je. sais cela, et je voudrais
ne le point savoir. Mais je sais aussi
que la prière n'est pas éteinte dans la
France, ni même dans Paris, et je ne
peux pas croire ni de la France qu'elle
veuille périr, ni de Dieu qu'il veuille
l'abandonner. Une voix me crie que
cette nation, incomparablement hu
miliée au milieu de l'abaissement mo
ral du monde, marchera en avant de
tous les peuples vers le meilleur ave
nir du genre humain, et que, comme
elle fuit la première monarchie chré
tienne, elle sera aussi, de rang et de
date, la première des nouvelles répu
bliques baptisées.
Que les révolutionnaires ne se hâ
tent point de me croire converti. Je
suis contre eux comme je l'ai été tou
jours. Dans l'ordre des idées, je n'ai
pour eux qu'un mépris absolu. Je les
regarde comme des sauvages, simple
ment susceptibles d'éducation, res
pectables en ce seul point qu'ils sont
hommes et qu'ils ont une âme immor
telle. Ma république et la leur ne sont
nullement la même chose et ne s'en
tendraient immédiatement sur rien.
Immédiatement, notre république ne
pourrait que les contenir, la leur ne
pourrait que nous tuer. La nôtre sera
établie contre la leur et la vaincra ;
sinon ils triompheront, se dévoreront
entre, eux et achèveront de périr sous
le bâton de César ou sous le pied de
quelque peuple étranger; car leur dé
mence les séparera de Dieu et ils n'au
ront plus l'Eucharistie. Finis Franciœ !
La France séparée du Christ sera plus
effacée que la Pologne et l'Irlande. Ce
ne sera pas seulement la fin, ce sera
la mort, et le chien maigre et le cha
cal qui ont habité les ruines de Baby
lone viendront hurler dans les caver
nes qui seront le reste de Paris.
Mais Dieu a fait les nations guéris
sables. La France guérira, et la Ré
publique sera son instrument. Cette
République sera implantée par le
clergé et par les restes les plus intel
ligents du parti monarchique; par elle
les révolutionnaires eux-mêmes de
viendront républicains. Les uns le
seront à cause de leur droiture natu
relle, qui leur fera reconnaître et ac
cepter la réalité saisissable de l'ordre
qu'ils cherchent dans la région des
chimères ;les autres le seront de force
en attendant l'habitude et l'éducation.
La République aura des lois qu'ils de
vront respecter. Ce caveçon maîtrisera
leur orgueil.
Ceci arrivera, parce que le canon
prussien a tué le luxe probablemen
pour longtemps, la centralisation, es
pérons-le, pour jamais. Il faut vivre
de régime, payer des dettes, relever
des murailles, rester , chez soi, s'appli
quer à produire du blé, du fer et des
hommes. Il faut répandre là vie sociale
partout pour que la patrie soit gardée
partout, et que partout elle enfante le
nécessaire et proscrive le stérile et le
Ïiérilleux. Il faut, en un mot, restituer
a France à elle-même, et qu'elle ne
soit pas une seconde fois partout meur
trie et mourante pour avoir été frap
pée en un seul point. L'unique moyen
d'obtenir ce résultat est de ressusciter
la plus grande liberté possible des
.provinces.
Le soi-disant gouvernement de la
défense nationale, sans consulter la
France, a décrété la République une
« et indivisible » et le sieur Arago l'a
écrit sur les murs avec la légende
consacrée : Liberté, égalité, frater
nité. C'était le cas d'ajouter : et la
mort ! Le privilège de la République
« indivisible » est d'être du premier
coup indivisiblement atteinte, blessée
au cœur, abattue par l'étranger ou
surprise par la dictature. Il faut faire
une République qui résiste mieux ou
au canon Krupp, ou aux torrents qui
descendent instantanément de Belle-
ville, et qui enflent tous les ruisseaux
de Paris au point de leur faire empor
ter l'indivisibilité, la République et le
reste.
Que la République donc soit établie
de façon à garantir, avant tout, et
après tout, l'indivisibilité de là France.
J'oserai dire maintenant ce que l'on
pourrait faire,non pas par un long tra
vail et dans un long avenir, mais en
quelques mots et en quelque sorte ins
tantanément,pour réaliser la Républi
que de tout le monde.
Louis Veuillot.
La suite qu'annoncent les dernières lignes
de'cet'article, où tout ce que nous voyons et
espérons est prévu, ne plut ni aux républi
cains, dont elle condamnables pratiques et
les doctrines, ni aux royalistes, car si Louis
Veuilllot y faisait appel au comte de Cham-
bord, c'était sans reconnaître le prinoipe de
la légitimité. Il voulait une démocratie
ohrétienne fortement organisée, ayant un
ohef et des institutions politiques adminis
tratives, économiques ou sociales, qui pus
sent garantir l'avenir. — « Vous faites un
rêve », lui dit-on. — « Peut-être », répon
dit-il. Mais il pensait et toujours il pensa
qu'espérer l'accord de la démooratie et non
de la révolution avec l'Eglise,- ce n'était pas
rêver. Nous reviendrons là-dessus.
Pour aujourd'hui, bornons-nous à recon
naître que le rédacteur en ohef de VUnivers
avait trop compté sur l'esprit conservateur
et l'intelligence de la olasse riche et diri
geante, en croyant que le canon prussien
l'aurait guérie de son amour du luxe, c'est-
à-dire de son matérialisme. Non, avant tout
elle veut jouir et la foule, prompte à suivre
cet exemple, veut jouir aussi ; — ce qui fi
nira par troubler très fort les jouissances
de tous. Ét oe sera justice.
E. V.
■ ; « ; ;
Avant de procéder à la discussion,
qui a lieu chaque année, sur nos
colonies en général et sur le Tonkin
en particulier (cette fois on a même
refait l'historique de nos tâtonnements
en Algérie), la Chambre a vu se pro
duire une scène courte, mais émou
vante, comme un engagement d'épées.
M. Millevoye portait à la tribune les
déclarations que M. Rochefort a faites
dans son journal, au sujet des liens
qui ont existé entre M. Clémenceau
et Cornélius Herz. Il demandait si
le gouvernement compte prendre des
mesures pour recueillir le témoi
gnage de M. Rochefort et les déclara
tions de Cornélius? Pendant que
M. Millevoye rappelait les projets d'a
près lesquels le financier cosmopolite
aurait fourni à M. Clémenceau, pour
son journal, trois ou quatre millions,
M. Déroulède a crié : « L'argent n'a
« pas été directement versé dans les
« caisses de la Justice-, il est passé des
« mains de Cornélius Herz dans
« celles de M. Clémenceau ». Articulés
d'une voix qui emplit la salle, ces
mots étaient prononcés à trois mètres
de M. Clémenceau, qui n'a fait d'au
tre mouvement que de se renverser
en arrière, la tète placée sur le dos
sier du banc. Le ministre ayant notifié
qu'il se refusait à donner aucune ré
ponse, et le président de la commis
sion d'enquête ayant dit qu'il était op
posé à l'envoi d'une délégation, l'an
cien leader de l'extrême gauche a pris
la parole pour un fait personnel.il s'est
borné à dire qu'il désirait communi
quer aux enquêteurs là comptabilité
de son journal, et qu'il se mettait sous
la protection des lois de son pays. Il a
parlé une minute, et le débat s'est
trouvé terminé ensuite ; mais l'im
pression de cet instant reste inou
bliable.
On a vu fléchir l'assurance auda
cieuse et provocante dont M. Clémen
ceau a si souvent abusé. Lui qui se
distinguait par la netteté comme par
la rapidité de l'élocution, il a presque
bredouille, pour dire une phrase ba
nale qu'il a répétée trois fois. Ce n'é
tait pas seulement une défaillance
physique ; l'esprit aussi s'est troublé,
en dépit' d'une volonté et d'un cou
rage qui n'abdiqueront pas. Voici plu
sieurs mois que M. Clémenceau appa
raît comme un homme dont tous
les ressorts sont tendus à l'ex
trême, qui vit sur une défensive
continuelle ; résolu à frapper sans
doute, mais occupé toujours à devi
ner le danger. Hier on n'aurait pas
reconnu dans M. Clémenceau l'ora
teur qui répondait avec un absolu
sang-froid aux premières attaques de
M. Déroulède. C'est ce jour-là qu'il a
fait son meilleur discours. Il était dans
son rôle de duelliste, il était sur son
terrain. Hier la fatigue s'est montrée.
On ne mène pas indéfiniment une pa
reille existence, surtout en face d'un
adversaire tel que M. Déroulède, qui a
pris, pour la circonstance, le ton et
les allures d'un exécuteur. Ce n'est pas
fini. M. Clémenceau ne se laissera pas
abattre sans assouvir sa colère ; M. Dé
roulède semble avoir une résolution
proportionnée à sa bravoure, laquelle
est inépuisable. L'attention de la
Chambre est fixée sur ce duel.
Eugène Tavbrnier.
Sous ce titre: « Un scandale au ci
metière », on écrit de Vercel au .jour
nal la Franche-Comté :
Le 4 février, une foule nombreuse ac
compagnait à sa dernière demeure un jeune
soldat do Véroel, Louis Bergier, mort pres
que subitement d'un aocès de fièvre perni
cieuse. Il avait fait, comme engagé volon
taire, toute la campagne du Dahomey. De
puis trois semaines à peine, il était rentré
dans sa famille. Par une illusion qui n'est
pas rare à son âge, Louis Bergier croyait
avoir triomphé de la fatigue et du climat.
Hélas I il rapportait une santé perdue, Ce
qui rendait l'émotion plus poignante, c'est
que sa mère avait elle-même suecombé,
îuit jours seulement avant son retour. Ils
reposent à côté l'un de l'autre.
Après les dernières prières, un gamin
universellement décrié, le fils de l'horïoger-
limonadier, délégué de la république de
Panama, du fameux Biesse enfin, s'avance
sur le bord de la fosse et commence un
discours. Surprise et indignation générale.
La famille Bergier est très religieuse, très
conservatrice remplie d'une juste horreur
pour le laïcisme et autres folies du jour.
A peine a-t-il prononcé quelques mots,
que M. le curé de Vercel, célébrant, se re
tourne et l'apostrophe en ces termes :
« Vous u'avez rien à dire ici. Vos principes
et votre passé ne vous autorisent pas à par
ler de ce soldat mort au service de la
France.
— Monsieur le curé, répondit-il, mourir
pour la France n'est pas une ingrati
tude (sic).
Comprenne qui pourra cette ânerie.
a Je proteste, reprend M. le curé, au
nom de sa famille, qui vous désavoue, que
vous insultez, e't j'invite M. Bergier père à
protester par son départ immédiat. Encore
une fois, vous n'avez aucun titre pour par
ler ici. »
M. Bergier se retira aussitôt et la foule le
suivit, écœurée de l'audace de ce jeune
personnage. Quelques écervelés et une
demi-douzaine de curieux restèrent. Lui,
Nous recevons de Rome la dépêche
suivante :
Rome, 7 février, 12 h. 45 m.
Pour l'anniversaire de la mort du Pape
Pie IX, le cardinal Parocchi a chanté la
messe à la ohapelle Sixtine.
Le Pape, qui avait très bonne mine, a
donné l'absoute ; sa voix était superbe.
Dans l'assistance on remarquait : le corps
diplomatique , l'aristocratie romaine, de
nombreux archevêques et évêques, parmi
lesquels oeux de Reims, Bordeaux, Van
nes et Angers, vingt-neuf cardinaux et
beaucoup de fidèles des deux sexes.
L'Agence Havas nous communique
les dépêches suivantes :
Rome, 6 février.
Les ambassadeurs de France, d'Autriohe-
Hongrie et de Portugal, ainsi que celui
d'Espagne, qui va arriver, et le ministre de
Bavière, ont reçu des lettres de créanoe,
leur conférant mission de féliciter le Pape
à l'oocasion de son jubilé, au aom de leurs
gouvernements respeotifs.
Les familles royales de Belgique, de Saxe
et de Roumanie se feront représenter par
des envoyés spéciaux.
Rome, 6 février.
Le Pape a adressé au P. Picard, supé
rieur général des Augustins, qui organise
le pèlerinage de Jérusalem, un bref encou
rageant le pèlerinage et désignant le cardi
nal Langénieux comme ohargé de présider
le congrès euoharistique.
Le Pape a reçu aujourd'hui le cardinal
Langénieux.
Rome, 6 février.
L'Osservatore Romano donne la liste des
diplomates qui présenteront des félicita
tions et des cadeaux au Pape à l'occasion
de son jubilé épiscopal. M. Lefebvre de
Béhaine représentera M. Carnot, le patriar
che arménien Azarian viendra de la part
du sultan ; le baron de Loë est envoyé par
l'empereur Guillaume; le baron de Milluz,
par le roi de Saxe, et le baron de Celto re
présentera le régent de Bavière.
L 'Osservatore dément les bruits répandus
psr quelques journaux que le baron de Loë
aurait reçu la mission de demander au Va
tican d'intervenir en faveur du gouverne
ment dans la question du projet de loi mi
litaire. Il affirme que la mission du baron
de Loë se borne exclusivement à l'acte de
courtoisie dont l'empereur a eu l'initiative.
sans comprendre la leçon, essaya quelques
mets ridicules et vides de sens.
Le correspondant de l'excellent
j ournal bysontin insiste dans sa con
clusion sur l'inconvenance dont a fait
preuve, en l'espèce, le manifestant
désigné ci-dessus :« Passe encore,dit-il,
d'essayer des phrases creuses sur la
tombe d'un mauvais garnement; l'ora
teur alors est digne du sujet. Mais ve
nir,contre l'assentiment d une famille,
souiller le cercueil à peine fermé d'un
soldat chrétien, qui donne sa vie pour
son pays, qui constamment a repoussé
toute liaison, toute intimité avec les
Eolissons, non ! cela n'est pas toléra*
le. Le devoir en pareil cas est de
hausser les épaules et de faire le vidé
autour des polichinellès qui cherchent
en toute circonstance une occasion de
parader mal à propos. »
On pourrait même examiner s'il n'y
a pas autre chose à faire, en pareil
cas, que de hausser les épaules et de
faire le vide autour de l'Orateur qui, à
une assistance chrétienne, prétend
imposer une harangue libre-penseuser
et charger ainsi la mémoire du mort
d'une apparence de solidarité avec des
doctrines qui ne furent jamais les
siennes. La famille aurait, sans nul
doute, en ce sens, une action quelcon
que à produire contre un acte qu'elle^
peut relever comme un véritable ou-*
trage à la réputation de l'un des siens.
D'autre part, il y aurait lieu d'en ap
peler à l'autorité de qui relève la po
lice du cimetière pour interdire et, au
besoin, pour réprimer des manifesta
tions qui constituent un véritable
trouble apporté à l'exercice de ce
qu'on est en droit de considérer
comme un acte du culte. Tel est bien,
en effet, le caractère d'un enterre
ment religieux, puisque l'Église a des
prières liturgiques pour la bénédiction
de la fosse et du terrain où sont en
terrés ceux pour qui l'on réclame ses
prières.
Ceux qui viennent jusque sur des
tombes outrager à la foi des catholi
ques, feront bien d'y réfléchir.
Auguste Roussel.
Le Nouvelliste de la Sarthe nous
donne les résultats de l'élection dont
nous avons parlé comme particulière
ment intéressante en raison de l'in
tervention d'un ancien aumônier con
tre un prêtre défroqué qui se présen
tait dans la troisième circonscription.
Cette intervention a été utile, car,
encore que produite â la dernière
heure, la candidature de M. l'abbé Lé?
veillé, 'caractérisée par le programme
que nous avons reproduit, a réuni
502 voix, tandis que l'apostat Laîné,
après une campagne ardemment me
née durant plusieurs jours, en a péni
blement récolté 380.
C'est encore trop, et il y a lieu dé
blâmer la coupable indolence de tant
d'indifférents qui se sont abstenus
au nombre de plus de 3,000, et qui,
s'ils avaient voulu secouer leur apathie,
auraient facilement amené le triom
phe de M. l'abbé Lé veillé même sur le
candidat opportuniste, qui entre au
conseil municipal avec 885 voix.
Espérons du moins que cette leçon
servira pour l'avenir.
Sur les funérailles de Madame la
duchesse de Madrid, M. de Saint-Vic
tor écrit à la Gazette de France :
Viareggio, 31 janvier.
Ce matin S. A. R. le duo de Parme est
arrivé avec don Jaime et l'archiduchesse
Léopold, qui était malade à Sohwarzaû. La
prinoesse Marie de Bourbon avait voulu
aooompagner sa cousine et rendre un der
nier hommage à son auguste tante. Demain
seulement viendra l'archiduc Léopold, quia
reçu la fatale nouvelle à Lemberg, oi il est
en garnison. Ainsi toute cette royale fa
mille désolée se trouvera réunie pour ce
dernier rendez-vous, à l'exception de Mme
la grande-duchesse de Toscane, la sœur
bien-aimée.
La mise en bière a été un spectacle dé
chirant. Le testament a été ouvert pour
savoir s'il ne contenait pas quelques indi
cations relatives aux funérailles. Madame
la duchesse de Madrid exprimait le désir
d'être enterrée dans cette ohapelle qui touche
à sa résidence et seulement si elle ne meurt
pas à une trop grande distance; puis elle
demande à ce qu'on ne couvre pas son
tombeau de fleurs et à ce qu'une aussi inu
tile dépense soit convertie en prières à faire
pour le repos de son âme. Cette disposition
peut être utilement méditée de nos jours.
1" février.
La cérémonie des funérailles a eu lieu à
11 heures. L'archevêque de Lucques est
venu donner une des cinq absoutes 1 Après
le télégramme de l'empereur d'Autriche,
arrivé le premier, il y a eu celui du Saint-
Père et, ce soir, le préfet de Lucques a fait
demander une audience à Monseigneur le
duc de Madrid pour lui remettre une lettre
du roi d'Italie.
Sur le cercueil, on voyait une touffe de
lys blancs. C'est que l'on a pas oublié quo
Madame la duchesse de Madrid était la
fille de celle quo l'on appelait jadis, en
France « Mademoiselle ! » ,
A 3 heures on a procédé à l'înhumation
dans le caveau royal, et maintenant, tout
est fini !
Le testament, ouvert oe soir, désigue
Mgr le duc de Parme comme exécuteur
testamentaire. Voilà tout ce que puis vous
dire, si je ne veux pas manquer l'heure du
courrier.
S. V.
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